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Abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt. |
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La Régie. — L'observance primitive.
Des personnes plus ou moins distinguées par leur rang, leur fortune, leur vertu, leurs connaissances ne sauraient, en s'installant dans des édifices somptueux ou modestes, confortables et ingénieusement aménagés, former une communauté, sans avoir un but, un règlement. Une société religieuse se propose généralement comme idéal de pratiquer la vertu, en chantant les louanges de Dieu, et en contemplant ses perfections ou en cherchant à soulager la misère morale ou physique du prochain. Ces deux modes d'existence constituent ce qu'on appelle la vie contemplative et la vie active, et peuvent être complétés par un troisième genre, formé de l'un et de l'autre, et connu sous le nom de vie mixte. Les moniales de St-Sulpice-la-Forêt étaient des âmes contemplatives, car elles suivaient la règle de saint Benoît, le patriarche des cénobites ; toutefois, elles n'hésitaient pas à exercer la bienfaisance quand les circonstances l'exigeaient, elles se livraient à l'enseignement et instruisaient les jeunes filles qu'on voulait bien leur confier. Se proposer une fin, cela ne suffit pas pour un institut, il a encore besoin d'une législation pour éprouver, discerner, purifier, les bonnes volontés, stimuler le zèle, bannir les excès, les exagérations, maintenir le bon ordre et une exacte discipline. Comme tout être humain se compose d'un corps et d'une âme, la constitution qui le régit doit déterminer ce qui concerne l'un et l'autre, spécifier les obligations spirituelles et matérielles. Nous étudierons d'abord la règle qui fut observée depuis l'origine jusqu'à la réforme, tout en nous excusant de ne pouvoir fournir des détails et toutes les explications utiles qui trouveraient si bon accueil en pareille matière, car les documents se font rares sur cette époque.
Dans les monastères, dans les couvents, trois choses méritent l'attention spéciale des supérieurs : l'office divin, l'entretien des religieux et des religieuses, et la clôture.
§ 1er. — L'OFFICE DIVIN.
Le vicaire de l'archevêque de Tours, en 1244 [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/89. — Cartulaire de St-Sulpice, n° CCXLIII], et l'abbesse de St-Sulpice, en 1341 [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine. Liasses non classées, 2H2. — Cartulaire de St-Sulpice, n° CCXLV], mentionnent la louange divine dans la visite qu'ils font au grand Locmaria, près de Quimper mais ils ne nous expliquent pas comment les choses se passent. Alizon du Pontbellanger est plus explicite, le 21 octobre 1544, quand elle doit répondre aux questions d'un conseiller du Parlement de Rennes, Pierre d'Argentré, délégué pour s'informer de l'état de sa communauté de St-Sulpice. Elle est heureuse de lui déclarer que ses religieuses ne manquent jamais, sans excuse valable, d'assister aux matines, qui se célèbrent régulièrement à minuit ou une heure, bien qu'elles n'aient pas d'horloge pour les avertir. Des voisins s'empressent de certifier la vérité de ces paroles en disant que la cloche du monastère vient à heure fixe couper le sommeil des humbles mortels qui habitent la contrée et les édifie sur la pieuse endurance des moniales. Dans la journée, les heures canoniques, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies se succèdent et provoquent le même zèle. Tous les jours, la messe se chante au maître-autel. Les bienfaiteurs ont un souvenir quotidien : on récite l'office des morts et on fait célébrer une messe basse à leur intention. A certaines époques de l'année, une messe solennelle de Requiem et la psalmodie de tout le bréviaire rappellent leur mémoire, sans parler des trente messes auxquelles ils participent chaque semaine [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/25].
