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LA REGALE ET LES PREMIERS ABBES COMMENDATAIRES DE L'ABBAYE DE LANGONNET

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La Régale. Les premiers abbés commendataires : Jehan Nycolas, Laurent et Paul de Bonacourcy, — Jacques de Montenay. (1536-1647).

Le Concordat, conclu à Bologne entre le pape Léon X et François Ier, eut pour meilleur résultat de supprimer la Pragmatique Sanction de Bourges (1438), toute imprégnée de Gallicanisme et qualifiée de Constitution schismatique. Mais, si le nouveau pacte proclamait en principe la suprématie du Pontife Romain sur l'Eglise de France, le principal négociateur fit payer très cher au Saint-Siège les avantages qui lui étaient concédés. C'était ce « rude Auvergnat, tête forte, discipliné, d'instruction vaste, d'idées autoritaires, que l'histoire célèbre et souvent maudit, sous le nom de Chancelier Duprat » [Note : Antoine Duprat [1463-1535], Président du Parlement de Paris et du Parlement de Bretagne ; Chancelier de France (1515). Archevêque de Sens en 1525, puis Cardinal du titre de Ste-Anastasie et Légat pontifical. Il jouissait en outre de l'évêché d'Albi et de plusieurs abbayes : Fleury, St-Benoit-sur-Loire... Cfr. ALBERT BUISSON : Le Chancelier Antoine Duprat (1935)].

Le Roi obtenait le droit de nommer à 10 archevêchés, 83 évêchés et 527 abbayes. La disposition des Bénéfices ecclésiastiques allait faire de lui le premier souverain absolu de France ; elle allait ouvrir le régime de la commende, qui eut pour la prospérité aussi bien que pour la régularité des ordres religieux les plus déplorables conséquences [Note : « Le célèbre concordat, qui sacrifia à la jalousie du roi François Ier l'honneur des cathédrales et des abbayes, fut conclu le 18 août l'an 1516, il passa (si la brigue fait passer) au concile du Latran et fut homologué le mesme an 1516, le 19 décembre. Le roi ne l'accepta par ses lettres patentes que le 13 mai 1517, et, comme le traité avec le pape portait qu'on le ferait ratifier au Parlement en 6 mois, et qu'il s'y opposa fortement et que le roi se fit donner des prolongations par le Pape, il ne passa à la Cour que le 22 mars 1518 ». Histoire de l'Abbaye de ste-croix de Quimperlé, par D. LE Duc, p. 390]. Dès 1535, un ministre vénitien n'hésitait point à dire que ce genre de nomination consacrait la « servitude des prélats, comme des laïques, par le désir qu'ils ont des bénéfices ». (Vacandard, — Dict. des connaissances rel.).

Le Concordat supprimait l'élection, sauf pour les chapitres des cathédrales et quelques monastères privilégiés ; il cédait au roi le droit de disposer des bénéfices, à la condition de faire agréer ses candidats dans le délai de six mois. Cette nouvelle législation s'appliquait de plein droit aux anciennes provinces françaises, pour lesquelles l'application du Concordat ne fut jamais contestée, et qu'on appelait « pays de Concordat ». Les territoires nouvellement réunis à la Couronne étaient censés conserver leur ancienne coutume, du moins aux yeux de Rome : c'était les pays d'obédience. Il en fut ainsi de la Bretagne, qui ne faisait pas encore intégralement partie du Royaume à la conclusion du Concordat. Le pape prétendait y conférer les bénéfices vacants durant les mois de janvier, février, avril, mai, juillet, août, octobre et novembre, comme cela se pratiquait du temps des ducs.

Que faut-il entendre maintenant par la commende ? La mise en commende était la délégation à un personnage séculier des revenus d'un bénéfice, généralement d'une abbaye ou d'un prieuré, avec dispense de régularité. En principe, le bénéficiaire devait être engagé dans les ordres ou les recevoir dans un délai déterminé ; en fait, on était parvenu à tourner la règle et à étendre jusqu'aux laïques la jouissance des biens ecclésiastiques, soit par une sorte de fidéicommis désigné sous le nom de confidence, soit au moyen de pensions imposées aux abbayes par le roi.

Le commendataire qui était loin recueillait, par lui-même ou par un régisseur, les revenus du bien devenu le sien. Puis, il laissait comme par grâce quelque chose pour l'entretien des bâtiments et des charges, quelque chose pour la subsistance des moines, quelque chose aussi pour la charité. Cependant, celui qui remplaçait l'abbé commendataire et qu'on désignait sous le nom de prieur claustral pourvoyait tant bien que mal aux œuvres de miséricorde. — (De la Gorce, « Histoire religieuse de la Révolution »).

A la fin de l'ancien régime, l'abus devait prendre les proportions d'un fléau, les abbés commendataires n'ayant qu'un but, celui de percevoir les revenus.

Le concordat régularisa la nomination aux abbayes et monastères du pays en supprimant le régime électif.

« Les monastères et prieurés conventuels... ne pourront doresnavant procéder à l'élection ou postulation des abbés ou prieurs. Mais le Roy, ycelle vacation occurrent, devra nommer un religieux de l'Ordre du monastère ou prieuré vacant, de l'âge de 23 ans pour le moins, et dedans semblable temps de 6 mois... ».

Certains monastères gardaient le privilège de choisir leurs supérieurs ; aux autres, le roi ne pouvait présenter que des religieux du même Ordre. Ils ne profitèrent pas longtemps de ces réserves. François Ier finit, à force d'instances, par obtenir du Souverain Pontife, l'extension de son droit à tous les monastères, les chefs d'ordre exceptés, et la liberté complète dans ses choix (1531). Il y eut exceptionnellement quelques nominations scandaleuses de laïques ; mais, d'une manière générale, les séculiers et clercs issus de famille noble furent préférés aux religieux. Ceux qui se trouvaient dans les provinces annexées à la couronne après la signature du Concordat n'eurent à subir aucun changement. — (D. Besse, op. cit.).

Ces quelques données nous permettront de mieux comprendre la situation de notre abbaye quand elle se vit rattachée au domaine royal, en 1532.

En réalité, la Bretagne ne fut point incorporée à la France par le mariage de la duchesse Anne, comme on pourrait le croire. Anne n'avait encore que 15 ans, quand Charles VIII l'enleva à l'Archiduc Maximilien d'Autriche (6 décembre 1491). Sept ans plus tard, le 8 janvier 1499, Louis XII l'épousait à son tour, après avoir répudié Jeanne de Valois [Note : Jeanne avait été mariée au duc d'Orléans (Louis XII) en 1476, à l'âge de douze ans. Au bout de 23 ans, le mariage fut annulé par Rome sur la demande du Roi, par suite du défaut de consentement de l'une et l'autre partie (1499) : il n'avait pas été consommé. Retirée à Bourges, Jeanne y fonda, en 1500, l'Ordre des Annonciades rouges dites du St-Esprit. Décédée en 1504, à l'âge de 50 ans, elle est vénérée sous le nom de Bienheureuse Jeanne de France].

