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LE PETIT-COUVENT DE VANNES

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Le Petit-Couvent de Vannes a été fondé pour servir de refuge aux filles tombées, désireuses de se convertir et de vivre loin du danger. Le vénérable Père Jean Eudes, missionnaire normand, avait eu le premier l’idée de recueillir ces pauvres créatures dans un asile protecteur, et de les mettre sous la conduite de personnes pieuses.

Celles-ci formèrent bientôt à Caen une communauté religieuse, qui fut approuvée par le Saint-Siège en 1666, sous le nom de Religieuses de Notre-Dame de Charité. La maison de Caen fonda celle de Rennes en 1673, celle d'Hennebont en 1676, et celle de Vannes en 1683. C’est l’histoire de cette dernière fondation qu’il s’agit de faire ici. 

AUTORISATIONS

Dieu se servit du scandale que donnait à Vannes une fameuse pécheresse, pour donner à M. Eudo de Kerlivio, grand vicaire de l’évêque, le désir d’avoir un monastère de Notre-Dame de la Charité. Il en demanda l’autorisation à Mgr de Vautorte ; mais le prélat n’y voulut consentir en aucune manière.

Sur ces entrefaites, l’évêque tomba malade et fut bientôt réduit à l’extrémité. M. de Kerlivio et le P. Huby, jésuite, allèrent le voir, pour le prier de nouveau de consentir à l’établissement, et lui dirent que s’il voulait faire voeu de donner quelque chose pour le commencer, ils espéraient qu’il recouvrerait la santé. Le prélat donna son consentement aussitôt, et promit de donner mille écus pour cette fondation : quelques jours après il était parfaitement guéri (N.-D. de Charité. — Registre.)

Voici le texte de cette autorisation :

« Louis, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège, evesque de Vennes ; estant informé du grand besoin qu’on a en cette ville d’une maison, pour y retirer les filles de mauvaise vie, et connoissant les religieuses de Notre-Dame de Charité estre propres pour la conduite de cette maison, Nous permettons, sous le bon plaisir du Roy, aux dites religieuses de s’establir en cette ville, pour conduire et gouverner les filles de mauvaise vie, qu’on retirera dans la dite maison, parceque les dites religieuses et la dite maison seront sous notre jurisdiction et sujettes à nos visites et de nos grands vicaires. Donné à Vennes, le 5e décembre 1680. L'Evesque de Vennes. Par le commandement de mon dit Seigneur : Descormiers, secrétaire ».

Le même jour les magistrats donnèrent le certificat suivant : « Nous soubsignants, Pierre Dondel, escuyer, sieur de Keranguen, conseiller du Roy, séneschal et premier magistrat du présidial de Vennes, et François le Meilleur, escuyer, sieur du Parun, conseiller du Roy et son procureur au présidial de Vennes, certifions que rien ne peut estre de plus utile et de plus nécessaire pour le bien de cette ville qu'une maison de filles repenties, pour y retirer et mettre les filles qui vivent scandaleuzement, et dont le nombre n’est que trop grand, pour arrester le cours de leur débauche, dans une ville où il y a grand monde (à la suite du parlement), et que la dicte maison ne peut être plus avantageuzement dirigée que par les religieuses de Notre-Dame de Charité, dont l’établissement contribuera beaucoup à l’augmentation de la gloire de Dieu et à la tranquilité et repos de cette ville. En foy de quoy avons signé le présent certificat. A Vennes, ce 5e décembre ‘680. P. Dondel. — F. Le Meilleur ».

Deux jours après, le syndic de la ville émit un avis également favorable, en ces termes : « Comme sindic de la communauté de Vennes, je certiffie qu’il ne peut estre rien de plus avantageux pour le bien public de la ville de Vennes que l’établissement de filles repenties ; que les filles de la Charité de Nostre-Dame sont très propres dans cette province pour leur direction. En foy de quoy j’ay signé le présent certifficat, pour valloir et servir ainsi qu’il appartiendra. A Vennes, le 7 décembre 1680. M. Le Clerc ». (N.-D. de Charité. — Orig. papier).

Ces préliminaires établis, M. Eudo de Kerlivio s’adressa à M. Daniel de Francheville, alors avocat général au parlement et depuis évêque de Périgueux, pour le prier de contribuer à l’établissement projeté. Il n’eut pas de peine à l’y engager, et celui-ci acheta, au prix de six mille et quelques livres, une maison qui faisait l’angle de la rue de la Vieille-Boucherie ou de la Loi et de la rue Blanche ou Le Sage. Cette maison, qui a subsisté jusqu’à la fin du XIXème siècle, était de médiocre grandeur, avec un seul étage et un grenier au-dessus : c’est de là que l’établissement a pris le nom de Petit-Couvent, et ce nom lui est resté, même après les constructions grandioses, faites par les religieuses et plus tard par l’administration des hospices.

Pendant qu’on mettait la maison en état, M. de Kerlivio écrivit à Rennes pour avoir des religieuses. Voyant qu’on ne se pressait pas de le satisfaire, il en demanda trois à la maison d'Hennebont, à titre provisoire, et avec l’agrément de l’évêque. Elles arrivèrent à Vannes le 29 janvier 1683, furent reçues par Mme de Pontchartrain, femme du premier président, par Mme de Luigné, soeur de l’évêque, et par Mme des Arcis, et prirent possession de leur petit couvent.

Le lendemain, M. le grand vicaire inaugura l’établissement et chanta la messe solennelle ; le R. P. Recteur des Jésuites du collège fit le sermon, et Mgr de Vautorte donna le salut.

Les trois premières soeurs étaient : Marie de Sainte-Thérèse du Bois, Marie de la Résurrection Cousin, et Marie de la Passion Kerléro. On voit, par cette simple énumération, l’usage suivi dans la congrégation, de donner à chaque religieuse trois noms : le premier celui de Marie, le second celui de la profession religieuse, et le troisième celui de la famille. La troisième des soeurs ci-dessus mourut le 2 août 1683, et fut inhumée chez les religieuses de la Visitation. Les deux autres soeurs partirent quelque temps après pour rentrer dans leur couvent d'Hennebont, et le 12 octobre de la même année arrivèrent les soeurs de Rennes pour prendre possession définitive de l’établissement. Parmi elles se trouvaient la soeur Marie du Saint-Coeur de Jésus Bedault, comme supérieure, la soeur Marie de l'Enfant Jésus Le Vavasseur, comme assistante, et la soeur Marie de l'Incarnation Cadiou, comme coopératrice.

Le lendemain, M. de Kerlivio célébra la messe dans leur chapelle et confirma la nomination de la supérieure. 

De son côté, Messire Daniel de Francheville fit don à la nouvelle communauté de la maison qu’il avait acquise pour sort établissement, et en fit dresser l’acte suivant : « Devant nous, notaires royaux de Vennes, a comparu Messire Daniel de Francheville, avocat général au parlement de Bretagne, qui a déclaré donner une maison qui lui appartient dans le faubourg de Saint-Salomon de cette ville, avec l’enclos et le jardin de la dite maison, aux religieuses qui y sont déjà establies, parceque la dite maison servira de retraite aux filles pénitentes ; consent le dit seigneur avocat général que les dites religieuses en obtiennent, sous le bon plaisir de Sa Majesté, des lettres d’amortissement ; et au cas que le Chapitre, qui prétend la mouvance de la dite maison, continue de s’opposer à leur établissement, le dit seigneur promet d’en acheter une autre de pareille valeur, sous le fief d’un autre seigneur... Fait au tablier de Gobé, notaire royal..., le 25ème jour de novembre 1684 » ( N.-D. de Charité. H.)

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OPPOSITION

On voit, par cette pièce, que le Chapitre de l’église cathédrale fit d’abord une certaine opposition à l’établissement du nouveau couvent dans son fief. Il était, comme on le sait, seigneur temporel de la paroisse de Saint-Salomon ; il avait déjà permis la fondation des Visitandines en 1638 et celle de la Retraite des femmes en 1675 ; l’établissement d’une troisième maison religieuse dans une si petite paroisse lui fut d’abord désagréable. Il comprenait parfaitement l’avantage de la nouvelle maison pour l’assainissement moral et religieux de la ville, il y applaudissait même, mais il désirait que son établissement se fit dans un autre fief que le sien.

Cependant son consentement était nécessaire pour l’existence de la maison, et pour l’obtention des lettres patentes du roi. Voici à cet égard l’enquête intéressante faite par le premier président du parlement de Bretagne. 

« Le 1er jour de décembre 1684, Nous de Pontchartrain, conseiller du Roy en tous ses conseils, et premier président au parlement de Bretaigne, nous sommes transporté à la maison des religieuses de Notre-Dame de Charité, suivant l’ordre que nous avons receu du Roy, où estant nous avons fait venir la supérieure, laquelle ayant été enquise elle nous a répondu qu’elle et ses religieuses estoient professes de leur monastère de Rennes, et qu’elles sont venues en cette ville par la permission du sieur évesque de Rennes et celle du sieur évesque de Vennes, à la prière de plusieurs personnes de piété ; que M. de Francheville, advocat général en ce parlement, leur a presté la maison où elles demeurent, sans en tirer aucun loyer ; qu’elles ont onze pénitentes, et sont disposées à recevoir celles qu’on voudra leur donner.

« Les chanoines de la cathédrale ayant sceu que nous dressions nostre procès verbal, ils nous ont présenté requeste à ce que nous receussions leur opposition au dit establissement, à cause qu’il est dans leur fief, lequel estant très petit, et y ayant desja trois maisons religieuses, ce leur seroit un préjudice très sensible, sy on y establissoit la dite maison.

« Le lendemain, second jour du dit mois, nous estant encore transporté au parlouer de la d. maison, le sieur évesque de Vennes s’y est aussy trouvé, lequel nous a déclaré vouloir donner 3,000 livres, pour faire fonds de la pension d’un nombre de pénitentes, et dont il a payé lu rente jusqu’à présent ; et s’est de plus obligé, au cas qu’on ne s’accommode pas avec le Chapitre et qu’on s’établisse dans son fief, à donner les lodes et ventes et l’indemnité.

« Et à l’endroit, le dit sieur de Francheville a aussy déclaré qu’il donnoit la d. maison, et que sy on est obligé de quitter ce lieu, il en acheptera une autre de pareille valeur en un autre fief.