Jean Levesque, religieux de St-Sulpice et prieur de Bais (Ille-et-Vilaine), fut chargé de faire une enquête sur des incidents déplorables qui s'étaient produits au couvent de Sainte-Madeleine de la Fougereuse [Note : Canton d'Argenton-le-Château (Deux-Sèvres)]. Le 7 août 1502, une moniale, Perette Leroux, âgée de 35 ans, lui déclara qu'on récitait ou chantait toutes les heures auxquelles prenaient régulièrement part les religieuses, excepté la prieure, quand elle obéissait aux caprices de son tempérament dévergondé [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, liasses 2H2, non classées]. Le 18 septembre 1576, les religieuses du Nid de Merle se réunissant au chapitre et disent qu'elles suivent l'office sur des livres manuscrits, singulièrement fatigués par un long usage ; si les anciennes ne peuvent plus les lire, les jeunes ne savent plus les déchiffrer. Elles demandent la faveur de prendre le bréviaire et le missel approuvés par le concile de Trente, dont la claire et élégante impression satisfera tout le monde. L'évêque de Rennes, Aymar Hennequin, leur accorda volontiers ce qu'elles désiraient [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/25]. Plus tard, le 22 novembre 1605, nous entendons l'abbesse, Antoinette de Morais, se plaindre amèrement de l'une de ses religieuses qui méprise ses ordres et ne daigne plus paraître au chœur depuis tantôt six mois [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/104]. Tous ces témoignages prouvent qu'on songeait avant tout à louer Dieu, aussi bien à St-Sulpice que dans les prieurés. Cependant nous ne saurions affirmer qu'une ponctualité exemplaire régnât sous ce rapport, dans ces dernières maisons, surtout quand la conventualité se composait de quelques religieuses. Ainsi, pour ne parler que du Thélouet [Note : Commune de Paimpont (Ille-et-Vilaine)], la prieure avoue, le 8 juin 1602, qu'elle réside dans son couvent avec une religieuse, dont l'entretien lui coûte fort cher ; mais elle ajoute que c'est une charge non moins dispendieuse de faire célébrer six fois, chaque semaine, la messe, à l'intention des comtes de Montfort. Dans sa déclaration, elle passe sous silence les heures canoniques [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/115].
§ II. — NOURRITURE ET VESTIAIRE.
Le régime alimentaire et le vestiaire ne sont pas choses négligeables pour un institut. Aussi les fondateurs d'ordres, les supérieurs veillent-ils avec sagesse sur ces deux articles pour ne point trop accorder ou trop refuser, car ces deux excès peuvent engendrer de graves abus. Les maîtres de la vie ascétique reconnaissent que les richesses nuisent aux religieux, aux religieuses, elles étouffent leur zèle d'autre part, ils confessent qu'une trop grande pauvreté décourage les âmes les mieux trempées et les pousse parfois à la révolte. L'histoire des Clunistes nous édifie sous ce rapport et nous montre des exemples d'une cruelle réalité. Comme l'abbaye de St-Sulpice, cet ordre possède assez souvent dans la même ville, dans la même bourgade une double communauté, l'une composée d'hommes et l'autre, de femmes. De même qu'à St-Sulpice, les religieux pourvoient à l'existence spirituelle et matérielle des moniales. Malheur aux moines s'ils traitent leurs sœurs avec trop de sévérité, car celles-ci se mettent en grève et ne veulent plus entendre parler des matines, pas plus que de la messe et des vêpres ! En 1378, les nonnes de Marigny [Note : Marigny (Saône-et-Loire)] se plaignent qu'on leur donne un vin trop trempé (nimis aquaticum) ; vite on leur accorde satisfaction et on défend de noyer ainsi leur breuvage. On se souvenait encore des manifestations tumultueuses qui avaient éclaté à Feldbach [Note : Feldbach (à deux lieues de Bâle)] et qui avaient sans doute eu pour motif un excès de ce genre [Note : Chapitres généraux de Cluny, années 1328 et 1378. — Bibliothèque du Palais-Bourbon, B 89, n° 102, 104].
