Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

Abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt.

  Retour page d'accueil       Retour page "Abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

USAGES DANS LES FORÊTS.

Comme nous venons de le voir, les forêts seigneuriales sont une précieuse ressource pour les religieuses de St-Sulpice. Elles y trouvent le bois nécessaire pour construire, restaurer, réparer leur monastère, leurs dépendances ; leurs fermes ; elles y trouvent de gras pâturages pour leurs bêtes d'aumailles, leur troupeau, la glandée dont elles engraissent leurs porcs ; elles y trouvent une abondante provision pour chauffer leurs fours, leurs cuisines, leurs salles communes, leurs chambres particulières. La bienveillance que les souverains, les grands manifestent pour leurs voisins s'explique naturellement par un échange de bons procédés. Au moyen âge, les voies de communication sont généralement mal entretenues, il devient fort difficile de transporter au loin les produits des grands domaines ; il vaut donc mieux les livrer sur place. Les riches propriétaires qui possèdent des forêts s'entendent avec leurs riverains, ils leur accordent de prendre tout ce dont ils ont besoin pour leur usage, ils leur permettent d'y faire pacager leur bétail, en se conformant à de sages règlements ; mais en retour, ils exigent certaines redevances : des corvées, des avénages ou des compensations toutes spirituelles [Note : H. Sée]. Le duc de Bretagne, qui avait établi nos Bénédictines à la limite de ses forêts, ne pouvait les oublier dans ses largesses. Pour mettre à l'abri de toutes contestations, il avait sans doute consigné dans un document écrit ses promesses et ses faveurs, qu'elles auront souvent l'occasion d'invoquer. Si chaque usager avait pu couper, tailler à merci, on aurait bientôt déploré les plus désolants ravages ; heureusement l'autorité veillait. En 1280, Philippe le Hardi rendit une ordonnance fort sage ; elle prescrivait que personne ne pouvait emporter du bois sans la permission des forestiers, seuls chargés de déterminer ce qu'on devait prendre et l'endroit où l'on devait le prendre. Elle enjoignait particulièrement à ces fonctionnaires de procurer la fourniture des usagers dans les lieux et de la façon les moins dommageables [Note : Kirwan (de), la France forestière, in-8°, 1869, Paris, Charles Douniol, 29, rue de Tournon]. Ces règlements ne tardèrent pas à être observés en Bretagne.

Pour revendiquer, exercer leurs droits, les religieuses de St-Sulpice auront besoin parfois de courage, d'énergie ; en général, elles n'en manqueront pas. En 1329, voyant que le clocher de leur église menaçait de s'écrouler sous le poids des années, elles s'adressent au débonnaire Jean III et lui demandent de leur fournir les matériaux nécessaires pour en construire un autre. Avec un à-propos diplomatique, elles lui rappellent que ses glorieux prédécesseurs ont contribué pour une large part à l'érection de la vieille tour. Comme ces moniales aiment la justice et la respectent en tout, elles avouent qu'on leur réclame le tiers de ce qu'elles vendent dans leurs bois du Fayet et ailleurs, elles se montrent disposées à satisfaire les exigences de l'administration ducale. Cette bonne foi, cette complète docilité, peut-être rare dans le monde séculier, touchent ce vertueux souverain; il leur abandonne pour le présent et l'avenir tout ce qu'elles peuvent lui devoir. Il ordonne incontinent au châtelain de St-Aubin-du-Cormier de désigner à ces pieuses femmes tout le bois que réclame la restauration projetée [Note : Cartulaire de St-Sulpice, n° VI].

