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Aumôneries de Saint-Julien

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Aumôneries de Saint-Julien du comté et diocèse de Nantes.

Avant de parler des aumôneries qui ont été placées sous l’invocation de saint Julien, il y a une question préalable qui s’impose à nous et que le lecteur ne manquerait pas de nous adresser si nous cherchions à l’éviter. C’est celle-ci : quel est le saint Julien qui a été adopté de préférence dans le diocèse de Nantes ?. Il y a saint Julien du Mans, évêque ; il y a saint Julien le pauvre de Rome, saint Julien d'Antioche, saint Julien de Brioude, saint Julien l'hospitalier, de la Légende dorée [Note : La Légende dorée est un recueil de vies de saints publié au XVIème siècle par le dominicain J. de Voragine. Il y a une édition en 2 vol. in-12, de 1843. Paris]. Lequel a été choisi pour patron des voyageurs et des infirmes ?.

J’avoue que je serais très-embarrassé pour me prononcer si personne avant moi n’avait tenté de percer ce mystère ; mais il y a un document capital qui me semble bien fait pour dissiper toutes les incertitudes, du moins en ce qui touche le saint Julien honoré dans notre pays, c’est la relation de l’abbé Desprez, recteur de Saint-Julien de Vouvantes. Ce vénérable prêtre, qui vivait au commencement du XVIIIème siècle dernier, était un zélé conservateur des traditions religieuses.

Il s’affligeait, de voir que la statue de Saint-Julien, autrefois entourée des hommages d’une foule innombrable de pèlerins qui venaient chaque année prier dans son église, était de son temps délaissée, et afin de ranimer cette dévotion, il entreprit des recherches très instructives pour nous, car elles renouent la chaîne des faits à une époque où il était encore facile de recueillir des informations sérieuses. Par les renseignements qui lui arrivèrent de différents côtés, il fut amené à penser que saint Julien de Vouvantes était le même que saint Julien de Brioude [Note : Voyez le manuscrit de 1720 conservé au presbytère de Saint-Julien-de-Vouvantes]. Sa conviction était telle, qu’il n’hésita pas à faire le voyage d'Auvergne pour s’éclairer davantage en contrôlant les témoignages, et quand il eut conversé avec les chanoines de Saint-Julien de Brioude, il obtint la faveur d’emporter des reliques de ce saint pour sa paroisse.

Toutes les circonstances du voyage sont relatées dans un manuscrit conservé au presbytère de Vouvantes. Bien que l’abbé Desprez ne se soit pas livré à une enquête régulière, son récit est empreint d’une telle bonne foi et son désir de connaître la vérité paraît si sincère, que, pour ma part, je me sens tout disposé à lui pardonner ce défaut de forme. On ne peut pas alléguer que les documents lui manquaient pour guider sa critique : les vitraux, les peintures ou les tableaux, les ex-voto, les attributs du saint, ne pouvaient-ils pas lui fournir des termes de comparaison ?.

M. Hucher, le célèbre numismate du Mans, qui recueille avec tant de soin les pièces métalliques, a trouvé des enseignes de pèlerinage au nom d’un saint Julien, qui est précisément le nôtre, comme l’a démontré sans réplique M. Bizeul [Note : Il était facile de prouver que le pèlerinage de Saint-Julien était bien dans le diocèse de Nantes et non en Poitou, à Vouvent, puisque l’église de cette dernière paroisse est sous le vocable de Notre-Dame. (Revue des provinces de l'Ouest, t. VI, p. 5)]. Les pèlerins de tous les temps se ressemblent : ceux d’autrefois emportaient avec eux des médailles, comme ceux d’aujourd’hui, en souvenir des sanctuaires qu’ils avaient visités. La médaille qui se frappait pour être vendue à Saint-Julien-de-Vouvantes était, suivant la description de M. Hucher, « une plaque de plomb circulaire pourvue à l’envers d’un annelet destiné à la fixer à l’habit. C’est littéralement un grand bouton. Au centre, un chevalier armé de toutes pièces portant la croix sur son armure et sur le pennon de sa lance. A la circonférence, la légende : Sainct Julian de Vovant. (Bulletin monumental de M. de Caumont, 1853, p. 505) … La dévotion de saint Julien, fort répandue au XVème siècle, a donné naissance à un grand nombre d’images de ce saint ; nous en connaissons en émail et en verre peint. Voici une enseigne portant tous les caractères de, la fin du XVème siècle, qui consacre le souvenir d’un pèlerinage accompli à cette époque ».

Les traits sous lesquels notre saint est représenté sur cette médaille, sont conformes à ce que nous savons de sa vie. Il est dit dans ses biographies que saint Julien de Brioude descendait de l’une des principales familles de Vienne, en Dauphiné, et qu’il se sanctifia dans la profession des armes [Note : Voyez dans les Bollandistes, au 28 août, deux récits anonymes]. Dioclétien ayant ordonné de persécuter les chrétiens, il s’enfuit en Auvergne dans l’espoir d’y être utile à la foi qu’il avait embrassée. Il se signala, en effet, par ses bons exemples et son zèle à encourager tous ceux qui avaient à souffrir quelque vexation. Forcé de se cacher pour se dérober lui-même aux poursuites des persécuteurs, il accepta un refuge dans la maison d’une veuve, dit un auteur, chez deux vieillards, dit un autre ; mais dès qu’il apprit que ses protecteurs étaient menacés de mort s’il était trouvé chez eux, il aima mieux se dénoncer lui-même à ses ennemis que de les compromettre. Il fut décapité à Brioude vers l’an 304.

Les miracles qui s’opérèrent sur son tombeau contribuèrent à la célébrité de son nom encore bien plus que cette délicatesse de sentiments envers ses hôtes et cette intrépidité devant la certitude du martyre. Les saints vraiment populaires du moyen-âge sont ceux qu’on nomme secourables, ceux qui pendant leur vie ont assisté les affligés ou guéri des malades après leur mort par leur intercession. Autour du tombeau de saint Julien de Brioude, dit Grégoire de Tours, on a vu guérir des paralytiques, des aveugles, des fiévreux, des fous, et on cite même un prisonnier condamné à mort qu’il aurait délivré de ses chaînes à la prière de sa femme (Bollandistes, 28 août). Les populations n’ont pas oublié ces bienfaits miraculeux, et partout où un autel a été élevé en l’honneur de ce saint, elles sont allées en grand nombre l’invoquer pour la guérison de la fièvre, de la paralysie ou de la cécité. Les prisonniers même osaient se recommander à saint Julien de Brioude, puisqu’on conserve encore à Saint-Julien-de-Vouvantes des menottes qui auraient appartenu à un galérien délivré par sa protection lorsqu’il passa dans cette paroisse.

