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Abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt.

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La bienfaisance des Bénédictines de Saint-Sulpice.

Nous avons été témoins d’événements douloureux, qui nous ont laissé une pénible impression ; détournons maintenant nos regards de ce lugubre spectacle et considérons l’admirable bienfaisance que les Bénédictines excercent à Saint-Sulpice et dans plusieurs autres monastères. Avec un dévouement inlassable elles ont, dans tous les temps, secouru les misères morales et physiques. Les population locales, aveuglées par quelque idée nouvelle, oublient que le dimanche doit être entièrement consacré à la louange divine et ne craignant pas d’en faire un jour de marché. Les religieuses en gémissent et supplient le ciel de mettre fin à un pareil scandale. Leur prière est entendue, des missionnaires, à la parole ardente et au zèle infatigable, parcourent les campagnes, rappelant aux petits comme aux grands les vérités éternelles. On comprend bientôt que le jour du seigneur ne peut s’accorder avec les réunions mondaines, que les foires et marchés trouveront mieux leur place dans le cours de la semaine. Cette révolution s’effectua en 1407 [Note : Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine 2H2/64. Guillotin de Corson. Pouillé du diocèse de Rennes, T. II, p. 26]. Quels sont les bons prédicateurs qui l’opérèrent ? Nous ne le savons pas. On ne peut l’attribuer à saint Vincent Ferrier qui ne parut en Bretagne qu’en 1418 et 1419. Le grand apôtre passa en faisant le bien. Les foules accouraient de toutes parts pour l’entendre et s’en retournaient transformées par ses conseils et son enseignement. A Rennes, 30.000 personnes se pressaient sur la place Sainte-Anne, pour l’écouter. Il daigna s’arrêter plusieurs jours dans l’Abbaye de Redon ; s’il n'accorda pas la même faveur aux moniales de Saint-Sulpice, il adressa la parole à leurs vassaux dans la petite bourgade d’Aubigné (Ille-et-Vilaine), localité peu élognée [Note : S. Vincent Ferrier, Arthur de la Borderie, Hist. de Bretagne, t. IV].

Deux siècles plus tard, un digne missionnaire fit entendre la bonne parole dans nombre de paroisses bretonnes. C’était le Révérend Père Maunoir, qui se distingua par une vertu éminente et laissa la réputation d'un saint. Né à Saint-Georges-de-Reintembault (Ille-et-Vilaine), le 1er Octobre 1606 ; il fit ses études au Collège de Rennes et entra ensuite dans la Compagnie de Jésus. Il résida ordinairement à Quimper et entretint les meilleures relations avec les religieuses du grand Locmaria, prieuré dépendant de l’Abbaye du Nid de Merle, comme nous l’avons vu. C’est dans ce couvent qu’il opéra une guérison miraculeuse, après sa mort. Ce religieux se devait à son pays d'origine. Il donna une grande mission à Fougères (Ille-et-Vilaine) ; plus de 40 paroisses s'y rendirent en procession, recteurs en tête, 1660. Le spectacle qu'elles eurent sous les yeux détermina tant de gens à ces exercices qu'on ne savait où les loger. Les places et les maisons de la ville regorgeaient de monde ; il fallut dresser des tentes en plein air, à la campagne. Des personnes attendirent deux jours et deux nuits à la porte du confessionnal, sans prendre aucune nourriture. Le salut de son âme faisait oublier à chacun tout le reste. Le P. Maunoir prêcha dans sa paroisse natale, en 1661, et fit élever une magnifique croix qui subsista jusqu'en 1860. Il se rendit, la même année, à la Chapelle-Janson, où il donna une mission. On n’y avait pas fait le catéchisme depuis 14 ans. Les paroissiens furent si pénétrés de la vertu du prédicateur qu'ils voulurent tous faire une confession générale. En 1675, des troubles grave éclatèrent dans notre province, à propos de nouvelles taxes. Certains paysans exaspérés par les charges qu’on leur imposait se révoltaient et même rêvaient un véritable communisme. Parlant de la bande des bonnets rouges, qui infestait le pays de Tréguier, le recteur de Plestin (Côtes-du-Nord), écrit sur le registre des baptêmes, mariages et décès, en janvier, 1676 : « Les paysans croient tout permis, considèrent tous les biens, comme une propriété commune, n’épargnent même pas les ministres de l’église désirant égorger les uns et chasser les autres de leurs paroisses ». Il termine par ces paroles : « Dieu et le roi remédieront à ces maux ». C’est sur ces entrefaites que le P. Maunoir arriva à Plouguernevel, avec cinq missionnaires. Sa sainteté ne le mit pas à l’abri des injures, il fut mal reçu. Les habitants, qui n’avaient aucune sympathie pour les agents du fisc, s’imaginèrent que ces prêtres étaient leurs complices et qu’on allait encore augmenter les impôts pour payer leur nourriture. Le vertueux Jésuite ne se laissa pas alarmer, il fit entendre des paroles de paix et calma toute la population. Depuis longtemps, l’abbesse de Saint-Sulpice suppliait le R. P. Maunoir de venir évangéliser les paroisses qui étaient sous sa dépendance : ses désirs furent enfin exaucés. L’on convint d’un commun accord que la mission se donnerait dans l’église de l’abbaye. Le R. P. Maunoir se fit aider, dans cette œuvre, de 24 missionnaires, et tous travaillèrent avec d’autant plus d’ardeur que la vénérable supérieure, Madame de Morais, n’avait rien épargné pour faciliter leur tâche. Les gens du peuple comme les personnes de condition accouraient en foule pour entendre ces prédicateurs qui faisaient bénir Dieu et la religion catholique. Ces merveilleux apôtres furent obligés de donner quatre retraites successives. Des dames du monde, venues à l'abbaye pour s'y enfermer et faire une retraite de huit jours, la prolongèrent pendant quinze jours et même pendant trois semaines, si puissant était le charme qui les y retenait. Il semblait que rien ne pourrait désormais les détacher d'un séjour où elles avaient contemplé tant de vertus et recueilli elles-mêmes des grâces si abondantes. La piété des uns excitait la ferveur des autres, et tous, peuples et missionnaires, rivalisaient d’une sainte ardeur. Les religieuses elles-mêmes prenaient part à l'apostolat. Elles chantaient des cantiques et apprenaient au peuple à les chanter. Les dimanches et jours de fêtes, la multitude des pèlerins débordait de toutes parts. Il fallait alors prêcher dans la cour de l'abbaye. L'attention qu’on prêtait à la parole divine, bien loin de diminuer, paraissait encore grandir. Un jour, le P. Maunoir était en chaire, quand la pluie survint tout à coup. Personne n'en fut distrait un seul instant, et les auditeurs demeurèrent tête nue, comme auparavant, sans même penser à se couvrir. Les retraites laissaient dans les cœurs de si douces émotions et une joie si profonde, que les maris y envoyaient leurs femmes et celles-ci leurs enfants. En retournant dans leurs paroisses, les vassaux disaient à chacun des passants qu’ils rencontraient : « Allez à Saint-Sulpice, le salut est là ». Aussi, l'abbesse et ses bénédictines, devant des résultats si consolants., ne cessaient-elles de s’applaudir des inspirations de leur charité. Les missionnaires de leur côté n'avaient pu s'empêcher d'admirer leur ferveur et leur régularité. Le P. Maunoir proclamait que Dieu était bien servi, dans cette sainte demeure où les moniales, excitées par leur éminente supérieure, pratiquaient la vertu et l'austérité, avec zèle et sans fard, mais aussi avec esprit et sagesse. Une chose l’avait singulièrement frappé, c'était le dévouement que ces religieuses manifestaient pour le salut des populations qui dépendaient de leur monastère [Note : Voir, Vie du P. Maunoir, par le R. P. Séjourné de la Compagnie de Jésus, Oudin, 14, rue d'Eperon, Poitiers, 1895, 2 vol. in-8].

