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Abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt. |
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Les droits de banalité. — Les foires et les marchés.
Après avoir parlé des dîmes, nous aborderons la question des droits de banalité, également fructueux. On nous excusera de passer sous silence leur origine, qui, après avoir été traitée par des hommes éminents, ne semble pas encore émerger entièrement de la pénombre qui l'environne. Proviennent-ils d'une entente parfaite, d'une libre convention bilatérale ou d'un empiétement arbitraire, injuste, telles sont les deux thèses que les érudits ont défendues avec sagesse et talent, sans pouvoir insinuer dans les esprits une certitude indélébile ? [Note : Rioufol, Maxime. Origine et Histoire des droits de banalité, in-8° 1898. Saint-Etienne, société de l'imprimerie Théolier, J. Thomas et Cie, 12, rue Gérentet — Mainsard Joseph, Banalités du four et du moulin en Bretagne, 1912, in-8° librairie Sirey, 22, rue Soufflot. Paris]. Un fait qu'on ne saurait nier c'est que des seigneurs possédaient déjà, au XIème siècle, exclusivements les fours, les pressoirs et les moulins, avec la liberté de les aliéner en faveur de leurs amis, de leurs protégés. Nous revenons au prieuré de Notre-Dame de Lesneven. Nous voyons que Pierre de Dreux, duc de Bretagne, accorde, en 1216, aux moniales de Saint-Sulpice le four banal de cette localité [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/86. Cartulaire de Saint-Sulpice, charte n° 88]. Cette nouvelle possession sera pour les Bénédictines une source de bénéfices, mais aussi de tribulations. Dès les temps les plus reculés, les habitants de Lesneven paraissent contester leur privilège ; la prieure, Françoise Landais, déclare, le 4 mai 1521, qu'ils refusent de faire cuire leur pain à son four et se vantent d'établir à l'avenir des fours particuliers pour frustrer ses droits. Informé de cette injustice, François Ier, roi de France et duc de Bretagne, commanda aux sénéchal, bailli et lieutenant de Léon, de lui prêter main-forte [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/86].
Les fours de Lesneven n'ont rien de luxueux, loin de là, comme on le raconte en 1634. La maison qui les abrite est couverte de genêts ; il y a des génêts dans le grenier, il y a des tas de genêts dans la cour et aux environs. Ce combustible, encore vert, sert pour les chauffaisons et produit une fumée épaisse, abondante, noirâtre qui, faute de cheminée, s'échappe, par le porte, une petite fenêtre, se répand dans la ville et l'enveloppe d'un nuage pestilentiel, corrompant le linge, les meubles, les toilettes, les provisions et les marchandises. Les bourgeois de l'endroit se plaignent de cette chaumine enfumé où leurs ménagères risquent de périr d'asphyxie en pétrissant et préparant leur pâte pour la cuisson, de cette chaumine enfumée qui menace la cité d'une ruine générale. En effet, la plupart des maisons étaient couvertes en chaume et pouvaient facilement s'embraser. D'ailleurs, les flammes débordant par l'orifice du four léchaient trop fréquemment les fournilles, emmagasinées dans le voisinage ; de notables étincelles s’élançaient plus loin et ne tardaient pas à déterminer un immense brasier dans les matières combustibles. Les incendies devenaient si fréquents que les gens semblaient toujours hallucinés par l’idée d'un malheur ; ils croyaient voir le feu partout, le jour, la nuit, à la moindre alerte, on sonnait le tocsin. On le comprend sans peine, cette population ne vivait plus, elle demanda des réformes matérielles auxquelles elle avait droit. Les Bénédictines entendirent raison, elles promirent de ne plus chauffer avec du bois vert leurs fours, qu'elles dotèrent de cheminées à tuyaux, en dépensant 150 livres pour ce sujet [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/86].