Pour loger et assister tous les malheureux infirmes qui affluaient dans les églises de Saint-Julien et prolongeaient ordinairement pendant neuf jours leurs dévotions, il fallut construire des hôtelleries spéciales, des aumôneries et des hospices qui, pour beaucoup de malades, étaient la dernière étape. L’hospice, annexe indispensable de chaque chapelle, se plaçait naturellement sous le même patronage : c’est ainsi que saint Julien de Brioude est devenu un saint hospitalier [Note : Nous ferons la même observation pour la plupart des saints honorés comme hospitaliers].

Les aumôneries ouvertes aux voyageurs et les hôpitaux placés sous son invocation, tant en France qu’à l’étranger, furent innombrables. Dans le seul diocèse de Nantes, on n’en comptait pas moins de quinze.

Malgré l’éloignement, l'Armorique et l'Auvergne n’étaient pas des provinces étrangères l’une à l’autre. Cette dernière envoya au diocèse de Nantes deux apôtres qui occupèrent le siégé épiscopal dans le cours du Vème siècle ; ce sont Nonnechius et Carmondus [Note : Lettres de Sidoine Apollinaire. Voyez aussi Albert de Morlaix et la Relation des fouilles de Saint-Donatien. (Bulletin de la Société archéologique de Nantes, t. XIII)]. Ne peut-on pas supposer que ces deux prélats ont apporté à la Bretagne le culte de saint Julien, quand on sait que du temps de Grégoire de Tours le même saint avait une église à Tours, une à Paris et une autre à Reims (Historia Francorum, livre VI, chap. XVII, et livre IX, chap. VI) ?. Cette conjecture, on en conviendra, est au moins très vraisemblable. J’ajouterai, comme nouvelle preuve des bonnes relations qui, dans ces temps reculés, existaient entre les deux provinces précitées, qu’au IXème siècle les reliques de saint Lupien de Rezé furent transférées en Auvergne, quand les Normands remontèrent la Loire.

Mes interprétations, j’en conviens, ne lèvent pas toutes les obscurités et je me hâte de dire mon opinion sur un autre saint Julien dont la légende, très-populaire au moyen âge, a été colportée dans toute la France et jusqu’en Bretagne. On voit dans la belle église de Guérande, derrière le maître-autel, deux verrières de la fin du XVème siècle qui en retracent les principaux traits. Ce saint Julien, issu d’une famille noble, fut prévenu un jour de chasse, par un cerf poursuivi à outrance, qu’il était destiné par son sort à tuer son père et sa mère. Afin d’éviter un si grand malheur, il fuit le toit paternel, mais ses parents vont le rejoindre et arrivent chez lui en son absence. Sa femme les reçoit avec empressement et les invite à se reposer dans son lit. Pendant qu’elle est à l’église en prières, saint Julien revient à la maison, il cherche sa femme et croit la trouver endormie avec un séducteur. Transporté de fureur, il tire son épée et les tue tous deux. On devine la douleur qu’il éprouva quand il reconnut sa méprise : « Hélas ! malheureux, que ferais-je, car j’ai tué mon père et ma bonne mère. Adieu, ma soeur bien aimée, dit-il à son épouse, je n’aurai dorénavant aucun repos avant que je sache que N.-S. Jésus-Christ a agréé ma pénitence ».

Son épouse voulut le suivre. Alors, ils s’en allèrent ensemble près d’un grand fleuve sur le bord duquel ils fondèrent un hôpital où ils recueillaient les pauvres voyageurs après les avoir passés d’une rive sur l’autre. Pendant une nuit glaciale, saint Julien ayant trouvé un homme mourant de froid, le porta dans son lit et le recouvrit avec grand soin. Peu après, ce pauvre malade, qui paraissait lépreux, se montra resplendissant et lui dit en montant vers le ciel : « Julien, N.-S. a agréé ta pénitence, tu te reposeras bientôt dans le sein de Dieu avec ta compagne ». En effet, quelques jours après, les époux s’en allaient recevoir la récompense éternelle.

Telle est, en résumé, l’histoire qui passait de bouche en bouche au XIIIème siècle et qui a servi de texte à l’un des contes de Boccace. Cette légende étant plus merveilleuse que les autres, devait plaire davantage au peuple et se propager par là même facilement ; mais son succès ne prouve rien contre les autres récits qui, eux aussi, ont pu jouir antérieurement d’une pareille popularité. Les circonstances de temps et de lieu qui doivent faire le fonds de toute biographie manquent à celle-ci, aussi nous ne voyons pas qu’aucun recueil hagiographique sérieux lui ait ouvert ses colonnes ; la Légende dorée est le seul qui fasse mention du saint Julien qui tua son père et sa mère. La cour de Rome ne le reconnaissait pas, car elle ne l’a point inscrit sur son calendrier.

A ceux qui ne veulent rien sacrifier des croyances du passé, j’offrirai une explication qui conciliera toutes les opinions sans blesser la vérité. Il serait possible que saint Julien de Brioude étant arrivé en Auvergne avec le désir de se consacrer à des oeuvres méritoires eût fondé un hôpital et défendu le passage de l'Allier. Sa fuite hors de son pays n’étant pas clairement motivée ouvrait le champ aux conjectures, et les conteurs ont imaginé à ce propos la fable du cerf.

Quant au parricide involontaire, il est tout aussi facile à intercaler dans la vie de saint Julien de Brioude que les autres faits, puisque ses biographes très concis n’ont rien dit de la mort de ses parents.

En rapportant les deux récits au même personnage, on ne dérange en rien la chaîne des événements racontés dans les acta sanctorum des Bollandistes.

Quand on observe la situation des lieux où saint Julien a été honoré, on ne peut manquer d’être frappé par leur similitude topographique. La plupart de ses chapelles sont établies près d’un cours d’eau [Note : Comme celles de Saint-Jacques et de Saint-Nicolas]. 

