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L'HOPITAL SAINT-NICOLAS DE VANNES

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L'ancien hôpital Saint-Nicolas de Vannes, fondé au XIVème siècle et situé jadis dans le quartier Saint-Patern. A partir de 1634, l'hôpital, appelé Hôtel-Dieu, est confié aux religieuses Augustines venues de Dieppe (communauté dissoute en 1792). Confisqué sous la Révolution, l'édifice est vendu, comme bien national, au sieur Burgault, maire de Muzillac. La chapelle privée a disparu en 1802.

I. ORIGINE.
Les pauvres furent, dès le berceau de l'Eglise, l'un des principaux objets de sa sollicitude. Au milieu des persécutions, il y avait dans son sein une administration organisée pour le soin des malades et le soulagement de toutes les misères. Ce ministère était confié aux diacres pour les hommes, et aux diaconesses pour les femmes : il était quotidien. L'évêque, informé par eux, allait à son tour, accompagné d'un prêtre, visiter les malades et les pauvres. Cette discipline nous est révélée par saint Augustin (Cit. XXII, 8).

Après le triomphe de Constantin et la liberté rendue à l'Eglise, ce service prit de nouveaux développements. Les évêques, suivant le conseil de l'Apôtre, pratiquèrent largement l'hospitalité vis-à-vis des pauvres et des voyageurs ; leurs maisons étaient des hôtelleries gratuites, de véritables hospices, hospitia. Les pauvres de la ville épiscopale, et plus particulièrement les pauvres honteux, continuaient à être visités par des ecclésiastiques et des femmes pieuses, et à recevoir de larges secours de l'évêque. Quant aux malades qui ne pouvaient être convenablement soignés à domicile, on établit presque partout des maisons spécialement affectées à leur service et appelées hôpitaux, hospitalia, nosocomia.

Le siège épiscopal de Vannes ayant été érigé vers 465, saint Patern eut à se conformer à la discipline de son temps. Nous savons, par les leçons de son office, qu'il fut très hospitalier pour les étrangers et très charitable pour les pauvres, charitatem in pascendis pauperibus et peregrinis hospitandis inexplebilem adjunxit. Fonda-t-il un hôpital destiné à recevoir les malades pauvres ? C'est probable, puisque l'institution se généralisait alors, mais il ne nous en reste aucune preuve directe.

Il faut toutefois remarquer que, dans la suite des temps, les voyageurs, les pauvres et les malades furent, souvent réunis dans le même établissement, et que cet établissement prit, à cause de ce mélange, tantôt le nom d'hospice, tantôt celui d'hôpital. Cette seconde appellation finit par être la plus commune.

Voici sur les hôpitaux une prescription du concile d'Aix-la-Chapelle de l'an 816, canon 141. « L'Evangile et les Apôtres nous apprennent que nous devons avant tout nous appliquer à recueillir les hôtes, afin que le Seigneur puisse nous dire à juste titre : J'ai eu besoin de logement et vous m'avez recueilli... Il faut donc que les prélats de l'Eglise, en suivant les exemples de leurs prédécesseurs, aient un refuge, pour recueillir les pauvres, et qu'ils prennent sur les biens de l'Eglise ce qui sera nécessaire pour les entretenir, suivait leurs ressources.

Que les chanoines aussi donnent très libéralement à l'hôpital, pour le service des pauvres, la dîme de leurs fruits et des oblations qui leur reviennent ; que dans leur sein on prenne un frère qui soit chargé de recevoir les hôtes et les étrangers, comme le Christ lui-même, et de leur fournir volontiers le nécessaire, suivant ses forces, sans rien détourner à son profit. Les prélats doivent veiller attentivement afin que celui qui est chargé de l'hôpital ne laisse pas se perdre les ressources destinées aux pauvres, et ne s'en serve pas comme d'un bénéfice ordinaire, car nous savons que cela est accepté par des évêques, qui s'occupent trop peu du bien des pauvres.

Que les clercs aussi, au moins en carème, s'ils ne le peuvent en d'autres temps, viennent à l'hôpital, pour y laver les pieds des pauvres, conformément à cette parole du Sauveur : Si je vous ai lavé les pieds, moi votre Seigneur et votre Maître, à combien plus forte raison vous devez vous les laver les uns les autres. C'est pourquoi il est bon que l'hôpital des pauvres soit dans un lieu convenable, où l'assemblée des frères puisse se rendre facilement ».

Ce texte prouve qu'au IXème siècle l'administration des hôpitaux était encore exclusivement ecclésiastique.

L'hôpital de Vannes était dédié à saint Nicolas, évêque de Myre, en Lycie, mort vers 324, et célèbre par sa charité. Il était situé entre l'église de Saint-Patern et la porte de la ville, sur le côté sud de la rue qui lui a emprunté le nom de Saint-Nicolas. Il était donc à proximité de la cathédrale, et les chanoines pouvaient s'y rendre facilement, pour y pratiquer les œuvres de charité recommandées par le décret de 816. La chapelle, régulièrement orientée, était à l'extrémité de la rue du côté du levant ; les salles des pauvres et des malades lui faisaient suite vers le couchant ; au midi s'étendait un jardin, dont la contenance a varié suivant les époques.

Ville de Vannes (Bretagne).

Cet hôpital dut avoir sa part de tribulations, en 919 et années suivantes, quand les Normands envahirent le diocèse de Vannes et promenèrent le fer et le feu depuis la Vilaine jusqu'au Blavet. La population était massacrée sans pitié, quand elle ne s'empressait pas de fuir au loin. La ville de Vannes fut saccagée et l'église cathédrale incendiée. La tempête dura une vingtaine d'années, et ce n'est qu'après l'expulsion des barbares qu'on put relever en partie les ruines accumulées pendant leur séjour.

Durant le XIème et le XIIème siècles, on ne trouve aucun texte qui se rapporte à l'hôpital de Saint-Nicolas. Mais au XIIIème nous avons une charte de Geoffroy, évêque de Saint-Malo, qui le concerne indirectement. Ce prélat, en fondant ou en rétablissant l'hôpital de sa ville épiscopale en 1252, statue que « l'Evêque et le Chapitre y placeront un chanoine à leur choix, suivant l'usage des autres églises, pour y célébrer tous les jours la messe, à heure fixée... Le chanoine que sera désigné pour ce service, jurera, au moment de son institution, à l'évêque, qui lui confiera le soin des pauvres, de conserver fidèlement les revenus des pauvres, et autant qu'il le pourra les droits de l'Eglise. Il rendra compte de ses recettes quatre fois par an, devant l'évêque ou son alloué, devant le prieur du lieu et deux bourgeois élus d'avance. » (D. Marice. Pr. I. 952.).

On peut remarquer qu'en 1252, comme en 816, c'est un chanoine qui est chargé de l'hôpital : preuve que le décret du concile d'Aix-la-Chapelle était encore observé ; et comme cela se pratiquait dans les autres églises de la Bretagne, on en peut conclure qu'il en était de même à Vannes. Quant au serment de fidélité, c'était alors une prescription locale, que pouvait exister ou ne pas exister ailleurs ; mais la reddition des comptes à l'évêque était partout obligatoire.

Voici, sur cette matière, le règlement général de l'Eglise, promulgué par le pape Clément V, au, concile œcuménique de Vienne en 1312. « Que l'administration des hôpitaux soit confiée à des hommes prévoyants, capables et de bonne renommée, qui sachent, veillent et puissent gouverner avantageusement lesdits lieux, leurs biens et leurs droits, et dispenser fidèlement leurs revenus et leurs fruits au profit des pauvres, et qui suivant les apparences ne détourneront pas ces biens à d'autres usages : en quoi, et sous la menace du jugement de Dieu, nous chargeons la conscience de ceux qui ont l'administration de ces lieux.

Ceux à qui sera confié le gouvernement ou l'administration de ces lieux, seront tenus, comme les tuteurs et curateurs, de prêter serment, de faire des inventaires des biens desdits lieux, et de rendre compte de leur administration, tous les ans, à l'évêque ou aux propriétaires de ces établissements, ou à leurs délégués. Si quelqu'un ose agir contrairement à cette constitution, nous déclarons nulle et sans valeur toute collation, provision ou nomination contraire ».

Cette constitution fut renouvelée par le concile de Trente en 1547 et 1563, avec la clause que l'administrateur ne serait pas plus de trois ans en charge, à moins de disposition contraire insérée dans l'acte de fondation (Sess. VIII. 15. — XXV. 8).

 

II. CHANOINES PRIEURS.
L'hôpital de Saint-Nicolas était desservi et gouverné par un chanoine de la cathédrale, conformément au décret de l'an 816. A raison de ses fonctions et de son autorité, il prenait quelquefois le titre de recteur et plus souvent celui de prieur, par analogie avec les chefs des paroisses ou les chefs de petits monastères.

En 1329 vivait Geoffroy du Pont, chanoine de Vannes, et prieur de l'hôtel-Dieu de Saint-Nicolas. On voit qu'à cette époque le nom d'hôtel-Dieu était synonyme de celui d'hôpital ; et désormais nous trouverons tantôt l’un, tantôt l'autre. (Cart. Prières).

Peu après Geoffroy du Pont, vivait Raoul, scolastique de Vannes qui donna au Chapitre une rente annuelle de douze sous sur un jardin situé « entre le jardin de l'hôtel-Dieu et le jardin de Geoffroy Garin » (Rentier de 1387).

Vers 1393 Prigent Le Chevalier (Militis), licencié en droit, était « chanoine prébendé de l'église de Vannes, et prieur ou recteur de l'hôpital, ou aumônerie, ou hôtel-Dieu de Saint-Nicolas ». Il eut, en 1397, à exercer des poursuites contre Yves Le Dreizen, curé ou vicaire perpétuel de Surzur. Il prouva devant Bernard Omnès, trésorier de l'église de Vannes et vicaire général de l'évêque, que la paroisse de Surzur avait été assujetie, depuis très longtemps, par un décret épiscopal, à payer à l'hôpital Saint-Nicolas une rente annuelle de 22 livres, représentant 88 perrées de grain, la moitié au synode de la Pentecôte, l'autre moitié au synode de la Saint-Luc ; que cette rente avait été payée fidèlement par les divers vicaires de Surzur, et notamment par feu Guillaume Salioc, prédécesseur immédiat d'Yves Le Dreizen ; et qu'enfin la présentation de la paroisse appartenait aux recteurs ou prieurs de l'hôtel-Dieu : en conséquence il réclama le paiement de la rente due pour l'année échue. Le vicaire de Surzur reconnut l'exactitude de tous les faits avancés par le prieur, il fit remarquer qu'il avait fidèlement payé la susdite rente, sauf pour l'année écoulée, et il prit l'engagement, le 14 janvier 1398 (N. S.), de payer l'arriéré, et de continuer la rente à l'avenir. (Saint-Nicolas, Orig. parch.).

Le 16 janvier 1405, Prigent Le Chevalier, chanoine et prieur, donna procuration pour résigner ses deux bénéfices, afin de permuter avec Jean Hervé, recteur de Quemper-Guézenec, au diocèse de Tréguier. Le nouveau chanoine prieur prolongea son administration jusqu'à sa mort, arrivée le 26 février 1426. C'est de son temps que le duc Jean V, en 1419, donna une somme de 500 livres monnaie, à placer en rente au profit de l'hôpital de Saint-Nicolas. Alain du Gourvinec, seigneur du Bézit, en Saint-Nolff, accepta le capital et promit d'en payer la rente jusqu'à remboursement du principal (Ibid.).

Le jour même de la mort de Jean Hervé, l'évêque Amaury de la Motte lui donna pour successeur à l'hôpital Geoffroy Beign, déjà chanoine de la cathédrale, et reçut son serment d'exercer fidèlement son emploi, de ne point aliéner les biens de la maison et de travailler au recouvrement de ceux que auraient été perdus. Dès la même année, le nouveau prieur fit une transaction, au sujet du moulin de Bilair, en Saint-Patern. Ce moulin appartenait, par moitié et par indivis à l'hôpital Saint-Nicolas et à Louise de Luzanger, femme de Pierre de Pluherlin. Depuis combien de temps, et comment l'hôtel-Dieu était-il devenu propriétaire de la moitié de cet immeuble ? — On l'ignore. Cette propriété avait subi le sort trop fréquent des biens indivis : chacun des intéressés recevait avec plaisir sa part des revenus, mais négligeait de faire les réparations nécessaires ; aussi le moulin finit par tomber en ruines, et les revenus cessèrent complètement. Témoin de cet état lamentable, et n'ayant pas les ressources voulues pour sa part de réédification, Geoffroy Beign offrit à son co-propriétaire de lui abandonner sa part de l'immeuble, à la condition de relever le moulin et de payer désormais à l'hôpital une rente annuelle de trois perrées de grains, mesure de Vannes, moitié froment et moitié seigle. Cette transaction, avantageuse aux deux parties, fut passée le 9 novembre 1426 par devant les notaires des Régaires, puis approuvée par l'évêque le 23 décembre suivant (Ibid.).

