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ABBAYE DE RHUYS

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FONDATION DE L'ABBAYE DE RHUYS

 

Saint Gildas, fondateur de l’abbaye de Rhuys, né en 494, à Arcluyd, ou Dumbarton, à l’embouchure de la Clyde, avait été élevé dans le monastère de Saint-Iltut en Cambrie. A quinze ans il était venu en Gaule, pour achever ses études. De retour dans sa patrie, il fut ordonné prêtre à 25 ans, en 519, et se mit aussitôt à travailler à la conversion de ses compatriotes ; il pénétra même en Hybernie (Irlande), et partout il ranima la foi et réforma les moeurs. Il vint ensuite se cacher dans un îlot, situé à l'embouchure de la Saverne, appelé, alors Echni, aujourd’hui Flatholme. Chassé par les pirates saxons, il vint se réfugier en Armorique et débarqua dans l'île de Houat ; il avait alors 30 ans, suivant son biographe de Rhuys, et environ 40 ans, suivant son historien de l’île de Bretagne ; c’était par conséquent en 524, ou en 534. Cette dernière date paraît préférable.

A Houat, saint Gildas bâtit un ermitage et une chapelle. Bientôt sa retraite fut connue, et les disciples affluèrent dans l'île. Pour se rendre plus accessible, il se transporta sur le continent au bout de deux ou trois ans, et y fonda le monastère de Rhuys dans un ancien camp romain (536?). Si quelque comte breton a pris part à l'oeuvre, ce n’a pu être que Werech ou Guérech I, chef des émigrés du pays vannetais, et nullement Grallon, comte de Cornouaille.

Saint Gildas fut naturellement le premier abbé de son monastère, et il donna pour règle à ses religieux celle qu’il avait pratiquée lui-même dans la Grande-Bretagne. 

Pour se faire une idée du monastère primitif de Rhuys, il faut savoir que les couvents bretons au VIème siècle étaient bien différents de ce qu’ils furent au XIIème.

Presque tous les bâtiments monastiques : église, réfectoire, hôtellerie, étaient en bois. Les cellules des religieux consistaient en petites loges de planches ou de clayonnage, rarement en pierre, et étaient placées plus ou moins régulièrement autour d’une cour, qui formait le centre du monastère. 

On y aurait vainement cherché un cloître, une église monumentale, et de grands bâtiments divisés en chambres. 

L’ensemble des constructions était ordinairement environné d’un vallum, c’est-à-dire d’un rempart de terre ou de pierre, précédé d’un fossé. 

On voit par là pourquoi saint Gildas, débarquant dans la presqu’île de Rhuys, s’établit dans un ancien camp romain. 

En dehors du vallum ou de l’enceinte, à une petite distance du monastère, on construisait une ou plusieurs cellules solitaires, où les ermites se retiraient pour pratiquer de plus grandes mortifications, mais en restant toujours sous la surveillance de leur abbé : c’était le désert

Abbaye de Rhuys : plan ancien

Le costume comprenait deux pièces principales : la tunique, vêtement de dessous, ordinairement en laine, la cape ou coule, en forme de cloche, munie d’un capuchon ; elle était habituellement en laine, et parfois en peau de chèvre, le poil en dehors ; quand elle était fendue par devant, elle portait le nom de manteau.

Les moines bretons, comme tous les religieux, observaient strictement les trois voeux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté ; ils n’admettaient jamais les femmes dans l’intérieur du couvent. — La journée se partageait entre la prière commune, le travail manuel et l’étude ; les heures variaient quelquefois d’un monastère à l’autre, mais le fond restait le même. La nourriture se composait de pain, de lait, d'oeufs, de poissons et de légumes ; la viande était habituellement exclue. La boisson était de l’eau et du cidre, quelquefois du vin. Le lit était un large sac, bourré de foin, sur lequel le moine s’étendait, sans quitter ses habits et sans prendre de couvertures. Grâce au travail des moines, le sol fut graduellement défriché, les landes et les forêts reculèrent, et le pays, ruiné par la fiscalité romaine, retrouva l’abondance et la richesse. — En même temps, les religieux travaillèrent à la conversion des infidèles qu’ils rencontrèrent autour d’eux, et à l’instruction des fidèles, quand il n’y avait pas assez de prêtres séculiers. Pour perpétuer ces oeuvres de zèle, ils établirent dans leurs maisons des écoles diverses, pour donner ce qu’on appelle aujourd’hui l’instruction primaire et l’instruction secondaire. (La Borderie, Histoire de Bretagne, I. 507).

