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L'ANCIEN MOULIN ET ETANG AU DUC.

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Le moulin et l'étang au Duc ont des origines plus obscures qui paraissent se perdre dans la nuit des temps. On ne peut assigner aucune date à leur création. Je crois bien avoir lu quelque part que la chaussée et le moulin devaient être attribués aux Romains. Mais l'unique raison que l'on en donnait était que, ce peuple fut expert en travaux hydrauliques. Quelqu'un a encore dit que les ducs de Bretagne eurent, pendant plusieurs siècles, un moulin à eau à Bohalgo, près de Vannes, et que l'un d'eux l'ayant supprimé, en établit un autre dans un faubourg de cette ville, après y avoir fait creuser un étang d'une grande étendue. Mais on ne nous dit pas quel était ce duc, ni l’époque où il vivait. Ce sont là de simples conjectures, au soutien desquelles on n'apporte aucune preuve, aucun document.

En revanche, nous possédons toute une floraison de légendes et de récits merveilleux qui nous sont des témoignages plus sûrs de la haute antiquité du moulin et de son étang.

Ceux, bien peu nombreux parmi nous, qui vivaient à Vannes vers le milieu du XIXème siècle, doivent se rappeler encore les beaux contes dont on berçait leur enfance émerveillée. Dans certains de ces contes, il était question des apparitions merveilleuses que l'on disait errer la nuit sur les eaux de notre étang. Il n'était pas alors de lavandière, de femme ou de fillette vivant sur ses bords, qui ne crût fermement à ces apparitions, et qui ne sût vous les raconter.

Lorsque l'étang est calme et que la lune est pleine, - Quelle est, gens du pays, cette blanche sirène - Qui peigne ses cheveux debout sur ce rocher ? .......

C'est ainsi que débute le joli conte en vers dédié par Brizeux à Mme Audren de Kerdrel, et dans lequel notre barde breton a revêtu de la forme poétique un de ces récits, qu'il avait sans doute entendu plusieurs fois lorsqu'il était étudiant au collège de Vannes vers 1816. Ces vers semblent d'ailleurs une réminiscence de ceux du célèbre lied de la Lorelei, dont Henri Heine emprunta aussi le sujet à une vieille légende des bords du Rhin.

Le culte des eaux remonte, en effet, aux premiers âges de l'humanité. Toutes les forces de la nature étaient alors divinisées : les sources et les fontaines, les lacs et les cours d'eau avaient chacun son génie tutélaire. Et ce culte universel des eaux, l'une des formes de l'animisme, n'a jamais pu être déraciné entièrement par aucune de nos religions positives. Aux sirènes, aux nymphes et aux naïades de l'antiquité, ont succédé les fées, les nixes et les esprits de notre moyen âge. Aujourd'hui, cependant, toutes ces créations poétiques de l'imagination populaire paraissent effacées ou oubliées. On ne croit plus au surnaturel, aux fictions, aux féeries ou aux prodiges.

Une science récente, le folk-lore, s'occupe, il est vrai, de recueillir les traditions et les légendes de tous pays. Mais les gros livres qu'elle publie ne sont lus que par des érudits ou par quelques vieux savants. Les générations nouvelles, plus sceptiques, et absorbées par des procupations utilitaires, ignorent ou dédaignent ces visions radieuses qui enchantaient l'âme ingénue de nos pères. Il semble que de nouveau, parmi nous ait retenti cette voix mystérieuse que l'on entendit, dit-on, sous le règne de Tibère, un navire étant en rade, et qui criait : « Pan, le grand dieu Pan est mort ! ».

On ne trouve malheureusement dans nos documents d'archives aucun écho des anciennes légendes relatives à l'étang au Duc. Mais il vous plaira peut-être d'entendre ce que dit Dubuisson-Aubenay au sujet du canal qui réunissait cet étang à celui de Plaisance, canal dont la création forme le sujet du poème de Brizeux cité tout à l'heure.

