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Abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt. |
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L’enseignement des religieuses de Saint-Sulpice.
Les religieuses de Saint-Sulpice, comme le prouve la tradition, se livraient à l’enseignement, mais il serait difficile de préciser ce qu’elles apprenaient aux enfants qui leur étaient confiées. Certes, l’éducation des jeunes filles au moyen âge ne fut pas aussi soignée que celle des garcons, pourtant elle ne fut point négligée et encore moins oubliée. Sous Charlemagne, saint Louis, Philippe le Bel et jusqu’à Charles VIII, on trouve des femmes éminentes qui se distinguent non seulement par leurs vertus publiques ou privées, mais encore par la variété des connaissances et quelquefois même par le talent d’écrire. Si saint Paul recommande à la femme de se taire à l’église et lui défend de disputer sur le dogme et la morale, néanmoins, dans sa sollicitude, il confond les diaconnesses avec les diacres de la primitive Eglise. A son exemple, le Pères grecs et latins témoignent dans la suite un zéle spécial pour l’nstruction de la femme. Saint Jérôme ne donne-t-il pas tout un plan d’éducation destiné à des jeunes filles. Un fait constant, c’est qu’au VIème et VIIème siècles, il existait sur le sol de Gaule plusieurs monastère dans lesquels les lettres divines et humaines étaient cultivées par les religieuses, et où de jeunes enfants étaient admises et élevées. Sainte Radegonde, au monastère de Saint-Croix, qu’elle avait fondé à Poitiers, lisait habituellement Saint Grégoire de Nazianze, Saint Basile, Saint Athanase, Saint Hilaire, Saint Ambroise, Saint Augustin .... Elle exhortait ses compagnes à imiter son exemple ; elle les instruisait elle-même, et quand on faisait la lecture en commun elle expliquait les passages obscurs et difficiles.
Au VIIème siècle, sainte Gertrude, abbesse de Nivelle, savait, dit-on, par cœur la plus grande partie de l’Ecriture Sainte. Elle faisait venir des livres de Rome et des maîtres d’Irlande. Au monstère de Saint-Jean de Laon, saint Austrude s’exercait à l’enseignement des lettres qu’elle avait étudiées dans son enfance.
La règle donnée par saint Césaire, évêque d’Arles, au monstère de femmes qu’il avaint fondé de 507 à 512 dans sa ville épiscopale, il veut que toutes les religieuses apprennent les lettres, que tous les jours, en tout temps, elles consacrent à la lecture deux heures de la matinée. Dans une règle anonyme qui paraît fort ancienne, car elle est citée par saint Benoît d’Aniane, l’auteur fait aussi des recommandations aux religieuses sur la manière d’élever les plus jeunes filles. Il rappelle les soins pieux dont ces enfants doivent être entourées au couvent, de peur qu’elles ne contractent dans le premier âge des habitudes d’indolence et de légèreté qu’il serait difficile de corriger plus tard. Il ajoute qu’elles doivent être exercées de bonne heure à la lecture afin d’acquérir, dès leurs plus tendres années, les connaissances qui leur seront utiles à une époque plus avancée de la vie. Charlemagne voulut, dit Eginhard, que ses filles, aussi bien que ses fils, fussent instruites dans les arts libéraux, que lui-même cultivait. Des princesses, des jeunes filles, assistaient, dans l’école du palais, aux leçons d’Alcuin.
L’enseignement que ce maître donnait comprenait les premiers éléments de la grammaire, quelques aperçus de rhétorique et de logique, quelques notions d’arithmétique et d’astronomie.