N'est-ce pas pour les mêmes raisons que les abbesses Jeanne Saulnier (1261) et Perrine des Granges (1341) se hâtèrent de régler le conflit qui existait entre les économes et les religieuses du Grand Locmaria, près de Quimper ? Les ordonnances qu'elles édictèrent, alors nous renseignent sur la subsistance de ce couvent comme de la maison-mère, ainsi que nous le verrons plus tard. Les religieuses mangeaient de la viande les dimanche, mardi et jeudi le reste de la semaine, elles faisaient maigre. Si les jours d'abstinence, on ne leur fournit aucune pitance, on leur donne pour acheter du poisson, trois deniers, en 1261, et quatre deniers, en 1341. Il est bien entendu que les moniales ont droit tout d'abord, chaque jour, à une livre de pain et à une mesure de vin. Perrine des Granges sent le besoin de tout régler dans les moindres détails, pour éviter les contestations à l'avenir. Elle spécifie qu'on accordera à chaque moniale 5 sols pour payer le poisson, pendant le Carême ; de Pâques à la Pentecôte, on lui fournira, pour varier son alimentation, 140 œufs. Il y a des fêtes qui méritent d'être solennisées au réfectoire, comme à l'église : une pitance spéciale soulage le corps et réjouit l'âme. La veille de Noël, les religieuses ont droit à un plat de poisson frais et à un plat de poisson salé, et le lendemain on leur sert un plat de viande bouillie et un autre de viande rôtie. Si les moniales mangent du poisson frais et salé le Samedi Saint, on leur donne aussi de la viande bouillie et rôtie le jour de Pâques, de l'Ascension, de la Pentecôte, de l'Assomption, de la Nativité de la Vierge, de la Toussaint, de la Purification. La boisson n'est pas oubliée dans ces circonstances, chaque moniale se voit gratifiée d'une double mesure de vin, ainsi que le Jeudi Saint et principalement la veille du Carême, où l'on mange une portion de lard. Remarquons, en passant, que la prieure reçoit pour elle seule autant de nourriture que deux religieuses en consomment : elle a aussi droit à une double allocation pour le poisson et peut-être pour les œufs. L'économe ne semblait pas vouloir reconnaître cette coutume et il fallut qu'une autorité supérieure l'obligeât à s'y conformer. L'abbesse recommande ce dernier de fournir aux moniales, dès le matin, leur provision de viande et les autres choses nécessaires, comme le bois et les divers condiments, le sel, par exemple, pour qu'elles aient la faculté de préparer leur repas. Ce dernier point manque de clarté, on pourrait se demander si des religieuses apprêtaient elles-mêmes leurs aliments. Ce n'est pas probable, car elles auraient bientôt encombré l'office, au grand détriment de la discipline, et de fâcheux conflits n'auraient pas tardé à se produire. Dans le règlement que nous étudions, on nous parle d'une servante qui avait part aux distributions, en récompense de son travail. C'était sans doute cette personne qui était chargée de la préparation des repas. L'économe payait 25 sols à la prieure pour son bois et fournissait la même somme à la communauté, le jour de saint Mathieu, 21 septembre. Il comptait annuellement 50 sols à la prieure, pour son vêtement, chaque moniale recevait 20 sols, pour le même motif. Il semble que chaque religieuse pouvait réclamer une quote-part des revenus nets de la communauté ou du moins en proportion de son séjour dans le couvent. On ne saurait trop concilier ce détail avec la pauvreté monastique [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/89. — Cartulaire de St-Sulpice, n°s CXXXVII, CXXXVIII et CCLV. — Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, fonds de St-Sulpice, 2H2, liasses non classées].
Dans le récit d'une visite qui eut lieu, le 7 août 1502, au prieuré de la Fougereuse, on paraît se plaindre que les religieuses fréquentent trop la cuisine et qu'elles y reviennent trop assiduement réclamer leurs soupes. On rapporte aussi que la prieure, Andrée de la Chapelle, avait admis dans son monastère un invité, trop intime, et qu'elle le faisait manger à son plat [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, fonds de St-Sulpice, 2H2, liasses non classées]. Nous savons qu'au moyen âge, deux personnes mangeaient au même plat, à la même écuelle, et n'avaient toutes les deux qu'une seule coupe pour boire. On disait couramment qu'un festin comprenant 20 convives était un repas de dix écuelles. On avait sans doute adopté ce régime dans les communautés, et ainsi une portion se mettait dans le même plat et servait à deux moniales. La maîtresse de maison, la prieure, avait son écuelle particulière et mangeait seule, à moins qu'elle n'invitât une personne étrangère, notable, à manger avec elle [Note : Les repas à travers les siècles. A. Lebault, in-8°, 1910, Lucien Laveur, éditeur, rue des Saints-Pères, Paris].
