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PRIEURE DE SAINT-GUEN A VANNES

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A un kilomètre au nord de l'église de Saint-Patern, sur le bord de la route de Pontivy, se trouve le village de Saint-Guen. C’est là qu’était le siège d’un prieuré, dépendant de l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys, ordre de Saint-Benoît. Il était dédié à saint Guénael, un saint breton très connu, dont on a raccourci le nom ici en celui de saint Guen. C’est de ce prieuré que je me propose de vous entretenir pendant quelques instants : je n’abuserai pas de la permission, et je réduirai les renseignements au strict nécessaire, pour donner une idée d’ensemble de l’établissement.

 

I. CONSISTANCE.

Et d’abord en quoi consistait le prieuré ?  Quels étaient ses biens temporels ? — Il y avait : 

1° L’enclos, renfermant la chapelle, la maison prieurale, le colombier et le jardin, le tout entouré de hautes murailles, et contenant sous fonds deux journaux ; 

2° La métairie de Saint-Guen, au sud de l’enclos, comprenant une maison, un jardin, des pâtures, des champs et des landes d’une contenance de 25 journaux ; 

La métairie de la Villeneuve, à l’ouest de l’enclos, sur le bord de la route, contenant une maison, et 20 journaux de terres diverses; 

4° La métairie de la Bouverie, à l’est de l’enclos, composée d’une maison et de terres considérables ; 

5° La métairie du Cosquer, formant aujourd’hui une dépendance de l’hôpital général de Vannes ; 

6° Le champ et le pré du Poulprio, sur la route de Saint-Avé, d’une contenance totale de 10 journaux ; 

7° Un moulin et son étang, au bourg d'en-bas de Saint Avé ; 

8° Quelques maisons et jardins dans la rue Neuve, à Vannes. 

A ces propriétés foncières, ajoutez des droits féodaux plus ou moins étendus sur toutes les maisons et jardins de la rue Neuve, sur le manoir de Kercadre ou de Kerker, sur la métairie de la Porte, sur celle de Kerisac, sur les prés de Saint-Symphorien, et sur diverses tenues du bourg de Saint-Avé, et vous aurez une idée approximative des dépendances du prieuré de Saint-Guen. 

Ce n’est pas tout : il y avait encore une annexe considérable au sud de Saint-Patern, autour de la promenade actuelle de la Garenne. Ce territoire était limité au nord par le ruisseau qui vient dé Lanoë et par celui qui descend de l’étang du Duc, et au midi par la ruelle du Jointo et le parc de Limoges ; il s’étendait depuis la place du Féty à l’ouest, jusqu’au jardin de Lanoë à l’est.

Dans cette annexe le prieur possédait en fonds et édifices un moulin et un étang, situés près de la porte actuelle de la Poterne ; il avait de plus des rentes féodales sur les maisons et jardins de la rue de l'Abbé ou de la Garenne, de la rue du Féty, de la ruelle du Jointo, du plateau de la Garenne, sur la métairie du Jointo ou de la Haute-Folie, et sur celle du Verger. 

Comme seigneur féodal, le prieur avait juridiction haute, moyenne et basse, sur tous les hommes de son domaine et sur leurs héritages : il exerçait cette juridiction par un sénéchal, un alloué, un lieutenant, un procureur fiscal, un greffier, un sergent et un receveur, tous nommés par lui. 

Les plaids généraux de cette cour se tenaient, en 1603, sous un gros chêne de la rue Neuve, qui rappelait le fameux chêne de Vincennes et le roi saint Louis ; plus tard les séances se tinrent dans la salle du Présidial.

De plus, le prieur avait la dîme à la douzième gerbe sur une partie de son domaine, ainsi que le droit de rachat et de mutation et quelques corvées. Tous ses sujets lui devaient la foi et l'hommage, et étaient obligés, suivant l’usage, de faire moudre à son moulin et cuire à son four.

En retour, le prieur était obligé de réciter tous les jours l’office divin, et de célébrer ou faire célébrer une messe chaque dimanche à Saint-Guen, et trois messes par an à Saint-Avé, et enfin de payer les décimes ordinaires et extraordinaires.