De même que la collégiale de saint Julien de Brioude est voisine d’un passage de l'Allier, l’église de Saint-Julien-de-Vouvantes dans notre pays est sur une hauteur abrupte, une sorte de promontoire qui n’était pas facile à franchir à l’époque où le cours d’eau actuel avait l’étendue d’un étang [Note : Guillaume le Pieux, duc d'Aquitaine, fonda cette collégiale vers 887. (Histoire des ordres religieux, du P. Helyot, t. I, p. 250)]. Le concours d’un bac et d’une chaussée était indispensable au voyageur qui entrait en Bretagne de ce côté. Ce sommet, placé aux confins de l'Anjou et de la Bretagne, offrait une défense naturelle que les premiers conquérants du pays n’ont pas dû négliger ; s’ils ne l’ont pas fortifié, ils en ont fait le point de rencontre de plusieurs grands chemins [Note : Le grand chemin de Nantes à Saint-Julien-de-Vouvantes. Aveu de 1678. (Terrier de la réformation des domaines, vol. II, p. 345)]. Les anciennes routes de Nantes à Craon, de Rennes à Candé, de Redon à Segré, se croisaient autour du bourg de Vouvantes. Ogée, dans son Dictionnaire de Bretagne parle d’anciens murs annonçant que c’était une place de défense. Si, cette indication avait été suivie d’une exploration archéologique, on aurait sans doute découvert des substructions d’une époque très reculée comme dans tous les sites identiques.

A défaut de débris de construction, consultons les archives. Elles nous apprennent par un titre de 1104 que le nom de la localité était non pas Vouvantes comme aujourd’hui, mais Voant [Note : Ecclesia S. Juliani de Voantis. Chartes nantaises du cartulaire de Saint-Florent, publiées par M. Marchegay], contraction moins près du radical Voventes que l’orthographe moderne et cependant très reconnaissable encore [Note : Ce bourg avait le nom de ville en 1556 « une maison en la ville de Saint-Jullien ». (Archives départementales, B, 3757)]. La signification du nom est transparente. La foule de pèlerins qui venaient faire des voeux devant l’autel de Saint-Julien pour obtenir leur guérison a été si considérable dans le cours du moyen-âge, qu’elle a donné naissance au bourg. L’industrie humaine s’implante dans tous les lieux qui servent de rendez-vous. On a dit que beaucoup de villages s’étaient formés autour des granges des monastères ; on peut avancer avec plus de vérité que bien des chapelles et des aumôneries ont été la raison première de la fondation de beaucoup de paroisses. C’est un fait aussi commun en Bretagne qu’ailleurs et cette étude sur les hôpitaux en fournira de nombreux exemples.

Au commencement du XIIème siècle, les moines de Saint-Florent étaient en possession de la cure de Saint-Julien-de-Vouvantes, parce qu’ils furent sans doute les premiers aumôniers des pèlerins de ce lieu. La confirmation de l’évêque Benoît, en 1104, doit être considérée comme la reconnaissance de droits acquis par d’anciens services. Ils reçurent, au XIIème siècle, de nombreuses donations des seigneurs d'Erbrée, de Saint-Michel et de Glain, dont les titres ne disent rien malheureusement des secours qui se distribuaient aux pauvres voyageurs hébergés à Vouvantes (Chartes nantaises de l’abbaye de Saint-Florent, par M. Marchegay). Il faut que nous descendions jusqu’au XVIème siècle, pour trouver une mention formelle de l’hôpital Saint-Julien, de Vouvantes (Histoire de Nantes, de Travers). A cette époque (1550), on le trouve désigné parmi les établissements qui passèrent sous la tutelle des administrateurs de l'Hôtel-Dieu de Nantes. Suivant l’arrêt du 15 octobre 1548, les habitants furent invités à nommer les commissaires laïques auxquels ils voulaient remettre la direction de l’hôpital de Saint-Julien. L’aumônerie, condamnée d’avance à disparaître par suite du changement des moeurs, n’en continua pas moins de décliner, malgré cette modification de régime, et passa bientôt à l’état de souvenir. En 1641, les vieux bois de sa charpente furent employés à l’édification de la chapelle Sainte-Anne, qui fut élevée à cette date dans le cimetière de Vouvantes (Délibérations de la Fabrique 1641. - Archives paroissiales).

La dévotion à saint Julien ne s’éteignit cependant jamais complètement. La statue était visitée de temps en temps par des étrangers qui venaient déposer du linge devant elle au nom des malades qui se recommandaient à son intercession. Le curé prétendait que ces offrandes lui appartenaient et se les attribuait en 1670, malgré les revendications des marguilliers, qui les demandaient pour l’église. Le procès-verbal qui mentionne cette compétition ne dit pas quel fut le vainqueur (Cahier de visites du climat de Châteaubriant de 1670. - Archives du chapitre).

Les reliques de Saint-Julien de Brioude, que l’abbé Desprez rapporta d'Auvergne, vers 1712, rendirent bientôt au pèlerinage toute son antique renommée. Les Bas-Bretons furent les plus empressés à se rendre au sanctuaire de Saint-Julien-de-Vouvantes. Aux fêtes de saint Louis et de saint Julien, ils venaient au nombre de cinq à six cents, et observaient toujours le même cérémonial. Ils se mettaient en rang pour entrer dans le bourg, dit l’abbé Merel, et s’avançaient vers l’église en chantant les litanies de la Vierge [Note : Voyez le récit de l'abbé Mérel, dans l'article de M. Bizeul. - Revue des provinces de l'Ouest, t. VI, p. 15 et suivantes]. Arrivés à la grande porte du clocher, ils mettaient à l’enchère la messe du lendemain, et c’était à qui offrirait le plus fort honoraire qui s’élevait souvent à 60, 80 et même 100 fr. Celui qui avait eu l’honneur de la principale offrande, entrait le premier à l’église ; les autres le suivaient, portant sur l’épaule le bâton de pèlerin. Après la prière faite, ils s’approchaient les uns après les autres de la statue de saint Julien et déposaient sur l’autel leurs offrandes consistant en argent et un en petit sac de grain qu’ils vidaient dans une cuve placée là pour le recevoir. Ils mettaient ensuite leur chapeau au bout de leur bâton et le faisaient baiser à la statue placée sur le retable, à une hauteur qu’ils ne pouvaient toucher eux-mêmes. Une députation allait alors au presbytère, pour offrir au curé l’honoraire de la messe du lendemain ; puis ils sonnaient les cloches à toute volée, et, tous ces préliminaires terminés, ils se dispersaient dans les auberges.