« Et pour nostre sentiment, que Sa Majesté nous demande au sujet de cet établissement, nous assurons qu’il est très utile au public : le bien que font dans la province les autres maisons semblables qui y sont establies en est la preuve ; les douze pénitentes qui y sont desja, et qui ne sont pas éloignées du crime seulement par leur retraite, mais encore par leur véritable conversion ; — l’éloignement d’un grand nombre de filles de mauvaise vie, qui ont pris la fuite dès qu’elles ont veu cette maison commencer, dans la crainte d’y estre renfermées, ce qui a beaucoup purgé cette ville de ces sortes de personnes ; — tous ces biens qui nous paroissent desja, donnent lieu d’en espérer de très grands dans la suite ; — d’autre part, il n’y a pas subject de craindre que les religieuses soient à charge à la ville, ayant desja receu quelques novices, qui donnent des dotes, et ayant lieu d’espérer qu’elles en recevront d’autres ; et puis elles sont si sobres qu’elles ne dépensent presque rien.

« Et pour le regard de l’opposition des chanoines, … Sa Majesté, donnant des lettres d’amortissement, peut obliger le Chapitre à recevoir l’indemnité, ou un homme vivant et mourant, puisque l’établissement est pour le bien public..... (N.-D. de Charité. H).

Du reste le Chapitre ne s’obstina point dans son opposition, comme le prouve l’acte suivant, passé par devant notaires. « Le 4e jour de febvrier 1685, après midy, devant nous nottaires royaux... s’est fait le présent acte, par lequel les sieurs Verron et Bossart, pour les gens du Chapitre, ont déclaré consentir que les religieuses de la Charité s’établissent dans leur fief et jurisdiction du Chapitre, où elles sont actuellement résidentes, et qu’elles occupent une maison, court et jardin, au bas de la rue de la Vieille-Boucherie, paroisse de Saint-Salomon, donnés aux d. religieuses par Messire Daniel de Francheville, advocat général au parlement de Bretagne, qui avoit acquis les mesmes choses de Messire Julien de la Bourdonnaye, sgr. de Kerozet ;

« En conséquence du quel consentement, les parties ont convenu et accordé entre elles pour l’indemnité des dites choses seulement à la somme de 1,500 livres tournois, que les dites religieuses ont promis payer et faire avoir aux d. sieurs gens du Chapitre dans le 3e de mars prochain ;

« Et ont aussi les d. sieurs Verron et Bossart, par le présent, donné et délaissé aux d. dames religieuses et à celles qui leur succéderont à jamais à l’advenir, à titre d’afféagement, le fonds d’une ruelle, qui part de la d. rue de la Vieille-Boucherie, conduit le long du pignon (ouest) de la maison des d. religieuses et des murailles de leur cour et jardin et aussi des jardins suivants, et finit dans une autre ruelle conduisant entre des pièces de terre au prateau de Poulho ; laquelle ruelle mesurée contient de long 17 cordes 21 pieds et demi (environ 143 mètres), à la charge de les tenir des d. sieurs gens du Chapitre, et de leur payer de rente féodale, par chacun an, au 4e de febvrier, soixante sols,.. et pouront les d. dames religieuses faire enclore la dite ruelle à leurs frais, comme bon leur semblera.

« Les dits sieurs Verron et Bossart, pour le dit Chapitre, donnent et accordent aux. d. dames religieuses, par le présent, le pouvoir d’acquérir jusqu’à la concurrence de deux journaux de terre (environ un hectare), dans leur fief, et qui seront des prés ou jardins seulement, au joignant des choses cy-devant mentionnées, qu’elles pouront aussy faire enclore, sans qu’elles puissent acquérir aucune maison ny emplacement ; et lorsqu’elles auront acquis les dits prés ou jardins jusqu’à la concurrence des dits deux journaux, elles seront tenues et obligées de laisser la distance de dix pieds de terrain vague au derrière et à costé des d. maisons et emplacements, pour donner jour aux ouvertures ; à condition aussy de payer aux d. sieurs du Chapitre les lodes et ventes et indemnité des d. deux journaux de terre : scavoir les lodes et ventes sur le pied du denier huit, et l’indemnité sur le pied du denier quatre...

Fait et consenty sous les signes des d. parties et les nostres. Signé : Michel Verron. — Jan Bossart. — Sr Marie du Sacré-Coeur de Jésus Bedault, supérieure. — Sr Marie de la Trinité Heurtant, assistante. — Sr Marie de l'Enfant-Jésus Le Vavasseur. — Sr Marie de l'Incarnation Cadiou. — René Rio, not. roy. — Allanno, not. roy. — (N.-D. de Charité).

Le lendemain, le Chapitre ratifia cet arrangement. Dés lors la communauté commença la construction d’un premier corps de logis vers le sud.

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ACQUISITIONS

Les religieuses désirant s’étendre le long de la rue de la Vieille-Boucherie, achetèrent, le 29 septembre 1687, pour la somme principale de 3,900 livres, la maison et le jardin Rohu, situés à l’ouest de la maison et du jardin qu’elles occupaient. Le 27 janvier 1688, elles acquirent des héritiers Hersant, au prix de 2,400 livres, une maison faisant suite à celle des Rohu, et ayant un jardin derrière. Deux jours après elles achetèrent, de Pierre de Kervazic et de sa femme, la maison suivante vers l’ouest, avec deux jardins, pour le prix principal de 1,500 livres.

Outre ces acquisitions, payées à beaux deniers comptants, les religieuses reçurent divers immeubles et rentes, à titres plus ou moins gracieux, pour soutenir leurs oeuvres. Ainsi, le 27 juin 1684, elles reçurent une rente de 25 livres, constituée sur trois pièces de terre en la paroisse de Guégon ; le 30 mai 1685, une rente de 80 livres sur une tenue au bourg de Locqueltas ; le 18 octobre suivant, une rente de 300 livres sur la métairie de Léraut en Guégon, donnée par la veuve Troussier des Cruyères, à charge d’une messe quotidienne ; le 8 janvier 1686 une rente de 30 livres ; le 31 décembre 1686, une rente de 500 livres, à charge de messes, d'Anne de Goulaine, veuve de Rosmadec ; le 20 mai 1687, une rente de 100 livres pour la dot de Mlle Authueil ; le 28 juillet suivant, une rente de 100 livres pour un prêt aux religieuses de Guingamp ; le 4 août suivant, une rente de 34 livres 6 sols, et enfin le 24 janvier 1688, une nouvelle rente de 500 livres d'Anne de Goulaine, avec hypothèque sur ses biens de Noyalo. Total des rentes : 1,629 livres 6 sols.

Sur ces entrefaites, les foudres de Louis XIV tombèrent sur le couvent de Notre-Dame de la Charité d’Hennebont. Les religieuses avaient omis, lors de leur établissement, de solliciter les lettres patentes du roi. Louis XIV, très jaloux de son autorité, ordonna la fermeture de la maison et la dispersion des religieuses : ce qui fut impitoyablement exécuté le 8 novembre 1687. Ainsi fut réalisée une parole de M. Eudo de Kerlivio, qui avait souvent répété que c’était à Vannes et non à Hennebont que Dieu voulait un monastère de Notre-Dame de Charité. Après quelques mois de dispersion, les soeurs eurent la permission de se réunir au monastère de Vannes, et le roi confirma cette maison par les lettres patentes qui suivent.

« Louis (XIV), par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, à tous présents et advenir salut. Comme nostre désir a toujours été, non seulement de conserver, mais de contribuer de nostre possible à l’augmentation des biens ecclésiastiques, nos chères et bien amées les religieuses prieure et couvent de Nostre-Dame de la Charité, establyes au fauxbourg et paroisse de Saint-Salomon, de nostre ville de Vennes en Bretagne, nous ont très humblement fait remontrer que, sous nostre bon plaisir, nostre très cher et bien amé le sieur évesque de Vannes, par ses lettres du 5 décembre 1680, du consentement de nos officiers du présidial et du sindicq de la communauté de la dite ville, auroit permis aux exposantes de s’établir dans le dit fauxbourg, à l’effet de conduire et gouverner les femmes et filles de mauvaise vie, et en conséquence de ces lettres les exposantes s’y seroient establyes et auroient fait bastir un monastère, chapelle, cloistre, lieux et bastimens pour s’y loger, ensemble les d. femmes et filles de mauvaise vie, lesquels lieux ne sont pas encore achevés de bastir et construire...

« Mais comme l’establissement des exposantes en la d. ville de Vannes ne peut estre solide sans nos lettres patentes qui les confirment, elles Nous ont fait très humblement supplier de leur accorder ensemble l’amortissement de leur closture et des héritages et rentes cy-dessus spécifiés, et de leur faire don des maisons, rentes et héritages, pensions viagères et autres choses, qui appartiendroient aux religieuses de Hennebont supprimées, et iceux biens venir à leur couvent de Vennes, et qu’il nous plût d’amortir tous les dits biens, pour donner lieu aux exposantes de continuer leurs prières pour nostre santé et la conservation de nostre Etat ;

« A ces causes, désirant, pour la gloire de Dieu, contribuer de nostre possible à l’établissement des exposantes, et après avoir veu dans nostre Conseil les permissions et consentements pour l’établissement des exposantes, et les contrats des acquisitions des maisons, jardins, rentes et héritages par elles faites, ensemble les contrats des acquisitions, donations, fondations, rentes et pensions acquises par les religieuses supprimées ; de l’avis de nostre Conseil, et de nostre certaine science, pleine puissance et autorité royale, Nous avons loué, approuvé, confirmé et autorisé, et par ces présentes signées de nostre main, louons et approuvons, confirmons et autorisons l’établissement des exposantes dans le fauxbourg de Saint-Salomon de nostre ville de Vennes, pour gouverner les femmes et filles de mauvaise vie ; — auxquelles religieuses de Vennes avons fait et faisons don des biens, maisons, rentes et héritages, pensions et fondations, et généralement tous les biens meubles et immeubles, sans rien excepter, que possédoient les d. religieuses de Hennebont, lorsqu’elles ont été par nous supprimées, lesquels biens avons unis et incorporés au couvent des exposantes...

