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L'ANCIENNE BARONNIE DE LA ROCHE-BERNARD

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FÉODALITÉ. — HIÉRARCHIE ET PRIVILÈGES.

La plupart des seigneuries ont des origines obscures ; on ignore tout à la fois les circonstances de leur création et le nom de leur fondateur. Pour la Roche-Bernard, nous avons des indications qui laissent peu de place au doute. Le nom seul de Bernard accolé à celui de la Roche, son origine germaine nous font penser à un établissement semblable à celui de Rollon en Normandie et contemporain. Alain Barbetorte suivit, en Bretagne, la politique de Charles le Simple à l'égard des Normands ; il leur offrit quelques portions de territoire pour ôter tout prétexte à leurs rapines, et les incorpora, du même coup, dans la vaste fédération qui s'organisait en France. Nous n'avons pas besoin de charte positive ni de traité de paix pour le croire. Il est impossible, en effet, qu'au milieu du Xème siècle, Bernard se soit constitué un fief par la violence, malgré l'assentiment des princes bretons. Ni les comtes de Vannes, ni les comtes de Nantes n'eussent souffert une usurpation.

L'emplacement assigné à Bernard pour y édifier un donjon est facile à défendre ; la roche qui lui servait d'assiette est escarpée, elle domine la rivière, et constitue un poste de premier ordre pour surveiller la navigation ou arrêter les pirates qui voudraient remonter le cours de la Vilaine. Les domaines qui lui furent concédés en vassalité par le suzerain étaient immenses ; ils ne comprenaient pas moins de six paroisses, d'une étendue exceptionnelle, tellement vastes que certaines d'entre elles, comme Missillac et Assérac, ont pu être découpées plus tard en trois circonscriptions. C'est en parcourant le recueil des largesses faites aux religieux de Redon, qu'on se rend bien compte de l'omnipotence qu'exerçaient les fils de Bernard, de l'Océan aux marais de l'Isac ; ils agissent en maîtres dans toute la région et disposent du sol à Camoïl comme à Saint-Gildas, sans invoquer la moindre approbation. Les portions de territoire qui ont échappé à leur autorité au XIIème et au XIIIème siècle, sont des rétrocessions qu'ils ont bien voulu consentir à des voisins. Si nous possédions, pour l'ordre du Temple, un cartulaire aussi complet que celui de Redon, nous aurions sans doute l'explication des autres enclaves créées dans ce vaste ressort, et nous assisterions à certaines inféodations militaires dont le but évident était de répartir également les charges de l'administration.

Ce qui est moins connu, c'est la série des envahissements des officiers royaux de la sénéchaussée de Guérande ; leur mission était de saisir toutes les occasions d'amoindrir les grands fiefs, et on peut être certain qu'ils n'ont pas faibli sur ce point. Ils ont entamé les limites du territoire du côté de Drefféac et de Crossac, mais ils n'ont pu anéantir les vieilles sujétions qui, pour nous, sont les témoins des liens primitifs de vassalité. Ainsi, nous avons la preuve qu'en plein quinzième siècle, la paroisse d'Assérac, avec ses trèves de Penestin et de Camoil, contribuait aux frais de réparation de la Bretesche [Note : Voir, aux preuves publiées à la fin de cette étude, la charte portant permission de réédifier la Bretesche]. N'est-ce pas la reconnaissance la plus palpable de la haute autorité que le seigneur établi à la Roche avait toujours exercée, sur les bords de la Vilaine, dès le jour de son investiture ?

Bernard entrait donc dans le monde féodal armé d'une vaste juridiction, et se trouvait classé au rang des plus grands feudataires de la couronne de Bretagne. Il avait assez de revenus pour soutenir la dignité de baron, il n'avait pas besoin de lettres expresses d'érection ; c'est pourquoi sa terre fut toujours rangée parmi les anciennes baronnies, comme Vitré, Pont-Château, Châteaubriant, Ancenis et Retz.

Si l'on ne voit jamais les seigneurs de la Roche Bernard parés du titre de baron, dans les actes du Xème, du XIème, et même du XIIIème siècle, il ne s'ensuit pas qu'ils n'en aient pas eu toutes les prérogatives. Ils n'ont fait montre de leur rang élevé, que le jour où les terres titrées se sont multipliées. Quand Isabeau de Lohéac se démet de ses biens, en 1394, en faveur de son fils Raoul ; elle cite dans l'énumération « les baronnies de Lohéac et de la Roche Bernard ». C'est la pièce la plus ancienne où la Roche est qualifiée ainsi.

