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YAN DARGENT ET LA CATHEDRALE DE QUIMPER

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La cathédrale de Quimper offrait un véritable champ pour une décoration générale, avec ses bas côtés contournant la nef et le chœur, et le grand nombre de ses chapelles qui n'avaient jamais été peintes. Ces chapelles, comme nous l'avons dit, sont au nombre de neuf et comportent chacune deux parois à orner, indépendamment de deux autres chapelles secondaires ne comprenant chacune qu'une seule paroi, ce qui élève à vingt le nombre des murailles livrées au pinceau de l'artiste Yan'Dargent. Ces grandes pages de notre histoire religieuse ne mesurent pas, en moyenne, moins de quatre ou cinq mètres de haut sur deux ou trois de large.

La donnée des tableaux n'était pas neuve et ces sujets, cent fois traités par les grands maîtres, présentaient dans leur conception nouvelle des difficultés immenses. Le maître cependant a su s'élever à la hauteur de sa mission à la fois poétique et historique.

L'étendue de cette notice où l'espace nous est mesuré ne nous permet pas de faire une description complète et d'analyser une à une les vingt compositions qui composent l'ensemble de cette grande oeuvre. Les plus remarquables sont le ravissement de saint Corentin conçu et rendu dans des formes toutes nouvelles, le Martyre de saint Frédéric, Saint Roch guérissant les pestiférés, la Vie intérieure de saint Joseph et de la sainte Vierge, Saint Paul prêchant devant l'Aréopage. Nous nous bornerons à énumérer les tableaux qui se trouvent dans chaque chapelle, en nous résignant à ne donner qu'une faible idée des principales parmi ces compositions.

La chapelle de saint Pierre représente les deux grands événements qui ont laissé trace dans la vie du premier des apôtres : au-dessous de l'autel, en guise de rétable, le Christ remettant les clefs de son église à saint Pierre en présence des autres apôtres, et plus haut, dans le tympan de l'arcade, le Reniement de saint Pierre ; le saint est assis seul, dans une attitude de réflexion et de repentir bien rendue. Les figures sont au nombre de quatorze. Dans un des groupes du premier tableau, on aperçoit au premier rang parmi les personnages, l'apôtre saint Thomas, sous les traits rajeunis, mais très ressemblants et très réussis, de Mgr. Sergent, hommage de respectueuse reconnaissance rendu à l'émiment prélat par le peintre, qui a pensé que ce visage, bien que ne relevant pas de la tradition sous le rapport de la ressemblance historique, demeurerait là comme un souvenir personnel éternellement attaché à la cathédrale de Quimper.

Dans la chapelle de saint Frédéric, le peitre avait à représenter saint Frédéric, faisant ses remontrances au roi Louis le Débonnaire, et la mort si pathétique de ce saint, assassiné sur les marches de l'autel et priant, au moment d'expirer, pour ses deux bourreaux, dont l'un guette dans le fond du tableau, tandis que l'autre s'enfuit au dernier plan. L’auteur de cette composition pathétique semble s'être inspiré du célèbre tableau du Titien, le Martyre de saint Pierre de Vérone, si malheureusement incendié de nos jours.

La chapelle de saint Roch offre comme les précédentes deux tableaux. Sur la paroi de gauche, saint Roch, à la porte de son ermitage, rend grâces à Dieu pour la nourriture que lui apporte tous les jours son chien. Le fond est une forêt dont les arbres appartiennent à des études faites à Brézal, aux environs mêmes des lieux qui virent naître Yan’ Dargent.

Ce tableau est, croyons-nous, celui qui charme le plus. Le paysage, magistralement traité, montre le talent du maître en ce genre.

Sur la paroi de droite, le sujet s'agrandit : an aperçoit, au fond, une rue en perspective dans une ville du moyen âge, Plaisance, sans doute, encombrée d'une population affolée par la peste. Au premier plan et sur les marches d'une église, saint Roch élève son crucifix vers les cieux, pour implorer la miséricorde divine sur un peuple malheureux.

Dans ce sujet, presque tous les personnages sont des portraits, et l'on y admire une grande vérité dans les attitudes, et aussi une grande harmonie dans la couleur. Tous ces personnages, fort bien groupés, respirent la foi la plus profonde ; il n'y a pas un de leurs gestes, pas un de leurs attributs où l'on ne trouve un lien qui les rattache à l'action principale.

Dans les raccourcis des personnages du premier plan, le peintre s'est aidé des ressources d'une science très étudiée, pour triompher de difficultés de plus d'un genre.