Après avoir organisé son monastère de Rhuys, saint Gildas, pour satisfaire à son besoin de solitude, se retira avec un de ses disciples, nommé Bieuzy ou Bihuy, sur les bords du Blavet, non loin de Sulim ou de Castennec. Il se blottit dans une grotte rocheuse et y établit un petit oratoire ; il fit même sortir du sol une petite source qui coule encore aujourd’hui. Poursuivi jusque-là par de nouveaux disciples et par des religieux venus de la Grande-Bretagne, il fonda pour eux un second monastère à la Couarde, dans la presqu’île de Castennec. Instruit par ces nouveaux venus des événements qui se passaient dans sa patrie, il écrivit dans la solitude du Blavet, vers l’an 544, « dix ans après son départ de l’île », deux Lettres de reproches à cinq rois et aux clercs du pays. Elles font suite à son histoire de la Ruine de la Bretagne, écrite dans l’île, avant son départ pour l'Armorique.

Bientôt saint Gildas se trouva mêlé aux affaires politiques de sa nouvelle patrie. Vers 546, le comte Conomor ou Comorre de Poher demanda en mariage la princesse Trifine, fille de Guérech I, comte des Bretons du Vannetais. Celui-ci connaissant la mauvaise réputation du prétendant, lui refusa sa fille ; mais obsédé de nouvelles demandes et gagné par l’intervention de saint Gildas, qui craignait une guerre entre les deux comtes, il finit par l’accorder.

On connaît les suites tragiques de ce mariage, la fuite de Trifine du château de Castel-Finans, en la paroisse actuelle de Saint-Aignan, la poursuite de Comorre, et la mort violente de la pauvre princesse. Gildas, informé du malheur, quitta sa solitude du Blavet, vint à Castel-Finans, et lança, en signe de malédiction, une poignée de terre contre les murailles de la forteresse, qui s’écroulèrent aussitôt, dit la légende. Puis il se rendit au lieu où gisait le corps de la princesse, pria Dieu pour elle et lui rendit la vie. Immédiatement il la ramena à son père, et lui dit : « Voici le dépôt que vous m’aviez confié, c’est votre fille, gardez-la, et nourrissez avec soin l’enfant qu’elle mettra au monde ».

Cet enfant reçut le nom de Trémeur ; il fut élevé à partir de cinq ans dans l'abbaye de Rhuys, et il périt quelques années après sous la glaive de son père lui-même. Il est honoré comme martyr, et il est le patron de Carhaix. Le tyran Comorre périt enfin en 554, emportant le surnom de Maudit (Hist. passim.).

Pendant ce temps, saint Gildas, toujours zélé pour la propagation du christianisme et l’extension de la vie religieuse, avait fondé un troisième monastère que son biographe de Rhuys appelle Coet-Lann, c’est-à-dire le monastère du Bois ou de la Forêt.

Où était situé ce monastère ? — Jusqu’à présent on l’avait placé dans la forêt de Rhuys, aux environs de Sucinio, à l’endroit où fut bâti au XIème siècle le prieuré de Saint-Pabu. — Mais M. de la Borderie, dans son Histoire de Bretagne (I, 439, 580), l’a placé dans la Cornouaille, près de la baie de la Forêt. Le nom de la Forêt présente un rapprochement intéressant, et il est possible qu’un jour on y trouve une tradition ou une ruine qui vienne confirmer cette opinion. Il est certain que saint Gildas a fondé un monastère dans la Cornouaille, car à l’époque de sa mort, des religieux vinrent en grand nombre de ce pays jusqu’à Rhuys, avec l’espoir d'emporter le corps de leur fondateur. Mais était-il réellement situé à la Forêt ?

« Des hommes qui se disaient héritiers de la terre de Coet-Lann cherchaient souvent noise aux serviteurs de Dieu, qui y menaient la vie contemplative, prétendant qu’ils cultivaient autour de l’oratoire une étendue de terre plus considérable que celle marquée par saint Gildas. Voulant garder la paix entre tous, l’homme de Dieu vint au bord de la mer, et se jetant à genoux avec ses moines, il pria avec zèle le Seigneur, et se levant il frappa le sol de son bâton et aussitôt une source en jaillit, puis il fit le tour du monastère en traçant une ligne avec son bâton, le ruisselet le suivit et marqua désormais la limite de la propriété » (Anony. Rhuys).

