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LE VIEUX MORLAIX |
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Morlaix est une vieille ville qui possède encore quelques vieilles rues, dont les vieilles maisons ont de vieilles façades ornées de vieilles sculptures. Tachons de les étudier pendant qu'il en est temps encore, car les reconstructions et les restaurations marchent bon train et auront bientôt tout envahi, rasant tout ce qui est pittoresque, tout ce qui est pour nous un souvenir du passé. Déjà depuis longtemps ont disparu les curieuses constructions qu'on appelait le Paré et les Lances; dans la Grande-rue, je vois s'élever des maisons nouvelles ; qui peut dire ce qui restera dans cinquante ans de
ces façades du XVème et XVIème siècle, qui font maintenant la joie des touristes et sont une vraie attraction pour notre ville restée si
bretonne ?
Le mieux est de commencer par la Grande-rue, qui est la plus riche et la plus intéressante ; mais, avant d'y entrer, remarquons le bonhomme Morlaix et le sonneur de biniou, faisant cariatides aux deux angles de la rue Notre-Dame, et semblant supporter tout le poids de l'édifice qui les surmonte.
Dans la Grande-rue, arrivés aux numéros 5 et 8, nous trouvons une série presque ininterrompue de vieilles façades, Les
n° 8 et 10 nous offrent le type à peu près uniforme de tous les rez-de-chaussée : une baie large et basse s'ouvrant sur une boutique ou magasin, une porte plus étroite donnant accès dans une entrée ou couloir, ces deux ouvertures limitées et séparées par des piles moulurées en pierres de taille, la dernière assise formant
encorbellement pour supporter une forte sablière ou poutre massive ornée de moulures, et qui soutient les abouts des solives
du premier étage. Les bouts de solives font saillie sur la rue de 40 ou 50 centimètres, et il en
est ainsi à chaque étage, de sorte que le troisième arrive à avoir une avancée de 1
m. 50, et que les deux pignons qui se regardent des deux côtés de la rue se sont sensiblement rapprochés l'un de l'autre.
Le n° 10 a deux statues nichées contre les potelets d'angle des extrémités : SAINT ANTOINE, ermite, et SAINT JEAN-BAPTISTE. Saint Antoine est vêtu d'une robe avec camail, à
capuchon, il tient un livre et un bâton à crosse, sans T ou potence, et il a à ses pieds le cochon traditionnel. Saint Jean-Baptiste est couvert d'un ample manteau sous lequel on
distingue une peau de bête dont la tête pend entre ses pieds, comme cela existe habituellement dans les représentations du Précurseur. Au-dessus de ces deux saints sont deux jolis dais gothiques flamboyants, et les culs-de-lampes qui sont sous leurs pieds sont portés par deux grêles colonnettes ornées de torsades, d'écailles et d'enroulements perlés.
Au n° 14, maison, Pouliquen, le premier et le deuxième étages sont composés de pans de bois formés de montants, traverses, croix de Saint-André, colonnettes à bases moulurées, chapiteaux et bagnes ; les deux encorbellements des poteaux corniers offrant un renflement ou crossette terminée en riche bouton ou fleur épanouie.
Cet ornement se rencontre encore sur d'autres façades. Dans
cette maison Pouliquen se trouve un escalier monumental qu'il faut étudier en détail. Pénétrons par la porte en chêne qui a conservée encore sa colonnette sculptée, ses vieilles ferrures et ses panneaux à godrons ; nous sommes dans un couloir séparé du magasin par une cloison de bois à panneaux d'étoffes plissées ou godronnées, et plus loin dans un vestibule assez vaste, divisé maintenant en deux pièces, mais formant autrefois une seule pièce montant de fond depuis le sol jusqu'aux combles et éclairée par un lanternon.
Une large cheminée, surmontée d'une hotte portée sur des colonnettes rondes à chapiteaux feuillagés, était destinée à chauffer ce vestibule et l'escalier qui monte dans un des angles, du côté de l'entrée.