Le malheur semble poursuivre Lesneven et réserver des émotions particulières aux habitants ; en 1642, les fours banaux sont de nouveau incendiés. On accuse les fermiers, les sieurs Pengant et Mercier d'avoir accasionné ce désastre par leur malice et leur incurie. Ces infortunés protestent de leur innocence, ils déclarent que le sinistre est la conséquence d'un accident, mais en dépit de tout, ils sont condamnés à réparer les dégâts qui leur paraissent imputables [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/87]. En 1643, de nouvelles plaintes se font entendre, les fours ont été restaurés mais ils n'ont pas de cheminées à tuyaux pour permettre à la fumée de s'évaporer dans les airs. C'est fort incommode, pour les personnes qui vont faire cuire leur pain et un grave inconvénient pour toute la localité qui se trouve constamment enveloppée d'un nuage noirâtre et nauséabond [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/87].
Pendant plus de 20 ans, on ne parle plus de cette incommodité et, le 29 juillet 1676, on mentionne des réparations qui on été faites aux fours banaux [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/87].
Le 14 juin 1706, les bourgeois de Lesneven formulent des réclamations qui semblent très justes. Leur cité s'est développée depuis que le duc de Bretagne a gratifié les religieuses de l'abbaye de Saint-Sulpice de la banalité ; elle compte alors 400 logements de plus qu'au XIIIème siècle. Les. deux fours actuels ne suffisent plus, il est urgent d'en construire un autre [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/87].
En 1722, la situation paraît s'être considérablement améliorée ; cette fois, on nous apprend que la maison des fours est couverte en ardoise, elle a des portes et des fenêtres. Malheureusement, il y a tout près une maison couverte de genêts, des tas, des mulons de genêts, de ces genêts verts ou secs, qui ont déjà causé de si regrettables accidents. On dirait qu'un mauvais génie entretient à Lesneven le culte du genêt pour le plus, grand malheur de cette agglomération bretonne. Un sinistre vient bientôt s'ajouter à tant d'autres ; les fours ont été incendiés 3 fois en 25 ans. Un tel état de chose n'est plus tolérable [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/87].
Le 13 juin 1724, le substitut du procureur royal descend sur les lieux, fait une enquête consciencieuse, examine tout avec soin. Il craint pour la ville, il tremble de la voir un jour s'abîmer dans un formidable incendie, car elle est toujours couverte en chaume. Les fours banaux ont été, à sa connaissauce, plusieurs fois dévorés par les flammes ; on a pu arrêter les progrès du feu parce que c’était pendant le jour, mais est-on sûr qu’il en sera toujours ainsi à l'avenir ? A l’entendre, les fours actuels ne suffisent plus, il convient d’en construire quatre nouveaux, dans un lieu écarté, derrière Notre-Dame. Les fourniers ne seront plus obligés de travailler le jour et la nuit ; ils pourront amulonner les matières combustibles sur la place et seront ainsi dispensés de loger des genêts au-dessus des fours.
Le 26 juillet 1724, la prieure, Marie-Madeleine Bonnier de la Cocquerie, traite avec le sieur de la Guernouillais, qui se charge d'édifier, à l'endroit indiqué, les fours qu'on disait nécessaires. La dépense pour ces travaux s’éleva à 2.000 livres et tout fut terminé en décembre 1725 [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine 2H2/2].