Leur fille aînée, la princesse Claude, fut mariée à son cousin d'Angoulême, le futur François Ier, qui dut recourir à la ruse pour achever les entreprises matrimoniales demeurées sans résultat.

En vue de sauvegarder l'indépendance de la Bretagne, la duchesse Anne, devenue reine de F'rance, avait pris soin de stipuler que le duché reviendrait de droit, non pas au dauphin, mais à son frère cadet.

Alors que les Etats de Bretagne se trouvaient réunis à Vannes, au mois d'août 1532, le roi François vint résider au château de Sucinio, près de Sarzeau, et réussit à emporter le vote de l'Assemblée, grâce à ses émissaires, le sire de Montjean et Louis des Déserts, sur la proposition « non de se soumettre aux volontés du Roi de France mais de lui faire un don libre de leur pays, ce qui serait plus digne ». La majorité habilement circonvenue finit par voter, le 4 août, une résolution d'union perpétuelle du duché à la Monarchie Française. L'ordonnance royale d'acceptation était enregistrée au Conseil de Bretagne, le 8 décembre ; et dès l'année suivante, fut couronné duc de Bretagne à Rennes, le Dauphin de France, sous le nom de François III ( 14 août 1533). Il devait mourir empoisonné à Tournon, en 1536.

C'est à la fin de 1540 vraisemblablement que Balthazar Turinus de Piscia se démet de son abbaye entre les mains de Paul III, qui agrée, à la date du 23 décembre, la nomination de Bonacourcy, faite par le Roi François Ier, administrateur pour son fils du duché de Bretagne.

Mais, il avait été devancé, dès 1536, par un certain Nicolas [Note : Le Nobiliaire breton signale plusieurs familles de ce nom : Nicolas, avec « une bande chargée de 3 doloires » ; Nicolas de Kerviziou : « D'argent au pin d'azur, fruité d'or de 3 pièces » ; Nicolas de Lezernaut : « d'argent à 3 fasces de sable, accompagné de 3 quintefeuilles de sinople » ; Nicolas de Cosquerguen : « d'argent à la face d'azur (qui est Cazin), au franc canton vairé d'argent et de sable (qui est Toupin) » — il y avait aussi des Nicolas en Aunis et Poitou], qui s'était abusivement emparé de l'Abbaye. En janvier, Guillaume Tranchier paie les Annates pour Nycolas, abbé de Langonnet [Note : Cette note, impossible à vérifier, porte la date de 1436 au lieu de 1536]. Un bail du manoir de Parc-an-Lice, daté de l'onzième jour d'avril 1537, est passé au nom de « très honorable personne Maistre Jehan Nycolas, se portant en gérant abbé du benoît moustier et abbaye de N.-D. de Langonnet ». Il est qualifié d'intrus sans doute parce qu'il n'était point religieux [Note : Il se pourrait cependant que Jean Nicolas ait été choisi par les moines qui faisaient opposition au régime nouveau de la Commende] ; son compétiteur ne l'était pas davantage.

D'après la Gallia christiana, le nouvel abbé était capitaine de cavalerie et, par le fait, irrégulier « minime regularis fuit, nam equestrem turmam ducebat ».

La bulle pontificale ne mentionne d'autre irrégularité que celle provenant de sa naissance — defectu natalium, de soluto genitus et soluta. — En tout cas, il était relevé de cette irrégularité, bien qu'il n'en soit pas fait mention dans les lettres apostoliques antérieures, puisqu'il avait été déjà admis dans la cléricature et pourvu de plusieurs bénéfices : Prieuré de St-Pierre de Chevagnes, de l'Ordre de St-Benoît (diocèse d'Auxerre) ; cures de St-Martin de Clam, à 6 kilomètres de Jonzac, Charente-Inférieure (diocèse de Saintes) et de St-Didier au Mont d'Or, commune de Limonest (diocèse de Lyon).

C'est bien à tort que la Gallia christiana le fait précéder d'un François de Bonacourcy, qui n'apparaît ici que par une erreur de transcription : « Franciscus de Buonacourcy fidem regi dat, anno 1549 ». On a dû lire François pour Laurent. Il paraît erroné également de les rattacher aux Bonacourcy de Florence qui auraient suivi Catherine de Médicis, nièce du pape Clément VII, quand elle épousa le duc d'Orléans (Henri II), en 1533. « Is (Laurentius) patrice florentinus et Catharinae Medicae sanguinis vinculo juntus ».

Durant tout un siècle (1540-1641) l'abbaye de Langonnet demeura le fief de cette famille italienne, originaire de Toscane et dont un rameau s'était fixé en Provence. Les Bonacourcy portaient : d'azur au lion d'or tenant un sceptre de même.

Ils sont bien connus en Provence sous le nom de Bonnecorse, et se rattachent à Julien de Bonacourcy, un Florentin qui était en 1523 trésorier général [Note : JULIEN BONNECORSE, secrétaire et trésorier général, pourvu de l'office de receveur général de toutes les finances tant ordinaires qu'extraordinaires du pays de Provence, par lettres patentes du roi François Ier, 2 septembre 1523. (Arch. des B.-du-R. Cour des comptes. Magna Regesta, reg. 3, fol. 274). Les actes concernant Julien sont nombreux dans le catalogue des actes de François Ier (Col. des ordonnances des rois de France. — Académie des scienc. pol. et mor.) Pour la généalogie, voir : ARTEFEUIL : Hist. héroïque de la noblesse de Provence, tome 3, p. 50. — Les Bonnecorse étaient avant la révolution, sieurs de Beauregard. Leurs preuves de noblesse se trouvent aux archives des B.-du-R. Ils sont représentés actuellement (vers 1936) par Monsieur le comte de Bonnecorse de Lubières, ancien bâtonnier de l'Ordre des Avocats d'Aix-en-Provence] ; mais la famille se trouvait depuis longtemps déjà implantée dans le pays. Dès le début du XIVème siècle, on trouve un Bonacursius, évêque de Tricarico dans la Basilicata, administrateur du Diocèse d'Aix en Provence.

L'origne florentine des Bonnecorse de Provence est incontestable, ainsi qu'il appert d'un acte du dernier avril 1439 (notaire Murare, Tarascon) portant donation entre vifs, en faveur de la Commanderie St-Antoine de Tarascon, par noble Delphine Aycardy, épouse du noble François de Bonacursu del Chimere de Florentia.