Ce qui manifeste exactement le rang du baron de la Roche dans la hiérarchie féodale, c'est la redevance qui lui est imposée dans le grand livre de l'armée ducale, rédigé en 1294 [Note : « Le seigneur de la Roche Bernard recongnut que il doit trois chevaliers d'ost, desquelz monsor Thébaud de Rochefort doit un chevalier et demy par roison de la terre d'Acerac et le seigneur de la Roche parfet l'autre demy » (Archives de la Loire-Inférieure, E 132)].

Il doit fournir trois chevaliers, avec le seigneur d'Assérac ; c'est une contribution égale à celle du seigneur d'Ancenis. En dehors des vicomtes de Pommerit, de Léon, de Rohan et du comte de la Marche, on ne voit pas un seul vassal du duc qui s'intitule autrement que seigneur, dans le recueil en question.

Les mots ont une valeur relative qui varie suivant les époques ; le terme de baron n'est pas celui qui a subi le moins de vicissitudes. Cependant, malgré les caprices de l'usage, la seigneurie de la Roche n'a pas changé d'étiquette, même dans les temps où ses possesseurs, très bien accrédités soit à la cour des ducs, soit à la cour de France, auraient pu la faire ériger en comté. Elle avait pour elle le privilège d'une haute antiquité, elle n'avait pas besoin d'autre parure dans un temps où la tradition régnait en souveraine sur les mœurs. A l'égal des vieilles familles, compagnes des premiers rois bretons, le baron de la Roche-Bernard était dispensé de produire ses parchemins. La notoriété publique le reconnaissait pour un seigneur d'ancienne extraction, c'est à-dire inféodé de temps immémorial ; elle le faisait asseoir au banc privilégié des présidents pendant les sessions des Etats de Bretagne.

Un grand seigneur ne va pas sans cortège ; il lui faut des officiers pour l'aider dans l'administration de ses terres. De même que le baron offrait au duc ses hommages, à chaque avènement, ainsi, de son côté, il recevait les serments des inférieurs auxquels il avait rétrocédé des fiefs. Ceux qui occupaient le sommet de la hiérarchie dans sa mouvance étaient les châtelains de Ranrouet et de la Roche-Hervé, deux gardiens de places fortes, placés à l'est et à l'ouest de la Bretesche, comme des sentinelles avancées pour surveiller le pays. A travers les changements qui se sont produits dans les institutions, ces deux châtellenies sont demeurées liées à la fortune féodale de la baronnie de la Roche-Bernard.

Ce n'est pas que les tentatives d'usurpation aient manqué. A la mort de François de Rieux, en 1459, le capitaine de tous les châteaux tombés en rachat au profit du duc de Bretagne s'était empressé d'en prendre possession aussitôt, comme si la place relevait directement de la couronne ducale. Jean de Laval, qui veillait sur ses droits, protesta et obtint la restitution de la capitainerie de Ranrouet [Note : Livres de la chancellerie ducale, vol. IV, fos 147-149. (Archives du département)]. En le mettant en jouissance de cette charge et des revenus de la terre pendant une année, le duc reconnaissait que le sire de la Roche en était le suzerain immédiat. Plus tard, en 1599, à la suite d'une vacance de même nature, le Roi ne fit pas difficulté de souffrir l'installation du sire de la Gargoulle, capitaine de la Bretesche, au donjon de Ranrouet (Archives du département, E 1169).

La lutte fut plus opiniâtre au moment de l'érection du marquisat d'Assérac, car la puissante famille de Rieux avait entrepris de se soustraire complètement à la dépendance de son suzerain. Le débat fut porté jusqu'au Conseil d'État qui, par un arrêt du 19 août 1687, obligea le marquis d'Assérac à respecter le code féodal et à reporter les aveux de la châtellenie de Ranrouet aux assises de la Roche-Bernard, comme par le passé [Note : Terrier de la sénéchaussée de Guérande, vol. III, f° 1364. (Arch. du département, série B.)].

Le fisc donnait d'une main et reprenait de l'autre. On remarque en effet qu'au moment de la réformation des domaines royaux, en 1678, il était parvenu à entamer l'unité féodale de la baronnie. Il entrait dans les plans politiques de nos Rois d'amoindrir le plus possible l'influence des grands feudataires et de les remplacer par des courtisans moins turbulents, pour lesquels ils refaisaient des marquisats et des duchés. D'un côté, ils laissèrent grandir les seigneurs d'Assérac jusqu'à s'emparer des territoires situés à l'ouest d'Herbignac, de l'autre ils accueillaient les du Cambout, seigneurs de Coislin, quand ceux-ci demandèrent, en 1634, à devenir marquis de Coislin, en réunissant les deux baronnies de Pont-Château et de la Roche-Bernard [Note : Ces lettres ne furent enregistrées à la Chambre des Comptes qu'en 1661. Livre des Mandements royaux, vol. XXXI. (Archives du département)]. Cette fusion, il est vrai, n'amoindrissait personne, puisque ces domaines seigneuriaux étaient dans la même main ; elle créait seulement un échelon de plus dans la hiérarchie féodale. L'annexion était plus nominale que réelle, elle laissait subsister les prééminences consacrées par l'usage, et ne modifiait en rien les vieilles coutumes. Quand M. de Boisgelin présidait l'ordre de la Noblesse aux Etats de Bretagne, il se targuait non pas de son marquisat de Cucé, mais de son titre de baron de la Roche-Bernard.