Pendant ce temps, Tanguy Abiven, le fermier, place une couverture en paille de blé noir sur les murs calcinés des anciens fours et continue à y cuire le pain des habitants. Quand on le somme de se rendre aux nouveaux, il refuse, en alléguant toutes sortes de bonnes raisons. Il prétend d'abord qu'il n'a pas pris à bail les fours qui viennent d’être construits et, du reste, les conditions ont changé. Les nouveaux fours seront plus difficiles à chauffer et dépenseront beaucoup plus de bois. De plus, il ne les connaît pas, il demande à l’abbesse de Saint-Sulpice qu’elle le fasse assister par un fournier pendant 6 mois et réponde des mauvaises cuissons. La religieuse réplique que le fermier doit connaître son métier ; elle ne consent point à répondre de son inexpérience ou de sa méchanceté. Cette contruverse nous montre que le tenancier d’un four à ban pouvait être condamné si le pain n’était pas cuit d’une facon convenable. Tanguy Abiven nous paraît en dernier lieu tourmenté par un grave souci qu’il expose sans aucun détour. Les notables de la paroisse et le général ont protesté contre les nouveaux fours, ils les trouvent trop éloignés. Le fermier redoute de ne pas être suivi par la population, il demande qu’on publie au prône de la messe, les motifs pour lesquels les fours ont été transférés [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/2, 87].
En mai 1731, les habitants de Lesneven font entendre de nouvelles plaintes. La maison des fours, qui a 29 pieds de long, sur 22 de large, n'est pas assez spacieuse, car les fours prennent au moins la moitié de la place, et ce qui reste ne peut permettre à chacun de façonner commodément sa pâte [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/6].
L'ère des incendies n'était pas encore terminée, en 1754, les fours deviennent à nouveau la proie des flammes. Leur restauration coûta de beaux deniers aux Bénédictines. Bien plus, des particuliers profitant de ce malheur, construisent des fours particuliers, au grand préjudice des moniales. Celles-ci ne se laissent pas déconcerter et demandent qu’ils soient détruits aux dépens des propriétaires. Pour les consoler au milieu de leurs nombreux déboires, un arrêt solennel vient, le 9 février 1756, Confirmer leurs droits [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/87].
En 1779, quelques habitants objectent que les fours sont trop éloignés : on leur répond que cette remarque n'est pas fondée. Tout le monde sait que la banlieue du fournage ne peut s'étendre au delà d'un quart d'heure de marche, car un trop long trajet endommagerait les pâtes par les temps de froids rigoureux et de grandes chaleurs. La maison des fours est au centre de la ville, sur les deux rues les plus fréquentées ; de tous côtés, on peut entendre le cri : le four est chaud. Il faut donc en conclure que tout est bien ordonné et que les choses se passent comme ailleurs [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/2, 87].
Pour
cuire le pain des habitants de l’endroit les
tenanciers du four banal avaient
droit à une légitime redevance, qui varie
suivant les époques. En 1553, la rétribution pour le fournage
est fixée à 10 deniers pour un boisseau de
farine convertie en pâte [Note : Archives départ.
d'Ille-et-Vilaine, 2H2/81].
En 1693, les fermiers se montrent plus exigeants, ils réclament 3 sols et 6 deniers, pour un boisseau de froment 2 sols et 6 deniers, pour une mesure de seigle équivalente. A cette époque, des plaintes amères s'élèvent de tous côtés : les fourniers et leurs valets, gens malhonnêtes, ne se contentent plus de la taxe qu'on leur accorde bénévolement, ils exigent encore un morceau de pâte. Ce supplément de salaire est considéré comme absolument illicite et le procureur du roi leur commande d'y renoncer, sous peine de 30 livres d'amende [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/81].
Si les tenanciers du four, banal pratiquent le vol, les clients ne se font pas scrupule d'employer la fraude : il n'est pas rare qu'ils trompent sur la quantité. Les fermiers ne veulent pas être plus longtemps victimes de cette malice, ils requièrent qu'on se serve désormais des mesures en pierre qui sont sous les halles [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/81].
Le 14 juin 1706, Francois Madet, le fermier des fours banaux de Lesneven, explique qu'il éprouve un grave préjudice. Son ancien valet, nommé François Coant l'a quitté et s'est réfugié chez Yves Simon, qui possède un four, en dehors de la ville, sur le chemin du Folgoët. Tous les deux vont de jour et de nuit chercher la pâte des habitants de Lesneven et font cuire leur pain. Il supplie qu'on mette fin à cette injustice en condamnant à 10 livres d'amende et à la confiscation de leur pâte et de leur pain tous les habitans qui n'useront pas de ses services [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/81].
