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Abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt.

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Redevances et obligations féodales. — La dîme, abolie en 1789.

Les religieuses de Saint-Sulpice subissaient les usages de l'époque et du pays où elles vivaient ; si elles bénéficiaient de privilèges féodaux ; elles ne refusaient pas d'acquitter les redevances que les lois du vasselage leur imposaient. Elles s’empressaient de payer au seigneur du Bordage, à Chasné, le jour de Noël, entre la messe de minuit et celle de l'aurore, la somme de 12 sols qu'elles lui devaient [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/135 et Q. 300]. Elles ne négligeaient pas non plus de remettre annuellement au seigneur des Hayes Gasselin, pour leur prieuré de la Pierre Aubrée, situé dans la paroisse de Saint-Martin de Beaupré (Maine-et-Loire), 5 livres ou deux grands couteaux de chasse qu'on éprouvait sur les chenets de la salle [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/104]. Il faut le reconnaître, les coutumes dont le temps avait gratifié nos Bénédictines avaient parfois un caractère d'originalité particulière. Que devaient penser les Evêques de Quimper de la frugale hospitalité que leur réservait la prieure du couvent du Grand-Locmaria, quand ils venaient prendre possession de leur ville épiscopale ? Avant, d’y entrer, ils allaient frapper à la porte de ce monastère, que la supérieure se faisait gloire de leur ouvrir, après avoir requis comme sa propriété, leur monture, leurs gants et leur manteau. Pour compenser cette largesse, quasi bénévole, la religieuse lavait la tête et les mains du prélat, lui fournissait un logement avec une couche exclusivement garnie de paille fraîche, et un morceau de pain de seigle pour sa collation. Le lendemain, en quittant le cloître, il devait remettre à la prieure sa bourse et son contenu. Cette nuit passée dans la pénitence coûtait fort cher et on comprend sans peine qu'elle n'ait pas mérité les sympathies de tout le monde. Combien d'Evêques ont osé passer sous ces fourches caudides ? L'histoire en cite un, nommé Guy du Bouchet, et fait remarquer qu'il fut reçu non par une moniale, mais par un religieux [Note : D. Morice, Histoire de Bretagne : du Chatelier, évêché de Quimper (1888). — Archives départementales du Finistère, H 357]. Combien elle nous paraît encore étrange cette procession de la paroisse de Locmaria, le jour de la Trinité, à travers la cathédrale de Quimper, pendant le chant de l'Evangile et du Credo, et tout cela pour le simple bénéfice de 6 deniers prélevés sur les offrandes des pèlerins qui sont venus troubler le plus sacré des offices ! [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/89]. Un autre privilège de la prieure de Locmaria nous paraît beaucoup plus pratique : elle exemptait tous les habitants de sa localité des impôts du fouage et de la taille. C'est sans doute, pour ce motif qu'ils devaient lui loger tout son bois de chauffage, veiller à la sécurité des religieuses pendant la durée des hostilités et garder la résidence dans ce but. De nos jours, on ne tarderait pas à nommer ce coin de terre le pays des embusqués ! La supérieure de Locmaria pouvait permettre à ses sujets d'aller pêcher en mer, sans payer aucun droit, mais elle exigeait un pot de vin pour chaque bateau poissonnier. Elle avait aussi la faculté de recueillir les épaves, d'exiger le huitième du prix des embarcations qui se vendaient dans l'endroit, de percevoir un impôt pour le débit des boissons [Note : Archives départementales du Finistère, H 357 ; d’Ille-et-Vilaine 2H2/89]. Pour réprimer les abus, punir les blasphémateurs, les maléfacteurs, elle avait sur la place de la bourgade deux piliers agrémentés d'un carcan, destinés à fixer au pilori les personnages vicieux, comme l'exigeait une bonne et sage police. Les jeunes sens qui se mariaient à Locmaria ne pouvaient oublier la prieure des Bénédictines au milieu de leurs réjouissances : ils devaient lui présenter un plat de viande comme ceux qu'ils servaient à leurs invités et lui offrir deux pots de vin [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/89]. Les habitants de la localité étaient obligés de lui payer comme rente annuelle, à la Quasimodo et à la Saint-Michel, 20 livres de monnaie et 76 douzaines d'œufs [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/89]. Signalons enfin une redevance toute particulière que percevait la même religieuse. Tous ceux qui communiaient le jour de Pâques dans l'église paroissiale de Locmaria devaient payer, séance tenante, 3 deniers [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/89]. A Lesneven (Finistère), en rencontre le même usage, mais la somme à verser est plus considérable, car les gens mariés sont tenus de payer 4 sols, 5 deniers ; les non mariés donnent moitié moins [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/86]. Le moment de réclamer cette offrande ne paraissait pas très bien choisi, car les gens qui s'abandonnaient entierement à leur dévotion trouvaient fort mal qu'on vînt les distraire en les obligeant de chercher dans leurs poches, de puiser dans leur bourse le montant de ce religieux impôt, surnomme viande de carême, n'ayant de commun avec la chair que son nom. Comme il semblait impossible de discuter, c’était le cas de dire : pas d'argent, pas de suisses ; pas de tribut, pas de communion ! En 1545, plusieurs paroissiens de Lesneven, entre autres : Yvon Pochart, Gilles Bellenou, Guenollay, Milliau, se fatiguèrent bientôt de ce régime, rien moins que respectueux pour Dieu et ses Saints, et ne voulurent plus rien savoir de la viande de carême. La supérieure du prieuré local ne se laissa point effrayer par cette résistance extraordinaire : le 16 décembre de la même année, elle dénonça les récalcitrants à la justice qui, le 16 mai 1546, les condamna à 50 soulz d'amende et aux dépens [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/8 et v. A. Babeau : La Ville, la Paroisse, l'Eglise, sous l'ancien régime. Didier, 35, quai des Augustins, Paris, 1878]. Il fallait un exemple pour étouffer dans l'œuf cette mutinerie qui se dissipa pour toujours.

