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Abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt.

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La révolution, l'exil des religieuses.

La première fois que nous aperçûmes les ruines du monastère de Saint-Sulpice, nous fûmes envahi par une profonde tristesse. Rien n'est plus lugubre que l'aspect de ces murailles chancelantes, noircies par le temps et paraissant désireuses d'abriter leur malheur derrière une végétation impudente qui ne respecte rien, pas même le sanctuaire de l'église. Le 10 septembre 1790, Louis-Marie Le Baron, administrateur du district de Rennes, après avoir fait l'inventaire du mobilier et des provisions des religieuses, ne peut s'empêcher d'exprimer son admiration pour la maison qu'elles habitent ; elle est, dit-il, solidement bâtie et capable de loger confortablement 50 à 60 personnes [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, Q. 300]. Ce couvent, veuf de ses moniales que la violence est venue lui ravir et disperser aux quatre vents du Ciel, semble encore pleurer celles qui faisaient sa gloire et l'honneur de toute la contrée. Nous allons suivre ces âmes pieuses pendant les trois dernières années qu'elles passèrent dans leur vénérable abbaye, tourmentées par les enquêtes et formalités civiles, effrayées par l'orage révolutionnaire qui montait à l'horizon et inquiètes sur la destinée que leur réservait l’avenir. D’abord, on leur demande un état estimatif de leurs biens et de leurs rentes : elles le fournissent, le 14 mai 1790 [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, Q. 300]. Leurs revenus se montent à la somme de 43.574 livres, 9 sols, 9 deniers, et leurs charges atteignent le chiftre de 22.577 livres, 18 sols, 4 deniers, sans compter leur nourriture et celle de leurs 24 domestiques [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, Q. 300].

Mais voici que, le 15 juillet de la même année, une terrifiante nouvelle leur arrive : les gens d'Ercé, conduits par le procureur de cette commune, parcourent les environs et se livrent au pillage, sous le fallacieux prétexte de rechercher les armes que de mauvais citoyens pourraient cacher. Déjà ils ont visité le Bordage, où ils ont montré peu ou point de délicatesse ; ces manants accrochent, saisissent tout ce qui se trouve à leur portée ; ils sont redoutables : ces brigands se proposent d’aller, sans tarder, pratiquer des fouilles dans la maison des nonnes de Saint-Sulpice. L'abbesse, qui se trouve indisposée, conseille à sœur du Bourg de Boisjourdan de dénoncer aussitôt le fait aux autorités de Rennes et de leur demander protection. Le 16 juillet, la municipalité d'Ercé reçoit l'ordre de mettre fin à ses perquisitions, à ses courses à travers le pays, susceptibles d'encourager le vol et de jeter le trouble dans toute la contrée [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, L 5v-13].

Le Directoire du district de Rennes désigne Louis-Marie Le Baron pour faire l'inventaire du mobilier des Bénédictines. Pour remplir cette mission, ce dernier se transporte à Saint-Sulpice, le 8 septembre 1790. Ayant demandé à l'abbesse si elle désire rester dans son monastère ou en sortir, Mme de la Garlaye lui répond avec assurance qu'elle veut vivre et mourir dans sa maison, et ses vingt-deux religieuses ne tiennent pas un autre langage [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, Q. 300]. Le 15 janvier 1791, le même Directoire fixe la pension de ces moniales. L’abbesse reçoit annuellement 2.000 livres, les religieuses de chœur, 700 livres, et les sœurs converses, 360 livres [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine. Séances du district de Rennes, 2ème registre].

A la même époque, il donne mission à MM. Leguay et Toullier de se rendre à Saint-Sulpice pour recevoir les comptes de gestion de cette communauté, pendant l'année 1790, vérifier sur les registres les dettes actives et passives, saisir les titres de propriété, les actes de constitution, les baux à ferme, les traités passés, avec les parents des filles affiliées, vérifier la valeur et l'état, des Archives, qui seront transportées au secrétariat du district. Il charge en même temps ces commissaires de former l'enclos de cette maison en désignant le terrain qui doit y demeurer annexé. Au cours de la séance, un membre de l'Assemblée observe que beaucoup de fournisseurs de l'abbaye et de simples ouvriers ont besoin d'argent. Ce serait un crime de les faire attendre plus longtemps. Comme il y a 7.609 livres dans la caisse des religieuses, ne pourrait-on pas acquitter avec ce numéraire les dettes les plus pressées ? On répond qu'on ne saurait le faire sans en demander la permission à l'Assemblée nationale [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, séances du directoire du district de Rennes, 2ème registre].