Ce genre de fraude paraît s'être pratiqué assez fréquemment. Le 9 août 1732, un four établi sur les fossés de la ville fonctionne au grand détriment des privilèges de l'abbesse de Saint-Sulpice : on fait bonne garde et on réussit à saisir une fournée de pain [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/6].
En 1779, le comte de Lescoët semble vouloir attirer les habitants à son four de Penarcosquer (?), situé au-delà des bornes de l'enceinte [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/87].
En 1706, le fournier de Lesneven demande que les cabaretiers fassent cuire leur pain, le vendredi, et les boulangers, le samedi, car il désire se reposer le dimanche [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/87].
En 1779, nous apprenons que les boulangers ont des fours particuliers pour cuire le pain de leur commerce, mais ils sont assujettis à la banalité pour le pain qu'ils consomment [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/87]. En 1751, le Parlement exempta les boulangers du four banal, mais il les assujettit au moulin [Note : Mainsard Joseph, Banalités en Bretagne, in-8° 1912, Sirey, 22, rue Soufflot, Paris].
Les Bénédictines avaient aussi un four banal à Locmaria près de Quimper. Quelle était son importance ? Si nous ne pouvons la déterminer d'après des fermages réguliers, il nous est permis de croire qu'il avait une réelle valeur, puisque tous les hommes du bourg et de la paroisse y devaient faire cuire leur pain, sous peine d'amende et de confiscation [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/89. Archives départ. du Finistère, H357].
A Saint-Sulpice, les religieuses avaient un four pour leur usage personnel, mais cela ne les empêchait pas d’en posséder un second pour les besoins de leurs vassaux. Un bail de 1584 nous apprend que ce dernier était affermé à cette époque, 3 écus et quatre boisseaux de cendre, 2 à Pâques, et 2 à la Saint-Jean [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/14].
Pour confectioner le pain, la farine est indispensable et pour s’en procurer, il faut tout d’abord porter son grain au moulin du seigneur. Chacun n’est pas libre de se rendre chez le meunier de son goût, la coutume lui indique celui qu'il doit fréquenter. L'infortuné manant se voit parfois obligé de porter sur son dos, jusqu'à une lieue, son blé. Arrivé là, il dépose son fardeau, en fait constater le poids et prend rang. Si on ne peut lui moudre son grain, avant trois jours et trois nuits, il lui est loisible de reprendre son bien et d'aller chercher fortune ailleurs. En frappant à une nouvelle porte, a-t-il chance d'être mieux accueilli ? Pas toujours, les meuniers ont mauvaise réputation, ils passent pour des fripons incorrigibles, ils exigent pour leur salaire le 1/8 et même le 1/4, en dépit des règlements qui leur défendent de percevoir plus du 1/16. Les paysans les craignent comme la peste, comme des êtres capables d'empoisonner bêtes et gens ; la seule vengeance qu'ils peuvent se permettre, c'est de leur administrer, en secret, pour leurs méfaits, une solide et salutaire correction. L'exercice de la banalité provoquait assez souvent des scènes de pugilat et il ne pouvait, en être autrement ! Un malheureux porte sa pâte au four, on lui dit, au dernier instant qu'il n'y a pas de place pour lui, on l'ajourne sans crainte de compromettre son bien ! Quelle âme demeurerait impassible en pareille circonstance ? — Un autre s'en va de moulin en moulin, partout on le refuse, sous prétexte que l'eau manque ! Chez lui, il n'y a pas de pain, sa famille crie misère ! Il se consolerait si on lui permettait d'avoir des meules à bras !... mais non, on les lui interdit absolument ou bien on les accorde à des taux excessifs ! Qui saurait se contenir dans une situation aussi lamentable ? Dans ses courses, il peut être victime d'aventures fort désagréables, être mystifié, comme le fut un sieur de la Morandais, habitant dans les environs de Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine). Il se rendait à sa demeure avec un cheval chargé d'un sac de farine. En chemin, il rencontre Jean Hanry, meunier de Caray, en Iffendic (Ille-et-Vilaine), qui surveille les prétendu déserteurs de son moulin. Une dispute fort vive éclate, on saisit la bête de somme et on la conduit à Montfort pour dresser procès-verbal de contravention. Le lendemain, on ramène l'animal au domicile de son propriétaire, mais la farine a disparu (25 octobre 1709) [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/119]. Les pauvres paysans, après avoir été brimés par les meuniers, se voyaient encore obligés de curer les rivières qui conduisaient l'eau au moulin, de charroyer les meules et les autres matériaux qui étaient nécessaires pour les réparations [Note : E. Dupont, Condition des paysans dans la sénéchaussée de Rennes, à la veille de la Révolution, in-8° 1901, H. Champion, 5, quai Voltaire, Paris].