« Et par ces mesmes présentes avons amorti et amortissons à perpétuité toutes et chacunes les clostures, maisons, jardins et héritages des exposantes, rentes et pensions cy-dessus mentionnées, ensemble les biens immeubles par nous présentement réunis au couvent des exposantes, qui appartenoient aux d. religieuses lors de leur suppression ; pour le tout tenir et posséder par les exposantes et par les religieuses qui leur succéderont, franchement et quittement, comme dédiés et consacrés à Dieu et à son Eglise, sans quelles puissent être obligées d’en vider leurs mains, nous bailler homme vivant et mourant, ny nous payer ny à nos successeurs roys aucune finance, indemnité, droits de lodes et ventes, quintes, requintes, francs-fiefs et nouveaux acquêts, ny autres droits quelconques, dont Nous les avons affranchies et affranchissons à perpétuité, et à la charge, si fait n’a été, d’indemniser les seigneurs particuliers, desquels les dits lieux et héritages peuvent estre mouvans. Si donnons en mandement. Donné à Versailles, au mois de may, l’an de grâce 1688, et de nostre règne le 46e. Signé : Louis. Par le Roy. — Signé : COLBERT » (N.-D. de Charité... Orig. parch. — Sceau de majesté). 

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DIFFICULTES

On a vu précédemment que, dans le traité du 4 février 1685, le Chapitre de la cathédrale avait permis aux religieuses d’acquérir dans son fief deux journaux de terre en prés ou jardins, à l’exclusion de toute maison. Par cette restriction, le Chapitre voulait retenir les habitants dans son fief et dans la paroisse de Saint-Salomon et les empêcher d’émigrer ailleurs. C’est pour cela qu’il avait obligé les religieuses, qui auraient acquis les terres attenantes à des maisons, de laisser autour de ces édifices un terrain vague de dix pieds de large, pour conserver le droit d’ouverture des portes et fenêtres.

Or, depuis cette époque, les dames de la Charité avaient acheté les maisons Rohu, Mersant et Kervasy, avec leurs jardins. Au lieu d’isoler les maisons, pour les revendre ou les louer aux paroissiens, comme le voulait le Chapitre et comme elles l’avaient promis, elles avaient tout gardé : les jardins, pour les cultiver, suivant leur droit, et les maisons, pour s’y loger avec leurs pénitentes.

Le Chapitre, justement froissé de cette conduites voyant d’ailleurs qu’elles n’avaient pas encore payé tous les droits de mutation, et qu’elles cherchaient à s’affranchir de son moulin et de son four, les fit citer devant le sénéchal de leur juridiction. Condamnées en première instance, elles en appelèrent au parlement, qui siégeait encore à Vannes. Bientôt ; mieux conseillées ; elles conclurent, le 24 septembre 1688, la transaction suivante avec les délégués du Chapitre.

« .. En conséquence du payement fait le matin de ce jour aux gents du Chapitre de la part des dames religieuses des lodes et ventes des deux derniers contrats, elles demeurent entièrement quittes.

« Et pour s’affranchir de la clause et condition portée par l’acte du 4 février 1685, au respect des dix pieds de terrain vague à laisser au derrière et à costé des maisons, pour donner jour aux ouvertures, elles ont promis payer et faire avoir ausdits sieurs da Chapitre la somme de 45 livres tournois, par chacun an et chacun 24e septembre : lequel sommaire de rente les d. dames religieuses pouront franchir quand bon leur semblera, à raison du denier 25 ;

« Et à l’égard des indemnités deues au d. Chapitre pour les trois acquests susdits, montant à la somme de 1,950 livres, à raison du denier quatre, les sieurs Verdoye et Bossart, au nom du Chapitre, l’ont laissée à titre de constitution de rente ausd. dames religieuses, pour en payer le sommaire de 108 livres 6 sols 8 deniers, par chacun an et à chacun 24e septembre... ;

« Conditionné entre les parties que les d. dames religieuses ne pouront acquérir dans le dit fief du Chapitre maisons ny autres héritages au surplus des deux journaux de terre leur accordés par l’acte du 4e febvrier 1685 ;

« Seront les d. dames religieuses tenues de suivre la cour et jurisdiction du Chapitre, le moulin et four dépendais du d. Chapitre, et d’y faire mouldre leurs grains et cuire leurs pains, à l’exception de pouvoir achepter du pain, lorsqu’elles le jugeront à propos... ».

Cet arrangement fut ratifié par l’assemblée capitulaire le 1er octobre suivant. Les religieuses avaient dû reconnaître les droits du seigneur féodal, mais en retour elles avaient la faculté d’acheter même des maisons, en se tenant dans la limite des deux journaux de terre.

Elles profitèrent immédiatement de cette liberté, en faisant de nouvelles acquisitions. Le 3 novembre 1688, elles achetèrent de M. Raymond Le Doulx, recteur de Saint-Patern et vicaire général, pour la somme de. 3,000 livres, une maison située rue Blanche, entre le Petit-Couvent et Saint-Salomon, et occupée à la fin du XIXème siècle en partie par l’aumônier de l’hôpital ; deux jardinets derrière la maison et un autre petit jardin au midi faisaient partie du marché ; elles y ajoutèrent ensuite un 4ème jardin au sud.

Le 1er avril 1689, elles eurent l’autorisation d’acquérir, des héritiers de la dame de Coétec, un emplacement de maison avec un jardin derrière, situés rue de la Vieille-Boucherie, à la suite de la maison et jardin de Kervasy. Ce terrain est aujourd’hui en dehors de l’enclos de l’hôpital, mais lui est contigu vers l’ouest.

Enfin, le 21 octobre 1695, elles firent leur principale acquisition de terrain en Saint-Salomon. « Mre Alexis Le Gouvello, chevalier, seigneur de Kerantréh et autres lieux, héritier principal et noble de Marie Le Gouvello,. sa tante, dame de Kerambart, et dame Anne-Thérèse Gabart, sou épouse, vendirent aux d. religieuses le tout de la succession de la d. feue dame de Kerambart, consistant : 1° dans la maison, ou pavillon, couverte d’ardoise, sa remise de carosse au joignant, sa cour et logis couvert en paille, le tout situé sur la rue Blanche (basse-cour de l’ancien hôpital) ; — 2° le jardin qui est au derrière de la dite maison et dépendances du pavillon ; — 3° la prée joignante le dit jardin du costé vers le nord (ancienne salle d’asile à la fin du XIXème siècle), laquelle est à présent travaillée et ouverte en jardin, et donnant sur le pavé de la d. rue Blanche, jusqu’à une petite ruelle estant vers le nord ; — 4° une autre pièce de terre, à présent en clos, joignante vers le levant et le nord au terrain et muraille des dites dames religieuses, et vers midy aux jardins et dépendances de la dite maison du pavillon. La dite vente accordée entre les parties, pour et en faveur de la somme de 4,000 livres de capital, que les d. seigneur et dame vendeurs relaissent aux d. dames religieuses, à titre de constitution au denier 18, sur l’hypothèque et gage spécial des d. dames... » (N.-D. Charité. H. parch.)

Quant à la ruelle du Téno, qui traversait ladite propriété, de l’est à l’ouest, le Chapitre, comme seigneur féodal, l’afféagea, peu après, aux religieuses, moyennant une rente annuelle de vingt livres tournois, remboursable au denier 25. Dès lors les soeurs purent la supprimer, réunir le clos du nord au jardin de midi, et créer le grand jardin, qui existe encore aujourd’hui.

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COUVENT

Désormais les religieuses avaient le terrain nécessaire pour construire un couvent définitif. Depuis leur établissement à Vannes, elles n’avaient eu d’autre habitation, pour elles et leurs pénitentes, qu’un petit corps de logis bâti dans leur jardin et les vieilles maisons qu’elles avaient successivement achetées.

En 1702, une violente tempête y causa de graves dégâts, et faillit ensevelir toute la communauté sous les ruines des maisons. Une construction sérieuse et considérable était urgente. Malheureusement les ressources manquaient. Un architecte se présenta pour faire gratuitement le plan et surveiller les travaux ; de bonnes âmes offrirent des sommes importantes. La supérieure, Marie de la Sainte-Trinité Le Rebours de Vaumadeuc, après avoir longtemps résisté, finit par s’abandonner à la Providence et consentit à l’entreprise. Le plan du monastère formait un carré d’édifices, avec un cloître à l’intérieur. Le corps de logis du côté de l’ouest et celui du nord furent aussitôt mis en chantier : le premier devait servir de logement aux religieuses, et le second devait renfermer la chapelle.

La première pierre du couvent, bénite le 23 mars 1703, fut posée par un petit enfant pauvre, au nom de l'Enfant Jésus, et par Jeanne Cousson, protestante convertie, au nom de la sainte Vierge. On remarqua que, pendant les travaux qui durèrent trois ans, les ouvriers furent préservés de tout accident fâcheux, grâce aux prières et aux mortifications des religieuses. Les soeurs commencèrent à habiter la nouvelle maison à la fin de 1706 et au commencement de 1707.

L’espace, occupé par la chapelle actuelle, avait été réservé pour faire le choeur des religieuses, et la chapelle définitive devait se continuer vers la rue à l’est. Le manque de ressources engagea la communauté à remettre le travail à plus tard. Mais Jésus-Christ s’en plaignit à la supérieure, pendant l’oraison : « Quoi, lui dit-il intérieurement, je vous ai donné généreusement les moyens de vous bâtir une maison, et maintenant vous me laissez dans la vieille chapelle sous les pieds des pénitentes . ! » - Pour comprendre ce reproche, il faut savoir que les classes des repenties étaient au-dessus de l’oratoire, où l’on entrait par la rue de la Vieille-Boucherie.  Pour remédier au mal, la Mère Le Rebours, avec le consentement de son conseil, fit partager le choeur en deux parties : l’une pour les religieuses, l’autre pour le public. La nouvelle chapelle fut bénite, le 28 mai 1707, par M. de La Chateigneraye de Marzan, vicaire général de Vannes. Elle n’a pas été achevée depuis, et il est regrettable qu’on ait, dans notre siècle, établi un dortoir de malades au-dessus d’elle. Le monastère n’a pas été plus achevé que la chapelle, et c’est fâcheux, car il avait été commencé sur de vastes proportions, avec un cloître grandiose et des appartements bien éclairés et bien aérés.

