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La Ville de Vannes et ses murs

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Au moment où la ville de Vannes voit tomber un des plus imposants fleurons de sa couronne murale ; à l’heure où l’une des tours, dites autrefois de Saint Pater, s’abat sous le marteau d’une spéculation considérée comme malheureuse et aveugle par un expert qui s’appelle tout le monde, je me permets d’apporter à la société l’expression de mes condoléances et en guise : de triste consolation, le souvenir des mutilations autorisées par les pouvoirs des siècles passés.

Dès que l'Etat, suffisamment sûr de lui-même, eût renoncé au coûteux entretien des forteresses qu’il n’avait pas fait démanteler ; dés qu’il en eût cédé la propriété aux communautés de villes, il était facile de pressentir les funestes conséquences de ce fatal abandon.

Dans ces conditions, les responsabilités restant flottantes ne peuvent atteindre personne, car nul ne peut contester à un propriétaire le droit d’user de son bien et d’en disposer à sa guise. L’oeuvre de destruction qui s’exécute sous nos yeux est une suite de toutes celles qu’ont subies sur une bien plus vaste échelle les cités les plus florissantes et les plus importantes de notre région. C’était alors qu’il fallait jeter les hauts cris, détracteurs malveillants, mais, « lynx envers vos pareils et taupes envers vous, vous vous pardonnez tout, rien aux autres hommes ». Il faut laisser dire, tant la critique est facile.  (M. Guyot-Jomard - 1880/1889).

« Il serait à désirer, écrivait dés 1825, le premier président de notre société en 1826, M. l’abbé Mahé, que, dans la mairie de chaque ville, on établit un registre historique, pour conserver la mémoire des événements remarquables qui arrivent dans la commune. Joignant l’exemple au voeu, il a donné l’indication de nombre de faits qui seraient presque généralement ignorés, si quelques anciens qui en furent témoins, ne les lui avaient appris » (Essai sur les Ant. du Morbihan). 

Quelques-uns des renseignements de M. l’abbé Mahé, se ressentent un peu de la précipitation avec laquelle ils ont été recueillis. Notre laborieux et vénérable confrère, M. Lallemand, doué pour l’étude d’une persévérance de Bénédictin, s’est donné la mission de rectifier plus que des dates. Nous devons tous, regretter que les travaux de M. Lallemand aient été trop exclusivement réservés pour une autre publication. Si nos bulletins s’en étaient enrichis, nous serions certainement.  plus instruits sur les antiquités de la ville de Vannes.  Après les Origines de Vannes il ne reste guère qu’à glaner, et c’est un labeur assez ardu pour qui, élevé loin des archives, n’en connaît ni les secrets, ni les mystères.

M. l’abbé Mahé n’a pas fait l’examen des murs de la ville ; M. Lallemand a comblé cette lacune aussi complètement que le permettent les documents historiques ou à peu près. Il ne nous est laissé que le livre de la nature et de l’observation ; prenons-le et faisons une étude topographique.

Puisque l’acte de naissance de la ville de Vannes est définitivement perdu dans la nuit des temps, nous en sommes réduits à deviner la cause de cette naissance par l’examen du lieu où nous nous trouvons actuellement.

Quelle pouvait être, il y a vingt siècles, par exemple, la physionomie du terrain vannetais ? L’étude des plateaux, des collines et des vallées peut, dans une certaine mesure, fournir une réponse à cette question. Nos plateaux granitiques ne se sont pas affaissés, et si les vallées se sont exhaussées, c’est plutôt parle travail de l’homme que par les forces de la nature.

Pourquoi le plateau sur lequel a été jeté le noyau de la ville de Vannes a-t-il été choisi de préférence à tel ou tel autre plus avant vers la mer, ou plus en arrière, en pleine campagne ? Parce que ce plateau se trouvait presque de tous côtés, protégé par la mer : sans perdre les avantages d’une position terrienne il formait une petite presqu’île.

A cette époque reculée, la terre, non plus que la mer, n’offrait aux populations qu’une sécurité bien précaire. Au bord de leur estuaire, les possesseurs du plateau pouvaient voir venir l’ennemi et prendre les dispositions dictées par les circonstances. Cet estuaire s’étendait alors dans toute la vallée où viennent confluer le ruisseau de l’étang du Duc et celui du moulin de l'Evêque. Ainsi entouré de trois côtés, le plateau était un poste inexpugnable en état d’arrêter les gens de guerre et de n’admettre qu’à bon escient les gens de commerce.

Comme Nantes et Redon d’un côté, Auray et Hennebont de l’autre, la ville de Vannes était donc en possession d’une clé de passage. De là, l’édification de la citadelle appelée romaine, puisque les matériaux qui en constituaient l’enceinte sont encore là pour en constater l’origine. D’aucuns prétendent qu’ils recouvrent des traces d’une fortification antérieur — celtique, apparemment — mais il est difficile d’en administrer la preuve.

Ainsi le sol offrait l’aspect d’un coteau descendant brusquement à la mer ; véritable dos d’âne presque horizontal jusqu’à la place mein liève, il était d’une déclivité rapide dès l’angle de la place du Grand-Marché, au nord, par la rue de l'Abattoir ci-devant de Saint-Martin, puis, de la Boucherie ; au sud, la pente n’était pas moins accentuée, puisqu’elle aboutissait à la mer, au haut du terrain qui est devenu, après comblage, la place de la « halle aux grains ».  Nous avons vu le fronton antérieur de cette construction se fonder péniblement dans une vase marine, en 1860, etc.

De ce lieu l’estuaire s’arrondissait à l'Est, vers les lices, recouvrant le bas-fond d’où surgirent plus tard la terre de Ker, le quartier de la Poissonnerie et la rue Saint Vincent jusqu’à la vallée de la Garenne.

Revenons à la citadelle. Inaperçue depuis longtemps, elle est inconnue de la majeure partie de nos contemporains. Masquée dans son pourtour par des constructions auxquelles elle sert d’appui, badigeonnée au lait de chaux dans ses hauteurs, elle présente cependant le spécimen le plus considérable qui existe en Bretagne, des forteresses que savaient élever les ingénieurs du Peuple-Roi.

La rue de l’ancienne préfecture (ou de la Juiverie, ou du Palais de Notre-Dame), et les deux impasses rues de la grande, et de la petite Salette, semblent avoir été les seules artères de cette forteresse à laquelle on devait accéder par la rampe de la porte Saint-Pater. Par la 1ère impasse on arrivait aux murs percés par la porte Saint-Salomon ; par l’autre à la terrasse, plate-forme de la tour Bertrand. Pendant plus de quinze siècles, les maîtres de cette haute situation ont vu miroiter le golfe du Morbihan et ses flots qui venaient en remplir les fossés. La vue et l’aspect de ces murs ont été finalement masqués. par la maison construite au marché au seigle vers 1840, par l’honorable grand-père de notre sympathique secrétaire (M. Lallement).

Le fossé tournant à l’ouest (derrière la pharmacie du Rumel) se creusait profondément dans le roc du plateau jusque, et y compris, le contour septentrional.

Les constructeurs des maisons du café de l'Univers et de l’hôtel du Commerce ont su, à leurs dépens, quelle monstrueuse quantité de vile matière ils ont dû extraire de ce fond, avant d’atteindre le sol naturel et solide. Le travail d’autrefois a dû être considérable pour fendre le Mené, c’est-à-dire la montagne, jusqu’aux abords de la Tour des filles. La porte du Nord n’existait pas. A ce point on se trouvait dans le marais du ruisseau de Meucon (de l'Evêque), lequel, passant â la Porte-Prison, allait se confondre avec le ruisseau de l’étang du duc, dans l’estuaire de la Garenne.

 

CHATEAUX DE L’ ISLE — DE LA MOTTE — PRIERES — SUCINIO.

JEAN  LE ROUX.

Après une longue période de guerres et d’invasions frankes, normandes ou anglaises, les unes par terre, les autres par mer et dont l’histoire ne saurait s’écrire, nous touchons au XIIIème siècle. La citadelle romaine a été remplacée par le château de la Motte bâti dès le VIème siècle et restauré au XIIIème sous Jean le Roux. Ce château subsista jusqu’en 1680.

Ce duc, dont la vie s’étend jusqu’en 1286 ou 90, mérite une place toute spéciale dans l’histoire du pays en général, et celle la ville de Vannes, en particulier. Habile politique, riche à millions, sachant acheter d’un Rohan la ville de Brest au prix d’une haquenée et cent livres de rente, contemporain de saint Louis, qu’il avait accompagné dans sa dernière croisade, Jean voulut protéger les abords de son duché contre les invasions des Anglais ; dans ce but, il fit exécuter d’immenses travaux d’un genre nouveau et d’une solidité à l’épreuve de tous les assauts. Le sol de la Bretagne, fouillé dans ses profondeurs donna ces masses granitiques que le génie du duc sut mettre en oeuvre pour l’accomplissement de ses vastes projets. C’est à Jean le Roux qu’est attribuée la construction, 1° au-dessous de la Roche-Bernard, du château de l’Isle, sur la rive droite de la Vilaine ; 2° de l’abbaye de Prières, du même côté, plus près de l’embouchure ; 3° du château de Sucinio, au bord d’une vaste plage toujours ouverte pour un débarquement ; 4° de la majeure partie de nos remparts. La taille des pierres exigeant un travail considérable, les ouvriers durent se contenter de l’opus incertum, c’est-à-dire d’un massonnage brut et irrégulier. Le grand appareil par assises régulières qui se remarque de nos jours est un revêtement du XVIème siècle ou, même du XVIIème, comme on l’exposera plus loin, pour ne pas dire un renouvellement. Les machicoulis sont de deux formes : les uns sont à consoles, les autres de forme ogivale : cette dernière. façon se montre depuis la Tour des filles jusqu’à l’angle qui suit les tours de Saint-Pater ou Porte-Prison, pour reparaître à une centaine de mètres plus loin, aux abords de la tour du connétable. Notons que les machicoulis de celle-ci sont rectangulaires et conservent cette disposition jusqu’au delà de la porte Saint-Vincent.

Cette ligne de fortification ainsi établie à l'Est, du côté de la terre, il restait à protéger la place et la population très resserrée au sud de la citadelle. Au dessous de l’angle méridional de celle-ci où s’élève la maison de M. Monfort, et formant l’extrémité de la rue aux Asnes, s’amorça, dès le XIIIème siècle un mur qui, ouvrant la porte Saint-Salomon, s’allongea entre la maison Verge, de la rue des Halles et la résidence actuelle de M. Mauricet (terrain des Cordeliers), jusqu’au-dessous du Chateau-Gaillard. A ce point, il tournait à l'Est, traversait la rue Queneu, puis de Saint-François, de la Porte-Mariolle, des Cordeliers, aujourd’hui rue Noé, en y laissant la porte Mariolle et s’étendait au nord de la place des Lices. En dehors, la chapelle de N.D. de Chartres avec son cimetière  s’élèvera en 1429. Le nom de Sarrazenois ou Sarasins donné à ce mur, ne dénonce-t-il pas celui du constructeur revenu de la Terre-Sainte ? En dehors de ce mur, à l'Ouest, sur un terrain antique et incliné, fut bâti vers 1260, le couvent de Saint-François ou des Cordeliers.

Un siècle plus tard, en 1385, ce monastère reçut un notable agrandissement, dû au généreux prince Jean IV. Cet accroissement ne pouvait s’effectuer que par l’extension de l’enclos vers l'Ouest et le Sud en refoulant la mer dans son domaine.

Le point de départ de ce développement se prit à l’angle de la porte Saint-Salomon, vers l'Ouest jusqu’à une tour, aujourd’hui tronquée, dite alors l'esperon de Saint-François (dans la propriété de M. Mauricet). De cette tour, le nouveau rempart s’étendit vers le Sud sur la terre de Ker. L’immense, quantité de matière vaseuse qui fut déplacée, éleva le terrain des rues et places du Poids public et de la Poissonnerie. Le sol de la rue Saint-Vincent s’exhaussa également à l’aide d’autres matériaux pris pour ainsi dire à pied-d’œuvre. Le vaillant duc ne faisoit-il pas bastir le château de l’Hermine ? Pour établir celui-ci dans une assiette capable d’échapper à toute surprise, Jean IV forma ou façonna un îlot à l’aide de l’étang du moulin des Lices, et du ruisseau dirigé à sa convenance, Doctus iter sequi melius, comme le Tibre !.

Le mur occidental de la ville, avons-nous dit, doit avoir été construit à la fin du XIVème siècle ! A l’appui de cette présomption vient le document suivant ; il est du 27 mai 1400 (Mil quatre cent).

« Jehenne, fille du roy de Navarre, duchesse de Bretaigne, comtesse de Richement, aiant là garde et administration de nostre très-chier et très-aimé fils, le duc de Bretaigne, comte de Montfort et de Richement, à nos seneschal et alloué et procureur de Broerech, salut. Receu avans la supplication des Religieus, les frères menours et couvent de la ville de Vennes, contenant que, par les guerres et ostilités qui longuement ont duré en ce pays de Bretaigne, furent mis et emploiez en douves grant partie et quantité de la place et héritages oû soullaient estre leurs jardrins, et une porte par où l’on allait à leur église, en la partie d’entre les anciens murs et cloison ancienne de la dite ville, que l’on appelle murs Sarazins, et entre ceulx murs et leur diste église et habitations, maisons du dit couvent et depuis que Mongr le Duc ; dont Dieu aye l’âme, fist aclore en fortifications de la dite ville leur dite église et habitations et que les distes douves qui avoient esté faistes près les dicts murs anciens des terres où soulloient estre leurs jardrins, furent comblées ; en quoy ils ont faict grandes mises et à faire ce délivrage des terres qui estoient en cette place, en intention d’y renouveler et édiffier nouveaux jardrins, vous ou l’un de vous ou aultres nos officiers, en ladite ville, les y avez voulu empescher, par quoi ils ont retardé et retardent de édiffier en celle place à eulx appartenante, comme ils dient, suppliants et requérant nostre provision, sur ce, pourquoi, nous inclines à leur supplication, o délibération de nostre conseil, vous mandons et recommendons et adons (sic) de vous assemblement, en commettant se mestier, appele qui sera à appeler, que vous faites enqueste et informations sommairement et de plain de leur donnez entendre pour scavoir quelle quantité et queulx endroicts d’icelle place paravant les dites guerres estoient à ceulx, tant en jardins, portes que aultres appartenances de leur hostel et aussi en querrez des droits de nostre dit fils, et tout ce que en trouverez nous rapporter ou envoier par escript enclos soubs vos seaux afin d’en ordonner par nous et nostre conseil, ainsi qu’il devra estre par raison ; de ce faire duement, vous donnons et advouons, comme dit est, plains pouvoirs, mandons et recommandons à tous et à chacun nos subjets en ce faisant vous obéir et diligemment entendre. Donné à Nantes, le vingt-septième jour de mai l’an mil quatre cent ». Original sur parchemin (aux archives préf., fonds des Cordeliers). Ce document, daté de l’an 1400, est l’un des rares renseignements qui restent de ce temps. Qu’est-ce que la cloison ancienne de la ville ? C’est le mur qui, partant de la rue Saint-François (le bas de la rue Noé), traversait le terrain à l’angle N.-0.. des Lices où était le cimetière, mettant la place des Lices en dehors de la ville close et allait se souder à la tour du Connétable, où se voient des accrocs. Les vestiges de cette cloison se remarquent parfaitement, 1° à l'Ouest, dans le soubassement d’un mur séparatif du cimetière précité (côté Nord) ; 2° à l'Est, dans la base du mur de la cour de la maison Lorvol, derrière le portail. Sur les Lices, entre la maison Bourdon-Bassac (anc. Gobé) et la maison au sud, les traces  d’une tour, dite du Lieu, se sont longtemps conservées dans la construction du four Ducal, où est aujourd’hui la boutique d’un coutelier. Toute la Lice a été gagnée sur la grève ! L’existence de cette cloison n’est pas mentionnée ailleurs ; mais elle est positivement attestée par les vestiges encore visibles. D’anciens avancent que la maison de ville, ancienne cour des comptes, aurait été construite en dehors des murs d’enceinte, dont les fondements auraient été entrevus un jour ; ce mur serait-il donc la continuation de celui qui s’arrête aujourd’hui à la hauteur de la place Henri IV, et qui, au dire de M. Bizeul, passait par la cathédrale ?

Ces anciens murs étaient évidemment la muraille gallo-romaine dont on retrouve quelques fragments dans le mur de l'Est du jardin de M. Mauricet ; dit M. Le Lièvre, dans son travail sur les murailles de Vannes vers 1856, il ajoute : « Ils (les Cordeliers) construisirent, vers 1260, leur monastère en dehors des murs ; cependant en s’y adossant ils se fortifièrent, et leurs murs peuvent être considérés comme étant les murailles de la ville ; ils ne présentent aucune particularité ».

Ajoutons nous-mêmes comme complément que les douves, les larges douves, du fond desquelles s’élevaient ces murs, ont été comblées en 1863 et années suivantes des terres extraites du coteau des tribunaux.

Cette Jehenne, veuve du duc Jean IV depuis 1309, est la mère d'Arthur, comte de Richemont, le futur connétable de ce nom. Elle le mit au monde le 23 août 1393, au château de Sucinio.

Cette duchesse était petite-fille de Jean II, roi de France. Reprenons notre tournée. — Nous avons dit que l’étang du moulin des Lices aurait bien pu fournir de la matière à l’exhaussement des places du Poids public et de la Poissonnerie, mais un étang plus ou moins étendu existait déjà dans ce bas-fond, puisque par une charte de 1380, le duc jean échange son étang et moulin de Pencastel, en Arzon, contre celui des Lices qui appartenait à l’abbaye de Saint-Gildas (M. l’abbé Luco).

 

LE CHATEAU DE L’HERMINE

Quoiqu’il en soit, suivant d'Argentré (L. IX. chap. 3) :

« Le Duc faisoit lors hastir le chasteau de l’Hermine, qui est situé en un costé de la ville de Vennes, regardant sur un bras de mer qui donne aux murailles de la ville. C’est un petit bastiment pour un prince, qui consiste en un seul corps de logis, et force petites tours issantes les unes et autres sur la douve, grande partie portée en murailles et demy tour : et y a outre d’eux grosses tours par le dehors ».

Commentant cette description, M. le chanoine Mahé ajoute : « On voit que du côté de l'Orient, le château s’étendait jusqu’au mur qui regarde le ruisseau de la Garenne et la douve. Des deux grosses tours qui étaient extérieures au château, l’une existe encore et l’autre, que j’ai vue en mon enfance, était située au lieu qu’occupe aujourd’hui la maison dite Lagorce. — Du côté occidental, le château prenait vue sur la place des Lices, qui avait peut-être plus de largeur qu’aujourd’hui. Le 4ème dimanche de Carême, dit Albert Le Grand,. S. Vincent Ferrier chanta la messe et prêcha, non pas en la grande église, mais sur un échafaud dressé en la place des Lices devant le château de l’Hermine, duquel les fenêtres, créneaux, tours et guérites étaient remplis de peuple. En rapprochant le passage de d’Argentré de celui de Le Grand, on voit que le château de l’Hermine était situé entre la Porte-Poterne et la tour qui est au nord de cette porte, et le nom de Basse cour que porte encore le chemin contigu à cette tour vient de ce qu’il était la basse-cour du château. Ce manoir fut démoli en 1614 ». Toute cette description de M. Mahé n’est pas exacte. D’une orientation préconçue est née une conclusion précipitée qui a été acceptée avec trop de complaisance, depuis soixante ans. Les détails qui vont suivre, extraits, ligne par ligne, des documents conservés dans nos archives, donneront à la situation du château et à l’étendue de ses dépendances une physionomie toute différente au point de vue de l’orientation.

Ce manoir ne fut pas démoli en 1614. Disons plutôt qu’il se démolissait dans l’abandon pendant le cours entier du XVIIème et XVIIIème siècle ! On ne paraissait y songer que pour lui prendre les pierres de ses murs. Voici en effet un document portant la date du 1er juillet 1688. C’est un procès-verbal de bannie en langue vulgaire à la porte de la cathédrale, annonçant l’adjudication d’un escalier à entreprendre pour monter sur les murailles de la ville entre la Basse-cour et les ruines du château de l'Hermine, « requis et nécessaire y estre fait pour l’utilité publique, et faire sur les dites murailles, six esligements de lieux en forme de latrines en l’endroit des créneaux qui sont sur les murailles, — à l’usage du peuple, — attendu le grand nombre de personnes qui se rendent à la suite du parlement à présent séant à Vannes. (Comme aussi faire six autre lieux entré la porte Notre-Dame et celle de Saint-Salomon) ».

Il y avait à l’autre extrémité des fossés du château, plus bas vers la mer, une écluse, c’est-à-dire un barrage. Elle fonctionna longtemps sans faire parler d’elle ; son utilité consistait à maintenir un certain niveau dans l’étang du moulin, au nord du château, c’est-à-dire du côté des Lices. Cependant il advint un jour, le 9ème d'Avril 1688, qu’elle fit assez mal son service pour provoquer un procès-verbal dont voici la teneur : 

« Pierre Dondel, escuyer, seigneur de Keranguen, conseiller du Roy ; seneschal et 1er magistrat au présidial de Vannes, estant en nostre logis, le Sr procureur du Roy présent, scavoir faisons que ce jour, 9ème d’avril 1688, sur les quatre heures de l’après-midi, quantité de personnes du fausbourg Saint-Patern, le Sr Pellissier, économe de l’hôtel-Dieu et le Sr Ragot, sindic de cette ville nous seroient venu trouver, qui nous auroient requis de vouloir tout présentement dessandre audit fbg Saint-Patern, que tout y périe par le débordement des eaux, causé par l'excluse du château qui les retient, de manière qu’elles ne peuvent s’escouler, ce que nous leur aurions à l’instent accordé, et estans allés audit fbg Saint-Patern et entrés aussi dans l’hostel-Dieu, nous y aurions veu les eaux déborder de tous costés. Ce fait, nous nous sommes transportés à l’excluse dudit châu, où nous aurions mandé Claude-Vincent Janglas, Guillaume Gahinet, Pierre Le Mélinaire, molinier du Duc et des Lisses, et plusieurs autres assistants pour faire lever les palles de la dite excluse, les quels nous ont dit qu’il y a plus de huit mois que les dites palles ne se peuvent plus lever, les pieds n’estans plus attachés aux palles et planches, ce qui provient de ceque les distes palles n’ont pas esté bien faites et qu’au lieu de chevilles de fer pour tenir les planches, on n’y en a mis que de bois qui se sont rompues ; cependant, leur aurions ordonné de faire leur possible pour tascher d’enlever quelques-unes et s’estans mis en devoir, nous avons veu qu’ils n’ont levé que les pieds des dittes palles, sans qu’ils soient venu aucune planche, ce qui nous aurait obligé, voyant l’eau augmentée considérablement se déborder, d’ordonner, le consentant le procureur du Roy, aux dits artisans de couper des poteaux du milieu de la dite excluse, ce qu’ils ont fait en nos présences, et ensuite les eaux se sont escoullées facilement et diminuées tout d’un coup, et avons ordonné au dit sindic de payer aux dits artisans douze livres, ce qu’il auroit fait à l’endroit. Ce fait, nous nous nous serions retirés et rédigés le présent procès-verbal, sous nos signes, etc. ».

Enfin un arrêt de la chambre des comptes et un extrait du registre des finances réfèrent par lettres patentes du mois de mars 1697, que le roi, Louis XIV, accorda à la ville de Vannes et lui permit de démolir et prendre les matériaux qui restoient au château de l’Hermine, pour être employés à la construction d’un quai à vis la rue Basse de Calmon. Ces deux pièces sont les jugements qui ordonnent l’enregistrement des dites lettres patentes au greffe de ces deux différentes cours (Notes : Ces lettres patentes ne se retrouvent plus dans les archives municipales, non plus que le registre des délibérations afférent à diverses périodes du XVIIème siècle. Les lacunes sont signalées depuis un siècle sur un registre d’inventaire).

12 août 1697. — Mais nous avons, sur parchemin très bien conservé, l’extrait des registres du bureau des finances et chambre du domaine de Bretagne, à Vennes, portant l’arrest qui ordonne l’enregistrement des lettres patentes du mois de mars 1697.