Le 27 septembre 1791, le Directoire du district de Rennes remontre que les religieuses de Saint-Sulpice ne se sont pas conformées à la loi du 14 octobre 1790, qui leur commande de choisir parmi elles, à la pluralité des voix, en présence d'un officier municipal, une supérieure et une économe. Cependant elles ne peuvent alléguer qu'elles ignoraient cette décision, puisqu'on les a déjà priées de vouloir bien remplir cette formalité. Les membres de ce Conseil décident d'en écrire à M. Cuisnier, maire de Saint-Sulpice, pour qu'il puisse stimuler ces moniales et les engager à se soumettre aux décrets de l’autorité. Si elles n'obéissent pas, elles sauront qu'on ne pourra leur délivrer le quartier de traitement qui commence au mois d'octobre prochain [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 4ème registre des séances du directoire du district de Rennes, p. 291].

Le 7 octobre de la même année, M. Cuisnier s'empressa d'écrire aux directeurs de Rennes.

« Messieurs,
Dimanche dernier, j'ai eu l'honneur de lire votre lettre concernant la communauté de Saint-Sulpice pour la nomination d'une supérieure et d'une économe. Aussitôt, je fis part de ma commission aux religieuses. Ces dames m'ont assuré n'avoir point reçu d'avertissement antécédent pour se conformer à la loi du 14 octobre 1790. Elles n'ont point refusé de s'y soumettre, mais elles m'ont demandé quel temps pour réfléchir. Aussitôt qu'elles seront décidées, je remplirai ma mission pour rapporter acte de refus ou de consentement. Je suis parfaitement, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur, CUISNIER »
.

Le même jour, les moniales accusèrent réception de l’avertissement qu'elles avaient reçu.

« Saint-Sulpice, le 7 octobre 1791.
A Messieurs les Administrateurs du Directoire et Procureur syndic du district de Rennes.

Messieurs,
Nous n'avons reçu la lettre que vous nous aves fait l'honneur de nous écrire, le 26 septembre, que le 2 courant. Je m'empresse d'y répondre avant que le temps nous ait permis de prendre aucun parti sur celui que vous nous proposez. Nous nous flattons, Messieurs, que vous ne refuserez pas tout celui qui est nécessaire à nos réflexions.
J'ai l'honneur d'être, Messieurs, votre très humble et très obéissante servante. Sœur TERMELLIEZ, Secrétaire du Chapitre »
.

Un mois plus tard, le Directoire fut obéi comme nous l'apprend tout joyeux M. Cuisnier :

« Nous, René Cuisnier, maire de la municipalité de Saint-Sulpice, nous nous sommes transporté, le 14 novembre 1791, de notre domicile au grand parloir des dames religieuses de Saint-Sulpice où nous leur avons donné lecture de la lettre qui nous a été adressée par Messieurs du Directore du district de Rennes, au commencement de la présante année. Nous leur avons représanté qu'ayant déclaré qu'elles voulaient vivre en communauté conformément aux obligations qu'elles avaient contractées dans leur profession religieuse, il était à propos que suivant les décrets de l'Assemblée nationale, elles se nommassent une supérieure et une économe.

Sur quoi les dite dames religieuses ont unanimement déclaré reconnaître et vouloir conserver, pour leur supérieure, Madame le Maître de la Garlaye, canoniquement établie, et pour économe, Madame du Bourg de Boisjourdan, nommée ci-devant par la dite dame, suivant ses droits. De plus, nous avons fait un appel nominal, sur lequel toutes et chacune ont souscrit devant nous la sus-dite déclaration, dont nous leur avons expédié un double également signé de nous.

Les dits jour et an que dessus ».

Il envoya aux membres du Directoire de Rennes cette relation avec la lettre suivante :

« Messieurs,
Voici sy inclu la commission dont vous m'aviez chargé pour les religieuses de Saint-Sulpice. Elles m’avaient demandé du temps, jut l'honneur de vous en faire part dans le temps. J’ai été fort, contemps d’elles ; je désire que vous le soyez aussi. Je vous serai bien obligé de m'accuser la réception du procès-verbal ci-joint. J'ai l’honneur d'être... CUISNIER »
[Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, Q. 300].

Les Bénédictines se montraient d'une entière bonne foi, mais le Gouvernement de l'époque n'avait pas la même loyauté et la même conscience : ce qu’il leur accordait d’une main, il semblait vouloir le leur reprendre de l'autre. Le 14 octobre 1791, le Directoire du district de Rennes fait remarquer que la capitation ordinaire de Saint-Sulpice s'est élevée, en 1790, à 202 livres 10 sols. Cette municipalité a, dans son territoire, une communauté dont les traitements réunis s’élèvent à 14.600 livres ; les religieuses payeront le 20e de leurs rentes annuelles ; c'est-à-dire, 730 livres. Cette somme devrait s'ajouter naturellement aux 202 livres qu'on a perçues l'année précédente. Mais une, réflexion s'impose, tout le monde sait que les revenus des religieuses ont été considérablement diminués, elles ne pourront plus faire du bien aux habitants, comme par le passé. Pour consoler les indigènes de l’endroit, les directeurs estiment qu'il serait opportun de réduire leur capitation à 152 livres 10 sols. Alléger le poids des impôts pour le menu peuple, rien ne paraît plus juste, mais on ne songe pas à témoigner quelque bienveillance à ces infortunées moniales qu'on a presque totalement dépouillées de leurs biens [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, séances du directoire du district de Rennes, 4ème registre, p. 351]. Bien au contraire, on les trouve encore assez riches pour les soumettre à une contribution patriotique qui sera prélevée sur leurs traitements et dont seules les converses seront exemptes. L'abbesse se voit imposée pour 136 livres, et les autres religieuses pour 47 livres chacune (27 avril 1792) [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, enregistrement des séances du directoire, t. V, 1792, p. 28].