Pendant qu’on travaillait au couvent, les religieuses firent quelques acquisitions à la campagne. Ainsi le 27 septembre 1703, elles achetèrent de Guillemette Lucas, veuve de Guillaume Le Par, au prix de 6,000 livres, la métairie noble de Lesténo-Philippe, située en la paroisse de Saint-Nolff. Ainsi encore, le 18 mai 1706, elles reçurent de M. Sébastien Le Cointe, notaire royal, soixante oeillets de marais salants, situés à Kermartin, frairie du Tour-du-Parc, en Sarzeau, avec la moitié par indivis de deux prés et d’une pâture, en échange d’une somme de 3,700 livres qu’elles lui avaient prêtée.

D’un autre côté, Mme Anne de Goulaine, veuve de Rosmadec, voulant avoir le titre et les privilèges de fondatrice  de la maison de N.-D. de Charité, avait, dés 1696, remanié ses fondations antérieures, et donné en toute propriété à la communauté la métairie noble de Noyalo, le moulin à eau dudit lieu, les marais salants de l’endroit, et les fonds de diverses tenues situées à Noyalo, et aux. villages de Cléguer et de Béreth ; elle s’était, en outre, réservé une chambre dans le couvent, avec le droit de recevoir qui bon lui semblerait, et de transmettre ce privilège à sa fille Jeanne-Geneviève.

Le revenu de tous ces biens avait contribué à payer les frais de construction du couvent.

Le personnel de la communauté était alors nombreux, et les dots des professes étaient une autre source de revenus pour la maison.

Le couvent comprenait, en 1714, une cinquantaine de sujets, entre religieuses de choeur et soeurs converses, sans compter les novices et les postulantes. Aussi accueillit-on avec faveur la demande de l’évêque de la Rochelle, qui sollicitait l’envoi de quelques religieuses de la maison de Vannes, pour fonder un établissement de leur ordre dans sa ville épiscopale. Les conditions préliminaires ayant été réglées de part et d’autre, trois religieuses professes, savoir les soeurs Marie de l'Ascension de Lavalette, Marie de Jésus Pitouays, et Marie de Sainte-Anne Perret, quittèrent Vannes à la fin d’août 1715 avec une postulante et trois pensionnaires, et arrivèrent à la Rochelle le 3 septembre. Deux ans après, le 5 octobre 1717, trois autres professes de Vannes y arrivèrent à leur tour ; c’étaient les soeurs Marie du Saint-Sacrement de Combles, Marie de Sainte-Thérèse Chapelle, et Marie-Aimée de Jésus de Perrigaud ; elles y furent rejointes par quelques postulantes.

La maison de la Rochelle a subsisté jusqu’à la Révolution ; elle s’est rétablie depuis, plus heureuse à cet égard que la communauté de Vannes.

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DONATIONS

Cependant la fondatrice du couvent, Mme Anne de Goulaine, veuve de Rosmadec,. approchait de sa fin. Le 28 mars 1716, elle fit son testament en ces termes :

« Moy soussignante, Anne de Goullayne, marquise du Plessis..., après avoir recommandé mon âme à Dieu, je veux et ordonne, mon décez estant arrivé, que mon corps soit mis dans une châsse de plomb et mis a costé de celuy de la bonne mère de la Trinité, dans la maison de N.-D. de la Charité de cette ville, où je demeure ; que le jour de mon décez il ne soit fait aucune tente funèbre, ny armoirie, ny rien de plus qu’à nos soeurs ; le jour de mon enterrement un service à Saint-Salomon et un autre le jour de l’octave ; le jour de mon enterrement je souhaite qu’il soit distribué aux pauvres soixante livres et autant le jour de la huitaine.

« Je veux et ordonne qu’après mon décez, il soit célébré aux Dominicains de Vannes 600 messes, aux Capucins de Vannes 400 messes, aux Cordeliers de Vannes 300 messes, à M. le recteur de Saint-Just 200 messes ; dans la chapelle de N.-D. de la Charité, on je serai enterrée, on fera dire 500 messes ; de plus on donnera aux religieuses de Sainte-Claire de Nantes 100 livres pour des messes, aux Recollets de Nantes 100 livres pour des messes, aux Capucins de Nantes 100 livres pour des messes, etc...

« Je veux et ordonne que les actes de fondation, que j’ai cy-devant faits au profit des religieuses de N.-D. de Charité, en date du 31 décembre 1686, 26 janvier 1689, et 16 février 1696, soient bien et deuement exécutés...

« Je reconnois pareillement leur devoir un contract de constitution, qu’elles portent sur moy, et le contract de dot de ma petite fille (Marie-Anne de la Trinité) de Rosmadec, religieuse au dit monastère de N.-D. de la Charité, et veux qu’elles en soient payées après mon décez et des intérests, comme choses à elles légitimement deues, si auparavant mon décez je ne les en aye pas payées et remboursées, ce que j’espère faire dans la suite, soit en argent, si mes facultés me le permettent, ou par assiette en fonds de terre, ainsy que je le jugerai à propos...

« Le présent mon testament arresté par moy et escrit de ma main,... ce jour 28 mars 1716. Signé : Anne de Goullayne ». Controllé à Vannes, ce 18 juillet 1722.

La date du contrôle semble indiquer que la testatrice n’est morte qu’en 1722 ; toutefois les registres de la paroisse de Saint-Salomon n’en font aucune mention, et les registres de la Communauté ne marquent les décès que pour les religieuses.

Cette généreuse bienfaitrice laissa un autre souvenir bien précieux à la maison : c’était une relique de la Vraie-Croix, mesurant un pouce d’épaisseur, et enchassée dans une croix en or fin, garnie de perles et couverte d’un cristal de roche.

Ce trésor fut conservé bien intact dans la communauté jusqu’en 1770, où, sur la demande des religieuses, M. Boutouillic de la Villegonan, vicaire général de Vannes, retira la relique de son enveloppe, et la partagea en cinq parcelles, qu’il plaça dans cinq médaillons ménagés dans une croix d’argent de quatorze pouces de hauteur, le milieu de la croix ayant été garni d’une autre parcelle récemment apportée de Rome. (Ursul. de Muzillac).

Que devint ce nouveau reliquaire à l’époque de la Révolution ? — Il fut sans doute confisqué comme le reste de l’argenterie de la maison et envoyé à la Monnaie. Quant à la relique, elle a été probablement détruite ou égarée à cette époque si troublée.

Anne de Goulaine ne fut pas la seule bienfaitrice du Petit-Couvent. Le 23 mai 1716, Jeanne de Kerboutier, dame de Derval-Brondineuf « ... désirant l’augmentation du service divin en l’église des religieuses de N.-D. de la Charité de Vannes, fonda 25 messes de Requiem à basse-voix, et trois grandes messes avec services, toutes à célébrer sur l’autel privilégié ; de plus deux messes solennelles, répondues par les dites religieuses, aux deux principales festes de la Très Sainte Vierge, qui sont les festes de son Immaculée-Conception et de sa glorieuse Assomption, avec exposition du Très Saint-Sacrement et salut, à la fin duquel la communauté dira un De profundis, le tout à perpétuité ; scavoir, deux messes basses par mois, et les trois grandes messes de Requiem à tel jour qu’arrivera mon décez et celuy de mes deux filles... 

« Et pour servir de base à la présente fondation, à l’entretien d’icelle, et pourvoir aux rétributions des dites messes, luminaire et ornements, je donne en pleine propriété aux dites dames religieuses de la Charité de Vannes le fond de deux tenues, situées au village de Kerverch en la paroisse de Landévant, qui sont tenues de moy à domaine congéable, suivant l'usement de Broérec, par Alain Le Goff, Jean Poulchasse, Gilles Thomasic, René et Jean Le Berre, pour m’en payer de rente convenancière, par chacun an et terme de Saint-Gilles, trente perrées de seigle et trois livres par argent, avec chapons, corvées et obéissance à cour et à moulin, pour les dites dames en jouir et disposer après mon décez et celuy d’une de mes filles...» (N.-D. de Charité). 

Le 6 avril 1721, d’un commun accord on ajouta cinq messes basses et une messe solennelle au 24 juin. C’était un total de 36 messes par an. La rétribution des messes étant alors de dix sous, c’était une charge totale de 18 livres par an, ou de 20 livres, si l’on tenait compte des messes chantées. La perrée de seigle se vendant alors environ 10 livres, les 30 perrées donnaient un revenu annuel de 300 : on voit par ce simple calcul que la donation était avantageuse à la communauté, et permettait de faire du bien aux pénitentes de la maison.

Le 18 avril 1735, Jeanne-Charlotte de Derval, après la mort de sa mère et de sa soeur, se dessaisit des deux tenues de Kerverch ; puis les religieuses en prirent possession, et commencèrent à exécuter la fondation.

Le chant des messes solennelles n’était pas de nature à effrayer les religieuses : elles formaient un choeur nombreux et bien stylé. La sage direction de deux supérieures, Marie de la Sainte-Trinité Le Rebours et Marie de l'Annonciation Le Rebours, qui se succédèrent alternativement durant une trentaine d’années, attira de nombreuses novices dans la maison et lui procura une ère de prospérité et de régularité.

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CONSTRUCTIONS

Après avoir bâti leur couvent, au moins en partie, les religieuses songèrent sérieusement à construire un corps de logis pour leurs pénitentes, dont le logement était insuffisant. Leur plan était de bâtir le long de la rue de la Vieille-Boucherie, sur l’emplacement des maisons Rohu et Mersant ; mais comme la rue était alors tortueuse, elles demandèrent à la police, en 1724, de leur tracer un alignement. Voici le procès-verbal qui fut dressé à cette occasion, et qui renferme quelques détails topographiques.

« Nous Noel Bourgeois, écuyer, sieur de Limur, conseiller du roy, alloué et lieutenant général civil et criminel du Présidial de Vannes, et premier conseiller de police en la dite ville et fauxbourgs, ayant avec nous pour greffier Henry Nicolazo, commis juré au greffe, scavoir faisons que ce jour 24 may 1724, deux heures de l’après midy, sur la requeste à nous présentée le jour d’hier par les dames supérieure et religieuses du couvent de la Charité de cette ville, tendant à ce qu’il nous plût descendre à la rue de la Vieille-Boucherie pour prendre les alignements convenables au sujet d’un mur de clôture qu’elles veulent faire relever,... nous sommes descendus sur les lieux, en compagnie de Me Jean Bernard, avocat, substitut du procureur du roy, et de La Chesne pris en aide de justice...