Le lendemain, à 5 heures, tous arrivaient à jeun pour la messe du pèlerinage. L’office commençait par une procession, pendant laquelle tous les pèlerins se passaient la bannière de saint Julien, de cinq pas en cinq pas, afin de participer tous au même honneur. « Après la messe, ils se rendaient en silence, le chapeau à la main, aux fontaines situées à l'Est de l’église, au pied du coteau opposé, à environ un demi kilomètre. Tous approchaient de la grande fontaine, dite fontaine de Saint-Julien, et buvaient un peu d’eau qu’ils puisaient dans le creux de la main. Un certain nombre visitait aussi les deux autres fontaines, dont l’une porte le nom de Fontaine des Aveugles, et l’autre celui de Fontaine des Goutteux ; ensuite, ils se retiraient et allaient se restaurer et prendre des forces pour revenir à onze heures dans le pré de la lutte, où les attendait une foule nombreuse de curieux venus de tous les pays environnants pour être témoins d’une joute. Elle était présidée par le seigneur de la Motte-Glain, assisté de tous les autres seigneurs du pays, du clergé et des autorités judiciaires de Saint-Julien. Les lutteurs ne conservaient que la chemise et le pantalon ; ils se saisissaient au-dessus des hanches, sans se serrer corps à corps. Pour être proclamé vainqueur, il fallait en terrasser trois de suite sans tomber avec son antagoniste [Note : Le narrateur omet de dire que les Bretons s’attaquaient d’abord par la tête, comme les béliers]. Le prix de cette lutte était donné par le seigneur de la Motte-Glain. C’était ordinairement une montre et une certaine somme d’argent ; en outre, un certificat à présenter au seigneur de leur pays et qui faisait exempter le vainqueur de presque toutes les redevances seigneuriales de l’année. De plus, on déposait une couronne sur la tête du vainqueur ; on lui liait les cheveux en forme de catogan avec des rubans de différentes couleurs, et il était nommé et accepté comme chef de cette brave et religieuse troupe, pour le retour dans le pays ».

Les institutions les plus saintes dégénèrent toujours en pratiques superstitieuses, quand elles sont abandonnées au caprice des ignorants. Le pèlerinage de Saint-Julien-de-Vouvantes, après avoir été pendant des siècles le rendez-vous vénéré des malades, devint au XVIIIème siècle une assemblée tumultueuse, une sorte de carnaval religieux, une foire grotesque où le recteur, j’ai honte de le dire, se faisait le marchand des faveurs de saint Julien. A côté des barriques ouvertes au pied de la statue, pour recevoir les offrandes, « il avait soin de faire exposer au même lieu, dit un arrêt de 1775 (publié par M. Dugast-Matifeux), dans un tonneau séparé, quelques mesures de son propre grain, qu’il bénissait publiquement en grande cérémonie. Il en faisait distribuer aux pèlerins une poignée à chacun, qu’ils serroient avec soin dans leurs sacs et les faisoient toucher, ainsi que leurs chapeaux, à différentes reprises, la statue du saint qui est au maître autel, prétendant par là faire fructifier leurs semences et les préserver d’accident.

Depuis le 28 août, jour de la fête de saint Julien, tous les dimanches, jusqu’à la fin de l’automne, l’affluence des pèlerins étoit prodigieuse. Les tonneaux placés dans le sanctuaire étoient remplis et vidés dix fois dans le jour, et au temps même de l’office divin ; une file de pèlerins apportant du blé aux tonneaux du recteur, où les valets de celui-ci, enlevant ces grains, occupoient l’église : ce mouvement continuel, qui troubloit le service divin, a quelquefois occasionné des querelles qui ont eu des suites fâcheuses.

Une chaîne avec un carcan ou collier de fer est scellée à un des piliers de cette église. L’ignorance et la superstition l’ont consacrée, elle est devenue l’objet de la vénération des pèlerins. La tradition répandue parmi eux est que ce collier de fer vient d’un galérien qui, ayant fait voeu à saint Julien, fut dégagé par miracle. Tous les pèlerins se passent cette chaîne au col, donnent quelque monnoie pour offrande et se croient préservés de la fièvre pour le reste de leur vie.

Les fontaines publiques du bourg de Saint-Julien ont, dans l’opinion populaire, des vertus extraordinaires. Il suffit de s’y être plongé une fois pour être préservé de certaines maladies. La plupart des pèlerins ne s’en retourne qu’après s’être baignés dans ces fontaines dans lesquelles on puise journellement de l’eau pour boire » [Note : Tous ces détails sont relatés dans l’arrêt de 1775].

Le Parlement crut qu’il suffirait d’un arrêt comminatoire pour proscrire ces pratiques et le 19 août 1771, il défendit sous peine de 300 livres d’exposer des tonneaux dans l’église, de placer des offrandes en grains dans le sanctuaire et de faire toucher les chapeaux à la statue de saint Julien ; mais il avait compté sans la ténacité de l’abbé Jouneaux de la Baudussais qui, fâché de voir son casuel amoindri, se pourvut devant d’autres juges et obtint une sentence favorable le 22 août 1772. La cour, informée que les abus continuaient, renouvela ses défenses le 3 août 1775 et assigna le recteur devant le procureur général. A la suite d’une enquête ouverte au mois d’octobre suivant contre les réfractaires, la cour rendit au mois d’avril 1776 un nouvel arrêt qui condamnait à l’admonition et à l’amende plusieurs particuliers, avec ordre d’apporter au greffe le carcan attaché dans l’église et de signifier les défenses « dans les paroisses de Questembert, de Carnac, de Theix, de Gorvelot, de Sulniac, d'Elven, de Larré, de Rochefort et de Labry » (Revue des provinces de l'Ouest, t. VI, p. 367).

Le procureur fiscal de la Rivière, qui avait tenu la main à l’exécution de ces prescriptions, se vit gravement menacé le 28 août suivant. Assiégé dans sa maison par les pèlerins et leurs hôteliers, il fut obligé de fuir avec la maréchaussée pour échapper à leur vengeance. Les assiégeants ne se calmèrent qu’après avoir enfoncé sa porte et rétabli dans l’église les objets de leur superstition.

Sous la Restauration les Bretons continuaient de venir en voyaye à Saint-Julien-de-Vouvantes ; ils n’ont cessé de paraître en troupe que sous le règne de Louis-Philippe, quand on leur réclama des passeports. En 1858, le pèlerinage de Saint-Julien attirait encore à Vouvantes des croyants qui faisaient 10 et 15 lieues pour satisfaire leur dévotion.