Dubuisson relevait avec un soin minutieux tous les cours d'eau qu'il rencontrait, et en notait les moindres particularités. Après avoir expliqué comment le ruisseau qui passe à Plaisance se divise là en deux rameaux, il continue ainsi :

...... « mais le bras droit, sortant de l'étang susdit de Plaisance, à 30 pas près de la sortie du bras gauche, est gros et profond, resserré entre deux rives, et non guéable. Il y a un petit pont de bois. De là, à une mousquetade, il est, quoyque gros, guéable en beau temps ; puis passant devant une maison dite Poignant, il va au-dessous du parc ou clos d'une autre, dite Grado, entrer bien gros et bien fort et rivière légitime, dans l'estang au Duc, très bel et poissonneux, d'où ressortant, il fait moudre, en tombant de sa bonde, ce grand moulin à 4 roues, puis à 60 pas de là, un autre plus petit, et de là costoyant par la prairie, va au pont du fossé de la ville, à deux arcades de pierre, où il reçoit, à droite le ruisseau de l'estang de Nazareth ou de Fronier cy-dessus, et à gauche un autre petit ruisseau, venant de la prairie le long de derrière la Garenne. Au-dessous du dit pont, il entre dans le fossé de la ville comme cy-dessus.... » (Itinéraire de Bretagne en 1636, pp. 139-140) .

Je reproduis encore ici un autre document qui vous fera connaître l'état de l'étang, du moulin et de ses appartenances à l'époque de la Révolution. C'est l'acte, en date du 4 messidor an VI, par lequel ils furent acquis par la citoyenne Perrine Corvec, marchande, pour la somme de 66.090 l. ; il donne les renseignements suivants sur ces biens, qui comprenaient :

1° La maison, moulins à eau, étang, appartenances et dépendances connu sous le nom de moulin du Duc.

La maison des dits moulins construite en maçonne et couverte en ardoises, contenant de long à deux longères 126 pieds, et de large à deux pignons 22 pieds, ayant ses vues au midy sur le petit pâti ci-après, au nord sur jardin à la citoyenne Vve Desplaces et autres particuliers. La dite maison vieille et en mauvais état et dans laquelle sont les moulins consistant en six roues dont cinq à grains et une à tan ;

2° Un petit pâti au midy des logements dans lequel sont le canal des roues et le ruisseau du trop plein, donnant avec le dit ruisseau du côté du midy à maison à la veuve Laurent et autres, planté de pommiers ;

3° La chaussée des dits moulins en mauvais état et que le propriétaire doit entretenir, à l'exception du pavé qui la couvre, attendu que cette chaussée sert de voie publique ;

4° Que l'étang du dit moulin donnant du couchant à la chaussée, du levant à marais enclos depuis peu de temps par le citoyen Duclos-Bossard, du nord à jardin de la rue Gillard, à terre du champ-gouchard au citoyen Danet et à terre dépendant de l'hôpital général, du midy à terre du Grador à citoyen Duclos, à prairie et jardin de la Burbanière à la Vve Lorho, sauf néanmoins plus grands droits si les titres en donnent aux propriétaires des dits moulins.

Les dits biens affermés pour neuf ans, par bail du 2 mai 1783 (Hervieux, notaire), à le Dantec, moyennant 3.750 l., y compris les charges locatives.

Usant de la faculté qui lui était accordée par une loi du 13 thermidor précédent, la citoyenne Corvec déclara, le 16 fructidor, qu'elle avait pour associé et co-propriétaire le citoyen Ambroise-Jacques-Mathurin Caradec, homme de loi à Vannes. L'autre moitié réservée à la déclarante avait été hypothéquée par elle pour-le cautionnement du sieur Jacquet, payeur. Elle le céda le 30 janvier 1807 à M. Caradec, qui devint ainsi seul propriétaire du moulin et de l'étang. Ces immeubles restèrent en sa possession ou en celle de sa famille jusqu'en 1875.