« Et procédant à la visite des anciens fondements de maisons, les quels sont ouverts, avons trouvé qu’il étoit nécessaire pour la décoration de la rue de prendre de nouveaux alignements, d’autant que les anciennes maisons n’étant pas en droite ligne, on ne pourroit construire un mur sur les anciens fondements sans l’arrondir considérablement vers le milieu en avançant sur la rue, ce qui seroit très désagréable à la veue, et préjudiciable à l’égard du mur ; — pourquoy jugeant à propos de faire poser un cordeau pour prendre de nouveaux alignements, nous l’avons fait poser d’un bout à l’ancienne chapelle du dit couvent et de l’autre bout à l’alignement du grand mur de clôture du jardin des dites dames : ce qui nous a paru et au substitut du procureur du roy l’alignement le plus convenable pour la décoration de la rue.

« Et ayant fait mesurer parte sieur Pihan la longueur que doit avoir le mur, il nous a fait voir qu’il aura 171 pieds de long, et que suivant le nouvel alignement les dites dames perdent presque tous leurs anciens fondements, dont la rue sera accrue, mais aussy elles gagnent quelque peu de terrain du costé de l’ancienne chapelle ; lequel terrain qu’elles gagnent, mesuré et réduit, se trouve monter à 76 pieds courants, et le terrain qu’elles perdent se trouve monter à 222 pieds courants ; sur lequel nouvel alignement, et non autrement, du consentement du substitut du procureur du roy, et des dites dames religieuses par rapport au terrain qu’elles perdent, leur avons permis de faire construire leur mur, parce qu’il sera en droite ligne. Arresté sur les lieux les dits jour et an. Signé : Bourgeois. — Bernard. — Sr Marie de la Ste-Trinité Le Rebours, supérieure. — Pihan. — Le Chesne. — Nicolazo, commis au greffe » (N.-D. de Charité).

Au lieu d’un simple mur de clôture, c’est un bâtiment que les religieuses firent construire, en ayant soin de ne faire aucune porte du côté de la rue, mais seulement du côté de la cour intérieure. Ce corps de logis existe encore le long de la rue de la Loi ou de la Vieille-Boucherie : il mesure environ 105 pieds de long, sur 20 pieds de large à l’intérieur. Commencé dés 1724, il reçut sa charpente et sa couverture en 1725, ainsi que ses planchers et ses escaliers, et dés l’année suivante on y réunit les pénitentes.

Celles-ci avaient enfin un logement spacieux et commode, avec deux dortoirs, un réfectoire et des salles de travail. Elles pouvaient prendre un peu d’exercice dans la cour et de là se rendre à la chapelle.

Toutefois la communication entre la communauté des religieuses et la maison des repenties ne se faisait que par la cour, et pendant la mauvaise saison on était exposé à la pluie, à la neige et à toutes les intempéries de l’air. Un bâtiment, servant de trait d’union entre les deux corps de logis, était absolument nécessaire ; les soeurs le sentaient mieux que personne ; mais il fallait laisser à la communauté le temps de payer les travaux effectués et de recueillir de nouvelles ressources.

Enfin le 18 septembre 1739 fut passé le contrat suivant :

« Entre nous, prieure et religieuses conseillères du monastère de Notre-Dame de Charité de Vannes, et maître Jean Guillo, entrepreneur, s’est fait le présent traité, avec la permission de Mgr Fagon, évêque de Vannes. — Moy Jean Guillo m’engage à faire toute la massonnerie d’un corps de logis, qui fera la communication des deux bâtimens de la communauté (et du refuge), lequel bâtiment sera de 64 pieds de long, à hauteur du bâtiment qui donne sur la rue de la Vieille-Boucherie, et large de 25 pieds de dedans en dedans ;

...il y aura deux murs entre l’arrière cuisine et le réfectoire des pénitentes, ces deux murs monteront jusqu’au haut de la couverture, à cause des têtes de cheminées, que l’on y fera faire...

Et nous dites religieuses promettons et nous obligeons de fournir toutes les pierres dures et les tuffeaux, qui devront estres employés dans le dit bâtiment, comme aussy le moellon, la chaux, le sable et l’eau, autant que le puits, qui se trouve au milieu du bâtiment que l’on doit construire, en fournira, et s’il en faut trouver de plus, l’entrepreneur le fera apporter à ses frais ; nous nous obligeons aussy à fournir tout ce qui sera nécessaire pour l’échafaudage, comme aussy à faire tirer les fonds jusqu’au solide à nos frais... ».

Comme on le voit, l’entrepreneur, à la différence de ceux d’aujourd’hui, ne s’occupait que de la main-d’oeuvre, c’est-à-dire de la taille des pierres et de la construction ; au propriétaire de fournir tout le reste.

Les travaux furent terminés en 1740 : cette date se voit encore sur une lucarne du côté de la cour. L’entrepreneur eut pour sa part 3,502 livres, le charpentier 600 et le couvreur 315. On ignore ce que les soeurs ont payé pour la fourniture des matériaux et tous les travaux accessoires, en sorte qu’il est impossible de se rendre un compte exact de la dépense totale.

L’établissement était désormais complet et propre à répondre à toutes les exigences du service : le petit couvent était devenu un grand couvent.

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AMELIORATIONS

On se souvient qu’une transaction faite avec le Chapitre en 1688, maintenait pour les religieuses et leurs pénitentes l’obligation commune de suivre le moulin et le four du seigneur, mais leur laissait la faculté d’acheter leur pain tout fait où bon leur semblerait.

La communauté s’était d’abord soumise à la loi commune ; puis vers 1714 elle avait adopté le système de l’achat du pain tout fait. Mais l’expérience lui fit voir que ce nouveau mode avait aussi ses inconvénients, et qu’il était encore préférable de revenir au moulin du Chapitre, en s’affranchissant du four, moyennant une indemnité annuelle.

De là vint l’arrangement qui suit :

« Entre nous soussignés les vénérables chanoines de Vannes... et les religieuses de Notre-Dame de Charité... s’est fait et passé le présent traité perpétuel et irrévocable, par lequel nous dites religieuses, nous trouvant assujéties au four à ban de nos dits sieurs du Chapitre, à cause de leur fief de Saint-Salomon, et souffrant beaucoup de cette sujétion ; tant par la dureté des fourniers que par la mauvaise cuisson, mais encore plus la nécessité où nous étions de laisser nos portes ouvertes jusqu’à neuf et dix heures du soir pour attendre notre pain, ce qui dérangeoit notre communauté et pouvoit occasionner bien des inconvénients à cause de nos pénitentes ; ayant été obligées, pour éviter les incommodités, de nous résoudre à acheter notre pain, ce qui d’un autre côté étoit d’une grande dépense dans une maison aussi nombreuse que la nôtre ; pour ces raisons et autres nous avons prié nos dits sieurs du Chapitre de vouloir bien s’abonner avec nous pour leur droit de four en faveur d’une rente annuelle, et avons consenti et consentons par le présent de leur payer une rente perpétuelle et non franchissable de cent-vingt livres tournois par chacun an, pour l’abonnement du dit droit, suivant l’estimation qui en a été faite, à commencer le premier payement le jour de la Saint-Jean-Baptiste 1747, et ainsi continuer d’année en année, quand bien même nous jugerions à propos dans la suite d’acheter (encore) notre pain... 

« Et nous Chanoines et gens du Chapitre, ayant égard aux raisons ci-dessus ; voyant aussi la perte que nous avons soufferte, tant du droit de moulte que du dit droit de four, pendant plus de trente ans que les dites dames religieuses ont acheté leur pain ; et considérant l’avantage que nous tirons du dit abonnement, non seulement par une rente que nous n’avions pas auparavant, mais encore par l’augmentation considérable de la mouture qui en résultera pour notre moulin ; le tout murement considéré, après avoir apprécié le droit en question, nous avons consenti et consentons au dit abonnement pour le droit de four seulement (le droit de moulte expressément réservé), en faveur de la dite rente de 120 livres par an, exempte de toute change, même de toute taxe royale, et payable pour le premier payement à la Saint Jean-Baptiste 1747 ; et en conséquence permettons aux dites dames de cuire chez elles et où bon leur semblera, renonçant à venir à jamais contre le présent ;

« Et comme notre fournier actuel pourroit exiger de nous quelque dédommagement, pour cause du dit abonnement, pendant le reste de sa ferme, il a été convenu que les dites dames religieuses nous indemniseroient vers lui, comme de fait elles s’obligent par le présent de nous indemniser et donner toute garantie pendant le reste de la ferme du fournier actuel seulement.

« Fait double, sous les signatures des dites dames et celles de trois anciens de nous en Chapitre, le 24 décembre 1745.  Signé : Dondel. — Huchet. — Bossart. Sœurs … Le Rebours, supérieure. — Duboys, assistante. Geffroy, — de Rosmadec, — du Bouëtiez, — Gouro, conseillères. — Le Boudoul, dépositaire. » ( N.-D. de Charité.)

Quelque temps après, une occasion s’offrit d’agrandir l’enclos, vers le midi. Il y avait là une maisonnette et trois pièces de terre en jardins, appartenant à M. Joseph Bréget, sieur du Breuil, et à dame Sainte-Claude Jan de Bellefontaine, son épouse. Les propriétaires, demeurant à Saint-Malo, étaient disposés à se défaire de ces immeubles, et les religieuses de Notre-Dame-de-Charité ne demandaient pas mieux que de les acquérir. Mais un édit du mois d’août 1749 avait mis certaines entraves à l’extension des biens de mainmorte. Par précaution on s’adressa au Roi et l’on obtint les lettres patentes qui suivent :

« Louis (XV), par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. Nos chères et bien ameez les religieuses prieure et couvent de Notre-Dame de la Charité, établies au faubourg et paroisse de Saint-Salomon, de notre vile de Vannes en Bretagne, par lettres patentes du mois de mai 1688, nous ont fait exposer que l’objet de leur établissement a été de retirer dans leur maison et couvent les femmes et filles de mauvaise vie, pour les conduire et gouverner et les ramener en la bonne voie ; l’utilité dont elles sont à l'Etat et au public les a fait protéger de tous les corps de la ville, et principalement du Chapitre de la cathédrale de Vannes, seigneur de leur territoire ; le peu d’étendue de leur maison et couvent est connu de tout le monde, et elles se trouvent si resserrées qu’elles ont peine à renfermer les personnes qui leur sont envoyées par des ordres supérieurs ;

« Pour donner un peu plus d’aisance à leur maison, les propriétaires d’une pièce de terre, contenant trois journaux, qui se trouve enclavée entre un morceau de terre appartenant aux exposantes et le mur de leur petit jardin potager, leur ont offert de la leur vendre et abandonner, moyennant 3,000 livres argent, et 100 livres de rente au denier vingt (ou 2,000 livres de capital). Mais quelque nécessaire et utile que soit cette pièce de terre aux exposantes, elles craignent de s’exposer aux peines portées par notre édit du mois d’août 1749, si elles acceptent la vente de la dite pièce de terre, avant d’être assurées que nous voudrons bien accorder les lettres patentes nécessaires pour faire la d. acquisition et pour l’union de la d. pièce de terre au jardin de la d. communauté.  A ces causes, de l’avis de notre Conseil, et après nous être fait rendre compte des motifs de l’utilité de la d. acquisition et de l’union de la d. pièce de terre à l’établissement des d. exposantes, Nous avons, de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, permis, et par ces présentes, signées de notre main, permettons aux exposantes d’acquérir la d. pièce de terre... Sy donnons en mandement... Donné à Versailles, au mois d’octobre, l’an de grâce 1758 et de notre règne le 44e. Signé : Louis. — Par le Roy : Phélippeaux ».