Les Bonacourcy sont fort nombreux de chaque côté des Alpes et, malgré toutes les recherches, il est impossible de saisir les liens qui rattachent le rameau provençal d'une manière bien positive, à l'illustre famille des Buonacorsi dont parle le Dante, ni au jurisconsulte célèbre de l'école de Florence, dont la bibliothèque d'Avignon renferme des traités manuscrits [Note : Manuscrit du XIIIème siècle, n° 762, provenant de la Bibliothèque des Célestins d'Avignon, sous le titre : Juris utriusque repertoria varia. Codex antiquissimus a diversis auctoribus scriptus] ; ni au disciple de Raphaël, ,Périno del Vaga Buonacorcy, qui décora de ses fresques le palais Doria de Gênes et les Loges du Vatican.

La filiation peut s'établir ainsi : Guillaume et Pierre, fils de Julien ; puis Bernardin qui eut plusieurs enfants, dont deux seulement sont connus : Jacques, marié à Marseille (1558) avec Antoinette Ségur, et Antoine, qui épouse Jeanne Brunet (1577) (contrat chez le notaire Morlard, à Marseille) ; François, fils de Jacques, marié, en 1698, à Anne d'Aquilanqui, et qui a testé à Aubagne (1639).

Nos deux abbés appartiennent sûrement à la famille provençale des Bonnecorse, dont ils portent les armes. Paul, né en 1564 — il avait 26 ans en 1590 — est probablement un fils de Jacques Bonacourcy, marié en 1558, ou bien d'Antoine et de sa première femme, Anne Brinon. Quant à Laurent, à défaut de précisions sur son âge, on peut supposer qu'il naquit aux environs de 1517, puisqu'il fut pouvu de son abbaye en 1540 ; l'âge requis étant 23 ans. Il pourrait être un fils naturel de Pierre ou de Guillaume, par conséquent petit-fils de Julien Bonnecorse.

Plusieurs titres conservés à l'abbaye sont au nom du « Révérend Père en Dieu, messire Laurens de Bonacourcy, docteur en droit et abbé commendataire de Notre-Dame de Langonnet », en février 1545. Il avait réussi à évincer son compétiteur, Jean Nicolas, qui mourut en 1548 seulement.

Messire Laurent affirme, dans la Déclaration des charges, du 13 avril 1550, que « lorsqu il vint en possession et jouissance de la dicte abbaye, il avoit esté longuement en procès au débat de la dicte abbaye, pour la possession d'icelle [Note : Le texte porte d'iceulx : il s'agit des titres de fondation qui ont disparu. (Arch. Loire-Inf., B. 781, double feuillet parchemin)] avecques ung nommé Maître Jehan Nycolas quel pour lors se tenoyt en la dicte abbaye ».

Les aveux qui sont conservés à Nantes, datés des 26 et 27 août 1550, sont également rédigés au nom de Messire Laurent avec le titre de Prothonotaire du Saint-Siège apostolique [Note : Trois registres, in-quarto : 228 feuillets parchemin, avec miniatures représentant les armes des Bonacourci ; signatures de l'abbé et des moines : 1° aveu à la Sénéchaussée d'Hennebont, pour les domaines situés dans les paroisses de Plouray et de Priziac, 14 feuillets ; 2° aveux généraux, présentés par les religieux devant la sénéchaussée de Carhaix, pour leurs domaines situés dans les paroisses de Tréogan, de Plegvin, de St-Hernin, de Motreff et de Carhaix, 56 feuillets ; 3° aveux devant la sénéchaussée de Gourin pour l'abbaye et ses dépendances situées dans les paroisses de Langonuet et de Gourin. 158 feuillets. Arch. Loire-Inf., B. 78]. Nous le voyons prêter serment en 1549 et en 1574 (25 juillet). Il mourut en 1590, après avoir joui de son abbaye pendant un demi-siècle, sans y résider.

La déclaration du 13 mars 1650, déjà citée, nous apprend qu'il y avait, à cette époque, une douzaine de religieux, dont dix prêtres et deux novices. Sont nommés les frères : François Quenaye (Guerey) prieur ; Jean Le Roux, sous-Prieur ; Guillaume Selvestre, Raoul le Deyn, Olivier de Hezetquel, Pierre Trogoff, Roland Kergroys et Pierre Secheguy.

Chaque dimanche et fêtes de précepte, ils sont tenus de célébrer matines d'abord, avec douze psaumes, antiennes et leçons, les laudes et primes, puis une « première messe à nottes, ung ministre » ensuite tierce suivie de la messe solennelle à diacre et soubz-diacre ; sexte et none ; enfin vêpres et complies, avec les salutations à Notre-Dame et trois oraisons.

Chaque jour de semaine non férié, l'office à tous les saincts et une messe de nottes ; en outre, après matines, les vigiles des morts à trois leçons, les vêpres avec le « de profundis » et autres suffrages, enfin une messe basse des trépassés, en outre l'office de Notre-Dame, tout jour de festes et non fériaux, avec une messe spéciale.

Il y a quotidiennement au chapitre (un obit ou libera) [Note : Le mot est illisible dans le texte] pour les fondateurs et bienfaiteurs. Chaque Lundi et Vendredi de la semaine, on fait la procession autour des cloistres, avecques les aulmones, ue l'on donne au dict jour aux pauvres qu'ilz esviyent demander.

Le Jeudi-saint (Jeudy absolut) on donne à chaque pauvre qui se présente à la porte du couvent, une miche de pain de sègle, en vertu de la fondation des Seigneurs de Rostrenen ; il y a dîner pour les dits seigneurs leurs commis ou députés [Note : Déclaration des charges de l'abbaye de Langonnet, baillée par Bonacorci abbé et ses religieux, du 13 mars 1550. (Arch. de la Loire-Inf., Série B., liasse 781)].

On remarque déjà à cette époque que les anciens titres de notre pauvre abbaye avaient disparu, soit par l'incendie, soit par les ravages de la guerre ; peut-être aussi par le fait de maistre Jean Nycolas, qui avait sûrement subtilisé le calice et les ornements ; ainsi que le fera plus tard, avec la même désinvolture, messire Isaac de Marbeuf.

L'abbé déclare, en effet, qu'il lui est impossible de présenter les titres de fondation qui n'existent plus. A son entrée à l'abbaye, il ne trouva aucun titre, ni calice, ni ornement, les religieux « estoient despolyés de tout, et fortune de maladies et de feu a esté pareillement en icelle abbaye, dont par le moyen les enseignements d'icelle pourraient être perdus ».