Il est vraisemblable que la bienveillance que leur témoigna Jean III encouragea ces timides religieuses à lui faire quelques révélations sur la manière peu courtoise avec laquelle on les avait traitées. Les officiers de la bureaucratie forestière, hommes intransigeants, plus attachés à la lettre qu'à l'esprit de la loi, leur demandaient toujours des preuves palpables et ne daignaient jamais les croire sur parole. Cette conversation produisit le meilleur effet. Des enquêteurs furent désignés sur le champ, examinèrent tout avec soin et reconnurent que les droits des Bénédictines étaient très anciens et incontestables, appuyés sur des lettres signées par les régents du pays, et que tout cela suffisait malgré l'absence du titre original. Le sieur Pierre Delalande, châtelain de St-Aubin-du-Cormier, reçut l'ordre de ne plus inquiéter les pieuses cénobites de St-Sulpice (20 septembre 1335) [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3. — Cartulaire de St-Sulpice, n° VII]. Combien de temps, ces bonnes dames vécurent-elles en paix ? L'avertissement sérieux qu'on avait donné à leur sujet pouvait ramener le calme autour d'elles, mais les plus salutaires leçons finissent souvent par s'oublier. La communauté de St-Sulpice élevait un nombreux bétail ; comme par le passé, on envoyait les chevaux, les poulains, les juments dans la forêt, où ils trouvaient une abondante nourriture. Cette manière d'agir déplut aux forestiers, qui saisirent ces inoffensifs solipèdes et infligèrent des amendes. Après de vaines protestations, les religieuses, que les guerres avaient si cruellement affligées, adressent une plainte à la duchesse Jehanne, épouse de Charles de Blois. Celle-ci ne tarda pas à leur donner satisfaction. Elle commanda aux receveurs forestiers de St-Aubin-du-Cormier : Vallet Gandebboff des Portes et Jean de la Mothe, de surseoir à leurs vexations jusqu'à la prochaine fête de Pâques, époque où elle rendra justice à chacun (1er décembre 1348) [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3. — Cartulaire de St-Sulpice, n° IX]. Quelle décision fut prise ? Nous n'en savons rien. Bientôt de nouvelles plaintes sont formulées, les bêtes chevalines de l'abbaye de St-Sulpice ne peuvent errer, à leur guise, à travers les forêts, sans être soumises à l'amende. Comme bien on pense, les moniales goûtèrent peu cette nouvelle procédure. Elles avisent Charles de Blois de l'embarras où elles se trouvent, du préjudice qu'on leur cause. Le bon Duc, soucieux de tout ce qui touche la religion, en réfère à l'évêque et au sénéchal de Rennes, les priant de mettre ordre à cette affaire. Il souffre de savoir qu'on traîne les gens d'Eglise devant les tribunaux et qu'on les mette en grands coustaiges. Ces fameux titres qu'on leur demande, les Bénédictines ne peuvent les fournir, car elles ont dû les égarer dans l'incendie de leur monastère, si les ennemis ne les ont pas dérobés. Charles de Blois souhaite qu'on s'en tienne à l'ancien état de chose, en attendant un jugement définitif (24 juillet 1360) [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3. — Cartulaire de St-Sulpice, n° XII].

Pendant quelque temps, les gardes se montrèrent plus réservés, ils parurent reconnaître les droits de nos religieuses ; mais cette bonne entente avait disparu en 1369. Le 11 février de cette même année, Jean IV reçoit une plainte des moniales, dont on conteste plus que jamais leurs usages ; on leur refuse du bois, on leur défend d'envoyer paître dans la forêt leurs animaux domestiques, leurs haraz. Ces contestations émeuvent le souverain de Bretagne, déjà brisé par les labeurs et les pénibles impressions de la guerre. Avec une entière bonne foi, il se met en quête de la vérité et désire satisfaire tout le monde. Faisant appel aux lumières de Jean de St-Gilles, de son conseiller Guillaume Lorieul et de Perrot Nevou, receveur de Rennes, il les prie d'étudier le litige. Quelques mois plus tard, le 2 mai, après une sérieuse et diligente inquisition, ces nobles personnages déclarèrent que les religieuses de Saint-Sulpice avaient coutume, depuis un temps immémorial, de prendre par marque et montré, du bois à leurs nécesstés, d'envoyer leurs bêtes pasturer dans la forêt. Le procès était jugé, et Jean IV commanda de ne plus vexer ces estimables nonnains, de ne plus contester leurs droits, de ne plus occasionner pareilles doléances [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/3. — Cartulaire de St-Sulpice, n°s XIX et XX]. Plus d'un demi-siècle s'écoule sans que de nouvelles querelles éclatent. Mais voici qu'en l'année 1431, les religieuses veulent exploiter un bois qu'elles possèdent et qu'elles nomment le pré Auffray. C'est leur propriété, c'est leur bien ; elles ont cru pouvoir en user, comme bon leur semble. Là se trouvent de beaux arbres qu'elles font couper, vendre pour soulager leur misère. Il n'en faut pas plus pour exciter la mauvaise humeur des forestiers, qu'on a eu peut-être tort de ne pas consulter. Ils crient au vol, au scandale ; ils accusent les moniales de s'emparer du bien d'autrui, ils essayent de persuader que le pré Auffray fait partie des forêts de l'Etat. Cet horrible larcin mérite une sanction : il faut défendre aux coupables d'un pareil délit d'envoyer leur bétail dans les bois et d'y prendre leur provision habituelle. Tout ceci nous montre que les infortunées Bénédictines ont été souvent victimes des plus terribles angoisses. Nous sommes encore à l'époque de la guerre de cent ans : rappelons-nous qu'elles ont vu dans leur maison et dans leur voisinage des hordes barbares. Leur monastère a été incendié, elles ont été rançonnées, pourchassées, effrayées par les plus cruelles menaces. On s'étonne de voir les gens qui devaient les consoler, les défendre, se joindre aux ennemis pour les torturer. Et ces bois dont les seigneurs du pays leur ont concédé l'usage pour les protéger contre le besoin, deviennent pour elles une source intarissable de perpétuels soucis, d'éternelles contradictions. On croirait facilement que les forestiers de l'époque étaient affligés d'une complète anesthésie mentale : ils oubliaient tout. Il leur fallait toujours des titres bons et valides. Le 30 avril 1431, frère Pierre Gourel, comme procureur des religieuses, s'en alla trouver les officiers des eaux et forêts et leur montra nombre de lettres aussi valables les unes que les autres. Elles prouvaient à n'en pas douter que les moniales pouvaient envoyer dans les forêts autant de bêtes qu'elles le voulaient, sans en payer aucune chose, qu'elles avaient le droit d'abattre des arbres dans leurs propriétés [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3. — Cartulaire de St-Sulpice, n° XVII]. Jean V s'entremit dans ce procès ; il donna commission à l'archidiacre du Désert, à l'alloué Jean Leprestre et à Jean de Beaucé, procureur de Rennes, de trancher le différend, pour le plus grand bien des Bénédictines, fondées par ses prédécesseurs et s'employant à prier Dieu pour lui et la prospérité de sa maison (20 mai 1431) [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/12. — Bibliothèque Nationale, Me 22325, p. 214. — Cartulaire de St-Sulpice, n° XI].

