Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

ABBAYE DE BEAULIEU : le pillage de 1791

  Retour page d'accueil       Retour page "Abbaye de Beaulieu"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

PROCES-VERBAL DU PILLAGE DES TITRES DE L'ABBAYE DE BEAULIEU LE 21 JANVIER 1791. (Archives C.-du-N., Lm 5, 8).

« L'an 1791, le 27 janvier, nous, Jean-François Guyommart, homme de loi, membre du Directoire du District de Broons, commissaire nommé par le dit Directoire, aux fins de son arrêté. d'hier, à l'effet de rapporter procès-verbal des dégâts et enlèvement de titres et effets en la dite abbaye de Beaulieu, vendredi dernier 21 du présent, par une troupe de 5 à 600 malvoulants, ou brigands, qui en se retirant, menacèrent d'y retourner de jour à autre : ces menaces, jointes à l'effervescence qui règne parmi la populace de la paroisse de Mégrit et paroisses voisines, annonçant le peu de sûreté de s'y transporter plus tôt, a fait retarder ce jour notre commission.

Arrivé à la dite abbaye, avons annoncé au sieur Gabriel Pergaud [Note : Nous avons trouvé le 13 mars 1779, le P. Pergaud, alors procureur de l'abbaye de Paimpont, pourvu du prieuré simple de Sainte-Brigitte en Merdrignac], prieur, le sujet de notre commission et demandé quel événement et quels dégâts avaient été causés : sur quoi nous a déclaré que vendredi, 21 du présent, il était allé au bourg de Mégrit, distant de Beaulieu d'une lieue, chez François Raffray, juge de paix, pour arranger une affaire. Environ les 2 heures de l'après-midi, y arriva Pierre Le Métayer, l'un de ses domestiques, qui lui dit qu'il était descendu à Beaulieu une troupe de 5 à 600 hommes, qui voulaient brûler les titres de la dite abbaye et enfoncer toutes les portes ; qu'aussitôt il se présenta en hâte chez le nommé Haye, procureur de la commune de Mégrit, fit la déclaration de sa position et demanda main-forte à la municipalité qui parut zélée à lui porter du secours, mais l'éloignement du peu de personnes composant la garde nationale ne permit pas de les rassembler tous. Il s'y en transporta cependant quelques-uns, qui, se voyant en si petit nombre, n'osèrent se mettre en défense, ni se faire connaître. Qu'étant arrivé à la porte de la cour de Beaulieu, il y trouva effectivement une troupe de 5 à 600 hommes, dont la plupart étaient armés de fusils et plusieurs firent feu quand il arriva, sans qu'il s'apperçut que personne l'eût ajusté, que descendu de cheval, ils s'attroupèrent autour de lui et demandèrent les titres de l'abbaye, surtout ceux concernant leurs paroisses, notamment ceux de Plumaudan.

Il s'efforça de ramener ces gens à la douceur et à leur devoir, en leur faisant connaître leurs torts ; inutilement il leur dit qu'un commissaire du Directoire de Broons avait mis les titres sous scellés : ils répondirent furieux qu'ils avaient déjà déchiré tous les scellés et qu'ils iraient brûler le Directoire. Tandis qu'on le gardait par force en cet endroit, une autre troupe de ces mêmes brigands enfoncèrent la porte de la cave au vin, percèrent par le côté un tierson de vin, qu'il avait acheté depuis quinze jours, en burent une partie et le surplus qu'ils laissèrent perdre, portèrent aussitôt différents paquets et liasses de titres dans un feu dressé dans la cour et les y brûlèrent, maltraitèrent le sieur Chauvel, procureur fiscal de la cy-devant abbaye et voulurent le brûler avec les titres et qu'il n'évita cette peine qu'en s'enfuyant adroitement et se cachant si secrètement que, malgré des perquisitions réitérées et enfoncement de portes en différents endroits, ils ne purent le trouver. Qu'au même temps quelqu'un de la troupe lui demanda de l'argent. Il chercha en sa poche, il y trouva environ 36 l. qu'il donna à celui qui la demandait, disant « voilà tout ce que j'ai ». Ce particulier s'en saisit, mais ceux qui lui parurent les chefs, le forcèrent de la rendre. Qu'ils demandèrent à boire, par quoi il leur répondit « qu'il n'y avait qu'un restant de fût de cidre qui était inventorié par un commissaire du Directoire ».