« Dans le même pays, dans le plou de Saint-Démétrius, dit le même auteur, il y avait un étang, dont le port servait de retraite à des bandits. Ceux-ci dépouillaient et battaient les marins qui s’y engageaient, et les lâchaient à demi-morts. Leurs crimes causaient aux gens du pays une violente indignation, mais n’étant pas de force à les chasser, ils implorèrent le secours de saint Gildas. L’abbé vint jusqu’à l’embouchure de l’étang, et là il pria le Seigneur d’en fermer la communication avec la mer ; sa prière finie, un grand monceau de sable boucha cette entrée, et ferma désormais l’accès aux brigands ».

Où était situé cet étang marin ? — Jusqu’ici on l’avait placé entre Pénerf et Penvins, et on avait identifié le plou de Saint-Démètre avec le quartier de Penvins. — M. de la Borderie, conséquent avec lui-même, l’a placé dans la Cornouaille, et croit l’avoir trouvé à Plouzevet, dans la baie d’Audierne. (Hist. I. 439).

Après toutes ces fondations, saint Gildas fit un dernier voyage en Grande-Bretagne et en Irlande, et revint à son monastère de Rhuys. Sentant sa fin approcher, il se déchargea du souci de la communauté, et se rendit à sa chère île de Houat, avec deux ou trois religieux, pour se mieux préparer à la mort. Il y tomba bientôt malade. Une nuit, pendant son sommeil, il crut voir un ange du Seigneur qui lui dit : « Ecoute, ami de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et apprends que Dieu a vu tes larmes et exaucé tes prières. Dans huit jours, ton âme sera délivrée de la prison de ton corps, et elle verra ce que tu as toujours souhaité depuis ton enfance, la face adorable et désirée du Seigneur ton Dieu. — Confirme donc tes disciples dans la crainte et l’amour de Dieu ; recommande-leur de nouveau d’observer ses préceptes et d’accomplir fidèlement ses oeuvres, afin qu’ils méritent de participer un jour aux récompenses éternelles promises par lui ».

Le lendemain, il fit inviter ses disciples de Rhuys et des autres localités de venir vers lui. Quand, au bout de quelques jours, il les vit réunis autour de lui, il leur adressa les paroles les plus tendres et les conseils les plus sages.

Le huitième jour, il se fit conduire à son oratoire, et après y avoir fait sa prière, il reçut le Saint-Viatique et l'Extrême-Onction, et dit à ses disciples : « Mes enfants, je vous adjure par Jésus-Christ de ne point vous disputer pour mon corps ; mais immédiatement après mon décès, vous le déposerez dans une nacelle, en mettant sous ma tête une pierre, celle qui m’a toujours servi de chevet. Qu’aucun d’entre vous ne reste dans la barque ; vous la pousserez en pleine mer, et vous la laisserez aller où Dieu la conduira. Le Seigneur pourvoira lui-même à ma sépulture au lieu qu’il lui plaira. J’ai la foi qu’au jour de la résurrection générale, Dieu me ressuscitera avec les autres. Que le Dieu de la paix et de l’amour demeure toujours avec vous tous ! — Ainsi soit-il ! ».

Ayant dit ces paroles, il rendit l’esprit, le 29 janvier, plein de jours et de mérites. Dom Mabillon fixe sa mort à l’an 565, la seule année aux environs de son décès où le 11 mai coïncida avec les Rogations, dont on parlera plus loin. Le saint était donc dans sa 71ème année.

Ses disciples de Rhuys déposèrent son corps dans une barque, comme il l’avait ordonné, mais ceux qui étaient venus de la Cornouaille, se voyant plus nombreux, voulurent l’enlever pour le transporter dans leur pays. Mais pendant qu’ils se concertaient pour faire leur coup, la barque, par la volonté de Dieu, coula doucement au fond de la mer. Ils cherchèrent çà et là pendant plusieurs jours le précieux trésor, et ne le trouvant nulle part, ils finirent par retourner chez eux.