En 1697, le château masqué de tous costés, condamné depuis longtemps, le fut officiellement par le document que voici : «  Les conseillers du Roy, présidents, trésoriers de France, généraux des finances, grands voyers en la province de Bretagne, veu les lettres patantes du Roy, données à Versailles, au mois de mars dernier, signé Louis, sur ce repli par le Roy, Colbert, visa Bouchenet, et scellées du grand sceau de cire verte obtenues par les Maire et habitans de la ville de Vennes, par les quelles Sa Majesté leur a permis et accordé de faire démolir et prendre les matériaux qui restent au château appelé de l’Hermine, de la ditte ville, dont la ditte Majesté leur a fait don pour s’en servir à la construction d’un quay du costé des Capucins, dans la rue Basse de Calmon pour l’embellissement et commodité des marchands de la dicte ville, ainsi que plus au long est exposé aux dittes lettres, les pièces refinés et attachées sous le contrescel d’icelles requête à nous présenté par les dit Maire et habitans de Vennes, tandante pour les causes y contenues à ce qu’il nous eust pleu voir les dittes lettres patantes cy-devant dattées et en conséquence ordonner qu’elles seront enregistrées, pour avoir effet suivant la volonté du Roy, la dite requeste signée Bocou, procureur, nostre ordonnance estant au pied en datte de ce jour 12ème aoust présant moys et au portant que le tout soit communiqué au procureur du Roy, conclusions du substitut du dit procureur du Roy et tout considéré. Le bureau des finances et chambre du domaine, faisant droit sur les dittes lettres, requestes et conclusions du substitut du procureur du Roy a ordonné que les dittes lettres seront registrés au greffe pour jouir par les impétrants de l’effet d’icelle bien et dûment, suivant la volonté du Roy, sans préjudice des droits du Roy et d’autrui, fait et arrêté audit bureau des finances et chambre du domaine à Vennes. Ce douzième aoust mil six cent quatre-vingt dix-sept. F. BIDAULT ».

En 1707, dans un état de réparation de pavés on lit : « vis-à-vis de la Porte-Poterne et autour du pont de la Garenne, il s’est trouvé 63 toises de long ; de plus, il y a à commencer vis-à-vis du château de l’Hermine, descendant vers la glacière (près de l’écluse), jusqu’au détour du parapet des douves vingt-trois toises, puis, vers la chapelle du Festy et la porte de Saint-Vincent etc. ».

De 1707, nous passons à 1720. Le 11 septembre, la communauté permet de prendre pour des constructions à l'Hôtel-Dieu, des pierres du château de l'Hermine, accordé à la ville de Vannes. Elle arrêté qu’il pourra être pris des pierres qui pourront se trouver abattues, sans pouvoir faire nouvelle démolition.....

Quatre ans plus tard, en 1724, le 12 avril, « le sieur de Kernodidon-Touzé, avocat de la communauté remontre que, sous prétexte de la démolition faite de partie des tours du château de l'Hermine, pour la construction du pont de  pierre de la Porte Saint-Vincent, en conséquence de la donation faite par le Roy, tant pour la construction des quais que pour autres ouvrages publics plusieurs particuliers se sont ingérés et s’ingèrent de disposer, tant de jour que de nuit, des pierres de taille et autres matériaux en dépendants, qu’ils enlèvent et emploient à leur usage particulier, quoique la communauté en ait besoin, tant pour la construction d’une maison au profit de la communauté que pour s’indemniser envers le domaine, de la rente de cinquante livres dont elle était chargée au lieu et place de pareille rente qui étoit due pour une boutique et petit logement servant autrefois de corps de garde au bout du pont de la porte Saint-Vincent, tombée en ruines et qu’il a été permis de démolir et en rebâtir un autre ailleurs le long des parapets ; pourquoi il requiert que la communauté ait à délibérer et donner ses ordres, afin de faire assigner en justice ceux qu’il pourra découvrir avoir fait les enlèvements et dispositions des matériaux du château, et au cas qu’on ne puisse autrement les découvrir ni les prendre, demander permission d’obtenir et faire publier monitoires et aggraves contre les delinquants et pour parvenir aux condamnations proportionnées au délit parce que préalablement la délibération sera envoyée à Monseigneur l'Intendant pour avoir permission de la mettre à exécution, suivant les arrêts du conseil — approuvés »

Pendant les années suivantes la démolition s’exécute et de 1726 à 1735 se construisent les quais de Calmont bas.

LE CHATEAU DE L’HERMINE EN 1750.

A la séance du vendredi, 6 février 1750, la communauté assemblée en corps politique, où M. Dubodan, maire, présidait, M. de Kermasson-Bourgerel, avocat de la communauté, a remontré que M. le Maire a été chargé par le R. Père Beaubois, jésuite, supérieur de la Retraite des hommes, de prier la communauté de vouloir bien lui accorder un secours de pierres et matériaux dans l’ancien château ruiné, pour la réédification qu’il se propose de faire, incessamment d’une nouvelle chapelle à la retraite (collège) au lieu et place de l’ancienne qui menace ruines, et dans laquelle sont les deux classes de seconde et rhétorique, qu’il est également nécessaire de rétablir, etc. Mais, pour mettre la communauté en état de délibérer avec connaissance de cause et à l’effet de veiller à la conservation des murs et clôtures de la ville, M. le Maire a fait examiner le terrain par M. Le Maire, qui a bien voulu en faire le devis dont la teneur suit :

« Après avoir vu et examiné ce qui reste à démolir de l’ancien château situé près de la Basse-Cour, il a été estimé qu’il peut y avoir encore 23 à 24 pieds de hauteur qu’il convient de démolir et diforme, à prendre depuis le tourillon qui joint le bastion où sont les vieux canons, jusqu’au mur qui sépare le château du terrain afféagé à M. Dondel, sans cependant pouvoir outre passer le niveau du couronnement qui reste à la tour du même côté, parce que aussi le tout sera garanti du côté de M. Dondel, avec obligation de la part du suppliant de laisser ou faire faire à chaux et sable un mur de séparation de six à sept pieds de hauteur et d’épaisseur convenable pour servir de clôture du même côté, sans qu’il soit permis de toucher aux parements de dehors et du dedans de la tour qui joint ledit ancien château ; et comme il se trouve actuellement jeté et dispersé en différents endroits, tant au pied des murs que le long de l’étang de la basse cour une quantité considérable de pierres d'oeuvre provenant de l’ancienne démolition, ce qui a été estimé pouvoir produire le nombre d’environ 250 charretées que la communauté doit se réserver pour ses besoins, il est à propos de convenir qu’il sera laissé sur les lieux, après la démolition et enlèvement des matériaux, le même nombre d’environ 250 charretées de moellons et gros blocages que la communauté se réserve pour ses ouvrages, ce qui sera estimé par expert surtout quoy il requiert que la communauté ait à délibérer et a signé : KERMASSON ».

Et en marge :  «  Pour acceptation : Firmin LE Roux, recteur du collège de la C. de Jésus — N. S. LE BEAUBOIS ».

Sur quoi la communauté délibérant a accordé la demande, le tout sous le bon plaisir de Monseigneur l'Intendant, et, au surplus, la communauté a prié M. Le Miére de veiller à ladite démolition. Ont signé : DUBODAN ; FUMIEL, archidiacre de Vannes ; J. TOUZE-DUGUERNIC, trésorier ; BUISSON, grand chantre ; BOSSART, scolastique ; CHANU ; BOURGEOIS ; l’abbé DE SEREAC ; l’abbé MAUDUIT ; MALLET ; LE MIERE ; DE KERARDENE-GILLOT ; DUFOUSSE ; DU BREIL-JARNOT ; LA RIVE ; MOIGNO-MESQUET ; LOUEDEC ; LEVIAVANT ; FABRE ; LARMOR-LAUZER ; GALPIN ; GALLES, l’aîné ; DESALLEURS ; PIHAN ; PLISSON-LATOUR ; NICOLAZO , greffer ; et LAUNAY, avec les officiers de la communauté. 

Finalement, en 1784, l’emplacement est vendu avec les derniers débris.

 

Acquisition du sieur Julien Lagorce.

Du 18 octobre 1784, « la communauté assemblée en corps politique en l’hôtel et maison commune de cette ville, sur les dix heures du matin, après les bats et sons de cloche à la manière accoutumée où M. Le Menez de Kerdelleau, maire, présidait, et où étoient MM. Poussin, de la Haye, Francheville de Plailain, Guéhenneuc, recteur de Saint-Pierre, Pihan, Soymié, Lebrun, Ménard, Pichon, Le Petit, Brunest, Bodin, Galles, Le Magnen, fils, et Hervieu. M. Hervieux, procureur de la communauté, vous représente une requête adressée à MM. le Maire et échevins de cette ville par le sieur Lagorce, maître traiteur, dont il vous plaira prendre lecture pour ensuite délibérer, et a ledit sieur Hervieu signé.... Sur cette remontrance, la communauté a arrêté d’accorder au sieur Lagorce le terrain mentionné à sa requête aux conditions y portées.  A la séance du 15 mai 1786, où étoient présents (en plus) MM. de la Touche, Bourgerel Lucas, Le Monnier, Caradec, Serre, Brûlon, Goujon et Bertho.

M. Caradec remontre que Lagorce, traiteur, l’a prié de représenter à la communauté que l’afféagement, à lui consenti par acte du 14 may 1785, a été approuvé le 11 mars par M. l'Intendant, pour quoi il demande que ledit acte et l’approbation d’iceluy soient transcrits sur le registre à la suite de la présente pour y recourir au besoin, et qu’il serait de nouveau permis au dit Lagorce de jouir et de disposer du dit terrein, conformément au dit acte, et qu’au pied de la première délivrance d’iceluy le greffier soit autorisé à lui donner une copie dûment certifiée de l’approbation de M. l'Intendant de l’enregistrement d’icelle. Sur laquelle remontrance la communauté délibérant a arrêté que le dit acte et l’approbation seraient enregistrés, etc. ».

Voici l’acte d’afféagement du sieur Lagorce :

« Devant nous, Notaires royaux de la sénéchaussée et présidialité de Vannes, soussignés furent présents nobles maîtres Alexandre-Tremeur-Marie Le Menez de Kerdelleau, conseiller du Roi, maire en titre de la ville et communauté de Vannes, et Ambroise-Jacques-Mathurin Caradec, avocat au Parlement, demeurant séparément en cette ville, agissant pour la communauté de la dite ville, aux fins de la délibération du 18 octobre 1784, qui sera controlée avec le présent ; lesquels, sous le bon plaisir de Monseigneur l'Intendant, ont transporté, concédé et accensé au sieur Julien Lagorce, maître traiteur en ladite ville, y demeurant, même paroisse Saint-Pierre ; présent et acceptant, la propriété, possession et jouissance d’un terrain situé entre le pont de la Porte-Poterne et l’ancienne écluse établie sous le cabinet de M. Dondel, donnant d’autre pari à maison et dépendances du dit sieur Lagorce et au chemin qui conduit du pont à Calmon, à la charge à lui de tenir le dit terrein à relever roturièrement du domaine du Roi de cette ville et d’y payer à l’avenir toutes les rentes auxquelles il peut être sujet, d’entretenir les murs et parapets depuis l’ancienne écluse jusqu’au bout du pont de la Porte-Porterne et le bardeau qui retient les eaux pour les porter à l’étang du moulin des Lices, même de construire à ses frais un mur ou parapet dans une partie de la longueur de ce terrein, où il n’en existe plus, de laisser et entretenir un écoulement libre aux eaux de la rivière qui ne seront pas nécessaires pour le service du moulin et enfin de payer annuellement une rente censive de deux sols tournois, au 15 mai de chaque année, à commencer le premier paiement de ce jour en un an et ainsi continuer d’année en année à perpétuité ; les dites constructions et entretiens estimés 80 livres. La dite concession ainsi consentie et acceptée, faite et passée au dit Vannes, en l’étude et au rapport de Hervieu, l’un de nous, notaires royaux soussignés, etc. Lesquels ont déclaré ne point reconnaître la roture du terrein référé au présent et n’avoir point de connaissance qu’il soit assujetti à aucune rente vers le domaine, sous les seings du dit Lagorce et les nôtres, ce jour 14 mai 1785 » (Note : Voir la minute en l’étude de Maître Buguel, successeur).

Le sieur Lagorce, devenu propriétaire du terrain où étaient entassés les débris du château, fit construire un hôtel, que les contemporains appelèrent de son nom. 

Par acte passé par devant Maître Jollivet, notaire, le 6 fructidor an X (soit 1803), Lagorce vendit, au prix de 60,460 fr., son immeuble et ses droits à M. Castellot, négociant à Lorient.

La maison Lagorce devenue l'hôtel Castellot, puis Jollivet-Castellot, a été cédée à M. Thareau, entrepreneur à Vannes, lequel, après l’avoir restaurée et surélevée, l’a rétrocédée, en 1874, à l'Etat, pour en faire l’école d’artillerie.

Voilà l’histoire authentique et véritable des destinées du château de l’Hermine. On verra ultérieurement que ses dépendances s’étendaient à droite jusqu’à la tour du Connestable sur un terrain où se trouvaient la Basse-Cour et le Jeu de Paume ; à gauche, la chapelle ducale fut bâtie par le fils de Jean IV, Jean V, 1427-1428, sur la place qui régnait entre le château et le couvent des Cordeliers...

Ainsi placé, le château avait vue sur la place des Lices, et, de ses fenêtres, on pouvait voir saint Vincent chantant la messe et prêchant sur un échafaud dressé en la dite place devant le château de l'Hermine. Il n’y a de changé dans le spectacle que l’orientation.

Le château fut à Vannes la dernière construction du moyen âge. Habité pendant 150 ans, puis abandonné aux injures du temps, il se démolit pièce à pièce, pierre à pierre, pendant trois siècles (Note : On peut voir, dans l'Annuaire du Morbihan de notre confrère M. Lallemand, pour l’année 1853, l’indication des personnages qui l’ont occupé). Ses salles vides et délabrées, sans portes ni fenêtres, se  disloquant, s’écroulant, s’effondrant, se renvoyaient l’écho d’une musique connue aux jours de fête et plus souvent le chant lugubre d’un Requiescant in pace. Il allait disparaître, mais, non loin, survivait seule, grâce à sa destination, la chapelle ducale de Notre-Dame des Lices.

 

LA CHAPELLE DES LICES.

Celle-ci devait prolonger son existence et rester ouverte jusqu’à la fin du XVIIIème siècle. Les cérémonies religieuses y étaient rehaussées par le sonore et harmonieux concours d’un jeu d’orgues. Mais rien ne dure ici bas ! Un jour sa justesse laissant à désirer, le facteur, Paul Maillart, appelé en consultation, déclara qu’il était requis d’en faire revue ; la dépense sera assez forte ; qu’à cela ne tienne. Si la générosité ducale a fait son temps, on s’adressera à celle qui fut toujours prête à doter et à encourager les bonnes oeuvres. Par délibération de la ville et communauté de Vannes, dattée du XIXème d’août 1624, il est ordonné au sieur Kerquiris, présent comptable de délivrer, pour ayder à la refection d’un jeu d’orgues, la somme de trois cents livres à missire Julien Rouldaut, prestre, recteur de la paroisse de Surzur, chanoine de la cathédrale de Vannes, l’un des administrateurs de la chapelle ducale dédiée à la Vierge, nommée la chapelle de Notre-Dame des Lices. Cette chapelle était pourvue d’un cimetière limité, au N.-0., par la cloison de ville dont la trace se voit dans la cour de la maison où s’installe un négociant (M. Menais).

LA LICE, LES LICES OU LISSES.

Lice (du bas-latin liciœ, clôtures) ? enceinte destinée aux tournois, combats à la barrière, des chevaliers ; aux courses de tête et de bague, etc... La lice correspondait à ce qu’on appelait chez les anciens, stade, arène ou cirque ; elle différait peu du champ clos.

Le plus souvent elle était coupée en deux par une barrière. On entretenait encore des Lices sous Henri II (1559) ; mais les tournois ayant été abolis après la mort tragique de ce roi, les lices cessèrent en même temps d’avoir aucune utilité de cette nature.

Lices — ensemble de poteaux formant une clôture continue — provencal laissa, layssa, lissa ; espagnol liza ; italien lizza, liccia ; B. latin licia, pieu, liciœ, défense mise autour d’un camp, d’une ville. Origine incertaine. Du Cange le tire du latin licium, trame, à cause que les pieux sont rangés comme les fils d’une trame ; étymologie que Diez rejette, parce que le sens n’est pas satisfaisant. Diez conjecture le moyen haut allemand letze, rempart, mais il remarque lui-même que le changement de l'E en I n’est pas facile. On a indiqué le bas-breton les, lice, mais on ne sait si les n’est pas un emprunt fait aux langues romanes ; d’après la Villemarqué — lis est encore en Bretagne le signal du combat au bâton qui se livre pendant la nuit des morts. — Scheler, remarquant qu’en anglais lice se dit list, propose de regarder lisse comme la bonne orthographe et d’admettre que lisse est pour liste, dans sen sens primitif de barrière, clôture. Tout considéré, l’opinion de du  Cange reste la meilleure et très probable (Dictionnaire Littré).

DEPENDANCES DU CHATEAU DE L’HERMINE, SON PARC ET SON MANOIR DE PLAISANCE AU XVème siècle

Si le château de l'Hermine était matériellement contenu dans un îlot très resserré qui aurait bien pu lui donner l’aspect d’une prison, il ne faut pas croire que son fondateur avait omis de lui donner tous les agréments inhérents à une résidence ducale. Comme le château de Sucinio avait un parc immense comprenant à peu près toute la presqu’île de Rhuys, ainsi que l’atteste le mur aujourd’hui en ruine, qui se prolonge de Saint-Armel au Tour du Parc, le château de l'Hermine avait aussi le sien, c’était la Garenne, la petite, Garenne, l’étang du duc, les prés du duc de chaque côté, le Grador, dont le nom breton - le Greu — indique la destination, l'Etable, le Verger et Lanoe, où subsiste encore le mur de clôture et finalement le manoir de Plaisance, au bord de la route de Rennes.

Sur la route de Nantes, à la place d’un stationnement romain, les anciens ducs s’étaient créé une autre résidence, un autre parc, celui de l'Estrenic (Er-ster-ic) le petit cours d’eau que la mer remonte jusqu’à Saint-Léonard. La foire qui s’est perpétuée à Saint-Laurent — analogue à celle de Saint-Symphorien et à celle. du. Bondon, — rappelle sans doute la même origine.

Le duc, Jean IV, avait aussi à Morlaix un beau, grand et spacieux parc, fermé de hautes murailles, rempli de bêtes fauves pour le plaisir et déduit de la chasse (Voir Albert Le Grand).

La maison de Plaisance, située à un tiers de lieue de Vannes, dont le tracé est aujourd’hui perdu au bord d’un marécage, formait un des compléments de la résidence ducale de l'Hermine. Bien qu’oubliée depuis longtemps, l’origine de Plaisance n’est pas ensevelie dans la nuit des temps, attendu qu’elle est consignée dans l’histoire à la date de 1433. Dom Morice cite un extrait du compte d'Auffroy Guino, thrésorier-ès--années 1433, etc.. « Allocation à Monsieur le comte de Montfort, pour lui aider à édiffier sa maison de Plaisance ». Or, à cette époque, ce comte était le fils aîné de Jean V, le duc régnant et de Jeanne de France, la soeur de Charles VII. C’était l’héritier présomptif du duché, François né à l'Hermine, le 11 mai 1414 d’après dArgentré. — Marié en 1431, c’est-à-dire à 17 ans, à Yoland d'Anjou, que son frère, le roi de Sicile, avait dotée de quatre-vingt mille cinq cents escus, le comte de Montfort avait reçu de son père quatre mille livres de rente à prendre sur le Sussinio (Sucinio) et la terre de Raix ; il en avait obtenu précédemment la ville, le château et la châtellenie de Fougères, etc. Ce fut sans doute pour être à proximité de l'Hermine et chez eux que les jeunes époux firent choix de ce bas-fond, attenant aux dépendances du château paternel. C’était un nid caché dans un bosquet. Plaisance ne fut pas longtemps le lieu de raffraîchissement, de paix et de repos que les heureux possesseurs s’étaient proposé de s’y créer. Dès 1440, la comtesse, après avoir perdu son fils unique, expirait en son hostel de Plaisance appartenant au Duc. Elle fut inhumée aux Cordeliers de Vannes (aujourd’hui, rue Lehellec — café Bonneau).

Le comte de Montfort devenu duc en 1442 avait épousé la même année Isabeau d'Ecosse. Cette princesse était charmante dit Alain Bouchard ; les ambassadeurs que Jean V avait envoyés près d’elle, lui rapportèrent , qu’elle était parfaitement conformée, qu’elle aurait sans doute de beaux enfants, mais que ses discours ne brillaient point par la finesse. Raison de plus pour l’amener à mon fils, répondit le vieux duc (il avait 50 ans) ! Par Saint-Nicolas, j’estime une femme assez instruite, quand elle sait distinguer sa chemise d’avec le pourpoint de son mari (Note : Comme devait dire Molière, Quand la capacité de son esprit se hausse - A connaître un pourpoint d’avec uni haut de chausse).

Cette opinion donne la mesure du cas que l’on faisait, au pieux moyen âge, de la plus belle moitié du genre humain. Elle se pèse comme un rouage de machine et n’en est pas plus estimée. Dans cet ordre de choses, la cour ducale suivait de près les allures de la cour de Charles VII. Agnès Sorel était la tante de la dame Antoinette de la Magnelais, Veuve Villequier. S’il eut vécu un peu plus longtemps, le vieux duc aurait vu ses desiderata amplement débordés, car la belle duchesse ne sut, dit-on, même en public, distinguer son mari d’un favori commun. En cela d’ailleurs il n’y avait pour l’un ni pour l’autre rien de singulier !

Cette nouvelle duchesse n’apporta donc à son époux que la déconsidération et le malheur stigmatisés par l’histoire. Les beaux jours de Plaisance n’avaient pas été de longue durée.  Pendant que la France, occupée par les Anglais depuis un siècle, entrevoyait sa délivrance, grâce aux efforts du connétable de Richemont, oncle du duc François, celui-ci, mené et dupé par un favori (Arthur de Montauban) glissant dans le sang de son frère Gilles, en proie aux cruelles angoisses de la douleur physique et des remords, venait, à l’âge de 40 ans, terminer sa carrière à Plaisance.  Sentant l’approche de sa dernière heure ; il y manda son frère Pierre, son confesseur, les évêques de Dol, de Quimper, de Saint-Brieuc, de Nantes, suivis de nombreux seigneurs, et se promenant lentement dans sa chambre, il leur dit que, n’ayant pas d’enfants mâles, il voulait que son frère lui succédât et que, si celui-ci décédait dans les mêmes conditions, la succession au duché de Bretagne, échût à leur oncle Arthur, le connétable de Richemont, ce qui s’effectua pour ce dernier en 1457. Isabeau, restée veuve avec deux filles, devait prolonger ses jours pendant plus de trente ans, dans les ennuis et la douleur d’une existence effacée. Elle vécut à Sucinio, à Vannes et fit son testament au palais épiscopal du château de la Motte. Le 27 juin 1495, elle fait une fondation en l’église de Vannes (D. Morice). On ne trouve pas la date de sa mort. De ses deux filles, Marguerite, l’aînée devenue la Malheureuse épouse de son oncle François II, n’en eut qu’un enfant qui mourut avant elle. Elle-même, abandonnée dans l’isolement, succomba de chagrin en 1469, laissant à Marguerite de Foix, seconde femme du duc, l’honneur de donner le jour à Anne de Bretagne qui naquit le 26 janvier 1476.

Ces détails ont paru nécessaires pour expliquer l’éloignement de la famille ducale et l’abandon des résidences de l'Hermine, de Lestrenic et de Plaisance. 

Ainsi dès le mois de juin 1458, le manoir de Plaisance et ses appartenances furent cédés par le duc Arthur III à Guillaume de Malestroit, évêque de Nantes, pour en jouir durant sa vie, pourvu qu’il ait les ustensilles par inventaire et en réponde (D. Lobineau, Col. 1202).

En 1486, le duc François II donna à l’abbaye de Prières le château de Plaisance pour décharger son domaine de 100 livres de rentes qu’il lui devait pour les fondations de ses ancêtres. La terre de Plaisance comprenait trois métairies nobles au dit lieu, une autre non dénommée et le moulin de Kerolet près de Tréalvé. Le fermage annuel, qui était de 600 livres d’abord, fut élevé plus tard à 900. A la vente des biens ecclésiastiques le tout fut acquis nationalement par la famille de Châteaugiron, propriétaire de Beauregard.

Il n’est pas aussi facile de dévoiler les destinées de Lestrenic, près de Saint-Laurent. Jean IV, dans son testament, cite Pierre de Lestrenic. Jean V y reçoit saint Vincent. Pierre II y est en 1455. Le mur du parc existe seul ébréché par les siècles. Il y eut la station romaine. Autour de la chapelle de Saint-Laurent, nous avons découvert de la brique à rebord.

Les beaux jours et les splendeurs de l'Hermine ne devaient pas se prolonger au delà de la troisième génération de Jean IV.