Geoffroy Beign vivait encore en 1432, mais on ignore la date de sa mort. Après lui, il faut franchir une quarantaine d'années avant de trouver un autre chanoine prieur. C'est dans cet intervalle qu'on rencontre la gracieuse figure de la B. Françoise d'Amboise. Cette princesse visitait souvent l'hôtel-Dieu de Saint-Nicolas, se plaisait à y soigner elle-même les malades, et donnait de larges aumônes pour y nourrir les pauvres. Quand elle voulut fonder le couvent des Carmélites du Bondon, elle obtint du pape Pie II, le 16 février 1460, une bulle, adressée à l'évêque de Vannes, et renfermant entre autres prescriptions la clause suivante, qui révèle la charité de la duchesse : « S'il arrive que les religieuses du dit monastère abandonnent la vie régulière et l'observance étroite de leurs règle et constitutions, et violent la clôture, nous voulons qu'elles soient privées de leur dotation de mille livres de revenus, dont 500 seront acquises à l'hôpital commun de la ville de Vannes, et les 500 autres seront appliquées à des oeuvres pieuses à la discrétion de l'évêque du diocèse » (Alb. Le Grand). Cette éventualité ne se réalisa point, et l'hôpital n'eut jamais rien à recevoir de ce côté.

Le 20 septembre 1472, on trouve le don d'une rente perpétuelle de 4 livres 10 sous, fait par Louis Le Gouvello, sur une maison située en face du portail de l'église cathédrale. A cette époque M. Yves de Plumaugat, chanoine de Saint-Pierre, était prieur de Saint-Nicolas. C'est lui qui obtint, en 1477, l'autorisation de reconstruire le pignon du chœur de la chapelle, comme le prouve la lettre suivante de François II.

« Comme par avant ces heures, sur la requeste et remonstrance nous faicte par nostre amé et féal Maistre Yves de Plumaugat, aumosnier et administrateur de l'hospital de Saint-Nicolas près Vennes, disant qu'il avoit intencion et volonté de faire construire et édiffier au dit hospital le pignon de l'église d'iceluy plus hault qu'il n'estoit anciennement, quel pignon ne se povoit asseurer ne entre fait sans y faire et édiffier deux pilliers (contreforts) hors du dit pignon, en une place scise et adjaczante d'iceluy pignon, quelx pilliers ne s'avanceroint sur la dite place que de deux piez ou environ, Nous requérant luy donner licence et octroy de faire le dit édiffice à l'avance des dits deux pilliers en la dite place, Nous eussions mandé et commis à vous nos senneschal et aloué et à chacun vous transporter sur le lieu, et appelés noz procureur et receveur de Vennes, et des bourgeoys du dit lieu en suffizant nombre, vous informer de la longueur et laize d'icelle place et de la portion requise et nécessaire pour les dits pilliers, aussi du prouffilt ou dommage qui povoit estre en y baillant place et espace pour les dits piliers, ou délaissant celle place en l'estat sans aucune chose en occuper, et des circonstances de la matière, et de tout nous faire relacion en forme autenticque : à laquelle commission vous nostre dit aloué avez vacqué et entendu, ainsi que appiert par vostre relacion, signée de vostre main, comme apparaissoit, dattée du pénultième jour d’avril derroin ;

Savoir faisons que, veuc et meurement examinée en nostre Conseil la dite relacion, avons à iceluy aumosnier, par délibéracion de nostre dit Conseil, donné et octroyé, donnons et octroyons, de grâce spéciale, par ces présentes, faculté, congié et licence de faire faire et construire en la dite place hors le dit pignon, les dits deux piliers, chacun de quattre piez de layze, en gardant la ligne des deux coustez de la dite église...

Donné en nostre ville de Nantes, le unziesme jour de juign, l'an mil quatre cens soixante deiz sept ». Signée : FRANCOYS. (Saint-Nicolas. Orig. parch.).

M. Yves de Plumaugat mourut en 1492. Il paraît avoir été le dernier chanoine, chargé de l'administration de l'hôpital. Ses successeurs furent désormais simplement prêtres prieurs.

 

III. PRÊTRES PRIEURS.
Le premier prêtre prieur qu'on rencontre à Saint-Nicolas est Guillaume Le Leureux. En parcourant les titres de la maison cet administrateur remarqua qu'un capital de 500 livres, donné par le duc Jean V en 1419, avait été placé chez Alain du Gourvinec, seigneur du Bézit, et que n'en touchait plus aucune rente. De concert avec le procureur général du Roi, il actionna Olivier du Gourvinec, comme héritier de son bisaïeul Alain. L'intimé répondit que l'un de ses prédécesseurs avait certainement remboursé une somme à l'hôpital vers 1478, qu'une quittance en avait été donnée, mais que cette pièce avait disparu du Bézit, au moment du pillage du manoir, pendant la guerre de 1487 ; il offrit de prouver l'existence de cette quittance par son serment, et par le témoignage de ceux qui l'avaient vue. Interrogé pour savoir si cette quittance concernait le capital en entier ou seulement une partie, il répondit loyalement qu'il ne pouvait rien préciser. Il restait donc un doute et une matière à procès. Pour y couper court, les parties transigèrent le 22 avril 1502 : Olivier du Gourvinec promit, pour lui et ses successeurs, d'asseoir sur un immeuble une rente annuelle de dix libres au profit de l'hôpital, ce qui représentait un capital de 200 livres.

« Et oultre doit, a promis et s'est obligé ledit du Gourvinec faire faire audit hospital des réparacions et y fournir de choses nécessaires pour l'entretènement des pauvres, dedans le jour sainct Gille prouchain venant en ung an, jusques à la somme de cinquante livres monnoye selon le feur, devis et ordonnance, que sur ce feront le prôcureur de Vennes et Me Pierre de Trévegat, chanoine, Me Robert Le Leureux, apellé ».

Olivier du Gourvinec mourut avant d'avoir rempli ses engagements, mais son fils Jean s'en chargea pour lui (Ibid.).

Guillaume Le Leureux eut pour successeur à l'hôpital Alain Trégain. Celui-ci ne fit que passer, et résigna sa charge entre les mains du Pape, au commencement de 1507. Bizien Le Maérer, originaire du diocèse de Quimper, fut pourvu par le souverain pontife Jules II, le 15 avril de cette année, pour jouir « de tous les droits et appartenances de l'établissement, conformément à la constitution du pape Clément V, publiée dans le concile de Vienne (en 1312)... ».

Le nouvel aumônier administrateur eut à s'occuper presque aussitôt d'une réclamation de M. Jean Le Maestre, recteur de Pluneret. Il y avait dans cette paroisse, non loin de Saint-Goustan, une chapelle dédiée à saint Fiacre, ayant comme dépendances une maison, un pré et trois pièces de terre. Le tout avait été donné à l'hôpital de Saint-Nicolas de Vannes, à une époque inconnue, l'acte de donation n'ayant pas été retrouvé. Le prieur de l'hôtel-Dieu donnait à ferme les terres et la raison et percevait les oblations de la chapelle à la charge de l'entretenir. Mais bientôt le recteur de la paroisse fit observer que la chapelle était publique, et que par conséquent il avait droit, suivant la coutume, à un tiers des oblations. L'aumônier trouva sa réclamation assez juste, et au mois d'août 1507, intervint un accord, passé par devant notaire, et réservant un tiers des oblations au recteur et les deux tiers à l'hôpital. L'original de cet acte sur parchemin existe encore, mais il est très endommage et en partie illisible.

Le même prieur fit, le 16 mai 1509, avec Olivier d'Aradon, seigneur de Kerdréan, un échange de nombreuses petites rentes, pour la commodité des deux parties.

Le 25 juillet 1513, on trouve la mention d'une rente de 6 sous 3 deniers, due à l'hôpital sur une maison et un jardin, situés rue Saint-Yves, entrés plus tard avec leurs charges dans l'enclos du couvent de la Visitation.

C'est encore le même aumônier, paraît-il, qui en 1514 acquit les édifices d'une petite tenue, située au bourg d'Arradon, pour la somme de 25 livres, et qui en 1517 obtint une reconnaissance d'une rente de 20 sous sur une maison situé entre la chapelle Saint-Yves et la Madeleine.

M. Jean Le Jeune était prieur ou aumônier en 1521. Dès le 10 janvier 1522 (N. S.), il fit un arrangement avec Jean du Gourvinec, seigneur du Bézit. Le 8 juin 1525, il se fit donner une reconnaissance d'une rente de 14 sous, due sur la tenue dite de l'Hôpital, en Pluherlin. Le 13 juillet 1534, il obtint une sentence, confirmant une rente de trois libres due sur une maison de la place Mein-Guèvre (Henri IV).

Quelques années après, il vit s'opérer une revolution radicale dans l'administration de l'hôpital. Jusqu'alors le prieur avait eu l'administration spirituelle et temporelle de l'établissement, sous la surveillance et le contrôle de l'évêque. Mais depuis un demi-siècle, il n'y avait plus d'évêque résidant à Vannes ; les titulaires étaient ordinairement des cardinaux italiens ; et les vicaires généraux n'avaient ni l'autorité ni le prestige nécessaire pour protéger et défendre les établissements ecclésiastiques.

Profitant de cette situation, la communauté de la ville de Vannes, à l'exemple de plusieurs autres, voulut se substituer à l'évêque pour l'administration temporelle de l'hôpital, et elle fut assez heureuse pour obtenir, le 5 octobre 1549, du parlement de Bretagne, une décision favorable et provisoire, qui n'a pas été révoquée depuis.

Voici le texte de l'arrêt :

« Les gens tenans le Parlement, etc...

Veu le procès verbal de Me Jehan de la Houlle, séneschal, etc., etc...

La Court dit qu'elle a ordonné que ledit hospital de Saint-Nicollas sera régy et gouverné par gens laiz, bons et loyaulx administrateurs, commis et depputez de deux ans en deux ans, qui seront choaisyz et esleuz par les manans et habitans, les officiers de la court et jurisdicion de Vennes appelez ; les quelx prandront et jouyront du revenu du dit hospital, ses apartenances et deppendances, pour nourir, alymenter et substanter les pouvres d'icelle ville et faubourgs, et aultres passans venant et apportez au dit hospital ; tiendront en bonne et deue réparation le dit hospital et lieux d'iceluy deppandans ; rendront compte tous les ans, par devant les juges de Vennes ou l'un d'eulx, le substitut du procureur général, le procureur des bourgeoys, ensemble missire Jehan Le Jeune, soy disant prieur, appelez, et y pouront assister ceulx des bourgeoys qui y vouldront venir, le tout sans sallaire ;

Et pour faire et entretenir le divin service deu par les fondacions du dit hospital, tant au dit lieu que ès membres unyz et deppandans d'iceluy, confesser et administrer les sacrementz, et aultres choses nécessaires pour le sallut des ames des dits pouvres, la dite Court a ordonné et ordonne que le dit Me Jehan Le Jeune, et ses successeurs, ou leurs commis, aura par les mains des dits gouverneurs administrateurs la somme de vingt livres monnaye, qui seront allouez aux comptes des dits administrateurs par quittances du dit Le Jeune, successeurs ou commis ; et oultre sera le dit Le Jeune ou celuy qu'il commettra logé au dit hospital, lequel sera tenu y faire résidance ;

Et pour ce que la dite Court a entendu le bon raport et proud'hommie de Jacques Baud et Laurens Cinquevin fait par le dit senneschal de Vennes, a ordonné qu'ils demeureront commis administrateurs du dit hospital ès deux années suyvantes, pour iceluy régir et gouverner comme dessur et apartiendra par raison : le tout par manière de provision, et suyvant les arrestz de la dite Court et jucques ad ce que, veu la fondacion du dit hospital, aultrement en soyt ordonné ; et n'entend pour tout ce que dessur la dite Cour préjudicier au droit de nommer ou présenter prétendu par le dit Le Jeune ou ses successeurs soy prétendans prieurs. — Prononcé en parlement scéant à Vannes, le 5ème jour d'octobre l'an 1549 » (Saint-Nicolas. Expéd. parch.).

Ainsi le prieur ou l'aumônier était réduit à ses seules fonctions spirituelles, et l'évêque était privé de son contrôle temporel sur un établissement fondé par ses prédécesseurs : les absents ont tort ordinairement.