Avant de quitter le Grand-Locmaria nous citerons un dernier privilège de la prieure des Bénédictines, privilège souvent invoqué au moyen âge. Comme dans les temps anciens, les coupables qui voulaient échapper aux mains de la maréchaussée pouvaient se réfugier dans le sanctuaire du couvent, sous la cloche, où ils devenaient intangibles, moyennant une reconnaissance de 5 sols [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/89].

L'inventaire de 1790 nous réserve un autre enseignement : parmi les charges qui grèvent, le monastère nous voyons figurer 300 livres pour le gros du recteur de Locmaria et 200 livres comme honoraires du tribunal de la Pénitence. On doit trouver toute naturelle cette offrande accordée à un ecclésiastique qui passe un temps notable à entendre les confessions des religieuses, (Archives dép. du Finistère, H. 368) [Note : Archives départementales du Finistère, H 257].

En abandonnant ce coin de la Basse-Bretagne, si riche en souvenirs de toutes sortes, sur le chemin que nous suivons pour gagner le haut pays, nous rencontrons le monastère du Thélouet (commune de Paimpont, Ille-et-Vilaine). En 1643, une déclaration nous apprend que la prieure de ce couvent possède au Chêne-Bourdon, près de Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine), une terre chargée comme redevance d'un baiser, que la moniale peut exiger quand il lui plaît. Nous ne voyons nulle part qu'elle ait demandé satisfaction pour ce privilège ! [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/120].

Si nous nous transportons à Vitré, nous voyons que les nouveaux mariés qui habitaient le fief de Saint-Sulpice, offraient, tous les ans, à l'abbesse une paire de gants en cuir, de la valeur de 8 sols ; chaque boucher lui donnait un quartier de mouton [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/145].

La dîme.

Parmi les privilèges appréciables dont les communautés religieuses se glorifiaient, jadis comptait surtout la dîme, riche en revenus, mais important avec elle de graves obligations. Sans pouvoir en déterminer l'origine d'une manière certaine, il nous est permis d’affirmer que les Pères, les Docteurs de l’Eglise qui vivaient aux Vème et VIème siècles engagèrent les fidèles à contribuer aux frais et à l’entretien du culte, en leur rappelant que les Hébreux abandonnaient autrefois, à cete fin, le dixième de leurs revenus. Comme des catholiques se montraient irrésolus, divers conciles leur en firent une obligation de conscience que Pépin, Charlemagne et de nombreux souverains sanctionnèrent par des lois formelles. A travers les âges, la quotité, que son étymologie indique, subit des fluctuations. Bien plus, en dépit de son caractère éminemment ecclésiastique, on la connut sous la double dénomination de dîme religieuse et de dîme inféodée. Il ne faut pas s’y tromper, cette dernière paraît clairement désigner des revenus ravis à l’Eglise. La dîme ordinaire grevait les biens, les produits de la terre. On la qualifiait d’ancienne quand elle affectait des fonds, qui de mémoire d’hommes avaient toujours été cultivés, de novale quand elle était perçus sur des terrains défrichés depuis moins de 40 ans. Les dîmes qui frappaient les principales céréales s’appelaient les grosses dîmes. Les menues dîmes s’appliquaient aux fruits verts, aux lins, chanvres, aux légumes, aux herbes, aux racines, qui croissaient dans les jardins privés de clôture. Les dîmes de charnage grevaient les animaux et leur croît, les brebis et leur laine, les agneaux, les porcs, les cochons de lait et tous les animaux de base-cour. Ces dîmes, comme les novales et les menues, appartenaient souvent au curé. Etaient exempts de la dîme : les animaux de labour comme bœufs, vaches, chevaux, les ânes, les mulets, les animaux reproducteurs de chaque espèce.

Quels étaient les décimateurs à l’origine ? Bien entendu, les curés seuls. Pendant les premiers siècles de l'Eglise, les Evêques avaient chargé les monastères du service paroissial, mais comme la vie religieuse s'accordait mal avec cette existence à l’extérieur, les moines et les chanoines réintégrèrent leurs couvents, mais ils ne renoncèrent point aux profits des cures qu'ils abandonnaient. Il donnèrent l’administration des paroisses à des délégués qui prirent le nom de vicaires perpétuels ; pour eux, ils s'adjugèrent le titre de curés primitifs. Les vicaires perpétuel se donnèrent à leur tour, dans les paroisses importantes, des auxiliaires, sous le nom de vicaires amovibles, de curés. C'est ainsi que des abbesses, des prieures, de simples femmes, portaient le titre glorieux de curés primitifs ; elles présentaient à l'agrément de l’Evêque les prêtres qu'elles jugeaient dignes d'exercer un ministère qui leur était interdit.