A la mort de François Ier, Pierre son frère, puis Arthur de Richemont son oncle, cessèrent de résider à l'Hermine, au moins d’une manière permanente. Le dernier duc, François II, se fixa à Nantes, et, après lui, la duchesse Anne ne vit peut-être jamais le château de son grand-père. Avec l’abandon plus ou moins complet à partir de 1500, la destruction commence avec l’insouciance des gouverneurs, les conséquences de l’annexion, et la prépondérance séculaire des villes de Nantes et de Rennes.

La ville de Vannes, par son commerce maritime, tentera de conserver son importance ; elle en viendra même, après les épreuves du XVIème siècle, à se croire, au XVIIème, en possession d’une prospérité impérissable. Mais les extrêmes se touchent : grandeur et décadence se donnent la main !.

 

Parc de la Garenne. — Les prés du duc. — L’étang du duc.

Aujourd’hui, Messieurs, nous allons faire une promenade extra muros. Pendant les siècles précédents, les bourgeois, manants et habitants de la ville close ne pouvaient guère songer à se donner de l’air hors de l’enceinte murée. Les routes, voies et chemins étaient à ouvrir et à rendre praticables — du côté du Nord-Est — la paroisse de Saint-Patern, ancien campement de l’occupation romaine, qui s’étendait du moulin de l'Evêque à l’étang du Duc inclusivement, puisque le cimetière romain était aux champs de Beaupré, où se sont bâties les casernes d’artillerie, ne communiquait avec la ville que par la porte Saint-Pater ; toute la partie basse que nous appelons Douves de la Garenne, était, nous l’avons dit, un immense marécage qui se prolongeait à l'Est par le Parc de la Préfecture jusqu’au pont de la Tannerie, aux abords de la cascade de l'Etang du Duc. Tandis que nous y sommes, disons pour n’y plus revenir que la chaussée qui servait de viaduc aux routes de Nantes, et de Rennes, est attribuée, ainsi que le moulin lui-même, aux Romains qui inventèrent ou connurent, dès le commencement de l’ère chrétienne, ce précieux agent de la force hydraulique.

Le quartier de la Garenne, par le marais précité, se partageait en grande ou haute Garenne et en petite Garenne. Celle-ci ne peut se reconstituer qu’à l’aide des vieux parchemins plus ou moins lisibles et plus ou moins bien conservés dans les archives départementales 1° de l'Hôpital Saint-Nicolas, 2° du couvent des Frères prêcheurs, dominicains de Saint Vincent.

Dans les premiers, on voit que le terrain compris aujourd’hui entre la rue Saint-Nicolas et le coin du grand mur de la Garenne constituait le domaine de l'Hôtel-Dieu vers 1630. Il n’y avait en dehors de la clôture qu’un passage incertain pour le public. Depuis 1613, une somme de 900 livres avait été dépensée pour la construction de neuf du pont de la Garenne, à pnt (à présent) appelé le Pont-Neuf ; pour le garnir de pierres de taille aux costés, de poultres et de gardes-foubz, mis pour servir de passage à un homme à cheval, allant de la ville et forsbourg de Saint-Pater au forsbourg de Calmont et ailleurs.

Cette voie de communication s’élargira à la longue et séparera définitivement du chateau de l'Hermine le plateau de la Garenne, qui en constituait le parc. L’étendue de cet enclos était considérable, car il comprenait tout l’espace limité au Nord par l’étang du Duc et qui s’appelait les Prés au Duc. Il y avait donc depuis la chapelle ducale des Lices, le château ducal, le parc ducal,. les prés, le moulin et l’étang du Duc ; tout un domaine seigneurial.  

Ici, je copie dans l’annuaire de M. Lallemand, 1853, les paragraphes suivants. Le testament fait par Jean IV, en 1385, au moment de quitter la Bretagne pour un de ses fréquents voyages en Angleterre (Actes de Bretagne T. II. Col. 497), peut aussi nous fixer sur la date de la construction et sur l’étendue du château de l'Hermine.

« Item voulons que toutes les terres, maisons et autres pièces qui ont été prises tant de la terre de l'Eglise que d’autres personnes pour l’oeuvre et réparation de notre chastel de l'Hermine, soient prisées justement et paiées à ceux à qui il appartiendra ».

Nous y trouvons aussi l’explication et les motifs que dom Lobineau prétend ignorer du procès que Henry le Barbu, évêque de Vannes et chancelier de Bretagne, nommé un des exécuteurs de ce testament, fit au duc, en 1397, en cour de Rome, où il l’accusa d’exactions injustes et tyranniques. Ne serait-ce pas parce que les terres prises à l'Eglise de Vannes pour le château de l'Hermine n’avaient pas encore été payées ?

Ces terres devaient relever du prieuré de Saint-Guen, membre de l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys. Le parc ne faisant qu’un tenant avec Plaisance, était bien peuplé. Un document, relégué avec des milliers d’autres aux archives de la Loire-Inférieure (aujourd'hui Loire-Atlantique), nous apprend qu’en 1524, permission fut nécessaire à Jean de Kermeno, capitaine à Vannes, de laisser paître dans les prés nommés Prés-au-Duc les cerfs, les biches et daims du parc du château de l'Hermine. Hélas ! dans ces prés fleuris plus de duc pour les pauvres bêtes!  premières victimes de l’annexion, elles durent attendre, dans les angoisses de la famine, l’autorisation d’aller brouter, comme des mendiantes, l’herbe d’autrui. Les prés furent loués sans doute comme le parc, avant l’aliénation du domaine du roi qui se fit sous la juridiction royale de Vannes, au profit de Pierre Salmon de la moitié des prés au Duc, paroisse de Vannes ; Jacques Morin et consorts de la seconde moitié des prés au Duc, paroisse de Vannes. — Jean Chédanne, du four banal des Lices, en la ville de Vannes (1569). — (Voir aux archives de Nantes, B. 1107, 1569, 1571).

Nous inclinons à penser que ces prés devaient avoisiner l’étang ; nous y sommes d’autant plus porté que le Grador s’appelle en breton le Kraou, Kreu (Er greu, c’est-à-dire la vacherie, la bergerie, l’étable). Vous voyez d’ici que ces verdoyantes prairies ne devaient pas faire trop triste mine dans le domaine ducal, vu du Champ-Gauchart (c’est-à-dire à gauche).

Il nous reste à la mairie de Vannes cinq actes de location. Le premier porte la date du 2 janvier 1602 ; il fait voir que le parc devenu désert, comme le château devenait inhabitable, pouvait être encore d’un certain profit pour le gouverneur qui, dans sa terre d'Arradon, laissait s’ébouler le château de l'Hermine.

Voici le bail No 1 :

«  Le second jour de janvier mil six cens deux, après midy, par la court de Vannes, devant nous, Notaires d’icelle et submission et proroga[ti]on de juridiction y promise et jurée par serment et obligation de biens et personnes, a comparu en personne Mre Bertrand Le Moguédec, prestre, demeurant au lieu de Kerdréan d’Aradon, en la paroisse d’Aradon, faisant le faict valable sur et tenable por messire René daradon, chevalier de l’ordre du Roy, seigneur de Kerdrean d’Aradon, Kerhervé, Kerat, etc. capitaine du ban et ariere ban de levesché de Vannes, gouverneur et capitaine des villes et chasteaux de Vannes, Auray, portz et haures du Morbihan, Quiberon, et auquel il affirme faire ratiffier le pnt (présent) acte du jour et an, à paiement de tous despans, domasges, mises et interests en son privé nom lequel a faict bail a titre de ferme pour le temps et terme de trois ans et trois parfaites levées, qui commenceront au jour et feste de la chandelleur prochaine venante et finissante à pareil jour les d. trois ans revolus à Pierre Moisson, Me seillier, demeurant sur le Marcheix de Vannes, prenant et acceptant, la Guaraine estant derrière le chasteau de cette ville de Vannes, et en despandant ainsi qu’elle se contient et poursuilt, à la charge de ne rien démollir ni laisser démollir ; ni bescher en aucune façon, pour d’icelle guaraine le d. Moisson jouir au d. tittre de ferme soubz et de par le d. Le Moguedec, au d. nom durant les d. trois ans d. cy dessus et pour en payer de ferme par chacun an au d. sieur d’Aradon la somme de vingt-cinq escuz, etc. ». Suit la longue. Formule de promesses de paiement, et les peines encourues pour défaut.

Le second est daté du 26 février 1608 :

« Le bailleur N. h. François Pedronic, sieur de Collizac (Note : Notons que deux cents ans auparavant le gouverneur du jeune Arthur, comte de Richemont, s ‘appelait Péronnit), demeurant au château de l’Ermine, faisant et stipulant pour hault et puissant messire René d’Aradon, auquel il promet faire ratifier à baille et delessé à Jau Daniel, tanneur, demeurant rue de la Tannerie, la jouissance du parc et garenne du chasteau de l’Ermine pour trois ans, et paiera le.  preneur la somme de cinquante livres tournois pour chacun an... ».

Le troisième est du 28 juin 1620 :

« Après midy, par la court de Largouet, etc ont comparu de leur personne le même René d'Aradon, sus qualifié et en plus capitaine de cinquante hommes d’armes de l'évesché de Vannes, gouverneur de... etc. Port-Navallo, ports et haures, costes ; (meptes) Rades et dépendances seigneur d’Aradon, Quenepily, Camors, Le Plessis, Boulmelen, Kerrat, Quelbellec, et faisant sa plus continuelle résidence en sa maison d'Aradon, et Armel Le Gal, bouscher, lequel accepte, pour cinq ans, à titre de ferme, la jouissance du tout des pâturages de la Garenne de Vannes moyennant la somme de quarante-huit livres et s’oblige sur tous ses biens, meubles et immeubles, etc. ».

Du quatrième, en date du 5 août 1631, « il appert que le même, qui est devenu en plus baron de Vieux-Chastel, seigneur de Crugueil, Lizandre, Kermaria, Kerougant, Trégastel, La Porte-Verte, etc., a autorisé honorable homme Thebaud Bechet, marchant tavernier, demeurant au carrouer Saint-Nicollas, de faire mettre et planter, on la petite garenne, dépendant de son dit gouvernement de Vennes, une cleuvière à ses frais, laquelle contiendra de longueur cinquante aulnes pour estandre du drap à seicher, après avoir été foullé, et paiera le preneur pour chacun an trante soubz tournois sous les mesmes garanties »

Cinquième bail enfin :

« Le 15e de décembre 1633 a comparue haulte et puissante dame René d'Aradon, faisant et stipulant pour messire Pierre de Lannion, son mary, sus qualifié également, laquel a baillé pour cinq ans à Maury Robert, bouscher, la jouissance de la grande et petite garenne dépendant du chasteau, au prix de quarante-cinq livres tournois. Signé : Pierre DE LANNION . Je, qui soubsigne, baron de Vieux Chastel, gr de Vannes, consant l’exécution de la ferme cy-dessus. Fait à Rennes, le 24 décembre 1633. Pierre DE LANNION. - BLAYS, notaire royal ».

La garenne était donc, comme ce qui se voit à Auray, Hennebont, Quimperlé et Quimper, une haute colline abandonnée aux fantaisies. d’une végétation naturelle, forestière, fluviatile et maritime à la fois. Cet état de choses ne pouvait se prolonger à perpétuité.

L’administration de l'Hôtel-Dieu ou Hôpital Saint-Nicolas, dont l’installation en ce point remonte à une date inconnue, se chargea, vers 1634, d’assainir et d’utiliser une portion de la petite garenne.

Les Dominicains, Frères Prêcheurs de l’ordre de Saint-Vincent-Ferrier, obtinrent, après sollicitation. et enquête, la concession d’une autre portion. 

29 décembre 1634. — « Procès verbal de l’estat de la Petite Garenne par M. le séneschal René Coué, sieur du Brossay, conseiller du Roy, seneschal du siège présidial de Vennes, scavoir faisons que ce jour, vingt-neuvième jour de décembre 1634, à mon logis audit Vennes, ont comparu les humbles religieux, frères prescheurs reformez de Saint-Dominique du couvent de Saint-Vincent de cette ville, représenté en personne de humbles et dévots pères, frère Jullien Hellot, vicaire au susdit couvent, Thomas Guenot, sacriste, Jan de Saint-Thomas, Jan Gefrard, procureur sindic, religieux dudit couvent, lesquels nous ont remonstré en présence du sieur avocat du roy audit siège, qu’ayant presenté requeste au roy, a ce qu’il eust pleu à Sa Majesté, leur faire don de certains marais vagues et infructueux et d’un endroit appellé la Petitte Garenne, située au bas et proche la Garenne de cette ville, au derrière de terres auxquelles lesdits religieux ont commencé à faire bastir leur église et couvent, le roy auroit renvoyé ledit placet à Monseigneur le cardinal, duc de Richelieu, pair de France, gouverneur de Bretagne, pour donner son avis à Sa Majesté, sur le contenu d’icelluy et ensuilte Monseigneur le cardinal nous auroit renvoyé ledit placet pour donner Notre advis sur icelluy, ainsy qu’il nous est aparu par actes au pied dudit placet l’un du 14ème de novembre dernier, signé Boutsilier et l’autre du 12ème dudit mois, signé de Monseigneur le Cardinal, aux fins duquel renvoy lesdits Religieux Nous ont requis voulloir dessandre avecq ledit sieur advocat du Roy au lieu où sont situés lesdits marais et petitte garenne pour voir l’estat d’iceux et en prendre le mesurage et debornement, les commodittés et incommodittés et sur en ouir experts et gens qui connaissent, comme de tout temps immémorial, la ditte petitte garenne et marais ont esté vagues infructueux, sans prée ni labeur et sans aucun revenu, et de leur en donner acte et procès-verbal, pour icelluy envoyé à Sa Majesté et à Monseigneur le Cardinal leur estre pourveu sur les plans, ainsy qu’il plaira à Sa dite Majesté, suivant quoy nous serions dessendus avecq ledit sieur advocat du Roy ayant Monsieur adjoint les soubzscript aux lieux où sont sittués lesdits marais et petitte garenne, au fauxbourg Saint-Pattern, proche ladite ville, fort proche et en joignant le bastiment en commencé de l’église et couvent desdits religieux, lesquels marécages avons veu donner d’un bout au pont de la garenne, qui sert pour aller de ladite ville et du fauxbourg à Calmont et sur la hault garenne, d’autre boult au pont de pierre qui sert pour aller de ladite haulte Garenne au moulin à papier et aux moulins du duc, d’un costé au bas et tout le long du joignant de ladite haute garenne et de l’autre costé à ladite pièce de terre appelée la petite garenne et à autre pièce de terre octroyée cy devant auxdits religieux à condition de rente à l’hopital par la communauté dudit Vennes, et en laquelle pièce avons veu le commencement du bastiment de l’église et couvent desdits religieux, lesquels marais ou marécages avons veu chargés de jonchées, vasieres et autres mauvaises herbes infructueuses et dans iceux avons veu un canal qui conduit desdits moulins du Duc et dessandant au moulin de la Ville et servant en partye à le faire mouldre, avons aussy veu que ladite pièce de terre ou motte appellée la petitte Garenne est aussy sans labour, ny prairie, non hayée, ny close, et est  joignant d’un costé auxdits marais, d’aultre costé à jardin dudit fauxbourgs quy respondent sur icelle, d’un boult audit moulin à papier et de l’aultre boult à ladite pièce de terre où est en commencé le bastiment de l’Eglise, et procédant au mesurage desdits marais, avons prié et mandé d’offrir noble homme Jacques Gouyon ; sieur de la ville Morel, priseur noble et arpanteur demeurant en cette ville, auquel l’ayant fait mesurer après son serment pris de s’y porter fidellement, nous a raporté qu’ils contiennent cinq journaulx ; et ayant aussy fait mesurer ladite pièce de terre appellée la petite Garenne, nous a raporté qu’elle contient deux journaulx, et a ledit sieur Gouyon signé en la minutte, ainsy signé : Gouvon ».

Et « pour informer que, de mémoire d’homme, lesdits marays et petite Garenne n’ont jamais été cultivés, labourés ni ensemencés, et ont esté tousiours infructueux et sans revenus et ont tousiours este en mesme estat quils se voyent à presant, lesdits religieux ont fait comparoir les personnes de Arme! Ridant, âgé d’environ soixante dix ans, Guillaume Le Quilliec, âgé de plus de soixante ans, Guillaume Benoist, âgé de soixante dix ans, Patern Houellart, âgé de cinquante ans et Guillaume Le Bourdiec, âgé de quarante-cinq ans, proches voisins, habitans dudit forshourg, desquels les sermens pris de dire véritté et séparément ouis, ont tous dict que de toute leur connaissance ils ont veu, mesme ainsy qu’ils ont ouy dire a leurs prédécesseurs et aultres anciens du forshourg et proches voisins des lieux, que ladite petitte Garenne et marais ont esté tousiours communs et en mesme estat qu’ils se voient encore à presant sans estre labourés, cultivés ny ensemencés, et sans aucun revenu ny profits ce qu’ils ont affirmé véritable et ont dit ne scavoir signer.  De quoy avons raporté le presant acte et procès-verbal soubz nos signes dudit sieur advocat du Roy, et des dits religieux et de mondit adjoint et ordonne que ledit placet et acte au pied seront enregie, au pied du presant, ce qui a esté fait à servir comme il partiendra ainsi signé frère Jullien Hellot, humble vicaire, frère Guenot, frère Jan de Saint-Thomas, frère Jan Gefrard, procureur sindic, René Coué, Hierosme Gibon, Louet, greffier ».

De 1634, il faut feuilleter ce qui resté des délibérations de la communauté jusqu’à 1678, avant de trouver une nouvelle mention de la Garenne. « Cette année, le 15 juillet, la communauté de Vennes délibérant sur la proposition de noble homme Henry Daviers, sindic d’icelle pour la construction d’une promenade sur la Garenne de cette ville, dont il a représenté le plan et projet, la communauté a prié M. de Lannion de vouloir  en escrire à Monseigneur le duc de Chaulne. Ont signé : Claude DE LANNION, C. V. DE FRANCHEVILLE, DONDEL, Jan BOSSARD, G. BIGARÉ, J. TOUZE, CHEDANNE, BIGARE, LE VAILLANT, FRANC, DRONEZ, Julien DIGUET, LE GAL, LE QUENDEC, René RIO, GOBE, LE GARD, MARQUET, NICOL, OUBON, H. DAVIERs, sindic »

 

VANNES au XVème et au XVIème siècle.

L’histoire ne nous ayant laissé aucun renseignement assez détaillé sur l’état de la ville de Vannes, avant l’ouverture du XVème siècle, nous allons tenter une description d’après la physionomie qu’elle devait offrir à cette époque, c’est-à-dire pendant le séjour de S. Vincent Ferrier et les années suivantes ; quelques éléments seront fournis par les témoins entendus en en 1453 à l’occasion de la canonisation du célèbre dominicain.

Le 9ème témoin a vu Vincent officier sur une estrade élevée sur une grande place devant l’église cathédrale — plusieurs autres mentionnent la grande place devant le château de l’Hermine. La première aurait donc servi d’emplacement au bâtiment du Présidial, dans la 2ème moitié du Xvème siècle. Il est serré de près par nombre de maisons de bois remarquables seulement par leurs bizarres irrégularités. — C’est que le terrain est cher à l’intérieur de la cité, — tout le monde veut se concentrer autour de la cathédrale ; il n’y a de salut, ni de sécurité surtout, que dans la ville close.

Voici derrière la cathédrale les tours jumelles de Saint-Pater, la tour des Filles, celle de la Pouldrière et celle du connétable à l’est, avec leurs toits coniques ; voici, vers le sud, les tours issantes du château , de l'Hermine, se mirant dans l’étang du moulin des Lices, dominant, de bas en haut, cette grande place qui s’étale de la basse cour aux Cordeliers, la chapelle de Notre-Dame des Lices est au milieu, comme pour sanctifier le point occupé par saint Vincent. Près du château s’ouvre la Porte de Calmon. Elle s’y voit encore dans la cour de la maison Dondel — avec la demi-tour de ce nom et la tour Trompette — un peu plus vers le sud toujours — de l’autre côté de l’eau s’ouvrait la porte de Gréguiny ou de la terre de Ker. Ces deux portes ont servi jusqu’en 1625. Cette dernière dessert encore la cour du bastion de la maison Jarret, place de la Poissonnerie ; — on y voit de lugubres cachots ; le premier est pourvu d’un sinistre crochet. La porte avait de chaque côté un tourillon en maçonnerie, très vulgaire, c’est peut-être le type de la première construction des murailles. (Note : Les trois bastions pentagonaux ne s’élèveront qu’à la fin du siècle suivant). Le moulin des Lices (espèce de moulin à mer), était pourvu d’une chaussée qui s’avançait des Lices jusqu’à l’endroit occupé par la porte Saint-Vincent — suivant quelques observateurs cette chaussée aurait servi de double quai aux navires — car les places de la Poissonnerie et du Poids Public auraient été gagnées sur la mer.

LA MAISON DE VILLE.

En remontant les Lices, voici, après la basse cour et le jeu de Paume, un grand bâtiment presque contigu, sinon séparé par la cloison de ville qui devait s’étendre de la Tour du Connétable à la Porte Mariolle ; c’est la ci-devant chambre des comptes.

Visitons cet immeuble. On ne sait depuis quelle époque il existe en ce point, au fond d’une cour, séparé de la tour du connétable qu’il masque, par une ruelle dite la Petite Bose. La maison est spacieuse, mais en fort mauvais état, car elle est inhabitée depuis qu’elle a perdu sa qualité de cour des comptes.

Suivant des lettres patentes du roi François Ier, 1534 (insérées in extenso dans l’annuaire de 1853), elle aurait été donnée à la ville de Vannes ; mais, par suite d’une cause inconnue, ce don resta lettre morte puisqu’en 1558, la communauté dut produire une nouvelle requête que voici :

Requeste des habitans. — 1558. Au Roy, Sire, Il y a en notre ville de Vennes une maison qui Vous appartient, la maison de la chambre des comptes, pour ce que antiennement la chambre des comptes de Votre pays de Bretaigne, qui est aujourd’hui à Nantes, y estoit establye. Laquelle maison, pour ce qu’elle a depuys esté inhabitée, elle est aujourd’huy si caducque et ruynée quelle est preste a tomber, de facon quelle usera presque autant quelle vaut a rebàstir. Nonobstant laquelle ruyne, pour ce que les d. habitans vont point de maison commune pour traicter leurs affaires communes, mesmes pour retirer si peu de munitions de guerre quilz ont comme il leur est tres requis, estant ville limitrofe et de frontière scituée et assize sur un havre de mer. Et pour ce les d. habitans supplie tres humblement de Votre Majesté leur bailler et delaisser la d. maison pour cy faire une maison de ville et a charge daquiter la rente deue sur icelle a quelques particulliers. Davantaige a la recharge de vous payer chacun an franchement et quietement a votre propre domaine de Vennes la somme de cinquante solz de . rente. Auquel effect et charge . elle ne se peult entre mieulx employée , attendu mesmes que vous avez au d. Vennes ung auditoire pour l’exercice de la justice, voire un des plus beaux et commodes de la Bretaigne, si grande comme est, la cours du parlement du d. pays scy est contentée lorsquelle a este seante en la d. ville, et le quel vault plus de deux cens livres de rente.

La présente requête …… au général de la charge…… le procureur du roy oy …… s’informer de la qualite et valeur de la maison mentionnée et … etc.

Ce manuscrit, chiffonné et lacéré, a été rajusté grossièrement avec des pains à cacheter et un morceau de papier, lequel étant trop court, n’a pu préserver la fin de cet antique document.

Cette requête ne devait recevoir de solution qu’après enquête, car un parchemin du 1er février 1560 contient ce qui suit : Lettres patentes concernant la Maison de ville de Vannes et le don enfaict par Sa Majesté. Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, a nos amez et féaulx les gens de nos comptes en Bretagne, Tresorier de France et général de nos ……  au dit Pays, salut et dillection. Nous vous renvoyons la requeste cy-dessoubz notre contrescel attaché a nous notre prive conseil pnté (présenté) de la part de nos bien amez les bourgeois, manans et habitans de Vennes, et vous mandons et eniognons que Notre procureur appelle, vous informez la commodité ou incommodité que nous pourrions avoir en baillant et delaissant aux supplians la maison et quel debvoir de cens et rente par chacun an, et nous en donner sepparément vos advis pour ce faict, et le tout rapporté par devers nous estre pourvu aux dicts supplians ainsi quil appartiendra par raison, car tel est notre plaisir. Donné à Orleans, le 1er febvrier, lan de grace mil cinq cens soixante et de notre regne le 1er. Par le roy (Charles IX) en son conseil, DE BARBERE. Sur un fragment de parchemin chiffonné, etc.....