« Les disciples de Rhuys continuèrent à le chercher pendant trois mois, et ne le trouvant pas davantage, s’imposèrent un jeûne de trois jours. Au bout de ce temps, la date et le lieu de l’invention furent révélés à l’un d’entre eux. Or, le premier jour des Rogations, les religieux en allant en procession à la chapelle du Croisty, ou maison de la croix, bâtie par le saint, trouvèrent dans l’arise voisine la barque laissée à sec par la marée, avec le corps entier de leur père, placé comme ils l'avaient mis trois mois auparavant. Pleins d’une sainte joie, ils l’enlevèrent avec vénération, déposèrent la pierre qui lui servait d’oreiller dans la chapelle du Croisty, sur l’autel, en souvenir de l’événement, et transportèrent le corps du saint jusqu’au monastère, en chantant des hymnes et des psaumes, suivis d'une grande multitude de peuple, heureuse d’avoir un tel patron pour le pays et un tel intercesseur auprès de Dieu. Depuis ce temps, et au XIème siècle encore, on célébrait au pays de Vannes, au 11 mai, la fête de cette invention. En ce jour le Seigneur se plait à opérer des miracles nombreux à son tombeau, comme nous l’avons vu de nos yeux. Son corps avait été déposé dans l’église bâtie par lui dans l’antique castrum de Rhuys, et pendant plusieurs siècles il y avait été conservé à la vénération de la nation bretonne et d’innombrables miracles attestaient sa sainteté » (Anon. Rhuys.).

Le monastère de Saint-Gildas de Rhuys, fondé, comme on l’a vu, vers 536, remontait à une respectable antiquité. Le moine anonyme de Rhuys, qui écrivait au XIème siècle, sur des documents plus anciens, n’avait pas cherché à remonter plus haut. Mais un autre religieux de la même abbaye, qui vivait à la fin du XIVème siècle, crut, pour l’honneur de son monastère, pouvoir remonter jusqu’à l’an 399, et rattacher la fondation de la maison à la dynastie fabuleuse de Conan-Mériadec. Il n’en avait aucune preuve écrite ; il en fabriqua pour le besoin de sa cause, et commença par la pièce suivante, que nous donnons à titre de curiosité. « Grallon, par la grace de Dieu, segond roy de l’Armorique-Bretaigne, o (avec) le consentement Judicael, évesque de Vennes, légat et commissaire pour le pape de Rome oultres les montaignes et parties occidentalles, aujourduy voulions donner, dédier et fonder, donnons, dédions et fondons une abbaye de Saint-Benoist (!) en nostre comté de Reuys, en favour et contemplacion de Guédas de Hybernye, nostre vichancelier (!) et sainct homme en religion, avecques dix religieux, en luy donnant en fondation et à ses religieux nostre veil chasteau et (siège de) comté, là où il édiffiera son abbaye, ou dit lieu et chasteau, situé prés la mer d’ung costé, avecques toutes les terres frostes, labourées et à labourer, qui sont entre le dict chasteau et la mer prochaine de Vennes, en perpétuel héritaige, et en chemynant saixante mille pas par toutes les terres environ de touz costez ; et luy donnons en fondation perpétuelle nostre forest de jeune bouays, que Conan-Mériadech nostre prédécesseur planta et sema pour forest en la d. comté de Reuys, chemynant vers Ambon et Mesuyllac d’ung costé, et de l’aultre costé vers la mer que l’on voit Guerrande, là où estoint les serpentz que le sainct abbé Guédas tua en la forest ; pour le saulvement de nostre ame et pour prier Dieu pour nous.

Et voulons qu’il jouisse comme comte avec toute ma juridiction et justice, ainsi que je l’avois ou temps passé, et pour ce que le pays et forest sont plains de serpentz, le bon abbé Guédas qui est en la grace de Dieu les chassera touz hors du pays et les destruira. Et voulons encore donner et dédier, donnons et dédions à nostre bon abbé et à ses religieux les isles de Houat et de Hoedic, pour convertir les gros crestiens quelx demeurent ès d. isles ; et auxi luy donnons les isles et terres de Glénan, quelles sont en la mer près Cornouaille. Et pour le entretenir et convertir le peuple par ses prédications, luy donnons en fondation perpétuelle à son abbaye la tierce partie de nostre ville de Vennes, c’est assavoir les terres de Saint-Clémentz (Saint-Guen), les terres de Calmont, et les moulins de Vennes prés Calmont ; et prions noz enffans et successeurs, qui jamès vivront amprès nous, entretenir la d. abbaye et fondation, et laisser jouir paisiblement et en paix les d. religieux et vivre de leur fondation.