En 789, Charlemagne ordonnait d’établir des écoles de lecture pour les enfants de condition servile ou libre, et d’enseigner dans les monastères et les évêchés, le psautier, le chant, le calcul, la grammaire ; Théodulphe, évêque d’Orléans, animé d’une ardeur égale pour l’instruction, prescrivant aux curés de son diocèse de tenir école dans les bourgs et les campagnes, de recevoir gratuitement tous les enfants qui leur seraient envoyés par les fidèles, on ne saurait refuser de croire que les filles elles-mêmes n’étaient pas exceptées. Ce qui confirme cette présomption, c'est que, dès la fin du IXème siècle, les évêques commencèrent à défendre que les filles fussent réunies aux garçons dans les écoles tenues par les curés [Note : Labbe, édit. 1671, in-fol., t. IX, p. 421]. Emma, abbesse de Saint-Amand de Rouen (XIème siècié), avait des goûts littéraires. Au XIIème siècle, Héloïse, nièce d’Abélard, dut sa renommée autant à son savoir qu'à ses fautes. A la même époque, sainte Hildegarde entretint un commerce de lettres avec les personnages les plus célèbres de son temps.
L'éducation monastique était à peu près la seule qui fut donnée aux femmes, riches et pauvres, nobles et roturières, du IXème au XIIème siècles.
Les enfants qu'on plaçait dans les cloîtres uniquement pour parfaire leur instruction recevaient-elles les mêmes leçons que les novices et les religieuses ? C'est fort probable, car si les jeunes filles qu'on envoyait dans les couvents n’avaient pas toutes la vocation monastique, elle pouvait se développer chez toutes par l'effet même de l'éducation reçue ; il importait donc de les préparer à l'état qu'elles pourraient être conduites à embrasser dans la suite. Il est vraisemblable que dans beaucoup de monastères, l'enseignement ne dépassait point le cercle des connaissances usuelles, telles que la lecture, l'écriture, le chant et le comput. Peut-être formait-on les jeunes religieuses et les pensionnaires elles-mêmes à copier avec goût les manuscrits, à faire de l'enluminure, à coudre, à broder, à peindre, à jouer aux échecs, à donner des soins médicaux aux blessés à la suite d'un tournoi, d'une chasse.
L'usage et l'influence de l'éducation monastique persistèrent au XIIIème siècle, car nous voyons saint Louis placer à Pontoise et ailleurs les filles des chevaliers qui étaient morts en Terre Sainte, et recommander aux moniales de parfaire leur instruction.
Au XIIIème siècle, quelques personnes pensèrent qu’il était nuisible d'apprendre aux femmes à lire et à écrire, car, disaient-elles, on leur mettait entre les mains un puissant moyen de perversion. On sut réagir contre cette étrange opinion. Si la guerre de cent ans jeta le trouble en France et porta un coup fatal à l'enseignement, en ruinant les écoles et les monastères, des âmes énergiques surent remédier à ce désastre et répandre dans leur entourage l'amour de la science. Au XVIème siècle, les lettres furent l'objet d'une faveur universelle [Note : Voir : Education des femmes au moyen âge, par Charles Jourdain. — Mémoire de l’Institut nationale de France, academie des inscriptions et belles lettres, t. XXVIII, p. 79, année 1878].
A l'abbaye de Saint-Sulpice, les pensionnaires vivaient la plupart du temps avec les novices. Elles allaient le soir avec elles à la chapelle Saint-Joseph, pour l'examen de conscience, et se retiraient quand la maîtresse leur donnait la matière de l’oraison pour le lendemain. La maîtresse des novices avait mission de surveiller leurs progrès dans la science, elle commettait de jeunes professes pour les instruire.