Les religieuses de Saint-Sulpice possédaient trois moulins dans le voisinage de leur communauté. Le premier, nommé le moulin de la Porte, se trouvait non loin de l'entrée du monastère et se faisait remarquer par sa belle construction. Deux étangs enclavés dans la forêt de Liffré lui fournissaient l'eau nécessaire à son bon fonctionnement. Les deux autres étaient situés dans la paroisse de Mouazé et alimentés par la rivière de l'Isle. Le moulin du Gahil, affermé 800 livres, en 1783, était beaucoup plus imposant que celui de la Ridelage. Ce dernier comme celui de la Porte produisait annuellement moins de 200 livres [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H/2, 140, 141, 144, Q. 300. Cartulaire de Saint-Sulpice].
Le prieuré du Grand Locmaria était aussi doté d'un moulin banal que les vassaux de la bourgade avaient ordre de fréquenter. Bâti sur la rivière de l'Odet, le flux de la mer remplissait chaque jour son étang et lui permettait de tourner sans relâche [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/89. Archives du Finistère, H 357]. Les fermiers qui les exploitaient paraissent avoir fait peu de bruit : les documents contemporains gardent le silence sur leur conduite et ne nous disent pas s'ils ont été dignes de louange ou de blâme.
Les Bénédictines avaient trois pressoirs banaux dans la paroisse de Saint-Sulpice : l'un, sous la halle ou cohue de la ville, l'autre, au bout du bois du Fayet, et le troisième, au coin de la Chesnaye de Landrotte. En 1664, on exigeait pour le pressurage du cidre 16 pots, par pipe. Les presoirs étaient affermés dix écus d'or soleil, en 1581 ; un siècle plus tard, ils rapportaient, bon an mal an, onze pipes de cidre. Le fermier devait veiller à régler le tour de chaque sujet, suivant demande, pour éviter toute contestation. L'abbesse avait su fournir des fûts foncés par un bout et des cuves pour recevoir les marcs et le cidre nouveau, ainsi que les autres instruments nécessaires en pareille occurrence. Comme chacun voulait extraire de son marc la dernière goutte de cidre qui pouvait s’y trouver, il demandait aux pressoirs de grands efforts et s’exposait à les briser. Pour prévenir tout accident, il était expressément défendu de mettre plus de trois personnes sur les leviers [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/14]. Bien que ces droits de banalité fussent incontestables et plusieurs fois séculaires, on osa parfois les discuter. En 1604, une simple, villageoise de Saint-Sulpice, nommée Julienne Lemarchant, s’imagina qu'elle pouvait avoir un pressoir comme les moniales, ses voisines. Elle s'entendit donc avec des charpentiers, qui se hâtèrent de lui en construire un moyennant finance. Lorsqu'il fut édifié, l'abbesse envoya des hommes qui enlevèrent la pièce principale, la vire (la vis), malgré les protestations de la propriétaire. Ce curieux procédé excita universellement les rires et étoufia pour jamais l’esprit de rébelion [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/16].