Si les moniales de Saint-Sulpice prodiguaient les bons conseils, l'encouragement au bien, à la vertu, si elles songeaient avant tout aux intérêts spirituels du prochain, elles ne négligeaient pas pour autant l'assistance corporelle, elles cherchèrent toujours à soulager l’indigence. L'histoire de cette misère humaine est bien longue et navrante, car dans tous les temps, des malheureux ont sollicité la charité publique. Cependant en Egypte on défendait de mendier, sous peine de mort et on confinait dans d'immenses ateliers publics ceux qui n'avaient aucun moyen d'existence. Si l'on en croit Pline, les pyramides ont été construites par une armée de nécessiteux que les Pharaons forçaient de travailler pour l'état. Les Hébreux ne connurent pas la mendicité ; les Grecs considérèrent comme infâmes tous les désœuvrés. A Rome, les empereurs, après avoir conquis l'univers, n'ont pas apporté le bien-être dans toutes les classes du peuple ; malgré les secours qu'ils distribuent, ils ne peuvent endiguer le fléau de la mendicité. En France, le deuxième concile de Tours, 570, donne à chaque cité, à chaque bourgade, l'ordre de nourrir ses pauvres afin qu'ils ne vagabondent plus. Bientôt, ce règlement tombe en désuétude, mais l'ordonnance de Moulins, 1561, se hâte de lui rendre sa première vigueur et prescrit que les indigents seront à la charge des populations, au milieu desquelles ils sont nés. Après avoir subi un moment d'arrêt, le flot du paupérisme reprend son cours avec plus de fureur que jamais, il exhibe dans les villes et les campagnes les horreurs d'une misère réelle ou simulée. La peine d'un bagne limité ou perpétuel n'arrête pas la honteuse spéculation de la mendicité aux formes les plus variées. Ici, on voit des pèlerins couverts de coquilles, le bourdon à la main, qui parcourent le monde, visitant les sanctuaires les plus célèbres en demandant pieusement l’aumône. Là, des soldats licenciés s'en vont par troupes, l’épée au côté et l'injure à la bouche. Pendant leur carrière militaire ayant perdu le goût du travail, ils ne songent qu'à vivre aux dépens des citoyens qu’ils ont peu ou point défendus. D'autres malheureux exposent aux yeux du public des plaies hideuses, des membres dévorés par une horrible lèpre, les plus affreuses contorsions du mal caduc. La bibliothèque de l'Arsenal compte dans ses rayons une brochure alyant pour titre : Le fantôme de la mendicité. L'auteur y montre les mendiants envahissant les églises et les maisons particulières, encombrant les places et les rues, semblables à des insectes qui fourmillent dans les excréments, qui viennent, on ne sait d'où et dont le nombre s'accroît d'heure en heure. Il les montre importunant les passants avec une audace cynique, prenant quand on ne leur donne pas, assassinant dès que la nuit est venue, remplissant les villes et les campagnes de trouble et de terreur, répandant partout par leurs mauvaises mœurs le germe de maladies contagieuses. On comprend dès lors que les fonctions de chasse-gueux n'étaient pas une sinécure. La mendicité fut une des calamité du XVIIème et XVIIIème siècle. Un consul de Gascogne, qui était médecin, louait un intendant qui avait été envoyé dans la province pour en bannir tous les fainéants qui la désolaient. Selon lui, Hippocrate a dit la vérité, en proclamant que l’oisiveté est la cause des humeurs peccantes. Personne n'ignore l'action bienfaisante des ordres religieux qui se mutipliaient pour secourir l’infortune, aux époques les plus sombres de notre histoire. Lors des famines et des calamités, des épidémies, écrit Montalembert, c'est à la porte des monastères qu'accourt le peuple affligé, sûr d'y trouver un abri, des consolations, car il sait que la dernière obole des moines lui appartient. Les réserves, en nature, des couvents profitent également au peuple, auquel elles sont livrées gratuitement ou à bas prix, lorsque les circonstances l'exigent [Note : Montalembert, Moines d'Occident, t. VI, p. 269. A. Babeau, Province sous l'ancien régime, 1894, Paris, Firmin-Didot, r. Jacob. Lallemand, Histoire de la Charité, t. II. Revue des questions historiques, 1888, t. XLIV. pp. 540-555. Larousse, Mendicité].