Cet escalier dessert des chambres de deux côtés différents: d'une part au moyen de paliers correspondant à la partie tournante, de l'autre par des rampes accédant à des galeries droites longeant le mur et bordées par une balustrade en clôture pleine, formée de panneaux à boiseries plissées. Quelques-uns des montants qui séparent ces panneaux sont accostés de colonnettes et pinacles d'une extrême finesse et d'une richesse étrange de sculpture : petites rosaces, chevrons perlés, losanges, torsades, écailles, feuilles imbriquées. La même richesse et la même variété se retrouvent dans la boiserie du rez-de-chaussée dont les panneaux sont ajourés d'admirables découpures et fenestrations flamboyantes.
Une colonne ornée, prise dans un magnifique tronc de chêne, monte depuis le bas jusqu'en haut, formant, non pas noyau, mais plutôt poteau de jonction entre les volées tournantes et les volées rampantes.
Sur les quatre hauteurs qui forment fût octogonal dans les portées dégagées, la décoration courante consiste en écailles ; au bas de chaque portée, une base feuillagée ; aux trois quarts de la hauteur, un dais flamboyant très riche, à quatre faces ; au sommet, un chapiteau servant de support à trois statues qui correspondent aux trois jonctions des rampes.
Ces statues sont celles de SAINTE BARBE portant sa palme et sa tour ; SAINTE CATHERINE, couronne en tête, tenant son épée et sa roue fracturée
; la SAINTE-VIERGE, portant l'Enfant-Jésus. Tout à fait au haut de la colonne, dans une niche à dossier et à dais, SAINT PIERRE-DE-VERONE, probablement le patron du propriétaire du logis.
Aux trois étages, sur le haut de la rampe, à la jonction de la partie oblique et de la partie horizontale, sont trois
nichettes abritant les statuettes de SAINT PIERRE, SAINT PAUL et la
SAINTE-VIERGE. Au fond du petit réduit fermé au rez-de-chaussée par la boiserie ajourée est une jolie niche à accolade pratiquée dans le mur, avec bassin creusé dans la pierre et formant cuvette ou lavabo garni
d'une tête à gargouille pour déverser les eaux.
L'autre côté de la rue, au n° 9, est une façade encore plus riche : mêmes pans de bois, mêmes
colonnettes et en outre, six statuettes dans des niches : au premier étage,
l'ANNONCIATION, la SAINTE-VIERGE agenouillée sur un prie-Dieu,
l'ANGE GABRIEL, lui annonçant le mystère divin ; au second, SAINT JACQUES avec son bourdon et ses coquilles, SAINT LAURENT et son gril, SAINT NICOLAS et ses trois enfants dans
le saloir, SAINTE BARBE portant sa tour.
Au numéro 15. — SAINT JEAN montrant l'agneau qu'il tient entouré d'un de ses bras ; et au deuxième étage un personnage en cotte, formant cariatide ; sous les encorbellements, boutons à fleurs épanouies.
Numéro 17. — Même ornementation de boutons fleuris.
Numéro 19.—Premier étage, SAINT CHRISTOPHE portant l'Enfant-Jésus sur ses épaules ; personnage
assis, cariatide. — Deuxième étage, SAINTE CATHERINE et SAINT
GEORGES. — Au troisième, un SAINT EVEQUE bénissant et SAINT FRANÇOIS D'ASSISE.
Numéro 26. — SAINTE-VIERGE donnant le sein à l'Enfant-Jésus ; SAINT EVEQUE bénissant.
Numéro 32. — SAINT JEAN-BAPTISTE, NOTRE-SEIGNEUR ressuscité portant la croix de résurrection, ou bien l'apôtre SAINT PHILIPPE tenant un livre et une croix triomphale. — Au deuxième étage est une représentation qui peut paraître étrange à quelques-uns, c'est
l'IMMACULEE CONCEPTION : la petite sainte Vierge entourée d'une gloire dans le sein de sa mère sainte Anne. Même figuration se trouve dans un vitrail à
Brennilis, avec cette inscription : Saincte Conception. A l'autre angle, SAINTE
MARGUERITEE foulant le dragon.