Les aumôneries de Saint-Julien, qui me restent à citer, n’ont pas joui de la même célébrité, cependant elles ont rendu de grands services pendant le moyen-âge. La principale cause de leur décadence est venue de la négligence des desservants, qui ont laissé tomber les édifices lorsque la commende s’est introduite dans le clergé. Il y a des lieux écartés où la dévotion a persisté malgré l’action destructive du temps ; il y a des ruines en divers endroits où le souvenir du saint attire toujours quelques fidèles ; mais ces hermitages vénérés sont rares. Le culte de ce saint ne compte guère de partisans en dehors de Saint-Julien-de-Vouvantes et de Saint-Julien-de-Concelles.

Sur la paroisse de Saint-Julien-de-Concelles les documents précis nous manquent, je n’en suis pas moins persuadé qu’elle a pris naissance autour de l’hôpital fondé en cet endroit sous le patronage de saint Julien. Cette agglomération n’a pas plus de nom propre que Vouvantes, ce qui est toujours un indice révélateur. Concelles, qui pourrait passer au premier abord pour la désignation primitive du bourg, ne lui appartient pas plus que l’appellation du saint : c’est le nom du cours d’eau ou de la boire qui passe dans son voisinage [Note : S. Julianum cum cancella aqua. Charte de Louis le Cros de 1123, (D. Morice, Histoire de Bretagne, t. I, col. 548). Il est surprenant que les Bénédictins aient appliqué cette dénomination à Saint-Julien-de-Vouvantes, quand il était si facile de trouver sa traduction avec la liste des paroisses]. Saint-Julien-de-Concelles, à une époque qui n’est pas très éloignée, se trouvait aussi près de la Loire que Rezé, le Pellerin et Paimboeuf, et sans la levée de la Divate, ses maisons seraient encore aujourd’hui envahies par le fleuve pendant les grandes eaux. Le bourg est en face de Thouaré, dans la direction que suivaient les voyageurs qui traversaient le fleuve pour se rendre au Loroux-Bottereau. Ce n’est pas le seul trait de ressemblance qui me permet de rapprocher Concelles de Vouvantes. Ces deux églises appartenaient aux mêmes religieux, ceux de Saint-Florent ; elles sont citées l’une et l’autre dans la charte de l’évêque Robert de 1104. N’y a-t-il pas là un nouveau motif de croire qu’elles sont d’origine contemporaine et qu’elles ont eu la même destination dans leur principe ?.

Il existait en 1790 un bénéfice de Saint-Julien ayant pour temporel un canton de pré dans la prairie de Louillais que je suis tenté de prendre pour un reste de la dotation de l’ancienne aumônerie (Estimations. – Archives départementales, série Q).

A Bouguenais, l’aumônerie de Saint-Julien était placée au village des Couëts, à proximité de la route de Rezé au Pellerin et du passage de la Loire, en face de Chantenay. Les religieuses Carmélites du couvent voisin en avaient la direction.

Voici ce qu’elles déclarent en 1554 : « Et par chacun dimanches, mardys et jeudis font aulmosne commune à tous paouvres indigents qui la veulent requérir et demander audict prieuré jucques à la valleur par chascune sepmaine pour les dicts trois jours, d’ung sestier seigle mesure nantoyse. Et aux aultres jours de la sepmaine font aulmosne à tous paouvres pèlerins, passans, malades et aultres personnes indigentz, sans que personne en soyt reffuzé » (Registre des déclarations du Clergé de 1554, f°s 185-198. - Chambre des Comptes de Bretagne).

On trouve dans toutes les déclarations du prieuré, la mention de la chapelle de Saint-Julien ou du clos de vigne qui l’environnait [Note : « Le clos et la chapelle de Saint-Julien joignant le bourg des Couëts » (Ibid. f° 86). Voyez aussi le Terrier de la réformation des domaines, vol. V, p. 303 et les Estimations de la série Q. (Archives départementales)]. Quant à l’origine de la fondation, elle peut tout aussi bien remonter au monastère de Fontevristes établi aux Couëts vers 1149, par le comte Hoël, qu’à la bienfaisante duchesse Françoise d'Amboise qui s’établit au même lieu avec les filles du Carmel en 1476 (Archives départementales, série H, et Histoire de Nantes, par Travers, t. I, p. 282, t. II, p. 157).

L'île de Bouin avait, elle aussi, son aumônerie de Saint-Julien placée avec sa chapelle non loin du cimetière paroissial d’après des titres du XVème siècle. Annexée à un prieuré claustral de l’abbaye de Blanche-Couronne, elle avait reçu pour dotation 457 aires de marais, le pré de l'Aumônerie, neuf autres journaux de pré, trois hommées et quatre journaux de terre. Sa chapelle, après avoir servi de grenier de 1790 à 1864, fut rachetée par la fabrique, réparée et rendue au culte sous l’invocation de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs [Note : Documents sur l’île de Bouin, par MM. Luneau et Gallet, p. 207 et 208. 1 vol. in-8. Nantes 1874. Le Cahier de visites de 1554 indique qu’elle était en ruines].

Il est indubitable que Bourgneuf a possédé dans l’un de ses deux ports, au Collet ou à la Taillée, une chapelle de Saint-Julien. Les ruines ont disparu depuis longtemps, mais le souvenir en a été conservé par une chapellenie du même nom qui se desservait en l’église paroissiale (Notes sur les communes de l’arrondissement de Paimboeuf, par Chevas. 1 vol. in-8).

A Bouvron, la chapelle de Saint-Julien était au Sud-Ouest du bourg, au village de la Ville-Fregon, à l’endroit où la voie romaine qui allait de Savenay à Blain, rencontrait celle de Cambon. Celle de Brains était sur les terres du seigneur de Jasson, non loin de la rivière de la Chenau, en face de la chapelle Saint-Jacques, élevée par les seigneurs de Briord, sur la rive gauche, ce qui indique bien qu’il y avait là un passage fréquenté comme à Pilon (Terrier de 1678. – Archives départementales, série B).

Le voyageur qui se rendait de Blain à Fougeray, par la voie romaine, rencontrait au passage du Don, sur le territoire de Conquereuil, une chapelle de Saint-Julien qui paraissait dépendre du domaine de Pontveix. On ignore à quelle époque elle a disparu ; on sait seulement qu’au XVIIème siècle, le service religieux s’accomplissait à l’église paroissiale, sous le nom de chapellenie du Pont. La dotation du chapelain fut augmentée en 1696 par Raoul Lefèvre, à la condition qu’il enseignerait le catéchisme et qu’il tiendrait une école (Registre paroissial de 1778. – Archives de la fabrique).