En 1574 Langonnet figure pour 89 livres, au « Rôlle d'une décyme que paient toutz et chacun des bénéfices de Cornouaille ». — (Cart. du dioc. de Quimper, p. 8).

Au plaids et hommages de la Cour de Guéméné, tenus le 6 février 1547, l'abbé de Langonnet vient au second rang, après l'abbé de Bon-Repos et avant le Chapitre de Notre-Dame de la Fosse ; suivent le prieur de St-Nicolas, le prieur commendataire du Croesty, ordre de St-Jean de Jérusalem, le prieur de Henbez et celui de St-Gueldas. — (Bibi. Nat. Man. franç. 22.342).

En 1575, la garenne de Bozrin (168 Journaux, 2 cordes et demy) est aliéné pour subvenir aux affaires de sa Majesté Henri III. — (Aveu de 1684).

Messire Laurent, avant de mourir (1590) avait pris soin de disposer de son bénéfire en faveur de son neveu ou petit-neveu Paul de Bonacourci, âgé de 26 ans ; mais une intrigue de Cour faillit tout compromettre, car le 5 mars 1590, Henri IV accordait gracieusement l'abbaye de Langonnet au Président de Blancménil, pour un de ses fils au choix.

« Aujourd'hui cinquième jour de Mars Mil V° IIIIxx dix, le Roi estant au camp à Guarancières devant Dreux, voullant favorablement traiter le sieur président de Blancménil en considération de ses bons, antiens et recommandables services, luy a accordé pour l'un de ses enfants l'abbaye de Langonnet et Bretaigne, vaccante par la mort de feu Messire Laurens Bonacourci, premier paisible possesseur d'icelle, pour être pourveüe par l'un de ses dicts enfans qu'il nommera de la dicte abbaye. En tesmoing de quoy Sa dicte Majesté m'a commandé luy en expédier toutes provisions nécessaires et ce pendant le présent Brevet qu'elle a pour ce signé de se main et faict contresigner par moy, son conseiller et secrétaire d'Estat. — signé : Henry — contresigné : [illisible] ».

La pièce originale est conservée aux archives du Finistère. Ce Brevet n'eut point d'effet, mais le candidat de sa Majesté n'y perdit rien. René Potier de Blancmenil fut évêque de Beauvais et abbé du Relecq, 13 sept. 1596. Il mourut en 1616. Blancmenil portait : « d'azur à deux mains dextres d'or au franc quartier échiqueté d'argent et d'azur ».

Dom Paul avait réussi à se maintenir ; nous le voyons prêter serment en 1590 et 1607 ; à l'exemple de son oncle, il tint la crosse pendant 51 ans, de 1590 à 1641. Il figure aux assemblées du Parlement de Bretagne en 1596, 1603, 1604, 1607, 1609, 1611, 1617, 1624. En cette dernière année il était président du clergé, à l'assemblée de Ploërmel, le 15 octobre. (Dom Maurice. Mémoires de Bretagne. III p. 10). Le 4 juin 1612, il avait été parrain d'une fille de Mathurin Marchant, Procureur au Présidial de Rennes. (Registre de la paroisse St-Aubin. Bib. Municipale de Rennes).

C'était alors, en basse Bretagne, la période terriblement agitée de la Ligue et des guerres de religion. Les Espagnols occupaient Guéméné. Durant plusieurs années ce fut, dans la région aussi bien que dans toute la France, un spectacle de désolation. Partisans de la Ligue et partisans du roi firent de la Bretagne un immense champ de bataille, sur lequel les ruines s'accumulèrent. Tour à tour, royaux et ligueurs s'emparèrent de l'abbaye qu'ils pillèrent et transformèrent en un poste militaire ; l'église profanée dut, à certain moment, servir d'écurie.

Le sieur de Kerservant, qui avait d'abord suivi son père, Jean de Talhoët, parmi les Ligueurs, abandonna finalement le parti de la Ligue pour entrer au service du roi, avec Louis VI de Rohan Guéméné (1594). Capitaine du ban et l'arrière-ban de l'évêché de Cornouaille, Nicolas de Talhoët se vit promu gouverneur de Pont-l'Abbé et prit résidence au château de la Coudraye, qui lui venait de sa femme Béatrix de Launay. Sur ces entrefaites, La Fontenelle, délogé de Corlay, vint s'emparer de Crémenec dont il fit quelque temps son quartier général (1595). Mais le gouverneur de Pont-l'Abbé ne perdait point son temps. A la tête d'une troupe de trente arquebusiers, il prit part au blocus de Douarnenez et de l'île Tristan, en 1595 et 1597. C'est évidemment de Crémenec que La Fontenelle vint piller l'abbaye en même temps que les manoirs du Drehors et de Kerservant qui appartenaient à son rival (1595).

« L'abbaye a été ravagée plusieurs fois dans le temps des guerres civiles, dit le Mémoire 1341, temps fatal où les seigneurs se faisaient la guerre les uns aux autres, pour vider leurs querelles, sans la participation du souverain, et au roi même lorsqu'ils s'imaginaient qu'il leur avait fait la moindre offense dans leurs biens ou leurs honneurs, mais principalement dans la guerre de la Ligue... Elle éprouva le sort des maisons sans défense, située presqu'à égale distance entre deux partis et fut exposée à la fureur et à l'avarice du soldat ».

C'est apparemment vers 1595 que La Fontenelle vint y établir un campement et chassa les moines de leur pieuse solitude.

« Il ravagea le monastère. fit un écurie de l'église qui finit par être abattue par les uns ou par les autres pour attaquer ou pour se défendre. Tous les papiers furent brûlés, au point qu'il ne reste plus un seul titre de donation ni de fondation d'une si grande abbaye [Note : Ces titres avaient déjà disparu depuis la guerre de Cent ans. Voir la Déclaration de 1550]. La garnison qu'il y avait laissée se voyant elle-même, à plusieurs reprises, attaquée par celle de Rostrenen, un accord intervint entre les deux chefs. Il fut décidé que les bâtiments seraient considérés comme terrain neutre, où chacun aurait le droit de venir s'établir et butiner à l'occasion, sans courir aucun risque d'être molesté par l'adversaire. La guerre occasionna la famine, puis la peste ; les loups survinrent en grande quantité, qui, habitués à se repaitre de cadavres, finirent par se ruer sur les vivants et achevèrent de désoler le pays. Les rares survivants abandonnaient leurs terres et, dix ans plus tard, on ne trouvera pas fermiers aux fermes, ni gens qui les veuillent affermer, tant il y a peu d'hommes en ce quartier [Note : Rapport de Saint-Denis Largentier, 19 juin 1660 ; enregistré au Parlement de Rennes, 12 juillet de la même année]. Les seigneurs voisins s'emparèrent de la plus grande partie des biens de l'abbaye; les paysans qui restaient portaient le peu qu'il leur restait le pain et d'avoine pour nourrir leurs chevaux et leurs chiens, pour chasser les loups, et on prit de là occasion de créer des rentes d'avoine sur leurs vassaux et ceux de leurs voisins, dont il y en a qui subsistent encore, de manière qu'une contribution volontaire est devenue une rente forcée » [Note : Mémoire manuscrit des Arch. du Morbihan, publié dans le Bulletin de l'Association bretonne, 1850, p. 51 et coté 1341. C'est évidemment une copie de la Notice historique qui fut présentée à la Commission des Réguliers. (1766-1780). Cfr. Arch. Nationales G 9, 6 à 64, 159 liasses].