Aux numéros 30, 25 et 27, ornementation de boutons épanouis.
A l'angle du numéro 27 et de la. place des Halles, BONHOMME tirant la langue et formant cariatide.
Plus loin, au numéro 3 de la place des Halles, est un BONHOMME assis, sonnant du
corn-boud; boutons feuillages, beaux encorbellements, pans de bois et pignon aigus.
De là, montons dans la rue
du Mur, anciennement rue des Nobles, et nous trouverons, au numéro 33, la maison dite de la
Reine-Anne, se détachant en saillie sur les autres alignements et dominant le marché couvert. La façade faisant pignon sur rue a été restaurée vers 1890 par les soins de la Commission des Monuments historiques. Elle se compose, au
rez-de-chaussée, de trois larges baies formant une porte centrale et deux fenêtres ; sous ces dernières, des ouvertures grillées ou
soupiraux éclairent les caves. Les piliers qui encadrent la porte et les fenêtres
sont couverts de colonnettes et de moulures prismatiques qui forment des pénétrations et des intersections curieuses. Au-dessus de ce soubassement en
granit s'élèvent trois étages à pans de bois faisant encorbellement les uns sur les autres. Dans chacun d'eux on trouve les poteaux corniers, montants, traverses et croix de saint André, avec remplissage en torchis et fenestrage répandant un jour abondant dans l'intérieur.
Au premier étage les niches d'angles abritent les statues de SAINT JACQUES et de SAINT
YVES, celui-ci représenté assis dans un fauteuil, vêtu de la robe, surcot ou surplis, camail à capuchon, bonnet carré. Les mains sont vermoulues, mais on peut deviner qu'elles tenaient un parchemin déployé.
A la hauteur de l'imposte des fenêtres, sous les abouts des poutres de l'encorbellement, se trouvent à moitié accroupis sur des chapiteaux
feuillages : 1° un sauvage, nu et barbu, s'appuyant sur une grosse branche ; 2°
un fou coiffé d'un bonnet d'âne et tenant sa marotte ; 3° un autre personnage
à robe serrée par une ceinture.
Au deuxième étage. — SAINTE BARBE et SAINTE CATHERINE, avec trois autres cariatides correspondant
à celles de l'étage inférieur. A l'intérieur il y a à étudier le vestibule ou
hall et l'escalier, comme dans la maison Pouliquen. Le vestibule ou cour couverte s'appelait autrefois salle des gardes et prenait toute la profondeur de la maison. Cette pièce, montant jusqu'aux combles, et éclairée par des jours percés dans la toiture, possède également une grande cheminée à hotte ornée de deux bandeaux richement feuillagés.
Dans un des angles monte l'escalier desservant les deux côtés de la maison par des rampes tournantes en sens contraire et par des galeries horizontales ou
ponts-d'allée.
La colonne qui porte les angles d'intersection est, comme dans la maison
Pouliquen, composée d'un seul tronc d'arbre, et a la même disposition générale : bases moulurées et feuillagées, fûts ornés de losanges en creux à côtés arrondis, inscrivant une rosace carrée ; dais flamboyants, très découpés et évidés ; chapiteaux surmontés d'anges et d'un homme velu tenant un blason ; niches abritant les
statues de SAINT NICOLAS ; SAINT CHRISTOPHE et tout en haut, en couronnement, se trouve
SAINT MICHEL terrassant le dragon. Une colonne secondaire soutient la
portée des ponts-d'allée ; son fût est orné de losanges arrondis et rosaces, de torsades perlées, feuilles imbriquées, personnages velus et petits amours tenant des blasons.
L'autre extrémité, au deuxième étage, est soutenue par un bonhomme qui fait une gymnastique prodigieuse : il a la tète en bas, les mains appuyées sur un tonnelet dont il
vient de sucer la bonde ; il a les pieds en l'air et les jambes croisées avec escarpins, hauts-de-chausse à crevés et bouffantes.