 

II. FONDATEUR.

Quel a été le fondateur de Saint-Guen ? On l'ignore, l'acte de fondation ayant été perdu. Cependant, en cherchant bien, en tenant compte de certaines particularités, on peut arriver à de grandes probabilités.

Si nous considérons l’étendue du fief du prieuré, ne sommes-nous pas portés à croire que le fondateur était un grand et riche seigneur, par exemple, l’évêque de Vannes, le seigneur de Largoet, ou le duc de Bretagne lui-même, qui avaient des domaines avoisinant celui de Saint-Guen, et qui pouvaient détacher une portion de leurs terres, sans trop s’appauvrir ?

Or cette présomption devient une certitude pour le duc de Bretagne. Nous lisons en effet dans un aveu de 1540 que « le prieuré de Saint-Guen a été fondé par les rois, ducs et princes de ce pays de Bretagne ». L’aveu est sans doute bien postérieur à la fondation ; l’avouant lui-même semble ignorer le nom véritable de ce prince de Bretagne, mais il exclut formellement tout seigneur secondaire, et il réserve tout l’honneur de la fondation au duc.

Reste donc à trouver le nom de ce duc, ou au moins l’époque à laquelle il vivait. Pour dégager cette inconnue, examinons l’organisation du domaine de Saint-Guen. Ce domaine, comme on l’a vu ci-dessus, n’était pas une propriété ordinaire, mais un fief, c’est-à-dire que son titulaire avait des droits suzerains sur son territoire et sur les habitants de ce territoire.

Or la concession de ces droits féodaux était d'un usage commun au XIème siècle, d’un usage plus rare au XIIème, et d’un usage qui s’éteignit au XIIIème. Cette remarque restreint déjà le champ des investigations.

Quelle était alors la situation de l’abbaye de Saint-Gildas, dont relevait le prieuré de Saint-Guen ? Ce monastère, renversé par les Normands, était resté en ruines jusqu’en 1008, époque où le duc Geoffroy avait demandé le moine saint Félix, de Fleury, pour le restaurer. En partant pour son pèlerinage de Rome, le prince promit au moine de lui faire de grandes largesses à son retour. Malheureusement il mourut dans le voyage.

Seize ans plus tard, son fils Alain III, arrivé à sa majorité, se mit en devoir de remplir les promesses de son père. L'historien de l’abbaye ne nous dit pas, il est vrai, en quoi consistaient ces libéralités, mais tout porte à croire qu’il s’agissait de biens fonds, dont les revenus devaient servir à l’entretien du monastère renaissant.

D'un autre côté, l’évêque de Vannes, qui était alors Judicaël, frère du duc Geoffroy et oncle d'Alain III, et qui avait pour saint Félix, nous dit l’historien de l’abbaye, « une affection singulière », parait avoir voulu posséder prés de lui quelques-uns des disciples du saint abbé de Rhuys, et avoir engagé son neveu à leur donner quelques possessions à Vannes même. Dans cette hypothèse, qui parait très vraisemblable, le prieuré de Saint-Guen aurait été fondé par Alain III, entre 1025 et 1040.

Longtemps les moines séjournèrent à Saint-Guen ; mais peu à peu le relâchement put se mettre parmi eux, et l’isolement devint un danger; un jour vint où l’abbé de Rhuys jugea à propos de faire rentrer ses religieux au monastère. Cependant un des moines conserva, malgré son absence, le titre de prieur de Saint-Guen, et perçut les revenus de l'établissement au profit de l ‘abbaye. A partir du XVIème siècle, des prêtres séculiers réussirent parfois à se faire conférer ce bénéfice, et les religieux eurent souvent à lutter pour le reconquérir. Au moment de la Révolution il étaie retombé en mains séculières.

 

III.  ENQUÊTE.

Le mercredi 21 novembre 1453 fut un jour solennel pour le prieuré. On voyait s’avancer sur la route, conduisant de Saint-Patern à Saint-Guen, un cortège nombreux d’ecclésiastiques et de laïques. En tête marchaient Raoul de la Moussaye évêque de Dol, Jean Lespervier, évêque de Saint-Malo, Guillaume Millon, abbé de Saint-Jacut, et Jean du Bot, official de Vannes.