Comment se percevaient les dîmes ? Si elles étaient quérables, elles se payaient en nature, sur le champ même ; si elles étaient portables, les habitants devaient la transporter dans la grange ou les greniers du décimateur. Pour éviter tout malentendu, ceux qui devaient la dîme étaient tenus de faire savoir aux décimateurs le jour qu'ils comptaient faire leur récolte, soit par l’intermédiaire du curé, au prône de l'église, soit par un officier de justice, en dehors du sanctuaire, à l'issue de la messe. Ainsi avertis, les décimateurs ou leurs fermiers pouvaient se trouver au moment voulu, à l'endroit indiqué. Défense était faite au cultivateur de ne rien enlever du champ, pas même sa propre récolte, avant l'arrivée du collecteur. S'il ne paraissait pas, on l’apperait par trois fois successives ; si une heure après le dernier cri il ne se présentait pas, le décimable avait le droit d’emporter sa récolte en laissant de côté la part du décimateur absent. Pour veiller sur les biens abandonnés, sur les récoltes, les paroisses établissaient parfois des surveillants connus sous le nom de messiers. Si le décimateur dûment averti n’enlevait pas la part qui lui revenait, au bout de trois jours le tenancier du champ y pouvait conduire son troupeau. Les habitants de Saint-Aubin-d'Aubigné, Mouazé, Saint-Sulpice, Chasné n’avaient pas toujours observé les formalités que nous venons de signaler, ils ne laissaient pas aux décimateur le temps d'enlever les gerbes qui revenaient à l'abbesse et le nombre qu’ils laissaient sur le terrain était bien inférieur à ce qu’ils devaient. Souvent ils laissaient les animaux dévorer ces gerbes et refusaient les dîmes pour les paumelles, les orges, les chanvres et les lins. Un arrêt du Parlement les obligea d’avertir les décimateurs, au moins 24 heures avant d’enlever les gerbes, sous peine de payer les dîmes à l'estimation. Cette sentence fut publiée au prône de la grand'messe dans chaque paroisse (18 août 1758) [Note : Archives départementale d'Ille-et-Vilaine, 2H2/59].

Chaque cultivateur devait, en faisant sa propre récolte, préparer la dîme de façon que les délégués des décimateurs n'eussent qu'à l'enlever. La moisson coupée, il la mettait en gerbes dont il faisait des tas égaux, plus ou moins considérables, suivant le taux de la dîme ; si elle se payait au onzième, au douzième, aux treizième, au quinzième, comme c’était le cas pour Saint-Sulpice [Note : Consulter le Cartulaire] les tas étaient faits de 10, 11, 12, 14 gerbes, et la gerbe restante était mise à côté pour le décimateur. Si après la perception de la dîme, il restait un nombre de gerbes inférieur au taux de la dîme, ce reste formait un nombre rompu. On dîmait les nombres rompus ; une sentence du Parlement de Paris, du 7 juillet 1702, et une autre du Grand Conseil, rendue le 8 mars 1727, le permettaient. A Saint-Aubin-d'Aubigné (Ille-et-Vilaine), la dîme se percevait au onzième et les paroissiens n'avaient pas l'habitude de payer la dîme de ce qui surpassait la onzième gerbe, au bout de chaque sillon, les collecteurs recomptaient sur le sillon voisin ; cet usage s'appelait le raboutage. L'abbaye de Saint-Sulpice qui percevait les grosses dîmes dans cette paroisse essaya de le supprimer et obtint même, en 1758, une décision conforme à ses prétentions, mais les fermiers n'osèrent pas l'appliquer. La question du raboutage, suscita un nouveau procès contre le général de Saint-Aubin, qui n'était pas encore terminé en 1789. Si les religieuses de Saint-Sulpice gagnaient leur cause, il était convenu que le fermier devait ajouter 150 livres au prix de son bail ou le résilier [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/131 et 9, cahiers de doléances du district de Rennes. Sée et Lesort, t. II, p. 146. — Voir Cartulaire de Saint-Sulpice].

Les décimateurs supportaient d'assez lourdes charges : les principales consistaient à fournir la subsistance du clergé paroissial, d'assister les pauvres et de subvenir aux réparations et à l'entretien de l'église. A l'origine, on accordait une fort modeste pension aux curés : une ordonnance du 16 avril 1571 leur assignait une rente annuelle de 120 livres. Cette somme s'éleva à 200 livres, en 1634, pour le pays de Bretagne ; les vicaires recevaient 100 livres. Ces allocations, qu'on qualifiait de gros, de pensions congrues, atteignirent, en 1686, le chiffre de 300 livres pour les curés, et de 150 livres pour les vicaires. Comme les denrées avaient considérablement angmenté, on jugea à propos, en 1768, de fixer à 500 livres les pensions curiales, et à 250 livres, les pensions vicariales. En 1786, la pension des curés s'éleva à 700 livres. — Comme nous le savons déjà, les Bénédictines de Saint-Sulpice percevaient la dîme, à la onzième gerbe, sur tout le territoire de Sainte-Aubin-d'Aubigné, les habitants qui trouvaient ce taux excessif et vexatoire, puisqu’on ne voulait même pas leur accorder le raboutage, demandaient purement et simplement la suppression de la dîme ou sa réduction au 50ème. — Ils se vantaient que leurs bons prêtres n'auraient pas à souffrir de la disparition de cette mauvaise coutume, car ils leur fourniraient, au moins, mille francs chaque année. Ils parlaient ainsi, en 1789, sans trop espérer que leurs souhaits seraient, un jour ou l'autre exaucés [Note : H Sée et An-Lesort, cahiers et doléances de la sénéchaussée de Rennes, 1909, 2 v. 8°, Leroux, 28, rue Bonaparte, Paris].