Pour cette période de trois quarts de siècle, je ne trouve plus dans les pièces d'archives que quelques mentions relatives à la guerre perpétuelle qui a existé de tout temps entre meuniers et riverains d'amont ou d'aval. MM. Caradec eurent au sujet du régime des eaux et des droits de pêche sur l'étang, de fréquents litiges : avec les propriétaires de Liziec et de Plaisance, MM. Eudes et de Parcieux ; avec ceux du Grador, MM. Duclos-Bossard du de Margadel ; enfin avec celui de la Burbanière, M. Grandpair.

Je relève encore dans mes notes quelques dates intéressantes. La buanderie et le vieux lavoir, au-dessous de Champ-Gauchard, ont été construits de 1801 à 1803. Le lavoir neuf, en face, du côté de la Burbanière, fut bâti en 1880 par M. Boterf [Note : M. Boterf a cédé lui-même le moulin à MM. Dalido], le propriétaire du moulin en 1922 ; qui l'avait acheté de M. Caradec en 1875. En 1821, M. Vanier, que exploitait, je crois, les moulins de Rohan, demanda l'autorisation d'établir en aval, de l'autre côté du pont de la Tannerie, un moulin à papier. Un vieux livre rentier du duc, de 1455 à 1458 (Archives de la Loire-Inférieure, B. 2339), qui mentionne aussi les moulins de Groutel, nous apprend qu'il existait déjà un moulin à papier en cet endroit depuis les premières années du XVème siècle [Note : « Item Robin de Meigne et sa femme firent édiffier, puix, le deirain rantier fait, le dit moulin à papier joignant à la dite Garaine, et en baillèrent tous les droits au dit mestre Gilles, qui le tient pour le présent, et dempuis y a édiffié partie des mesons qui y sont, et, par la baillée de l'emplacement en faicte au dit Robin, il en devait de rente pour chascun an, savoir, par monnaie aux termes d'aougst et de janvier par moitié, soixante soulz, et par papier une rame » (Rentier f° XXXVI, V°)]. Ce moulin et ceux de Morlaix et de Bréhan-Loudéac furent les premiers moulins à papier établis en Bretagne.

Je ne sais ce qu'il advint de la demande de M. Vanier. Mais plus tard, M. Droual fit bâtir en cet emplacement une minoterie qui, agrandie par MM. Dalido, a été détruite il y a quelques années par un incendie ; il n'en subsiste plus que les ruines.

De l'autre côté du pont, sur l'un des canaux du moulin, se voient encore les hangars vermoulus et croulants où les tanneurs avaient autrefois leur moulin à tan [Note : Ils viennent d'être démolis récemment]. Ils étaient en guerre continuelle avec le meunier, dont les bâtiments étaient menacés d'incendie par les feux qu'ils faisaient pour brûler leurs écorces.

L'industrie drapière fut jadis florissante à Vannes, et les rues Gillard, de la Tannerie, de Boismourault et de Groutel étaient alors habitées par toute une population d'ouvriers drapiers. Deux moulins à fouler les draps existaient aux abords de l'étang. L'un (anciennement moulin à papier) en amont, au Buzo, près de Poignant et le pont du chemin de fer, dépendait de la seigneurie de Boismourault ; il a été transformé par la suite en usine de conserves. L'autre, bâti sur la chaussée même de l'étang, entre le moulin à farine et la Tête-Noire, était encore exploité vers 1870 ; il a été fermé lorsque le bras du déversoir qui le faisait mouvoir fut comblé per la construetion des maisons neuves de la place Groutel.

Le vieux moulin du Duc a disparu. A sa place s'élève en 1922 une grande usine, avec, sa haute cheminée et sa machinerie moderne. Il nous reste en 1922 la belle nappe de l'étang et ses bords verdoyants. On n'y voit plus, la nuit, peignant ses cheveux d’or la nymphe blonde debout sur un rocher. Mais on entend encore, tout le jour, résonner sur ses rives le bruit des battoirs et le caquet des lavandières.

(Etienne Martin).

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