Les forêts de Rennes avaient grandement souffert grâce au mauvais vouloir des usagers, elles avaient été entièrement fermées pour permettre aux taillis de se renouveler (1483-1489). Nos religieuses avaient respecté scrupuleusement, et sans se plaindre, les prohibitions qui avaient été faites. Malheureusement, leur fortune se trouvait fort limitée, elles dépensaient beaucoup pour acheter du bois de chauffage, elles consacraient la majeure partie de leurs ressources à cette acquisition et tout le monastère en souffrait, car il leur était impossible d'effectuer des réparations urgentes. Elles connaissaient l'inépuisable bonté de la duchesse Anne, elles se décidèrent à lui exposer leur pénible situation. Informée de tout, cette princesse voulut soulager la misère de ces ferventes moniales qui priaient sans cesse pour elle et la prospérité de sa famille. Non seulement elle reconnut leurs droits d'usage dans ses forêts, mais elle leur fit encore assigner une provision annuelle de 150 charretées de bois. Jamais les dames de Saint-Sulpice n'avaient rencontré pareil accueil, elles durent en témoigner leur profonde reconnaissance. Mais nous ne savons si les ordres de la bienveillante Duchesse furent fidèlement exécutés, car nous les verrons souvent dans la suite se plaindre de la misérable lésinerie avec laquelle on pourvoit à leur chauffage. Elles n'obtiendront plus la quantité que la généreuse souveraine avait fixée. Nous les verrons discuter cette question avec les officiers chargés de la surveillance des forêts et nous les entendrons parfois exprimer un profond découragement (8 mars 1489) [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3. — Cartulaire de St-Sulpice, n° II].

Pour des motifs plus ou moins spécieux, les forêts de Rennes et de St-Aubin devinrent inaccessibles, en 1513, personne n'y pouvait entrer pour jouir de droits réels ou personnels. Cette décision causa de nouveau un grave préjudice aux moniales de St-Sulpice : elles ne pouvaient se chauffer qu'à grands frais et, pendant ce temps, leur monastère ébranlé par la vétusté et les tempêtes, réclamait d'importantes réparations et les circonstances présentes ne leur permettaient pas d'y pourvoir, faute de ressources suffisantes. Après avoir attendu en vain des temps meilleurs, l'abbesse Andrée de Belloneau implora la protection du roi de France, François Ier. Avec une émotion touchante, elle lui exposa les souffrances de sa communauté et le supplia de vouloir bien leur faire rendre justice. L'auguste monarque écouta avec intérêt ces plaintes légitimes, et, le 23 avril 1516, il donna des ordres formels pour qu'on ne molestât plus les Bénédictines [Note : Cartulaire de St-Sulpice, n° XVIII]. Les forestiers firent la sourde oreille et ne voulurent entendre raison qu'après avoir traîné les religieuses devant les tribunaux. Elles durent comparaître, par procureur, en l'auditoire de la Feuillée, à Rennes, les 8 et 19 août 1516. Jean Crocq, qui représentait l'administration des eaux et forêts pour St-Aubin-du-Cormier et Liffré, reprocha à ces infortunées nonnes d'avoir, avec les religieux et religieuses de St-Melaine et St-Georges, les seigneurs du Bordage, de Tizé et de Sérigné, contribué à dégaster, dépopuler, ruiner les domaines de l'Etat. « Si ces moniales, dit-il, sont dans le besoin, n'est-ce pas leur faute ? N'ont-elles pas le bois du Fayet, mesurant deux cents arpents et planté de beaux arbres ? Tous les ans, les vents en renversent un bon nombre, qu'elles y fassent une courte visite et ils y trouveront leur provision ». Ce langage ironique et insidieux n'eût pas force de loi. Jean de Beauvoys, avocat de St-Sulpice, fit entendre sa voix autorisée, produisit des témoignages, fit valoir des droits authentiques ; les juges condamnèrent les forestiers à délivrer à Andrée de Belloneau, par marque et montre, tout le bois nécessaire ; tant pour les réparations, les vignes et le chauffage [Note : Cartulaire de St-Sulpice, n° XXVII-XXVIII].