En ce temps-là vivait en plein pays d'Armor,
Un drôle qui, durant dix ans, put, sans remords,
Sans foi ni loi, sans crainte et sans miséricorde,
Se jouer des sergents, du sac et de la corde,
Et du bon roi Henri quatrième du nom....
(F. LE GUYADER, L'Ere bretonne).

Guy Eder, de la famille des Beaumanoir, plus connu sous le nom de La Fontenelle [Note : La Fontenelle était une terre qu'il possédait aux environs de St-Brieuc], n'était encore qu'un gamin quand il se fit chef de bande. Né en 1572 ou 1574, il avait tout au plus 17 ans, lorsqu'il s'échappa du collège pour entrer en campagne.

« Remuant et hardi à suivre les hasards de ses desseins, il commença à piller les bourgades, à prendre prisonniers de quelques partis qu'ils fussent ; s'ils avaient de l'argent pour payer rançon, leurs prises étaient bonnes. Tous les mutins et bandits du pays se ralliaient autour de lui » [Note : Histoire de ce qui s'est passé en Bretagne, durant les guerres de la Ligue et particulièrement dans la Diocèse de Cornouailles, par le Chan. MOREAU, Edition René Prud'homme, St-Brieuc, 1857, p. 319].

Sa carrière fut d'assez courte durée, puisqu'il atteignit à peine la trentaine, quand il fut roué vif en place de Grève, le 27 septembre 1602, pour crime de conspiration avec le parti des Espagnols. Sully, dans ses Mémoires, dit que le roi voulut faire un exemple en le frappant, « quoiqu'il ne parût pas à bien des gens être l'un des principaux coupables ». C'est fort possible, mais il n'était pas non plus innocent.

« Quant à Fontenelle, dit l'Estoile, c'était un beau gentilhomme breton, vaillant et adroit, cousin germain du Maréchal de Lavardin, qui avait commis une infinité de voleris et méchancetez, assassinats et autres actes désespérés... ».

Ce n'étaient donc point peccadilles.

François Menez demande cependant qu'on lui fasse miséricorde :
« Trois siècles ont passé, dit-il, depuis que La Fontenelle a payé ses crimes et que se sont mêlés à la terre les lambeaux de son corps supplicié. Il ne fut, à tout prendre, ni meilleur ni pire que les hommes de son temps, d'un temps trouble, aux instincts rudes, aux passions forcenées, où on ne distinguait pas clairement le devoir, où l'homme sans scrupules ni préjugés ne visait qu'à l'assouvissement de ses désirs. Peut-être convient-il d'invoquer sa mémoire avec un désir de paix et de pardon, et de laisser tomber l'anathème populaire : " Que maudit soit à jamais La Fontenelle ! " Raka da virviken da Vontenella ! [Note : FRANÇOIS MENEZ : Aux Jardins enchantés de Cornouailles, p. 97. Voir également : JEAN- BEAUDRY : La Fontenelle le Ligueur, Nantes et Hennebont, 1920. LORÉDAN : Eder de la Fontenelle, Seigneur de la Ligue, Paris, Perrin].

Sans aucun doute ; et les vieux moines qui furent chassés par lui seraient les premiers à lui pardonner de les avoir spoliés ; mais, parce qu'il faisait la guerre, ce n'était pas une raison pour brûler manuscrits et parchemins.

Quand les religieux jugèrent prudent de reparaître en 1598, après trois ans d'exil, les édifices étaient en ruine et les terres en friche : leur revenu était tombé de trois mille livres à huit cents [Note : « Quelque temps après la paix ; tout le revenu temporel fut adjugé à 800 l. au plus offrant et dernier enchérisseur »] ; mais la Providence avait préparé un restaurateur dans la personne de Dom Paul de Bonacourcy qui prit au sérieux son rôle d'abbé et renonça à la carrière des armes pour s'appliquer à la vie monastique. « Paulus, deposita militari veste, monachum induerat ». — (Gallia christiana).

En 1630, Dubuisson le signale comme abbé titulaire et religieux, ainsi que Guillaume Riou, abbé de St-Maurice [Note : Itinéraire de Bretagne en 1636. par DUBUISSON AUBENAY, Nantes, 1898 ; I, pages 98 et 101 ; II, page 227]. La visite régulière des abbayes cisterciennes de Bretagne, interrompue par les guerres, fut reprise en 1598, par Dom Antoine Bourguyer, abbé de Villeneuve, vicaire général de l'Ordre ; et un arrêt fut donné en conséquence le 10 octobre de la même année. Ces pièces n'ont pu être retrouvées, mais nous possédons heureusement le rapport de la visite qui eut lieu, deux ans plus tard, nous dcnnant la situation de la malheureuse abbaye après le désastre de la Ligue. En 1600, c'est Dom Denis Largentier, abbé de Clairvaux, qui fait la visite des 15 abbayes bretonnes, du 31 mai au 31 juillet ; si la situation était excellente à Villeneuve, partout ailleurs elle était médiocre ou mauvaise, et même déplorable au Relecq, à Boquen et à St-Auban-des-Bois.

Langonnet, en dépit de sa pauvreté, avait encore six religieux en plus de l'Abbé. On trouve, à St-Maurice, un abbé, deux moines et quatre aspirants ; à Boquen, trois religieux ; à Buzey, dix ; à Lanvaux, un révérend prêtre, deux profès, deux novices et un prêtre séculier. Les ordonnances de Dom Largentier furent homologuées au Parlement de Bretagne, par arrêt du 21 juillet 1600.