Le concile de Béziers, 1283, recommande aux monastères de faire une aumône publique, au moins une fois, la semaine. Nos religieuses de Saint-Sulpice n'y manquent pas : de temps immémorial, elles font l'aumône, trois fois, la semaine, à tous les pauvres qui se présentent et distribuent ainsi, chaque semaine, la valeur de deux charges de blé ; elles dépensent de ce chef, par an, 1200 à 1500 livres (1651, 1661). De plus, elles ne refusent rien aux passants qui demandent des secours, elles déboursent ainsi annuellement 200 livres. Quand des malheureux demandent l'hospitalité, l'abbesse les reçoit dans une grange, aménagée pour cet effet, les nourrit, les médicamente et prend soin de leur rendre les derniers devoirs quand ils viennent à décéder. Il y a des pauvres honteux, des veuves, des orphelins dans la contrée qui sont discrètement assistés par la communauté [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/6, 8, 12]. La misère était extrême au XVIIIème siècle, partout on ne voyait que mendiants dans les villes, la police était débordée et ne pouvait les renvoyer dans leur pays d'origine. Au milieu de cette tourbe d'indigents, les chassegueux tremblaient pour leur vie. On n'était pas plus heureux dans les campagnes. Le recteur de la Chapelle-Janson (Ille-et-Vilaine) expose que sa paroisse compte 2200 habitants et sur ce nombre, 1800 demandent du pain, sans pouvoir en trouver. C'est à ce moment qu'on prie les communautés de ne plus faire de ces données régulières et publiques qui attirent de tous côtés les vagabonds, mais de limiter leur charités aux nécessiteux de l'endroit [Note : Annales de Bretagne, t. I, p. 290].

A Saint-Sulpice, on aima toujours les infortunés ; au milieu de ses épreuves, Marguerite d'Angennes ne les abandonna pas, et tout en restaurant son couvent que les flammes avaient réduit en cendres, elle leur prodigua d'abondantes aumônes et mérita ainsi la protection du ciel. Mais il fallait à tout prix réglementer la mendicité et mettre un terme aux désordres qui pouvaient en résulter. Le 7 mai, 1709, un arrêt fixa que chaque paroisse nourrirait ses pauvres et établit une taxe que chaque habitant devait payer d'après sa fortune. Cette mesure ne manqua pas d'émouvoir l'abbesse de Saint-Sulpice, Madame Angélique de la Forêt d'Armaillé. Vite, elle comprend les funestes conséquences qu’elle peut avoir pour sa communauté et s'empresse de les exposer au Parlement de Bretagne. Elle souhaiterait de tout cœur, dit-elle, être en état de remplir les dispositions de la nouvelle ordonnance, mais elle ne le pourra pas, à moins de réduire 80 religieuses à la deplorable situation dont la cour cherche à tirer des malheureux, moins dignes de sa protection. Le monastère de Saint-Sulpice possède plus de 20 prieurés et leurs revenus comprennent de modestes portions de dîmes répandues dans 136 paroisses. C'est la principale fortune d'une importante communauté. Si l'abbaye est taxée dans ces différentes localités, elle n'en sera point quitte à moins de 6.000 livres, et ce qui restera ne suffira pas à sustenter le quart des moniales. D'ailleurs, ces revenus qu'elle mentionne sont déjà fortement grevés non seulement par les portions congrues, les décimes, les subventions, les dons gratuits et les réparations, mais encore par une infinité de taxes extraordinaires. Si outre ces impositions, sa communauté est encore soumise à la taxe des pauvres, ses ressources deviendront absolument insuffisantes pour satisfaire à ses diverses obligations, car les recteurs, naturellement jaloux des décimateurs, ne manqueront pas d'enfler, de grossir la taxe autant qu'ils le pourront. Elle sait déjà que, dans certaines paroisses, où elle n'a qu'un revenu de 20 ou 30 livres, on a fixé la nouvelle imposition à 18 livres [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/90]. Cette taxe des pauvres peut occasionner la ruine du monastère de Saint-Sulpice ; madame d'Armaillé, fort inquiète pour l'avenir de son couvent, demande qu'on l'en décharge à tout jamais. Les habitants de Mouazé et de Saint-Sulpice, connaissant depuis longtemps l'inépuisable charité des bénédictines viennent attester que cette requête est fort juste. Nous laissons la parole au général de la première paroisse, dont les divers membres se réunissent en corps politique et célébrent unanimement les bienfaits des moniales qui se succèdent depuis des siècles à l'abbaye du Nid de Merle. Le 16 juin, 1709, ils certifient que de tout temps, et surtout depuis 1681, on fait la charité à Saint-Sulpice, tant aux pauvres de l'endroit que des lieux circonvoisins. Il y a dans cette maison un bureau pour la distribution du pain, qui se fait régulièrement toutes les semaines. Ce n'est pas tout : la plus grande partie des paroissiens de Mouazé et de Saint-Sulpice vont chaque jour chercher la soupe à l'abbaye. Nombre de personnes viennent de 3 et 4 lieues se faire saigner, médicamenter, panser leurs plaies, prendre des remèdes. Les religieuses fournissent jusqu'au linge pour ensevelir les morts. Elles habillent les nécessiteux, les pauvres honteux, donnent journellement des portions de pain aux gens qui viennent quérir la soupe, du bouillon, de la viande, du sirop aux malades. La communauté bénédictine de Saint-Sulpice exerce généreusement l'assistance et l’hospitalité. Comme elle est située à une demi-lieue des deux routes qui vont de Rennes, en Normandie et au pays du Maine, on y voit sans cesse affluer des soldats, des matelots, des estropiés et une foule de mendiants ordinaires. Tout en plaidant la cause de leurs charitables voisines, les habitants de Mouazé et de Saint-Sulpice veulent leur exprimer leur profonde gratitude ; ils viennent nombreux signer la supplique que les moniales doivent soumettre à la cour du Parlement. Dix-neuf personnes représentent la première paroisse et nous sommes heureux de les nommer ici dans l'ordre où elles se présentent [Note : Gilles Herveleu, recteur de Mouazé, Michel Ruaudel, sénéchal de la juridiction de la Piguelaye, Michel Rio, sindic de la paroisse, Louis Caudé, du bas bourg, Michel et Jean Allemin, Michel Lorand, Mathurin Gautier, Michel Herveleu, en présence de Mathurin de Lespinne, Paul Boucher, Pierre Moulin, Pierre Guitton, Julien de Lespinne, Mathurin Mauger, trésorier en charge, Jean de Launay, Guillaume Rougé, Bonard Piquet, Etienne Aubrée]. Si les habitants de Saint-Sulpice se réunissent en moins grand nombre pour défendre leur abbaye, ils ne se montrent pas moins ardents que leurs voisins [Note : Messire Guillaume Perdriel, recteur de St-Sulpice, Jean-Anne Coleaux sénéchal, procureur fiscal, François Champion, en présence de Guillaume Navard, Pierre, Jacques Hauvespre, Julien et Thomas Moulin, Jean Ridaud, François Deschamps, Jean Gasnier]. Comme ils furent heureux d'apprendre que le Parlement déchargeait les bénédictines de la taxe des pauvres, suivant un arrêt rendu, le 22 juin 1709. En accordant satisfaction aux religieuses, le gouvernement leur recommanda de soulager les malheureux comme par le passé, et même de faire plus, si c'était passible [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/29].