Au village de la Harguenais, dans la commune de Cordemais, au carrefour formé par les anciennes routes de Savenay à Montluc et de Cordemais au Temple, on voit encore un témoin de la renommée de Saint-Julien dans le pays. Près des ruines de la chapelle, il y a une fontaine à laquelle certains malades vont puiser de l’eau avec l’espoir de recouvrer la santé par son intercession. L’emplacement se nomme le pré de la Chapelle. On ne sait qu’une chose de son passé, c’est qu’elle rapportait 51 livres à son titulaire [Note : L’estimation de 1790 ne donne que 36 livres. Le temporel comprenait 2 cantons de terre aux Bouillons un courtil, un jardin et un pré à cette époque. (Archives départementales, série Q)].

Saint-Julien de Donges était au village du Vieux-Pont, sur la route de Savenay. Son domaine se nomme aujourd’hui les Prés-Julien (Cadastre, F, 742-749).

L’ancienne cure de Fégréac établie sur le bord de l'Isac, très-loin du bourg, occupait l’emplacement d’une ancienne aumônerie de Saint-Julien dont la chapelle est à un carrefour voisin du village de Barrisset. En étudiant de près les alentours, on découvrirait sans doute un passage inconnu sur la rivière, à moins que la fondation ait été faite en vue de secourir les bateliers qui descendaient ou remontaient l'Isac.

A Frossay, les témoignages sont moins précis, mais il y a une concordance de faits très significative. Le nom de Saint-Julien s’est perpétué dans le pays par une croix renouvelée bien des fois, qui s’élève au milieu des marais dans l’île Adet, sur le bord du chemin vicinal n° 4. Suivant une légende racontée par les habitants, saint Julien, en abordant l’île Adet, aurait été mordu par une vipère dont il se débarrassa en prononçant des paroles de malédiction contre toutes les bêtes de cette espèce. Cet anathème, dit toujours la légende, eut pour effet d’exclure à tout jamais les vipères de cet endroit, puisque les couleuvres seules s’y rencontrent. Je n’ai rien à dire sur la venue de saint Julien à Frossay, j’ai seulement à faire remarquer que la chose était possible et que ce lieu était, il y a deux siècles, fréquenté par les voyageurs. L’île Adet, qui nous apparaît comme un mamelon au milieu des prairies et devient une île véritable dans les grandes eaux, avait son port au temps de Louis XIV, sur le bord de la Loire, comme le village du Migron [Note : « Le quarteron du port de l'Isle-Adet ». Terrier des domaines de 1680, vol. V, f° 241. Le lieu du Port existe encore (Archives départementales, série B)]. Je ne serais donc pas surpris si un chercheur plus heureux que moi produisait un jour un titre attestant l’existence d’une aumônerie de Saint-Julien à Frossay.

Les archives des Templiers , qui étaient possesseurs du quartron du port de l'Isle-Adet, et sans doute présentateurs du bénéfice de Saint-Julien, desservi dans l’église paroissiale, au XVIIème dissiperaient toutes les ombres, si elles nous étaient parvenues complètes.

La croix de Saint-Julien du Lac, érigée sur un plateau de la commune de Gorges voisin de la route de Nantes à Clisson par le Pallet, près du lieu dit le Magasin, indique un établissement semblable aux précédents, entouré d’une tenue inscrite au terrier de la réformation des domaines royaux en 1680.

Issé avait une chapelle de Saint-Julien, au village de Monpaix, près du Don (« Le chemin allant d'Issé à Saint-Julien » 1860. - Terrier de la sénéchaussée de Nantes, XX, 917).

Plessé avait une chapellenie de Saint-Julien, dont les barons de Fresnay se disaient fondateurs. L’édifice situé au village du Plessis, à l’endroit nommé le clos de Saint-Julien, sur la route de Guémené, n’offrait plus que des ruines dès le XVIème siècle. En 1530, le service religieux était transféré dans la chapelle de Notre-Dame de Larré [Note : Aveu de 1678. (Archives départementales, série B). Ce clos était affermé 9 sous par an, en 1530. Voyez les titres de Plessé. (Archives départementales, série G) et Archives de l’hôpital de Blain]. Ce bénéfice fut réuni à l’hôpital de Blain vers 1769, à la charge d’entretenir un maître d’école. Les dîmes qui composaient son temporel valaient, en 1790, 120 livres de rente.

Le port du Pouliguen n’est pas de formation aussi récente qu’on pourrait le croire ; il a des titres qui lui permettent de se poser en rival du Croisic. Son accès était défendu, au moyen âge, par un donjon et des retranchements dont les restes subsistent d’une façon très apparente sur le promontoire qu’on a nommé avec raison Pen-Château, la pointe du château. Le premier centre religieux se forma non pas autour de la chapelle Saint-Nicolas du Pouliguen, dont l’érection certaine est de 1626, mais autour de la chapelle Saint-Julien de Penchâteau, bien connue des baigneurs de cette côte, et dont l’architecture porte tous les caractères du XVème siècle (Liasses des paroisses. - Archives départementales, série G). Autour de ce sanctuaire s’étaient groupées beaucoup d’habitations qui avaient une apparence de petite ville, puisque les actes anciens donnent le nom de rue au chemin ouvert jusqu’au château [Note : « La rue Saint-Julian, qui conduict au château du dict lieu de Pen chasteau ». Contrat de 1563. (Archives départementales, E, 1421)]. J’ignore si les marais salants dont jouissait l’aumônier étaient de la dotation des pauvres ou affectés à son entretien (Archives départementales, E, 1421). Le droit de balisage à percevoir sur les vaisseaux entrant dans le port du Pouliguen, qui lui convenait mieux qu’à toute autre chapellenie, fut cependant attribué par les ducs de Bretagne à la chapelle de, Notre-Dame de la Blanche de Saillé. Ce revenu était encore affermé au profit de la même église au XVIIIème siècle (Bail de 1734. – Archives départementales, E, 1509).

La Roche-Bernard, paroisse d’origine récente, fondée sur le territoire de Nivillac, rive gauche de la Vilaine, possédait une chapelle avec aumônerie de Saint-Julien dans une situation bien propre à venir en aide aux voyageurs ou aux marins en détresse [Note : « In capella hospitalis Roche-Bernard ad altare B. Juliani est una capellania » (Cahier de visites de 1573, série G. Archives départementales)]. Le donjon des seigneurs de la Roche, établi en cet endroit comme une protection, à la jonction des voies romaines venant de Guérande et de Pontchâteau, montre que ce passage était fréquenté.