Nous voici à la chapelle de saint Corentin. Ici, le paysagiste retrouve ses droits dans le tableau de gauche. C'est l'entrée de l'ermitage du Névet, à l'endroit même où la source, dont parte la légende d'Albert le Grand, vient de jaillir, pour étancher la soif de saint Corentin et de son disciple saint Prime!, Les deux saints sont assis au premier plan sous un gros hêtre, au tronc noueux, aux puissantes rainures ; au fond, la baie de Douarnenez et les montagnes de Crozon.

Cette scène est comprise avec une naïveté de sentiment qui rappelle sans archaïsme la simplicité des vieux maîtres. Tout est remarquable dans ce tableau : mystère et beauté du site, recueillement de saint Corentin et reconnaissance de saint Primel. Et, si, après avoir admiré l'unité qui règne dans l'ensemble de la composition, nous passons aux détails, notre regard ne peut pas s'en détacher.

En face, à droite, est ce curieux Ravissement de saint Corentin, qui se distingue des assomptions ordinaires par une sorte de verve de coloris et de dessin d'un caractère particulier. Le saint est enlevé au ciel par des anges, sa physionomie exprime l'extase ; au bas, la ville de Quimper, vue du côté de la rivière, et au fond, les tours de la cathédrale. Le paysage, traité en grisaille, est d'un effet on ne peut plus heureux.

C’est là, selon nous, au point de vue de la couleur surtout, le chef-d'oeuvre du maître. En effet, sur ces gammes grises, mais doucement colorées, se détachent les figures du premier plan, dont elles doublent la valeur. Peu d'artistes possèdent mieux que Yan’ Dargent cet art de trouver la couleur et ses contrastes, à l'aide duquel il obtient des résultats exquis, dans des tonalités si difficiles à combiner pour le plaisir des yeux.

Ici, comme ailleurs, le peintre n'a pas voulu se souvenir ; il a gardé sa personnalité originale, jusque dans ce nuage, sur lequel saint Corentin est posé, et qui est loin du type floconneux des assomptions ordinaires.

Les bas côtés de la nef sont consacrés à des tableaux d'importance secondaire par rapport à l'ensemble, mais néanmoins pleins de grâce et de sensibilité.

La chapelle de la Nativité de Notre-Seigneur nous représente l'enfant Jésus, qui vient de naître, sur les genoux de sa mère en adoration ; saint Joseph est prosterné. Tout autour, des anges forment un cortège céleste. L'autre tableau est l'Adoration de Mages : l’enfant Jésus est assis sur les genoux de la Vierge ; les mages, suivis d'un nombreux personnel portant les présents, sont en adoration. Cette scène est éclairée par l'étoile miraculeuse.

La chapelle de sainte Anne nous montre l'éducation de la sainte Vierge et sainte Anne visitant la sainte Famille à Bethléem.

Les deux tableaux de la chapelle de saint Joseph ont pour sujet : la fuite en Egypte et la mort de saint Joseph.

La chapelle de saint Jean-Baptiste avec le baptême de Notre-Seigneur Jésus-Christ et la prédication de saint Jean-Baptiste au désert.

Dans la chapelle de saint Paul le premier tableau représente la scène du chemin de Damas. Saint Paul est renversé de cheval, lorsque le Christ lui apparaît soudain et lui dit : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? ». La suite du saint est au deuxième plan.

Le second tableau de cette chapelle est le Prêche de saint Paul devant l'Aréopage à Athènes. Nombreux auditoires dans une tribune d'architecture grecque.

Dans la chapelle du Père Maunoir, le P. Maunoir obtenant le don de la langue bretonne. Le R. P. est en prière devant l'autel de la Vierge lorsqu'un ange lui apparaît soudain, qui touche ses lèvres de la main droite, tandis que de la gauche il lui indique les pays à évangéliser.

Enfin, dans la chapelle de Michel le Nobletz, le missionnaire tenant dans ses mains une tête de mort, prêche une foule de fidèles bretons, tous en costumes de Quimper.

Telle est cette remarquable décoration de la cathédrale de Quimper que Mgr. Sergent a commandée, en 1871, peu de temps avant sa mort, sans avoir pu apercevoir la terrE promise et que Mgr. Nouvel, son successeur, a pu mener à bonne fin.

Bien que Yan’ Dargent soit connu depuis longtemps dans le monde des arts, — sans parler de ses illustrations ni de son œuvre des Expositions annuelles qu'il va maintenant poursuivre sans relâche et où il a trouvé un rang si distingué parmi les maîtres, nous croyons que dès à présent ses importants travaux de la cathédrale de Quimper, d'une si grande originalité et qui lui ont valu la croix de la Légion d'honneur, l'ont classé parmi les maîtres de la peinture religieuse.