Comme nous le voyons, nos moniales ne manquent aucune occasion de se dévouer pour l'humanité souffrante, mais elles subissent fatalement les préjugés de l'époque et ne connaissent que la médecine immortalisée par Molière. Elles imitent ceux qui ont passé pour les meilleurs maîtres. Que fait, en effet, Guy Patin ? Il saigne à outrance ses malades, il estime que le sang dans le corps humain est comme l’eau dans une bonne fontaine, plus en tire, plus il s'en trouve. Il saigne vingt fois son fils pour la même indisposition ; il saigne des enfants de trois mois, de trois jours, comme des vieillards octogénaires [Note : Le médecin avant et après 1789, Victor Bled, 1908, Perrin]. Ces minutions alternent avec les laxatifs. Le sirurgien vit de ses saignées journalières fixées à 0 l. 60 s. et 1 l. [Note : Avenel, (Vicomte d’). Revue des Deux Mondes, 1er janvier 1907, p . 117]. Charles Bouvard, médecin énergique, la providence des apothicaires, fait administrer à Louis XIII, en un an, 215 purgations, 212 lavements, 47 saignées ; le malheureux souverain ne pouvant résister à pareille torture, en meurt, à 42 ans [Note : Franklin Alf., La Médecine, Plon, 1892]. Louis XIV n'échappe pas entièrement à cette violente médication, il se résigne au purgatif quasi mensuel [Note : Franklin Alf., La Médecine, Plon, 1892]. Si la saignée a disparu, écrit un docteur contemporain, sur les ruines du passé se dresse encore victorieusement le purgatif [Note : Docteur Burlureaux, Purgation, danger social, 1908, Perrin]. En voulez-vous des preuves ajoute ce savant, voyez la place que tiennent dans les journaux les laxatifs pour l’invention desquels la pharmacie moderne a dépensé des efforts vraiment prodigieux. Quel triste figure font la rhubarbe, le sené, le méchouacan, en face de cet imposant arsenal de pilules, tisanes, poudres, écorces, eaux minérales dépuratives, françaises et étrangères ? Un médecin est appelé dans une famille. Pressé de guérir avant de diagnostiquer, même si le sujet n'est pas constipé, il se hâte de prescrire un purgatif. Cette conduite est comprise dans l’entourage du malade et non seulement approuvée, mais attendue et prévue. « Oh ! Monsieur le Docteur, vous pensez bien, que nous n'avons pas manqué de purger notre enfant, dès que nous l’avons vu rester deux jours, sans aller à la selle ! Avant-hier, nous lui avons donné de la magnésie, et hier, un grand verre d'eau de Janos ! ». Tout cela n’est encore rien en comparaison de la frénésie purgative des gardes-malades, surtout du sexe féminin, laïques ou religieuses. Pour occuper le patient elles lui imposent, assez souvent, à l’insu du médecin, une série de lavements quotidiens. Au reste, les gens bien portants se laissent entraîner par ce culte universel pour le laxatif. Il en est un bon nombre qui se purgent par précaution, à intervalles plus ou moins espacés, qui absorbent chaque jour des tisanes dépuratives ou des grains de santé !