Les constitutions qui nous fournissent ces renseignements n'en disent pas davantage, elles gardent le silence sur tout ce qu'on pouvait enseigner. Nous avons eu l'occasion de le voir, la discipline n'était pas toujours parfaite ; qui ne se souvient pas de ces grandes pensionnaires de Locmaria, près de Quimper ? Elles conversaient à haute voix, pendant la nuit, dans leur dortoir et empêchaient les religieuses de dormir. Rien de tel ne s'est passé à Saint-Sulpice, les maîtresses excercent une sage surveillance et les élèves qui rentrent dans leur famille emportent de cette maison le meilleur souvenir. Les traits que nous allons citer nous en fourniront une preuve. André Simon, sieur de Launay, est le tuteur d’une jeune orpheline nommée Lucrèce de la Chapelle. Il la conduit au monastères du Nid de Merle avec une de ses filles et la confie aux soins des religieuses en les priant de parfaire son instruction. Avant de prendre congé des moniales, il leur insinue qu’il teint à conserve toute son autorité sur sa pupille, il la retirera quand il le voudra. Six mois plus tard, on le voit arriver à Saint-Sulpice, il déclare qu’il vient prendre Lucrèce pour l’emmener chez lui. Cette dernière est toute surprise d’une pareille décision, elle se plaît au couvent, elle aime la compagnie et les bons conseil de ses tantes, sœur Louise Symon, dame de la Tavenne, Lucrèce et Anne Mellet, et puis il lui tarde de s'instruire. André Symon ne comprend rien à ce raisonnement, il soupçonne qu’on a formé quelque projet pour entraver ses desseins. Sans plus attendre, il accuse l’abbesse d’avoir circonvenu sa protégée pour la marier à sa guise ou en faire une religieuse. Comme ses paroles ne produisent aucun effet, il s'adresse à la Cour du Parlement et obtient une sentence lui permettant de la réclamer tout en lui défendant, sous peine de 20.000 livres d'amende, de la marier avant 15 ans (16 mars 1668) [Note : Archives départements d’Ille-et-Vilaine, 2H2/50]. Cette clause calme sans doute l’ardeur de notre bouillant tuteur qui croit alors utile de réfléchir avant d’agir. Deux ans plus tard, 1670. Lucrèce de la Chapelle est une jeune fille de 13 ans, elle est toujours pensionnaire chez les Bénédictines. Un sieur Rigouard la recherche en mariage, la courtise et porte la galanterie jusqu’aux grilles du cloître. Gagné par ce prétendant audacieux, le tuteur tente d’arracher sa nièce à son malencontreux couvent, les autres parents ne s’y opposent pas. Tout ce monde a compté sur la timidité de l’enfant qui ne saurait contrarier la volonté de toute la famille, mais on n’a pas songé à l’énergie de sœur Louise de la Tavenne et de l’abbesse de Saint-Sulpice. Cette dernière, Marguerite de Morais, comprend qu’elle doit défendre la faible et infortunée créature qu’on se dispute et à qui on veut imposer une décision prématurée. Elle déclare que l’enfant n’est pas nubile et qu’on doit attendre que le temps fasse son œuvre. Pour mettre fin à ces recherches de mauvais aloi, elle porte l’affaire au Parlement, qui défend au sieur Rigouard et aux autres prétendants d'aller obséder Lucrèce de la chapelle au monastère, 28 mars 1670 [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/19].