Nous pensons aussi que cette couleur qui lui est personnelle et dont les parties les plus sombres pourraient servir de clairs, même à bien des peintres, ne fera, avec le temps, que gagner un vigueur et en harmonie et que ces tableaux ne resteront pas l'unique chef-d'oeuvre du maître, mais l'une des œuvres capitales de sa vie, inspirée par la majesté même du monument qu'il a été chargé de décorer.

« Nous ne voudrions pas, a dit M. d'Escamps, donner à nos éloges, au sujet de cette immense décoration, plus de portée qu'ils n'en ont et la modestie de l'artiste se refuserait elle-même à accepter ces louanges dans des termes absolus. Mais, cependant, pour être équitable, nous devons reconnaître qu'il y a là un effort pittoresque considérable qu'il n’est pas donné à tout le monde de tenter et de mener à bien. Nous pouvons, en toute sincérité, louer le sentiment élevé dont s'est inspiré Yan’ Dargent, et les qualités d'invention, de composition et de coloris, la rare fécondité d'imagination dont il a fait preuve dans la réalisation figurée de ce grand poème de la légende sacrée des Bretons. L'artiste a réussi, par ses seules forces, en dehors des influences d'académie et des partis pris d'école et sans recherche vaine d'un archaïsme de convention, à créer une oeuvre spontanée, vivante, originale, qui lui fait le plus grand honneur ».

En ce qui touche l'exécution matérielle, le peintre a eu, il faut le reconnaître, à lutter contre d'immenses difficultés ; des reflets ou plutôt des glacis d'un jaune intense, provenant de la lumière du vitrail, l'ont mis dans la nécessité de transiger avec cette lumière, qui sans cesse désaccordait son travail, mais dont son habileté a fini par triompher.

Depuis cette vaste entreprise, Yan’ Dargent a été appelé à peindre dans l'église de Ploudalmézeau, près de Brest, le Purgatoire, dans la chapelle des Trépassés, et la Descente de croix, dans la chapelle du Sacré-Coeur.

N'oublions pas de mentionner enfin la Visitation de la sainte Vierge et Jésus chez Marthe et Marie, deux belles et imposantes compositions exécutées pour la chapelle des dames de la Visitation de Nantes, et tout dernièrement encore le remarquable portrait de feu Monseigneur Nouvel, évêque de Quimper. En ce moment, nous apercevons sur les chevalets du maître les études préparatoires d'un grand tableau ; la Mort de saint Joseph pour l'église des Carmes à Brest.

Ce sont là les œuvres à la fois naïves et savantes d'un artiste profondément convaincu.

Nous connaissons peu d'artistes plus féconds, d'un talent plus varié, d'une imagination plus vivement préoccupée de surprendre la nature sous tous ses aspects. Paysagiste et peintre de portraits, il est encore animalier à ses heures : il quitte un dessin travaillé comme une miniature et, fini comme une gravure pour jeter sur la toile une idée tout à coup jaillissante. Par moments, il s'essaye à l'aquarelle ou au fusain. C’est un travailleur consciencieux qui s'efforce de trouver le progrès et qui, sans cesse, se cherche lui-même.

En fanatique de sa chère Bretagne, Yan’ Dargent n'a jamais possédé qu'un pied-à-terre à Paris. Il fait partie des rares peintres qui n'ont pu s'y construire un atelier — une forge à eux : à ces enthousiastes de la nature, il faut l'éclairage du plein air et les tentures du ciel bleu.

Yan’ Dargent habite le plus souvent son petit castel de Créac'h-André, élevé par lui sur la falaise, à l'endroit même où, étant écolier à Saint-Pol-de-Léon, il venait en promenade le jeudi et le dimanche.

Son vaste atelier n'a rien de bien caractéristique. Nul luxe, nulle coquetterie d'arrangement. Les toiles se succèdent sur son chevalet. Sur tous les murs, dans tous les coins, des peintures et des études, la plupart sans encadrement, accrochées çà et là, des toiles, des cartons, une profusion de production ! Et parmi tous ces tableaux des souvenirs de Bretagne : le Petit Corneur (appel du soir), la Petite Roscovite, souvenir de collège, et tant d’autres où la rêverie du maître se comptait.