 

IV. ADMINISTRATEURS LAICS.
Le prieur, ainsi diminué, paraît avoir donné sa démission, ou être mort peu après. Il eut pour successeur M. Jean Salmon, sur la présentation faite par la communauté de ville. D'où venait ce nouveau droit de présentation ? — On l'ignore. — Quand M. Salmon mourut en 1556, la communauté, qui avait déjà pour elle un précédent, présenta pour le remplacer M. Pierre Baluczon, qui fut institué par l'un des vicaires généraux. Cet aumônier accepta, pour lui et ses successeurs, le 22 juillet 1558, l'obligation d'acquitter une messe par semaine, pour une rente annuelle de 9 livres, conformément à la fondation de MM. de Courcelles, sieurs du Prat.

Le 25 juillet 1560, le roi François II, généralisant le système d'empiétement, inauguré presque partout, enjoignit, par un édit donné à Fontainebleau, à tous les juges du royaume, de faire saisir, dans le délai d'un mois, toutes les terres et tous les revenus des hôpitaux, situés dans le ressort de leur juridiction, et de les remettre aux communautés de ville pour être régis par elles ou par leurs délégués.  La chose était déjà faite à Vannes.

Si les rois étaient parfois jaloux d'étendre leur pouvoir, ils savaient aussi se montrer généreux à l'occasion. L'hôtel-Dieu de Saint-Nicolas avait un jardin, qui s'étendait au midi de la maison, sur la rive gauche du ruisseau venant de Rohan ; il était susceptible d'augmentation, en y ajoutant le terrain marécageux où passait le ruisseau de l'étang du Duc. Les administrateurs, voyant ces terrains inoccupés, ainsi qu'une bande de terre, située sur la rive droite du ruisseau de Rohan, demandèrent au roi, comme héritier des ducs de Bretagne, de les donner à l'hôpital (1567).

Avant de répondre, le roi voulut prendre ses informations, comme le prouve la lettre suivante :

« Charles (IX), par la grâce de Dieu, roy de France, à nostre amé et féal conseiller le trésorier de France et général de nos finances en Bretaigne, et au séneschal de Vennes, salut et dilection.

Les administrateurs de l'Hostel-Dieu et hospital de nostre ville du dit Vennes Nous ont en nostre Conseil privé faict remonstrer que nous avons en nostre parc de la Garenne, et joignant le dit Hostel-Dieu et hospital, deux petites pièces de terre, qui ne contiennent (pas) plus d'un journau et demy de terre ; les quelles, à cause qu'elles Nous sont inutilles et sans aucun profict, estans en lieu marescageux, les dits exposans Nous suppliroint volontiers les vouloir donner, quitter et délaisser par aumosne au dit hospital, pour la commodité d'icelluy, et leur en octroier lettres.

A ceste cause, Nous vous mandons que, nostre procureur présent et appellé pour nostre intérest, vous informiez de la qualité et valeur des dites terres en revenu et pour une fois, et du tout nous envoiez vostre advis, pour icelluy veu entre pourveu ausdits supplians ainsi que appartiendra par raison : car tel est nostre plaisir. De ce faire vous donnons pouvoir et commission.

Donné à Saint-Germain-en-Laye le 8ème jour de juillet, l'an de grâce 1567, et de nostre règne le 7ème.

Par le Roy en son Conseil : De Barbère ».

M. Jean Lucas, sieur de Limoral, juge au Présidial, délégué pour la visite des lieux, remplit sa mission le 10 février 1568. Il constata que la première pièce de terre, d'une contenance d'un journal et demi, était inondée par le ruisseau du Duc, ne produisait que du jonc et avait besoin d'être exhaussée pour devenir fertile : elle pouvait sans inconvénient être cédée à l'hôpital. La seconde pièce de terre, située entre le ruisseau de Rohan et la douve de la ville, ne contenait qu'un demi-journal ; mais elle servait à recevoir les terres et les curages de la douve, et elle devait être conservée pour cet usage.

Charles IX, par lettres patentes, données à Marmoutier-lés-Tours, le 12 septembre 1569, donna tout le terrain demandé. Plus tard, vers 1591, le duc de Mercœur y ajouta une bande de terre sur la pente de la Garenne, jusqu'à l'endroit où se trouve aujourd'hui un escalier en pierre.

A cette époque la paroisse de Surzur, qui payait jadis une rente annelle de 22 livres monnaie à l'hôpital, s'en était déchargée en abandonnant les dîmes de la trêve de la Trinité. Ces dîmes, d'une valeur variable, étaient alors affermées au prix de 30 livres ; plus tard elles montèrent à 40, 50 et même 60 livres tournois, à cause de la dépréciation graduelle de l'argent.

Les dons et fondations étaient peu nombreux. On trouve cependant une moitié de maison et un jardin, situés à Saint-Symphorien, donnés par Marguerite Gachelle ; — une rente de 30 sous et deux chapons, hypothéqués sur une lande de Norbrat en Meucon ; — un capital de 200 écus, donné par Jacques de Loénan en 1583, pour être placé au profit de l'hôpital ; — une rente de 5 livres monnaie, léguée par Pierre du Théno, en 1583 ; — une fondation de deux messes et de deux distributions de pain, par Guénael Le Floch, vers 1584; — une rente de 9 livres tournois, donnée en 1595 par Jean Le Floch sur un pré voisin de Trussac ; — une maison et un jardin, situés rue de la Rose, donnés en 1603 par Jacquette Cinquevin ; — des fondations de messes par Pierre Coué, Bertrand Guymarho et Pierre Druais en 1604, 1605 et 1621.

Un Inventaire, fait en 1615 à l'hôtel-Dieu de Saint-Nicolas, donne les détails suivants sur la topographie et le mobilier.

« I. En la chambre du Gardien.
Deux charlitz. — Cincq couettes de plumes. — Une petite couchette. — Huict coffres de boys. — Une grande ruée à faire paste. — Deux grandes chaires de boys. — Un bancq à deux haults boutz. — Une grosse table de cuisine, etc.

II. En la gallerye contiguë.
Troys vieulx coffres de boys. — Un vieulx bancq à cieux haults boutz. — Trois vieilles ruches de paille. — Quattre vieilles palles de fer à jardriner. — Trois fus de baricque. — Etc...

III. En l’églize Mr Saint-Nicollas.
Quattre chasubles. — Troys gallices d'argeant et leurs plataines. — Une petite croix d'argeant. —Un petit relicaire d'argeant. — Un empol d'estain, où sont les saintes huiles. — Quattre orseaulx d'estain. — Un benoistier d'estain portatilf. — Deux chandelliers de cuivre servants à l'autel. — Quattre parements d'autel de cuir doré. — Un ciel de taffetas vers, o sa frange de soye, au dessus du grand autel. — Deux aultres faillis ciels, de toile blanche, sur les deux aultres autels. — Deux Missals, l'un Romain, et l'autre Vannetoys. — Un manuel Vannetoys. Vingt-trois nappes d'aultel, de taille, tant bonnes que mauvaises. — Seix aubes. — Quarante amys. — Cinq saintures.

IV. Au dortouer, au bas de l'églize.
Vingt et un vieulx charlits de boys, et une couchette de casse, pour coucher les pauvres. — Trante couettes de plumes, fors une qui est de balle, tant grandes et petites, que bonnes et mauvaises. — Dix-neuff ciels de lict de toille, tant bons que mauvais, et un ciel de caligriz, tous sans fonds. — Vingt et quattre coupvertures de lict, tant bonnes que mauvaises. — Une longue table de boys sur seix pieds, avecques deux longs escabeaulx. — Un vieil buffet de boys à deux armoires sans huissets.

V. En la chambre du prieur.
Un Charlit de boys de chesne à l'enticque. — Une couchette aussy à l'enticque en boys de chesne. — Une couette de plumes et une coupverture blanche. — Seix linceulx de toille, tant bons que mauvais. — Un coffre de boys de chesne, fermant à cleff, et un demy-coffre. — Une grande chaire de boys de chesne à acoudouère.

VI. En la chambre voisine, dite du Prat.
Elle sert également au prieur Missire Olivier Le Lan. — Un vieulx charlit de boys de chesne. — Une couette de plumes, avecques une couverture de drap blancq, et un ciel de lict à franges. — Un petit coffret vieulx et sans fons.

VII. En la chambre des Mizeurs au second estaige.
Une grande table de boys de sapin sur tréteaux. — Deux bancqs longs avec la dite table. — Une table de boys de chesne sur carrée. — Un vieil charlit de boys à l'enticque. — Deulx vieulx buffetz de boys de chesne à l'enticque, o leurs armoyres non fermantes. — Quattre petits chandelliers de cuivre, dont trois sont désoudés. — Quattre Petites couettes de plume. — Une coupverture de drap blancq. — Une vieille chaise à accoudouer rompue. — Unze douzaines et demy de linceulx, tant neuffs que aultres. — Dix-huit nappes de table, tant neuffves et bonnes que mauvaises.

Signé : Tubouc. — Le Lan. — Collet. — Le Moyne » (Saint-Nicolas. — Expéd. papier).

 

V. HOSPITALIÈRES.
L'inventaire ci-dessus prouve que les appartements de l'hôpital étaient peu nombreux, que le mobilier était vieux et usé, et que le soin des pauvres et des malades était abandonné à des gardiens mercenaires. L'établissement avait besoin de ressources pour se développer, et d'un personnel féminin pour soigner les malades et faire des économies.

Cette idée, après avoir été longtemps étudiée, finit par prendre corps. On trouva quatre filles pieuses, disposées à se consacrer gratuitement au soin des malades de l'hôpital, et à y laisser ensuite leur mobilier. Ce projet, agréé par Mgr de Rosmadec, fut soumis, le 15 avril 1633, à l'assemblée de la communauté de la ville, en ces termes :

« Le sindic (Henri Colombel) a remonstré que certaines filles dévotieuses de cette ville, se sont offertes à entrer en l'hôpital de cette ville, pour servir au lieu et place des gardiens, sans aucuns gaiges ny salaires, avec offre qu'elles font de laisser après leur mort au profit du dit hospital tous les meubles qu'elles y porteront.

La communauté ayant receu la remonstrance du dit sindic, a député M. le séneschal (R. Coué), M. le procureur du Roy, les sieurs Lechet, Hervouet et Olivier Bigaré, avec le dit sieur sindic, pour parler ausdites filles et recevoir leurs propositions, pour icelles veues et raportées à la première assemblée estre délibéré et arresté ce que sera veu bon pour le bien public et de la ville ».

Suivent 47 signatures.

Les pourparles durèrent près d'un an.

En étudiant la question sous toutes ses faces, on reconnut bientôt que quatre ou cinq filles isolées ne donneraient qu'une satisfaction temporaire, que leur remplacement offrirait peut- être dans l'avenir de sérieuses difficultés, qu’il serait plus avantageux de confier l'œuvre à une congrégation religieuse, que les Sœurs hospitalières de Dieppe conviendraient parfaitement au but proposé, et qu'enfin les filles pieuses de Vannes ne demandaient pas mieux que d'entrer dans cette congrégation, si l'on voulait leur procurer quelques religieuses de Dieppe, pour leur enseigner la règle et les recevoir ensuite à la profession. Il fallut donc écrire aux Hospitalières et obtenir leur consentement éventuel à la combinaison projetée.

Les conditions sommaires ayant été rédigées, furent présentées par le syndic à l'assemblée de la communauté de la ville, le 7 avril 1634.

« Sur quoy la communauté ayant délibéré a accepté les dites offres, comme advantageuses pour l'hôpital, et pour les mettre en possession et dresser les actes en exécution, a commis, avec tout pouvoir à cet effet de la part de la dite communauté, MM. Les président, séneschal, lieutenant, procureur du Roy, du Moustoir, de la Villeon et de Bourgerel, avec le sieur sindic et les économes du dit hôpital, et les a requis exécuter au plus tôt que se pourra faire ».

Cinq jours après, savoir le 12 avril 1634, les dix délégués de la ville et les quatre demoiselles aspirantes se présentèrent devant les notaires royaux Le Bras et Tual, à l'hôpital de Saint-Nicolas, et arrêtèrent les conditions suivantes :

« 1° Les damoiselles Julienne de Gouiziac, Michelle Buron, Catherine Escrochart et Michelle Le Hellec sont entrées au dit hospital ce jour, pour y servir et assister les pauvres, à quoy elles promettent, pour l'amour de Dieu, s'employer de toutes leurs forces et affections, selon l'ordre qui leur sera prescript par les dits sieurs députés et esconomes, les quels esconomes et leurs successeurs leur donneront tous les sabmedys de chacune sepmaine les grains et deniers requis pour l'achapt des provisions nécessaires à la nouriture des pauvres, sans que les dites filles se puissent ingérer ny attribuer aucun pouvoir ny disposition absolue des biens et revenus du dit hospital, qui demeurent comme par le passé en la garde et conduite des dits esconomes, et compteront les dites filles aux esconomes de mois en mois de l'employ qu'elles en auront faict.