Nous n’avons pas découvert le résultat de l’enquête. Mais la prise de possession s’accomplit ; la cour des comptes devint la maison commune et fut, en 1580, surmontée d’une massive tour carrée pourvue d’une horloge. Elle a dû être démolie en 1863.

Eh bien ! si, comme on l’a dit depuis près d’un siècle, le grand corps de logis du château de l'Hermine s’était développé jusqu’à la tour du Connétable, ayant tout bourgeoisement sa façade principale sur la Lice et derrière cette ancienne chambre des comptes, et ce principal corps de logis étant abandonné, je vous le demande, quelle administration aurait pu songer à jeter son dévolu sur le mauvais bâtiment et laisser le château se disloquer dans l’abandon ? C’est que le château a vue sur la Lice, mais il n’y est pas. C’est un petit bâtiment, dit d'Argentré, mais très bel et très fort ; dit Froissart, situé assez près de la ville ; oui, assez près mais d’un accès trop difficile pour devenir un hôtel de ville.

A partir de cette époque, le contre-coup de l’immense révolution qui s’accomplit dans le monde européen va s’étendre jusqu’au fond de l’occident. Après la Renaissance, voilà la Réforme.

ALERTE A VANNES ET SES  EFFETS (1573-1576).

Les archives communales, qui ferment le fond de cette étude, ne remontant pas au delà de la fin du XVIème siècle, nous sommes forcé de nous contenter du peu que nous avons, et encore ce peu qui nous reste nous a été conservé d’une manière toute particulière. Voici comment : Les comptes de la communauté de ville, tenus par les mizeurs, devaient être approuvés par les Etats ; les documents soumis à l’approbation attendaient de longues années, dix, quinze et même trente ans, l’examen de la commission des comptes. Pour expliquer le vide de nos archives, M. Lallemand rappelle que les documents ont été brûlés lors de l’incendie, allumé par les Anglais, à la cour des comptes séant à Muzillac, on ne sait quand. Quoi qu’il en soit, les comptes des mizeurs, examinés à Nantes, n’en sont pas revenus ; nos Archives n’en contiennent que le transcript, avec les observations finales de la commission.

Les délais précités sont prouvés par la forme même de la rédaction ; on y lit à chaque paragraphe : le feu miseur aurait fait telle ou telle dépense, il y a ou il n’y a pas lieu de lui en tenir compte.

Pour les années 1573 et 1574, pendant lesquelles des réparations auraient été faites, on lit ceci :

1° Au pont de la terre de Ker ou de Gréguinic. (Nous savons aujourd’hui que cette porte se voit dans le mur de la maison qui fait fade à la place Poissonnerie) ;

2° A la porte Saint-Salomon ;

3° Aux chaînes de la porte de Ker ;

4° A la porte neufve (en face de la place du Marché) ;

5° Au pont-levis de la porte Calmont, il faut placer un marbre (lisez arbre, c’est-à-dire treuil) ;

6° Encore aux pontz de Calmont et de Saint-Pater.

La ratification de ces comptes fut longtemps suspendue « à raison des derniers troubles, au milieu desquels le compte original en aurait été perdu, avec plusieurs autres papiers de grande conséquence, et les comptables n’auroient pu recouvrer qu’une copie non signée ». Que pouvaient être ces papiers, sinon ceux qui nous font défaut aujourd’hui ? La maison de ville aurait-elle été mise à sac ? Les troubles, d’ailleurs, étant déclarés, on peut en rechercher les causes. Qu’on se rappelle l’histoire du Pauvre Bûcheron :

«  Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ?

En est-il un:plus pauvre en la machine ronde ?

Point de pain quelquefois, et jamais de repos ;

Sa femme, ses enfants, les soldats., les impôts,

Le créancier et la corvée.

Lui font du malheureux la peinturé achevée ».

Le peuple se serait-il abandonné aux funestes conseils de la faim ? Les ressources de la ville s’absorbent en travaux neufs de fortifications et de réparations aux murailles. On trouve mention de grandes dépenses, par exemple à la tour de la porte neuve, vers l’extrémité occidentale de la rue de l'Ancienne-Préfecture, puis aux murailles prochement le manoir épiscopal, vis-à-vis la rue du Mené.

Ce n’est ici qu’une mince parcelle des indigences, c’est-à-dire des réparations dont les remparts ont besoin.

L’an 1573 est peut-être une des premières années où le compte des miseurs va s’accroître d’un chapitre nouveau et tout plein d’un gros et sinistre pronostic. Ce chapitre est intitulé Monture et accoustrage d’artillerye, achapt et charroye de pouldres à canon, frais requis, etc., pour la fortification et réparations de la d. Ville.

Ce dernier quart du XVIème siècle n’est pas, en effet, une période de calme, c’est bien plutôt un temps des plus horriblement troublés.

Après les longues guerres du règne de François Ier, période de prodigalité et de malheurs qui n’eut d’éclat que par la renaissance des lettres, voici les guerres de religion qui s’allument d’un bout à l’autre, non de la France, mais de l'Europe et même du globe, si l’on songe aux atrocités qui ensanglantent déjà le Nouveau-Monde.

Nous sommes au lendemain de la Saint-Barthélemy ; sans rappeler ici le tumulte et les cris, le sang de tout côté ruisselant dans Paris, nous rapprocherons seulement les événements suivants.

En 1562, le massacre des protestants à Vassy, par les gens de François de Guise, donne le signal de la guerre.

En 1563, François de Guise est assassiné par Poltrot de Méré, gentilhomme protestant de l’Angoumois.

1572, son fils aîné, Henri de Guise, commence la Saint-Barthélemy, cédant aux insinuations de son frère le cardinal de Guise. L’un et l’autre seront assassinés à Blois, en 1588, par les gardes du roi Henri III.

En 1589, l’année suivante, celui-ci sera assassiné par Jacques Clément, religieux dominicain.

A Charles IX, mort en 1572, avait succédé son frère Henri III. Si le nouveau roi occupe le premier rang, on peut voir encore au second plan l’ombre de sa mère Catherine de Médicis. La situation est hérissée de difficultés, et, pour comble, au roi il reste un jeune frère. C’est François, qui fut successivement duc d'Alençon, d'Anjou et de Brabant. Le caractère de ce prince ne démentait pas les dispositions de sa race. Nous ne le connaîtrions peut-être pas, s’il n’avait eu, pour nous le peindre, des personnages bien placés pour l’apprécier. Avant d’être Henri IV, le roi de Navarre, son beau-frère, en avait dit : Il a si peu de courage, le coeur si double et si malin, le corps si mal basti ! Et Marguerite sa soeur, donnant le dernier coup de pinceau, ajoutait : Si toute l’infidélité était bannie de la terre, il la pourrait repeupler. Tel est le prince dont le nom se trouve dans nos archives en l’an 1576.

Du dernier jour de mars, d'aultant qu’il y avoit, lors bruit de guerre et crainte de surprinse de la ville, tant de la part de feu Monseigneur d'Alençon que d’aultres qu’on appelloit mal contans, fut par bourgeois et habitans advisè de faire promptement travailler à la fortification de la ville, tans curer les douves, y faire trancher douves sous les portes et spécialement faire racoustrer la porte de Gréguinic qui menaçoit ruine, à quoy fut commencé par Olivier Cadoret le dict jour, ayant avecq lui trois massons, et pour la journée fut payé quatorze sols, cy …………………. xiiiis. A chacun des trois aultres massons, neuf solz, ce qui est vingt sept solz, cy ……….  xxvijs. Et pour leur donner coeur au travail, il est fourni au d. Cadoret et aux cherpentiers une colation dont le coût est de cinq solz ……………. Vs.

Et pour ce que le lendemain, 1er avril, dict an, soixante seize (1576) auroit esté résolu en l’assemblée commune de la d. ville, qu’oultre les deux corps de garde, il en seroit posé deux aultres aux tours et clochers des églises S.-Pater et S.-Pierre ainsi que des sentinelles de bois aux Cordeliers, une aultre au mur S.-François, à chacun des quelz il seroit fourni par nuict huict fagots, quatre bûches et une livre de chandelles. Le quel fournissement se continua jusqu’au mois de juillet ; suit le total, montant à 209 liv. 4 solz ou 69 escuz 2/3. Viennent ensuite des battellées de pierres de massonnage, il en vient par vingtaine, au prix de quinze solz. La charrettée de pierre de taille à douze solz.

On bâtit sans doute le bastion du Brozillay, derrière la baronnie de Ker (hôtel de Bazvalan), vers Kerfranc ; et des Lamballays, sous la direction d'Olivier Cadoret, visitent les pontz-levis, les herses, les barrières de S.-Salomon, de S.-Pater, de la terre de Ker (Poissonnerie).

Pendant ces opérations, on a remarqué que l’on ne possède pas d’artillerye pour armer tours et murailles. On n’a pas assez de canons ; on en empruntera à un seigneur du voisinage. « Pour le payement et sallaires de cinq hommes qui furent envoyés avecq ung bâteau pour amener de l’artillerye que le sieur de Cardellan avoit presté à la ville, il est payé soixante-dix solz, y comprins leurs despans, et à Pierre Lemir qui alla avecq eux ».

C’était presque une batterie que prêta ledit sieur de Cardellan, car, trois ans plus tard (1579), nous trouvons : « Pour la conduite de quatre pièces de canon, depuis la ville de Vannes jusqu’au lieu de Cardellan (en face de la pointe O de l’Ile-aux-Moines) d’où elles avoient été prinses en prest que le Sr dudit lieu en avoit fait pour la sûreté et défense d’icelle, avoit ledit comptable payé à Pierre Le Mir, qui avait esté chargé de la conduite, la somme de trois escuz ».

Ces frais de fortification, réparation et curaison des murailles et des douves ne devaient pas s’arrêter là : c’est qu’un malheur, dit-on, n’arrive jamais seul ; en effet « les bourgeois et habitans de la ville ayant, le vingt-deuxième jouir de may mil cinq cens soixante seize, esté advertys par le Sr d’Estang, qui se tenoit lors avec Monsieur de Bouillé, gouverneur de ce pays, que le Sr de la Hunaudaye, lieutenant dudict Sr Gouverneur, voulloit faire aller ses troupes en la ville et forsbourgs de Vannes pour y séjourner quelque temps, fut faict assamblé des habitans. Les d. habitans assemblés prièrent ledit Sr d’Estang d’escrire au sieur de Bouillé pour empescher lesdits logements, ce qu’il promit faire, et fut chargé ledit feu Cillart de lui faire quelque présant, et lui payer sa despanse en ladite ville, au moien de quoy il paya pour une colation donné au d. Sr d’ Estang et au capitaine Rousselin qui estoit avec luy et aultres en la maison de Jacques, quarante neufs solz. Pour sa despance aux Trois Maris (sic) où il estoit logé un escuz et demy pour un jour (Auberge à l’entrée de la rue de Trois Maris forsbourg Saint-Salomon). Ce n’est pas tout ; pour du vin quy lui fut baillé en une bouteille pour emporter avecq luy dix-huit solz. — Pour un baril de confitures pesant trois livres et demye qui lui fut semblablement donné, deux escuz ».

Mais « le Sr d’Estang ayant escript fut advisé que le Sr Cillart et Yves Le Tillon, advocat, yroient de compaigny avecq ledit Rousselin, trouver le d. Sr de Bouillé pour le supplier d’envoyer ses troupes ailleurs — ce qu’ils firent — pour lequel voyage où ils furent occuper l’espace  de seize jours, fut par le Sr Cillart payé, - tant pour la despance des Srs Tillon et Rousselin et de luy, sallaires et autres misses nécessaires pour parvenir à la descharge desdites troupes la somme de cinq cens quatorze livres treize solz tournois, faisant huict vingt onze escuz, trente trois solz ».

Mais une nouvelle complication surgit inopinément. « Sur, la fin de mil cinq cens soixante dix-sept, lesdits bourgeois et habitans receurent nouvelles que le Sr de Bouillé voulloit envoyer quelques troupes de gendarmerye peur séjourner en ladite ville de Vannes ; à quoy obvier furent envoyées lres (lettres) au nom des habitans au Sr de Bouillé estant alors à Rennes, auquelles il fit response pour le soullaigement des habitans, laquelle response le Sr Cillart auroit reputé (représenté) en datte du cinquième jour de feuvrier au d. an, signé Bouillé. Pour le port des quelles lettres il auroit, à un messager envoyé exprès à cette fin, payé deux escuz ».

Sur ces entrefaites, le vingt neuvième de janvier ste dix-sept, le Sr d’Estang (domestique). estant arrivé en la d. ville, les habitans auroient commandé au d. feu Cillart de le prier d’escrire au Sr de Bouillé, en leur nom et faveur, pour l’effet cy-devant, ce qu’il auroit faict, et pour gratification lui fut payé à dejeuner vallant quarante cinq solz.

Le Sr de Bouillé n’en arrive pas moins à Vannes. « Semblablement demande aussi le comptable la somme de quatre-vingt livres, cinq solz par le sieur Cillart payé pour un thonneau de vin d’Anjou présenté par les habitans au d. Sr de Bouillé, lors gouverneur de ce pays — selon l’acte d’attestation, etc.».

Les habitans n’en avaient pas fini. Après le Gouverneur, voici venir un colonel. « Le Sr Jan Justel présent comptable annonça que les dix-septiesrne jour de décembre soixante seize, le Sr de Strossy, colonel de l’infanterie française arriva aussi à Vannes pour aller voir les navires à Morbihan (Port-Navalo) et se logea aussi à l’hostellerye des Trois Maris, où le d. feu Cillart, par l’advis des habitans, accompagné de Jan Chedanne, Jan Foliard et Guillaume Regnault, lui alla faire la révérence en leur nom et présenter de leur part trois estamaux de vin, de trois pintes (0,93 centil., chacun estamaulx), l’un de vin d’Espagne, au prix de dix-sept solz le pot (2l  17s), l’aultre de vin d’Orléans, à huict solz le pot, et le troisième de vin d’Anjou, à sept solz le pot, revenant le tout à trente-sept solz, six deniers » (au-dessous est écrit comme fin de non recevoir souffrance) !. Il faut s’arrêter, la panique prit fin, on se familiarise avec le péril. Mais au milieu des menaces de la guerre sévissait, sinon le mal qui répand la terreur, du moins quelqu’un des siens, nommé Maladie contagieuse, dont le seneschal Cillart fut une des principales victimes.

Avant d’en finir avec le XVIème siècle et pour suivre l’ordre chronologique, je crois devoir consigner ici copie d’un paragraphe qui ne semble pas avoir été vu par un rapporteur dont nous aurons à parler plus tard. Le document dont il s’agit est l’adjudication de cherpentes et couverture à faire aux tours de la ville : c’est la première mention rencontrée de la tour du Connestable.

Le dis-neuf ième jour de mai mil cinq cens quatre-vingt aurait esté par le Senechal procureur du Roy et greffier d’office du d. Vannes prins et appeliez avecq eulx Jacques et Claude Le May, cherpantiers, faict devis de reparaons de cherpante requises envyron la grand tour size sur les murailles de la d. ville allendroit de la Basse-cour du chaû appelée la tour du Connestable ; au bail a qui pour moingn des quelles réparaons après bannyes et proclamaons deument faictes d’icelluy par Le Treste, sergent de lui signé le premier jour du d. may au d. an, auroit esté procédé par devant le d. Senechal, le d. Pr du Roy pnt. (présent) à icelluy bail absolue à Pierre Le Guénédal, François Dano et François le Tignec, cherpantiers, à la somme de soixante escuz faisant neuf vingtz livres tournois, le iiij jr du mois de juing, icelluy bail cy rendu, signé Guymarho, greffier, au pied du quel est la quittance de la d. somme de... etc., etc.

Après vient le bail pour la couverture, montant à cinquante neuf escuz. — Le couvreur est Pierre Thébaud —, et un autre de quatorze escuz pour reparaons de toiture aux quatre tours estant à la sainture des murailles.

L’intérêt spécial de ces détails est de faire voir que les tours sont entretenues aux frais de la communauté, parce qu’elles lui appartiennent, tandis que le château de l'Hermine passé, avec la Bretagne et ses duchesses au domaine, de l'Estat, est abandonné à une dislocation, à une démolition plus que séculaire. Donc il ne tenait nullement à la tour du Connestable

EFFETS DE LA LIGUE A VANNES.

En parlant de l’alerte qui saisit les habitants de Vannes à la nouvelle d’une surprise possible de la part du duc d'Alençon et des Huguenots, j’ai laissé entrevoir les dangers et les catastrophes qui allaient accabler la France, la Bretagne et aussi la ville de Vannes. Ses remparts, ses grosses tours qui l’avaient plus ou moins protégée jadis, vont devenir de lourdes et onéreuses inutilités pour le temps présent et des objets de curiosité pour les générations futures.

De par la naissance d’une force nouvelle, il faudra changer de méthode, de tactique ; il faudra transformer l’art militaire et tant d’autres choses. Le moyen âge sous ce rapport a fait son temps. Ainsi le voudra la Renaissance. « L’aimable mot de Renaissance, a dit Michelet, ne rappelle aux amis du beau que l’avènement d’un art nouveau, et le libre essor de la fantaisie ; pour l’érudit, c’est la rénovation des  études de l’antiquité pour le légiste, le jour qui commence à luire sur le discordant chaos de nos vieilles coutumes ; est-ce tout’? » Non ! répondrons-nous, c’est avec l’imprimerie l’expansion des études scientifiques ; c’est avec la poudre à canon, la transformation des forces matérielles ; c’est le règne des engins pyrobalistiques de l’artillerie et de l’infanterie. Désormais la victoire et la domination seront le prix de quiconque pourra livrer en hécatombe le plus de chair humaine à la mitraille des canons ! C’est enfin la Réforme. A ce mot tout le monde s’agitait, les uns se laissaient surprendre, les autres voulaient demeurer neutres et indifférents, et les ambitieux, masquant leurs secrètes pensées, disposaient leurs batteries pour sauvegarder l’orthodoxie contre les hérétiques, et abattre le roi Henri III.

Nulle ville, en tant qu’agglomération d’hommes, ne peut rester indifférente aux choses de l’humanité. La ville de Vannes, dans ces conditions, allait subir le sort commun des villes de France et voir de près les horreurs de la guerre civile. Ses murs et ses canons resteront sans emploi contre un ennemi de l’extérieur. Elle va être amenée à ouvrir ses portes à de prétendus auxiliaires. Nous sommes au temps de la Ligue que va diriger le duc de Guise, et pour le plus grand malheur de notre région, le gouverneur de la Bretagne tient à cette fatale et ambitieuse famille.

Les troubles qui désolaient le royaume n’avaient pas pénétré en Bretagne, terre si éminemment catholique que les dissidents ne pouvaient y paraître à craindre. Mais Henri III, cédant aux liens du sang et de l’amitié, en avait donné le gouvernement à Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercoeur, dont il avait épousé la soeur Marie de Luxembourg, fille et héritière de Sébastien de Luxembourg, duc de Penthièvre, du chef de sa mère, Renée de Brosse, qui portait le beau nom de Bretagne comme descendante immédiate de Charles de Blois et héritière de ses prétentions sur la Bretagne.

Le premier pacte de la Ligue fut signé en 1577. L’assassinat des princes de Lorraine à Blois, en 1588, fut le  moteur de la Ligue en Bretagne. Alors aussi chancela la fidélité du duc de Mercoeur. De tous les princes de Lorraine, il fut le seul dont la révolte pouvait (jusqu'à un certain point) paraître appuyée sur le droit. Mais ses prétentions sur la Bretagne trouvèrent un compétiteur redoutable dans le roi d’Espagne.

Aussi vit-on les Espagnols, qu’il s’était vu forcé d’appeler à son secours, sur le point de s’emparer de la rade de Brest. Ses amis fussent devenus ses ses plus dangereux ennemis, si la haine des étrangers et de toute domination illégale n’eût été aussi fortement implantée au coeur des Bretons que le catholicisme lui-même (Voir La Ligue en Bretagne du chanoine Moreau). Reprenons l’ordre des événements ; le duc de Mercoeur reçut à Nantes la nouvelle de la mort de Henri III. Il expédia aussitôt le sénéchal de Fougères (Belvan de la Villereine) en porter l’avis à Rennes. La cour du Parlement fit arrêter le messager comme propagateur de fausse nouvelle, comme perturbateur, le fit juger, condamner et pendre sans désemparer. Scandalisé de ce procédé, le duc de Mercoeur, pour se venger sur personne de pareille étoffe, fit pendre le sénéchal de Laval, son prisonnier ! (Chanoine Moreau).

La famille de Lorraine se partageait en un nombre infini de branches dont les principales étaient celles de Vaudemont (Meurthe), de Mercoeur (Corrèze), de Guise (Aisne), de Joyeuse (Ardèche), de Chevreuse (Seine-et-Oise), de Mayenne (Mayenne), d'Aumale (Seine-Inférieure), d'Elbeuf (Seine-Inférieure),  d'Harcourt (Calvados). Alliée à presque toutes les maisons souveraines de l'Europe, notamment avec celles de France et d'Ecosse, elle avait vu les trônes de près, en France surtout, sous le règne éphémère de François et de Marie Stuart. Avec de la persévérance et de l’habileté, la fin justifiant les moyens, pourquoi n’y arriverait-elle pas un jour ?. L’avenir est plein de promesses. Henri III, le roi des mignons, n’a pas d’héritiers directs. Assassin des Guise, il peut être appelé au jugement de Dieu, et alors, fut-ce avec l’aide et la puissante coopération de Philippe II, le roi d'Espagne, à quoi ne peut-on, pas prétendre ? Toutes les précautions  sont prises ; pour sauvegarder la religion, le Pape Grégoire XIII a permis de faire la guerre au roi, et le roi d'Espagne ouvrira un crédit illimité. Trois mille millions de francs y passeront ! Il est père d’une princesse qui en sa qualité de la plus proche parente de Henri III, peut porter sa couronne royale. Elle possède d’ailleurs des dispositions qui n’attendent que l’occasion pour se manifester.

Quand Philippe II eut perdu l’espoir de placer la couronne de France sur le front de sa fille, il lui fit épouser Albert, fils de Maximilien II. Isabelle accompagna son époux dans ses guerres contre les Hollandais : se trouvant au siège d'Ostende, elle jura de ne changer de linge qu’après la prise de cette place, etc. Il devint couleur « Isabelle ? ».

A la mort du roi, la division fut complète dans tout le pays ; il n’y eut ni bourg ni ville qui ne comptât deux partis. L’un pour la Ligue, l’autre pour le roi nouveau. Le duc de Mercceur, remplacé dans son gouvernement par le comte de Soissons (Charles de Bourbon-Condé), entame l’exécution de ses projets.

Voici en, effet ce qui se trouve dans le compte de Louis Le Goff, miseur à Vannes :

Du temps et pendant la charge de celui-ci « auroient esté contrainctz les habitans de Vannes envoyé nombre de munitions de bouche à l’armée du sieur de Mercoeur, icelle estant lors ès environs de Pontivy, Josselin et Ploërmel en décembre 1589, auquel effet il auroit escript aux habitans par lettre du 2 décembre, de Pontivy, lui envoyer et fournir cinquante pipes de vin (soit 50 tonneaux), soixante mil pains de munition et pour recevoir munitions et les conduire en la d. armée, le général des vivres d’icelle apellé M. Dénis Boule auroit envoyé certain sien commis apellé Nicolas Corizan , avec commission du 4e dudict moys, lequel venu en la ville et exposé en main sa commission, auroient les habitans députté certains particuliers pour descendre aux selliers des marchands de vin peur gouster et prendre le susdit nombre de cinqunte pipes de vin et d’en faire délivrance audict Corizan, ainsi qu’il est veriffé par les coppies duquel nombre de vin ledict Corizan auroit reçu et pris de Rolland Pruneau et Yves Le Métayer quinze pippes de vin d’Anjou et en oultre auroit reçu dit mizeur le nombre de douze mil pain et trente-deux fustz de pypes pour les mettre de quoy toutefois les habitans n’ont pour le pnt (présent) l’acquit de Corizan, mais bien ont pour preuve la commission de Monsieur le Duc de Mercoeur, donné à Nantes le dernier jour de janvier 9590. De lui signé.

Et depuis, la dicte armée estant près Blavet, au moys de juing, l’an dict, auroient encore esté les habitans forcés de délivrer au susdict général des vivres le nombre de deux cens quatre-vingt deux pérées, deux bouesseaux fourment, saize pérées seigle et trante pippes de vin, lesquels auroient esté depuis estimez par ledict Boule à raison de deux escuz douze soubz la pérée de fourment et un escuz la pérée de seigle et vingt-trois escuz la pippe de vin, ainsi qu’il est veriffié par l’estal.

Le fournissement des susdictes parties de blés, pain et vin, auroit tourné au soulaigement du plat pays et paroisses des juridictions, d’autant que par ce moyen les gens de guerre de l’armée auroient esté empescher de se débander et couster des ravages par les paroisses du plat pays. 