Les décimateurs devaient assister les pauvres ? Etaient-ils toujours fidèles à cette obligation ? Sans doute, les religieux, les religieuses, faisaient de nombreuses aumônes dans leur paroisse, dans leur voisinage, mais songeaient-ils toujours aux nécessiteux des localités lointaines où elles avaient le dîmage ?

Le 22 octobre 1728, missire Pierre Delanoe, recteur de Concoret (Morbihan), déplore que les dîmes s'en aillent, contre tout droit, dans les abbayes qui ne sont pas à même de connaître les misères locales et de les secourir. Il n'est guère possible d’apprécier son langage qui procédait d'une âme ulcérée ; il ne pardonnait pas à l'abbé de Saint-Méen (Ille-et-Vilaine) d'avoir contesté sa nomination pendant une année entière. La charité de la prieure du Thélouet l’avait touché : pendant que le blé était si cher, elle l’avait aidé à vivre et à soulager la misère de ses ouailles [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/121].

Pour remédier à cette incurie, les paroissiens de Vignoc (Ille-et-Vilainie) souhaitent qu'on augmente la portion congrue des recteurs pour qu'ils puissent aider les pauvres [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/121. H. Sée et An. Lesort, cahiers de doléances].

Les propriétaires des grosses dîmes étaient obligés de restaurer, d'entretenir le chœur et même le clocher de l'église paroissiale si celui-ci se trouvait au-dessus du chœur, fournir des ornements et des livres liturgiques ; la construction et les réparations de la nef s'imposaient aux habitants. Les paroissiens devaient fournir un logement convenable à leurs prêtres et y ajouter même une écurie pour remiser un cheval quand les longues distances de la localité à desservir exigeaient le concours de cet animal [Note : Dîme ecclésiastique en France. XVIII siècle. Henri Marion. 8°, 1912, Bordeaux, imprimerie de l'Université, 17, rue Poquelin-Molièce, Tattegrain, Robert, Temporel des bénéfices ecclésiastiques sous l'ancien régime, 8°, 1909, Larose et Tenin, 22 rue Soufflot Paris].

Que les décimateurs n'aient pas toujours montré un pieux enthousiasme pour réparer les églises, les presbytères qu’ils aient parfois cherché à éluder ces dépenses, nous le comprenons sans peine [Note : E Dupont, Condition des paysans dans la sénéchaussée de Rennes, à la veille de la Révolution ; 8°, 1901. H. Champion, 5, quai Voltaire, Paris] ; mais nous devons déclarer que les religieuses de Saint-Sulpice ont invariablement témoigné une grande délicatesse de conscience sur ce point. Nous voyons de nombreuses paroisses faire appel à leur générosité et à leur bon cœur, et généralement leurs prières sont exaucées. Ce sont d'abord les gens de Gévezé (Ille-et-Vilaine), qui viennent solliciter leur précieux concours pour restaurer le chœur de leur église, le 10 décembre 1767 [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/62]. Les paroissiens de la Bouëxière (Ille-et-Vilaine) les imitent sans tarder et leur adressent une requête, 1768 [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/59]. En 1767, l'église de Saint-Marc-le-Blanc (Ille-et-Vilaine), se trouvait dans un misérable état et réclamait d'urgentes réparations. Les religieuses de Saint-Sulpice, avec l'abbé de Rillé (Fougères) et le prieur de Gahard (Ille-et-Vilaine), s'entendirent pour réparer un sanctuaire qui intéressait leur honneur, leur piété et fournirent une somme de 600 à 700 livres. Les travaux furent très mal dirigés, les ouvriers ne prirent pas la peine d'y donner tout leur attention et les laissèrent inachevés. Bientôt survint une pluie diluvienne qui inonda l'église. Le général de Saint-Marc réclama à nouveau du secours, mais l'abbesse de Saint-Sulpice répondit qu'elle avait fait tout ce qu'elle pouvait et qu'elle n'était nullement responsable de ce qui était arrivé. Les habitants ne voulurent rien entendre et invoquèrent l'appui de la justice qui rendit une sentence, le 17 septembre 1778. Les décimateurs étaient condamnés à relever les deux côtés du chœur, rétablir le pavé, réparer le vitrail de la fenêtre du fond, doubler le tabernacle d'une étoffe convenable, d'unir exactement les pièces de bois qui composaient le maître autel et le rétable, de payer des cartons d'autel, un missel, un antiphonaire et un vespéral. Ils devaient, en outre, restituer aux gens de la paroisse une somme de 72 livres qu'ils avaient déboursée pour payer l'expert chargé de déterminer le montant des réparations. Ce langage méticuleux n'eut pas l'avantage de plaire aux religieux et religieuses que cette question concernait ; ils voulurent y répondre à leur manière. Faisant droit à leur requête, les juges intimèrent au général de Saint-Marc-le-Blanc l'ordre de faire enlever les clous et les crochets dont on avait déshonoré chacune des six colonnes du rétable, de gratter les taches de cire qui couvraient le tabernacle d'abattre les arbres qui se trouvaient dans le cimetière, au chevet de l’église [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/138]. Tous ces malentendus, ces mécomptes, étaient regrettables, mais ils ne surent empêcher les religieuses de satisfaire aux obligations que leur état et leur rang venaient leur imposer. En 1770, le sieur Henry, recteur du Sel (Ille-et-Vilaine) et le général de cette paroisse vouluient réparer un petit campanile situé sur le chœur de l'église ; ils firent appel à la bonne volonté des décimateurs. Les religieuses de Saint-Sulpice donnèrent, le 23 septembre 1771, 280 livres pour leur part. Elles croyaient avoir assez largement contribué à cette dépense car elles ne recevaient que 82 livre pour les dîmes dans cette localité, et cependant on vint leur réclamer 24 livres pour faux frais ! Cette démarche fut loin de leur plaire ! En 1776, un nouveau recteur avait été désigné pour administrer la paroisse du Sel, il s'empressa de signaler son arrivée par quelque beau geste. A l'entendre, son vénérable prédécesseur n’avait pas su entretenir l'église et l'orner avec décence, il ne comprenait rien à la beauté du culte. Pour lui, avec son expérience des choses liturgiques, il se vantait de pouvoir bientôt rendre la maison du bon Dieu sympathique à tous les habitants. Toute la population serait charmée de la transformation qu’il allait opérer et la réputation du pasteur ne pourrait qu'en bénéficier. Malheureusement cet excellent prêtre réclamait une somme assez élevée pour orner le chœur. 2.000. livres ne pouvaient se trouver du soir au lendemain dans la bourse des plus fortunés décimateurs qu'on venait tout dernièrement de pressurer ! Les Bénédictines de Saint-Sulpice goûtant peu cette monomanie de certains ecclésiastiques qui cherchent toujours à faire mieux que les autres, répondirent qu'elles ne pouvaient grever le budget de leur communauté pour flatter le vertueux caprice de chaque nouveau pasteur [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/62].