Si la banalité offrait des avantages, les droits de foires et de marchés étaient considérés au moyen âge et même plus tard comme fort apréciables. La bourgade de Saint-Sulpice fut honorée d'un marché, dès la plus haute antiquité ; comme il se tenait le dimanche, on jugea à propos de le transférer au vendredi, le 31 mai, 1436 [Note : Cartulaire de Saint-Sulpice, charte n° XXIV]. Peut-être les religieuses songèrent-elles plus tard à le fixer au lundi de chaque semaine, les réclamations que le sieur d'Assérac, seigneur de Betton, exprima à ce sujet nous autorisent à le penser. Ce personnage fait remarquer que deux localités voisines ne peuvent tenir marché, le même jour, sans se nuire ; comme il a opté depuis longtemps déjà pour le lundi, il demande qu’on ne vienne pas le troubler dans l'exercice de ses droits [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/2]. Selon toute probabilité, cette affaire s’errangea à l’amiable et chacun voulut observer les anciennes coutumes, 5 mai 1565. A la même époque, nous voyons que les Bénédictines sont toutes heureuses qu'on leur ait accordé trois foires par an, foires fixées, le 9 mai, le 25 juillet et le 9 octobre. Pour témoigner leur joie, elles font publier qu'elles fourniront, à l'occasion de la première, un bœuf, qui sera chevauché en signe de justice [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/2], Pour expliquer cet usage, qu’on nous permette d'exposer ce qui se passa au bourg de Deviat [Note : Charente, arr. Barbezieux, cant. Montmoreau], dans la même circonstance. Le baron de Touverac, qui avait obtenu pour ce village plusieurs foires, voulut les inaugurer d'une manière solennelle. Après qu'elles eurent été proclamées dans les lieux avoisinant un cortège se forma sur la place publique de Deviat, le 6 mai 1598, composé d'une dizaine de personnes. Entre 9 et 10 heures, il se met en mouvement et traverse deux fois la halle. En avant, le greffier porte une épée nue, garnie de marchandises et de mercerie, il est suivi d'un lieutenant qui porte un bassin doré où se trouve de l'argent monnayé, On voit un pavilion de taffetas incarnat, flotter dans les airs, il est accompagné de six torches ornées de l'écusson seigneurial. Enfin paraît un bœuf gras, couvert d'un tapis vert, chevauché par un sieur Bertut. Sur la place, on jette de l'argent et de l'or, on crie : vive le roi, vive le seigneur et la dame du dit lieu, et la foire déployée ! [Note : Bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Charente, an 1865, p. 135]. A ce moment, les cultivateurs amènent leurs produits, et les commerçants exposent leurs marchandises. Il est à présumer que les choses se passèrent ainsi à Saint-Sulpice. Qui doit fréquenter les marchés établis dans un village ? En général les gens qui habitent dans un rayon d'une lieue. Les foires et les marchés procurent des revenus considérables au seigneur ; car c'est lui qui établit les étaux, les boutiques ; construit les halles où les marchands se tiennent et exposent leurs denrées, c’est lui qui les loue. Il exerce aussi sur les foires et les marchés des droits spéciaux de justice et de police, grâce auxquels il perçoit de fructueuses amendes. L’abbesse de Saint-Sulpice et les prieures des autres monastères n’agissent pas autrement, elles recueillent tous les bénéfices que la loi leur attribue. Tout animal exposé en vente doit payer un droit d’entrée, qui varie suivant l’importance de la foire et du marché. A Grandchamp (Morbihan), on doit débourser, 4 sous, par cheval, 2 sous, pour une couple de bœufs, 1 sou, par cochon, 2 sous, pour une chèvre et un bouc, 3 deniers, pour une brebis ou un mouton. A Antrain (Ille-et-Vilaine), un boisseau de blé apporté sur le marché est soumis à une taxe de 6 deniers. La vente du vin donne lieu à un droit spécial, qu’on appelle bouteillage ; ici, on paye deux pots par pipe, ailleurs, les taverniers n’en fournissent qu’un. Les céréales sont frappés de droits connus sous le nom de minage [Note : Huvelin, Foires et Marchés, in-8°, Rousseau, éditeur, 13, rue Soufflot, Paris H. Sée, Classes rurales au XVIIème siècle, g g. in-8°, Giard et Brière, éditeurs. Paris, 16, rue Soufflet].