2° Ne veulent et n'auront les dites filles aucun entretien d'habitz, gages ny loyers des esconomes, pour le service qu'elles renderont au dit hospital, mais elles seront nouries sur le bien d'icelly, et jouiront, comme faisoient les anciens gardiens, du jardin du dit hospital ; pour le labeur et entretien du quel, et pour leur ayder à remuer, porter et nétoyer les pauvres infirmes et plus anciens, elles pouront prandre quelque garçon et serviteur de force compétente, par l'advis des dits esconomes, le quel garçon sera aussy gagé sur les biens du dit hospital.

3° Demeurera le prieur, qui est à présent au dit hostel-Dieu, dans les deux chambres nommées du Prieur, avec les mesmes gages et droictz du passé. — Mais les sindic et esconomes feront vuider Guillaume Simon, à présent gardien, sa femme et famille, de jour en autre, passé qu'ils ayent rendu leur compte des meubles du dit hospital, des quels les dites filles se chargeront par inventaire, pour en respondre lorsque requis sera, parceque elles s'en pouront servir.

4° En considération du quel establissement et pour concourir à la declaration et embellissement du dit hospital, les dites filles déclarent dès à présent donner au dit hostel-Dieu une tierce partie de leurs immeubles, qu'elles ont à présent et qu'elles pouront avoir lors de leur décès, parceque leurs héritiers pouront sy bon leur semble racquitter les terres, mais jusqu'à leur décès elles en réservent l'usufruit ; et venantes à mourir à l'hospital, elles luy donnent dès à présent tout ce qu'elles auront de meubles au dit lieu, sçavoir leurs habitz pour leurs compaignes et le reste au profit du dit hospital.

5° Et d'aultant que les dites quatre filles n'estantes en nombre suffizant, pour rendre tout le soign et service qui incombe ausdits pauvres et hospital, il est accordé que se présentant une autre fille qui vouldroit entrer avec elles, payant aux esconomes 60 livres tournois pour sa nouriture par chacun an, et en laissant après son décès 20 livres tournois de rente au dit hospital, les dites filles, par l'advis des dits sindic et esconomes, la pouront recepvoir aux susdites conditions ; et advenant le décès ou la sortye d'aucune des dites filles, les autres, par les mesmes advis, en pouront admettre d'autres en leur place, et aux mesmes conditions, ou aux autres cy après exprimées, à leur option.

6° Il sera permis ausdites filles d'en recevoir et associer d'autres, pourveu qu'elles portent et assurent pension ou rente suffisante, qui ne poura estre moins de 100 livres par chacun an, qui seront payées à celle que les dites filles recognoistront entres elles pour supérieure, la quelle en fera paroistre contract ausdits esconomes, et que après le décès de chaque fille qui y aura entré de la dite manière il demeurera 10 livres de rente à perpétuité au dit hospital, qui passeront dans la masse de ses revenus.

7° Eu esgard qu'il leur seroit requis avoir quelques logements séparés, pour servir avec bienséance a leurs exercices spirituels, et se conserver après le service rendu aux pauvres en exercice de religieuses, suivant les constitutions des Filles Hospitalières ou de la Charité, elles pouront à cette fin bastir à leurs despans, en continuant le long du logix du gardien, où elles demeurent à présent, pour servir les pauvres à perpétuité, ou en tel autre lieu et place de la cour ou jardin du dit hospital qu'elles jugeront plus commode ; et pouront à ce mesme effet retrancher et séparer le jardin par une closture et muraille, laissant la cour et une partye du dit jardin en commun aux pauvres et malades, se réservant l'autre partye pour se recueillir et esviter la trop libre conversation des hommes... ».

Ce traité était certainement avantageux à l'hôpital : il lui procurait gratuitement des gardes-malades, et celles-ci payaient même leur pension, sauf les quatre premières, et laissaient après elles une rente perpétuelle de dix livres pour chacune.

 

VI. TEMPÊTE.
Le traité du 12 avril 1634 avait besoin de l'acceptation de l'assemblée de la communauté de la ville pour être mis à exécution. Il fut présenté à la réunion du 22 septembre suivant.

Sa lecture produisit une scission dans le conseil. Vingt-quatre membres se prononcèrent pour son acceptation ; mais quarante-deux le rejetèrent. Néanmoins la minorité, composée de juges et de personnages influents, s'empara du registre des délibérations, rédigea et signa un procès-verbal de ratification. De son côté, la majorité porta plainte au Parlement et au Conseil du Roi.

Voici le passage capital de la requête adressée au Roi :
« ... Il y a quelque temps que des filles, se qualifiant dévotes de la ville, et ayant sous ce titre spécieux fait remonstrer aux habitans en leur maison de ville qu'elles estoient portées au service des pauvres de l'hôpital, les dits habitans aians trouvé cette requeste pieuse, l'auroient entérinée ; et pour traiter avec les dites filles, les quelles demandaient seulement la place d'un gardien mercenaire, la communauté se trouva enveloppée dans des entreprises et des desseins captieux... Six (dix) habitants, députés pour traiter, auroient, captieusement et hors leur commission, laissé couler dans le traité, que les dites filles seroient voilées et religieuses : ce qui jamais ne passa en délibération de la dite communauté, la ville n'ayant jamais eu l'intention d'introduire une vie monastique en l'hôpital ny de pervertir l'ordre ancien, qui est d'estre régi et gouverné par deux habitans choisis et nommés tous les deux ans économes du dit hospital... Le vendredy, 22ème de septembre dernier, la dite communauté assemblée auroit esté troublée par des particuliers au nombre de 24 ligués et brigués lesquels... exposèrent leur dessein de reverser l'hôpital (!) en tronquant l'ancien nombre des pauvres (?), et fruster la communauté du droit d'économat (!), dont elle jouit depuis la fondation (?), pour y establir des filles gueuses sous le nom de religieuses ... ».

Ces violences de langage firent tort à la protestation et l'empêchèrent d'aboutir.

Cependant deux des quatre filles pieuses, Julienne de Gouizac et Michelle Buron, moururent à l'hôtel-Dieu, sans avoir pris l'habit religieux, bien qu'elles en eussent eu le désir, parce que les hospitalières de Dieppe n'étaient pas encore arrivées. Les deux survivantes firent supplier l'évêque et d'autres personnes de qualité d'insister pour la prompte venue de trois ou quatre religieuses.

Enfin, au mois de juillet 1635, quatre religieuses, savoir, Nicole Le Roux, dite de la Nativité, Anne Le Neud, dite de Sainte-Claire, Antoinette Le Matenir, dite de Saint-Laurent, et Marguerite de la Miséricorde, sœur converse, quittèrent Dieppe sous la conduite de Pierre Loguet, leur chapelain, et du sieur d'Ablon, syndic de la ville. Arrivées à Vannes, elles furent introduites dans l'hôpital le 25 juillet. Ce jour-là même fut rédigé un acte notarié, pour la dotation des nouvelles venues, conformément au traité du 12 avril 1634. Les filles qui les attendaient hypothéquèrent aux économes de l'hôpital un pré qui leur avait été donné entre les vieux chemins de Bohalgo, et l'affectèrent « pour la sûreté de la pension d'une religieuse, pendant qu'elle demeurerait au dit hospital ; pour les trois autres religieuses, messire Pierre de Lannion, seigneur de Vieux-Chastel, et Jean Gâtechair, sieur de Sabraham faisant par un particulier, qui vouloit rester incognu, promirent de payer, pour leur nourriture et entretien, la somme de 300 livres tournois par chacun an, pendant quatre ans ».

Ainsi l'hôpital n'avait aucune avance à faire ; le service de la maison avait tout à gagner ; et l'avenir n'était engagé que pour quatre ans au plus. Mais l'opposition n'avait pas désarmé. Informé de l'entrée des religieuses à l’hôtel-Dieu, « le sieur Colombel, procureur, en ayant donné cognoissance aux habitans en leur assemblée du 30e de juillet, ils déclarèrent d'une commune voix désadvouer le prétendu traité (du 12 avril) comme abusiff et praticqué contre leur gré et sans leur consentement, et mesme arrestèrent que les susdites religieuses seroint incontinent sommées de sortir et vider le dit hospital, à peine d'en entre expulsées... Dès le mesme jour, la dite communauté de ville y estant descendue en corps, auroit faict vider et sortir les dites religieuzes, néantmoins les oppositions et empeschemens d'aucuns de Messieurs du Présidial et autres de la susdite intelligence, qui les y avoient establies au mespris et sans l'ordre de la dite communauté ».

Les religieuses, qui sans doute ignoraient la division du conseil à leur égard, durent être fort étonnées de ce traitement et se refugièrent toutes tremblantes chez les Carmélites de Nazareth. Bientôt mises au courant de la situation, « elles employèrent plusieurs personnes de grand mérite et des plus éminentes de la province pour remonstrer (aux conseillers) le zèle et l'ardente dévotion qu'elles avoient d'exercer leur charité au service des pauvres de l'hospital, sy on avait agréable de les y recevoir de nouveau, avecques affirmation de n'avoir entendu commettre aucun mespris ny offense envers la dite communauté en leur première entrée, s'estant entièrement laissées conduire par ceux qui avoient entrepris ce dessein ».

La majorité, déjà honteuse de ses violenses à l'égard des Hospitalières, décida, dans l'assemblée de la communauté, tenue le 2 août, de députer quelques notables de la reunión pour dresser les conditions auxquelles on pourrait réintégrer les religieuses à l'hôpital. Les conditions ayant été acceptées par les religieuses, puis par le conseil, le 3 août, furent définitivement redigées et signées le lendemain. En voici le texte :

« ..... Les quatre religieuses entreront dès ce jour au dit hospital, pour y demeurer deux ans seullement, afin d'instruire les filles qui y vouldront entrer avecques elles, jusques au nombre de cinq, ou six au plus, pour y vivre et faire profession de la mesme reigle qu'elles professent, par elles apparue aux dépultés et sindicq, et à Mgr de Vennes qui l'a approuvée.

Chacune des dites quatre religieuses paira 100 livres de pension par an, et les deux années finies, elles se retireront au premier dénoncy qui leur en sera fait de la part de la communauté.

Les filles qui se présenteront pour entrer au dit hospital jusques au dit nombre de 5, ou 6 seullement, ne pouront estre receues que par l'advis des députtés de la communauté, du procureur sindicq, et des esconomes du dit hospital.

Chacune desquelles filles sera âgée au moins de 15 ans accomplis et capable de servir ; elles pairont aussi chacune 100 livres de pension, et bailleront fondz dans la séneschaussée de Vennes de vingt livres de rente au proffilt de l'hospital après leur debceix.

Les dites religieuses fourniront et assureront aussi la même rente au cas qu'elles décèdent au dit hospital : la quelle rente sera franchissable au denier vingt ; en fourniront aussi les religieuses présentes et futures bonne sûreté et caution.

Les dites religieuses s'estant retirées, et le debceix des autres advenant, celles qui entreront en leurs places y seront admises par l'ordre cy dessus, avecques les mesmes sûretés, et non aultrement.

Les dites filles religieuses n'auront aucune disposition des biens de l'hospital, ni des legs pies et aulmosnes qui y seront faictz ; ains elle demeurera entièrement aux esconomes, fors les meubles qui leur seront baillés par inventaire.

Il leur sera fourny par les dits esconomes, par chacune sepmaine, les grains et deniers qui leur seront nécessaires pour leur nourriture et celles des pauvres, dont elles tiendront estat, qu'elles délivreront ausdits économes pour servir en leurs comptes.

La direction, la réception et l'expulsion des pauvres, tant hommes que femmes, demeureront aux économes, comme au passé.

Sy elles veulent clore partie du jardin de l'hôpital, pour y estre plus particulièrement, elles le pourront pour un quart sur désignation des députés de la communauté, laissant le surplus et toute la cour à la disposition des pauvres.

Ne pouront les religieuses augmenter le bastimant qui est à presant, bien pouront à leur fraitz, si bon leur semble, l'approprier et changer sur mesmes fondemens.

Toultes les dites religieuses s'entretiendront d'habitz et autres nécessités pour leur usage, à leurs propres despans, et laisseront après leur debceix au dit hospital les meubles qu'elles y auront portés...