Et pour la même cause, convient encore faire article d’aultre somme de trois cens huit escuz, pour le fournissement du nombre de quatorze pippes de vin d’Anjou et de Gascogne, dellivré à aultre général des vivres de l’armée — appelle Danboux ?.

Nos archives municipales ne possèdent, à ma connaissance, aucun document concernant le fait de l’arrivée des Espagnols à Vannes ; la série des délibérations de la communauté et les comptes des miseurs ont disparu.

Les deux cahiers qui nous restent nous sont revenus de la cour des comptes de Nantes en 1612.

Je le répète, il nous reste seulement deux cahiers. L’un a pour titre : « Reprises d’aucunes partyes rayées et tenues en souffrance au compte dont les payements ont dû depuis esté validez par le roi en 1612 ! dont le total est accepté pour 9383 escuz, cinq solz ». Avant cette validation, Louis Le Goff, le miseur de 1589 et 1590, était décédé depuis longtemps. Le cahier de 40 pages contient un aperçu de la dépense imposée à la ville de Vannes pour l'entretenement de l’armée espagnole. Les vexations et les violences qu’eurent à subir nos ancêtres de la part de ces malencontreux coréligionnaires, ne peuvent être comprises que par nos contemporains qui ont gémi, pendant l’année terrible, sous la domination des envahisseurs. Dans l’impossibilité de reproduire ces pages, citons seulement un ou deux extraits.

« A valloir telle somme qu’il plaira pour les intérêts de douze cens livres qui lui ont esté deus et ordonné de payer par la communauté, prés de dix années, pour l’aperçu de cinquante pérées fourmant et cinq pérées de seigle qu’il auroit esté forcé fournir pour ayder à parfaire le nombre de blez ordonné estre baillé à l'armée d’Espagnols estant en Blavet pendant les troubles derniers par Mgr le duc de Mercoeur ; il n’auroit été payé que le 8e jour de mai 1607. Les autres créditeurs, entre autres les héritiers Louis Le Goff ont esté désintéressés ; il demande la même faveur, attendu que la communauté peut plus aisément porter telle perte. Le grenier duquel pour avoir le d. blez fut rompu, et les portes brizées et souffrir beaucoup dégast et perte. Nosant se trouver pour faire la livraison à cause de l’insollance des soldatz espaignolz qui estoient à l’emport du bled, qui ne procédaient que de passion, poussez par l’animosité de quelques particuliers ; qui ne regardoient à la perte dudit comptable, exigeoit de lui le plus qu’il pouvoit, pour exempter ce qu’ils affectoient, comme par ce compte dudit Salomon on voira ce que chacun fut cotizé et taxé moingn ». En marge on lit : Rayé faulte d’acquit.

Au mois de Novembre 1589 apparaît « un compte pour achapt de quatre montons à raison de LXX s (70), trois grandes langues de boeuf du prix de 3 escuz LXX s, six perdrix, six bécasses, quatre canards, deux canes 1 escu ½, soixante-douze pains blancs à deux solz, pour le tout envoyé, fourni et dellivré au Sr de Kersalio, capitaine, pour la dépense de lui et de ses soldats qui l’auroient assisté au voyage lors faict à Rochefort contre les gens de guerre du party du Roy ».

Une franche lippée aux frais de la communauté de Vannes.

Au milieu de ces tribulations, les habitants ne perdent pas de vue l’oeuvre des fortifications. Elles ne nous paraissent avoir été d’aucun secours jusqu’à ce moment, seront-elles plus utiles dans l’avenir, nous le saurons ultérieurement.

Pour le moment, on a un bastion neuf ; c’est celui qui s’appellera de Brozillay (je ne sais pourquoi), celui qui a été démoli en partie par les spéculations d’un entrepreneur, devenu propriétaire de l’hôtel de Bazvalan, à  la place probable du manoir de la terre de Ker. Pour donner à ce bastion la physionomie requise par sa destination, il faudra le garnir d’artillerie. Jacques Le Douarin, marchant poillier, vendra et livrera un millier pesant de métail pour faire un canon. Christophe et René Le Papinec, fondeurs, seront chargés de la fabrication. A côté on avisera à curer et eslargir la douve et fossé —depuis la porte et le pont de Gréguiny (donc le 2ème bastion n’est pas bâti) et continuer jusqu’à la prochaine tour en montant vers la porte Saint-Salomon - suivant marché au prix de 18 sols par jour, payables le dimanche de chaque semaine pour le travail accompli.

Nous avons vu ce bastion se réduire à l’état actuel et ses douves se combler des déblais du coteau où se voyait la maison des Dames de la Retraite, pour faire place au tribunal ! Cette grande transformation n’a été arrosée d’aucune larme.

Rien ne dit que les Espagnols aient été occupés à ces opérations. On sait que le bastion, autrefois Bastillon, petit bastiment, construction supplémentaire, est un ouvrage de fortification ayant la forme d’un pentagone. Il se compose de deux faces formant un angle saillant sur la campagne (angle flanqué) de deux flancs qui rattachent le bastion aux courtines et d’une gorge qui sépare l’extrémité des flancs, et par où l’on entre dans le bastion ; l’union des faces aux flancs forment deux angles appelés angles d’épaules. L’espace renfermé entre les faces et les flancs est le terre-plein. Il y a des bastions réguliers et irréguliers, vides eu pleins, etc. On n’a commencé à se servir de bastions qu’au commencement du XVIème siècle.

La seconde chose que l’expérience a fait approuver à beaucoup de gens c’est de destacher les bastions des courtines, mêmes les porter outre le fossé. Ils ne laissent d’estre très bien défendus de (par) l'harquebuserie des courtines - (Lanoue, 337 dans Littré). — Courtine (mur entre bastions).

Ainsi, dés ce XVIème siècle, la ville de Vannes présentait dans son pourtour des spécimens 1° de fortification romaine ; 2° des grosses tours et murailles du moyen âge ; 3° des fortifications modernes. Quand viendra le célèbre Vauban, il trouvera son système établi jusqu’en Basse-Bretagne bien avant sa naissance. L’illustre ingénieur a vécu de 1633 à 1707.

Mais n’oublions pas que nous sommes au temps de la Ligue. Hennebont, puis Blavet sont assiégés et pris (Voir d’horribles détails dans le livre du chanoine Moreau, p. 113 à 118).

Un second document est un « Estat des dettes convenues par le corps de laville et communauté de Vannes pour les causes déduictes en leur requête, distingué par divers chapittres selon la diverse nature des debtes ». En marge on lit : Présant et affirmé par Me Jullien Salmon, conseiller et advocat du Roy au siège présidial de Vennes, députté par la communauté du d. Vennes par procuraon de la d. communauté en datte du sixieme apuril mil six cens.

ART. 1er. — Pour le subject des garnisons.

« A cest effect et pour le paiement de quelques restes deus aux gens de guerre establiz en garnison en la d. ville. — L’an mil cinq cens quatre vingt dix.

Auroit esté enjoinçt à Lous Le Goff lors procureur et mizeur des habittans dicelle par ordonnance à lui faicte à l’Assemblée de la ville, tenue le premier jour de febvrier au d. an, prendre et recepvoir de Gilles Cado, sieur de Couetualdy, la somme de mil escuz, laquelle le d. Le Goff, en la susd. qualitté auroit reçue du d. Cado. Plus pour la déduction du second employé, tant pour le subject des fortifications, la somme de cinq cent vingt sept escuz, trente huict soubz.

Chapittre des debtes convenues pour le subject des fortifications de la d. ville.

Et pour raison et cause des fortifications de la d. ville par aultre délibération d’icelle tenue le neuviesme jour du mois de janvier, au susd.  An … ayant éte advisé d’emprunter de quelques particuliers jusqu’à la somme de quatre mil cinq cens escuz, le vingtième jour du d. moys, et aultre assemblée de la communauté auroit esté arresté le rolle et taxe de ceux desquels la d. somme seroit prise et ordonné au d. Le Goff de faire recette pour employ et au susd. Estat, lequel pour n’avoir aultre commission que la d. ordonnance et les rolles, n’en auroit reçu que la somme de deux mil deux cens seix escuz et deux tiers, sçavoir :

-        de missire Jan Le Ray, chanoine … cinq cens escuz, 

-        de François de Sérent … trois cens. 

-        de Yves Le Tillon  … cent. 

-        de Jean Pierrot  … cent.

-        de 0llivier Betherel  … cinq cent.

-        de Pierre Aubin, sieur de Groel  … cent.

-        de Pierre de Coetlagat … deux cens.

-        de Guillaume Luco, marchant  … deux cens.

-        de Rolland Fruneau, id. …  Huict vingt six escuz 2/3.

-        de Sylvestre Lemoyne, id. … trois cents.

-        de Michel Dorlot, id. … cent.

Total : 2586 cents 2/3.

Mais parceque la despance des d. sommes et aultres plus grandes prises d’ailleurs, les fortifications de la ville ne se seraient au d. temps avancées au gré de Monsieur de Mercoeur et du sieur d’Aradon, y commandant lors soubz son autorité, les facultés touttes fois des habitans taries par le susd. emprunt, le d. sieur de Mercoeur auroit ordonné par lettres du vingt huict de Nov. mil cinq cens quatre vingt neuf (1589) les deniers et meubles quy seroient trouvés apartenir à ceulx quy portoient les armes pour le service du Roy au d. temps, estans de juridictions de Venues, Auray et Rhuis estre pris par le mizeur du d.  Vennes et emploier au d. fortifications suivant quoi le d. mizeur auroit reçu des particulliers cy après les sommes des quelles seront faict...  articles — Les quelles sont aujourd’huy répétez par ceulx sur les quelz elles auroient esté exécuttés et a déjà esté jugé en leur faveur particullier par arrest donné au profit de Me Jan Brunel, juge criminel au d. Vannes, au parlement de Bretaigne, conformatif de santance donnée pareillement au profit du d. juge criminel que nonobstant les édicts de pacification a ce contraire, les héritiers de Michel Dorlot seraient contraincts, lui payer la somme de trois cents escuz et les intérêts lui deus.

Autre chapitre. — Et pour autant que le jour que les Espaignolz estans en garnison en la ville en furent mis hors, auroient encore les habittans esté contrainctz par ceulx quy les commandoient leur payer la somme de deux cens seize escuz qui estoit deux escuz par teste ; à chaque soldart, a la charge sur le serment qu’ils empeschent de ne courir, piller ny prendre chose aulchune se retirant de la d. ville jusqu’à Blavet lieu de leur retraite, laquelle somme auroit esté prestée aux habitans, le d. mizeur n’ayant lors deniers de sa charge entre les mains, par le Sr François Dauaner commandant au chasteau sous le Sr d’Aradon. Pour le remboursement de la q. somme les habitans auroient en l’assemblée dicelle tenue le XIXème jour de mars 1598. — consenty icelle estre levée par esgal et despartye sur eulx et déordonne à Jean Launay lors mizeur faire ses dilligences, etc., etc.

La durée de l’occupation se prolonge, et de loin comme de près les prétendus défenseurs n’en sont pas moins onéreux. « Au mois de février 1598, sont encore les habitans débiteurs à plusieurs particulliers du nombre de quatre cens vingt cinq pérées fourment et trois cens vingt pérées saigle, qu’ils auroient esté contraincts de livrer aux Espaignolz, aiant iceux leur armée, vaisseaux et gallères lors à Auray, d’où ils menassoient ravager les faubourgs de Vannes si on ne leur livroit le d. nombre de blez, suivant la commission qu’ils portoient en mains de la part de Mgr de Mercoeur, d’en déprendre plus grand nombre soit deux cens tonneaux sur la d. ville, les quelques furent prins de quelques particulliers et le prix arresté, savoir de quatre escuz et demy la pérée fourment et trois escuz et demy la Pérée saigle. Pour faire le remboursement de la quelle somme les habitans auroient obtenu lettres de Sa Majesté pour faire assiepte et département sur eulx du sus d. blez. Donné à Nantes, le 26e j. d’Apuril 1598.... .

« Et pour aultant qu’au département (soit répartition) faict au dict an (1598) par Sa Majesté sur les villes de la Province, des frais de l’embarquement des Espaignolz, la communauté de Vannes auroit esté taxée a deux mille escuz, bien que sans proportion quelconque, la ville de Nantes ne fut que pareille somme et celle de Rennes qu’a beaucoup moings, comme plusieurs aultres plus riches, grandes et puissantes que celle de Vannes ; pour l’acquit de laquelle somme de deux autres mil escuz davantage que les habitans auroient oultre presté pour montrer, par dessus leur puissance, leur fidelle et obéissant subvenir de Sa Majesté... 

De cette requête le dernier chapitre est celui de la despanse requise pour les réparations et oeuvres nouveaux nécessaires à la d. ville, 1° la démolition et ruyne de la meilleure et plus grande partye des forbourgs, eslargissement des fossés ; les antiens chemins auroient esté changés en forbourgs et n’auroient pas les nouveaux esté pavés pour la paouvreté de la communauté, ne le peuvent estre encore aujourd’huy et ne le pourront de long-temps pour la s. d. cause qui aura trop longtemps couru ; lesquelz pavez et principalement ceux qui donnent circuit les dits fossés de la ville sont très nécessaires à ceulx qui abordent et traffiquent en la d. ville et a le défault diceux a porté depuis la paix jusqu’à ce jour beaucoup de préjudice au commerce et au trafiq qui se faict en la d. ville.

Est aussi requis parachever la porte encommencée par les d. habitans depuis la paix en lantien chenal ? oupvrante sur la mer, la plus nécessaire de toutes les autres de la ville pour la commodité de tous ceux qui  y abordent et traficquent, laquelle pendant les troubles derniers aurait esté bouchée et couverte d’un boulevart de pierres, laquelle, au sus dict effect, il auroit fallu rompre, et ouvrir et par fault de fonds et moyen seroit la dicte porte demeurée imparfaite de beaucoup de choses y requises, pour l’usage d’icelle, ainsi que messieurs de Turgneur et de Maupeou, naguère commissaire du roy lors de la dernière tenue des Estats de la province ont veu à l’oeil et en peuvent certiffier Sa Majesté et nos seigneurs de son conseil. 

Les quels ouvraiges nécessaires pour la perfection de la dicte partie, ne se peuvent parfaire et le port maintenant très incommode pour la dessante des marchandises au-devant de la porte, tant pour la construction du port que celle du dit boulevart accommoder a moingn de mil escuz.

Aux effects des quels ouvrages cy devant d’aultant que les d. habitans n’ont aujourd’hui moyen de fournir pour les deniers ny de leur corps, ni des particulliers que le fond cy devant demandé des douse deniers par pot de vin vendue en détail espuisera par l’acquict de ses debtes, quand il pourroit valloir trois fois autant qu’il vaudra et qu’il est certain que l’impatience des créditeurs de la communauté empeschera qu’il ne puisse estre prins aucun denier qu’ilz ne soient préalablement satisfaictz, ce que ne scauroit touttefois de douse ans, et cependant les dits ouvrages estans des à présent requis et de nécessité... 

Pour ces causes suplient encore les dictz habitans Sa Majesté leur permettre prendre les deux tierces partyes des deniers qui proviendront des Joyaux des Papegaux. Ce qui leur estant accordé ne pourra porter préjudice ni aux finances du Roy par la diminu(ti)on de ses debvoirs ny au traficq et comerce daucuns des subjects de Sa Majesté et poura le tiers des joyaux suffire pour l’entretien des exercices auxquels ils sont destinés et pour y exciter suivant l’intention du Roy l’industrie de ses habitans.

Le présent estat des debtes a esté vériffié et modéré la somme de quinze mil trois cens soixante seix escus quatorze soubz (15,366 écus 14 s), par Nous Gilles Maupeou, conseiller du Roy et intendant des finances, le 1er jour de juingn mil six cens (1600), par vertu de l’arrest du conseil inséré au bas de la requeste pntée, c.-à-d. présentée au Roy par les habitans, le vingt-septiesme may. Signé : MAUPEOU.

Et est annoté que cy devant sur une partye de trois mil cent cinquante escuz, les d. habitans sont chargés de faire aparoir dans unq moys des originaux tant des lettres patentes du Roy du xxvJème jour d’Apuril mil cint cents quatre vingt dix-huict que du consentement sur icelle des trésoriers généraux à quoy sera pris garde. ..

Par extraits des registres du greffe de Vannes. Signé : THOMAS.

Tel est le mince aperçu que conservent nos archives sur les effets de la Ligue à Vannes ; on n’y trouve aucun document pour les dernières années du XVIème siècle. Nous voyons, en résumé que notre ville est à bout de ressources ; son état matériel n’est pas meilleur : les ponts de ses portes sont de bois, il faut les renouveler sans cesse dans ses douves, au fond, vaseux, s’accumulent, malgré la défense et le service des escobateurs ; des détritus méphitiques qui produisent les maladies contagieuses, sinon la peste. Pour éloigner l’invasion du mal, on n’a d’autre système que de placer aux entrées de la ville des porte-casaques à six ou dix solz par jour — ce sont les chasse-gueux. C’est que l’humanité, dans l’ordre politique, pas plus que l’hygiène, n'est encore descendue sur la terre ; elle est dans l’air à l’état de nébuleuse.

Il reste à rappeler les résultats définitifs de la Ligue pour l’ambitieux promoteur de cette sanglante commotion politico-religieuse.

La guerre civile, qui commença à s’éclore, dit M. Moreau, en 1585, se termina en 1597. La Bretagne est ravagée et ruinée de fond en comble. Henri IV, catholique depuis 1594, ne voyait plus en armes contre son autorité que le duc de Mercoeur, qui ne voulait accepter aucune condition malgré les avantages proposés. Le roi, lui offrant en vain la continuation de son gouvernement de Bretagne et la main levée de la confiscation du bien de Penthièvre, résolut de le mener à la raison sans lui rien donner. Il dirigea son armée sur Nantes, principale retraite du duc. Celui-ci se prit alors à s’étonner et à se repentir d’avoir si tard pensé à ses affaires, et ne songea plus qu’à obtenir liberté de sa personne et de son bagage. — Il envoie donc la duchesse de Mercoeur avec sa fille, âgée de six à sept ans, seule héritière, trouver le roi à Angers. La capitulation fut que ledit duc se retirerait de Nantes en ses terres de Lamballe, Moncontour et Guingamp, le gouvernement de la province demeurant en la disposition de Sa Majesté, et, en outre, que ladite fille épouserait le fils naturel de Sa Majesté, auquel il donnait pour héritage le duché de Vendôme et le faisait gouverneur de Bretagne. Ce fils, duc de Vendôme, avait 4 ans. Il en fallut passer par là, encore que ce leur fut un grand crève-coeur que leur fille héritière, épousât un bâtard, elle qui méritait bien, un prince du sang. Bref, l’enfant fut gardée, et la mère, avec tout le reste de son train, se retira en ses terres (Chanoine Moreau). Mercoeur, n’ayant plus à batailler en France, alla guerroyer en Hongrie contre les Turcs, et mourut à Nuremberg en 1602.

La Bretagne, épuisée par la guerre, la famine et la peste, n’avait pas achevé de rembourser au roi vainqueur et pacificateur la contribution imposée de huit cent mille écus payables en quatre ans. Elle devait, en outre, fournir vaisseaux et victuailles aux Espagnols qui étaient à Blavet pour se retirer en Espagne.

Quant à Philippe, il dut se borner à constater que les troubles de Flandre et les intrigues de la Ligue en France lui avaient coûté plus de trois mille millions de livres de notre monnaie.

A la prochaine lecture nous ferons plus ample connaissance avec le jeune gouverneur de Bretagne, César de Vendôme. Comme complément définitif de la question de la Ligue dans notre région, nous ne pouvons ne pas mentionner le journal de messire Jérôme de Quenipily, gouverneur d'Hennebont. En voici deux courts extraits : l’un des premiers est ainsi conçu :

Le samedi XXII juillet 1569, le bruit était que les Parisiens avoient tué quinze mille hommes des gens de Henri de Valois et du Roy de Navarre ; lequel on disoit estre mort.

Dieu veuille qu’ainsi soit !....

Les derniers § s’expriment comme suit :

Sa Majesté avoit la vie ou la mort de Monsieur de Mercoeur entre les mains ; mais, selon sa bonté accoutumée, Elle préféra sa clémence et miséricorde à la justice bien méritée.

Pour parvenir à la paix, Notre Auguste et victorieux Roy a souvent prodigué son sang et sa vie et se peut dire le premier roi chrétien blessé d’Arquebusade. Qu’il plaise à Dieu en perpétuelle et prospère paix faire régner longuement et heureusement Notre grand et Auguste Roy, etc.  Amen !

Et que toutes les offices et officiers inutiles, vraies sansues et chenilles pour sucer le sang du peuple et le ronger jusqu’à la mouelle, soient pour jamais mortes et enterrées. Avec le signe de la croix, Amen !

 

LE PORT ET LE COMMERCE MARITIME

Au XVIème et au XVIIème siècle.

Le XVIIème siècle fut pour la ville de Vannes la période de son plus grand épanouissement commercial, et cependant le port n’est ni facilement abordable, ni commode ; l’absence de quais à droite et à gauche laisse la mer s’étendre, dans son flux, sur tout le terrain que couvre aujourd’hui la Rabine jusqu’à la rue, la chapelle et le cimetière de Saint-Julien, devant le couvent des Carmes (l’évêché). Près de là étaient des chantiers de construction de navires. A marée basse, le reste était une affreuse vasière où s’amoncelaient les détritus de la ville.

Pour faciliter l’accès du port deux opérations importantes s’imposèrent de bonne heure et ne s’exécutèrent que partiellement, après des lenteurs qui devaient surgir et du côté de la mer et du côté de la terre, comme nous allons le voir par la production des pièces d’une enquête qui se traîna e 1598 à 1611. Voici le premier document :

Procès-verbal de l’estat du terrain prétendu terres vaines et vagues, vazières, etc., à prendre depuis le port de Vannes jusqu’a Conleau, accorde en don à M. de Mo.ntigny, sieur de St Hillaire, sous prétexte d’y faire bastir.

Jan Perret, sieur du Pas aux biches, lieutenant civil et criminel, en la court du siège présidial de Vannes, scavoir faisons que par devant en nostre logeix au dit Vannes, ce jour de sabmedy quatre de juillet mil cinq cens quatre vingt dix ouict, presant l’advocat du Roy au dit siège a comparu en personne Bertrand Trouson, faisant pour escuier Jullien de Montigny, sieur de la Hautière, lequel nous a apparu le placet presanté au Roy par le dit sieur de la Hautière, le huite de mars dernier de la demande en don quit a faict à Sa Majesté des places vagues de terre de Ker, avecque permission dy faire bastir sur les vases de la mer. Sur lequel le Roy l’envoie le d. placet à messieurs les trésoriers généraux de ses finances en Bretaigne pour informer et donner avis à Sa Majesté du contenu au d. placet pour l’information avec que le d. advis veu et rapporter en son conseil en ordonner pour le contentement du d. s. de la Hautière, ainsi quil appartiendra. — Signé : POTTIER. - Avecque les lettres patantes de sa Majesté du d. jour. — Signé : HENRY.

Nous sommes transporté en la d. terre de Ker, faubourg de Vannes, près ungn gros vieux arbres dourmeau, soubz lequel les officiers du sire et baron de Ker ont accoutumé tenir les généraulx plectz de la cour et juridiction du d. sr de Ker, estant à l’avis et au devant des maisons de la terre de Ker, et signantement dune maison appartenant à Michelle Guido, veuffve de maistre Jan Le Prat et ses enfants, en laquelle demeure a presant Francoys Le Prat, son fils, marchant, et de distance de la maison de environ dix-ouict piedz, Bernard Truson nous a dict et remontré, vers et en présence du d. advocat du Roy que le d. de Montigny entend comprendre aux places vagues et vazières dont il entend avoir faict demande à Sa Majesté la place et endroict qui est à presant vague pour avoir esté rempli de bouriers depuis peu de temps, depuis le d. grand arbre dourmeau jusques sur le quay du port, on y a près grand nombre de pierres de moullin ou est accoustumé de mettre et descharger les marchandises. Ce qui aiant este mesure par Guyon Boullais, arpanteur, faict comparoir à la d. fin par le d. Truson, avons veu quelle contient dix cordes, cheincune corde contenant vingt et quatre piedz du Roy et depuis l’endroict où sont les dittes pierres du moullin jusqu’à la mer y a deux autres cordes.