Des temps plus heureux semblent s'annoncer pour nos malheureuses moniales. Le 20 décembre 1518, Raoul Georgerin, seigneur de la Vieuxville, tenant les plaids [Note : Séance d'un tribunal du Cange] de la cour des eaux et forêts de St-Aubin-du-Cormier et de Lifré, en présence de Jean Crocq, procureur de cette cour, décide qu'il sera montré du bois gros, menu et des pesseaux [Note : Pesseaux, échalas] à vigne, à frère Giles Charles, recteur de Sérigné, procureur de l'abbesse Andrée de Belloneau. Michel Challet, juge ordinaire des eaux et forêts, se rend au breuil [Note : Breuil, quartier] de la Sayette, en compagnie de Jean Crocq, procureur, Guillaume Roulle, receveur ordinaire, Patry de Lausnes, Jean Picquel, Jean Desbarres, officiers forestiers. Arrivé là, il désigne vingt arbres, tant chênes que fousteaux. Ces arbres doivent être marqués de deux coups de marteau, l'un par en haut, l'autre par en bas, et ne peuvent être coupés, abattus qu'en présence des officiers forestiers. Jean Challet et Patry Delausnes se chargent de surveiller cette opération. Plus tard, le 24 janvier 1519, dans la même contrée, les mêmes fonctionnaires examinent une laye [Note : Laye, division. — V. du Cange], où l'on peut trouver huit mille pesseaux à vigne. Frère Giles Charles accepte ce que l'on veut bien lui attribuer. Le 16 février 1519, nous rencontrons Raoul Georgerin, seigneur de la Vieuxville, suivi de Jean Crocq, procureur, des officiers Patry Delausnes, Jean Picquel, Jean Desbarres, Pierre Jacopin, Bertrand Godier, Jean Lebreton, aux breuils de la Pâture Végier, du Fresnay et du gué aux Larons ; il montre des bois taillables pouvant fournir dix milliers de fagots [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/3]. Les religieuses de St-Sulpice et leur procureur avaient lieu de se réjouir, les fonctionnaires de l'Etat s'étaient montrés généreux.

Dans les communautés religieuses, la fête des saints Innocents donne lieu à des réjouissances d'une saveur particulière. En ce jour, les anciens cèdent le pas aux jeunes et ceux-ci exercent, pleins d'humilité, des fonctions, des dignités qui contrastent avec leur figure juvénile et leur âge tendre. Au chœur, les novices chantent l'office, célèbrent la messe solennelle et se partagent les honneurs. C'est le règne éphémère d'un jour. A St-Sulpice, on observait cette bonne coutume. La dernière postulante ou novice devenait du premier coup abbesse et choisissait parmi ses compagnes son conseil, ses prieure, sous-prieure et les titulaires des divers offices. La petite abbesse, comme on l'appelait, chassait la tristesse de son voisinage et répandait la joie autour d'elle. Il y avait fête à l'église, au réfectoire et à la salle commune. Surtout elle défendait à l'hiver de faire sentir ses rigueurs à l'intérieur du cloître, du monastère. Il fallait donc du feu dans les cuisines, dans les chambres et partout où se réunissaient les moniales et on l'alimentait aux frais de l'Etat. Quelques jours avant, le personnel de l'abbaye se transportait dans les forêts royales, coupait du bois, sans marque ni montre, et on ramenait une charretée à six bêtes. Les gardiens, avec complaisance, prêtaient eux-mêmes main-forte pour charger cette provision. Andrée de Belloneau, pour récompenser leur bonne volonté, les conviait à manger au monastère, leur servait un copieux repas et leur donnait à chacun, 5 sols. Ces excellents forestiers goûtaient la solennité qui couronnait, comme ils le disaient, le treffeau [Note : Treffeau, bûche de Noël] de l'abbesse. Cette inoffensive coutume se perpétue jusqu'en 1523. A cette époque, des âmes timorées se scandalisèrent sans doute de voir les Bénédictines s'approprier irrégulièrement le bien de l'Etat. On leur en fit un grand crime, ce dont elles voulurent se disculper en arguant d'une ancienne pratique. Le 23 mars de cette même année, Guillaume Macé, forestier depuis quarante ans, demeurant au bourg de Liffré. Michel Berhault, charpentier, âgé de 73 ans, originaire de Romagné et domicilié à St-Sulpice, vinrent confirmer leurs assertions. Cet incident porta probablement un coup mortel au treffeau de l'abbesse, car on n'en parle plus dans la suite [Note : Arch. déport. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/3].