Les Laval, barons de la Roche, avaient pris leurs précautions pour rester de puissants seigneurs, malgré les combinaisons politiques de l'autorité suzeraine. Pendant qu'ils perdaient la mouvance directe de Beaubois en Drefféac, de la Grée-Nevet en Nivillac, de Faugaret en Assérac, ils acquéraient ailleurs une foule de fiefs qui leur donnèrent pied dans dix-sept paroisses nouvelles, et portèrent le nom de la Roche jusqu'aux limites orientales du Comté Nantais. Il n'y a pas longtemps qu'on voyait les armes des Laval sculptées sur le vieux porche de Saint-Julien-de-Vouvantes qu'on a démoli. Les fiefs en l'air, qu'on nommait la baronnie de la Roche en Savenay et la baronnie de la Roche en Nort, n'étaient pas autre chose que des annexes de la grande baronnie dont nous parlons. Dans un aveu de 1462, le comte Guy de Laval déclare que le baron de la Roche-Bernard a des fiefs dans les paroisses de Savenay, de Malville, de Bouée, de Cordemais, de Nort, de Nozay, de Saint-Aubin, de Saint-Vincent-des-Landes, de Louisfer, de Soudan, de Saint-Julien-de-Vouvantes, de Vritz, du Pin, de Maumusson, d'Anetz, de Roche-Mentru et de Saint-Erblon [Note : Aveux de la sénéchaussée de Nantes. (Arch. dép B. Ch. des comptes, liasse de la Roche)].

On peut affirmer que, dès le XIème siècle, la seigneurie de la Roche-Bernard était organisée de la même manière que les autres fiefs bretons ; elle avait ses vassaux nobles et roturiers, et toute la série des officiers qui assistaient le suzerain. La facilité avec laquelle les Barbares du Nord prirent les habitudes de la vie régulière est surprenante. Encadrés dans le mécanisme du système féodal, ils marchent du même pas que tous leurs voisins. Sous les petits-fils de Bernard, la police des chemins est assurée ; il existe des fonctions de voyers qui sont exercées par Normand et Daniel eux-mêmes [Note : « Qui et ejusdem castri vicarii esse jure hereditario dinoscuntur. » Acte de 1095. (Cartulaire de Redon, p. 314)]. On perçoit un droit de circulation sur les chaussées que les chartes du XIème siècle appellent calciamentum, et qui sert sans doute à les entretenir. La police champêtre ou rurale est productive à cause des amendes ; elle est organisée et se nomme cotagium (Histoire de Bretagne, D. Morice, t. I, col. 495). La récolte du froment est taxée d'un droit appelé frumentagium, comme l'élevage des moutons est frappé du droit de multonagium.

Dès que les terres roturières furent baillées à cens et à rente, et que les redevances féodales furent fixées pour chaque tenancier, la charge de sergent féodé fut attachée à la terre de Condest, c'est-à-dire que tous les seigneurs de Condest successifs furent chargés à perpétuité de la recette des taxes roturières et foncières et de la contrainte qu'entraînait le recouvrement.

Le baron de la Roche-Bernard, à raison de sa dignité, tenait parmi ses prérogatives celle de la haute justice, c'est-à dire de la justice à sang ; il pouvait instruire et juger le procès de tous les crimes qui se commettaient dans l'étendue de ses domaines et infliger le dernier supplice. Ses fourches patibulaires à six poteaux se dressaient menaçantes au carrefour le plus fréquenté. Les seigneurs de Ranrouet, de la Haie-Eder, de Téhillac et de la Roche-Hervé l'aidaient dans l'exercice de ces hautes fonctions judiciaires, chacun dans leur région. Celui de Cadouzan était tenu de fournir les exécuteurs des sentences criminelles, et la pendaison était infligée au lieu dit les Garennes, près de la Roche-Bernard [Note : La capitainerie du château de la Bretesche a passé dans plusieurs mains. Voici les noms qui se rencontrent dans les registres paroissiaux : après Le Pennec et J. Bussu de la Gargoulle, Fr. de Lesquen, sieur de la Duchais et du Plessis-Casso, commandait la place en 1622, — Fr. Le Sigon, sieur des Haies, en 1623, — P. Jacques, seigneur de Saint-Marcel, en 167].