Aussi nous a dict qu’il entend comprendre en son don la place ou estendue qui peult estre depuis les d. arbres dourmeau et cay sus dist, contenant jusqu’au jardin de Mathurin Hutteau, continuant le long du d. cay et mesmes le devant des maisons qui sont en la d. terre de Ker et port et au devant des d. maisons tant de ce que y a terre cheiché que de vazières que couvre la mer une foais en douze heures, et faisant mesurer la distance d’entre le d. arbre dourmeau et le d. jardrin de Hutteau, avons veu qu’il y a neuf cordes et depuis le coingn du devant jusqu’a la mer six cordes et le d. quay au d. endroict une autre corde.. 

Les aues (autres) maisons, estant en la censive de Sa Majesté, ainsy quil sera par nous arbitré et nous mande en faire souffrir et laisser jouir le d. s. Hillaire et ceux qui auront droict de luy, sans souffrir aucun trouble ou empeschernent. Nous, pour satisfaire à la volonté de Sa d. Majesté , nous serions acheminez de la ville de Nantes en celle de Vennes, où estans arriver le seiziesme jour du pnt moys d’aougst, nous serions le lendemain transportez sur le port et quay du d. Vennes, à la requeste du procureur du d. sieur Hillaire, lequel nous ayant faict veoir l’emplacement, vazières ou il entand faire bastir et construire des logis, etc. etc., nous aurions faict mesurer et arpenter tous les d. emplacemens par gens expers et trouve que depuis le logis du sr. Leclerc jusques au jardrin du d. Huteau, y a deux cens quatre vingt deux piedz et depuis le logis a presant basti jusques au bord du quay y a du costé vers le logis du d. Leclerc deux cens trante quatre piedz. En toutes lesquelles espaces ny a aucuns bastimans et sappelloient auparavant les diets emplacemens vazières pour ce quils estoient enciennement couvers de flux et reflus de la marée, parties des quelles vazières ont esté remplyes pour la commodité du port et nen reste quenviron un tiers qui se comble encore de jour a autre et se couvre néanmoins par les grandes marreez, quen occupant partye dicelle, il en resteroit encore a suffire pour la commodité du quay, plus quen autre port de ce pays et pour les rues requises pour le publiq et pour ce par l’advis mesmes de plusieurs assistans aurions trouvé que facillement il se pouroit prendre jusques a quatre-vingt dix piedz depuis les d. logix anciens jusques au quay et deux cens quarante six piedz depuis le logis du dit Leclerc jusqu’au jardin du d. Huteau. En laquelle espace le d. sieur Hillaire ou ceux qu’il nommera pouroient bastir telz logix que bon leur sembleroit, a la charge de laisser les rues suivre les alignemens quy leur seront donner et en oultre payer rentes par chacun logix pour le proffilt de Sa Majesté. Ce qu’ayant faict entendre aux juges et officiers du Roy en la juridiction, ensemble au procureur des bourgeois et habitans en la dicte ville de Vennes, qui nous seroient venuz trouver et que Sa Majesté, ayant jugé les d. bastiemans nouveaux ne pouvoir aporter aucun préjudice, advis de le decoraon a la ville, fauxbourgs du d. Vennes, elle en auroit fait don au d. sieur Hillaire par arrest de son conseil et lettres patentes. En exécuon des quelles nous aurions débourné les d. bastiemans., aux d.  quatre vingt dix piedz de long et deux cent quarante six piedz de largeur seulement, a ce que le port et voyes publicques en soient plus spacieux, leur enjoinant de tenir la main au d. sieur Hillaire en la possession des d. emplacemens et construction des dicts bastiemans, sur quoy Guillaume Le Veilleur, sieur de Kerhervé, procureur syndicq de la ville, assisté de nombre des plus notables bourgeois et habitans deputtez d’icelle nous auroit remontré que la d. ville de Vannes, etc. (Voir ci-après la Remonstrance de Guillaume Le Meilleur). — De la part du d. sieur Hillaire, il auroit esté dict par son procureur que toutes les remonstrances du d. Procureur ne sont fondées en aucuns intéréstz, ains pour le particulliers d’aucuns habitans du d. port ; jaloux de le veoir plus fréquenté et habitté et craignant que le louaige de leurs celiers diminue, faute avoir esgard à l’utilité et decoraon publicque, solicytent et contraignent parleur auctoritté en la d. ville, le d. procureur et seindicq a faire telles opposions, come on peut facilemement recognoistre. Mesmes en sy peu de temps que nous sommes arriver que sy tant sen fault que les d. vazières servent soit pour la construction des vaisseaux ou pour labbord des petitz bateaux, ny que le publicq lait aussy juge utile quau contraire la pluspart des vazières ont esté remplies et haussées a legal du quay et le surplus se comble encore de jour en autre pour labbord des charrettes, aussi ne se voit point sur le lieu des préparatifs pour construire aucuns vaisseaux, ny mesmes que les petitz bateaux abordent au lieu des d. vazières ou le d. Hillaire prétand faire bastir et ce qui sy est remontré. Sur la dessante que nous avons faict au port na esté que a la sollicytaion des d. particulliers, habitans iceluy, lesquelz les y ont faict trouver avec peine sans subiect (sujet), comme aussy ne sont ils chargez daucune chose, ce na esté que pour troubler le d. Hillaire et tascher dempescher l’execuon de la vollonté du Roy, que le lieu ou les d. bateaux ont accoustumez daborder et ou lon construict barques et vaisseaux, entre le jardrin de Math. Hutteau et la chapelle St Jullien, duquel endroict encore que Sa Majesté, eust faict don an d. Hillaire, il naurait neanmoins voullu ly comprendre, ains sen seront despartys pour la commodité publicque. Ce que n’auroit voullu cy devant faire le d. Hautière quy prétendoit pareille chose telement que ce fut la cause de leur plus grande opposition et neanmoins non contins les d. particulliers habitans du d. port seulement voudroient soubz le nom emprunté de la communauté de la ville encore frustrer le d. Hillaire du reste des d. emplacemens contre la volonté du Roy. — Quant à ce quils aleguent que sy les susd. vazières estoient occupées, les marrées diminueroient et que lamer se retireroit nayant son cours libre, il nest besoin leur repondre antre chose que ce queux mesmes onc faict ayant remply la plus grand part des vazières et bastissent encore journellement leur quay au delà des vazières qui retient les d. marrées et empesche la mer desestandre telement quils bastissent bien leur logix au-dela. — Il ny a apparence que le flus des marrées en soit incommodé. Mais ce ne sont que des prétextes pour déguiser la vérité. Aussy touttes ces considéraons nont point eu lieu au temps pendant auquel pareilles demandes sentant faicts debastir au d. endroict, il y a près de trente ou quarante ans, Sa Majesté auroit dès lors disposé des d. emplacemens et ordonner en estre faict vente et aucuns particullier auxquels ils furent adjugez, mais ne pouvant satisfaire aux charges et conditions de leurs offres, les dits emplacemens seroient encore demeures a Sa Majesté comme les d. hahitans ne peuvent ignorer et quen laissant plus de cent piedz pour estandu du quay, la place sera plus que suffisante pour labord des marchandises et autres charroys, et les dits bastiemens estant faictz, il yaura bien moins dincommodités et de charroys qu’apresant. Les magazins estant plus proches et les rues assez larges et libres et le tout bien entretenu en sorte quil ny aura quay de telle et sy grande estandue que celluy du d. Vannes et sy les bastiemans aportoient du prejudice comme ils supposent ils deveroient donc empescher ceux qui ont leur logis bien plus proches du d. quay et de la porte de la ville ce quils nont jamais entreprins.

C’est pourquoy lon peult facillement veoir que touttes les prétandues remonstrances faictes sous le nom de la ville ne viennent que du mouvement particullier daucuns envieux de lembellissement de la ville, ce qui ne doibt empescher lexécution de la volonté de Sa Majesté, laquelle le d. Hillaire nous auroit requis faire observer nonobstant toutes les d. remonstrances et ce faisant sans y avoir esgard le mettre et induire en possession des d. emplacemens por y faire bastir suivant la permission qui luy en a esté donnee par Sa Majesté à la charge de payer telle rente quil sera par nous advisé à la proportion de l’emplacement que luy sera debourné, protestant en cas dempeschement ne tous ses despans dommaiges et interests contre les opposans.

Nous, après, avoir ouy le procureur des d. hahitans et celles du d. Hillaire, avons decerné acte des declaraons, remonstrances, oppositions cy-dessus pour lesquelles le procureur se pourvoira ainsi quil voira avoir affaires et neanmoins ordonne que suivant la volonté du Roy, portée par ses lettres patentes et icelles exécutant il sera prins quatre vingts dix piedz seulement depuis le d. logis au d. quay estant de deux cens quarante six pieds depuis le logis du d. Leclerc jusques au jardin du d. Hutteau et que du d. emplacement le d. Hillaire joyira et disposera et poura ou ceux quit nommera pour y hastir tels logis que bon leur semblera, en laissant les rues qui seront ordonnées et observant, en bastissant les allignemens quy leur seront donnez et a la charge de payer la somme de vingt livres monnaie de rante annuelle et perpetuelle en la recepte ordinaire du Roy au d. Vannes aux termes de St Jan et Noël par moitié a commancer au premier jour de janvier prochain, pour sureté de laquelle rante tous ceux au profit au nom desquelz le dit Hillaire reclamera le d. emplasement ou partye d’iceluy, seront tenus auparavant bastir nous presanter le contract par eulx faict avecq luy pour estre la rante egallee et despartye sur chacun des emplacements, etc. etc.

Plus a le d. Truson remonstré qu’il pretand aultre place qui se couvre pareillement par la mer, entre le d. jardrin et la muraille du simittière de la chapelle de Saint-Jullien en la d. terre de Ker, allant vers la muraille du jardrin de François Le Goff, et le pont qui est au joignant du d. jardrin appelle communément de Ster Gogues, lequel pont sert de chemin pour passer sur le ruisseau et canal au dessoubz et aller à la d. chapelle et ung canton du d. faubourg de la terre de Ker qui est de l’aultre costé du d. pont et chapelle et même pour aller au Haure de Conleau et village du d. Conleau, Trusac, Kervenic, La Chique vinière (La Chevinière d’auj. Keravélo — la Maison du diable). Et ayant faict mesurer avons veu qu’il y a quatre cordes et demy et depuis le pont qui a huict pieds de largeur jusqu’au mur du simittière dix cordes

Nous disant aussi le d. Truson comprendre encore plus loin ; mais en l’endroict comparaissent Math. Hutteau, Guillaume Chedanne, sieur de Cresquer, Jan Collombel, sieur de Kercado, Michelle Guido, Me Jan Le Prat et Rolland Fruneau, lesquels ont dict s’opposer. Viennent aussi Jan Launay, procureur sindic et miseur, et aultres nobles bourgeois, manans et habitans, lesquels s’opposent.

Sur ce, le commissaire enquêteur estime qu’il est expédiant voire nécessaire que le d. de Montigny soit deboutté de l’effect, de sa demande comme préjudiciable au Roy et pernitieux à ladite ville. Mais le sieur de Montigny, déboutte en 1598, laissant passer l’orage de l’opposition soulevée par ses prétentions, revint à la charge dix-ans plus tard, en août 1609.

Claude Cornulier, sieur de la Tousche, conseiller du Roy, trésorier de France et, général des finances en Bretaigne, scavoir faisons que sur la requeste a nous presanté par le sieur Hillaire, commissaire ordinaire de l’artillerie, tendant à ce qu’il pleust veoir l’arrest et lettres patentes de Sa Majesté du dix-neuf° de mars dernier — six cens neuf — contenant le don à lui faict par Sa d. Majesté de certains anplacemets sitz aux lauxbourgs de la ville de Vennes, au devant du quay et port d’icelle et suivant les d. lettres.

Nous sommes transporté sur les lieux pour le faire jouir des d. anplacemens et paiant telle rente qu’il seroit trouvé par nous raisonnable. Veu l’arrest du d. conseil et lettres patentes sur iceluy du dix-neuf° jour de mars dernier par lesquelles Sa Majesté a permis et, permet au d. sr Hillaire et à ceux qu’il nommera de bastir ; faire construire aux emplacemens et vazières remplyes qui sont au devant du port de Vennes, depuis le logeix de Jullien Leclerc jusqu’au jardin de Mathurin Hutteau seulement les logis et celiers de telle longueur, largeur et hauteur qu’il sera trouvé raisonnable, selon les allignements qui leur seront donnez par le lieutenant du seigneur grand voyer de France, en laissant les rues et les espaces et venelles pour la commodité publique et decoration du d. quay à la charge de payer telles rentes et droictz seigneuriaux qu’il est accoustumé pour les aues (autres) maisons estant en la censive de Sa Majesté, ainsy qu’il sera par nous arbitré et nous mande en faire souffrir et laissé jouir le d. s. Hillaire et ceux qui auront droict de luy, sans souffrir qu’il leur soit donné aucun trouble ou empeschement. Nous pour satisfaire à la volonté de Sa d. Majesté nous serions acheminez de la ville de Nantes en celle de Venues, où estans arrivez le seiziesme jour du pnt moys d’aougst, nous serions le lendemain transportez sur le port et quay du d. Vennes, à la requeste du procureur du d. sieur Hillaire, lequel nous ayant faict veoir l’emplacement vazières ou il entand faire bastir et construire des logis, etc. etc. laissant tant pour le quay que pour les rues des largeurs compétantes, nous aurions faict mesurer et arpenter tous les dits emplacements par gens expers et trouvé que depuis le logis du d. Leclerc jusques au jardin du d. Huteau y a deux cens quatre vingts deux pieds de longueur, et depuis le logis apresant basti jusqu’au bort du quay y a du costé vers le logis du d. Leclerc — 234 — deux cens trante quatre pieds. En toutes lesquelles espaces ny a aucuns bastimans, et sappelloient auparavant les d. emplacemens vazières pour ce quils estoient enciennement couvers de flux et reflus de la marrée, parties desquelles vazières ont esté remplies pour la commodité du port et nen reste quenviron un tierz qui se comble encore de jour à aue (autre) et se couvre neanmoins par les grand marrées. Quen occirppant partye dicelle il en resteroit encore à suffire pour la commodité du quay plus quen autre port de ce pays et pour les rues requises pour le publicq et pour ce par l’advis mesures de plusieurs assistant aurions trouve que facillement il se pouroit prendre jusques a quatre vingt dis pieds depuis les dits logix anciens jusques aux quay et (246) deux cens quarante six pieds depuis le logis du d. Leclerc jusques au jardin du d. Huteau …  En laquelle espace le d. sieur Hillaire ou ceux quit nommera pouroient bastir telz logix que bon leur sembleroit a la charge laisser les rues suivre les alignemens qui leur seront donnez et en outre payer rente par chacun logix pour le proffilt de Sa Majesté. Ce quayant faict entandre aux juges et officiers, du Roy en la d. juridion, ensemble au procureur des bourgeois et habitans en la d. ville d. Vannes, qui nous seroient venuz trouver et que Sa Majeté ayant juge les d. bastiemans nouveaux ne pouvoir aporter aucun prejudice, avis de la decoraon a la ville fauxbourgs du d. Vannes elle en auroit faict don au d. sieur Hillaire par arrest de son conseil et lettres patentes, en exécuon desquelles nous aurions debourne les d. bastiemens aux dits quatre vingt dix pieds de long et deux cents quarante un pieds de larges seulement, a ce que le port et voyes publicques en soient plus spacieuses, leur enjoignant de tenir la main au d. sieur Hillaire en la possession des d. emplacements et construction des d. bastiemans, sur quoy Guillaume Le Meillour, sieur de Kerhervé, procureur seindicq de la Ville, assisté de nombre de plus notables bourgeois et habitans deputtes d’icelle nous auroit remonstré que la d. ville de Vannes estant assis et plantée en un lieu ou elle est fournist beaucoup de pays circonvoisins tant eu la terre ferme et le plat pais qu’en là coste de la mer, etc. — Voir ci-devant.

De la part du d. sieur Hillaire il auroit este dit par son procureur que toutes les remontrances du d. procureur ne sont fondes en aucun intérêts, ains pour le particullier daucuns habitans du d. port jaloux de le veoir plus fréquenté et habitté et craignant que le louaige de leurs celiers diminue. Faut avoir esgard à l’utilité et decoraon publique solicytent et contraignent par leur auctoritté en la d. lettre le d. procureur et scindicq à faire telles opposions, come on peult facilement recognoistre. Mesmes en sy peu de temps que nous sommes arrivez que sy tant s’en fault que les d. vazières servent soit pour la construction des vaisseaux ou pour labbord des petitz bateaux ni que le publicq lait aussi jugé utille, qu’au contraire la plupart des vasieres ont este remplies et hausseez a legal du quay et le surplus si comble encore de jour en aura pour labbord des charrettes, aussy ne se voit point sur le lieu des preparatifs pour construire aucuns vaisseaux, ny mesmes que les petitz bateaux abordent au lieu des d. vazieres ou le d. Hillaire pretand faire bastir et ce que sy est rencontré sur la dessante que avons faict au port na esté que a la sollicyta-on des dits particuliers, habitans iceluy lesquelz les y ont faict trouver avecq peine sans subie comme aussi ne sont-ils chargez d’aucune chose ce na este que pour troubler le d. Hillaire et tascher d’empescher l’execuon de la vollonté du roy que le lieu ou les dits petits bateaux ont accoutumés d’aborder et ou l’on construit barques et vaisseaux, entre le jardin du d. Mathurin Huteau et la chapelle St Jullien, duquel endroict encore que Sa Majesté eust faict don au d. Hillaire, il nauroit neanmoins voullu les comprendre, ains sen seroit desparty pour la commodite publique. Ce que nauroit voullu cy devant faire le d. Hautière qui pretandoit pareille chose telement que ce fut la cause de leur plus grande opposion et neanmoins non contans les d. particuliers habitans du d. port seulement voudroient soubz le nom emprunté de la communauté de la ville encore frustrer le d. Hillaire du reste des d. emplacements contre la volonté du roy.

 

ENQUÊTE RELATIVE AU PORT.

17 aougst 1609. — Remonstrance faite par le sindic de la communauté de Vannes, à l’effet de s’oposer à afféagement de certains terrains pretendus vagues depuis le Port jusqu’à Conleau.

Guillaume Le Meilleur, sieur de Kerhervé, procureur sindic de la ville et communauté de Vennes, assisté de nombres des plus notables bourgeois et habitans députtes d’icelle, nous a remonstre que la d. ville assise et plantee au lieu où elle est, approvisionne et fournist beaucoup de pais circonvoisins, tant en la terre ferme et le plat pais qu’en la coste de la mer, des plus grosses denres et marchandises. Le plat pais, comme tout le duché de Rohan, la compte de Porhouet, Jocellin, Malestroict, Ploermel, la Trinitté, Loudéac, Lachéze, Uzel et jusques à Moncontour, de vins, laynes, draps, fil, rousines, moullages, chauff, ardoises et aultres quy se deschergent au d. port. Les vins d'Anjou, Gascogne, Saintonge, de Espagne, nantois et aultres. Les materiaulx de Nantes pour tous, Rouan et autres endroits de Normandye, comme le cherbon d'Angleterre. Les denrees quy y sont aportés laines d'Espagne, poillieurs de Flandres, poix, gourtron, rousines, matz de navires, bois et planches de sappins, le bois de la coste comme Auray, les isles de Rhuis, Belleisle, Hoedic, Houat, ara au moine (sic) et aultres plus petittes les parrouisses de Syne, Noialo, Aradon, Baden, Ploeren, Plogoumellen, Locmariaker, Crach, Carnac et aultres et nombres de plus du trante ; merrains pour bastir tant les vesseaux, navires, barques et bateaux que logix et maisons pour ce que les d. marains …… vendre au port des forestz du d. pais plat proches de la d. ville de deux ou trois lieux et plus esloignees du dict Auray et aultres susdits lieux que par cette commodite se construissent au dict port de Vennes et perticullier au d. endroict par nous remarque des vaisseaux de touffes sortes pour les marchans et mariniers des d. lieux mesmes de la riviere de Nantes, de celle de Redon, de la coste de Penerff, du Crouesic quy est plus loingne à mesme de Piste de Ruy aussy bien que pour les marchans et mariniers de la d. ville tellement qu’il se peult dire avecque véritté quil ni a port dans la province ou ils se construise plus de vaiseaux qu’en celle de la d. ville encorres quils ny demeurent tous, cest à dire quils ne seroient tous aux marchans dicelle. Aussy est le faubourg du dict port de l’un et de l’aultre costé dicelle peuplée pour la plus part de charpantiers et mariniers que la situation de la d. ville est sur lapante d’une collinne au pied de laquelle se rend finit et termine ce bras de mer quy reflue au pied des murailles de la d. Ville et s’en retire laissant tout le port à sec deux foais le jour ayant des deux costes des rivages et bords forts haultz et incommodes à recepvoir la descharge des marchandises cy ce n’est depuis le bout du cay jusqu’à la porte du d. port tellement que ce quil y a despace ou couvert de la mer quant elle reflue ou remplie de terre a tousiours este prize par les estrangers du lieu aussy bien que par les d. habittans. beaucoup trop estroict et reserré pour le port dune telle ville et auquel se faict un tel trafic que si le Roy permettoit que lendroit par nous designe et mesure estoit remply et occuppe de baptimans il sen ensuiveroit des mouvemens sans nombre et dommages ou prejudice de ruineuse consequence pour la d. Ville entre aultre et la premiere que le canal de la mer se retrousant comme il fauldroit faire en tel endroict sellon nos allignement de plus de dix touaizes en la mer perderoit de sa force quy nest pas grande, au reste, du port nestant son eau de la nature de celle des rivieres, lesquelles il a par force de leur chutte se font toujours passage a sy elle se retroissent elles en sont rendues plus profondes. Mais celle de mer au boult et extremitte de son reflux si elle sengustie parce quelle n’a plus de force elle ne se peult enflee et naturellement comme lexperience lenseigne, se retire ailleurs et va couvrir des endroictz auparavant découverts et a la d. Ville. deja souffert ce mal quy a lieu à la mer baissee de plus de deux brasses au d. port depuis vingt ans et les vaisseaux quy avecq toute facillitte venoient au d. port demeurent a demy lieu dicelle quil fault alleger avecq gobarres et batteaux par une grande despance quy rancherit les marchandises aultre inconvenient quil ne se poura faire descharger au d. port, que dun des costes dir d. cay quy, n’est lond pour repercepvoir dix vaisseaux en front et quand ils sy trouveroient impossible que les aultres aprochent au d. cay et particullierement les petitz vaisseaux quy viennent aux fouaires et marches des d. isles et parross maritimes avecque grand nombre de marchandises, de bestails, chevaux, boeuff, vaches et moutons, sans les poissonniers et y font aussy leurs charges avecque la facillitte quils ne sauroient faire par le cay por a esté l’abord trop hault quand la mer est basse des quelz vaisseaux le nombre n’est point cy petit en jours de foires et marchés quil ne sen trouve quelquefois cent auz quelles l’abord deffandus par telle occupation seront de tel prejudice insupportable. La parsus espace quy est emply de terre protexté de l’inonation pro... Ou quy est le vray bord et rivage du d. endrocit est de cy nécessaire usage à la d. ville quon ne len peult priver sans ruyne, car cest espace plus proche des maisons, sert pour le regard dicelles quy sont plus pres de la ville pour la commoditte des charrettes quy viennent charger du vin en d. Ville, en nombre et fil peur ce par saison de plus de cent dicelles quy aportent les dits marains pour constructions des vaisseaux, logix et baptiments et bois de chauffages dont les isles et paroisses maritimes sont prives les jours de fouaires de plus de deux cens sans les aultres qui chargent des moullages, charbons de terre, chauff, pierres et aultres materiaux sy bien que les d. jours, il est bien difficille de se tourner ny passer sur tout le d. port pour le regard des autres maisons plus esloignées. Lespace voisin pretandu vague c’est pour la construction des vaisseaux auquel effet est encorres lespace tres etroict considéré qu’il y a en eulx tous dresses deux attellier pour navires ou se batissent les plus beaux vaisseaux de tout le havre. Il fault beaucoup de lieu pour reculer les matériaulx d’iceux vaisseaux et à tels frais plus de trois cens charettes de bois et lespace pour travailler a quarante ou cinquante charpantiers et calfacteurs, necessite quy a forcé les d. hahitans de souffrir qu’on ait comblé ce que a presant on appelle place vague pourtant nécessaire d’avoir que des lors est provenu le premier inconvenient de l’affaiblissement de leau à quoy aussy beaucoup ayda la licence effrenee des derniers troubles.

Que le parses (superficie?) du d. port quon pretent laisser pour le service est long seullement de cinquante et huict toises et demy de coste longueur la moittie estroicte de quatre touaizes. Quant le parsus selon notre demonstration deminuroit large de cent piedz, il ne scauroit estre plus long que dautres cent piez quy ne feront du tout la valeur dun demy journal de libre espace peu capable de recepvoir les marchandises quy se deschargent telle fois et en telle saison de trois à quatre cens pippes de vin sur le d. port et y sont quelques jours pour y estre lotties et partagées entre les marchands des merains cy dessus moullages, charbon de terre, bordages et matz de navires, bois de chauffage, etc. ; les charettes et le bestail, les jours de marches, et que depuis les maisons du d. port jusques a la mer en tel endroit n’y a que cent toizes et aultre six, X.