Edifié par ce tableau qui vient de passer sous nos yeux, qui oserait reprocher aux religieuses de Saint-Sulpice d'avoir versé le sang à flots ? Nous avons entendu les notables de Mouazé publier, à leur louange, que les gens accouraient chez elles, de trois à quatre lieues à la ronde, pour se faire tirer du sang. De 1717 à 1720, nous voyons que c'est Madame de Princé qui manie les lancettes ; ces instruments ne paraissent pas chômer, car ils ont souvent besoin d'êtré aiguisés. En 1719, dans les six premiers mois de l'année, cette bienfaisante bénédictine fait repasser ses douze lancettes et paye pour cette raison 3 livres. Déjà, vers la fin de l'année 1718, elle les avait soumises à un sérieux contrôle. En 1720, il est, à nouveau, mention des lancettes de Madame de Pincé (Princé) [Note : Archives départem. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/27]. En 1651, ce n’était pas une religieuse qui manœuvrait les lancettes, Marguerite d’Angennes avait fixé dans la bourgade un chirurgien pour saigner et médicamenter les moniales et les domestiques, auquel, elle donnait de cent à deux cents livres. Cette mesure évitait à la communauté des courses inutiles, précipitées à Rennes et ailleurs [Note : Archives départem. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/8]. Cependant cela ne dispensait pas les bénédictines d'envoyer chercher à Rennes des médecins pour traiter les malades de l’abbaye ; chaque visite méritait un honoraire de dix livres et le budget du monastère se trouvait grevé de ce chef d'environ 350 livres, 1164 [Note : Archives départem. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/8]. Le 28 janvier 1673, Madame de Lanjamet tomba fort malade ; mandé en toute hâte, le chirurgien Picot accourut de Rennes et lui fit subir l'opération du trépan. Les consultations par lettres étaient plus fréquentes et moins dispendieuses. En 1721, nous voyons payer pour 5 lettres de médecin, 3 livres, à raison de 12 sols par lettre. Le 11 fevrier 1729, le chirugien Briand se transporte de Rennes à Saint-Sulpice pour faire l’ouverture du cadavre de François Lagnier, qui avait été assassiné sur le fief de l’abbaye, il réclame pour cette opération 12 livres [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/24]. Le sieur Cuisnier semble être, en 1785, le chirurgien ordinaire de la communauté de Saint-Sulpice ; le 6 juin il reçoit pour ses visites et médicaments, 343 livres ; en 1786, cette somme s'élève à 495 livres, 10 sols [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/30], et chacune de ses visites est fixée à une livre. En 1790, les honoraires de Monsieur Cuisnier atteignent l’estimable chiffre de 960 livres [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, L 5. V. p. 13]. Dans les circonstances difficiles, lorsque des complications graves l'exigent, les bénédictines ont recours à des hommes distingués ; c'est ainsi qu'en 1786, elles soldent aux chirurgiens Pontallié et Louvel, 1400 livres [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, Liasses non classées, 2H2].

Pour la pharmacie nous voyons que son entretien annuel coûte de 800 à 1.000 livres, en 1651 et 1661 [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/8], mais en 1785, le chiffré tombe à 200 livres [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, non classées 2H2]. Les drogues les plus souvent mentionnés sont : la rhubarbe, le sené, le mané, les mouches cantarides, le quinquina, les lenitifs, méchouacan [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/27]. Les déclarations de 1651 et 1661 ajoutent que les religieuses de Saint-Sulpice pourvoient au logement et à l'entretien d'un malheureux prêtre, dont l'esprit est souvent troublé et d'une pauvre fille aveugle, dépourvus, tous les deux des biens de ce monde [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/8].

S'il y avait des moniales à Saint-Sulpice, on y trouvait aussi des religieux qui faisaient profession entre les mains de l'abbesse et lui devaient obéissance. Le nom qu'ils portaient indiquait qu'ils se dévouaient entièrement à la vie monastique et à leur supérieure. Guillotin de Corson fait remarquer dans son Pouillé du diocèse de Rennes (t. II, p. 309). que les frères condonats habitaient non loin de l'abbaye une demeure sévère, assez spacieuse, bâtie en forme de carré et paraissant avoir un cloître à l'intérieur. A l'en croire, on appelle encore cet endroit la butte aux moines. Sans vouloir contester ces affirmations, nous pouvons dire, sans crainte de nous tromper, que les religieux ne vécurent jamais en grand nombre à Saint-Sulpice. Plusieurs remplissaient à Saint-Sulpice les fonctions d'aumôniers, entendaient les confessions des bénédictines et leur distribuaient le pain de la bonne parole. D'autres recevaient des obédiences spéciales et allaient évangéliser les populations du voisinige. Les paroisses de Saint-Sulpice, de Mouazé, de Saint-Aubin-d'Aubigné, de la Bouëxière, de Sérigné, s’estimaient heureuses de les entendre. Nos bénédictins s'attachaient aux âmes qui leur étaient confiées et fixaient volontiers leur séjour dans la contrée qui formait leur domaine spirituel. Nous l'avons remarqué, les abbesses se plaignaient de cette existence individuelle, peu convenable pour des cénobites. Cependant, nous devons l'avouer, un bon nombre ont mené une vie fort édifiante. Ils semblaient avoir les yeux constamment fixés sur leurs premiers maîtres : Raoul de la Fustaye et le bienheureux Aubert, qu'on vénérait comme des saints. S'ils manifestaient quelque défaillance sur certains points de la règle, ils recevaient, avec humilité les avertisements que leur méritait cette conduite déréglée. Raoul Mordefroy avait commis une faute grave en refusant, avec plusieurs de ses frères, de venir au secours de son abbesse, qui se trouvait dans le plus cruel besoin (1330) [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 3H2/2]. Condamné par le pape, pour une conduite si peu filiale, il pleura son péché et ne songea plus qu'à faire oublier sa désobéissance. En 1347, nous l'entendons unir sa voix à celle de sa sœur Perrote, qui avait aussi embrassé la vie religieuse, à Saint-Sulpice, et tous les deux expriment une véritable affection pour leur monastère et leur abbesse, ils donnent à l'un et à l'autre tout ce qu'ils ont de plus précieux, leur fortune, une rente perpétuelle de 18 livres [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/135].