Faict et gréé au manoir épiscopal de la Motte le 4ème d'aoust 1635. — Signé : Sébastien de Rosmadec, évêque de Vennes. — Pierre de Lannion, gouverneur. — Sr de la Nativité. — Sr de Sainte-Claire. — Sr de Saint-Laurent. — Colombel, sindicq. — De Noyal. — Gouault. — Sablon. — J. Cillart. — G. Guymarho. — H. Gibon, etc. » (Saint-Nicolas. — Registre parch.).

Ce traité était au fond le même que celui de 1634, avec quelques aggravations.

 

VII. PAIX.
Les conditions ainsi réglées, l'évêque se chargea d'installer définitivement les religieuses, et fit dresser le procès-verbal suivant : « Sébastien de Rosmadec, etc... Scavoir faisons qu'ayant cy-devant donné nostre consentement pour un establissement de religieuses hospitalières en nostre hospital de Vennes, et Mgr l'archevesque de Rouen, auquel aurions adressé nos lettres et prières à cette fin, sur l'advis nous donné du bon ordre et de telles religieuses par luy establies en son hostel-Dieu de la ville de Dieppe en Normandie, nous ayant envoyé quatre religieuses du dit hostel-Dieu, dénommées en son mandement et obédience de leur directeur, qui nous ont été représentées par discret Missire Pierre Loguet, leur chapelain et confesseur au dit hostel-Dieu, et le sieur d'Ablon, syndic du dit Dieppe, qui les auraient amenées du dit lieu en cette ville, Nous nous serions, ce jour 4ème d'aoust transportez de nostre chasteau épiscopal de la Motte en nostre dit hospital de Vennes, assistez de nostre official et promoteur, en compagnie de MM. le gouverneur, magistratz, syndic et habitans du dit Vennes, où, après avoir invoqué l'assistance du Saint-Esprit et chanté Veni Creator, avec les cérémonies en tel cas requises, avons conduict processionnellement les dites religieuses, et icelles introduict solemnellement dans l'appartement du dit hospital, que leur avons donné pour logement, les y installons et establissans, comme les installons et establissans par les présentes ;

Pour y vivre en l'observance des commandements de Dieu et de l'Eglise, selon leur reigle et constitutions approuvées de mon dit seigneur l'Archevesque, y garder closture, servir les pauvres malades, et faire toutes les autres fonctions selon et en la manière que l'on faict au dit hostel-Dieu de Dieppe ; approuvant et confirmant l'élection faite au dit lieu de la sœur de la Nativité pour y estre supérieure le temps de troys ans seulement, conformément à leurs constitutions!; leur avons assigné et déterminé pour closture les deux grandes salles des malades, le chœur pour chanter le service divin, avec les autres lieux et jardins qui seront nécessaires pour leur demeure au dit hospital, avec deffenses leur faites de les outrepasser, comme aussi avons déclaré et faict les deffenses, selon la forme du Pontifical romain, à toutes personnes de l'un et de l'autre sexe d'entrer en la dite closture, soubz les peines portées par les saints canons et décrets de l'Eglize, exceptantz néanmoins de la closture les salles et courts des malades, dans les quelles permettons aux séculiers d'entrer.

Voulons et entendons, suivant nostre dit consentement, que les dites religieuses et autres y faisantes profession cy-après soient dépendantes de nous soubz nostre autorité et de nos successeurs, subjectes à nos vizites, de nos grands vicaires et commissaires ; qu'elles ne prandront directeur ny confesseur que par nostre ordre et approuvez de nous par mandement spécial à cet effet ; et les avons prises et prenons en nostre protection, sans les obliger par le présant à autres conditions, soit pour la vie régulière, réception des filles, ou assistance des pauvres, qu'à celles qui sont conformes à leur institut.

Donné à Vennes... le 4ème d'aoust 1635.

Par commandement de mon dit sgr Je revd. Evesque de Vennes ». Nicolazo, secrét.
(Saint-Nicolas. — Orig. parch.).

Cependant une plainte avait été déposée au Parlement, en dehors des religieuses, au sujet des violences commises contre elles et du traité qui en avait été la suite. La Cour, par arrêt du 16 octobre 1635, condamna le procureur syndic de la ville, le greffier de la communauté, plusieurs membres du Conseil et le receveur des deniers de l'évêché, « pour la faute commise par eux, à payer solidairement, au profit du couvent des Jacobins de Vennes, cent livres d'amende ; leur fit défense de tomber à l'avenir dans telle et semblable faute, sous peine de punition exemplaire ; leur interdit l'entrée de la maison de ville pendant six mois ; leur enjoignit de porter honneur et respect à leurs juges et magistrats ; cassa et annula l'acte fait à la maison de ville de Vannes le 4 août précédent... » (Ibid.).

Les religieuses, rentrées à l'hôpital, prouvèrent que ce qu'elles avaient devait tourner au profit des pauvres. Dès le 6 décembre 1635 et 8 mars 1636, elles acquirent, au prix de 1.700 livres, deux places proche l'hôtel-Dieu, pour augmenter le logement des pauvres malades. D'un autre côté, les vocations religieuses commencèrent à se manifester, avec leurs dotations nécessaires. Ainsi l'on trouve la constitution d'une rente viagère de 100 livres, et d'une rente perpétuelle après décès, pour Marguerite Le Drogo, le 16 novembre 1635, et pour Yvoré Buron, le 10 février 1636.

Le roi, mis au courant de la situation, n'hésita point à confirmer l'établissement par les lettres patentes qui suivent.

« Louis (XIII), par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, à tous présentz et advenir, salut.

Scavoir faisons que Nous avons receu l'humble supplication qui nous a esté faite par les religieuses Hospitalières de l'Hostel-Dieu de nostre ville de Vennes, contenant qu'elles auraient esté appelées de l'hostel-Dieu de Dieppe par le sieur Evesque de Vennes, à la prière des habitans de la dite ville, puis deux ans en ça, afin d'enseigner les moyens de servir les pauvres mallades dans le dit hostel-Dieu de Vennes, selon leurs reigle et institut, et sans aucun frais ny diminution du revenu des dits pauvres mallades, le tout en exécution du contract passé par devant les notaires royaux de la cour dudit Vennes le 12 apvril 1634, entre les députez de la ville et autres nommez au dit contract, par lequel il apparoist que les filles, qui seroient désormais receues dans le dit hostel-Dieu pour l'observance du dit institut, porteroient chacune cent livres de pension ou rente, y bastiroient à leurs fraiz les logemens qui leur seroient nécessaires en la court et jardin du dit hostel-Dieu ;

Soubz les quelles conditions les exposantes auroient du depuis et encore à présent practiqué leur reigle dans le dit hostel-Dieu de Vennes, mesme acquis deux places proche le dit hostel-Dieu, pour le prix de dix-sept cens livres, relevant de nous prochement en nostre juridiction de Vennes, comme il se voit par les contractz passés devant les dits notaires les 6 décembre 1635 et 8 mars dernier, et ce pour accroistre le logement des dits pauvres mallades, et faciliter celui des religieuses, et oultre leur auroit esté donné par Me Anne Crose et sa femme un pré avec un petit logis et planche de jardin, sois en la rue Neufve du fauxbourg Saint-Patern, par contract du 7 juillet 1634, de sorte que le dit sieur Évesque de Vennes noz officiers et les plus notables bourgeois de la dite ville en auroient receu tel contentement que plusieurs filles de condition auroient désiré et désirent encore par émulation professer l'observance du même institut, et se consacrer dans le dit hostel-Dieu pour le service des pauvres mallades, mais elles auroient peu estre receues ny admises par les exposantes sans avoir obtenu de Nous auparavant la permission de bastir au dit hostel-Dieu les logemens qui leur sont nécessaires, conformément au dit contract, nous requérant très humblement leur vouloir sur ce pouvoir, et pour la seureté de l'acquisition des dites deux places cy-dessus et paisible possession d'icelles, que nostre plaisir soit de les admortir, et sur le tout leur impartir noz lettres nécessaires.

A ces causes, estans bien et duement informez de la piété et charité des dites religieuses Hospitalières, du bon exemple qu'elles donnent en l'observance de leur institut... avons permis et permettons, par ces présentes signées de nostre main, ausdites religieuses Hospitalières de Vennes de construire et bastir au dit hostel-Dieu tous les logemens qui leur seront requis et nécessaires pour l'exercice de leur reigle et fonction ; et avons admorti et admortissons dès à présent les dites places par elles acquises, et les maison, pré et jardin donnez par les dits Cose et femme ; et les dites religieuses et hostel-Dieu avons exempté et exemptons par ces présentes de tous les droitz de lotz et ventes, et autres que nous en peuvent ou pourraient estre deubz ou à nos successeurs, à perpétuité, comme de choses dédiées et consacrées à Dieu.

Sy donnons en mandement... — Donné à Villeroy, au mois de may, l'an de grâce 1636, et de nostre règne le 27ème.

Louis — Par le Roy : Dublet ». (St-Nicolas. Orig. Parch. — Seau de Majesté).

 

VIII. - TRAVAUX.
Avant d'examiner les travaux projetés il est bon de jeter un coup d'œil sur la disposition des terrains et sur le plan ci-joint. La rue Saint-Nicolas était bordée d'une série de quatorze boutiques longeant la chapelle (A) et l'hospice (B) ; les places acquises par les religieuses en 1635 étaient à l'ouest du ruisseau ; la maison du gardien (F) et l'espace (G) situés au sud, destinés à recevoir les nouvelles constructions, étaient limités à l'est par un mur, figuré au plan par une ligne pointillée ; le terrain C, appartenant jadis à l'hôpital, avait été afféagé en 1619 à Jean Quentel, et acheté en 1633 par les Jacobins ; la prairie D, dépendant également de l'hospice, avait été afféagée en 1633 aux dits Jacobins moyennant une rente perpétuelle de 15 livres ; la lettre E marque le jardin, et la flèche indique la cour et la direction du nord.

Plan de l'hôpital Saint-Nicolas de Vannes (Bretagne).

Les Hospitalières avaient eu d'abord la pensée de bâtir leur couvent dans le jardin de l'hôpital ; un arrangement fait entre elles et les Dominicains, le 14 février 1635, mentionne le mur à construire entre l'enclos des Pères et le jardin de l'hôpital, et sur lequel elles comptaient appuyer leur bâtiment.

Dans ce but, elles demandèrent au roi l'autorisation de faire un grand mur de clôture au haut de la Garenne pour se soustraire aux regards indiscrets, et de faire au besoin une voûte sur le ruisseau de Rohan qui passait dans le jardin. Louis XIII, par lettres données à Fontainebleau au mois de février 1637, accueillit favorablement leur demande.

« Désirant, dit-il, contribuer en toutes occasions, autant qu'il sera en nostre pouvoir, pour le parfaict establissement et augmentation du dit liostel-Dieu, Nous avons permis et accordé, permettons et accordons ausdites religieuses hospitalières de faire construire et édiffier sur le canal d'eau, tout le long de leur jardin, sur voulte ou autrement, ainsi qu'elles adviseront bon entre pour leur plus grande commodité, les bastiments dont elles peuvent avoir besoin, à condition néantmoins que le cours de l'eau du dit canal ne sera par elles diverty et que les dits bastiments n'empescheront pas le passage des charroys.

Et affin que les dites religieuses, dans leur perpétuelle closture, jouissent librement et avec plus de conformité à leur règle de l'usage de leur dit jardin, Nous leur avons aussy permis et permettons par ces présentes de faire tirer et continuer la muraille de leur closture jusques sur le haut du lieu appelé la Garenne, à la charge toutefois de ne prendre au haut de la dite Garenne qu'autant de fonds et places qu'il sera nécessaire pour la construction de la dite muraille, quy sera tirée et portée le long des terres dépendantes du dit hostel-Dieu, auquel nous avons fait don de ce quy se trouvera d'espace intermédiaire en ce quy a esté partagé de marais entre les Frères Prescheurs et les dites religieuses, depuis le bas de la Garenne jusques sur le haut... ».

C'est en vertu de cette autorisation que fut construite la haute muraille qui existe encore le long de l'escalier de la Garenne.

Le projet de construire le couvent dans le jardin avait sans doute l'avantage d'isoler la communauté et de la séparer de l'hôpital, mais le soin des malades et des mourants, soit le jour, soit la nuit, demandait que les religieuses fussent toujours à la disposition immédiate des pauvres. Voilà pourquoi, après y avoir longtemps réfléchi, on trouva plus avantageux de construire à l'est de la cour, aux points marqués F, G.