Une tradition presque analogue existait au prieuré de Teillay [Note : Ille-et-Vilaine], une dépendance de St-Sulpice, et on la trouve encore en usage, en 1788. La dame prieure avait droit de prendre annuellement 10 charretées de bois dans la forêt de l'endroit, avec trois chênes, tous les dix ans, mais elle devait payer aux quatre forestiers, à chaque fête de Pâques, la Pentecôte, la Tousaint et Noël, 4 sols, et leur donner, le premier jour de l'année une paire de gants. En reconnaissance de cette gracieuseté, ces hommes devaient poser le tison de Noël dans la cheminée de la cuisine [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/95].

Guy Satin était procureur du Roi en sa terre de St-Aubin-du-Cormier et de Liffré. Après avoir inspecté le domaine dont il avait la surveillance, le 2 septembre 1536, il rédigea un rapport où il accusait les usagers d'avoir commis de nombreux dégâts dans les forêts. A l'entendre, messire Regnault de Montbourcher, seigneur du Bordage, y entretient de 200 à 300 bœufs, vaches, taureaux, chevaux. Cela ne lui suffit pas : il coupe du bois, sans marque ni montre, des arbres, qu'il. vend, et depuis quinze ou vingt ans, il a causé pour plus de dix mille livres de préjudice, principalement dans le quartier de Haute-Sève. On a délivré trop de bois aux communautés de St-Georges et de St-Sulpice [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/45]. « Il est temps, s'écrie-t-il, le 16 octobre 1536, de tollir, hoster ces abus, de réprimer ces larroucins ». En terminant, il déclare que les forêts seront fermées pendant cinquante ans. Ces graves paroles firent trembler d'épouvante l'abbesse de St-Sulpice, Alizon du Pontbellanger. Par la pensée, elle voit la terre couverte de neige, elle entend et sent un vent glacial souffler sur la campagne, paralysée par un grand froid rigoureux, pénétrer dans son monastère dont les portes, les fenêtres, les toitures disjointes et mal entretenues, lui permettent l'entrée. Elle frissonne, il lui semble apercevoir ses malheureuses filles gémissant de ne pouvoir se protéger contre les rigueurs de la température et lui demandant grâce et miséricorde. Vivre sans feu, prier sans avoir de feu, pendant l'hiver, c'est une chose qui lui paraît au dessus des forces humaines. Essayant de fléchir l'inexorable procureur, elle lui rappelle que, de concert avec ses religieuses, elle recommande chaque jour à Dieu la personne du Roi et le bien du pays. Guy Satin lui répond, avec désinvolture, qu'elle pratiquera la perfection en observant les ordonnances destinées à protéger les forêts. Cette sympathique supérieure, après avoir plaidé sa cause avec chaleur, menace de quitter un couvent qui peut devenir pour elle et ses moniales un tombeau prématuré. C'est une grève de prières, qui s'annonce pour un avenir plus ou moins lointain [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/3]. L'horizon qui s'était chargé de gros nuages dût s'éclaircir, et l'orage qui avait grondé un instant n'éclata pas en pluie malfaisante. Le 27 juillet 1542, l'interdit jeté sur les forêts de St-Aubin-du-Cormier et de Liffré fut levé, Alizon du Pontbellanger osa tenter une démarche auprès des réformateurs des eaux et forêts, les suppliant de lui rendre l'usage de ses anciens droits. Ceux-ci lui répondirent avec bienveillance, sans lui observer, comme l'avait fait Guy Satin, qu'elle pourrait trouver dans son bois du Fayet une provision suffisante pour chauffer sa communauté. Ils lui accordèrent, pour l'entretien de son monastère, 36 charretées de gros bois et 2.600 fagots. Ils lui permirent en même temps d'envoyer dans les forêts 40 bêtes d'aumailles et 30 bêtes porchines, depuis la mi-août jusqu'à la Saint-André (30 novembre) [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3].

Les officiers des eaux et forêts eurent aussi de grands égards pour Jacqueline de Harcourt. Sur sa requête, ils accordèrent à l'abbaye de St-Sulpice 30 charretées de bois et trois milliers de fagots, aux taillis de la Mare-aux-Anes. Les vieux chênes et les autres arbres empirés qu'ils désignaient, étaient marqués de trois coups de marteau : deux, à la souche, et, un, au tronc. Jean Touschais, l'aîné, procureur de l'abbesse, assistait à cette opération, 27 septembre 1549 [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3].