En dépit des promesses qu'on leur avait faites, les Bénédictines de Saint-Sulpice se virent obligées de se disperser. Le 14 septembre 1792, elles furent averties qu'elles devraient évacuer leur abbaye, le 1er octobre suivant. Cette terrible nouvelle retentit à leurs oreilles comme un coup de foudre. Qu'allaient-elles devenir ? Il leur était impossible de trouver où se loger dans un si court espace de temps, et puis on était au seuil de l’hiver, à une époque qui ne permet guère de déménager. L’abbesse demande avec instance qu’on leur permette d’habiter leur communauté jusqu’au printemps et elle écrit la lettre suivante aux directeurs :

« Messieurs,
Permettez-moi de vous supplier de peser dans votre sagesse les raisons enfermées dans la requête que j'ai l’honneur de vous adresser. Je les crois de nature à nous procurer, non une exception à la loi car ce serait sans doute trop présumer, mais un délai qu'il est dans votre pouvoir de nous accorder et que l’humanité seule semble solliciter pour nous. Etrangère pour la plupart et dénuées de facilité pour nous procurer promptement un asile, rien n'égale notre embarras et notre consternation. Elle est d'autant plus grande que nous aurions osé espérer que notre conduite passée, l'éloignement et l’obscurité dans laquelle nous vivons nous auraient permis d'être, au moins, les dernières à subir la destinée qui plonge dans le deuil toutes les personnes de notre état. J'ose espérer que vous aurez égard à notre douleur et à la justice de notre demande d'autant plus volontiers qu'il paraît démontré que les intérêts de la nation n'en peuvent souffrir. Je n’en serai pas moins, jusqu'à mon dernier soupir, avec autant de respect et de reconnaissance, votre très humble servante. Madame DE LA GARLAYE, supérieure »
[Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, Q. 300].

Les membres du Directoire du district de Rennes : Toullier vice-président ; Guyot, Jourdan et Costard, touchés de compassion, leur accordent un délai d'un mois, faveur minime, que les administrateurs composant le Directoire de Rennes, refusèrent impitoyablement en déclarant que la loi serait rigoureusement appliquée [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, séances du directoire du district de Rennes, registre VI, 274].

Le 6 octobre 1792, le Directoire, après avoir entendu le sieur S..., chargea le citoyen Anger de fermer les églises paroissiales de Mouazé, Chasné, Saint-Germain-sur-Ille, Aubigné et la Chapelle-de-Fougerais, qui devaient être supprimées et dont les curés et vicaires étaient tous déportés. Il lui confia en même temps la mission de se transporter à Saint-Sulpice pour procéder à l'évacuation du monastère [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, séances des délibérations du directoire du district de Rennes, registre VI, p. 288].

Le 8 octobre 1792, Jean-Baptiste-Marie-Joseph Anger, accompagné de Jean Mouton, Pierre Desboulais, maire et procureur de la commune de Saint-Sulpice, de Jean Duval, commis adjoint, se rendent à l'abbaye, vers 9 heures du matin. Ils demandent la dame supérieure au grand parloir, et la requièrent de leur donner entrée de sa maison. Ayant déféré à leur demande, ceux-ci s'occupent à contrôler la présence des objets signalés dans l’inventaire dressé, le 9 juillet, 1790. L'après-midi, ils vaquent à désigner aux religieuses les meubles et effets qu'elles peuvent enlever.

Les Bénédictines reçoivent chacune, au moins, un lit, une armoire, une table, quelques chaises et fauteuils, 10 paires de draps et deux douzaines de serviettes, des taies d'oreillers, deux assiettes et un petit plat d'étain, marqués à leur nom [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, Q. 300].

Les religieuses quittèrent l'abbaye, le 13 octobre 1792, se rendirent à Rennes, l'après-midi, avec des voitures qu’elles avaient fait venir et trouvèrent asile en différentes maisons. Quelle douleur elles éprouvèrent en disant adieu à leur cher monastère, à cette population qui leur avait toujours témoigné un si cordial attachement et un si profond respect ! [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, Q. 300]. Les habitants gardèrent longtemps leur souvenir et ne craignirent pas de manifester leur haine au régime qui les avait expulsées, comme le laissent entendre les administrateurs du district de Rennes. Ayant prié le commissaire général de l'armée des côtes d'envoyer cinq voitures pour enlever les objets destinés au département de la guerre, ils lui conseillent de faire escorter ce convoi par des gendarmes, car la population de la paroisse est fanatisée, 29 avril 1793 [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, Q. 300].

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