Et pour approbation de cestes, baillons soubz nostre signe, nostre seel, et celuy de nostre clerc, en priant l'évesque de Vennes et légat Judicael excommunier touz cieulx qui viendront au contraire, ou qui vouldront molester ou empescher notre fondation. — Ce fut faict à Vennes, et consenty par le d. légat et les comtes de Bretaigne, le tiers jour du moys de may, en l’an de grace troys centz quatre-vingtz dix-neuff. Signé : GRALLON. Par le roy, de son commandement : Hoel de Brest. Scellé du sceau du d. roy Grallon et du sceau papal du d. evesque de Vennes ». (Saint-Gildas. H. — Copie de 1503).

Cet acte de fondation est d’une fausseté manifeste. En 399, les Romains étaient encore maîtres de l'Armorique, et les Bretons n’y vinrent que longtemps après. En 399, saint Gildas n’était pas encore né, ni saint Benoît non plus, ni Grallon davantage. Celui-ci ne fut jamais roi de la Bretagne, ni maître de Vannes, ni propriétaire de Rhuys, mais simple Comte de Cornouaille. En 399, il n’y avait pas encore de siège épiscopal à Vannes, ni par conséquent d’évêque du nom de Judicael. En 399, on n’écrivait pas encore en français, mais en latin ; et l’acte ci-dessus, si l’on tient compte de la langue, du style et des formules qui y sont employées, paraît avoir été fabriqué après la guerre de Succession, c’est-à-dire dans la seconde moitié du XIVème siècle.

Malgré tout, les prétendues lettres de Grallon furent acceptées sans examen en 1502 par la reine Anne de Bretagne, puis par les rois de France, et par le parlement lui-même. Mais la critique historique se montre plus sévère et les rejette absolument comme apocryphes.

Le moine faussaire a été un peu plus avisé pour les prétendues lettres de l’évêque de Vannes : il les a écrites en latin. En voici la traduction : « Je, Judicael, évêque de Vannes, légat et commissaire du pape de Rome en deçà des monts et dans les parties occidentales, confirme à perpétuité et approuve cette fondation, que Grallon, roi de la Bretagne-Armorique, a faite en faveur du seigneur Gildas et de ses religieux et de leurs successeurs. Je défends et interdis à tous les catholiques de contredire ou de contrarier la d. fondation, sous peine d’excommunication, d’anathème et d’interdit. Et en signe de mon approbation, je mets sur ces lettres de fondation le sceau du pape, pour maudire les malfaiteurs qui empêcheraient la dite fondation. — Fait aux lieu, jour et an marqués ci-dessus (3 mai 399) ».

Cette prétendue confirmation, à part l’emploi de la langue latine, présente les mêmes caractères de fausseté que la lettre de Grallon. Toutefois il y a eu un évêque du nom de Judicael à Vannes : il a siégé, non en 399, mais de 991 à 1037 ; il n’a pas été légat du pape, mais simple évêque ; il n’a pas confirmé la fondation de l’abbaye par saint Gildas, mais sa restauration par saint Félix. De même, les donations de Saint-Guen à Vannes et en d’autres lieux ne remontent pas au temps du fondateur, mais seulement au temps du restaurateur du couvent : il y a là un anachronisme d’environ 500 ans.

Enfin, pour compléter son oeuvre, le moine de Rhuys fabriqua une lettre de confirmation sous le nom de « Salomon, par la grace de Dieu, tiers roi de l'Armorique-Bretaigne ». Comme c’est la répétition presque textuelle de l’acte de Grallon, il est inutile de la reproduire ici. Elle se termine par ces mots : « Donné en nostre ville de Vennes, en mars, l’an de l’incarnation quatre cents sept. — Signé : Salomon. Par le roy, de son commandement : J. Gaultereau. » Scellé en cire verte. (Saint Gildas. H. — Copie parch.).