La correspondance que nous allons exposer aux yeux du lecteur montre que ceux qui fréquentaient l’abbaye de Saint-Sulpice en gardaient un excellent souvenir, que le temps et la distance n’affaiblissaient pas. M. d’Orzol habite la Rivière Salée, à la Martinique, Comment a-t-il connu le monastère de Saint-Sulpice ? Nous n’en savons rien. Sa première lettre est datée du 20 janvier 1738 ; elle indique qu’il a confié aux Bénédictines l’instruction de ses filles. Il semble que l’une de ses sœurs, Marie-Colombe d’Orzol, était religieuse de Saint-sulpice, depuis le 30 octobre 1721. Une plus jeune, Marie-Anne, se consacra à Dieu dans le même monastère, 1er août 1747. Cette moniale fut bientôt frappée de démence ; elle avait des accès de furie et on était obligé de la surveiller constamment. Dans sa premier lettre, M. d’Orzol dit que sa fille Céleste a la vocation religieuse, il s’en réjouit ; comme il s’estimerait heureux si les autres voulaient suivre cet exemple ! ? Celle-ci prononce ses vœux, le 9 juillet 1748. — Pour les deux dernières professes, il s’est engagé à payer 600 livres de pension et 8.000 livres pour les dots. Comme nous le verrons, ces redevances lui occasionneront de grands soucis, ainsi qu’aux siens. M. d’Orzol écrivait, le 10 octobre 1746, à une dame de sa connaissance qui souffrait de rhumatismes ; c’était sans doute une religieuse. Il deplore qu’on ne puisse voyager aussi facilement de France à la Martinique que de Saint-Sulpice à Paris, car il serait à même de lui offrir une maison confortable et des eaux chaudes. Faisant ensuite allusion à des intérêts de famille, il parle d’un fils qui est entré dans la compagnie des Cadets que M. Maurepas avait créée à Rochefort. Cet enfant a obtenu le brevet de capitaine, mais on n’a pas de place à lui donner et cependant M. de Maurepas trouve la possibilité de pourvoir deux officiers ! Dans un transport de mauvaise humeur, il s'écrie que son malheureux fils aurait mieux fait de planter des choux ! — Dans une autre correspondance il parle d'un enfant qui fait ses premières armes dans la carrière ecclésiastique. S'agit-il du même personnage ? Pour le stimuler dans l'étude de la science théologique, il ne consentira à le voir que lorsqu'il aura mérité le bonnet de docteur ! Il continue sa lettre en exposant une série de malheurs dont il a été la victime. Une terrible épidémie a tué ses noirs et ses bestiaux. Faisant allusion à la guerre de sept ans [Note : La guerre de Sept Ans (1756-1763) oppose la Grande-Bretagne, la Prusse et Hanovre à une alliance regroupant la France, l'Autriche, la Suède, la Saxe, la Russie et, plus tard, l'Espagne], il déclare qu'il en éprouve de graves préjudices. Il avait 90 barriques de sucre pouvant lui rapporter 36.000 livres ; grâce au désarroi engendré par le conflit actuel, il n'a pu en retirer que 10.000 livres. Il ne faut donc pas s'étonner s'il ne réussit pas à payer ses dettes, 24 août et 29 septembre 1759 [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/18]. Le 10 avril 1753, il écrit que des esclaves, pour faire tort aux maîtres, faisaient périr leurs collègues et les animaux domestiques [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2H2/18]. Mme d'Orzol annonce une douloureuse nouvelle à la communauté de Saint-Sulpice ; elle a perdu son mari, que de fâcheux événements avaient poussé à contracter de nombreuses dettes ! Elle aurait pu renoncer à la communauté et se contenter de ses apports estimés à 100.00 écus, mais cette conduite lui répugnait. Pour son exploitation et sa manufacture, elle aurait besoin de 100 esclaves, mais elle n'en possède que 24. Elle songe à la dot de sa belle-sœur Marie-Anne, elle envoie, pour la solder, 2.814 livres, dans une lettre de change, adressée à M. Bérard, secrétaire du Roi, à Bordeaux, lettre de change