Ces lettres ayant été enregistrées au parlement, le contrat définitif d’acquisition fut enfin passé par devant notaires le 7 août 1759, pour le prix principal de 5,000 livres.

Ces jardins, acquis en 1759 et aliénés en 1796, ont été coupés vers la fin du XIXème siècle par le prolongement de la rue de Poulho ou de Richemont, et la partie du nord a été rachetée par l’administration des Hospices.

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REVOLUTION

L’établissement ne jouit pas longtemps de sa nouvelle acquisition : la Révolution vint bientôt détruire les communautés religieuses. Avant de dépouiller ses victimes, le gouvernement fit dresser des états minutieux des personnes et des biens de chaque maison.

Voici le résumé du procès-verbal concernant le Petit-Couvent.

« Nous soussignés, Claude-Marie Bernard, Jacques Glais, et Pierre-Nicolas Serres, membres du directoire du district de Vannes, et Antoine Rollin, procureur syndic, certifions que ce jour, 28 juillet 1790, sur les dix heures du matin ; nous nous sommes transportés au couvent des religieuses de Notre-Dame-de-Charité de cette ville, paroisse de Saint-Salomon, où se sont présentées toutes les religieuses, dont les noms et âges ont été déclarés ainsi qu’il suit :

Dames de choeur.

Michelle-Simonne Buat, de Guingamp, supérieure, 46 ans.

Mathurine-Marie du Bouétiez, d'Hennebont, 84 ans..

Louise-Charlotte Le Moyne de Talhoet, de Ploërdut, 72 ans.

Marie-Jacquette Perron, d'Hennebont, âgée de 73 ans.

Jeanne-Céleste Duboys, de Pontivy, âgée de 65 ans.

Céleste-Emilie Henry de Bohal, de Pleucadeuc, 75 ans.

Marie Kergrohen, de Locminé, âgée de 60 ans.

Marie-Charlotte Brochereul, de Languidic, 78 ans.

Françoise-Romaine Rio, de Vannes, 54 ans.

Marie-Félicité Boutouillic, de Vannes, 54 ans.

Renée de Kerpezdron, de Josselin, âgée de 54 ans.

Jeanne-Cécile Corbel, de Vannes, 50 ans.

Marie-Hyacinthe Buisson, de Vannes, 51 ans.

Marie-Anne de. Lambart, d'Allaire, 57 ans.

Michelle Le Pavec, de Theix, âgée de 58 ans.

Marthe-Thérèse Roger, de Guérande, 43 ans..

Marie-Thérèse de Lilliac, de Pleucadeuc, 43 ans.

Jeanne-Marie Mabille, de Saint-Servan, 48 ans.

Catherine-Marie Larrey, de Mesquer, 50 ans.

Marie-Paule Le Bescond, de Belle-Ile, 45 ans.

Marie-Jeanne Bolle, de Brest, âgée de 41 ans.

Marie-Rose Rio, de Vannes, âgée de 42 ans.

Marie-Anne Pavec, de Questembert, 44 ans.

Susanne Bédesque, d'Auray, âgée de 41 ans.

Marie-Jeanne Sauvé, de Vannes, âgée de 38 ans.

Yvonne-Pauline Sauvé, de Vannes, âgée de 36 ans.

Louise-Vincente Brochereul, d'Hennebont, 43 ans.

Julie-Germaine de Botmilliau, de Quimper, 34 ans.

Jeanne-Marie Pirvaux, de Vannes, 38 ans.

Marie-Thérèse Allemand, du Port-Louis, 41 ans.

Vincente-Corentine Morin, de Lorient, 33 ans.

Eulalie-Marie Le Faure, de Vannes, 32 ans.

Marie-Anne Le Grip, d'Arzal, âgée de 33 ans.

Marie-Françoise Le Guével, de Lorient, 41 ans.

Marie-Vincente Le Mintier, de Vannes, 32 ans.

Thérèse Glain, de la ville d'Auray, 36 ans.

Mathurine-Rose Debays, âgée de 29 ans.  

Soeurs converses.

Anne Gaultier, de Moncontour, 77 ans.

Marie Sélineux, d'Arradon, 77 ans.

Anne Philippe, de Guingamp, 64 ans.

Gillette Le Corps, de Saint-Brieuc, 59 ans.

Renée Gillet, de Moustoirac, 54 ans.

Julienne Le Berrigot, de Baden, 50 ans.

Olive Tatevin, de Mesquer, 58 ans.

Jeanne Cadio, de Saint-Avé, 46 ans.

Yvonne Moreau, de Belz, âgée de 51 ans.

Jeanne Touzo, de Plougoumelen, 40 ans.

Françoise Le Claire, de Saint-Gonnery, 38 ans.

Marie-Joseph Brien, de Pluneret, 26 ans.  

Soeurs tourières.

Olive Le Heudé, de Batz.

Marie-Anne Le Cloirec.

« Les dites dames religieuses nous ont ensuite représenté leur livre rentier, avec les pièces au soutien, dont nous avons pris le relevé ».  

1. Biens fonds.

Le couvent et l’enclos.

La métairie du Livin, en Languidic, affermée : 637 livres 2 sols 6 deniers.

La métairie du Léraud, en Guégon (près Cruguel) : 350 livres.

Deux demi-tenues à Kerverch, en Landévant : 360 livres.

Maison et jardin, rue de Poulho, à Vannes, affermés : 100 livres.

La métairie et le moulin du Pont de Noyalo : 1,313 livres 16 sols 8 deniers.

Les tenues de Cléguer, de Penher et de Béreth : 1,118 livres 11 sols 6 deniers.

Les 271 oeillets de marais salants à Noyalo : 1,626 livres.

Les 60 oeillets et le pré de Sarzeau : 387 livres.

La métairie de Lesteno6Philippe en Saint6Nolff : 440 livres.

Total : 6,332 livres 10 sols 8 deniers.  

II. Rentes.

Rente constituée sur l’hôtel de ville de Paris : 350 livres.

Rentes sur les Houx, Pautremat et Allemand : 195 livres 11 sols 1 denier.

Rente viagère pour dotation d’une religieuse : 150 livres.

Rente foncière sur l’hôpital d’Hennebont : 50 livres.

Total : 745 livres 11 sols 1 denier.  

III. Charges.

Indemnité de fief au Chapitre, pour l’enclos : 182 livres 10 sols.

Indemnité au domaine pour Kerverch : 30 livres 10 sols.

Décimes de la communauté : 118 livres 9 sols.

Rentes à payer pour dix-neuf constituts : 3,375 livres 13 sols.

Six rentes viagères à payer, montant : 1,892 livres.

Total : 5,599 livres 2 sols.

D’où il suit que le revenu net est de 1,478 livres 19 sols 9 deniers, pour 51 religieuses.

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MOBILIER

«  Nous ont déclaré les dites dames n’avoir que 84 livres d’argent monnayé.

Les plus précieux meubles sont : deux ciboires de vermeil ; un ostensoir, une patène et quatre flambeaux, aussi de vermeil ; trois calices, une custode, trois bassins, six burettes, un crucifix, un encensoir, deux lampes et un bénitier, le tout d’argent ; une cuillère potagère, une autre à ragout, 38 couverts complets, 20 cuillères dépareillées, et 15 cuillères à café , le tout d’argent.

A la lingerie : 200 paires de draps, bons et mauvais, 6 douzaines de nappes, 100 douzaines de serviettes, etc...

A la bibliothèque : 12 volumes in-folio, 84 in-quarto, 912 de différents formats; tous livres de dévotion ».

Personnel.

« A l’endroit, nous avons requis séparément chacune des dites religieuses de nous déclarer son intention de rester dans le cloître ou d’en sortir : toutes ont déclaré vouloir rester dans le cloître.

Nous étant transportés dans la partie des bâtiments destinée aux pénitentes, nous avons reconnu qu’elles sont au nombre de 24, toutes volontaires, et qu’elles pourraient y être 50.

Ayant également parcouru le bâtiment destiné aux pensionnaires, nous avons vérifié qu’elles étaient au nombre de 50, et qu’il serait possible d’en loger 80.

Parcourant les dortoirs destinés aux religieuses, nous avons vu qu’ils pouvaient en contenir 70.

Et ont les dites dames religieuses signé avec nous, les d.  jour et an ». (L. 785. — Q. 298).

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DISPERSION

Les pauvres religieuses, sans défense devant l’envahissement du pouvoir civil, s’attendaient à toutes les avanies.

Le 1er juin 1791, la chapelle du Petit-Couvent, comme celles des autres communautés, fut fermée au public et réservée aux seules personnes de la maison.

Le 25 août 1791, le directoire du département défendit aux religieuses de Notre-Dame de la Charité, comme aux autres communautés, de recevoir aucune pensionnaire au dessous de 20 ans.

Le 4 août 1792, l'Assemblée législative ordonna l’évacuation des .maisons religieuses, encore occupées par des femmes. Le directoire du département du Morbihan fixa l’exécution de ce décret au 1er octobre.