Pour réfuter cette lettre, il suffit de rappeler que Salomon roi de Bretagne en 407 est absolument fabuleux. Il faut, reconnaître que le faussaire se trahit partout, et qu’il ne savait pas assez d’histoire pour faire une oeuvre spécieuse, capable de dérouter la critique : c’est là son excuse.

Revenons à l'histoire sérieuse. 

Quel fut le successeur de saint Gildas dans le gouvernement de l’abbaye de Rhuys ? — Albert Le Grand, de Morlaix, qui n’est jamais embarrassé, dit que ce fut un certain Generosus. Par malheur pour lui, ce Generosus était abbé d'Ansion ou de Saint-Jouin-de-Marnes, dans le Poitou, et non de Rhuys. Son nom d’ailleurs est latin, et une communauté bretonne n’aurait pu choisir qu’un Breton pour abbé. En réalité, depuis la mort de saint Gildas jusqu’à l’abbé Daoc, qui fut chassé par l’invasion normande en 919, il y a un vide de 354 ans ; durant cet intervalle on ne connaît aucun abbé de Rhuys, et pour dire quelque chose du monastère, on est réduit à glaner dans les faits généraux de la discipline religieuse.

Ainsi, en 567, deux ans après la mort de saint Gildas, un concile provincial se réunit à Tours, et renouvela quelques prescriptions concernant la vie monastique.

Le XVIème canon « défend absolument de permettre aux femmes l’entrée d’un monastère d’hommes. Si l’abbé ou le supérieur est négligent sur cet article, le moine qui aura vu la femme doit la renvoyer sous peine d’excommunication ».

Le XVIIème siècle règle les jeûnes monastiques. « A partir de la Quinquagésime, les frères jeûneront tous les jours de la semaine jusqu’à Pâques. De là jusqu’à la Pentecôte, ils dîneront tous les jours à midi, excepté les trois jours des Rogations. Ils jeûneront ensuite jusqu’au premier août trois fois par semaine, savoir le lundi, le mercredi et le vendredi, à moins qu’ils ne soient malades. En août ils dîneront tous les jours à midi, parce qu’il y a journellement des fêtes de saints. En septembre, octobre et novembre, ils jeûneront trois fois par semaine, comme il a été dit. En décembre ils jeûneront tous les jours jusqu’à Noël ; puis, jusqu’à l'Epiphanie, comme il y a des fêtes tous les jours, ils dîneront comme à l’ordinaire ; il faut toutefois réserver les trois premiers jours de l’an, consacrés par nos pères à la prière et à la pénitence, afin d’abolir les usages payens des calendes de janvier. Après l'Epiphanie jusqu’au Carême, ils jeûneront trois fois par semaine » (Concil. — Labbé V. 852).

Vers 590, un illustre barde ou poète de la grande Bretagne vint, dit-on, chercher un asile dans le monastère de Saint-Gildas de Rhuys. Le fait nous est attesté par l’historien Ingomar, qui vivait au XIème siècle : Taliesinus, bardus, filius Onis, venit ad provinciam Warochi, ad locum Gildœ, peregrinus et exul. Taliésin, né dans l’île, et probablement dans la Cumbrie, avait passé, comme saint Gildas, à l’école de Lann-Iltut. Doué d’un remarquable talent pour la poésie, il fut admis à la cour d'Urien, roi de Réghed, chef suprême des rois bretons du Nord, et devint son barde attitré.

Il nous reste de lui plusieurs chants patriotiques en l’honneur de son roi : ils concernent la victoire d'Argoet, gagnée sur Ida vers 547, le siège de la citadelle de Guen-Estrat vers 554, le combat de Ménao vers 560, et d’autres faits de son règne ayant moins d’importance. A la mort d'Urien, vers 575, Taliésin resta près d'Owen, son fils et successeur, mais dès 582, il pleurait sa mort.

On dit que le poète se retira dans la suite près d’un lac de Kaernarvon, au pays de Guyned, où un chef breton lui avait donné un champ et une cabane, et que se promenant seul sur le bord de ce lac, on l’entendit répéter tristement : « Hélas ! j’ai vu tomber le rameau et les fleurs ».

Bientôt le tumulte des guerres lui fit quitter son asile, pour fuir au pays de Guérech en Armorique, où l’on jouissait, d’après la renommée, d’une paix relative, et vers 590, il arriva au monastère de Saint-Gildas de Rhuys. — Y finit-il doucement ses jours au milieu des pratiques religieuses ? — On ne le sait, mais il est consolant de le penser. (Villemarqué — Bardes, p. 49).