Ces quatre personnages étaient les commissaires subdélégués par le Saint-Siège, pour faire une enquête en Bretagne sur la vie et les miracles de M. Vinent Ferrier, dont on demandait la canonisation. Ils venaient de voir à la cathédrale le tombeau du Vénérable serviteur de Dieu, ainsi que les images de cire, les béquilles, les croix, les chaînes des captifs délivrés, les cercueils et les suaires des ressuscités, qui témoignaient des faveurs obtenues par son intercession et ils venaient à Saint-Guen, pour se loger dans la maison du prieur, et pour interroger dans la chapelle les témoins qui se présenteraient.

Ils étaient accompagnés de Yves de Pontsal, évêque de Vannes, et de Guillaume de Coetmeur, chanoine, représentant l’un le diocèse, et l’autre le chapitre, et agissant comme postulateurs de la cause. A leur suite venaient les témoins que les commissaires devaient interroger, et la foule des curieux qu’attirait la nouveauté du spectacle.

A peine arrivés, les commissaires, qui avaient déjà prêté serment de bien remplir leur mission, se rendirent à la chapelle, et reçurent le serment des postulateurs de ne produire que des témoins dignes de foi. Ils firent ensuite comparaître trois notaires ecclésiastiques, chargés d’écrire les dépositions des témoins, savoir Guillaume de la Houlle, recteur de Bréhan-Loudéac, Raoul de la Rochechaude, recteur de Landébia, et Jean Langlais, maître ès-arts, et leur firent jurer de remplir fidèlement leur rôle, et de garder le secret sur les dépositions jusqu’à la fin de l’enquête.

Ces préliminaires achevés, on fit comparaître le premier témoin : c’était Yves Gluidic, archiprêtre ou choriste à la cathédrale, âgé de 64 ans, qui avait connu personnellement M. Vincent, et qui fournit de nombreux détails sur sa vie et sur sa mort. On entendit ensuite M. Prégent Plévigner, avocat à la cour ecclésiastique de Vannes, âgé de 66 ans ; Henri du Val, de Landévant, chevalier, âgé de 70 ans ; Perrin Hervé, dit Grasset, habitant de Vannes, âgé de 57 ans ; Alain Philippot, choriste de la cathédrale, âgé de 43 ans ; Perrine de Bazvalan, veuve d'Yves du Beizit, âgée de 57 ans, et plusieurs autres témoins, qui tous avaient connu le vénérable serviteur de Dieu. On entendit également de nombreux individus, qui n’avaient pas connu personnellement M. Vincent, mais qui avaient été l’objet ou les témoins de miracles opérés par son intercession.

Les commissaires apostoliques siégèrent ainsi à Saint-Guen, du 21 novembre jusqu’au 8 décembre 1453, et recueillirent 239 dépositions en 18 jours : c’était une moyenne de 13 à 14 témoignages par jour. — Les membres de la commission s’étant ensuite dispersés, recueillirent séparément 47 autres dépositions en divers lieux, et arrivèrent au total de 313 témoignages, tous donnés sous la foi du serment.

Les procès-verbaux de cette minutieuse enquête furent dressés par les notaires en double exemplaire : l’un d’eux fut envoyé à Rome, pour servir à la canonisation, et a péri depuis dans un incendie ; l’autre, resté à Vannes, est précieusement conservé dans les archives du Chapitre de l’église cathédrale.

C’est ainsi que le prieuré de Saint-Guen a été mêlé au procès de la canonisation de saint Vincent Ferrier, et c’est pour réveiller ces souvenirs religieux que j’ai donné les détails qui précédent.

 

IV. DEMEMBREMENTS.

Le prieuré de Saint-Guen n’est pas resté constamment le même : il a subi plusieurs démembrements dans le cours des siècles.