Frère Alain, prieur du grand Locmaria, s'attribuait des droits qu’il n'avait pas, il voulait désigner le vicaire de l'endroit et recueillir tous les revenus provenant des dîmes. L'abbesse Eustaisie refusa de l'approuver et fut assez heureuse pour lui faire comprendre l'injustice qu'il commettait. Ce religieux consentit alors à payer à sa supérieure une redevance mensuelle de 20 livres et à donner chaque année une rente de cent sols à l'archidiacre de Rennes (1295) [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/89].

En 1372, l'abbesse de Saint-Sulpice nomme Guillaume du Breuil prieur du monastère de Locmaria, près de Quimper, et lui observe qu'elle pourra le destituer quand elle le voudra. En attendant, elle le charge d'administrer avec sagesse les biens de la communauté. Il aura soin d'accueillir avec bienveillance la supérieure et les religieuses qui se rendront au couvent où il réside [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/89]. Frère Guillaume de la Piguelaye était recteur de la paroisse de Saint-Sulpice et proclamait qu'il y avait tout pouvoir. Lorsque les beaux jours ramenaient la Fête-Dieu, il prétendait qu'il avait seul le droit de porter le Saint-Sacrement et, pour consolider ses affirmations, il invoquait les lettres qu'il avait reçues de l'official de Rennes. Cet soif des honneurs fut loin de plaire à l'abbesse, Jeanne Milon, elle ne put s'empêcher de lui faire de sévères remontrances. Elle était disposée à porter l'affaire devant les tribunaux, quand le vénérable pasteur renonça à ses prétentions. Ayant une grande estime pour les chapelains : Jehan Geshors et Jehan Guérin, elle leur permit de porter le Saint-Sacrement, les jours du sacre. Nous le voyons, l'autorité savait intervenir et se faire obéir quand il le fallait [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/2].

Le 28 décembre 1609, Sébastien Moullin, religieux et vicaire perpétuel de Saint-Sulpice, déclare qu'il est fort languissant. Impuissant de ses membres, défaillant de mémoire, il ne peut vaquer au service de sa charge, remplir ses devoirs envers Dieu et le prochain. Avec le consentement des abbesses : Gabrielle de Morais et Marguerite d'Angennes, il se demet de son bénéfice en présence des notaires de l'officialité de Rennes. Dans cette circonstance pénible, plusieurs de ses frères sont venus lui apporter leurs condoléances, le tribut de leur vénération, et l'histoire a voulu signaler aux générations futures l'exemplaire charité de Pierre Navard, recteur de Mouazé, Jean Hail, vicaire de Sérigné, Jean Guyton, prêtre. Un vénérable religieux venait de tomber sur la brêche, il convenait de lui donner un digne successeur. Après avoir beaucoup prié, Marguerite d'Angennes crut avoir trouvé l'homme qui ferait bénir Dieu et aimer la religion, à l'exemple des anciens condonats. Son choix qui s'était porté sur Jean Bonhomme ne fut pas heureux. En 1612, ce prêtre, cédant à un terrible esprit de relâchement, renonça à la vie religieuse et demanda à reprendre la livrée du siècle. On comprend toute la peine qu'en éprouva la vertueuse abbesse, mais elle n'y pouvait rien. Cependant elle exigea que ce malheureux sécularisé lui rendît son acte de profession et accomplît son service à l'église avec l'habit de l'ordre (21 janvier 1612) [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/2]. Ne serait-ce pas à la suite de ce regrettable incident que Marguerite d'Angennes refusa d'admettre à la profession de nouveaux religieux ? Quoiqu’il en soit nous pouvons rendre un excellent témoignage aux ecclésiastiques que nous avons rencontrés à Saint-Sulpice et en divers monastères ; tous manifestent les plus nobles sentiments. Le 25 janvier 1643, Jean Arthur, l'un des chapelains de la communauté du Nid de Merle, se sent torturé par la souffrance. Néanmoins, s’il est accablé par des infirmités corporelles, il est sain de jugement et d'intelligence. Il le sait depuis longtemps, la mort est certaine, mais elle n'avertit pas quand elle doit frapper. Il lui importe donc de mettre en ordre, sans retard, ses affaires spirituelles et temporelles, et c’est pour ce motif qu’il fait son testament, en la manière et forme suivantes.

Il donne son âme à dieu, son créateur, la recommande à la Bienheureuse Vierge Marie, mère de Jésus-Christ, notre Sauveur, à Messieurs saint Michel, saint Gabriel, saint Pierre, saint Paul, saint Jean-Baptiste, saint Jean l’Evangéliste, à Monsieur saint Sulpice, patron de la paroisse, et généralement à tous les bienheureux du paradis.

Il veut et ordone que, s’il décède de la présente maladie, son corps soit ensépulturé en terre sainte, à la disposition de Madame l’Abbesse.

Maître Allain Briand et sa femme lui doivent 15 livres de rente, constituée suivant un contrat passé entre eux. Il désire avec cet argent fonder, à perpéuité, une messe en base voix, qui sera célébrée, tous les mercredis de chaque semaine, à son intention et à l’intention de ses parents vivants et défunts. L’abbesse actuelle et les religieuses qui lui succéderont désigneront un prêtre pour l’acquitter.

Le testateur déclare aussi qu'Yves Leray, serviteur en la maison de Saint-Sulpice, lui a rendu de bons services pendant son indisposition. Pour l’en récompenser, il demande qu’aussitôt après son décès on lui donne 12 livres qu’on prélèvera sur l’argent qu’on trouvera dans son coffre.