L’expulsion de pauvres religieuses, déjà si odieuse en elle-même, fut encore aggravée par la brutalité qu’on y mit. Les agents de l’autorité les firent sortir de leur maison, sans pourvoir à leurs besoins immédiats, on leur laissa à peine emporter de leurs cellules les effets et les objets qui leur étaient le plus nécessaires. La plupart d’entre elles avaient apporté toutes leurs ressources pécuniaires dans cette maison, où elles comptaient trouver un asile pour le reste de leurs jours, et elles se voyaient jetées sur le pavé, sans logement, sans ressources et parfois sans famille.

Il est vrai qu’une modique pension leur était promise, mais elle devait être payée en assignats, et ceux-ci subissaient alors une dépréciation considérable ; de plus, il fallut bientôt, pour en jouir, prêter un serment qui répugnait à leur conscience, et qu’elles eurent presque toutes le courage de refuser.

Seize religieuses du Petit-Couvent furent internées, au mois de septembre 1793, à l’hôpital de Saint-Nicolas de Vannes. C’étaient les saeurs Louise Le Moyne, Françoise Rio, M. Félicité Boutouillic, Jeanne-Cécile Corbel, Michelle Le Pavec, Marthe-Thérèse Roger, Catherine Larrey, M. Jeanne Bolle, M. Rose Rio, Susanne Bédesque, Yvonne Sauvé, Louise V. Brochereul, M. Thérèse Allemand, Vincente Morin, Gillette Le Corps et Olive Le Heudé. Il faut y ajouter Marie Kergrohen, détenue à Auray. Elles ne furent remises en liberté qu’au commencement de 1795.

Pendant qu’on chassait ou qu’on enfermait les religieuses, on vendait leurs biens. Voici la liste des aliénations par ordre chronologique.

1° La métairie du Léraud en Guégon, près de Cruguel, fut vendue le 29 janvier 1791 au sieur Le Gal, pour 9,825 livres.

2° La métairie de Lesteno-Philippe, en Saint-Nolff, fut adjugée, le 2 mars 1791, à M. Quermeleuc, pour 10,561 livres.

3° La métairie de Bourgerel, en Noyalo, fut adjugée, le même jour, audit M. Quermeleuc, pour 4,278 livres.

4° La métairie du Pont-de-Noyalo, en Theix, fut vendue, le 4 mai 1791, à M. de Châteaugiron, pour 11,100 livres.

5° La métairie du Liven, en Languidic, fut adjugée, le 3 novembre 1791, au sieur Bertrand, de Lorient, pour 33,100 livres.

6° Les marais salants de Noyalo, vendus en 1791 à M. de Châteaugiron pour 28,000 livres, furent définitivement adjugés, le 14 août 1793, à M. Marsilly, pour 54,500 livres.

7° Les 60 oeillets de marais et le pré de Sarzeau furent vendus, le 14 décembre 1793, à M. Saint, pour 10,200 livres.

8° Le petit jardin de l’enclos du Petit-Couvent fut adjugé, le 23 avril 1794, au citoyen Degastine, pour 1,825 livres. 

9° La maison et le jardinet de la rue de Poulho furent vendus, le 16 juillet 1794, au sieur Cato, pour 2,725 livres.

10° Le grand jardin, au bas de l’enclos du Couvent, fut adjugé, le 27 mai 1796, à M. Danet aîné, pour 11,000 livres.

11° La maison, située à Vannes, rue de la Loi, fut vendue, le 16 juillet 1796, au sieur Nio, pour 2,375 livres.

12e La maison, située dans la rue du Petit-Couvent, fut adjugée, le 18 juillet 1796, à M. Huchet, pour 2,160 livres.

13° Le moulin à mer du Pont de Noyalo fut vendu, le 21 novembre 1796, à M. Danet aîné, pour 63,417 livres.

14° Une tenue à Béreth en Noyalo fut adjugée, le 3 janvier 1798, au sieur Mahé, pour la somme de 44,208 livres.

15° Une seconde tenue au même lieu fut vendue, le même jour, au sieur Le Gallic, pour la somme de 30,180 livres.

16° Une tenue à Penher en Noyalo, fut adjugée, le 3 janvier 1798, au sieur Mahé, pour la somme de 42,061 livres.

17° Une seconde tenue au même village fut vendue, le 5 janvier 1798, à Cl. Le Franc, pour la somme de 53,380 livres.

18° Une tenue à Cléguer en Noyalo fut adjugée, le 5 janvier 1798, au sieur Le Gallic, pour la somme de 61,089 livres.

19° Une seconde tenue au même village fut vendue, le même jour, au sieur Ehanno, pour la somme de 61,088 livres.

20° Une tenue à Kerverch en Landévant fut adjugée, le 15 janvier 1798, au sieur Gougeon, pour la somme de 20,049 livres.

21° Une autre tenue, située au même lieu, fut vendue, le même jour, à G. Macé , pour la somme de 40,069 livres.

Il est facile de remarquer que pendant l’année 1798 les immeubles ont atteint un prix véritablement fabuleux ; mais ce n’est là qu’une apparence trompeuse. Les paiements ne se faisaient alors qu’en assignats, et par suite de la dépréciation du papier monnaie, l’assignat de 100 livres ne valait plus que dix sous. En réduisant les prix ci-dessus au centième on obtient à peu près le prix véritable.

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HOPITAL

L’immeuble du Petit-Couvent n’avait pas été aliéné. Après l’expulsion des religieuses en octobre 1792, il resta disponible. Dès le mois de septembre 1793, il servit de prison, et reçut graduellement les victimes de la Terreur, nobles, administrateurs et prêtres, jusqu’au commencement de 1795.

C’est alors que le citoyen Davon, médecin militaire, trouvant que l’hôpital de Saint-Nicolas était situé dans un endroit trop bas, demanda l’autorisation de transférer les malades au Petit-Couvent, qui était beaucoup mieux placé. Sa pétition, favorablement accueillie par la municipalité, par le district et par l’administration départementale, fut sanctionnée le 6 janvier 1795 par arrêté du citoyen Brüe, représentant du peuple.

Immédiatement on transporta le mobilier de Saint-Nicolas au nouveau local, et notamment le linge, la batterie de cuisine, la pharmacie et plus de 150 lits. Puis, pour donner plus d’espace aux malades on congédia, le 27 février, le fermier qui détenait le jardin, le verger, la buanderie et une maison d’habitation.

Toutefois le Petit-Couvent tout entier ne fut pas converti en hôpital : une partie des bâtiments, occupés jadis par les pénitentes ou les pensionnaires, fut réservée comme maison d’arrêt ; et c’est là qu’on renferma, de décembre 1795 à décembre 1796, les prêtres catholiques arrêtés par le gouvernement. Ce n’est que plus tard que cette portion des bâtiments fut cédée à l’administration des hospices.

L’hôpital était alors desservi par des employés militaires : les religieuses étant proscrites, il n’y avait pas à y songer. En 1801, le Ministre de la Guerre ayant remis le Petit-Couvent à la disposition du Ministre. des Finances, et par suite à l’administration des hospices, le général Bernadotte, depuis roi de Suède, alors général en chef de l’armée de l'Ouest, à Vannes, donna l’ordre, le 12 octobre 1801, de remettre, après inventaire estimatif, à la disposition des hospices civils de la ville, tout ce qui existait au Petit-Couvent des effets mobiliers et médicaments de l’ambulance militaire. Le procès-verbal estimatif de ces effets montait à 7,760 fr. Bien que ce fût une restitution des objets prêtés en 1795, les administrateurs consignèrent néanmoins dans le registre de leurs délibérations l’expression de leur reconnaissance pour le général.

A cette époque, l’exaltation révolutionnaire se calmait, le Concordat se signait, et l’administration hospitalière songeait à remettre le soin des malades à des religieuses. Dès le 22 octobre 1801, la Commission des hospices, composée de MM. Laumailler, maire, Le Bourg, Ménard, Jourdan, Macaire et Botréhan, écrivit au préfet du Morbihan : « Nous vous prions d’intéresser le Ministre de l'Intérieur à engager le séminaire des Filles de la Charité à nous envoyer trois religieuses, dont une pour avoir la surveillance en grand de l’hospice, la seconde pour manipuler les remèdes et conserver la pharmacie, et la troisième pour prendre soin du linge et de tous les objets à l’usage des malades »

Le 21 août 1802, la Commission n’ayant pas eu de réponse favorable, écrivit directement à la communauté. Mais les sujets manquaient, et il fut impossible d’accueillir sa demande. Alors elle se tourna vers les Augustines, qui avaient desservi l’hôpital de Saint-Nicolas avant la Révolution, et celles-ci acceptèrent les propositions qui leur furent faites. 

En conséquence, le 29 juillet 1803, « sept des religieuses de l’hôpital Saint-Nicolas, qui se trouvaient alors à Vannes, furent appelées, et assistèrent à la délibération et à la lecture des conditions rédigées par Mgr de Pancemont, évêque de Vannes et l’un des administrateurs des hospices.

« Elles furent chargées de tout le détail intérieur de l’hospice ; elles devaient avoir un logement à part, et se nourrir, chauffer, blanchir, vêtir, meubler et entretenir à leurs frais. L’administration leur accordait, pour huit religieuses, la somme de 2,100 fr. par an, payable par trimestre.

« Le 3 août 1803, elles furent solennellement installées à l’hôpital du Petit-Couvent. Mgr de Pancemont voulut lui-même officier à la tête de son clergé, en présence du général Julien, conseiller d’Etat, préfet du Morbihan, des administrateurs, de tout l’état-major du régiment en garnison, et des habitants notables de la ville. L’évêque nomma pour supérieure la soeur Coquerel, dite de Saint-Pierre.

« Elles ne tardèrent pas à trouver l’occasion de prouver d’une manière éclatante tout ce que peuvent la foi religieuse et la charité chrétienne dans la carrière toute de dévouement et d’abnégation d’une soeur hospitalière.

« Le débarquement de l’armée de Portugal, en 1808, encombra les hôpitaux de Vannes et d'Auray de malades militaires : une terrible épidémie en fut la suite. L’hôpital du Petit-Couvent ne suffisant plus pour les contenir, une succursale fut établie dans la caserne de la Visitation ; une porte de communication fut ouverte, afin que les religieuses n’eussent que la rue à traverser, pour aller porter leurs secours d’un hôpital à l’autre, avec dispense de la clôture.

« Elles n’étaient que sept à leur rentrée ; sept autres de leurs compagnes, étaient venues les joindre ; trois avaient succombé et trois autres furent atteintes de l’épidémie, ce qui les mit hors de combat. Elles étaient sur pied nuit et jour, ainsi que leur aumônier ; elles furent même obligées d’interrompre l’office du Choeur.