Le monastère de Rhuys continuait à être non seulement un centre pour les âmes avides de la perfection chrétienne, mais encore une école pour tous les degrés de l’instruction. On y enseignait aux enfants la lecture et l’écriture, aux jeunes gens la grammaire, la rhétorique et la dialectique, et aussi l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique, enfin aux aspirants du sacerdoce la théologie et l'Ecriture-Sainte.

Sous ce dernier rapport, le monastère était un véritable séminaire, préparant les élèves à la science sacrée et à la réception des saints ordres, et faisant ainsi une véritable concurrence à l’école de l'église cathédrale. Ainsi saint Gobrien, se sentant appelé à l’état ecclésiastique, se rendit au monastère de Rhuys, vers 680, pour y suivre les leçons d’un religieux, qui y expliquait avec une érudition remarquable l'Ecriture-Sainte et la théologie. L’élève profita si bien de cet enseignement et fit de tels progrès dans la vertu, qu’il fut élu évêque de Vannes vers l’an 700.

Un siècle après, en 818, l’empereur Louis-le-Débonnaire prit une mesure, qui dans sa généralité atteignit le monastère de Rhuys. Ce prince étant venu à Vannes et ayant écrasé la révolte de Morvan aux environs de Priziac, reçut la visite de Matmonoc, abbé de Landevenec ; étonné de la forme de sa tonsure, qui consistait à raser les cheveux au dessus du front et à les laisser longs par derrière, il s’enquit avec soin de la discipline observée dans les monastères de Bretagne. Comme il avait travaillé, l’année précédente, avec le concours de Benoît d'Aniane, à l’extension de la règle de saint Benoît et à son introduction uniforme dans tous les monastères de l’empire, il fit une ordonnance spéciale pour abolir les vieux usages bretons ; et pour prescrire l’adoption de la règle de saint Benoît et de la tonsure romaine (Pr. I. 228). L’abbaye de Rhuys dut se soumettre comme les autres, et abandonner la règle que saint Gildas lui avait donnée trois siècles auparavant.

Dans la nouvelle règle, les moines durent mettre un scapulaire à larges bandes sur leur tunique et réserver la coule habituellement pour le choeur. Pour les religieux capables de se livrer à l’étude, le travail des mains fut notablement réduit au profit du travail de l’esprit. Les autres moines furent appliqués aux travaux manuels, aux jardins, aux champs, à la boulangerie et dans divers ateliers. On jeûnait tous les jours depuis la mi-septembre jusqu’à Noël, et depuis la Septuagésime jusqu’à Pâques ; en carême, l’unique repas ne se prenait que vers le soir, après vêpres. Les moines se servaient tour à tour les uns les autres à la cuisine et au réfectoire.

Le lever était ordinairement à deux heures du matin : c’était l’une des principales mortifications ; on chantait ensuite matines et laudes jusqu’à l’aube ; plus tard venaient prime et tierce, la grand'messe et les autres heures du jour.

L’abbé, élu à vie par les religieux, gouvernait la communauté ; dans les affaires importantes il consultait les anciens désignés par les religieux, mais dans les affaires qui regardaient toute la communauté il devait consulter tous les moines réunis en chapitre. En cas d’absence ou de maladie, il était remplacé par un prieur, choisi par lui avec l’avis de ses frères. Un autre religieux, choisi parmi les plus capables, portait le nom de cellerier et était chargé de veiller à la nourriture, au mobilier et aux biens du monastère.

Les religieux de choeur n’étaient pas tous prêtres ; on n’ordonnait que ceux qui étaient nécessaires pour le service spirituel du couvent. Ce n’est que plus tard que leur nombre augmenta et finit par comprendre presque tous ceux qui étaient tenus à l’office du choeur.

L’abbé devait être vêtu et nourri comme les moines, travailler comme eux, à moins d’empêchement, et manger au même réfectoire. Il ne devait pas visiter les métairies sans nécessité ; s’il avait des celles ou des prieurés, il n’y laissait pas moins de six moines. Cet article des prieurés devait recevoir dans la suite de grands développements (extrait des notes de J.-M. Le Mené).

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