Aussy que precedantement et des le quatreime jour de juillet 1598 sur le pareil subject fust faict aultre procès-verbal a la requete du Sr de la Hautiere Montigny par le lieutenant du d. siège du d. Vennes au moien ?  de la communion par nous donne auquel sont raportes les moiens d’opoons et empeschernent à telle inovation que celle qui se pnte.  Lesquels moiens nous …… sy pretiment ainsy qu’il disent que ne fust passé outre, ny faict auchune chose à leur préjudice. Comme aussy le dict de Montigny sy cognoissant mal fonde ny auroit faict aucune suicte et instance.

Et pour les préjudices que les sus d. syndic et deputtes ont dict estre notoires et desquels ils offrent comme du tout bien susdictz faictz par eux allegués informés par gens de qualitté dignes de foy, non seulement des villes voisines, mais aussi de celles de Nantes, Rennes, d'Anjou, tourraine, Orléans, voire de Paris, ont déclaré se rendre formellement opposans a l’occupaon pretandu des d. lieux et endroictz, nous requerans justemant leur raporter acte de leur opposition et de leur susdit remontrance et pour y servir de ce quil nous ont faict voir les places dicelle et des d. deux atteliers de vaisseaux, nombre de batteaux dans l’eau au d. lieu des merrains quy sont aux environs prépares pour en construire, des moullages, bordages, matz de navires, charbon de terre, ardoize, chauff et pippes quy sont sur le d. port et cay et pour preuve de ce quilz ont allegué, du grand nombre de marchandises quy se chargent ou deschargent au d. por que les debvoirs de ce port et havre de la d. Ville sont toujours affermés et des villes et rivières d’Auray et Hennebond ensemble et pendant l’autre debvoir des estats qni se prennent à la. Descharge des vins de l’evesche de Venues estant plus affermees que les trois meilleurs evesches de la province et la seule ville aultant que tout le reste de l’evesche reserve la rivière de Redon et pour ces raisons nous supplions de deflerer a leur s. d. oppositions et ney prejudicier a ……  signe p. Thomas, greffier de la d. communauté et par le commandement d’icelle.

Nous avons décerné acte au d. habits des declaraons, remonstrances et opposion cy dessus pour lesquels ils pourvoiront, Fait à Vannes le 17e Aougt 1609.

Requeste faicte au Roy pour que les terres vagues et vaines, marais et mollières ne fussent afféagé. — Extraict du troisierne an du cahier des remonstrances des estats de Bretagne veu et respondu par le Roy, le XVIIIe  jour de feburier 1610 (sic).

La plus grande partye de Votre pays et duché de Bretagne consiste en landes et aultres terres vaines et vagues, mollières et maraiz desquelles les pauvres subiectz retirent les principaux moiens de substenter leurs familles et payer voz debvoirs nayans que fort peu de terres labourables de sorte que leur plus grandz et certains revenuz prouient du bestail quilz nourrissent esd (ites) landes et terres vagues et les habitans des costes de la mer où il ny a point de bois nont aucun moien de suppléer à ce deffault que des mottes de terre quilz retirent des d. mollières et maraiz. Ce qu’ayant esté recogneu par Votre Majesté elle auroit par son édict du …… revocqué la commission ordonnee pour les affeager. Ce neantmoings par vos lettres patentes en forme de coinmission pour procéder a la confection des Rolles parties et reformaon de votre domaine en la d. province - du XXIXe du mois de juin dernier passé Votre Majesté donne pouvoir aux commissaires y denommes d’arenter les d. terres vaines et vagues ensemble de faire saisir et mettre en votre main les d. mollières et maraiz pour estre joinctz et incorporez a votre d. domaine. Ce qui rendroit la revocaon cy devant faicte de pareille commission avec tant de cognoissance de cause infructueuse et innutille priveroit vos pauvres subiectz des commodites quelz retirent des terres vaynes et vagues, molieres et maraiz desquelz les ducs et les roys voz prédecesseurs, leur avoient de tout temps laissé la jouissance, ayant en ceste considéraon surcharge ceulx qui sont voisins des riuières (rivières) du plus grand nombre de leur du fouage et apporteroit a Votre Majesté une perte notable en la diminuon de vos droictz et debvoirs domaniaulx qu’on appelle traictes des Bestes vifves qui se levent sur les bestiault sortans de la province et sont nourriz par vos subiectz esd. (ites) landes et terres quon pretend innutilles. C’est pourquoy les d. gens des trois estats supplient très humblement Votre Majesté de revoquer la d. commission en ce qui concerne l’arentement des d. terres et rebuyon des d. molieres et maraiz à votre domaine et faire deffens à vos commissaires et tous autres de rien innover au préjudice de l’ancienne possession en la quelle sont vos d. subiectz d’en jouir

Le roy a ordonne la confection du papier terrier cy mentionné pour la conservaon des droictz de son domaine et veult quil soit continué pour ce qui est de son d. domaine, nentend neantrnoings que lon y réunisse ne que lon baille à cens ou rentes les marais, isles, landes et autres terres vaines et vagues, les quels de tout temps ont esté communs et ont servy pour les pasturages des bestiaulx des paroisses circonvoisines ne mesmes les terres vaines et vagues lesquelles sont enlacees es terres des seigneurs part…ers , eclésiastiques, temporelz et an.. suivant ce que fut ordonne par lettres du feu roy Charles du dixième jour de janvier MVCLXVII, mil cinq cens soixante sept (1567). POTIER.

Contredictz que fournissent en la cour les nobles bourgeois et habitans de la ville de Vennes contre le Sr Hillaire, deffendeur.

A ce que sans avoir esgard à la production du deffendeur par luy fournys le septiesme avril mil six cens unze dernier, passé les fins et conclusions de demandeurs par eux prises au proces leur soient (sil plaist à la cour) adjugées.

Disent les demandeurs aux dictes fins que pour ce qui est des lettres patentes obtenues par les deffendeurs le dix neuviesme mars mil six cens neuf à la cotte C, portant concession de la place du havre de Vennes, soubz le nom des terres vaines et vagues, vasieres et molieres, que le dit ottroy a este revocqué par aues lettres de Sa Majesté regnante du mois de juin mil six cens dix, produites par les demandeurs à la cotte 23, contenant confirmation dés privileges accordez aux dictz habitans par les roys précédentz et entre aues choses pour ce quy est du d. port et havre.

Quant au proces-verbal du sr Claude Cornuliier, produit par le deffendeur à la cotte d. le premier contredict qui sepeult alléguer a l’encontre se prend des lettres patentes obtenues par les demandeurs cydessus considerez, car sil a pleu a Sa Majeste confirmer la concession faite par ces prédécesseurs aux habitants de Vennes de la d. place publique qui est leur port et havre, avec ses vazieres, issues et appartenances, c’est en vain que les deffendeurs les a voulu faire troubler par le protes-verbal du d. sieur Cornullier.

Secondement, il y a un grand deffault dans toutte ladicte procédure qui est que les lettres obtenues par le deffendeur n’ont point este veriffiées en la cour, ce qui estoit necessaire, tant parce que c’est la forme ordinaire en tous édictz et lettres patentes que particulierement parce qu’il est question d’une place publicque, que le deffendeur prétendait estre du domaine dont la conservation appartient de tout temps aux courtz souveraines de ce royaume et mesmes les d. verifications n’ont point este faictz à la chambre des comptes.

Tiercement, la commission du d. sieur Cornullier a este exécutée sans aucune requisition de partye, car encores quil mentionne par son proces-verbal faire la d. dessente sur les lieux à la requete du deffendeur et de son procureur, toutefoys, le deffendeur n’est point present en personne,  et son pretendu procureur n’est point nommé, de sorte que oultre la nullité du d. proces-verbal, ceste forme faut voir que c’est quelque aultre que veult avr (avoir) le profict de l’affaire qui se presente soubz le nom du deffendeur.

Au regard des actes produitz par le deffendeur aux cottes e, f, g, h, qui sont la prétendue induction en possession au preiudice de l’opposition du demandeur, les lettres patentes, approbations de ce qui avoit esté faict par le d. sieur Cornullier, le jugement du d. sieur Cornullier et du sieur Chahu,. en forme de consentement à l’execution des dictes nouvelles, lettres et extraict... de l’estat de la receptte de Vennes, pour... dire que la prétendue rente que le deffendeur offroit pour l’espace du d. havre a este employe sur l’estat de la rente... comme le contract du deffendeur est bien et dument solennisé, les dictz... ne sont aucunement considérables...

Primo, la dicte prétendue induction..... vitio laborat que le reste du proces-verbal et porte les mesmes nullitez quy ont este cy-dessus remarquez et de ... que c’est un attentat d’avoir passe oultre à la dinduction au préiudice de l’opposition des demandeurs.

Secundo, les nouvelles lettres patentes ont este aussy peu verifyées en la cour et en la chambre des . comptes que les précédentes.....

Tertio et quarto, le consentement des d. sieurs trésoriers sur les d.  lettres patentes en vault pas verification, et partant la prétendue insertion de la rente en l’estat de la recepte de Vennes est de nul effect.

En somme, toutes les d. lettres patentes ottroyées par le feu roy en faveur du deffendeur ou de ceux qui prennent son nom ont esté revocquees par l’edict de juillet mil six cens dix avec la commission generalle pour la vente et alienation des terres vaines et vagues, et plus particnlierement par les lettres de sa mesme Majeste regnante du XXV mars mil six cens unze adressantes a la cour par lesquelles est mandé faire cesser cette recherche...

Et partant le deffendeur ne peult plus tirer a consequence les lettres que subrepticement il avoit obtenues, ny les procedures faictes sur... ny par conséquant empescher les justes fins et conclusions des d.  demandeurs.

Au moyen de quoy persistent les dictz demandeurs ou leurs dictz précédentes fins et conclusions. BIGARE, BOUCHET. Procureur syndic des d. habitants

 

DON DES TERRES VAGUES ET VAINES.

27 Mars 1611. Louis, par la grace de Dieu, Roy de France et de Navarre, a nos amez et feaux conseillers financ. nos cons. de Parlement à Rennes, a tous aues Noz Juges et Justiciers qu’il appartiendra, chacun en droict soy Salut. Nos chers et bien amez les habitans de Notre ville de Vennes, en Bretagne, nous ont faict remonstrer que la conservaon et entretenement de la d. ville et communauté dicelle conciste principallement au commerce qui sy faict à cause du fluz et refluz de la mer qui donne dans le port de la d. ville, lequel combien quil ne soit que de médiocre grandeur, eu egard à ce qui est nécessaire peur la charge et descharge des marchandises qui se trocquent et débitent en la d. ville et de la se transportent ailleurs pour la commodité d’une bonne partie des habitans de notre pais et duché de Bretagne, la conservaon et garde des matériaux pour la construction des navires et batteaux nécessaires peur le trafficq. Néanmoingn, lors des recherches qui se sont faictes es annees dernieres sous pretexte des terres vaines et vagues, aucuns aymans leur par. par dessus le bien publicq auroient donné advis de retrancher une partie du d. port et y bastir des maisons dont le don auroit esté faict à quelque personnage, qui seroit la ruyne et du d. port et de la d. ville pour les consideraons qui furent repûtées au commissaire qui se transporta pour cet effect avec l’oppinion de noz officierz et habitans d’icelle ville, dont il leur fut donné acte sans passer outre et du faict sur la plainte que les d. habitans en firent en plaine assemblée des Estats de notre pais, assemblés en la d. ville au mois d’octobre MVIcX (1610), les deputtez generaulx d’iceulx ayant considéré la grande conséquence et dommage, telle recherche et retranchement du d. port pouroit apporter au d. pais par la perte diceluy port chargerent ceux qui estoient depputez de nous prêter le cahier, de nous en fer remonstrance et assister les d. exp…ans et parce que la d. recherche donnee comme estant jugee a leur proffict par le moien de la revocaon que nous avens faicte par notre declaraon du mois de juillet mil six cens dix des com…ons pour la vente et allienaon des terres vaines et vagues, afin que les s.. d. exp…ans demeurent en toute sureté pour ce regard. Ils ont eu recours a nous pour leur estre sur et pourveu comme a chose qui touche communement notre service et le bien de la d. ville. Laquelle, si la commodité du d. port lui estoit ostée se diminueroit tellement que nous n’en pourrions retirer le service et le secours que nous en pourrions attendre. Nous, a ces causes, desirans conserver et accroistre tout ce qui est de l’ornement de nos villes et comodité du bien publicq de nos subjectz, Vous mandons et commettons par ces pntes, que s’il vous appert de ce que dessus, mesmes que le d. retranchement du port de notre ville de Vennes ne se puisse faire sans apporter dommage et incomodité au publicq, en ce cas, conformernent a Notre, declaraon du XXII juillet MVIcX (1610), vous ayez a faire cesser la recherche commission expediée les annees passez pour cet effect soubz coulleur de la recherche des terres vaines et vagues et autres, tels pretextes, et sans y avoir égard, conserver et maintenir les s..d. exp…ans, comme nous voullons qu’ils soient conservés et maintenus en la libre jouissance et possession du port de la d. ville, en l’estendue qui est comme place publicque, commune et necessaire pour le commerce, commodité et embellissement de la d. ville et faisons deffenses à toutes personnes de quelque quallitté, sous quelque pretexte que ce soit de les y troubler et empescher nonobstant les d. commissions, precedement dons non effectués, qui en pourroient avoir este faictz, et toutes autres choses à ce contraires. Lesquelles en tant que besoin seroit pour le bien publicq Nous avons, en exécution et conséquence de n. s. d. déclaraon, revocque et revocquons de not crac spâl, plaine puissance et aucterité royalles, donnans aussy en. mandement au premier notre greffier ou sergent sera requis, faire toutes defenses, publicaons et aues exploictz, requis et necessaires pour l’execuon des pntes, sans demander plain visa ni pareatis, car tel est notre plaisir, a Paris le XXVIème jour de mars, l’an de grâce mil six cent unze, et de notre Regne le premier. LOUIS. Par le Roy, la Royne repente la mere pnte, POTIER, f. f. Agrees pour en jouir les impetrans bien et deuement suivant la volonte du Roy et arrest de la cour de ce jour, faict en parlement a Vennes, le seizieme jour de juillet mil six cens unze. … Illisible.

 

LA RUE, LA PORTE ET LE PONT SAINT-VINCENT.

1ère Statue du Saint. Nous avons vu, à la dernière séance, que le mariage de la fille de Mercoeur avec César Monsieur, facilita grandement la conclusion du traité du Duc avec Sa Majesté. Le Duc et la Duchesse constituèrent à leur fille cinquante mille livres de rente annuelle dans le duché de Penthièvre et la Principauté de Martigue (dans les Bouches-du-Rhône). Les fiançailles furent faites sans retard (en avril 1598) au château d'Angers, par le ministère du cardinal de Joyeuse, et le contrat de mariage passé et signé des parties.

La duchesse de Beaufort, née Gabrielle d'Estrées, déclarait de son côté son fils son héritier et lui faisait donation du duché de Beaufort (Maine-et-Loire). Ce fut pour ainsi dire son testament, car elle mourut l’année suivante. Le mariage réel se célébra à Fontainebleau en septembre 1609. — Mme Françoise de Lorraine, devenant duchesse de Vendôme, avait 17 ans, et César Monsieur, 15.

Cependant, le jeune duc ne perdait pas de vue son gouvernement de Bretagne en général, ni la ville de Vannes tout particulièrement, ainsi que nous allons le voir par les documents ci-après. Plaise au Roy accorder au Duc de Vendosme le droict et permission de faire bastir à ung anplacement et a chenal inutills, scitué en la ville de Vennes, en Bretagne, quelques maisons qui pourront servir pour lanbelissement et utillité de la ville, à prendre depuis le moslin estant à la place de la Lisse jusqu’à la grille joignant la porte du port, à la charge de payer cinq solz monnoye de cens de rente annuelle pour chune maison, au domaine de sa Majesté, et ordonner toutes lettres necessaires a estre expediez. Sa Majesté renvoye le pnt placet a son conseil et sur le contenu en icelluy et estre pourvue, à Mon dit seigneur, le Duc de Vendosme, ainsi qu’il appartiendra. Faict à Paris, le XXIIème j. de juillet mil six cens neuf. Signé POTIER. Renvoy aux trésoriers de France pour donner advis sur la commodité et incommodité de la demande faicte par Monseigneur Monsieur de Vendosme.

Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, a noz amez et feaulx conseillers les tresoriers de France et generaulx de nos finances en Bretagne establiz à Nantes, Salut.

Nous vous renvoyons le placet cy attaché soubz le contrescel de Notre Chancellerye a nous pntée par Notre tres cher filz le duc de Vendosme, gouverneur, lieutenant général au d. pais de Bretagne, et vous mandons et ordonnons que vous ayez a informer de la commodité ou incommodite du contenu en iceluy et nous en donner et envoyer votre advis pour iceluy veu estre par nous pourveu sur la demande de Notre d. filz, ainsy qu’il appartiendra et desirans estre a fur de ce faire, nous vous avons donné et donnons pouvoir commission et mandement special. Car tel est notre plaisir. Donne a Paris, le XXI J° jour de juillet, lan de grace mil six cens neuf, de Notre règne le vingtiesme. HENRY. Par le Roy : POTIER ».

Cette pièce est annexée à un parchemin (rongé par les rats), lequel a conservé ce qui suit. « Aujourd’hui, quatriesme jour d’octobre mil six cens dix, le Duc de Vendosme, Pair de France, Gouverneur et Lieutenant général pour le Roy en son duché de Bretagne, estant à Vennes, désirant témoigner aux bourgeois et habitans de la dite ville l’affection qu’il leur porte, Mon dit seigne(ur) (vol)untairement donne, sauve acquit le don à luy faict parle feu Roy que Dieu absolve ung emplacement sciz en la d, ville, pour y bastir des maisons que lon luy auroit donné a entendre estre a la decoration et utillité dicelle et aprandre depuis le moslin de la place de la Lisse jusques a la grille joignant la porte du port en faire et disposer ainsi que bon semblera ausd. bourgeois, lesquels il a subrogé et subroge en son lieu avecq cession de tous les droitz quil y peust et pouroit pretendre. Vou... eur entend qua luy est toutes lettres et expeditions pour ce necessaires leur en soyent expediees et a pendan..... quil a signe de sa main et faict contresigner par moy son conseiller et secretaire ordinaire. MORIN, CESAR DE VANDOSME ».

De ces documents, il appert pour nous que en 1610, la place des Lices avait à peu près l’étendue et la physionomie qu’elle présentait deux siècles auparavant, au temps de Monsieur Vincent Ferrier.

Le chemin et le chenal mentionnés étaient la chaussée du moulin qui conduisait le long de l'Etang à la porte de Calmon et à la porte de la terre de Ker. Le chenal sortait de la ville par un passage, lequel était garni d’une grille de sureté... La communication d’une porte à l’autre existe encore aujourd’hui en deça de la porte qui ne prendra son service et son nom qu’en 1625, comme nous le verrons tout à l’heure.

En abordant le XVIIème siècle, on ne trouve aux archives aucun détail sur les fortifications en cours d’exécution. Les comptes eux-mêmes font souvent défaut. Cependant celui de 1610 nous offre entre autres deux chapitres à noter. C’est le compte particullier et ex….re que rend au Roy, Notre sire, par devant tous Nosseigneurs de ses comptes de Bretaigne, Mre Jan Bigarré, sieur de la Landelle, procureur scindic des Nobles bourgeois et habitans de Vannes.

L’un a pour titre « Frais des obsecques et funerailles du deffunct Roy, Henry le Grand, quatriesme de ce nom, frais s’élevant à unze cens xl liv XVs et le service du bout de l’an à six vingt livres XVIsolz. Le 2ème concerne les frais de l’entrée de Mgr le duc de Vendosme en la ville de Vannes. A cette époque, les communautés de ville devaient fournir un logement complètement garni et approvisionné, aux grands seigneurs en cours de voyage. En conséquence, les habitans ayant esté advertys que Monseigneur le duc de Vendosme, gouverneur de Bretaigne, estoit délibéré de faire son entrée en la ville et que les Estats de ceste province y estoient assignés au mois de septembre mil six cens dix, en l’assemblée générale de la communauté tenue le quatriesme jour du d. mois, advise et ordonne plusieurs préparatifs pour honorer la d. entrée à leur pouvoir et enjoinct au comptable d’en faire les frais et advances des deniers de la nature du presant compte et de faire achapt soit de vaisselle d’argent ou de chevaux, jusqu’à la somme de mil livres pour faire présant au dict seigneur, faire provision de vin, de bois, cherbon, chandelle, tapisserie, linge, vaisselle et autres ustancilles, de meubles pour son logement, mesmes pour le logement des seigneurs Marechal de Brissac, d’Avaugour, et autres, ensuite donner ordre pour les logeix des députez des Estatz et faire distribution de vins accoutumés, leur estre préntes (présentés) et generalement toutes choz. En consequence des quelles le comptable auroit faict les frais et despances pour ce requises et nécessaires, faict achapt de trois belles hacquénez qui furent présentées au d. seigneur de Vendosme. La dépense s’éleva à 4,276  livres 2 solz ».

Après le départ du prince le mobilier prêté devait être restitué. Cependant un bassin ne reparut pas à l’inventaire, non plus que six linceux, c’est-à-dire six draps, estimés 12 liv. Madame Chefdame, la prêteuse, y fut pour ses frais — comme de peu de conséquence.

Mais — mais fâcheux à noter — le comptable n’ayant denier appartenant à la communauté et comme les termes de payer le prix des fermes n’estoit pas venu ny expiré, fut contrainct en emprunter de ses amis et intéressés, qui lui ont cousté durant quatre moys, la somme de cinquante escuz. L’acceptation fut rejetée à six mois, jusqu’à production des quittances des préteurs....

Au milieu de ces fêtes, comme le reste de la France, la Bretagne comprend que le timon de l'Etat n’est plus aux mains du meilleur roi qui eût gouverné le royaume depuis saint Louis. A Vannes même, les troubles renaissent. Ses nobles habitants ne trouvent une apparence de sécurité qu’en s’enfermant infra muros.

Au compte de l’année 1616, rendu par Jan Sesbouez, nous relevons l’appropriation d’une plate-forme faicte tout au tour du dedans de la tour Bertrand pour y accommoder des Harquebuzeux ; on ferme provisoirement de murailles les portes de Calmon, Saint-Pater et Saint-Salomon ; un autre travail s’exécute encore pour un retranchement ou muraille seiche, a-vis la vieille muraille entre le chasteau et l’arbaletryé de la ville, on pourvoit de plus à la construction et confection d’une muraille seiche à l’endroict de la muraille qui est fondue et escorchée, entre le chasteau et la tour du Connestable. Puis viennent des depanses pour fournitures de bois et chandelle ; tant de jour que de nuict aux corps de garde de la ville et fauxbourgs, à cause des troubles et mouvemens derniers. Les portes sont débouchez, mais on veille : un sieur Jan Penmelen, marchant, est payé de soixante solz, pour les frais qu’il auroit faict y compris le louage d’un cheval pour transport, à la  prière du comptable, vers le bourg de Baden, distant de trois lieues du d. Vennes, afin de scavoir et descouvrir qui estoient nombre de cavilliers, qui auroient passé de nuict proche des murailles de la ville, de crainte de quelques surprinses sur icelle. Bref, c’estoient des personnes de Belle-Isle gagnant le littoral....

Les murailles se ressentent de leur existence plus que séculaire ; il dévient nécessaire de reconstruire un pan entre les vieilles murailles et ce qui reste du chasteau afin de les joindre pour empescher les surprinses et entrées qui auroient peu estre faictes de jour et de nuict. Après l’oeuvre des massons, il faut déblayer les douves des terres et encombres qui estoient par le dehors, contre la muraille faicte de neuf entre la perte de Calmon et la place du château, et iceux mettre au fond de la douve d’icelui chasteau vers le grand chemin. L’opération se continua du côté de la terre de Ker d’où il fallait enlever les terres qui restoient de l’Espron et icelles mettre avis le logeix de deffunct Yves Le Bras afin d’eslargir le chemin au d. endroict.

Il est encore fait d’autres dépenses, durant et à cause des mouvements derniers, pour garnir l’espron de terre de la porte neufve de futs de pippes et gabions et remplissement d’iceux, affin de deffense et pour empescher l’escalade avant qu’ils fussent revêtus de pierres... Pendant les années 1616, 17, 18 et 19, se construit un espron en avant des deux portes de Calmon et de Gréguiny ; on commence le pont extérieur ; on bâtit le troisième bastion plein a-vis la maison de Marin-Myllet, négociant en vins et fermier des deniers communaux.