« Dudict monastère du Sainct Morice — raconte le visiteur — nous nous serions acheminés à Langonnet, deppendant de Cisteaux, diocèse de Cornouailles, pour y procéder en pareille visite qu'aux autres, où parvenu, le 19 du dit moys (de Juin 1600), nous n'aurions trouvé que six religieux avecque le sieur abbé ; et la maison, faute d'avoir été entretenue de bien longtemps, presque du tout ruynée, et principalement l'église et les cloistres ; voiant toutefois le revenu d'icelle quasy nul pour n'y avoir fermiers aux fermes, ny gens qui les veulent affermer, tant il y a peu d'hommes en ce quartier ; et d'autre part, ledit abbé subrnettre à tout ce qui seroit en sa puissance pour la restauration, voir jusqu'à se retrancher et mener une vie la plus parque et frugale qui se puisse, nous n'avons fait autre ordonnance sinon que, de six mois en six mois, il donnerait certain advis à Monseigneur notre Révérendissime de ses debvoirs et diligences, selon les promesses qu'il nous en faisoit ».

— [Extrait du rapport de Dom Largentier abbé de Clairvaux, joint à l'arrêt du Parlement du 12 juillet 1600. — Arch. du Parlement de Rennes, Minutes des arrêts de la Grande Chambre].

Ainsi tout était à réorganiser et à reconstruire dans la vieille abbaye plus qu'à demi-ruinée. Dom Denis Largentier eut vite compris que Dom Paul était l'homme providentiel ; il lui fit confiance et le résultat dépassa toute espérance.

Paul de Bonacourcy s'astreint à la résidence ; nous le voyons figurer, aux registres de Gourin, à la date du 26 février 1623, comme parrain de Paul Tayart [Note : A Gourin, 26 février 1623 : Baptême de Paul Tayart, fils de René Tayart, écuyer, sieur de Rody, conseiller du Roi et son procureur en la juridiction de Gourin et de Demoiselle Marie de Keroguen. Compère, Révérend Père en Dieu, Messiere Paul de Bonacourcy, seigneur abbé de Langonnet ; commère, Demoiselle Marie de Chrechquérault, Dame de Tronjoly].

Son premier soin fut d'obliger les seigneurs du voisinage à restituer tous les biens qu'ils avaient accaparés, à la faveur des troubles. Il rachète, en 1618, la garenne de Bosrin, aliénée en 1575. Les persécutions qu'il eut à subir de la part des usurpateurs et même des barons du Faouët n'ébranlèrent pas son courage. A force de recherches, il réussit à recueillir tous les renseignements nécessaires et, le 4 juin 1625, il put présenter un aveu général au roi pour son bénéfice de Langonnet.

La Cour des Comptes de Nantes, saisie de cette pièce, ordonna, dès le 12 du même mois, la publication de l'aveu aux Plaids généraux de la Juridiction royale de Carhaix, afin de provoquer les réclamations des opposants, et de vérifier le bien-fondé des allégations de l'abbé.

Un délai de six mois était accordé pour faire les publications ou constater leur absence et, ce n'est qu'après ce terme que la cour approuva l'aveu. Dès la reprise de possession, Dom Paul avait été obligé de publier dans les villes et paroisses voisines, que ceux qui prétendaient quelques droits dans le fief de l'abbaye, eussent à se présenter pour réclamer leurs terres, sinon il les donnerait à d'autres ; ce qui montre bien que les habitants eux-mêmes étaient dispersés.

Dans son aveu du 4 juin 1625, Messire Paul de Bonacourcy, abbé titulaire de l'abbaye de Langonnet, déclare que « le receveur du Domaine de Concq doit à l'abbaye, chaque année, à la St-Jean-Baptiste, 500 merlus secs ou marchautz (maqueraux) qui sont six-vingt pour cent à l'ourse (sic) ». — [Arch. de la Loire-Inf., B. 780, 2ème liasse. Voir aussi les fonds des Amirautés, de Morlaix].

Après avoir recouvré le domaine et augmenté les revenus, Dom Paul se préoccupa des constructions et, dans ce but, il obtint le 23 mars 1626, l'autorisation de faire des coupes de bois jusqu'à concurrence de 6.000 livres. L'arrêt fut enregistré le 16 avril 1627. — (Arch. du Parlement de Rennes, B. 19, 17ème reg., fol. 109v).

« Les religieux ont remontré que long il y a que la dite abbaye a esté construite et bastie et que, pour son antiquité, il luy est survenu de grandes ruynes et démolitions, et mesme encore, à l'occasion des guerres et notamment au moien du passage ordinaire des gens de guerre, qui pour leur commodité prenoyent leur chemin sur un pont qui estoit proche d'icelle, et y faizoient leur logement ordinaire et y commettant larcins, desordres et dégradations, qui apprésent menacent une ruyne entière, avec un hazard continuel de leurs personnes et vies ».

Après avoir restauré la chapelle, on reconstruisit l'aile de l'est qui donne sur les jardins. Au-dessus de l'antique salle du Chapitre, heureusement conservée, se trouvait le dortoir des religieux. L'église fut restaurée, en commençant par le portail et la longère du nord (1637-1638) et l'on diminua la longueur de la nef. On bâtit également une abbatiale, qui reliait le portail de l'église au dortoir des convers, du côté du nord. Dom Paul fut habilement secondé, dans toutes ses entreprises, par son procureur, Dom Grégoire Gaudet, homme de grand mérite, qui s'estima heureux de travailler à cette restauration et qui devint plus tard prieur de Lanvaux (1648) et du Relecq (1653-1660). En témoignage de gratitude, Dom Paul lui laissa une pension de six cents livres, à la charge de son successeur [Note : Il semble bien que Dom Grégoire revint mourir à Langonnet. Une pierre tombale atrocement mutilée porte : « Gregor... Tui ibv... ordini... dauxit...(obi)it die X… »].

L'abbé de Bonacourcy fit partie de la commission nommée pour instruire le procès de l'évêque de Léon, René de Rieux [Note : René de Rieux, né à Brest en 1588. Abbé de N. D. de Daoulas, à l'âge de douze ans, puis du Relecq et d'Orbais. Il était appelé l'évêque aux besants d'or, par allusion aux armes de sa famille, et passait pour « l'un des prélats le plus splendide et le mieux disant ». Promu à l'évêché de Léon, en 1613, il ne reçut ses bulles que le 4 septembre 1619 et prit possession en 1623. Son Chapitre lui fit opposition pour avoir choisi comme Grand Vicaire un religieux du Relecq, le prieur Julien Bienassis. Prélat de Cour, il fut Conseiller du Roi, Grand-Maître de la Chapelle royale et Maître de l'Oratoire de Sa Majesté], que Richelieu accusait d'avoir favorisé la sortie de Marie de Médicis hors du royaume, et d'avoir séjourné sans permission dans les Pays-Bas pour prêter son concours à la Reine exilée « per haver gia prestato la carossa alla regina madre quando fuggi in Fiandra e egli essor uscito del regno senza licenza del Re » [Note : Lettre du Nonce à Mgr l'Archevêque de Fermo, Paris, le 30 août 1645. (Vescovi lettere. Tom. XXIII, p. 119). Ardt. du Vatican].