qui ne fut acquittée qu’un an plus tard. Elle termine en disant qu’elle enverra prochainement de l'argent pour payer la dot et la pension de sa fille (15 août 1765). Quatre ans plus tard, le 26 juin 1769, elle fait de nouveaux envois, elle expédie 1.280 livres pour acquitter la dot de sa belle-sœur [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/18]. C’est la dernière lettre dont nous connsaissance, il est à présumer que cette noble personne ne tarda pas à rejoindre son mari. Son fils, M. Giraud d’Orzol, devait continuer les bonnes relations avec la communauté de Saint-Sulpice. Il habite le Saint-Esprit, à la Martinique. Le 15 décembre il écrit à la vénérable abbesse qu’il est désolé, lui gentilhome, de ne pouvoir payer ses dettes… Il a perdu pour plus de 50 mille écus d’esclaves et de bestiaux. Au milieu de ses revers, Dieu lui a fait une grande grâce : il lui a inspiré de se remarier. Ayant fait une petite récolte de café, il l’expédie à Saint-Sulpice et l’offre pour la consommation de l’abbaye, 15 décembre 1785. Il ne tarde pas à faire savoir qu’il n’a pu embarquer le café comme il l’avait dit. Pour réparer cette mésaventure, il envoie cette fois quelques barriques de sucre et un quart de café (20 mai 1786). Un mois après, le 10 juin 1786, il avise l’abbesse qu’il lui adresse un quart de café et 12 bouteilles de liqueur. Dans quelques années, si ses plantations réussissent, comme il l’espère, il pourra envoyer à l’abbaye 3 ou 4 milliers de café. Il lui parle de sa jeune femme qui est vertueuse et d’une belle figure. Sa sœur voulait aller mourir à Saint-Sulpice, mais l’affection qu’elle portait à son frère l’en a empêchee. Elle l’a consolé, soutenu dans ses malheurs et son veuvage. La même année, il écrit de nouveau à l’abbesse pour lui annoncer qu’il lui expédie des bouteilles de liqueur et du vin d’orange bon pour les dérangements d’estomac. Il n’a pas envoyé autant de café qu’il avait espéré, car il n’a pas bien reussi : les fourmis dévorent tout. Sa sœur, Reine qui avait été élevée à l’abbaye et s’était mariée en sortant, à l’âge de 15 ans, a perdu son mari qui laisse 6 à 7 millions de bien à la Guadeloupe et 5 enfants, 4 filles et un garcon [Note : Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2H2/18]. Cette correspondance prouve que nos Bénédictines du Nid de Merle donnaient une sérieuse éducation à leurs élèves, tout en s'en faisant aimer et estimer. N'est-il pas touchant de voir sur une terre étrangère, dans une île perdue au milieu des mers, cette jeune personne songer à ses anciennes maîtresses dans la compagnie desquelles elle souhaite de mourir ? Combien d'autres ne se sont jamais résignées à quitter le monastère où elles avaient reçu de si bons principes ! Nous avons en vain cherché à connaître ce que ces religieuses enseignaient, les méthodes qu'elles employaient, les succès qu’elles obtenaient. On ne saurait comparer l’instruction qui se donne de nos jours à celle que nos aïeux recevaient dans les âges lointains et avant la Révolution. Les maîtres d'alors se contentaient d'apprendre à lire, à compter et à écrire plus ou moins correctement. L'orthographe n'était pas toujours respectée et plus d'une fois nous avons éprouvé des mouvements de surprise en voyant de notables religieuses fronder avec les lois les plus élémentaires de la grammaire ! Nous avons découvert dans les Archives départementales du Finistère la correspondance de deux pensionnaires du Grand-Locmaria avec un de leur parent : elle ne manque pas d'intérêt. Ces jeunes filles s'expriment avec une simplicité naïve, mais d'une manière convenable ; elle respectent la langue qu’elles parlent et nous fournissent des renseignements sur l’existence qu’elles mènent à la communauté. L’une d’elles semble avoir quelques dispositions pour la peinture.