Par ces détails, dont nous devons nous borner à relever une faible esquisse, nous devons remarquer que l’assemblée des nobles, bourgeois et manans, ne pouvait songer à l’extension de la cité, ni l’ouvrir à l’air et au soleil comme on commençait à le faire à Nantes, à Rennes, etc., en déblayant le terrain de ces lourdes obstructions, au fur et à mesure des brèches. On apportait un soin recommandé par l’esprit du temps, à les réparer le plus solidement possible. Dans la première moitié du siècle, les murailles restaurées partiellement reçoivent un revêtement de grand appareil. Les parties les plus anciennes sont en opus incertum, c’est-à-dire en massonnage de moellon à-peu près sans forme ni façon.

Cela dit, arrivons à la construction du pont et de la porte qui prend le nom du saint patron de la ville de Vannes.

Quand, à défaut des délibérations de la communauté de ville, j’ai entrepris de feuilleter les comptes des miseurs, je ne savais trop dans quel labyrinthe je m’engageais ; je n’y voyais clair ni dans la forme ni dans le fond. Le premier document remarqué n’est pas fait pour encourager un novice. C’est le procès-verbal de Claude de Francheville ; seul, je n’en serais pas venu à bout, mais un peu d’aide m’a permis de résoudre le problème.

Cette inspection des murailles, constatant l’excellent état du pont Saint-Vincent, permettait de conclure qu’il devait être de construction récente. Feuilletant alors à gauche, j’en suis venu à un cahier qui n’a rien d’alléchant par sa forme et son poudreux revêtement ; il est intitulé « Compte particullier du soulte pour pot de la ville et forsbourgs de Vennes à la Chambre des comptes de Nantes par Noble homme Xphle (Christophle) Lorans, sieur du Verger, procureur et miseur de la communauté de Vannes, pour les années 1622 et 23 (arrêté en 1625) ».

Par coppie collationnée par Nous Notaires du Roy, Notaire Sire, à Vennes, ce XXVIème j. de febvrier, an mil six cens vingt six — après midy. MACE, Notaire royal. J. THOMAS, Notaire royal.

§ 3. — Deniers payez par le d. comptable pour les constructions et bastimentz des Portes et Pont faict de neuf en la ville de Vennes entre les antiennes portes de Calmon et Ker, sur le canal et rivière dycelle ville.

A Jan Bugeau, Maître architecte, demeurant au dit Vennes, adj…re du bail au rabais et à qui pour moings des ponts et portes qui se construisent de neuf sur le d. canal.... la somme de neuf cens livres tournois que le sr Lorans, comptable, luy a paiée comptant sur celles de unze mil cinq cens livres a laquelle lui auroit été judicièrement absollué, comme moins disant le bail à feur de la construction et bastimentz des dicts pontz et porte neufve le unziesme jour de May mil six cens vingt et en devant le Seneschal du d. Vennes, en présance et du consentement du substitut de Monsieur le Procureur général au d. lieu, le procureur scindicq de la ville et plusieurs bourgeois et habitans d’icelle aussi presans et après les bannye et autres solempnittés requises, gardées et observées, selon qu’il est plus amplement porté et contenu par l’acte du dit bail, à feur, rendu sur le compte particulier de Me Jullien Hervouet, précédent receveur et mizeur de la d. communauté, laquelle somme de neuf cens livres auroit esté paiée et deslivrée au dict Bugeau à feur que de l’ordonnance du quinziesme jour de juillet mil six cens vingt deux. Signé : Thomas GREFFIER.

Les paiements se continuent avec les mêmes et interminables formules pendant trois années ; mais l’oeuvre ne se prolongea pas plus de deux ans, car Jan Régnault, sieur du Hesqueno, particulièrement, commis et depputté par la communauté pour avoir l’oeil à la construction et bastiments des ponts et porte et controller les ouvriers et travailleurs reçut la somme cinq cens huict livres huict solz quatre deniers des mains du sr Lorans lors comptable pour les gaiges luy ordonnez par la d. communauté pour les peines, sallaires et vacation d’avoir durant vingt mois dix jours de temps continuellement eu l’oeil au d. oeuvre et bastiment et faict travailler les ouvriers et veu qu’il auroit esté emploié a icelluy œuvre de bons atraicts et matériaux, à raison de vingt cinq livres par chun mois, et suivant quatre ordonnances de la communauté mil VIc XXII, 10e febvrier.

La génération suivante put bien approuver le chois des atraictz et matériaux, mais elle aurait regretté d’avoir décoré l’architecte et le contrôleur, car ni l’un ni l’autre ne s’aperçurent que le bastiment se faisoit sur le domaine de la mer, laquelle ne supporte sans protestation, ni empiètement, ni usurpation : elle le prouva bientôt en minant l’édifice par la base et en le livrant aux ravages de pitoyables et sinistres lézardes...

Jan Bugau (ou Bugeau) ne vécut pas longtemps après l’exécution de ses travaux. Le comptable de l’année 1625 lui paie la somme de cent livres à valloir sur ce qui pourrait lui estre deub du prix de son marçhé, à la date du XVème jour de janvier MVIc XXV, sur quittance de lui signée et le XXVIIème de septembre MVIc XXV, le comptable remet trois cens livres à Yves Le Faucheux, l’un des députéz cauption du d. Bugeau, suivant et en vertu d’une sentance du siège pré-al de Vannes. Au § suivant il est remis 500 livres au précédent et à M. Pierre Le Gratieux, curateur aux biens vaccins de la succession d’icelluy Bugeau, pour le reste et parfait paiement du marché.

L'Essentiel est fait — le pont est terminé ; la porte peut servir, — Reste l’ornementation. Il y avait été songé au cour de la construction, car le comptable, Christopfle Lorans, aurait payé à Jan Babuche et à Guillaume Le Marchant, peintres, la somme de vingt livres cinq solz ; au 1er, pour ses peynes et sallaires d’avoir peint deux escussons armoiriez des armoiries de Mgr le duc de Guise, pour mettre l’un à la porte de la ville, et l’autre sur la porte du logis où il auroit logé en passant icelle ville, en l’an 1622 ; et au d. Le Marchant, cent cinq solz aussi pour ses peynes et sallaires d’avoir faict un portraict de l’Image de Monsieur Saint Vincent, pour faire finir à un sculteur, en ceste ville de Nantes pour en faire ung en bosse pour mettre et apposer sur la porte faicte de neuf, vers le port de la Ville de Vannes. La quelle somme auroit esté payée en vertu de l’ordonnance de la communauté de la ville en date du XXIIIème jour de juing mil six cens XXIII.  Signé YONDRE, commis greffier.

Le modelle expédié à Nantes, Christ. Lorans le comptable demande le remboursement de six vingt livres par luy payée à un sculteur de ceste ville de Nantes pour la construction d’une image de S. Vincent faicte 1° de pierre, 2° de marbre pour estre mise et posé sur la porte du d. Vennes et six livres pour le port et voiture de la d. image de ceste ville en celle de Vennes et pour icelle faire mettre en place sur la d. porte et suivant ce qui lui auroit esté ordonné par la d. communauté le dit achapt et marché ratifié en assemblée et congrégation généralle des d. bourgeois et habitans tenue le XIème jour de mars dernier MVIc XXIIII — par acte signé etc. du Sr Thomas, greffier

La somme de six livres pour le port et le reste ne pouvait être qu’un acompte, car à la suite Supplie le d. comptable avoir cy en droict mise et despance de la somme de quinze livres et saize solz tournois par nous paiée pour avoir faict porter de ceste ville de Nantes en celle du d. Vannes, l’image de Monsieur S. Vincent pour mettre sur la porte neuve de la terre de Ker d’icelle ville, ainsi qu’il appert des dicts frais par l’estat particulier et par le miseur de la d. despance Arresté au conseil de la ville et communauté du d. Vannes, le deuxième jour du mois de décembre mil six cens vingt-quatre.

Reste à mettre l’image à sa place. « Pour ce à Jan Marchet, cherpentier, fut deslivrée la somme de dix huict livres pour avoir faict et dressé ung chaffaut à la d. Porte de S. Vincent pour élever et poser en une niche estant an hault d’icelle une image du d. saint, même pour y eslever, et pour poser aussy les escussons aux armes du Roy et de la d. Ville, comme plus à plein est rapporté et contenu par l’ordonnance de la d. communauté signé Thomas, commis au greffe, cy rendu l’ordonnance en date du XVIIème jour de septembre mil six cens XXIIII ».

Mais les d. escussons avoient esté peints et dorés pour lequel travail fut payée à Guillaume Le Marchant, maître peintre, demeurant au d. Vannes, la somme de soixante quatre livres tournois. Il avait peint à l’huile et doré les escussons et aussi les deux ordres de Sa Majesté estant autour d’iceluy d’or et esmail, avec l’écusson des armes de la ville estant taillez et exposez sur la d. Porte S. Vincent. Comme complément final Guillaume Le Marchant reçut en outre six livres huict solz, pour avoir aussi de l’ordonnance de la communauté, peint une image de N.-D. à pareille mise en une niche qui est dedans de la Porte de S. Vincent.

Finis coronat opus, mais pour un siècle seulement !

On ne se ferait pas une idée exacte de la physionomie de cette 1ère porte, en la comparant à celle que nous voyons aujourd’hui. La première devait ressembler à une porte cochère traversant le rez-de-chaussée d’une maison ayant en bas des boutiques et des logements particuliers à droite et à gauche, jusqu’à la hauteur d’un troisième étage. Quand dès le XVIIIème siècle il fallut s’occuper de la reconstruction, un architecte de l’époque, Jeannesson, produisit plusieurs projets avec plans et coupes. Un des premiers qui se rencontre représente les fenêtres avec vues sur le port. Il dut reproduire dans son ensemble les dispositions générales de la porte du XVIIème siècle.

En ce qui concerne l’inauguration de la statue, nous devons déclarer que nous n’en avons trouvé aucune trace ; il est toutefois permis de supposer qu’elle aurait pu s’effectuer le premier dimanche de septembre 1624. On peut présumer que le nouvel Evêque, Mgr Sébastien de Rosmadec, nommé en 1622, n’avait pas encore pris possession de son siège. Quoiqu’il en soit, s’il y eut fête, la procession se développant de la cathédrale sur la place des Lices devait présenter un coup d’oeil des plus pittoresques, c’est-à-dire des plus dignes de tenter le pinceau de Guillaume Le Marchant, à défaut de Nicolas Poussin (1594-1665).

Par respect pour la vérité historique, nous ne tenterons pas de donner l’ordre de la marche, de la préséance et du cérémonial. Nous supposerons que les rangs furent réglés d’après la date de la fondation des congrégations établies dans le diocèse  de Vannes. Les plus récentes, formant la tête, avaient pour représentants :

- Les Dominicains, préparant leur installation à Vannes en 1633.

- Les Capucins, avec leurs Gardiens établis près de Limoges à Vannes en 1613, seront à Auray 1626, et à Hennebont en 1633.

- Les Chartreux du Monastère près d'Auray en Brech, remplaçant les chapelains de Saint Michel du Champ, en 1480.

- Les Trinitaires ou Mathurins, institués à Sarzeau en 1341, et à Rieux, avec leurs supérieurs dits ministres, en 1345.

- Les Camaldules de Roga, en Saint-Congard  canton de Rochefort.

- Les Carmes avec leurs supérieurs appelés Prieurs établis à Hennebont des l’année 1389, au Bondon, près de Vannes en 1434, à Sainte-Anne d'Auray en 1627, à Vannes, sur le port en 1628.

- Les membres de la Commanderie du Saint-Esprit établie à Auray, avant 1450.

- Les Bénédictins de l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuis fondée vers 550.

- Les Bénédictins de l’abbaye de Saint-Sauveur de Redon fondée au commencement du IXème siècle.

- Les Cistériens de l’abbaye de Lanvaux fondée en 1138, de Prières, près Billiers fondée en 1252.

- Les Cordeliers établis à Vannes dès 1250 à 1260, à Sainte-Catherine, puis au Port-Louis en 1446, à Bodélio, en Malansac en 1440, à Bernon, en Rhuis, sur le Morbihan en 1458, à Pontivy en 1458.

Le clergé des quatre paroisses de Vannes, savoir de Saint-Patern, de N.-D. du Mené, de Saint-Salomon, de Sainte-Croix ou Saint-Pierre.

Des chapelenies de Saint-Michel (au champ-de-foire actuel) de Nazareth, de Saint-Jullien, de N.-D.-des Lices etc. Enfin de la Cathédrale et le chapitre.

Ensuite venait au grand complet l’assemblée des nobles, bourgeois, manants et habitans de la ville de Vannes, présidée par Monsieur d’Aradon, gouverneur de la ville et chasteaux, etc.

René, beaupère de Pierre de Lannion, baron de Vieux-Castel, qui lui succédera en 1626. Le Seneschal, M. le Procureur du Roy, MM. de la Landelle , Bernard ; les sieurs Salmon, Bourgerel, Salomon, Jacques Cillart, Jan Bigaré, Sauvaget, Lorans, sieur du Verger, Kermaguer, Bonnabes, Pierre Fruneau, deux de la Couldraye, Julien Le Moyne, Le Mether, Pierre Le Gal, Jordannet, Bourdannez? Le Marchant (le peintre sans doute), Crossé, Victor Gillot, Pesligot, Rene Dronnot, Louis-Pierre-Aymé Duval, Jan Le Bourdiec, Jacq. du Foussé, Chessé, Dréano, Duval, Jacq. Touzé, Le Yondre, Kercado, Jullien Hervouet, Le Mézec, Autheil, Le Métayer, Regnault, sieur du Hesqueno, qui avait eu l’oeil à la construction, Pichan. Billy, Plantard, Delmillion, Le Chet, N. Guyot, Le Gracieux, Pain, Gatechair, Hiérosme Gibon, Sylvestre, Richart, Le Meilleur, anc. miseur, Allain, Rolland, Sabrahan, Kerloys, Du Tressay, G. Luco, Méan, Roudant, Colombel, 0llichbn, Le Penmelen, Le Faucheux, Le Guennec, de Saint-Pern, Kerampont, Mozin, Kerquiris, Sesbouez, Le Moguedec, Rolland, Rocaz, Pierre Chedane, Rolland Fruneau, Louet, de Coetlagat, Merrant, d’Origny, La Chaussée, Gouault, Myllet, Marin, Le Quinyo, J. Cauret, de Sérent, Guido, Nicolas Daviers, Hary, Justel, Bellangier, Jul. Le Gouvello, Loys Douart, Audic, de Callac, Jul. Bigaud, Belleville, Thomazo, Le Goff, de Poligné, etc. etc..

Nous sommes en 1626. Le mercredi, 4ème jour de mars, le procureur sindic remontra à la communauté qu’il a fait venir en cette ville Jacques Corbineau, architecte, pour le sujet de la fortification de la muraille de cette ville entre le château et la tour du Connétable vers la garenne (il s’agissait de faire faire une muraille à chaux et à sable depuis le château jusqu’à la pointe et la sentinelle qui est entre le dit château et la tour et de hausser la dite muraille qui est depuis la pointe jusqu’à la dite tour et aux attentes et accrocs qui y sont). L’assemblée arrêta de descendre sur les lieux en compagnie de Corbineau pour en faire des desseings concernant la fortification.

A la séance du 11 mars 1626, le dit Corbineau présent, l’assemblée arrêta de faire l’oeuvre, selon le plus juste devis, qui est d’un bastion avec casmats sur la courtine de la muraille qui sera faite de neuf entre le bastion et la tour du château, et pour former le devis et l’arrêter avec Corbineau, furent nommés des députés.

A la séance du vendredi, XXVIIème de mars, furent lues des lettres de Corbineau, qui finit par décliner le travail, sans doute à cause des modifications jugées nécessaires, telles que celles-ci « sera tenu le furatier d’escorcher la vieille courtine pour l’alignement qui se doibt prendre de la tour du Connétable au bastion, en outre lever toutes les curures causées par les dits bastiments et les transporter à la terasse qui se doibt faire par le dedans de la ville, advis la dite muraille ».

A la séance du 15ème juin 1626, le Procureur sindic remontra à l’assemblée, qu’après avoir fait diverses bannyes pour le bail à faire les fortifications projetées et sur l’ordonnance à lui faite de faire toute diligence de faire Venir de Rennes et de Nantes, pour les devis et des offres, et avoir employé à cet effect la ressource de la chambre, on lui aurait mandé que les architectes de Nantes étant occupés auraient refusé de venir. De la ville de Rennes, Antoine Augeneau aurait proposé de faire l’oeuvre pour vingt-cinq mille livres, à la charge de fonder les fondements jusqu’à douze pieds pour trouver le dur et pilloter en cas que ne trouverait le dur après douze pieds.

Au-dessous de cet offre, Jean Dano, masson (maçon) de cette ville, aurait fait offre à ving-quatre mil cinq cens livres, sur lequel il aurait été ordonné de référer à la communauté. Le dit Augeneau est connu comme bon architecte et capable d’entreprendre l'oeuvre, et le Sr Dano n’est trouvé ni capable de telle entreprise ni solvable. La préférence est donc donné au premier. L’architecte se mit à l’oeuvre, et à la séance du 26 avril, il remontra que pour avancer son ouvrage, il était nécessaire de faire une ouverture en la muraille de la ville qu’il doit relever au dit endroit pour le passage des matériaux qui sont aux ruines du château, laquelle ouverture sera seulement de six pieds pour le passage d’une charrette. La communauté consentit, à la charge de fermer la dite ouverture au, cas qu’il y eut péril pour la conservation de la ville en temps de guerre. Le 4ème jour de juin 1627, le tiers de l’ouvrage étant exécuté, Augeneau demanda le payement du tiers de la somme affectée au travail. Les appréhensions de guerre étaient loin d’être dissipées, comme nous le verrons plus loin dans un exposé de la situation générale à la fin de ce XVIIème siècle, qui fut pour la ville celui de son plus grand développement commercial.

Qu’il nous suffise de dire ici qu’à ce moment, sur l’avis de M. de Vieux Chatel, gouverneur de Vennes, etc., le Duc de Brissac, pair et grand panetier de France, lieutenant général pour le Roy en Bretagne, étant à Blavet, devenu Port-Louis depuis 1618, préparait la notification suivante :

1° « Nous ordonnons et très-expréssement enioignons aux habitans de la Ville de Vennes de faire repparer et hausser les murailles d’icelle par l’advis de Mr de Vieux châtel, g., auquel nous ordonnons de tenir la main que cela soit exécutté en toute diligence et plus pronptement que faire se pourra, fait au Port-Louis, le 28° jour de septembre 1628. Ainsi, signé François de Cossé, et plus bas par Mgr. Allard... 

2° Nous ordonnons et très-expressement enioignons aux habitants de la ville et fauxbourgs de Vennes, de quelque qualité et condition qu’ils soient d’achapter des picques, mousquets, poudres et balles pour repousser les pernicieux desseins des ennemis du service de sa Majesté, souz paine aux deffaillans de cent livres d’amende, payables sur le champ (même date).

NOTA. - Le grand panetier était celui des grands officiers de la couronne qui faisait distribuer le pain dans toute la maison du roi : il avait autorité sur tous les boulangers du royaume.

Voilà l’époque de la réfection de la haute muraille qui se voit à l'Ouest de la Porte Poterne, muraille constituée à l’aide des pierres déjà salpétrées, provenant de l'Ermine en démolition.

Quant à la Porte, dite Poterne, elle nous occupera incessamment, en nous révélant la place de sa marraine.

Le bastion bâti de 1627 à 1629 se trouve ainsi déchu de l’honneur d’avoir servi d’assiette aux tours issantes que vous savez.

Elles n’ont jamais été là ; où étaient-elles donc? Nous n’avons plus à vous le dire sans nous répéter.

Cependant, l’angle de la place des Lices, sur le passage le plus, fréquenté de la ville ne pouvait rester longtemps sans attirer l’attention des gens en mesure de comprendre les avantages d’une situation commerciale de premier ordre.

Le moment de masquer le triste aspect des ruines du château arriva vers le 17 avril 1643. Ce jour un acte fut passé devant les notaires royaux entre messire Claude de Francheville et Maître Guill. Kerviche, procureur au présidial, concernant l’emplacement d’une maison vendue par M. de Gissac, héritier au paternel de M. du Baudory. Le dit acte porte entre autres choses qu’un emplacement donné à titre de cens, acenté par les commissaires du Roy, est en forme de triangle, situé au bas des Lices de la ville de Vannes, donnant d’un côté à l'Estier (Estuaire) qui fait moudre le moulin des Lices, de l’autre côté, vers les lisses, d’un bout au joignant et le long de la passée pour aller à l'abrevouer des chevaux, et par l’autre bout qui sera en pointe vers le canal du dit moulin, contenant de long vers les Lices quatre-vingt dix-huit pieds de long vers l'Estier, quatre-vingt dix-sept pieds au niveau de la muraille qui joint l’eau et par le côté joignant l'abrevouer, aux chevaux cinquante pieds du niveau de la muraille joignant le dit estier, tirant à droite vers les lices au désir du procès-verbal qui en a été fait le 29 juillet précédent.

M. Kerviche était adjudicataire de l’emplacement qu’il céda à M. de Francheville, lequel l’a ensuite passé à M. Boudoul de Baudory, en propriété par contrat homologué avec les créanciers de M. de Chuilly.

Je certifie le présent véritable et conforme à l’original. A Vannes, ce 19 Août 1774, signé GIBON DE QUERALBEAU, KERALBEAU (en Ploeren).

Ce document, classé dans la liasse des Pavés, contient en plus une autre déclaration dont l’importance est à noter tout spécialement dans la délimitation qui nous occupe en ce moment ; c’est l’extrait d’une délibération prise par, les habitans et communauté de Vannes à la date du 17 avril 1668.

Par cette délibération, la communauté a cenze un emplacement à M. de Tréduday (en Theix), un emplacement à prendre au coin du château de cette ville et continuant le long de la muraille de la dite ville par le dedans à aller vers un bastion qui est sur la dite muraille, contenant de longueur quatre vingts pieds et de largeur quarante cinq à la charge de dix huit livres de rente. Le dit afféagement approuvé et confirmé par M. le Commissaire du Roy, ce 14ème de Mars 1680. Le coin du château indique de la façon la plus péremptoire que le logis de l'Ermine ne va pas plus loin, à 80 pieds du bastion bâti vers la pointe de la muraille, à la place de la sentinelle, corps de garde qui y existait jusqu’en 1626. Ainsi se trouve déterminé le côté méridional de la rue qui va devenir celle de la Porte-Poterne.

Avant de finir cette lecture, je désire vous rendre compte d’une visite que j’ai faite en compagnie de notre sympathique secrétaire au lieu où pendant des siècles l’étang des Lices réfléchit la silhouette, aujourd’hui perdue, du château de Jean IV. Nous avons eu la bonne fortune de nous trouver en présence du propriétaire actuel, lequel a bien voulu nous donner d’intéressantes indications. D’abord l’étang est réduit à sa plus simple expression : ce n’est plus qu’on ruisseau que nous ne dirons pas d’onde pure : il s’y décharge dix-huit tuyaux de servitude. Le sol de l’étang, avant d’être surélevé, a été débarrassé de la vase qui le recouvrait. Cette opération a mis à jour une maçonnerie de grande dimension ; comme elle se trouve perpendiculaire à l’angle ouest de la maison Lagorce, il nous a paru possible de la considérer comme le soubassement de la tour angulaire de la façade principale... Dans ces conditions, le côté occidental du château aurait présenté un développement de 45 à 50 mètres. En donnant au côté oriental regardant la garenne une dimension égale, j’estime qu’on arriverait à donner au bâtiment total la physionomie d’un rectangle relevé aux quatre angles par les tours issantes, et offrant, vers le sud, sur la mer, les deux grosses tours dont le dessin est figuré sur le plan conservé aux archives. Comme je faisais observer que le long du deversoir qui se rend à la mer, il y avait une rue menant à la porte de Calmont, M. Méry, le propriétaire, s’est empressé de nous dire qu’en effet, il a eu à relever une série de pavés dans les fondations de sa maison. Ainsi, depuis deux siècles, le sol de la ville a été surélevé de deux mètres environ pour arriver au niveau que nous voyons aujourd’hui. L’espace qui n’a pas reçu cette surélévation se voit encore dans la cour attribuée, en 1668, à M. de Tréduday ; et devenue aujourd’hui la propriété de M. Jubier, du coin du château à la maison qui s’est appelée l’hôtel du Grand-Monarque, touchant la poterne. La porte de ce nom ne sera ouverte qu’en 1680. La poterne du château s’y voit au fond d’un cellier.

M. Guyot-Jomard

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