Le Roi s'en plaignit amèrement à Urbain VIII, qui, par un bref daté de Castel Gondolfo, le 8 octobre 1632, donna commission à l'Archevêque d'Arles et aux évêques de Boulogne, St-Flour et St-Malo, de juger les ecclésiastiques, même les évêques révoltés, et de les déposer au besoin.

Le 16 mai 1633, on ordonnait d'exécuter le bref principal et, deux ans plus tard, après comparution de Mgr de Rieux devant les commissaires, ceux-ci, le 31 mai 1635, rendaient une sentence, qui le dépossédait de son évêché et le condamnait en outre à payer 500 livres tournois à la cathédrale de Léon, 1000 livres au couvent des Augustins de Paris et 500 livres à l'hôpital Saint-Germain. — [Procès-verbaux du Clergé, II, col. 435].

Conformément à la tradition, il n'est pas fait mention, dans les procès-verbaux des opinions particulières émises et des discussions, puisqu'on entendait ne pas faire connaître si des dissentiments s'étaient produits dans l'assemblée entre les membres. On peut supposer toutefois que Dom Paul de Bonacourcy fut favorable à son confrère, l'abbé du Relecq [Note : Collection de procès-verbaux des assemblées générales du clergé de France depuis 1660 jusqu'à présent, publiées par l'abbé ANT. DURANTHON, Paris, 1767-1768. In-folio, 9 vol. — Pour le XVIIIème siècle, consulter les tomes 2 à 6. — Bibl. Mazar, Ms. 2, 506 ; plusieurs documents relatifs à ces assemblées. — BERTHET et MOREAU (Etienne) : Procès-verbal de l'assemblée du clergé tenue à Paris, au couvent des Augustins, en l'année 1635. Paris, 1635, in-folio, 634 pages. (L'assemblée se tint du 25 mai au 27 juin ; Mgr de Rieux fut condamné le 31 mai). — HUGUES (Louis d') et TALON (Jacques) : Procès-verbal de l'assemblée générale du clergé de France, tenu à Paris, au couvent des Augustins en l'année 1645, sous la présidence du cardinal Alphonse de Richelieu, Archevêque de Lyon, Paris, 1645, in-folio, 864 pages. — LA MESCHINIÈRE (Louis Odespung de) : Actes, titres et mémoires concernant les affaires du clergé de France, recueillies, mises en ordre et imprimées par le commandement de l'assemblée générale, tenue à Paris, les années 1645 et 1646. Paris, in-folio, 3 vol. (Mgr de Rieux fut réhabilité le 6 septembre 1646)].

Encouragé par le clergé de France, René de Rieux protesta contre cette sentence et fit appel à Rome, mais ne put vaincre l'opposition de la Cour, qui avait obtenu sa déposition et fait nommer à sa place Robert Cupif. Le procès qui s'en suivit troubla profondément le diocèse de Léon et suscita des controverses passionnées. Le prélat dut attendre dix ans avant d'obtenir justice et se retira provisoirement à son abbaye du Relecq. Enfin, le conflit se termina heureusement le 24 décembre 1648, sur l'intervention de saint Vincent de Paul, membre du Conseil de Conscience, qui obtint de Robert Cupif sa renonciation, en lui proposant l'évêché de Dol [Note : En septembre 1650, Mgr de Rieux se rendit à Rennes, aux Etats généraux de la province ; puis il regagna son abbaye du Relecq à la fin de février pour y mourir brusquement, le 16 mars 1651. Dix jours plus tard, son corps fut transporté solennellement dans l'église du monastère, où l'évêque de Tréguier, Balthazar Grangier, présida les obsèques. Le 6 mai, la dépouille mortelle du prélat fut enfin transportée à St-Pol de Léon. Dans le choeur de la cathédrale, se dresse son mausolée, en pierre de Kersanton ; sur le bord du cénotaphe, on voit confortablement installé un moine cistercien, qui n'est autre, sans doute, que Julien Bienassis, prieur du Relecq. Il avait eu pour principal adversaire le recteur de Plouvorn, qui lui écrivait sans façon : « Vous dirai ignorer que M. de Léon vous aurait constitué son collègue à son vicariat et, quand il l'aurait fait, les Ecritures nous apprennent : non arabis in bove et asino. Les droits disent : saecularia saecularibus, regularia regularibus. Et si vos ombrages vous sont venus de la lune, vous prie de bien regarder au soleil. Et suis, Monsieur, votre affectionné serviteur. A St-Paul, ce 2 septembre 1625. Yves GAC ». — Chan. H. PERENNES : Notre-Dame du Relec, pages 25, 27. — PIERRE COSTE : Monsieur Vincent, Tome 2, page 430. — ABELLY : L. II, Chap. 13, Section 6, page 453. — PEYRON : L'évêché de Léon, de 1613 à 1651, pages 70, 78-83. — LOUIS KERBIRIOU : Les Missions Bretonnes, pages 26-28 et 197-200].

Paul de Bonacourcy « fut aussi Commissaire de l'Ordre, dans cette province (de Bretagne) pour toutes les grandes affaires. L'abbaye de Lanvaux conserve un titre original par lequel il approuva l'échange d'une terre contre d'autres biens, faite par l'abbé et la communauté avec un seigneur voisin. Dans ce titre il prend qualité de Père immédiat, soit que ce fût l'usage [Note : C'était l'usage en effet, ainsi que nous l'avons déjà constaté en 1470 et 1512], ou qu'il en eût l'ordre de monseigneur de Cîteaux ».

La bibliothèque municipale de Quimper conserve un ancien bréviaire provenant de l'abbaye de Langonnet et qui lui fut légué par Monsieur le chanoine Jégou, vic. gén. C'est un fort volume de 511 feuillets, imprimé sur vélin, en très beaux caractères gothiques, avec deux vignettes, des majuscules gravées sur bois, et quelques lettrines coloriées. Ce bréviaire avait été donné à l'abbaye en 1610, ainsi que l'indique une note manuscrite, au verso du premier feuillet.

Reverendus in Christo pater et dominus
Dominus Paulus de Bonacoursy, abbas
Regularis hujus monasterii de Langoneto
in litteris latinis excitatus et in grœcis
multum et sæpe versatus, Parisiis, hoc
breviariu 24 lib. Turonensibus, die 3
mensis Aprilis comparavit, anno
decimo supra millesimu sexcentesimu.