Il veut aussi qu’il soit baillé et délivré à cinq servantes, employées en la maison de Saint-Sulpice, savoir : Charlotte Coullier, Jeanne Charles, Tiennette Charles, Guyonne Sauvée et Michelle Geshors, à chacune, soixante sous, et à Françoise Briand, six livres pour les récompenser des soins qu’elle lui ont prodigués dans la présente maladie et antérieurement. Cette somme sera prise sur l’argent qui se trouvera en son coffre.

Il donne, en forme d’aumône, à une de chevaigné, la somme de 15 livres, pour lui permettre de se procurer un habit de sarge et l’engager à prier Dieu pour lui.

L'argent qui lui restera sera distribué aux pauvres de la paroisse de Laigle (?) dont il est originaire, à la fabrique et aux prêtres de l’endroit pour qu’on le recommande à Dieu.

Il lègue à l'abbesse les meubles qui sont dans sa chambre [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/1].

Le 10 février 1659, nous voyons mourir le vicaire perpétuel de Saint-Sulpice, Jacques Jahin ; il avait mérité l'entière confiance de ses supérieurs et avait été assez souvent chargé de missions délicates. Marguerite d’Angennes, tout en déplorant cette perte, proposa pour remplacer ce digne prêtre, Missire Pierre Guybert, vicaire perpétuel de Mouazé, qui avait un grand zéle pour l’honneur de Dieu et l'avancement spirituel des âmes [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/2].

On répétait au Moyen Age qu'il faisait bon de vivre sous la crosse. Ne pourrait-on pas dire aussi qu'il était salutaire d'avoir sous les yeux l’exemple de vertueuses moniales ? Deux vénérables prêtres qui ont passé de longs mois au service des bénédictines, à Sainte-Radegonde [Note : Paroisse du Loroux-Botereau (Loire-Inférieure)] et à Teillay [Note : Départ. d’Ille-et-Vilaine], en gardent le meilleur souvenir et chantent leurs louanges en exprimant leurs dernières volonté. C'est d'abord André Thierry, qui vient nous édifier par sa grande foi. Tout en étant sain de corps et d'esprit, il avoue qu'il devra, sans trop tarder, suivre la voie de toute chair. Son âme, il la confie à Dieu, son Créateur, au Christ, qui l'a rédimée de son Précieux Sang, à la Sainte Trinité. Il supplie la Vierge Marie, Messieurs saint Michel Archange, saint Pierre, saint André, Mesdames sainte Barbe et sainte Radegonde de la présenter au Souverain Juge et d’intercéder pour elle. Il demande que son corps soit ensépulturé dans l'église du monastère, à l’endroit que désignera la prieure. Ses funérailles et son service d’octave seront célébrés solennellement et les gens d'église qui y assisteront, seront généreusement honorés et hospitalisés, à ses dépens. Il recommande qu’on dise deux cents meses à son intention et à l'intention de ses parents. Quatre-vingt-dix seront acquittées en forme de trentains grégoriens, trente dans l’église priorale, trente dans l’église du Loroux et trente dans l'église de se paroisse natale. Chacun de ces trente jours continus, on chantera les vigiles, les vêpres des morts avec la messe. Pour les autres messes elles seront dites, à basse voix, dans l'église de Sainte-Radegonde. Il fonde dans le même sanctuaire une messe basse, par semaine, pour lui et ses parents, il légue pour parer aux frais de cette œuvre 15 journaux de vigne, situés au territoire du Loroux et quelques autres immeubles. On voudra bien réciter, chaque année, sur sa tombe, un Libera, en la fête de sainte Radegonde. Il désire que le premier bénéficier de cette chapellenie soit son neveu, André Balleguier, revêtu du caractère sacerdotal. Plus tard, quand il s'agira de nommer un successeur à ce dernier, il souhaite qu'on choisisse un membre de sa famille, s'il s'en trouve qui soit apte à remplir cette fonction, mais il observe qu'il s'en rapporte entièrement à la bonne volonté de la prieure et de l'évêque de Nantes. Ce testament est daté du 13 juillet 1576 [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/107].

Missire Pierre de la Picardière, dans son testament du 16 octobre 1684, témoigne une égale piété envers Dieu et un vif attachement aux religieuses de Saint-Sulpice. Comme il a été leur chapelain, à Saint-Malo-de-Teillay (Ille-et-Vilaine), il désire reposer dans le cimetière de l’endroit. Il demande aussi qu'on célèbre dans l’église de la paroisse douze services solennels, pour le repos de son âme. Il n'oublie pas les personnes du voisinage et particulièrement, le clergé de Thourie [Note : Ille-et-Vilaine], qui devra, le jour de ses funérailles, chanter, avec les prêtres de Ercé [Note : Ille-et-Vilaine] et de Rougé [Note : Loire-Inférieure], un service solennel, à son intention. Un autre service avec luminaire aura lieu, le septième jour après son décès, dans la même église, où il demande 100 messes pour 50 livres. Il fait distribuer la même somme aux Capucins, à Rennes, aux Carmes, aux Minimes et aux religieux de saint François. Cent messes seront aussi acquittées dans l’église de Teillay, pour lui et ses parents défunts. Il n'oublie pas les pauvres, et désire qu’on leur distribue en pain la valeur de deux charges de blé. Maître Julien Poullain reçoit un habit long avec un calice d’étain, ce qui prouve que ce personnage était prêtre. Il lègue à son serviteur, Pierre Pleumelet, un habit entier. Le vénérable chapelain recommande en outre à ses héritiers de remettre à Madame l’Abbesse de Saint-Sulpice tous les actes qui pourraient lui appartenir et se seraient égarés au milieu de ses papiers personnels [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/95].

Pour subvenir à l’entretin des religieux de Saint-Sulpice et des autres prêtres attachés à la communauté, on eut la pieuse pensé d’établir des fondations propres à exciter l’amour de la vertu et à rehausser la splendeur du culte divin.