Nous regrettons de n'avoir rencontré aucum renseignement spécial sur le trafic qui se faisait à Saint-Sulpice et au Grand Locmaria. Par contre, les Archives de quelques autres localités se montrent plus explicites. On apprend ainsi que la prieure de Saint-Nicolas, en Saint-Germain-de-Prés, près de Lohéac (Ille-et-Vilaine), tenait foire, chaque année, à Saint-Germain, le 22 septembre, fête de Saint-Maurice, et avait droit d’y lever les coutumes sur toutes les marchandises et percevait le bouteillage sur les vins et cidres qui s'y vendaient. Le baron de Lohéac y exerçait la police depuis les premières vêpres du 21 septembre jusqu'aux secondes vêpres du 23, ce qui prouve que la foire durait au moins deux ou trois jours. Le lendemain de la Saint-Maurice, la dame prieure faisait chanter une messe de Requiem pour le repos des âmes des feus seigneurs barons de Lohéac, fondateurs du couvent. Le même jour elle donnait à dîner au seigneur de Lohéac et à ses officiers. Elle faisait dresser une perche pour mettre et reposer les oiseaux de proie du baron, fournissait de la paille, du pain et de l'eau pour ses chiens. Pour témoigner sa reconnaissance, le seigneur de Lohéac devait compter à la prieure la prieure la somme de cent sols monnaie, puis quand la foire était terminée, l’office divin chanté, le diner couru, les officiers de la juridiction dressaient un procès-verbal de tout ce qui s’était passé [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/102].
Le 4 avril, 1443, Olive de Lassy ? prieure de Sainte-Honorée [Note : Paroisse d'Héric, canton de Nort (Loire-Inférieure)], déclare que son monastère, fondé par les rois, princes et ducs de Bretagne, court à sa ruiné. Autrefois, poussés par une grande dévotion, une foule d'hommes s'y résidaient en procession, en pèlerinage, le jour Saint-Marc et apportaient d'abondantes aumônes. Comme il y avait un grand concours de personnes, on lui avait permis de tenir foire en ce même jour, mais hélas ! elle n'avait pas de lettres attestant ce privilège et elle ne pouvait en jouir. François Ier, duc de Bretagne, la prit en pitié et lui acorda ce qu'elle désirait ; il mit sous sa protection les marchands qui se rendraient à la foire de Sainte-Honorée [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/82]. Quelques siècles plus tard, ce que la religieuse considérait comme une fortune avait disparu, une sentence, rendue le 3 septembre 1691, nous apprend que les moniales de Sainte-Honorée n'avaient aucunement droit à une foire [Note : Archives départ. d'Ille-et-Vilaine, 2H2/2, 6, 82].
Dans le pays, de la Touraine, la prieure de la Fresnaye [Note : Commune de Cléré, canton de Langeais (Indre-et-Loire)] a droit de tenir foire, le jour Saint-Simon et Saint-Jude. Elle prend quatre deniers par aune et une pinte de vin par chaque mesure, et ce jusqu'au dernier son des vêpres. Depuis ce moment qui arrive entre trois et quatre heures après midi, le seigneur de Champchevrier perçoit, en la dite foire, la coutume de toutes les choses qui sont vendues en icelle, suivant les aveux du 6 mai 1473 et 31 août 1666 [Note : Archives départ. d’Ille-et-Vilaine, 2H2/6, 73-80].
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