Nous arrivons en l'année 1555, nous trouvons les forêts closes. Quelle raison avait motivé cette fermeture ? On ne le dit pas. Les Bénédictines adressent une supplique au Roi, car la privation de leurs usages dans les forêts était pour elles une époque de misère, tout le monde en souffrait. Le 11 septembre fut pour elles un jour de bonheur. René du Cambout, réformateur général des eaux et forêts, leur adjugea, pour chaque année, 30 charretées de bois mort et mort bois écorbelé, avec trois milliers de fagots. Comme par le passé, il autorise le pasturaige et pasnaige pour leurs animaux domestiques, dans les landes et les égoûts de la forêt où il permet de faucher les litières. Il promet aussi du bois pour les réparations des vieux bâtiments, mais-on devra justifier d'avance la nécessité et le bien fondé de ces restaurations [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3].

Le personnel de la communauté avait augmenté, la quantité de bois qu'on lui délivrait annuellement devenait insuffisante ; Gabriel de Morais n'hésita pas à demander 90 charretées de gros bois et six milliers de fagots (21 mai 1593). Jean de Beauvais, sieur de la Rivière, réformateur général des eaux et forêts, ne crut pas pouvoir satisfaire ces désirs ; il se contenta d'assurer la provision régulière, de confirmer les pasnaiges et pasturaiges dans les coulées, avec l'usage des glandées et pessons. L'abbesse interjeta appel et la question fut débattue à l'audience de la table de marbre, au Palais, à Rennes. Plusieurs témoins comparaissent et plaident la cause des Bénédictines. C'est d'abord Nicolas Lecorre, écuyer. Il déclare que les religieuses sont plus de 30, sans compter les novices, les servantes et les serviteurs ; elles ont cuisines, boulangerie, buanderie, maisons retirées pour les malades, des chambres à cheminées pour les anciennes religieuses, des chambres communes pour les autres, des chambres séparées pour les domestiques. Pour entretenir tous ces feux, il faut, par semaine, 4 ou 5 charretées de bois gros, menu, de glennes et buailles (bourrées). L'entretien des vignes nécessite annuellement deux milliers de pesseaux. Maître Simon du Moullin, demeurant en la ville de St-Sulpice, affirme que les deux fours consomment un millier de glennes, tous les huit jours. Julien Aulnette, sieur de Boismelaine, Michel le Jas, sieur de la Chaussée, demeurant au bourg de Chevaigné, Samuel de Montbourcher, sieur de Princé, François le Bariller, sieur du Gahil, Bertrand Poifille, sieur de Grand-Maison, confirment les premières dépositions et reconnaissent que le fonds de l'abbaye ne peut tout fournir, d'autant qu'on y a puisé largement les années précédentes, alors que la concession faite par l'administration forestière ne suffisait pas. Ces témoignages qui furent produits, le 14 août 1593, ne paraissent pas avoir eu un plein succès. Le 6 décembre de cette même année, et le 8 mars 1594, on adjugea aux moniales de St-Sulpice, 30 charretées de gros bois et trois milliers de fagots. — Ces religieuses furent plus favorisées en 1596. Victor Binet, chevalier, seigneur de Montefroy (?), réformateur général, leur accorda 80 charretées de gros bois et six milliers de fagots ; elles devaient trouver dans cette provision de quoi réparer les chapelles dédiées à St Raoul et St Aubert, les ponts de l'abbaye et les moulins dégradés (3 avril) [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/3].

L'administration forestière semble avoir continué ses bonnes grâces au monastère de St-Sulpice pendant d'assez nombreuses années. En 1603 et 1617, elle lui assigne, comme par le passé, 80 charretées de gros bois et six milliers de fagots. Le 18 juillet 1641, elle prit de nouvelles mesures pour sauvegarder les droits particuliers et publics, elle fixa pour chaque usager un certain quartier de forêt dont il pouvait jouir. Les Bénédictines eurent pour leur part un triage de 139 journaux. Défense leur était faite d'envoyer leurs troupeaux ailleurs que dans ce canton. On désignait dans ce même endroit, par marque et montre, le bois convenable pour leur chauffage. Depuis 1660 à 1663, ces religieuses reçurent annuellement environ 70 charretées. En 1664, on accusa Marguerite de Morais de manquer à ses engagements, en laissant errer son bétail à travers la forêt. Elle répondit que son triage ne lui suffisait pas pour les besoins de son monastère. On ne lui tint pas rigueur pour sa franchise, et le 22 août de la même année, on lui accorda, pour le chauffage de sa communauté, 80 charretées de gros bois et quatre milliers de fagots. Mais, grand Dieu ! quelle ne fut pas son émotion quand on vint lui annoncer que les forêts seraient fermées pour 30 ans. Elle s'écria que c'était une ruine pour elle et ses religieuses. Ne possédant qu'un petit bouquet d'arbres, elles ne pouvaient avec de si faibles ressources réparer leur cloître et leurs fermes qui menaçaient ruine, il ne leur restait plus qu'a rentrer dans leurs familles respectives. C'était la seconde menace d'une grève religieuse que la question des forêts avait suscitée grâce au ciel, elle n'eut pas de suites fâcheuses. Il est probable qu'une touchante requête fut adressée au Roi et mit un terme aux tracasseries qui poursuivaient nos moniales. Le 19 mai 1670, elles demandèrent qu'on leur rendit leurs anciens usages dans les forêts, mais nous ne savons si on écouta favorablement leur supplique [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/3].