Si une église, une chapelle, un couvent, étaient délaissés, les populations voisines s'en montraient très humiliées ; si elles payaient quelques dîmes, elles menaçaient avec plus ou moins de justice d'en suspendre la livraison. Au mois de juin 1667, l'Evêque de Rennes se rendit au prieuré de Saint-Malo-de-Teillay, il était accompagné de missire Jacques Négrier, doyen de Châteaugiron et recteur de Janzé. Le monastère paraissait un corps sans âme, la titulaire elle-même, Renée de Beaucé, ne l'habitait pas. Le recteur de Ercé-en-Lamée (Ille-et-Vilaine), paraît dans cette circonstance comme un accusateur public. Il déclare que l'absence des religieuses est un malheur pour la région, pour les habitants qui pouvaient placer leurs filles au prieuré, nuisible aux pauvres qui y recevaient l'aumône, deux fois la semaine, dommageable pour le vénérable ecclésiastique qui parle, car il était grandement soulagé dans son ministère apostolique par l'aumônier. Il termine en disant qu’il paye aux moniales de Saint-Sulpice une rente annuelle de 22 mines de blé ; si elles abandonent le monastère de Teillay, il ne se croira plus obligé en conscience d'acquitter une si lourde charge. Un violent orage se préparait dans un ciel plus ou moins serein. Sollicités de divers côtés, les nobles seigneurs de Châteaubriant unissent leur voix au concert de récriminations qui visent les Bénédictines et supplient leur abbesse d’envoyer six religieuses au couvent de Teillay. Marguerite de Morais fait un aimable accueil à la requête et manifeste que rien ne lui fait autant de plaisir que ce langage respirant l'amour de Dieu et des âmes, mais elle observe que pour sustenter les moniales qu’on désire posséder il faut avant tout assurer une rente de trois mille livres.

Comme les propriétés du monastère ne produisent que 1.400 livres, elle ose compter que de généreuses personnes se feront un devoir de combler ce déficit, 26 novembre 1678 [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/95, 2H2/97]. Cette question de subsides calma les esprits et mit fin pour toujours à des sollicitations indiscrètes.

En 1729, il n’y avait plus aucun service religieux dans la chapelle de Saint-Malo-de-Teillay, on n'y célébrait plus le Saint Sacrifitce et les trois meses qu’on y disait antérieurement étaient alors acquittées dans l’église de Ercé-en-Lamée. Les habitants de l'endroit ne tardèrent pas à manifester tout haut leur mécontentement, ils firent remarquer que s'ils payaient la dîme, ils avaient le droit d'assister à la messe dans la chapelle du prieuré qui bénéficiait des fruits de leurs travaux. Si les religieuses exemptaient des avantages spirituels qu’elles accordaient jadis à leurs vassaux, ceux-ci pouvaient en conscience se libérer des redevances qu’ils leur avaient jusque là fidèlement payées [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/6].

Les gens de Couetou (paroisse de Luzanger, Loire-Inférieure) se plaignent dans les mêmes termes et pour le même motif à cette époque [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/6].