Le 18 septembre 1536, André du Pontbellanger, écuyer, seigneur de la Chèze, de Saint-Jean-sur-Couesnon et frère de l’abbesse Alizon du Pontbellanger, veut avoir part aux prières des bénédictines. Avec leur consentement, il s’engage à leur payer une rente perpétuelle de 18 livres, mais, en retour, elles feront chanter pour lui et ses parents défunts, avec diacre et sous-diacre, trois services, précédés des vigiles des morts, le lendemain de Noël, les lundis de Pâques et de la Pentecôte. Le contrat déclare que les moniales qui assiteront à cette triple cérémonie participeront au casuel. Cette clause ne paraît guère s’accorder avec le vœu de pauvreté, et du reste, nous avons eu l’occasion de faire plusieurs réserves à ce sujet. N’avons-nous pas vu aussi qu’elles recevaient une certaine somme pour leur pitance et leur vêtement ? Les religieuses de Saint-Sulpice observaient-elles, en réalité, le désintéressement évangélique avant la réforme imposée par Marguerite d’Angennes ? [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/140].

Jacquette Couasnon était prieure de Sainte-Radegonde, près de Barbéchat, paroisse du Loroux-Bottereau. Comme elle avait une singulière dévotion pour les cinq plaies de Notre-Seigneur et la conception de la Vierge, elle voulut fonder, en l'honneur de ces mystères, à perpétuité, deux messes, chaque semaine, le mercredi et le samedi, en l'église du prieuré. Pour assurer l'existence du prêtre, chargé de les aquitter, elle lui donna la métairie de la Boisdrotière, située dans la même contrée, avec plusieurs autres revenus et spécialement une rente de cinq septiers de blé. Cette religieuse désigna comme premier chapelain, André Thierry et laissa aux moniales qui devaient lui succéder le soin de nommer les autres [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/107].

Le 24 juin 1544, Alizon du Pontbellanger réunit les religieuses de Saint-Sulpice en assemblée capitulaire et leur soumit une question qu'elle avait grandement à cœur. Sachant qu'elle n'était pas immortelle et quelle devait paraître un jour devant Dieu, elle désirait s'assurer d'avance les ferventes prières de sa communauté. Dans ce but, elle se proposa, avec l’agrément de ses filles, d'établir, à perpétuité, dans l'église de l'abbaye, la célébration de trois messes, le dimanche, le mercredi et vendredi de chaque semaine. Elles devaient être régulièrement dites dans la chapelle latérale, près du chœur, du côté de l'évangile, le dimanche, en l'honneur du Sauveur, le mercredi en mémoire de la Conception de la mère de Dieu, et, le vendredi, en souvenir de sainte Barbe. Il fut décidé que cette fondation porterait le nom de cette bienheureuse. Comme l'abbesse avait exprimé le désir d'être ensevelie entre les deux chapelles qu'elle venait de faire réparer, on fit droit à sa demande d’autant plus volontiers qu'elle avait doté cette chapellenie de beaux revenus et laissé pour son service un calice et des ornements. Si elle avait désigné Missire Jean Aubrée, comme premier titulaire de cette fondation, elle réservait à la communauté la nomination de ses successeurs [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/1].

Les dispositions que nous venons de lire présentent un véritable intérêt pour les âmes pieuses, car elles montrent qu'on avait une dévotion spéciale pour la sublime conception de la Vierge, au XVIème siècle. Mais une autre remarque s'impose, elle intéresse la liturgie. En demandant qu'on célèbre le Saint-Sacrifice en l'honneur de tel ou tel mystère, on ne paraît pas s'inquiéter de l'occurence et de la concurrrnce des fêtes, de la couleur des vêtements sacerdotaux. Etait-elle scrupuleusement réglementée, comme de nos jours, par un Ordo, chef-d'œuvre annuel d'un esprit, supérieur et particulièrement méthodique ? De plus, le libellé des visites faites dans les prieurés simples, en 1729, révèle des négligences déplorables. Très souvent, ces bénéfices étaient devenus de véritables fermes. Les tenanciers qui les exploitaient s'engageaient à prendre soin de la chapelle, où ils devaient faire célébrer la messe, une, deux et même trois fois la semaine ; mais ils s'occupaient plus de la culture des terres que du service divin. Généralement, les messes étaient acquittées dans un oratoire dénué de la plus élémentaire décence, avec des ornements déchirés et défraîchis par une impitoyable humidité. Il n'est pas rare de ne rencontrer que deux ou trois couleurs ; on se demande comme on pouvait satisfaire aux prescriptions de la liturgie [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/6].

Saint-Sulpice était un lieu de pèlerinage, une maison bénie, sanctifiée par la prière, où les fidèles venaient se recommander pour le temps et principalement pour l'éternité. En échange d'une généreuse aumône on s'estimait heureux de s'assurer, pour des siècles, les suffrages des vertueuses bénédictines. Des promesses, des engagements s'étaient multipliés à travers les âges, les charges devinrent bientôt accablantes, car au décès de chaque religieuse on devait de nombreuses messes, comme nous l'avons signifié antérieurement. Comme on suffisait avec peine à diverses obligations morales, les consciences s'inquiétèrent ; il devenait urgent de calmer cette nervosité. Madame de la Bourdonnaye de Clermont soumit cette affaire délicate au jugement de Monseigneur Guy de Vauréal, évêque de Rennes, qui supprima trois messes et deux offices célébrés chaque semaine, qui ne reposaient pas sur des titres, certains. Au lieu et place, on s'engagea à chanter deux services pour les bienfaiteurs, le premier lundi après l'octave de la Pentecôte et de la Toussaint le 4 mars 1757 [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/2].

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