L'ouvrage commence par les règles générales de l'Ordinaire en latin, avec traduction française, pour servir aussi bien aux religieuses qu'aux religieux. Viennent ensuite, le calendrier avec de curieuses sentences hygiéniques, à la fin de chaque mois ; l'explication des deux tables ; commemorationes, collecta, benedictiones, antiphonae ; toute cette partie est contenue dans 23 feuillets non chiffrés.

Le psautier comprend 64 feuillets chiffrés et les Dominicales 260 ; le sanctoral ou commun, 164 feuillets non chiffrés. On lit au verso du dernier feuillet :

Breviariu de camera ad usum
Cisterciensis Ordinis ab eode mo
nacho qui prœcedetia correxit di
ligenter castigatu : et ad bona satis
forma redactu, ordinatioeque reve
rendissimi patris. dni. Cistercii pu
ctis in Ordie fieri solitis, ubique co
monitu. Parisiisque solerti cura ac
ditigetia honesti viri Wolffgangi
Hopilii expertissimi impressoris in
domo cui pedet imago sti Geor
gii. vici sancti iacobi commoran
tis artificiose impressum. Impensis
honesti viri Joannis Petit alme
universitatis Parisiensis librarii
iurati. finit feliciter
Cisteaux
Clervaulx

Note : Ce volume est ainsi décrit dans un inventaire manuscrit du siècle dernier : « Breviarium camerale ad usum Cisterciensis Ordinis anno currente 1510, ab eodem monacho qui praecedentia ejusdem Ordinis brevieria correxerat, diligenti cura castigatum et ad hanc satis amplam formam redactum reverendissimi patris Domini Cistercii obedientia, punctis ab eodem Ordine fieri solitis utiliter communitum, incipit feliciter. Venale requiritur Parisiis sub Leone argenteo vici sancti Jacobi »].

Paul de Bonacourcy décéda en 1641, âgé de 77 ans, après un demi-siècle de gouvernement, laissant une mémoire justement vénérée, « pour son esprit, sa capacité et un travail infini ». Depuis l'année 1634, il s'était adjoint un coadjuteur avec future succession, en la personne d'un jeune clerc du diocèse d'Evreux, Messire Jacques de Fontenay, âgé de vingt ans [Note : « In vigesimo tuæ ætatis anno constitutus »] et qui n'était pas encore sous-diacre. Il devait recevoir l'habit de l'Ordre et émettre profession. De plus il s'engageait à verser huit cents livres de pension annuelle à Dom. Grégoire Gaudet, dès qu'il serait devenu abbé titulaire. Le brevet royal de nomination est daté de Fontainebleau, 9 mai 1634. Une bulle du pape Urbain VIII, donnée à Ste-Marie-Majeure le douzième des calendes d'octobre de la même année (20 septembre), ratifie cette nomination et déclare que, si l'abbé de Bonacourcy vient à décéder avant que son coadjuteur ait atteint l'âge légitime (23 ans), l'administration de l'abbaye sera confiée au prieur ou à l'un des plus anciens religieux.

Les revenus de Langonnet sont estimés par la Chambre apostolique à 66 florins d'or.

Ces deux actes furent enregistrés au Parlement de Bretagne, le 2 juin 1638. — (19ème Reg. des Enregistrements, fol. 76 et 80).

Par conséquent, Dom Paul ne donna pas sa démission en 1638, comme l'affirme la Gallia Christiana [Note : Abdicationem ejus testantur litterae publicis Senatus Britannici commentariis consignatae, 2 Junii 1638], ou du moins elle fut rétractée, puisqu'il continua d'exercer ses fonctions jusqu'à la fin de sa vie. Nous possédons trois pièces signées de lui, à la date du 17 octobre 1636 et du 2 mars 1641.

Monsieur de Montenay lui succéda naturellement. Sa signature apparaît sur un document du 1er mai 1642. En cette même année, il rend aveu au roi et son serment est enregistré à la Cour des comptes de Nantes, le 14 septembre 1643.

« Frère Jacques de Montenay, Abbé de Langonnet, a fait le serment de fidélité qu'il devait à Sa Majesté, à cause de son nouvel adveu à la couronne pour raison de la dite abbaye à soi appartenant, sittée et sise aux paroisses de Plouray, Prisiac, Tréogan, etc,... duquel il a été pourvu en la Cour de Vannes, par la résignation du défunt Paul de Bonacourcy ».

[— Arch. de la Loire-Inf., B. 2422. Sentence de réception d'aveux. — Jacques de Montenay, abbé de Langonnet, pour la dite Abbaye, fol. 170].

D'origine normande J. de Montenay, né en 1614, était le cinquième fils d'Antoine de Montenay, baron de Garancières et de Beaudémont, seigneur de Grosæuvre, d'Avrilly et du Plessis, qui avait épousé, en 1600, Marguerite du Gué, fille de Jean, seigneur de Champs-sur-Marne. La famille descendait de Nicolas, sire de Montenay, qui prêta serment à Philippe-Auguste en 1190, et reçut en don plusieurs fiefs situés en Normandie. Un sire de Montenay était maréchal du duc d'Alençon, Jean II, au siège de Bellême, en 1449.

Les de Montenay portaient « d'or à deux fasces d'azur, accompagnées de neuf coquilles de gueules, posées en orle : 4, 2, 3 » [Note : Arch. de l'Eure. E. 1. 867, 1916. — Arch. du Calvados. duché d'Harcourt. E. 315 et H. 156. — GUSTAVE SAIGE : Capitulaire de la Seigneurie de Fontenay-le-Marmion. Monaco, 1895, in-4°. — Chan. GUERY : Les de Montenay, Evreux, 1933. — DU MOTHEY : Jeanne d'Arc à Chinon et Robert de Rouvres, Paris, Champion, 1927, page 159].

C'est probablement l'abbé de Montenay qui fit ériger, dans l'enclos de l'Abbaye, la Chapelle St-Antoine, en mémoire de son père, Antoine de Montenay. C'était là une dévotion familiale, car, en 1643, Madeleine de Montenay, sœur de notre abbé, bénédictine de N.-D. du Val (Gif-sur-Yvette), était nommée Prieure d'un couvent de Cisterciennes, fondé par ses parents à Pont-de-l'Arche, sous le vocable de St-Anthoine l'Hermite.

L'abbé de Montenay qui se démit en faveur de Dom Isaac de Marbeuf, carme profès (1647), vivait encore en 1660 et jouissait d'une pension sur son ancien bénéfice. On trouve sa signature, à cette date, sur deux volumes conservés à la Bibliothèque de l'Abbaye.

(Albert David).

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