Cependant une décision du 1er décembre 1681 nous laisse supposer que l'administration forestière n'avait point brisé avec les Bénédictines. Comme on avait oublié de leur délivrer les 80 charretées habituelles, elles réclament, et Georges le Grand des Alluets, lieutenant-général des eaux et forêts, leur fait rendre justice [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3].

Depuis longtemps, la période du moyen âge avait pris fin, les temps étaient changés. L'Etat, qui avait, pendant de longs siècles, distribué le bois et le produit des forêts aux habitants du voisinage, voulut modérer ses gratifications, aménager et défendre ses domaines qui pouvaient lui procurer de beaux revenus. Avec une habileté sage, il ne formula que graduellement ses restrictions successives. Pour que ses mesures parussent raisonnables pour tout le monde, tolérables, il accorda aux habitués, aux abonnés des forêts, des cantonnements, des triages qu'ils exploitaient en se soumettant à une surveillance légale. Si l'Etat défendait de conduire les animaux dans les forêts, il accordait de les faire paître dans les landes qui en dépendaient. S'il tolérait le pasnage des animaux domestiques dans les bois, il en limitait le nombre, en désignait l'espèce et en recommandait une bonne garde. De 1772 à 1780, on permet à nos religieuses de conduire dans les forêts, aux quartiers assignés, sous la surveillance d'un pâtre capable, 30 pièces de bétail environ, mais de ce nombre sont exclus les chèvres et les moutons. Les vaches et les bœufs seront marqués à la corne et tous ces animaux passeront seulement la journée dans les bois ; on se gardera bien aussi de les laisser divaguer au delà des limites, sous peine de confiscation [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3].

Au cours de cette étude, nous avons vu que les forêts ducales et royales avaient été fort utiles aux moniales de St-Sulpice, tout en leur causant des émotions intermitentes ; il leur fallait débattre les privilèges et les provisions en rapport avec les besoins de leur communauté. Si elles revendiquaient quelque chose, elles le faisaient avec conscience, comme si c'était un droit absolu. Et voilà que le 11 mars 1780, Thomas Estancelin, écuyer, conseiller du Roi, juge, maître particulier des eaux et forêts dans la sénéchaussée de Rennes, déclare qu'il a cherché en vain un titre original légitimant les usages qu'elles ont réclamés et réclament encore ; il paraît insinuer qu'elles ont bénéficié d'une fausse tradition [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/45]. En dépit de cet avis émanant d'un haut magistrat, l'abbaye de St-Sulpice maintint ses droits dans les forêts, et la déclaration de 1790 les consigne. Elle mentionne qu'on leur délivre chaque année 80 cordes de gros bois, de 3 pieds et demi de long, à prendre sur les lieux [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, Q. 300].

Deux prieurés jouissaient de privilèges similaires. Le monastère de St-Malo de Teillay [Note : Arrondissement de Redon (Ille-et-Vilaine)] avait dans la forêt voisine des droits qui donnèrent lieu à plusieurs contestations et transactions. La prieure y possédait à l'origine une forge grossière à fabriquer du fer, mais elle y renonça, en 1534, et reçut en échange une rente perpétuelle de 60 livres [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/96]. Depuis le 28 février 1688, on lui fournissait annuellement 10 charretées de bois dé chauffage et, tous les dix ans, 3 chênes pour les réparations du monastère. Cette religieuse jouissait pour elle et ses fermiers du droit de pacage dans toute la forêt, en se conformant à certaines mesures édictées, et du privilège d'y prendre de la fournille pour cuire le pain [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/95, 98].

La prieure de St-Samson de Thélouet [Note : Paroisse d'Iffendic (Ille-et-Vilaine)] pouvait primitivement envoyer son bétail paître dans toute la forêt de Brécilien et réclamer le bois nécessaire au chauffage et aux réparations de sa communauté. Plus tard, en 1634, le duc de la Trémoille, seigneur de Montfort, lui composa un triage et lui accorda 12 charretées de bois par an. Lorsqu'il vendit son domaine aux sieurs d'Andigné et de Farcy, il réserva, pour la prieure de St-Samson, un quartier contenant 27 journaux, appelé le bois de Lessaing qu'il lui abandonna en toute propriété [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/115].