Comme il y avait quelques difficultés entre les Dominicains et les Hospitalières, une transaction fut conclue entre eux, le 29 août 1640, en ces termes :

« 1° Accordent les dits religieux de laisser les dites religieuses bastir une longère de logeix, à commencer au bout de leur église (de Saint-Nicolas) et porter à 102 pieds de longueur ; et de leur laisser prendre sur leur fonds, le long de l'ancien bastimant et muraille contiguë, dix pieds de francq, dont le mesurage a esté présentement fait ; les dits Pères pourront attacher à la cotalle du dict bastimant des gonds ou affiches, pour fermer leur porte chartière.

2° Accordent pareillement les dits Pères que les religieuses auront les veues nécessaires dans la longère de leur dit bastimant sur le fonds des Pères, et fenestres ouvrantes, avec grilles au dehors, à six pieds au-dessus du plancher ; oultre accordent et promettent les dicts Pères de ne prendre aucune veue, soit par portes ou fenestres du costé des religieuses...

3° Les dits Pères consentent ausdites religieuses qu'elles prennent l'enlignement du mur de leur jardrin au plus droit que faire se pourra, sans incommoder la voye de leur charette ; et oultre ils délaissent à perpétuité ausdites religieuses une quantité de terre en leur jardrin (D'), à commencer du palier quy est au-dessus de la porte du dit jardrin, et estre à tiré droite ligne à vis d'une saule estant au bas d'icelluy, et de la dite saule à la mesure ligne jusque au hault de la Garenne...

4° Les dits religieux et religieuses feront à communs frais la muraille d'entr'eux, à commencer d'un pilier de bois et conduire jusques au haut de la dite Garenne, laquelle sera de douze pieds de haulteur, et le fond d'icelle pris par moitié sur leurs héritages...

5° Les dites religieuses ont promis, pour retour et rescompanse de ce quy leur est baillé et accordé par les dits Pères les libérer et afranchir vers le dit hostel-Dieu de la somme de huict livres de rente foncière et annuelle... ».

C'est à la suite de cette transaction que les religieuses construisirent à leurs frais les deux maisons F et G, que existent encore aujourd'hui, et dont il est par conséquent inutile de donner la description. Quand tout fut terminé, elles cédèrent aux hommes la salle neuve, voisine de la chapelle, et se logèrent elles-mêmes dans l'autre maison. Quant à l'ancienne salle (B) qui précédait la chapelle et qui était partagée entre les hommes et les femmes, elle fut entièrement abandonnée aux femmes.

Le mobilier fut augmenté en proportion ; au lieu des 22 lits mentionnés en 1615, on en eut bientôt 32, savoir 14 pour les femmes et 18 pour les hommes. L'espace réservé aux pauvres et aux malades était doublé et il y avait place pour de nouvelles fondations de lits.

La cuisine fut améliorée, la lingerie remontée, la buanderie complétée et la boulangerie elle-même plus soignée. En un mot, tous les services reprirent un air de vie et de prospérité grâce au dévouement et à l'industrie des religieuses.

 

IX. PROSPÉRITÉ.
L'ordre attire la confiance, et la charité ouvre les bourses. Dès le 10 mai 1634, Guillaume Billy et Jacquette Le Clainche, sa femme, sieur et dame de Poignan, marchands d'étoffes de soie à Vannes, donnèrent aux économes de l'hôtel-Dieu une somme de 300 livres tournois, afin que la rente fût appliquée au soulagement des pauvres, après avoir prélevé les honoraires de deux messes basses et d'un service annuel.

Le 8 février 1638, Mire Laurent Peschart, seigneur de Lourme et de Pacé, conseiller au parlement de Bretagne, faisant tant pour lui que pour son fils François, sieur de Limoges, de Coetergarf, etc., donna à l'hôpital une rente de 100 livres sur la terre de Kergolher, en Plaudren, en ne demandant que deux messes basses par an.

Par testament du 26 juin 1646, Mgr Sébastien de Rosmadec légua aux pauvres de l'hôpital, par l'intermédiaire des religieuses, une rente annuelle de 150 livres, savoir, 100 livres pour leur fournir du vin d'Anjou, et 50 livres pour augmenter leur portion de viande, en demandant auxdits pauvres de prier et de communier pour lui.

M. Guymacho, sieur de Kerprovost, chanoine de Vannes et conseiller au présidial, fit son testament le 2 janvier 1653, et donna aux pauvres de Saint-Nicolas, par les mains des économes, sa tenue de Kereven-er-Sah, en Erdeven, laquelle payait six perrées de froment par an.

Par testament du 8 octobre 1654, Me Prodhomme légua aux mêmes pauvres, représentés par les économes, une rente de 50 livres tournois par an, pour contribuer à leur nourriture ; ladite rente franchissable pour 1.000 livres, et le capital à replacer aussitôt.

Mme Marie Cillart, femme de Jean Aubin, sgr de Bernus, fit son testament le 18 janvier 1658, et donna aux pauvres, par l'intermédiaire des économes, une rente annuelle de trois perrées de froment sur Plestruen, en Plœren, et aux religieuses une autre perrée, à condition d'avoir douze messes par an et des prières.

Le 4 avril 1658, Jacques de la Couldraye, sieur de Kerboutier, assigna une sommé de 1.500 livres à l'hôpital, à la condition d'en servir la rente à sa fille, religieuse, pendant sa vie, et de l'appliquer ensuite au profit des pauvres par les mains des économes.

L'évêque de Vannes, Charles de Rosmadec, témoin du bon ordre qui régnait dans la maison et désireux d'aider un plus grand nombre de pauvres, recommanda l'établissement, le 30 avril 1658, à tous les recteurs et curés du diocèse, les engageant à provoquer en public et en particulier les dons de leurs Paroissiens en faveur de cette œuvre de bienfaisance.

C'est sur ces entrefaites que l'hôtel-Dieu de Saint-Nicolas reçut, à titre définitif, une donation considérable, jusqu'alors provisoire. « Ce jour 17 may 1659, dit un acte notarié, ont personnellement comparu noble et discret Mire Pierre Le Gouvello, prestre, sieur de Kerriollet, demeurant le plus ordinairement en sa maison de Querloys, paroisse de Pluvigner, estant à présant en cette ville de Vennes, logé chez les révérends pères Jésuites (au collège), et noble homme Guillaume Bigaré, sieur de Cano, père des pauvres et esconome de l'hôtel-Dieu et hospital de cette dite ville.

Le dit de Kerriollet a déclaré au dit sieur de Cano que dès l'année 1636, il auroit fait don aux hôpitaux de Vennes et d'Auray, de la métairie de la Forest et tenue de Treulin, situées proche Auray, et aultres terres en dépendantes, pour servir à perpétuité au dit hôpital d'Auray, à condition qu'ils y establiroient les Hospitalières de Vennes ; et au deffault de les y établir, que l'hôpital de Vennes et ses esconomes en jouiroient tant et si longuement qu'ils seroient (à Auray) en demeure d'y appeler les dites Hospitallières.

Comme le dit hôpital (de Vennes) a jouy des dites choses jusques à présent, qui sont 24 ans ou environ, par la négligence et retardement des habitans du dit Auray à exécuter la clauze appozée en la dite fondation, comme aussy la plus grande nécessité que le dit sieur de Querriollet a recogneu que l'hôpital de Vennes a du dit don, et la cognoissance qu'il a des grandes assistances qui y sont rendues aux malades par les économes, ... il révocque la dite clauze appozée dans la dite fondation, en faveur du dit hôpital d'Auray, et par le présent veult et entend les en exclure, comme il fait, et que le fonds des dites métairie, tenue et autres terres y spécifiées demeure, comme il le transporte et donne, à perpétuité, et en propriété, au dit hôpital de Vennes, pour l'uzage des pauvres malades, qui y sont et seront, à tous jours cy-après en jouir, par les mains des éconosmes d'icelluy, consentant que de ce jour à perpétuité il en jouisse et appréhende la possession réelle et actuelle...

Signé : Pierre Le Gouvello. — Bigaré.
Gruel, not. roy. — Le Clerc, not. roy. »

(Saint-Nicolas. — Reg. parch., p. 56).

De son côté M. Jean Le Meilleur, Sr du Goisvert et conseiller au présidial de Vannes, donna, le 17 janvier 1667, à Saint-Nicolas une rente constituée de 100 livres, « pour avoir des couvertures de lits, robes de chambre, chemises, linceulx et couettes, pour le service des pauvres, à commencer la première année par ce qui sera plus nécessaire des dites espèces, et ce par l’advis de la dame supérieure des religieuses du dit hostel-Dieu, et tousjours continuer par le mesme advis et à perpétuité ; et au cas que les esconomes fissent refus d'employer la dite rente aux choses cy-dessus spéciffiées, les religieuses pourront signiffier arrest ès mains des debteurs et toucher la dite rente, pour l'employer aux choses susdites, et seront creues du dit employ sur leur simple mémoire signé de la supérieure, qu'elles fourniront aux esconomes en charge » (Ibid.).

Pendant ce temps, la communauté des Hospitalières de Vannes se développait de plus en plus. Elle suffisait largement au service de l'hôtel-Dieu, et elle pouvait même envoyer des colonies au loin.

Ainsi, en 1644, à la demande de Mgr du Louet, évêque de Quimper, elle envoya dans cette ville la sœur Anne du Chastel de Kerlech, dite de Saint-François, comme supérieure, la sœur Anne Le Neud, dite de Sainte-Claire, comme mère des novices, afin de diriger l'hôpital, que venait de fonder M. du Chastel de Kerlech. — La communauté de Quimper fonda celle de Tréguier en 1654, celle de Carhaix en 1663, celle de Lannion en 1667, et celle de Guingamp en 16...

En 1672, la communauté de Vannes envoya à Guémené les sœurs Vincente de la Landelle, dite du Saint-Esprit, comme supérieure, Yvonne Doulcé, dite de Saint-Vincent, Julienne de Lentivy, dite de Saint-Hyacinthe, et Jeanne-Bertranne de Carné, pour y fonder un hôpital, qui a été dirigé par elles jusqu'en 1783.

En 1674, l'hôpital d'Auray reçut de Vannes les sœurs Jeanne du Chastel de Kerlech, dite de la Trinité, comme supérieure, Marie-Anne de Kerguiris, dite de Sainte-Cécile, Jeanne Le Texier, dite de Sainte-Croix, et Augustine-Thérèse Le Gouvello, dite de Saint-Séraphin.

Deux ans après, en 1676, fut fondée la communauté de Guérande, et on y envoya de Vannes Françoise de Vauferier, dite du Saint-Sacrement, comme supérieure, Perrine Gobé, dite de Saint-Jacques, et Marguerite de France, dite de l'Assomption.

Ainsi, en résumé, la maison de Vannes en a fondé quatre autres, et celle de Quimper quatre aussi. Cette extension rapide prouve que l'institut des Augustines de la Miséricorde de Jésus (c'était leur nom officiel) répondait à un besoin réel de la société civile, et offrait aux âmes généreuses le moyen de satisfaire leurs aspirations charitables.

 

X. CONSTRUCTIONS.
Les professes de Saint-Nicolas ne se contentaient pas de payer une contribution aux économes de l'hôpital, pour avoir le droit d'y vivre, elles apportaient aussi une dot à la communauté, pour leur entretien et pour les bonnes œuvres. C’est grâce à ces apports, que les religieuses pouvaient acquérir des immeubles ou améliorer ceux de l'hospice. C'est ainsi qu'elles achetèrent, en 1667, au prix de 3.300 livres, deux maisons et leurs dépendances, situées à l'ouest du ruisseau de Rohan. Dès lors elles voulurent agrandir la salle des pauvres et commencer, au midi de la cour, la construction d'un cloître, qu'elles avaient sans doute l'intention de continuer du côté de l'ouest. Mais bientôt un désaccord se produisit entre elles et les économes; la ville s'en mêla et la justice fut appelée à juger le débat. Avant le jugement, une transaction fut passée, le 21 février 1668, entre les députés de la ville et les religieuses, en ces termes :

« Entre les dites partyes a esté faict le présent acte de transaction et accomodement sur leurs procès et différends, par lequel les religieuses ceddent, quittent, délaissent et transportent, au tiltre d'eschange, à l'hostel-Dieu, la propriété en fonds et ediffices de deux maisons, petite cour et autres apartenances et dépendances, joignant le dit hospital, par elles acquises de Me Louis Le Clerc et Dlle Renée Goudelin, sa femme, et du Sr Jean Quéneau et deffuncte Julienne Goudelin, sa femme, par contractz des 19 et 22 d'avril 1667, pour et en faveur de la somme de 1.800 livres d'une part, et de 1.500 livres d’une autre ; et oultre les dites religieuses pairont la somme de 1.400 livres, pour estre employée et mise en fonds et produire rente au proffilt des pauvres.