En vertu de son droit de police, le baron réglementait l'usage de la Grande-Brière dans toute sa partie septentrionale, entre la fontaine de Kerlan, la douve de Hocquart, le chêne de Pandille, l'île Olivaud et Crevy ; il ne permettait de faucher et de couper la tourbe qu'après le 22 juillet, en payant cinq sous par faux pour toute la saison, et deux sous six deniers par faucille. Les habitants de Missillac étaient exempts de cette taxe, parce qu'ils devaient des corvées au château.

En sa qualité de suzerain, il exerçait le droit de bris sur tous les navires qui échouaient sur la Vilaine et sur les marchandises qui en provenaient, comme d'autres sur les rivages de la mer. Le jour du Mardi gras, le dernier marié fournissait une soule ou pelotte, et les garçons étaient obligés de la poursuivre et de se la disputer, sous peine d'amende. C'était un jeu seigneurial qui n'était pas autorisé sur tous les domaines. Le jour de la Saint-Étienne, on courait la quintaine, non pas sur terre, mais en bateau sur la Vilaine, en présence des officiers de la baronnie, qui obligeaient tous les jeunes mariés de l'année à se présenter. Suivant la règle, il fallait rompre une lance contre un écusson de bois, ou se racheter par une forte amende. Les religieux de Prières, comme propriétaires du bac de passage, étaient tenus, par un arrêt du Parlement du 20 juillet 1677, de fournir un bateau garni de six avirons et monté de six hommes (Terrier de la réformation des Domaines de 1680. (Arch. dép., série B)).

Le droit de chasse prohibitive sur ses domaines était encore une des prérogatives du baron de la Roche, qui en partageait les avantages avec les seigneurs de Ranrouet et de la Roche-Hervé. Le premier poursuivait ses bêtes jusqu'au Martinet, et non au delà ; le second ne pouvait chasser que deux bêtes, une noire et une fauve, dans ses bois, et encore il devait appeler le capitaine de la Bretesche et les officiers de la maîtrise.

Le tableau suivant complétera la physionomie féodale de la baronnie.

FIEFS ET SEIGNEURIES DE LA MOUVANCE DE LA BARONNIE DE LA ROCHE-BERNARD.

Nivillac : Boceret. Bodeuc. Bois-Gervais (le). Bot (le). Bozeron. Condest. Lourmois. Roz.
Sauvagère (la). Ville-Aubin (la).

Missillac et Chapelle des Marais : Bois-Marqué (le). Chauvellière (la). Couëmeur. Haie-Eder (la). Haie-de-Ros (la). Islac. Marais (les). Mâtinais (la). Roche-Hervé (la). Rollieu. Téhillac.

Saint-Dolay : Cadouzan. Clio (le).  Fresnaie (la). Plessis (le).

Herbignac et Ferel : Coetcastel. Kerdavy. Kerrobert. Kerolivier. Ranrouet.

Camoil : Lestin. Quermadeu.

Crossac : Belesbat.

Sévérac : Cour (la).

Drefféac : Beaubois.

REVENUS FÉODAUX DES BARONS DE LA ROCHE-BERNARD.

Droit de billot sur les débitants de vin. Mesurage des blés. Droit de gîte avec chevaux. Épaves des abeilles. Fauchage des landes de la forêt. Corvées de deux jours. Droits de panage sur les porcs en forêt. Fenêtres à bécasses. Droit de ban et étanche sur la vente du vin en détail pendant quarante jours [Note : Le baron abandonna son droit de ban au XVème siècle pour la somme de onze livres. Il s'exerçait pendant quarante jours à partir de l'Ascension]. Droit de plesse tous les samedis de carême autour des douves et du jardin de la Bretêche. Bac de passage du port aux gerbes. Bac du passage de la Vilaine [Note : Les religieux de Prières affermaient ce passage pour trente-cinq sous au XVème siècle]. Droits de méage ou de navigation. Coutumes des foires et marchés [Note : La foire de la Saint-Michel fut concédée en août 1625]. Ferme des prés salés de Saint-Dolay. Ferme des marais d'Amayun. Ferme des fresches de la garenne. Ferme des joncs et herbes des étangs. Ferme des moulins à drap et à blé de la Bretesche, de Roho, du Flo et de Pontmena. Amendes de justice. Successions de bâtards. Sceaux et clergie.

(L. Maître).

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