Un litige de même nature s’éleva à propos d'un modeste couvent que Saint-Sulpice possédait à Saint-Martin-sur-Oust (Morbihan). Ce prieuré qui avait pour patron Saint Lénard ou Léonard, tombait en ruines, en 1756, les Bénédictines le firent restaurer et dépensèrent à cette fin, environ 2.000 livres. Dans ces réparations elles avaient oublié un monument important, la chapelle, qui se trouvait dans un état lamentable ; non seulement on n’y célebrait plus la messe, mais on y remisait les animaux de la ferme. En 1764, le recteur de la paroisse qui devait rendre compte, à l’autorité diocésaine, de l’état des oratoires situé sur le territoire soumis à sa juridiction, écrivit à Mme de la Bourdonnaye pour savoir si elle avait l’intention de rétablir, dans son petit monasière le service des messes régulières qui s'y célébraient autrefois. L'abbesse fit ou sembla faire des recherches pour connaître la vérité et répondit ensuite que les Archives de la communauté gardaient le silence sur l'obligation qu'on voulait imposer aux religieuses à Saint-Léonard. Pour s’excuser, elle avoue que de nombreux documents ont disparu dans les divers incendies qui ont désolé Saint-Sulpice. En 1768 et 1772, le pasteur de la même paroisse ne fut pas plus heureux dans sa correspondance avec les Bénédictines. Le 7 juin 1780, M. Grimaudet de Coëtcantou, vicaire général de l'Evêque de Vannes, informé des réticences qui se manifestent dans une affaire aussi grave intervient alors avec une certaine vigueur. Il prie, Mme de la Garlaye de lui expliquer pourquoi et comment on a pu suspendre le service religieux à Saint Léonard, depuis plus de 20 ans. Celle-ci répond que l'examen des Archives monastiques n'a fourni aucune certitude sur la charge à laquelle on veut les soumettre. L'opinion la plus commune regarde la chapelle de l'endroit comme un simple oratoire à l'usage d'une religieuse qui résidait dans ce lieu pour gérer les biens. Si on y célèbre la messe, on le fait à l'intention de l'abbesse de Saint-Sulpice ; il ne s’agit donc pas d'une pieuse fondation. Cet avis n'est point partagé par le recteur de Saint-Martin-sur-Oust et le général de la paroisse.

Cette église, disent-ils, est trop grande pour qu'on puisse la considérer comme une chapelle privée. Du reste, on y a célébré des mariages et plusieurs messes par semaine. Les comtes de Rieux [Note : Rieux, Morbihan] qui habitaient le voisinage l'ont sans doute fondée pour faciliter aux populations voisines l’accomplisssement de leurs devoirs religieux. Le 25 novembre 1781, le vicaire général de Vannes, le sieur Grimaudet, condamne l'abbesse à restaurer la chapelle de Saint-Léonard et à y faire célébrer deux messes par semaine. Comme cette sentence paraît sévère, on conseille à l'abbesse d'en appeler comme d'abus, mais celle-ci renonce à prolonger le procès et une lettre du 30 août 1782 annonce que les Bénédictines se décident à faire les réparations demandées qui coûteront 1.900 livres et dépasseront ainsi de 600 livres les revenus perçus depuis 1756 [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/6, 64, 85].

Si les édifices consacrés au culte religieux entraînaient de nombreuses et notables dépenses pour les décimateurs ou les personnes qui les possédaient, ils procuraient aussi de beaux revenus quand ils devenaient des lieux de sépultures privilégiées. Au commencement du christianisme, les corps des martyrs seuls reposaient dans les églises. Constantin le Grand fut le premier à qui on accorda la même grâce. En Occident, les inhumations à l'intérieur des sanctuaires se multiplièrent, mais, en 381, Théodose y mit un terme en les défendant d'une manière formelle. Cette interdiction persista jusqu'au IXème siècle, époque où le concile de Meaux 845 [Note : Hardouin, collectio conciliorum, t. IV col. 1496] et celui de Tribur, 895 [Note : Hardouin, collectio conciliorum, t. VI, pars prima : t. VI] permirent de concéder la sépulture dans les églises aux Evêques, aux abbés, aux curés notables et aux pieux laïques. Bientôt tous les fidèles envièrent cette faveur et obtinrent, à prix d'argent, la récompense destinée tout d'abord à la vertu. Ce qui faisait souhaiter ce précieux privilège, c'était d'abord la mauvaise tenue des cimetières où l'on dansait, vendait à boire, tenait assemblée. On croyait aussi que les fidèles ensevelis dans un sanctuaire participaient aux prières récitées chaque jour dans ce lieu et, de plus, on les considérait comme gratifiés d'une espèce de canonisation, car dès lors qu'ils étaient admis pour toujours dans une église, on pensait en général qu'ils avaient vécu comme de saintes gens [Note : Léon Baratte, rapports entre l'autorité civile et religieuse en matière de sépulture. Ancien droit et droit actuel, in-8° 1904, Le Mans, Association ouvrière de l'Imprimerie Drouin, 5, rue du Porc-Epic]. Mais dans tous les temps a prévalu le fameux proverbe qui veut des honneurs doit les payer. Les Bénédictines de Saint-Sulpice ne crurent point faillir aux pieuses maximes de leur ordre en exigeant quelques redevances des familles qui sollicitaient, pour leurs membres la permission de reposer, après leur trépas, dans les chapelles de leurs prieurés. C'est ainsi que la religieuse titulaire du monastère de Priziac [Note : Paroisse de Molac, cant. de Questembert (Morbihan)] percevait 5 sols pour chaque corps humain qui reposait dans l'oratoire du couvent, et 4 deniers pour la dépouille d'un enfant [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/104].