Et en contr’ eschange les dits sieurs députés ont ceddé, quitté, délaissé et transporté, aussi à jamais à l'advenir, aus dites religieuses le tout du jardin et entienne court des pauvres, en propriété, pour en dispozer ainsy qu'elles verront, pour la continuation de leur bastiment en commancé pour leur closture, au désir du marché et devis qui en ont esté faictz, et autrement comme bon leur semblera.

Les dites religieuses promettent et s'obligent d'enclore l'espace vague, qui est vis-à-vis la porte Saint-Patern (et la tour Joliette), entre le pavé le long de la douve de la muraille du dit jardin vers le Pont quarré, donné par la communauté de la ville au dit hospital, et elles feront démolir l'ancienne muraille du dit jardin, pour l'avancer jusques au pavé, afin que par ce moyen les pauvres reconvalescents puissent avoir un lieu et espace commode pour leur promenade.

Et en considération de tout ce que dessus, demeure aussy en propriété aus dites religieuses l'espace qu'elles ont fait enclore, puis un an ou environ, sur la Garenne de cette ville, pour l'augmentation de leur enclos, mesme le pouront encore agrandir et augmenter à leurs frais, en faisant abattre ce qui reste des anciennes murailles de leur dit enclos sur la dite Garenne, et continuer la muraille neufve en tirant sur le bas de la dite Garenne vers la douve.

Et oultre est convenu qu'il ne sera innové aucune chose aux bastimentz des dites religieuses, qui puisse empescher le logement des grains et du bois des pauvres ; et fourniront les dites religieuses les légumes de pot nécessaires pour les pauvres, selon la saizon et à la manière accoutumée ; fourniront aussy aus dits pauvres un lieu et place pour mettre leurs fagotz et gros bois, jusques à ce que leur court ne soit enclose ; souffriront aussy les dites religieuses que les pauvres fassent faire la buée dans la buanderie ordinaire, attendu qu'ils ont payé la moitié de la tonne, du grand bassin et autres ustencilles nécessaires.

Oultre est convenu et accordé entre partyes, qu'au décez de chacune des dites religieuses il sera payé 10 livres de rente annuelle et perpétuelle, au proffilt des pauvres du dit hospital, entre les mains des esconomes d'icelluy, comme il est porté par l'acte du 12 d'avril 1634, et en conséquence l'acte du 4 d'aoust 1635 (qui imposait 20 livres), demeure nul et sans effet.

Et le présent ne pourra préjudicier que les dits esconomes ne se fassent payer des arrérages qui se trouveront estre deulz des 10 livres de rente par le déceix de chacune des religieuses décédées, suivant le dit acte d'establissement pour le passé, et sans préjudice de la continuation à l'advenir.

Et en solution et payement de la dite somme de 1.400 livres, les dites religieuses ont faict transport, avec garant à la coustume, au dit hospital de trois contractz de constitut, l'un de 500 livres tournois, l'autre de 400 livres, et le troisième de 500 livres ; les grosses des quels contractz escrites sur veslin ont esté, DE l'advis et consentement des dits députés, mises ès mains des sieurs Rio et Thomas, esconomes du dit hospital.

Et au moyen de ce que dessus, demeurent les oppositions formées par les dits esconomes, de l'ordre du bureau des pauvres, au bastiment que prétendent faire les dites religieuses pour leur closture, levées et annullées, comme si elles n'auroient esté faictes ; pouront les dites religieuses continuer leur bastiment, suivant leur dessein et devis ; et les dites partyes hors de court et procès, sans autres frais ny despans.

Faict et consenty au dit hostel-Dieu de Vennes, fauxbourg de Saint-Patern, soubz les seings des d. sieurs députés et des d. religieuses, et les nostres, les d. jour et an.

Le Clerc not. roy. — Kerviche not. roy. » (Expéd. parch.).

Un an après, le 5 janvier 1669, Messire Jérôme Buisson, recteur de Liancourt, au diocèse de Beauvais, étant à Vannes, pour liquider la succession de son frère Gilles, docteur en médecine, donna un capital « de 2.800 livres pour estre employé à augmenter le bastiment de la salle des pauvres, » c'est-à-dire, suivant les apparences, l'ancienne salle longeant la rue Saint-Nicolas. Il y ajouta une somme de 1.200 livres à placer, afin d'employer la rente annuelle de 60 livres à rétribuer un prêtre qui ferait chaque semaine le catéchisme aux pauvres. Le chapitre de la cathédrale accepta la charge de ces deux sommes, dépensa la première conformément à la volonté du donateur, et garda la seconde à titre de constitut infranchissable, en payant fidèlement la rente annuelle de 60 livres.

Le 13 mai 1669, M. Crose, sieur de Kermourault, voulant s'affranchir d'une somme de 300 livres promise à l'hôpital, lui donna un journal de terre, nommé Rosglas, situé aux environs du bourg d'Arradon. Cette pièce de terre fut peu après donnée en bail et le tenancier y bâtit une maison. Les travaux de l'hôpital suivaient leur cours. Voici, à cet égard, un extrait du registre des délibérations de la communauté de Vannes, du vendredi 24 janvier 1670.

« Les commissaires ouïs en leur rapport, la communauté a arresté de consentir aux religieuses Hospitalières de bastir un pavillon sur le canal de l'hospital, au joignant de leur cloistre, et icelly conduire dessus le dit canal, à la charge d'y faire des lieux et lettrines commodes pour les pauvres, et le tout en telle façon que le cours de l'eau ne soit pas interrompu ; et en cas qu'elles démolissent le four et boullangerie, elles les feront rebastir à leur frais et dans leur fonds, en un lieu commode, et choisi par les dits commissaires, suivant le procès-verbal qui en sera fait.

Et à l'égard du cloistre qu'elles veulent joindre à la salle du dit hospitat, elles en feront les arcades si hautes et si eslevées que la veue de la salie des pauvres ne pourra estre offusquée ni bouchée, ni les arcades fermées en aucune manière que ce soit.

Et pour la couverture de la salle des pauvres, elles s'obligeront de la faire faire et entretenir à leurs frais ; et au parsus que les autres conditions d'entre les dites religieuses et la dite communauté seront observées : au moyen de quoy leur sera permis de continuer leur bastiment ; de tout quoy sera faict et passé acte par devant notaires par les dits commissaires ».

Les bâtiments mentionnés dans ces pièces ont subsisté jusqu'à nos jours ; les arcades en plein cintre du cloître n'ont disparu qu'en 1894, pour faire place au riche magasin d'un marchand de fer.

 

XI. PROCÈS.
On a vu par ailleurs que les religieuses reçues à l'hôtel-Dieu devaient laisser, après leur décès, une rente de 10 livres aux pauvres. C'était un moyen pour la ville de battre monnaie et d'enrichir peu à peu l'hôpital.

Plusieurs religieuses avaient constitué elles-mêmes cette rente posthume ; d'autres ne l'avaient pas fait, et la communauté en était responsable. Les travaux récemment exécutés à l'hôpital avaient, paraît-il, fait suspendre ou négliger cette rente. Mais en 1675, les économes rappelèrent que depuis 1635, c'est-à-dire depuis 40 ans, il était mort 24 religieuses, et que par conséquent la communauté devait à l'hôpital une rente annuelle de 240 livres.

Les religieuses ne nièrent pas les engagements pris, mais elles firent observer qu'elles avaient employé plus de 6.000 livres de leurs deniers à faire bâtir une salle pour les hommes, et qu'en 1668 elles avaient cédé près de 5.000 livres d'acquets à la ville ; puis rappelant les violences exercées contre elles à leur arrivée, elles confondirent la rente de 20 livres, qui avait été réellement extorquée, et du reste supprimée depuis, avec la rente de 10 livres, qui avait été librement consentie en 1634 et confirmée en 1668.

Par suite de cette confusion, elles obtinrent, le 4 janvier 1676, de la chancellerie, pour le présidial de Vannes, des lettres de restitution, où l'on disait aux magistrats « que si, parties présentes ou deubment appellées, il vous est apparu ou appert de ce que dessus, vous ayez à restituer les exposantes contre tous les actes, clauses et conditions, portant obligation de payer, après les déceds de chacune d'elles à l'hostel-Dieu, le sommaire de dix livres de rente ... ».

Le présidial de Vannes n'eut pas de peine à découvrir la confusion, et par sentence du 30 juillet 1676, il condamna les Hospitalières à payer à l'hôpital une rente de 10 livres pour chaque religieuse décédée.

Les Augustines, toujours dans l'illusion, en appelèrent au Parlement de Bretagne, qui siégeait alors à Vannes. Par un arrêt du 6 juillet 1677, « la Cour, faisant droit ..., a condempné les appellantes de payer aux éconosmes dudit hospital les arrérages de quatre années de la rente de dix livres, qu'elles doibvent pour le décedz de chacune religieuse, estant au nombre de 24 décédées depuis leur establissement, qui font 240 livres de rente de chascun an, et icelle continuer à l'advenir d'an en an ; pour le payement de partye de laquelle rente et arrérages d'icelle, elles pourront céder et transporter aux dits éconosmes les treize contracts de religieuses décédées, qui portent (pour chacune) la stipulation de la dite somme de dix livres de rente, et les y subroger ; et condemne les appellantes de payer le surplus de la dite rente de 240 livres, qui est 110 livres par an, sy mieux n'ayment en faire le franchissement, à la raison du denier seize ;

Et pour demeurer quittes et deschargées de la dite rente de dix livres par le décez qui arrivera de chasque religieuse à l'advenir, soit que la dite rente soit stipulée au proffit du dit hospital dans leurs contracts ou non, condemne les appellantes de payer aux éconosmes, dans un an, pour franchissement et extinction de la dite rente, pour les religieuses quy décéderont à l'advenir, la somme de 2.400 livres, en deniers effectifs ou en contracts ; et condemne les appellantes aux despans des causes principalle et d'appel, moderez à 30 livres.

 Le Clerc » (Expéd. parch.).

Cette fois il n'y avait plus d'illusion possible. Les Hospitalières se soumirent à l'arrêt qui les frappait, et le 2 juillet 1679, elles firent un contrat avec les économes, pour payer tout l'arriéré, et éteindre cette rente pour l'avenir.

Les fondations de messes et d'aumônes continuaient à l'hôpital. Ainsi, le 13 avril 1674, Me Charles Le Quenderff, notaire, et Jeanne Couvrand, sa femme, donnèrent une somme de 1.000 livres, pour produire une rente de 50 livres, à consacrer par les économes à l'achat de vin pour les pauvres. Ils donnèrent en outre une somme de 1.400 livres « pour la fondation de la Confrérie de l'Enfant-Jésus, pour faire exposer le très Saint-Sacrement de l'autel à chacun 25ème de tous les mois de l'année, en l'église de l'hospital, célébrer la grande messe, vespres et complies, à chant et orgle, avec prédication et salut, recommandation de prières à l'intention des fondateurs, litanies de l'Enfant-Jésus, et De profundis ; les religieuses feront aussy faire deux services pour les dits Le Quenderff et sa femme, après leur débcès, et leur appliqueront le mérite de leurs communions, prières et autres bonnes œuvres qu'elles feront en ces jours ».

Ainsi encore, le 26 août 1690, Julienne Le Moyec, veuve de Henri Daviers, donna aux économes une rente constituée de 16 livres, à la charge de faire célébrer quatre meses basses par an, et d'employer le reste du revenu à améliorer le sort des pauvres.

De même, le 12 mars 1696, Pierre Le Melinaidre et sa femme, demeurant au moulin du Duc à Vannes, « désirant aider à leur possible, et pour la plus grande gloire de Dieu contribuer au soulagement, nourriture et entretien des pauvres malades et nécessiteux, qui sont et seront à l'advenir dans l'hostel-Dieu de cette ville », donnèrent une rente annuelle et perpétuelle de 15 livres, sans autre charge, et l'hypothéquèrent sur un pré, situé « proche la rue de la Burbannière », au midi de la route de Rennes.

Une autre bonne aubaine pour l'hôtel-Dieu de Vannes fut l'annexion des biens dépendant des petits hôpitaux de Muzillac et de la Gacilly, conformément aux lettres patentes du Roi, du mois de décembre 1696.