« Un des officiers de santé de l’hôpital, M. Janin, paya aussi de sa vie son dévouement et son zèle, et succomba après dix mois et demi du service le plus pénible ». (Lallemand. ORIGINES, p. 251).

Cette épreuve une fois passée, l’hôpital du Petit-Couvent reprit sa tranquille existence. On ne trouve rien à signaler jusqu’à 1830. Les religieuses hospitalières de Quimper, ayant été obligées, en cette année, de quitter leur communauté, trouvèrent un refuge momentané chez leurs soeurs de Vannes. A cette même époque, la ville devint propriétaire, au prix de 2,000 fr., de l’ancienne maison d’arrêt, longeant la rue de la Loi, et les religieuses qui desservaient l’hôpital furent autorisées à s’y établir, en y faisant les réparations nécessaires.

Dix ans plus tard, quand la commune voulut bâtir une salle d’asile à l’extrémité des dépendances de l’hôpital, on fit un échange. L’administration des hospices céda à la commune le terrain nécessaire pour la construction de la salle et l’établissement de la cour, et reçut en retour le bâtiment ayant autrefois servi de maison d’arrêt et alors occupé par les soeurs de la Miséricorde de Jésus. Celles-ci étant en nombre suffisant à l’hôpital, fournirent deux ou trois de leurs soeurs pour avoir la charge de la salle d’asile, et l’école fut ouverte en 1841.

Les religieuses desservirent ainsi l’hôpital du Petit-Couvent et la salle d’asile jusqu’en 1866, où la tempête vint les frapper.

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CHANGEMENTS

Il y avait alors à Vannes trois hôpitaux desservis par trois communautés différentes : l'Hôpital-Général, confié aux Filles de la Sagesse, l'hôpital du Petit-Couvent, tenu par les Augustines de la Miséricorde de Jésus, et l'hôpital des Incurables de la Garenne, desservi par les Filles de Saint-Vincent de Paul.

Depuis longtemps « les inspecteurs généraux des établissements hospitaliers consignaient dans leurs rapports qu’ils regardaient l’existence à Vannes de trois hôpitaux séparés comme occasionnant un surcroît de dépenses ».

La Commission des hospices, voulant enfin régler cette affaire, se réunit le 31 mars 1866, sur les instances du préfet. « Etaient présents : MM. Lallement, maire de Vannes, président, Hervieu, Aché, Boullé, Le Febvrier et Caradec ».

Tout le monde fut d’accord pour supprimer l’hospice de la Garenne ou de Saint-Yves, comme étant le moins important ; et cette décision, quand elle fut connue du public, ne souleva aucune objection. — Que faire alors du personnel de la maison, c’est-à-dire des incurables et des soeurs ? — Le public s’attendait à voir les malades transférés à l'Hôpital Général ou au Petit-Couvent, et les soeurs remises à la disposition de la maison-mère.

Mais la Commission avait, paraît-il, un autre plan : elle voulait profiter de l’occasion pour renvoyer les Augustines de la Miséricorde de Jésus et mettre à leur place les Filles de Saint-Vincent de Paul ; elle prit donc l’arrêté suivant :

« Considérant que, la suppression de l’hospice des Incurables étant arrêtée, l’hospice civil et militaire réunit toutes les conditions désirables pour la fusion des deux établissements ; qu’en outre des salles employées au service des malades et aux dépendances de l’hospice, il comprend de vastes bâtiments, occupés par la communauté des soeurs de la Miséricorde de Jésus ; et qu’il serait facile, en reprenant la libre disposition de ces bâtiments, d’y installer en peu de temps et à peu de frais, tout le personnel des incurables et douze soeurs, qui seraient préposées au service de ces deux établissements ;

« Considérant que l’adoption d’une pareille mesure entraîne, comme conséquence nécessaire, le renvoi de la communauté des soeurs de la Miséricorde de Jésus, qui a toujours desservi l’hospice des malades avec un remarquable dévouement ; et que ce n’est qu’avec regret que la Commission se décide à prendre une pareille détermination ;

« Considérant enfin que si les hospices possèdent aujourd’hui dans l’établissement des Incurables et ses dépendances une valeur d’environ 70,000 fr., ils le doivent en partie aux sœurs de Charité de Saint-Vincent de Paul, qui l’ont fondé elles-mêmes (!). depuis plus d’un siècle ; et que par conséquent il est de toute justice de les préférer à toute autre congrégation, surtout à une congrégation cloîtrée ;

« Par ces motifs, arrête :

« Article 1er . L’hospice des Incurables sera supprimé et réuni à l’hospice civil et militaire au moyen de son installation dans les bâtiments et dépendances occupés par les soeurs de la Miséricorde de Jésus.

« Art. 2. L’établissement actuel des Incurables et la prairie qui en dépend seront vendus dans le plus bref délai, pour une partie de leur prix être employée aux frais d’appropriation et d’aménagement du nouvel établissement, et s’il y a lieu, au remboursement de ce qui pourra être dû à la communauté des filles de la Miséricorde de Jésus » (Reg. Délibérat. f. 45).

La décision, concernant le renvoi des Soeurs Augustines, fut à peine connue qu’elle souleva dans le public un mouvement de sympathie pour les victimes. On se demandait pourquoi l’on renvoyait des religieuses, dont personne ne se plaignait, et dont l’administration elle-même faisait l’éloge.

Bientôt des pétitions circulèrent dans le peuple et dans le clergé de la ville, pour demander leur maintien au Petit-Couvent, tout en y transférant les Incurables.  Les religieuses, disaient les pétionnaires, sont disposées à céder leur logement aux incurables, et à construire, à leurs frais, une maison pour elles-mêmes, et ainsi disparaît le motif de leur renvoi.

De plus, ajoutaient-ils, leur maintien est beaucoup plus économique que leur remplacement : elles sont 36 au service des malades, et il n’y en a que 8 payées par l’administration, à raison de 200 fr. chacune ; dans la nouvelle combinaison on prévoit déjà 12 soeurs, qui coûteront 2,400 francs par an, sans compter la pension, et qui ne pourront jamais faire à 12 le même travail que 36.

Enfin, disaient-ils, les Filles de la Charité de la Garenne, après la suppression de leur maison, seront immédiatement et facilement placées dans d’autres maisons de leur ordre, tandis que les Augustines n’ayant pas de maison-mère, ne peuvent pas se disperser ailleurs et doivent vivre ensemble et au besoin mourir ensemble.

Les pétitionnaires s’abstinrent de réfuter la grosse erreur historique commise par les administrateurs, qui attribuaient la fondation de l’hospice des Incurables aux Filles de Saint-Vincent-de-Paul.

Aucune de ces raisons ne toucha la Commission ; elle maintint sa décision, et demanda à la Supérieure générale des Filles de Saint-Vincent-de-Paul de lui donner douze soeurs, tirées de la Garenne ; ou d’ailleurs, pour desservir l’hôpital du Petit-Couvent. La soeur Lequette répondit que par délicatesse elle n’osait pas substituer sa congrégation à une autre congrégation religieuse. Mais la Commission ayant insisté, et ayant même menacé, en cas de refus, de prendre des laïques pour avoir soin des malades, elle finit par céder. 

Un arrêté du 11 septembre 1866 approuva la suppression de l’hospice des Incurables et le transfert des malades au Petit-Couvent ; puis un autre arrêté du 24 septembre, même année, autorisa la vente par adjudication, en deux lots, sur la mise à prix totale de 70,000 francs, des bâtiments et dépendances de l’hôpital Saint-Yves.

Enfin, le 1er novembre 1866, les Augustines quittèrent le Petit-Couvent, emportant l’estime et les regrets de la population vannetaise et se retirèrent à Malestroit.

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AGRANDISSEMENTS

Après le départ des Augustines, la Commission des hospices fit réparer le bâtiment qui leur avait servi de logement.

Bientôt elle put se convaincre que la maison était insuffisante, et qu’il fallait bâtir. Elle décida de démolir la maison de l’aumônier, qui avait été le Petit-Couvent primitif, ainsi que la maison qui lui faisait suite à l’est de la cour, et d’y construire un vaste bâtiment pour les femmes.

Le 17 avril 1867, la Commission, après avoir attentivement examiné les plans dressés par M. Charier, architecte, et avoir reconnu qu’ils remplissaient les conditions prescrites, les adopta définitivement et décida que leur exécution serait réalisée dans le plus bref délai possible.

Les travaux marchèrent assez rapidement, et le 27 juillet 1868, les incurables de la Garenne furent transférés au Petit-Couvent.

Quelques années plus tard, la garnison de Vannes ayant été considérablement augmentée, il fallut songer à fournir un local plus vaste à l’hôpital militaire. L’administration, pour y parvenir, fit l’acquisition de la maison et des jardins de M. Gaudin, qui avaient jadis appartenu au Petit-Couvent, et qui avaient été aliénés pendant la Révolution. C’est à travers ces jardins que l’on édifia un second bâtiment, faisant suite à celui qui bordait la rue Le Sage.

C’est le 5 avril 1883, que la Commission agréa définitivement le plan concerté avec M. Maigné, architecte du département.  Le rez-de-chaussée devait avoir 20 lits pour les fiévreux, répartis dans trois salles séparées ; la même disposition devait se reproduire au premier et au second. Le cube d’air pour chaque lit devait dépasser 70 mètres. Pour faire face à la dépense, évaluée à 150,000 francs, la Commission vota la vente de rentes sur l'Etat, montant à 6,300 francs par an. Elle ne demanda point de subvention à la commune de Vannes, espérant faire face à toutes ses charges, malgré la réduction de ses revenus.

Par suite de ces constructions, voici quelle est, à la fin du XIXème siècle, la distribution de l’établissement. Les militaires occupent tout l’ancien couvent des religieuses de Notre-Dame de Charité ; les malades civils sont logés dans les deux bâtiments neufs, les hommes dans celui du midi et les femmes dans celui du nord.

Les incurables, hommes et femmes, dont la venue avait été la cause du renvoi des Augustines, ont été transférés à l’hôpital général, et leur logement, affecté à quelques services accessoires de la maison, reste disponible pour les cas d’épidémie et d’encombrement des salles ordinaires.

J.M. Le Mené

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