Le 7 novembre 1605, nous entendons des plaintes amères ; une moniale, nommée Blanche Dupont, vit à St-Sulpice et se désole des mauvais traitements qu'on lui inflige ; on lui refuse les sacrements et même le pain quotidien. Suivant elle, le revenu du monastère vaut 15.000 livres. Si l'abbesse affectionnait ses religieuses, elle devrait consacrer ces ressources à l'entretien de sa communauté, comme on le fait à St-Georges de Rennes et ailleurs ; mais elle s'en garde bien, elle croit beaucoup faire en leur distribuant le quart de sa fortune. Elle baille, à chaque moniale, 7 sols par semaine, pour chair et poison, un peu de vin breton, et, par année, un cent de fagots et une charretée de gros bois, ce qui suffisait à peine pour sustenter une personne pendant trois mois. Si elle s'en contente, si elle ne réclame pas, c'est pour éviter de plus grands malheurs. Pourtant, il y a un terme à tout, elle ne saurait patienter plus longtemps, elle demande une pension congrue de trois, cents livres. Ce trait nous montre que le mode d'existence qui s'observait, en 1341, au grand Locmaria, ne différait pas essentiellement de ce qui se pratiquait à ia maison mère, au commencement du XVIIème siècle. Du reste, il est permis de penser que l'abbesse n'avait qu'une et même loi pour tout le monde, ce qu'elle imposait à ses prieurés, elle le faisait adopter dans son propre monastère [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/104].
§ III. — CLÔTURE.
Nous arrivons à la clôture, à la séparation du monde, à la séparation des séculiers, des séculières, des profanes comme des personnages ecclésiastiques, sauf dans les cas de nécessité urgente ou de circonstances prévues par le droit canonique, qui autorise l'entrée dans le cloître du prêtre et du médecin pour procurer divers secours à une malade. Remarquons que ces deux consolateurs de l'humanité souffrante ou inquiète ne peuvent franchir la grille, sans être honorablement accompagnés et légitimement surveillés, au moins, par deux religieuses prudentes et graves, postées de manière à tout voir. Ces règlements, qui paraissent méticuleux, sévères, sont marqués au coin d'un grand esprit de sagesse, ceux qui ont cru devoir les imposer connaissaient les hommes et les choses, la vertu et le crime, la grandeur d'âme et la faiblesse humaine, qui peut s'insinuer même dans les asiles les plus sacrés. Cette séquestration que nous venons de préciser a-t-elle été observée à St-Sulpice avant la réforme ? Nous ne le croyons pas, malgré les sages ordonnances que nous avons pu lire, les bons témoignages qu'il nous a été donné d'entendre. En 1528, Alizon du Pontbellanger éprouve le besoin de formuler des constitutions pour prévenir des abus ou réprimer ceux qui existaient. Elle défend à ses filles de sortir de l'enclos sans sa permission expresse ou l'autorisation de la prieure, en son absence ; elle leur recommande de ne pas laisser des séculiers ou des séculières pénétrer dans le monastère, après l'heure des complies, sans raison grave et licence spéciale. On conviendra avec nous que cette prohibition d'admettre des profanes dans le cloître s'entend de la nuit, mais non du jour. La même abbesse fait, en 1544, un aveu qui paraît lui coûter, mais prouve bien qu'il n'y avait pas de clôture à St-Sulpice, comme dans les prieurés qui en dépendent. Le 21 octobre de cette année, le conseiller du Parlement de Rennes, Pierre d'Argentré, lui demande si elle ne souffre pas que des hommes séjournent pendant la nuit dans son couvent. La vertueuse supérieure se trouble et devient perplexe. Elle explique qu'elle ne possède pas d'hôtellerie pour recevoir les étrangers de passage, et puis dans cette misérable bourgade, ruinée de fond en comble, il n'y a pas un seul local où un homme de bien peut se réfugier. Quand les parents des religieuses viennent assister à une prise d'habit, à une profession, elle les loge à l'abbaye dans une chambre totalement séparée, et dès le lendemain matin, ils sont invités à la quitter [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/25]. Des personnes honorables, comme Georges de Saint-Gilles, seigneur de Betton [Note : Ille-et-Vilaine], comparaissent devant Pierre d'Argentré et attestent que les religieuses sont exemptes de tout reproche, on ne saurait les accuser de mener une vie scandaleuse, personne ne les a vues courir la campagne. Ces témoins affirment bien les connaître, ils fréquentent le couvent depuis de longues années. Ces dernières paroles laisseraient supposer qu'ils y avaient leur entrée libre [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/133].