Le chevalier des Roches, gouverneur des îles de France et Bourbon, a laissé deux nièces orphelines qu'il protège et qu'il a confiées à une de ses sœurs. Celle-ci désire que Marie-Joseph et Rose du Dresnay, car c'est ainsi qu'elles s'appellent, assistent tous les jours à la messe dans l'église du monastère, et, à ce sujet, elle se plaint de leur gouvernante, une demoiselle Morel, qui n'est pas très pieuse et, par contre, a la main trop leste. Marie-Joseph est d'un visage agréable, tandis que Rose, quoique laide, est fort amusante et plaît à tout le monde, 22 août 1768. Les deux jeunes filles sont au couvent avec leur gouvernante. Leur toilette n’est pas toujours correcte, la religieuse qui les surveille en fait la remarque. Cette observation n’est pas de nature à flatter la morel ; elle conseille aux enfants de répondre à cette nonne de s’occuper de son bréviaire ! (15 octobre 1768). La gouvernant paraît gagner l’estime de Mme du Dresnay, elle lui semble plus vertueuse, les jeunes filles lui ont dit qu’elles ne voyaient les religieuses qu’à la récréation du soir. D’après une lettre du 22 novembre on voit que les enfants prennent du café avec la Morel, et même la jeune Rose fait usage du tabac que son oncle lui envoie. Le 30 décembre, 1768, Mme du Dresnay expose au chevalier que Marie-Joseph est volontaire, elle ne veut pas qu’on la frise. Plus tard, elle lui raconte que l’aînée aime la solitude ; la jeune, les plaisirs, mais cette dernière est si étourdie qu’on n’ose la laisser aller dans le monde sans sa sœur. Le 4 décembre 1769, la tante trouve Marie-Joseph trop portée à la pièté, elle craint pour elle une vocation religieuse — quelques jours auparavant, Rose écrit à son bon oncle que tout le monde parle d’elle. — Le 23 août 1770, elle lui dit qu’elle attend de ses nouvelles, mais les dames de Quimper la dédommagent : elle a été invitée à dîner trois fois dans une semaine. Rose envoie au chevalier des Roches un dessin représentant la mer et au loin une île. Sur l’Océan, on apercoit une légère embarcation qui emporte un cœur brûlant ; sur la rive attend une blanche colombe. Au-dessous on lit : votre retour est vivement désiré. Le gouverneur ne semble pas avoir apprécié cette délicate attention, car il laisse l’image avec la lettre dans son enveloppe et ne trouve pas une gracieuse parole de remerciement. Il faut l’excuser en nous rappelant que l’époque où il se trouvait à Bourhon était fort tourmentée : il pouvait toujours craindre un coup de main des Anglais [Note : Archives départementales du Finistère, H. 367-368].
Nous venons de quitter une famille qui nous a frappés d'admiration pour sa vive reconnaissance envers les religieuses de Saint-Sulpice. Elle n'oublie pas les dettes matérielles, elle s'empresse d'y faire face, de les acquitter, en dépit des circonstances malheureuses au milieu desquelles elle vit. Nous reacontrons actuellement un autre débiteur qui est moins soucieux des obligations qu'il a contractées, bien plus, il veut s'y rédober. Le nom qu'il porte est fameux dans l’histoire des sciences et des lettres : qui n'a pas entendu parler du célèbre Le Pic de la Mirandole, dont le savoir embrassait un horizon sans fin ? Celui dont nous parlons n'est pas étranger à la Bretagne, il habite Châteauneuf-du-Faou [Note : Arrondissement de Châteaulin (Finistère)]. Son noble père était sénéchal de l’endroit. Comme ses finances n’étaient pas très prospères, il fit visite à Françoise de Marigo, prieure du Grand-Locmaria, qui consentit à lui prêter 1.500 livres, à raison de 75 livres de rente annuelle (8 février 1755) [Note : Arrondissement de Châteaulin (Finistère)]. Les arrérages de cette somme n'étaient pas régulièrement payés et les réclamations n’avancaient pas les choses. Nous sommes en 1783, l'emprunteur est mort en laissant une situation assez confuse. Son fils tâche d'y mettre un peu d'ordre, mais il a fort à faire. Comme Françoise de Marigo le prie de solder ce qu'il lui doit, il lui réplique qu'il n'est point débiteur mais son créancier. Le prêt qu'elle a fait n'est pas approuvé, confirmé, par des lettres patentes, on peut donc le considerer comme usuraire. Dans ce cas, les intérêts payés se déduisent du capital et comme elle a touché 1725 Livres, elle lui est redevable de 225 livres. La prieure ne se laissa point déconcerter par cette réponse extraordinaire et entreprit de revendiquer son bon droit devant les tribunaux ; les procédures suivaient encore leur cours le 30 janvier 1788 [Note : Archives départementales du Finistère, H. 367].
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