Ils le forcèrent de faire ouvrir la cave ; qu'elle ne fut pas plutôt ouverte qu'ils entrèrent de force, brisèrent presque tous les fûts et mangèrent ce qu'ils trouvèrent de pain et viande dans la dite abbaye, maltraitèrent les domestiques, surtout Jean Chevalier, Mathurin Le Nevoux et Gabrielle Desbois, lingère, enfoncèrent plusieurs portes pour trouver le dit Chauvel et avant de partir, ils forcèrent lui, prieur, de donner une déclaration de ne point exiger des rentes de Beaulieu qu'ils s'efforcèrent d'écrire en ces termes, autant qu'il se rappelle :

« Soussigné Gabriel Pergaud, prieur de l'abbaye de Beaulieu, déclare ne jamais demander de rentes aux habitants des paroisses de Plumaudan, Yvignac et Brusvily et que m'ayant demandé à s'emparer des titres, j'y ai consenti, qu'il n'a été commis aucun dégât dans la maison, qu'on ne m'a demandé ni or ni argent et que je promets de ne jamais porter plainte contre aucun d'iceux ». Cette déclaration signée et datée du 21 du présent, fut aussi prise et ramassée par l'un de ces gens.

Nous a de plus déclaré avoir annoncé le 22 janvier cette malheureuse affaire au Directoire de Broons et que la municipalité de Mégrit se transporta le lundi 24 à l'abbaye et y rapporta en abrégé le procès-verbal des dégâts. Signé : P. Buard, officier municipal, Haye, Jacques Fouré, Louis Bohel, Louis Jegu, Jean Simon, maire, Rigaud, prieur, René Botrel, secrétaire [Note : Nous avons abrégé le texte de cette dernière partie].

Ayant ensuite prié le sieur Prieur de nous accompagner pour vérifier les dégâts, nous a conduit : 1° dans le chartrier où nous avons trouvé la porte ouverte et la clavure enlevée. Visite faite de l'armoire qui renfermait les archives, avons trouvé deux clavures enlevées et la troisième n'étant plus attachée que par un seul clou..., les scellés apposés les 30 novembre et 13 décembre derniers, arrachés..., et manquant 22 liasses contenant 2.209 pièces concernant les bailliages de la Rollandière et celui de la Saudrais ayant cours en Plumaudan, Saint-Juvat et Brusvily..., plus 12 liasses considérables, contenant différents registres et minutes du greffe de Beaulieu non comptées.

Considérant qu'il résultait de ces voies de fait un délit considérable et une grande perte pour les propriétés de la dite abbaye, attendu que les bailliages de la Rollandière et de la Saudrais étaient de 40 mines de froment et chaque mine de 16 quarts, nous avons cru qu'il était intéressant de ne pas dénaturer ce corps de délit sans en prévenir nos commettants, qui jugeraient peut-être nécessaire d'y faire descendre des juges... En conséquence, le prieur a fait venir Mathurin Nevo, domestique de salle, qui a promis de coucher dans cette pièce et d'en faire bonne garde...

Ensuite le prieur nous a conduit en la chambre qu'il habite et nous a fait voir que ces gens mal intentionnés en avaient enfoncé la porte..., idem en la cave au vin... où nous avons vu un tierson de vin, percé dans les côtés et presque vide et de plus, environ 40 bouteilles cassées et fêlées..., idem en la chambre du jardinier qui a été forcée... idem la porte du colombier forcée..., idem en la cuisine où l'on avait vainement tenté de forcer la porte du charnier..., idem dans la cave au cidre située près l'église, où il ne restait plus que 15 pouces tant de cidre que de lie dans un fût de 6 barriques.

Et sont tous les dégâts que le susdit prieur nous a dit avoir été faits à sa connaissance par cette troupe de brigands.

Signé : Pergaud (sic), prieur de Beaulieu ; Guyommart ».

(A. Lemasson).

© Copyright - Tous droits réservés.