Le protestantisme, qui comptait beaucoup d’adhérents autour de la Roche-Bernard, causa la ruine de cette chapelle à la fin du XVIème siècle. Les habitants la revendiquèrent comme leur première église paroissiale dans les termes suivants, en 1588 : « Une autre appellée l’hospital où anciennement et de tout temps se foisoit et célébroit le service divin, auquel, comme en leur église et cimetière parrochial adjaçant la dite chapelle, s’assenibloient, les habitans de la dite ville pour ouir la messe, pour ce que l’église parochiale nommée Nyvilliac est distante et éloignée de la dite ville d’environ demie-lieue » (Titre de la collection de M. le baron de Wismes).

La chapelle de Saint-Julien, fondée sur le territoire de la paroisse de Saint-Fiacre, était dans la même situation que la précédente, à deux cents mètres d’un château nommé Coin, dont elle dépendait, près d’une rivière, la Sèvre, et d’un bac royal établi à la Ramée, pour le service de la route de Maisdon (Registre de visites du climat de Clisson de 1683, f° 71. – Archives départementales).

Le bordage de Saint-Julien, à l'Est du bourg de Sainte-Pazanne, nous marque l’endroit où s’élevait autrefois l’aumônerie de cette paroisse. En jetant les yeux sur la carte, on voit qu’elle était sur le grand chemin de Machecoul au Port-Saint-Père, à proximité aussi de celui de Bourgneuf-en-Retz. La chapelle et le terrain voisin, contenant 4 cordes, ont été aliénés par la Nation en l’an IV, comme une dépendance de la Fabrique (Aliénations et estimations. – Archives départementales, série Q). Les seigneurs d'Ardenne, ses voisins, n’étaient sans doute pas étrangers à sa fondation.

Près des frontières de l'Anjou, sur la rive droite de la Sanguèze, il existe un village nommé la Bouche-Foire, ancien tenement du couvent de la Regrippière, et des dames de Fontevrault, où s’élevaient des bâtiments que les actes de 1792 désignent comme une aumônerie avec chapelle sous l’invocation de saint Julien le martyr (Oppositions aux ventes. – Archives départementales, série Q). Selon les termes d’une déclaration de 1554, la chapelle aurait été fondée par un seigneur de Lauffrère (Registre de déclarations du clergé. – Archives départementales, série B).

A Saint-Père-en-Retz, l’aumônerie était placée trop loin de tout cours d’eau, pour qu’on puisse l’assimiler aux précédentes ; on peut cependant croire qu’elle fut ouverte aux voyageurs. Cette ville, où les antiquaires ont trouvé des bronzes de l’époque gauloise et des briques de l’époque romaine, où certains archéologues placent Ratiate, était le point de rencontre de plusieurs voies venant de Pornic, de Vue, d'Arthon, de Frossay et de Saint-Brevin, qui, au, moyen âge, étaient des routes très fréquentées (Voir au Musée archéologique de Nantes l’envoi de M. Flandrin). Il ne peut y avoir de doute sur l’origine de Saint-Julien de Saint-Père-en-Retz. Par un bonheur assez rare dans le genre de recherches que je poursuis, le nom du fondateur nous a été conservé dans un procès-verbal de visite de 1561, signé de l’archidiacre Toussaint de Laval [Note : Archives de la Fabrique. — Un aveu de 1540 nomme le fondateur Gilles Bertrand. (Archives départementales, série B]. En relatant que le prêtre Thomas Levoyer est chargé de deux messes par semaine à célébrer dans la chapelle de Saint-Julien, il ajoute que ce service religieux remonte à Pierre Bertrand, l’un des anciens seigneurs de la Briordais, qui fonda vers le milieu du XIème siècle l’antique hôpital de Saint-Julien. Les descendants ont conservé, dit M. Flandrin, le droit de présenter les titulaires jusqu’en 1790 [Note : M. Flandrin, notaire à Saint-Père-en-Retz, était un chercheur qui a remué beaucoup de titres et laissé une quantité de notes à ses héritiers].

Le calendrier patriotique, publié en 1789 à Paimboeuf, par le libraire Thibaud, ne s’égare pas quand il avance que Saint-Père-en-Retz avait un hôpital de Saint-Julien dès 1065 ; là où il est moins exact, c’est quand il parle des hospitalières de Couderie, qui le desservaient. La commanderie de Couderie, en Poitou, appartenait à l’ordre de Saint-Jean, elle ne pouvait donc pas fournir d’autres serviteurs que des frères laïques ou des chevaliers. Mathieu Aubin, Pierre Bertrand et Jean Pitard, prêtres qui furent préposés au gouvernement de cette maison hospitalière, de 1503 à 1552, prennent tous le titre d’aumôniers de Saint-Julien (Aveux de la Chambre des Comptes. – Archives départementales, série B). Les bâtiments, la chapelle, le cimetière et les jardins situés non loin de l’église paroissiale, à l’angle Sud-Ouest de la rue Saint-Julien, formaient un enclos délimité par la rue du Temple, la rue Gloriette et le chemin de Sainte-Opportune. Cet emplacement, parfaitement décrit dans le terrier de la réformation des domaines royaux de 1680, contenait une boisselée de terre. Près des trois corps de logis vers le Nord, on voyait à cette date de vieilles masures qui provenaient sans doute de l’établissement primitif (Volume VII, p. 107. - Archives départementales, série B). Devant la chapelle était un jardin de 5 sillons de terre. D’autres déclarations mentionnent comme dépendances du même temporel, un canton de terre aux quatre chemins, deux boisselées de terre et le pré Chollet, près du presbytère, et une rente de 30 sous sur la pièce de la Claveurie [Note : Aveux à la seigneurie de Tharon. (Archives départementales, E, 606). Adjudications du district de Paimbœuf, 1793. (Série Q)].