Louise d'Appelvoisin, prieure de la Fougereuse, écrit le 16 novembre 1613, qu'elle est très surprise des bruits qui circulent dans le pays ; on dit que l'évêque de Maillezais [Note : Vendée, arrondissement de Fontenay-le-Comte], veut, de concert avec Marguerite d'Angennes, établir une nouvelle observance dans son monastère. Elle est très dévouée à son abbesse, elle l'aime, elle l'admire. Comme elle, Louise d'Appelvoisin a beaucoup travaillé, elle désire vivre en repos ; on ne saurait l'obliger à des choses auxquelles elle n'est pas tenue devant Dieu, ni en bonne conscience, elle n'a jamais fait vœu de vivre en clôture. Lorsqu'elle fit profession à St-Sulpice, elle avait alors l'intention de vivre comme ses deux tantes et celles qui l'avaient précédée [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, fonds de St-Sulpice. 2H2, liasses non classées]. Nous savons déjà que Andrée de la Chapelle, qui gouvernait cette communauté, en 1502, en prenait à son aise avec la clôture, quand elle admettait à manger à son plat un hôte logé dans son couvent et s'en allait, en sa compagnie, savourer, à l'extérieur, de plantureuses agapes. — Louise d'Appelvoisin écrit encore, le 6 septembre 1624, que sa nièce, Claude d'Appelvoisin, et sa cousine de la Rabatelière se soumettront à la réforme, elle les secondera volontiers dans leurs efforts. Elles auront un logis séparé et pourront se rendre à l'église sans être vues de personne. Elle craint bien que ces deux religieuses ne s'ennuyent par trop. Cette sympathique moniale demande pour elles à l'abbesse une faveur spéciale, celle de recevoir dans une salle commune et de les entretenir dans les jardins les sœurs, les belles-sœurs et les proches parents. Nous devinons facilement la réponse, Marguerite d'Angennes avait des idées arrêtées, et la prieure de la Fougereuse ne comprenait pas ce que devait être une salutaire clôture [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, fonds de St-Sulpice, 2H2, liasses non classées]. Mais la vie du cloître, on la connaissait déjà à St-Sulpice, les deux jeunes personnes dont nous venons de parler l'avaient acceptée. L'évêque de Rennes, Pierre Cornulier, nous le fait savoir. Il permet à Claude d'Appelvoisin, dite de la Roche du Maine, et à Mme Bruno de la Rabatelière de se rendre à la Fougereuse, par le plus droit chemin et sans se détourner de leur route. Quand la première aura reçu la résignation de sa tante, et fait tout ratifier, elles devront toutes les deux regagner leur monastère de profession, au moins dans les six mois qui suivront. Pendant leur séjour à la Fougereuse, elles observeront la clôture, ne recevront point de séculiers et ne souffriront point qu'on leur parle sans être accompagnées de quelque personne discrète (30 juill. 1624) [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, fonds de St-Sulpice, 2H2/70]. Les termes de cette autorisation épiscopale condamneront à l'avenir ces religieuses qui chercheront à tromper l'abbesse et à prolonger indéfiniment leur absence. Qui voudrait désormais les considérer comme des victimes d'une méchante intrigue et d'une excusable bonne foi ? Nous en parlerons ailleurs quand la suite des événements nous présentera ces deux moniales en révolte contre leurs voeux, et une supérieure légitime.