Plus haut est un autre personnage coiffé d'un bonnet pointu, et buvant à
la bonde d'un tonnelet. — A même hauteur, contre la paroi, un sauvage nu, barbu et chevelu ouvrant de force la gueule d'un lion. — Au haut des deux angles, du côté de la cheminée, sont deux autres petits personnages faisant cariatides.
En sortant de la maison de la Reine-Anne, il faut aller jusqu'au numéro 41 pour admirer deux belles lucarnes du
XVIIème siècle, surmontées de volutes et de petites niches à frontons arrondis. Plus loin, jusque dans les environs de l'église Saint-Mathieu, nous trouverons bien de nombreuses maisons ayant pignon sur une rue et encorbellements aux étages, mais en somme rien de bien caractéristique. Tous les détails riches et intéressants semblent s'être concentrés dans la Grande-rue et dans la rue
Saint-Helaine, où nous allons continuer notre excursion.
Rue Saint-Melaine.
Dès l'entrée de cette rue, aux numéros 5, 6, 7, 9, 10, 11, nous trouvons des maisons pittoresques, analogues à celles que nous avons déjà étudiées.
A l'angle du n° 10, faisant retour sur la venelle au Son, on voit deux statues : une
VIERGE-MERE et un ANGE tenant une banderolle. En remontant on remarque une dizaine de vieilles façades, et plus haut encore, tout près de l'église, au coin de la rampe et du côté opposé, tout un joli groupe de maisons
à encorbellements, dont une, le n° 41, a quatre statuettes
d'angles : SAINT JEAN-BAPTISTE, SAINTE BARBE, un SAINT EVEQUE bénissant, et SAINT FRANÇOIS D'ASSISE montrant ses
stigmates.
Descendons maintenant vers l'escalier de Saint-Melaine, et après avoir salué en passant la vénérable église et son porche daté de 1489, nous trouvons une maison à pavillons et tourelle ronde d'escalier, porte monumentale à colonnes cannelées et fronton triangulaire, lucarnes de grand style dont le peintre Jules Noël a tiré grand parti dans son tableau du vieux Morlaix, maintenant au musée de Quimper.
Si l'on veut avoir une idée de ce qu'étaient autrefois. les Lances, longs portiques couverts surmontés de maisons, il faut aller jusqu'au numéro 7 du quai de Tréguier, tout contre le petit hôtel de la Caisse d'épargne. On y trouvera l'unique et dernier type vivant de ces anciennes constructions : une maison faisant avancée de 5 mètres sur la rue, portée sur deux colonnes de pierre et un fort poteau de bois, et laissant un large trottoir libre pour la circulation. Autrefois, lorsque cette sorte de
cloître se prolongeait sur une longueur de 150 ou 200 mètres, on trouvait là un passage abrité, excellent pour le va-et-vient des affaires et pour les transactions commerciales.
Plus loin encore, au no 28, un vénérable hôtel du XVIIème siècle, à la mine austère, nous montre ses portes et ses soupiraux de magasin, au rez-de-chaussée, sa porte centrale à pilastres et fronton, son pavillon servant de cage d'escalier, et ses deux lucarnes
cossues surmontées d'un fronton à niche accosté de deux larges volutes.
Et c'est tout. Au-delà, plus rien du vieux Morlaix, rien que des façades ennuyeusement alignées et désespérément banales. Retournions donc nos regards du côté que nous venons de parcourir et adressons un dernier salut à ces vieux témoins de la vie sociale et familiale de nos pères.
Les Eglises
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SAINT-MELAINE. |
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EGLISE DES JACOBINS. |
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NOTRE-DAME-DES-FONTAINES. |
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SAINT-MATHIEU. |
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NOTRE-DAME-DU-MUR. |
Nous devons terminer là notre étude, car l'église de Saint-Martin, construite en 1773-1788, avec son clocher assez imposant, bâti en 1850, ne peut pas prétendre à figurer dans le vieux
Morlaix.
(J.-M. ABGRALL, chanoine
honoraire)
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