Au Grand Locmaria, près de Quimper, on avait aussi coutume d'accorder la sépulture dans l'église du prieuré à des personnes de marque, qui payaient 20 sols pour chaque pierre tombale [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/89, Archives départementales du Finistère, H/357].

Ce privilège, dont on fit un sacrilège abus, occasionna de graves désordres à Lesneven (Finistère). Les moniales de Saint-Sulpice possédaient dans cette petite ville un prieuré avec une église consacrée à la Vierge, sous le nom de Notre-Dame, et célèbre par ses pèlerinages. Une vieille chronique fait l'éloge de religieux et des religieuses qui l'habitaient. Elle raconte que l'abbesse du Nid de Merle comptait jadis parmi ses fils, ses sujets, des moines appelés frères condonats. Après avoir éprouvé leur obéissance, leur vertu et leur abnégation, elle choisissait l'un d'eux et l'envoyait à Lesneven. Celui-ci, fidèle à son obédience, dépensait, avec zèle, son ardeur pour le service des âmes, les cérémonies sacrées et l'entretien du sanctuaire qui lui était confié. On appréciait sa grande et sincère piété, son désintéressement et son édifiante austérité. Il vivait avec sobriété et s'entretenait avec les aumônes qu'on faisait à son église.  Chaque année il rendait compte à ses supérieures de son administration et leur remettait les sommes qu'il avait économisées après avoir pourvu à tout. Au bout de trois ans, il retournait à la maison-mère et cédait la place à quelque prêtre, de son ordre. Lorsque Marguerite d'Angennes réforma l'institut, elle rappela à la communauté les religieuses et les frères, dispersés çà et là. Elle se vit alors obligée de choisir des ecclésiastiques pour veiller sur les couvents qu'elle délaissait ou d'affermer les revenus de ces monastères à des âmes plus soucieuses de leurs intérêts que de l’honneur, de Dieu. Les habitants de Lesneven, qui entouraient Notre-Dame d'un religieux respect, demandèrent à l'abbesse la garde de ce lieu béni et le soin de désigner le prêtre vertueux qu’ils croiraient digne d’y exercer le ministère sacré. Ils s’egageaient à supporter toutes les dépenses que les circonstances pourraient leur imposer, pourvu qu’on leur permît de jouir des revenus et des aumônes. Après avoir obtenu ce qu’ils désiraient, les notables de cette modeste cité se mirent en quête d’un digne chapelain et s’imaginèrent l’avoir trouvé dans la personne de missire Luzinec, ecclésiastique originaire du pays voisin, 1612. En lui recommandant de catéchiser, d’instruire les enfants, de stimuler la piété des fidèles, d’inspirer l’amour des pardons, ils s’efforcent d’encourager son zèle en lui abandonnant tous les revenus du sanctuaire qu’il allait desservir ; mais ce prêtre ne devait pas oublier qu’il demeurait chargé d’entretenir l’église en bon état. Le sieur Luzinec ne songea qu’à faire argent de tout, et comme les 500 livres que lui procurait sa situation ne lui suffisait pas, il s’ingénia à augmenter ses bénéfices. La population fréquentait Notre-Dame, elle venait y prier et confier à la Vierge ses espérances et ses inquiétudes, elle aimait à s’agenouiller sur le pavé, devant la statue de la Madone, elle aimait aussi à y reposer après la mort. Le nouveau chapelain s’estimait heureux de ces bonnes dispositions et engageait chaque dévot à s’y payer une pieuse sepulture. Pendant 20 ans, il opera de fructueuses spéculations et remplit de pierres tombales l’église qu’il n’avait jamais songé à réparer. Elle se trouvait dans un état lamentable, il était impossible d’y célébrer l’office divin, d’y tenir une lumière allumée. Bien plus, Guillaume Luzinec avait permis, moyennant finances, d’y remiser de la paille, des gerbes de blé et même des bestiaux. Relevé de ses fonctions, ce misérable, qui était en même temps recteur de Kernoués [Note : Kernouès (Kernouës), canton de Lesneven (Finistère)], en conçut un vif chagrin et se suicida.

Le 25 août 1632, la communauté de Lesneven ou le corps politique fit apposer les scelles sur ses meubles et effets.

Trois semaines plus tard, le 13 septembre 1632, missire Allain Gourchant, son neveu, et les autres héritiers en obtinrent mainlevée. Avec la permission de la communauté de Lesneven, le sieur Gourchant administra l'église de Notre- Dame, mais il la négligea comme son oncle et sa vie scandaleuse le fit interdire a divinis. Le 10 juin, 1637, les juges royaux de Lesneven le condamnèrent avec les héritiers de Guillaume Luzinec et ceux qui avaient des chapelles dans le sanctuaire de Notre-Dame à réparer cette église.