Sur la côte pittoresque en vue de sa maison, on découvre une multitude d'îlots que Yan’ Dargent explore dans la belle saison et où il se distrait par la pêche en pleine mer. Dès l'aube, il est sur pied : il boit une écuelle de lait frais (jamais de vin, ni de cidre, non pas même de cidre, bien qu’il soit énergiquement Breton !) et il s'en va à la recherche de quelque site nouveau dans les îlots où il aborde, bientôt en hardi marin, sur une frêle embarcation, parfois à la nage, car malgré son âge c’est un intrépide nageur, et nous l'avons vu plus d'une fois, par une mer grosse, sauter de son podoscaphe pour bondir sur la crête des vagues.

Devant sa maison s'étend un grand tertre hanté par les lapins et les lièvres. Parfois, l'artiste se met à l'affût et, de sa porte même, il se livre souvent au plaisir de la chasse, après avoir goûté les agréments de la pêche ; c'est la vie rurale et maritime, à la fois.

Les habitants du pays connaissent, saluent et respectent cette figure de Celte inébranlable, qui préfère au macadam du boulevard les falaises de Créac'h-André ou les grottes de Morgat. Yan’ Dargent ne se plaît qu'au bord de la mer. La mer n'est-ce pas, en définitive, ici-bas, ce qui ressemble le plus à l'infini ?

C'est là, près des flots, qu'il travaille toujours seul, les verrous bien tirés dans sa profonde et douce retraite. C'est dans cette contrée pittoresque que le maître a voulu fixer son existence, au fond de cette Bretagne, où il a reçu le jour.

C'est là qu'il a vécu, bercé de poétiques rêveries que viennent nuancer ses souvenirs d'enfance. Ces souvenirs se révèlent continuellement dans ses compositions hardies, lorsqu'il nous peint ces falaises, ces grottes, ces paysages austères et ces mâles figures qui nous arrivent tous en ligne droite du pays de Tréguier, de l'évêché de Quimper ou de la presqu'île de Crozon ; hommes et choses dont l'oeil de l'enfant avait gardé l'éternelle vision...

Oh ! adorables et trop lointaines journées !... Ne lui reprochons pas ces retours continuels aux impressions primitives, ces joies sereines, goûtées du pays natal et ces scènes naïves et enfantines qu'il dessine avec tant d'amour. Le meilleur de la vie n'est-il pas là ? A mesure que le corps penche vers la tombe, les pensées se reportent vers le berceau avec une sorte d'obstination mélancolique et douce.

A l'âge où l'esprit devient paresseux et la main gauche, Yan’ Dargent a tout l'enthousiasme d'un néophyte et jamais son pinceau ne fut plus ferme. Se vie n'a été occupée que d'une seule passion, celle de l'art. Ce chaste amour sans déception l'a conservé jeune. Son regard brille de tout l'éclat d'un oeil de vingt-cinq ans. Il a la physionomie ouverte et large. Il est petit et trapu, de cette race de paysans à demi marins, qui du matin au soir, avec de longs bâtons ferrés, franchissent, en sautant, les falaises. Sa façon de s'habiller est naturellement soumise à son caractère fantasque, obstinément rebelle à tous les caprices de la mode. Sa conduite dans la vie exagère la fantaisie et dépasse le paradoxe. Les choses les plus simples le gênent à l'infini et jamais il ne sut se plier aux nécessités sociales ou domestiques. Lorsque vous êtes du nombre de ses amis, c'est à la vie, à la mort ; sa main secoue la vôtre avec une vigueur qui ne sent en rien son sexagénaire.

Yan’ Dargent fournira — nous l'espérons — une longue carrière ; car, chose étrange, il fait chaque jour des progrès, et ce maître, arrivé, apprend encore. Au déclin d'une vie absorbée par tant de travaux divers, l'artiste ne s'arrête pas, il marche en avant, il marche toujours ; il travaille sans relâche, il expose, il affronte à chaque occasion les discussions du public et les arrêts de la critique, sans dévier de la route qu'il s’est tracée. Nature forte, originale, obstinée, on a pu remarquer que les succès et les déceptions (il y a des vicissitudes dans une existence d'artiste) le stimulaient également.

On peut dire que la carrière de Yan’ Dargent, telle que nous venons de l'esquisser, peut se résumer ainsi : il a débuté par le dessin d'illustrations ; puis, il a conquis dans la peinture de paysage une place distinguée et personnelle, et, enfin, il a abordé, avec un succès fort honorable, la peinture d'histoire religieuse. C'est là une vie aussi glorieuse qu'il la pouvait souhaiter et il peut, aujourd’hui, revendiquer avec un orgueil légitime ce titre cher à sa double foi de Celte et de chrétien, le titre de peintre breton et de peintre d'histoire sacrée (Georges HANCIAU).

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