En 1544, Alizon du Pontbellanger déclare que ses religieuses sont bien obéissantes, cependant trois d'entre elles vivent aux champs, dans leurs prieurés, en dépit de ses conseils et de ses réclamations [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/25]. — Les ordonnances formulées par la même fixent le chapitre général au lendemain de l'Assomption de la Vierge. Toutes les prieures et les religieux ayant un titre ou un bénéfice doivent s'y rendre sous peine de payer un marc d'argent, comme amende. Tous les moines sont obligés de célébrer la messe, ce jour et le suivant, à l'intention des bienfaiteurs. L'abbesse perçoit à cette occasion, ainsi que la prieure, et la maîtresse des novices, certaines redevances et procurations. Ces offrandes varient et paraissent mal déterminées. Dans une déclaration de ses biens et de ses redevances, Françoise de Lestourbeillon, prieure du Thélouet (1520-40), signifie qu'elle doit payer à son abbesse, à l'époque du chapitre, 15 livres et 100 sols, à la prieure [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/119]. En 1600, la prieure de ce même couvent reconnaît qu'elle doit 3 sols à la prieure des novices, le jour de la Mi-Août [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/115]. Les prieures et religieux ou leurs procureurs devaient fournir un état du temporel de leur monastère avec une liste des revenus et dépenses qui étaient déposés aux archives de l'abbaye. Le compte rendu du chapitre se terminait par ces mots : « Tous ont confessé être en la dépendance de l'abbesse, à laquelle ils doivent obéissance ». Quand ils décèdent leurs biens meubles et immeubles lui appartiennent [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/72]. Louise d'Appefvoisin déclare, en 1608, qu'elle doit payer à l'abbesse de St-Sulpice, le 16 août de chaque année, 36 sols, et 6 sols à la prieure [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/72]. Alizon du Pontbellanger recommande à ses religieux et religieuses de ne point sortir sans porter l'habit régulier, d'éviter de tomber dans les extravagances de la mode, de ne pas aller manger dans les tavernes, sauf en voyage, de ne jamais écrire de lettres scandaleuses ou diffamatoires, de ne point fréquenter ou prendre à son service des personnes d'une réputation équivoque. Ce dernier conseil regarde les moines qui habitent en dehors du monastère. Il y avait d'ordinaire quatre religieux à l'abbaye, parmi lesquels figurent le recteur de St-Sulpice et le prieur de Chasné. L'abbesse paraît se plaindre que les religieux qui desservent des paroisses dans les environs ne veulent pas résider à St-Sulpice. Elle défend à tous ceux qui possèdent un bénéfice de passer un bail ou un contrat quelconque sans avoir obtenu, au préalable, son assentiment [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/25]. Lorsqu'on se réunissait à la salle capitulaire pour délibérer, les religieuses et les religieux s'y rendaient. En effet, Gabrielle de Morais, avant de résigner en faveur de sa nièce, demanda l'avis de la communauté. A la suite des noms de toutes les moniales qui prirent part à cette assemblée, nous lisons les noms de quatre religieux suivants : F.F. Sébastien Moulin, vicaire de St-Sulpice, Pierre Bidault, vicaire de Chasné, Jean Day, vicaire de St-Aubin-d'Aubigné, Jean Delourme, vicaire de Mouazé [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/17].
Les anciens religieux et religieuses de St-Sulpice ne paraissent pas avoir connu le voeu de pauvreté, ils disposent, à l'heure dernière, de tout ce qu'ils peuvent posséder et font des legs particuliers, comme l'atteste le testament de Gabrielle de Morais, qui mourut en 1614. Elle donne son âme à Dieu, à la glorieuse Vierge Marie et désire que son corps soit ensépulturé dans le chanceau de l'église, près de sa feue tante. Comme elle possède deux cents écus, elle souhaite qu'on les emploie à lui commander un beau tombeau. Elle prévoit tout, elle règle les moindres détails de ses funérailles. Le jour de sa sépulture, treize pauvres revêtus de noir porteront treize torches ; on distribuera dix écus aux malheureux et on les engagera à prier pour le salut de son âme. Pour ses funérailles, on dira une vigile à neuf leçons, on chantera la messe et on fera la même chose, tous les jours, pendant un an ; quatre ou cinq prêtres assisteront à ce service. Quant à sa coupe et son écuelle d'argent, elle les donne pour faire un encencier (encensoir). Ses deux femmes de chambre ne sont pas oubliées ; pour leur témoigner sa reconnaissance, outre leurs gages ordinaires, elle leur lègue soixante-dix livres tournois-à chacune d'elles [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/17].
En 1544, Alizon du Pontbellanger expose au conseiller du Parlement, Pierre d'Argentré, que toutes les prieures qui demeurent en dehors du monastère, dans diverses contrées, sont toutes bien obéissantes ; mais elle ajoute qu'elles jouissent singulièrement de leurs bénéfices, qu'elles en touchent tous les revenus sans qu'elles en donnent un seul denier à la maison-mère. Les religieux marchent sur les traces des moniales, le séjour de l'abbaye ne paraît pas les charmer ; ils aiment mieux résider à l'extérieur, dans le voisinage de leurs prieurés où ils en dépensent arbitrairement les rentes. Le seul article qu'ils respectent, c'est de ne point passer un bail ou stipuler une convention domaniale sans le congé de l'abbesse. Tout le monde en conviendra, cette manière de vivre, de se comporter, ne se concilie pas avec le vœu de pauvreté ; du reste, on s'en inquiète si peu qu'on paraît l'ignorer entièrement [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/25].
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