Dès 1380, le duc Jean IV, ayant eu besoin de l’étang et du moulin du bas de la Garenne, pour construire plus à l’aise son château de l'Hermine, donna en échange à l’abbaye de Rhuys son moulin de Pencastel en Arzon.

Voulant ensuite adjoindre à ce château un parc en miniature, il prit sur le prieuré le terrain situé entre le chemin du haut de la Garenne et le ruisseau venant de l’étang du Duc. Ce terrain ayant été estimé valoir 10 livres 6 sols et 1 denier de rente par an, le prince, par ses lettres du 11 janvier 1387 (N. S. 1388), assigna au prieur un revenu de pareille somme sur sa recette de Vannes. Cette rente a été fidèlement payée jusqu’à la Révolution, mais elle était alors loin de représenter sa valeur primitive. Voilà le premier démembrement du prieuré.

En 1429, afféagement du Cosquer. Olivier, abbé de Rhuys et prieur en même temps de Saint-Guen, voulant donner plus de valeur à cette propriété, qui avoisinait l’étang du Duc et « la croix du roi », la transporta à féage et à cens à Eon Bugaud, bourgeois de Vannes, comme le plus offrant et dernier enchérisseur, à la condition de bâtir une maison de 60 livres monnaie, de payer un cens de 60 sols par an, et la dîme à la douzième gerbe. Par ce contrat le prieur renonçait à la propriété directe et à ses charges, mais il conservait une rente fixe et inaliénable.

Vers 1465, opération semblable pour la Bouverie, située à l’est de l’enclos. Le prieur, soit pour se débarrasser des réparations de l’immeuble, soit pour une autre raison, trouva bon d’afféager cette propriété, en se réservant, comme au Cosquer, la foi, le rachat, un cens de 60 sols monnaie et la dîme à la douzième gerbe. Le premier afféagiste fut Jean Bouvier, qui se qualifia sieur de Saint-Guen, et qui laissa son nom à la Bouverie. C’est peut-être lui qui a bâti le manoir qui subsiste encore à la fin du XIXème siècle.

Plus tard, quand les Huguenots excitèrent la guerre civile, le pape et le roi autorisèrent l’aliénation d’une partie des bénéfices ecclésiastiques, pour soutenir les armées qui les défendaient. C’est alors que le prieuré de Saint-Guen perdit le moulin et l’étang de Saint-Avé, achetés par Louis Gouyon, sieur de Couespel ; en 1587, il perdit une maison et un jardin de la rue Neuve, et en 1589 une pâture voisine. 

Au siècle suivant, il perdit la terre du Poulprio et plusieurs autres petits immeubles. Bientôt la métairie de la Villeneuve, située à l’ouest de l’enclos, sur la gauche de la route, fut aliénée à sou tour, et il ne resta de ce côté au prieur que le fonds d’une tenue, dite de Kerlosquet, détachée probablement de la Villeneuve.

Le revenu du bénéfice ainsi réduit était estimé, en 1774, à 1,400 livres, dont il fallait déduire 326 livres pour les charges. En 1790, il ne valait plus que 1,195 livres, dont il fallait retrancher 345 livres pour les charges. Les revenus des fonctions de juge, de procureur, de greffier et de sergent ne rapportaient rien au prieur : ils étaient abandonnés aux titulaires.

La Révolution vint porter le dernier coup au prieuré de Saint-Guen : elle supprima, d’abord les dîmes et les rentes féodales, puis elle confisqua les biens immeubles pour les vendre. L’enclos du prieuré et la métairie de Saint-Guen furent vendus, le 20 avril 1791, à M. Dupré, pour 10,825 livres ; le moulin à vent, situé sur la lande au nord de Saint-Guen, fut adjugé, le 12 janvier 1793, au sieur Le Dantec, pour 2,625 livres ; enfin la tenue de Kerlosquet fut vendue, le 3 mars 1798, à G. Macé, pour 4,019 livres. Ces trois ou quatre immeubles étaient tout ce qui restait de l’établissement. Ainsi finit le prieuré de Saint-Guen, après une existence de plus de six siècles. (J. M. Le Mené)

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