Le 5 juillet 1637, les gens de l'endroit, honteux de ce qui s’était passé, désignèrent Jacques Huillard et Robert de Mareil, deux notables bourgeois, pour administrer les biens de l'église de Notre-Dame.

Le 25 février 1638, René du Poulpry, conseiller du roi et premier magistrat au siège de Léon, visite cette église ; il là trouve pleine d'eau et de fange. Il y pleut partout, excepté dans le chœur qui a été réparé grâce aux soins de maître Jacques Huillard, l'un des économes établis. Les murs sont fendus et on ne peut sonner les quatre cloches, dans la crainte de les ébranler.

Le 9 mai 1638, les habitants de Lesneven délèguent un des leurs, Alexandre Benault, sieur des Illes, pour passer une transaction avec la prieure, Jeanne de Quatre-Barbes, et l'abbesse, Marguerite d'Angennes. Les religieuses s'estiment heureuses de contribuer à la restauration d'un sanctuaire vénéré et, dans ce but, elles abandonnent les revenus, les offrandes de l’église, les maisons et les jardins dont jouissent les aumôniers. On promet que les réparations seront terminées pour la prochaine fête de Noël [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/86, 88]. Il n’est guère admissible qu’on tint parole, car nous voyons que l'église de Notre-Dame menaçait ruine, en 1767. Si effectivement elle a été restaurée, il faut en conclure que les travaux on été fort mal exécutés, ce qui n’est pas un fait inouï, comme nous avons eu l’occasion de le constater pour l’abbaye de Saint-Sulpice. Le 14 janvier 1768, maître Jacques-Marie Jacotet, notaire royal et proçureur de Lesneven, nous déclare qu'elle a été interdite. Les habitants de l’endroit, qui ont une grande dévotions pour la Vierge, murmurent de voir ce lieu de pèlerinage déserté. Le même accuse le corps politique de la ville d’avoir negligé les réparations urgentes pour s’approprier les bénéfices considérables qui provenaient du sanctuaire. Suivant les réglements, ce corps devrait se composer des douze bourgeois les plus notables de la localité, et cependant le contraire a lieu à Lesneven, des gens illettres y font la loi. Des hommes considérés, instruits, refusent de faire partie du général pour n’être pas confondus avec des mécréants et des voleurs. Le sieur Japotet demande à la Cour qu'elle fasse appliquer les règlements pour le plus grand bien de toute une population [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/86].

Ce trait nous prouve que les membres des communautés civiles et religieuses n'ont pas toujours connu et respecté l'honnêteté, ni échappé aux plus graves soupçons. Mme de la Bourdonnaye, abbesse de Saint-Sulpice, intervient alors, le 18 août 1774, et réclame 10.000 livres de dommages et intérêts pour réédifier l’église de Notre-Dame ou en construire une autre à la place. Après enquête nouvelle, les tribunaux condamnent la communauté, le maire et les échevins de Lesneven, coupables d’une odieuse incurie, à faire droit aux réquisitions qui leur sont adressées. Le 23 février, 1780, l’administration locale consent à réparer ses fautes et, heureuse du concours de l’Evêque diocésain, elle prend toutes les mesures nécessaires pour rendre au vénéré sanctuaire son ancienne splendeur [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/88].

En compulsant les Archives qui concernent Lesneven, nous avons admiré la sage prévoyance des personnes chrétiennes qui cherchaient à procurer la gloire de Dieu en établissant quelques pieuses fondations. Non seulement elles ne se contentent pas d'assurer la célébration de trois messes par semaine dans l'église de Notre-Dame, mais elles prennent aussi des mesures pour qu'on puisse y assister. C'est pour ce motif qu'elles recommandent, avec la plus grande sollicitude, qu'on les annonce par le son de la cloche, par 30 hobées. Cette précaution n'était pas inutile à une époque où l'on ne connaissait guère les chronomètres et alors que les astres presque seuls indiquaient les divers instants de la journée [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/88].

Le 24 avril 1600, Jean Macé et son épouse, Perrine Nogues, fondent deux messes par semaine, le lundi et mercredi, dans la chapelle de leur village, connu sous le nom da Saint-Ehan (Iffendic, Ille-et-Vilaine). En les fixant à 7 heure en été, et à 8 heures en hiver, ils demandent au chapelain qui les acquittera, après avoir été désigné soit par eux, soit par leurs parents ou la prieure du Thélouet, de sonner, la cloche pour semondre le peuple à y assister [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/117].

François Rogier, seigneur de Callac, président au Parlement de Bretagne, obtint de faire célébrer, au prieuré du Petit Locmaria (Morbihan), une messe, chaque année, le jour de Saint-Michel, pour le repos de son âme et le salut éternel de ses parents. Comme il désirait assister à cette cérémonie ou se faire représenter par les siens, il supplia qu'on les attendît jusqu'à 10 ou 11 heures. Cette condition était quelque peu gênante, mais nous devons reconnaître en toute sincérité qu'on exigeait rarement une heure tardive pour un service religieux [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/94].

Si dans la chapelle d'un prieuré, veuf de ses religieuses, après la réforme de Marguerite d'Angennes, on célébrait une fête patronale ou quelque cérémonie notoire nécessitant la présence de quelques prêtres et clercs, le bail domanial imposait aux fermiers de servir au clergé un repas honorable [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/2, 64, 104, q. 300].

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