Quand les édits royaux sur la sécularisation des hôpitaux furent appliqués dans le comté nantais, la ville de Saint-Père-en-Retz reçut de la ville de Nantes l’ordre d’élire les commissaires laïques auxquels elle voulait remettre l’administration de son aumônerie de Saint-Julien (Histoire de Nantes, par l’abbé Travers). On peut assurer également qu’en 1557 les pères des pauvres de Saint-Père-en-Retz rendaient leurs comptes devant les administrateurs de l’hôpital de Nantes. M. Flandrin, qui a dépouillé tous les registres paroissiaux, fait remarquer dans ses notes que l’aumônerie recevait beaucoup de marins. Après la mention de Pierre Boivin, marin de Dieppe, qui mourut en 1622, et celle d’une femme de Vendôme qui fut inhumée en 1623, on ne rencontre plus d’admissions (Registres paroissiaux de délibérations. – Archives de la fabrique). Les fonds de l’aumônerie ont-ils été consacrés uniquement au soulagement des malades à domicile à partir de ce moment, ou l’enregistrement des entrées s’est-il fait d’une autre manière ? Je l’ignore. Ce qui est incontestable, c’est que les pauvres malades furent visités de 1630 à 1660 par un sieur Le Poullait, médecin de la Faculté de Reims, qui, en retour de ses soins gratuits, obtint une exemption d’impositions roturières et dispense des fonctions de collecteur par arrêt du Présidial du 24 juillet 1660 (Registres paroissiaux de délibérations. – Archives de la fabrique). Les trois corps de logis mentionnés dans la déclaration de 1680 citée plus haut, sembleraient indiquer que l’établissement possédait, outre sa chapelle, des salles d’infirmerie. Ces bâtiments étaient-ils en état d’être habités ? On peut en douter quand on lit dans un acte de 1760 que l’aumônerie de Saint-Père-en-Retz était « tombée en ruine de temps immémorial, » et qu’on se préoccupait alors de la rétablir.

Le chanoine Isaac-Marie Le Chauff, qui en était titulaire à cette époque, proposait d’employer un legs de la succession Bonet, auquel il ajoutait de quoi constituer un fonds de 1.200 livres, à la reconstruction d’un bâtiment qui servirait de chef-lieu. De son côté, l’évêché venait d’autoriser la réunion du légat des Doussinets, dont le temporel se composait d’une rente en nature équivalant à 34 décalitres 8 litres de froment à distribuer aux indigents. Le Parlement, saisi d’une requête présentée par l’abbé Le Chauff, conjointement avec les patrons, adopta le projet de remplacer toutes les masures en ruine par une nouvelle maison, et confirma l’ordonnance épiscopale dans les termes suivants :

Extrait des registres du Parlement.

Vu par la Cour la requête de messire Isaac-Marie Lechauff, prêtre chanoine de la collégiale de Nantes, titulaire de l’aumônerie de Saint-Julien, desservie en l’église de Saint-Père-en-Retz, et messire Charles-César Rabeau du Bois de la Motte, lieutenant des vaisseaux du roi, Louis Jannin père et garde naturel de Louis Jannin, son fils, de son mariage avec demoiselle Marguerite Jaffré, patrons de la, dite aumônerie de Saint-Julien, à cause de la terre et seigneurie de la Briordais, en Saint-Brevin, suittes et diligence de Me Louis Tournoux, avocat à la Cour, tendante pour les causes y contenues à ce qu’il plust à la Cour voir à la dite requête attachées les pièces y réferées et dattées y ayant égard et à l’exposé, attendu ce qui résulte du dépost fait par les héritiers bénéficiers du sr Bonet et par l’un des suppliants titulaire actuel de la somme de 1.200 livres entre les mains du procureur spécial des patrons de l’aumônerie de S. Jullien, pour être employée à construire à neuf un logement pour servir de chef-lieu à la ditte aumônerie et legat des Doussinets y annexée, en conséquence supprimer la chapelle et logements qu’ils joignaient, tombés en ruine de temps immémorial, même la petite maison caduque du legat des Doussinets, au surplus homologuer l’ordonnance de Monsieur l’évêque de Nantes et ordonner qu’elle serait bien et düement executtée, la dite requête signée Doré, procureur et répondue d’une soit montré au procureur général du roi par ordonnance de la Cour du 7 mars 1760, conclusions du procureur général du roi au bas de la dite requête du 8 desdits mois et an, sur ce ouy le raport de Me Guéry, conseiller doyen de la Cour et tout considéré, la Cour faisant droit sur la dite requête et conclusions du procureur général du roy a supprimé la chapelle dont est question et logements tombés en ruine, ensemble la maison du légat des Doussinets, à la charge que la somme de 1.200 livres destinée pour construire à neuf un logement pour servir de chef-lieu à la ditte aumônerie et légat des Doussinets y sera employée, à la diligence du titulaire des patrons de la dite aumônerie, dont le procureur fiscal du lieu sera tenu de certifier la Cour dans l’an. Et au surplus ordonne que l’ordonnance de l’évêque de Nantes concernant l’union et annexe du légat des Doucinets à la dite aumônerie et l’acquit du service dans l’église paroissiale de Saint-Père-en-Retz sera bien et düement executtée, et à cet effet que le présent arrest sera enregistré au greffe de la seigneurie et sur le livre des délibérations de la dite paroisse de Saint-Père-en-Retz. Fait en Parlement, à Rennes, le 10 mars 1760. Signé Le Picquet, et enregistré au Présidial de Nantes (Livre des délibérations de la paroisse de 1760, f° 60).

Cette fondation nouvelle ne répondit pas à l’attente des habitants de Saint-Père-en-Retz, car dans leur cahier de doléances rédigé en 1789, ils insérèrent un article pour demander que l’hôpital Saint-Julien fût rétabli. Leur réclamation est restée sans suite, et le patrimoine des pauvres de la paroisse est allé grossir la dotation de l’hôpital de Paimboeuf, en vertu d’un arrêté du Préfet du 20 messidor an XII.

Le port de Nantes avait aussi son aumônerie de Saint-Julien. La chapelle était l’entrée de la Fosse, à l’endroit qu’occupe aujourd’hui le jardin de la Bourse [Note : « Le pavé et rue qui conduict de la porte Saint-Nicolas à la chapelle Sainct-Jullien » (Déclarations de bénéfices de 1554, f° 30). « La rue et pavé qui conduyst de la chappelle S. Jullien au pré à l'Evesque ». (Ibid., f° 35)]. Elle fut transférée dans la rue qui porte encore son nom, quand les négociants de Nantes prirent le parti de reconstruire la salle de leurs réunions (Carton de la Bourse. – Archives municipales). Si nous en croyons Albert de Morlaix, la première église élevée à la Fosse de Nantes sous l’invocation de saint Julien, remonterait à l’évêque Didier, qui vivait de 387 à l’an 409, et s’y fit enterrer. Cette tradition ne va pas contre ce que j’ai dit au début de ce chapitre sur la renommée de saint Julien de Brioude ; elle enlèverait seulement aux évêques venus de l'Auvergne le mérite d’avoir importé son culte dans le diocèse de Nantes (L. Maître).

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