Notre ancienne monarchie veillait avec sollicitude sur la conservation des bois, qu'ils fussent publics ou privés. Ceux qui possédaient des taillis devaient les laisser croître jusqu'à l'âge de 10 ans, et lorsqu'ils les coupaient, ils avaient ordre de laisser 16 baliveaux par arpent de 50 ares jusqu'à l'âge de 40 ans, et 10 brins jusqu'à l'âge de 120 ans. Cette ordonnance de 1669 [Note : Kirwan (de), la France forestière, opus. cit.] visait spécialement les communautés religieuses. Elles ne pouvaient toucher à un arbre sans en aviser la direction forestière. Malheur à qui voulait l'ignorer il ne tardait pas à sentir les coups de sa terrible justice. Madame de Lesquen reconnut un peu tard qu'on ne pouvait fronder impunément avec une pareille autorité ; ce fut le commencement de ses déboires. Elle avait fait abattre dans ses domaines, sans en demander préalablement la permission, des arbres pour une valeur de 1234 livres, et cet argent fut employé pour le plus grand bien de l'abbaye et de ses dépendances. Dénoncée pour ce fait, elle fut condamnée, le 25 novembre 1723, à une amende de 4938 livres [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/45].

Le bois Auffray avait brûlé deux fois en dix ans, les religieuses de St-Sulpice obtiennent de couper les vieux brandons pour établir à cette même place un bois taillis productif (29 janvier 1755) [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/12].

Elles se comportent avec la même prudence quand il s'agit de leurs prieurés : elles ne vendent des arbres et ne changent la nature des bois qu'avec une autorisation légitime [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/3, 12, 60, 73, 75, 104].

Un arrêté du 29 septembre 1693 assujétit les ecclésiastiques et les communautés à payer pour leurs bois une taxe de 10 livres par arpent. De ce fait, nos Bénédictines se virent imposées d'une somme de 2.115 livres [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/12].

Une décision du Conseil d'Etat, publiée le 22 février 1724, ordonna la visite des bois. Le sieur Busson, arpenteur et priseur royal à Fougères, fut chargé de cette besogne pour ceux que l'abbaye de St-Sulpice possédait en divers pays. Cette formalité coûta aux religieuses 10.750 livres [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/12]. Nous voyons édicter, en 1748, une mesure draconienne : on défend de mener dans les bois taillis les bestiaux, sous peine de confiscation et de 500 livres d'amende [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/12].

Nous avons entendu les Bénédictines gémir, protester contre la fermeture des forêts ; plusieurs fois elles ont menacé d'abandonner leur couvent et de cesser de prier pour des souverains, et des officiers qui les réduisaient à la misère, en leur refusant l'exercice des droits séculaires. Dans la suite, les rôles changèrent. Comme l'agriculture prenait de louables développements, les pouvoirs publics employèrent tous les moyens qui pouvaient l'encourager et conseillèrent les locations successives des terrains incultes. Les religieuses de Saint-Sulpice agréèrent cette méthode et affermèrent leurs landes qui leur assurèrent ainsi des ressources inespérées. Ce qui était utile pour les uns, devenait nuisible pour les autres. René Briant, René Bidaut et Jeanne Morice protestèrent contre l'afféagement de la lande Gautrel, en Mouazé [Note : Ille-et-Vilaine] où ils avaient droit de communer, et menacèrent de briser les enclaves. Nos bonnes moniales ne se laissèrent pas déconcerter par ces gens turbulents, elles maintinrent des locations qui leur valaient de beaux deniers ; la lande Gautrel leur procurait, en 1790, un revenu annuel de 164 livres [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 242/49, 2H2/133].

Nota Bene. — Les Religieuses de Saint-Sulpice procuraient quelques gratifications aux officiers et simples employés des forêts qui leur montraient du bois ou le gardaient quand il était coupé, comme le prouvent les passages suivants :

8 mars 1627, pour la quarte partie du dîner des officiers et simples forestiers qui ont fait la montre du bois, 4 livres.

A Boullay, forestier, pour la garde des bois adjugé : 60 sols.
9 juin 1627. — Aux forestiers qui ont marqué 40 pieds de chênes pour chauffage :

Au maître particulier et au procureur du Roi, 3 écus 1/4 ;

Au greffier, 8 livres ; à leurs serviteurs qui portent les marteaux et marquent, à chacun, 2 quarts d'écu ; à celui du greffier, 16 sols ;

A Pierre Touffes, qui a gardé les chênes, 6 livres, 8 sols.

(Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/27).

© Copyright - Tous droits réservés.