« Louis (XIV), par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut. — Nos chers et bien amez les administrateurs de l'hôpital des pauvres malades de la ville de Vannes Nous ont fait remontrer que, sur l'avis de nostre amé et féal le sieur Béchameil de Nointel, intendant et commissaire par Nous départy en Bretagne, sur l'emploi à faire au profilt des pauvres des biens et revenus des hôpitaux de la Gacilly et de Mezuillac, diocèse de Vannes, en exécution de nos édits et déclarations des mois de mars, avril et aoust 1693, seroit intervenu un arrest de nostre Conseil, en exécution d'iceux édits et déclarations, le 25 may 1696, par lequel Nous aurions réuni à l'hôpital des pauvres malades de la ville de Vannes les biens et revenus des hôpitaux de la Gacilly et de Mesuillac..., et que toutes lettres nécessaires leur seroient expédiées : les quelles les dits administrateurs Nous ont très humblement fait supplier leur vouloir accorder.

A ces causes, désirant favorablement traiter les dits exposants, conformément à l'arrest de nostre Conseil du 25 may 1696, en exécution de nos édits et déclarations, avons, par ces présentes signées de nostre main, uni et unissons à l'hôpital des pauvres malades de la ville de Vannes les biens et revenus des hôpitaux de la Gacilly et de Mezuillac, pour en jouir du 1er juillet 1695, à la charge de satisfaire aux prières et services de fondation, dont peuvent estre tenus les dits hôpitaux, et de recevoir les pauvres malades des lieux et paroisses où ils sont situés, à proportion de leurs revenus ; et en conséquence ordonnons que les filtres et papiers concernant les dits hôpitaux … soient délivrés aux dits administrateurs.

Si donnons en mandement...

Donné à Versailles, au mois de décembre, l'an de grâce 1696, et de notre règne le 54ème, Louis.

Par le Roy : Colbert » — (Orig. parch.).

En vertu de ces lettres, enregistrées au parlement le 2 janvier 1697, les administrateurs prirent possession, le 29 mai 1697, à Muzillac, de la chapelle de Saint-Eloy et Saint-Yves, des deux tiers des oblations, d'une mazière de maison, et d'un jardin derrière, loué 8 livres ; puis le 31 mai, à la Gacilly, de la chapelle de Saint-Jean, d'une maison et jardin derrière, et d'une pièce de terre contiguë, le tout affermé 15 livres, des deux tiers de la dîme de la Haye et de la Roverye, aux Fougerêts et en Saint-Martin, affermés 80 livres par an. C'était donc au total un revenu d'une centaine de livres par année.

 

XII. DÉTRESSE.
En abordant le XVIIIème siècle, nous entrons dans une période funeste à la France, funeste à une foule d'établissements publics. L'hôtel-Dieu de Saint-Nicolas eut sa part de souffrances. Une bonne partie de ses revenus provenait des capitaux placés sur des particuliers. Or en 1719, à l'époque où la banque de Law jouissait de la vogue la plus étonnante, ces particuliers remboursèrent leurs constituts au moyen de billets. C'était peut-être leur droit rigoureux ; mais l'année suivante ces billets perdirent presque toute leur valeur, et l'hôpital se trouva pour ainsi dire ruiné.

Voici une note du temps, tirée des archives de Saint-Nicolas et qui précise la situation. « L'hôtel-Dieu, qui n'avait que 3.000 livres de rentes, a été remboursé en billets pour près de 1.700 livres de rentes ; partant il ne lui reste plus qu'environ 1.300 livres, qui se consomment dans les charges suivantes, savoir : a M. le chapelain 150 livres, au médecin 50, au chirurgien 50, à l'apothicaire 250, pour la nourriture de quatre domestiques 400, leurs gages 108, le blanchissage 108, le grois bois 260 : qui font ensemble 1.376 livres ; ce quI est déjà plus qu'il n'y a de revenu.

Il reste donc à pourvoir où prendre la nourriture de tous les malades de la ville, qui sont hors d'état de trouver chez eux leur subsistance. Il faudroit pour le moins 40 lits, et de quoi avoir le fagot, la buaille, le linge, les couvertures, les couettes, les paillasses, les serpillières pour enterrer les morts et de plus l'entretien des meubles et la réparation des maisons et de l'église; mais les 800 livres accordées sur les octrois (à partir du 26 juillet 1723) ne sauraient suffire à beaucoup près pour cela.

Les économes n'étant pas obligés, outre leurs soins, d'engager leurs biens pour la subsistance des pauvres, les malades restent chez eux, dans de méchants greniers, où ils n'ont pour couche que quelque peu de paille et encore quelquefois pas, abandonnés de tous secours tant spirituels que temporels ; ils meurent souvent dans cet état, sans consolation ni exhortation de personne, car fort souvent les gens qui demeurent dans la même maison ne se donnent pas la peine de les visiter pour savoir s'ils ont besoin d'un prêtre ou du secours des personnes charitables.

Pendant plus de deux ans, il n'y avait que quatre ou cinq malades au dit hôpital, et encore fallait-il payer quelque chose en entrant, faute de quoy on n'en recevait pas. Tant la ruine était grande ! ».

Emue de cette lamentable situation, la communauté de la ville pensa sérieusement au moyen de prévenir la ruine de l'hôpital Saint-Nicolas. « La difficulté des temps, suivant une délibération du 12 juin 1726, les événements du système (de Law), et la rareté des espèces y ont apporté non seulement du dérangement mais même ont mis la dite communauté dans l'impossibilité de trouver des économes qui soient désormais en état de faire les avances nécessaires et assez sûrs pour répondre des allocations et replacement des fonds restans au dit hôpital ; d'un autre côté ceux qui eussent pu être en état de faire des avances et répondre de ces collocations ont trouvé et trouvent le moyen de s'en exempter, soit par des charges, emplois ou commissions, ou à la faveur de leurs amis, en sorte que la dite communauté s'est trouvée aussi dans la nécessité indispensable de chercher d'autres moyens de soutenir le dit hôpital et d'en prévenir la ruine. Le sieur de Lourme, l'un des directeurs de l'hôpital général, ayant travaillé à un règlement composé de 22 articles qui lui a paru avantageux pour l'hôtel-Dieu, il l’a communiqué au bureau de l'hôpital général, à celui du dit hôtel-Dieu et ensuite à la communauté de la ville, et après de très sérieuses réflexions faites sur ce sujet de part et d'autre, on a cru qu'il n'y avoit point de moyens plus utiles et plus convenables que de mettre le dit hôtel-Dieu sous la direction du bureau de l'hôpital général, qui choisiroit et nommeroit un receveur et administrateur particulier pour le dit hôtel-Dieu... ».

Le 10 juillet 1726, le Parlement homologua cette déclaration et décida « que l'administrateur et receveur du dit hôtel-Dieu jouirait des mêmes privilèges, droits et exemptions que les directeurs de l'hôpital général, tant et si longtemps que durerait son exercice, mais qu'il ne serait pas fait confusión des recettes et revenus des deux hôpitaux ».

Ce nouveau régime avait l'avantage d'établir l'unité de direction dans les deux hôpitaux et de donner aux receveurs une commission de quatre ans, toujours renouvelable : ce qui mettait plus de suite dans l'administration ; mais le point capital était de créer des ressources nouvelles. M. Guillo du Bodan fut nommé receveur de l'hôtel-Dieu le 2 août 1726 ; il y était encore en 1739.

Le prélèvement de 800 livres sur les octrois de la ville, autorisé en 1723, fut renouvelé le 31 janvier 1730, le 23 avril 1737 et le 27 novembre 1742.

Peu à peu les recettes de l'hôpital montèrent à 5.000 livres et elles suffirent à payer les dépenses, en observant la plus stricte économie, et en ne recevant que les malades de la ville. Mais la guerre de sept ans vint y apporter la ruine. L'établissement « commença à s'endetter en 1755 par le grand nombre de soldats malades qu'il fut forcé de recevoir pour leur simple paye, et par l'obligation d'établir, en 1756, à ses frais, une nouvelle salle de onze lits pour les soldats scorbutiques, qui furent envoyés de l'hôpital militaire de Belle-Isle ; ses dettes s'accumulèrent ensuite d'année en année par le long séjour et par les fréquents passages de troupes et de marins, principalement de ceux qui furent débarqués en 1757 de l'escadre commandée par M. Dubois de la Motte ; enfin les événements de 1759 et des années suivantes achevèrent de le ruiner et ses dettes dépassèrent 27.000 livres ».

Cette dette, provenant de la surcharge imposée par le roi à l'hôpital, aurait dû être payée par le souverain. Mais les caisses de l'État étaient aussi vides que celles de l'hôtel-Dieu. Les administrateurs le savaient et ils se bornèrent à demander au roi l'autorisation de faire un emprunt de 18.000 livres, en titres viagers ou en titres remboursables.

Louis XV, informé de la situation, donna les lettres patentes nécessaires pour cet emprunt.

« ... Voulant, dit-il, favorablement traiter les exposants ;

De l'avis de notre Conseil ;

Nous avons, conformément à iceluy, permis, et par ces présentes signées de notre main, permettons aux administrateurs des hôpitaux de Vannes d'emprunter, à rentes constituées au denier 25 (à 4 pour 100), ou à rentes viagères à 9 pour 100, la somme de 18.000 livres ; dérogeant en tant que de besoin à notre édit du mois d'aoust 1749, concernant les établissements et acquisitions des gens de main-morte, et à tous édits et déclarations à ce contraires ;

Ordonnons que les administrateurs seront tenus de prendre par préférence les sommes qui leur seront offertes pour être placées sur ces hôpitaux en rentes viagères ; que les fonds provenant de l'emprunt seront employés à l'acquit des dettes des hôpitaux, voulant que les administrateurs soyent tenus de justifier par devant le sieur intendant et commissaire départy pour l'exécution de nos ordres en la province de Bretagne de l'employ du dit emprunt, dans les trois mois du jour qu'il aura été rempli.

Donné à Versailles, le 15ème jour d'octobre, l'an de grâce 1766, et de notre règne le 52ème.
LOUIS.
Par le Roy Phélipeaux ».
  (Orig. parch.).

 

XIII. RÉVOLUTION.
La communauté des Augustines de la Miséricorde de Jésus continuait sa tranquille existence, en se dévouant tous les jours au soin des malades et des mourants.

Le nombre des religieuses variait entre 20 et 30 ; une profession avait lieu presque tous les ans, et les décès se produisaient dans la même proportion ; leur cimetière était dans le cloître, au moins dans les derniers temps.

Leur maison étant assez vaste, elles pouvaient recevoir quelques dames pensionnaires, qui cherchaient le calme de la vie, l'économie du ménage, et la proximité des secours spirituels.

Ce n'est pas sans effroi qu'elles virent approcher la Révolution. Dès le 13 août 1790, les membres du district de Vannes, MM. Brulon, Bernard, J. Glais et Rollin dressèrent le tableau de leurs biens et de leurs charges, comme il suit.

I. Immeubles.
La maison de communauté, cour et jardin ....
Une maison et deux petits jardins, rue Neuve, loués 33 livres.
Un grand pré sur le chemin de Bohalgo, affermé 150 livres.

II. Rentes.
Une rente foncière à Plesterven, en Plœren, évaluée 27 livres 7sols.
Six constituts sur les Etats de Bretagne, rapportant 1.068 livres 7 sols.
Quatre constituts sur le clergé, rapportant… 1.065 livres 9 sols.
Un sur l'évêque de Vannes, rapportant.... 100 livres.
Deux sur le Chapitre de Vannes...... 636 livres.
Trois sur la Visitation de Vannes... 440 livres.
Trois sur le Petit-Couvent………. 382 livres.
Un sur les Bénédictins de Rennes………… 150 livres.
Deux sur les Bernardins de Prières....... 728 livres.
Deux sur les Carmélites de Ploërmel…… 110 livres.
Un sur la municipalité de Josselin........... 100 livres.
Treize sur divers particuliers... 1.141 livres 17 sols.
Total des revenus ………..6.480 livres

III. Charges.
Décimes de la communanté………… 337 livres.
Deux rentes dues à l'hôtel-Dieu...... 58 livres.
Total ... 395 livres.

En défalquant cetté somme du total précédent, on arrive à un revenu net de 6.085 livres, avec lequel il fallait entretenir les maisons, faire des aumônes, habiller et nourrir environ 25 religieuses.

En regard de ce tableau, voici celui de l'hôtel-Dieu.

I. Immeubles.
L'hôpital et ses dépendances.
La métairie de la Forêt, près Auray.
Autres terres dans le voisinage.
Une maison, rue Gillard (étang), à Vannes.
Une petite maison et planche de jardin, à Bourg-Maria.
Une petite maison et planche de jardin, à Saint-Symphorien.
Une petite prairie près du Grador.
Deux petites tenues, situées à Arradon.
Une autre petite tenue, située en Baden.
Une maison et terres à Saint-Fiacre, en Pluneret.
Une maison et jardin à Muzillac.
Une maison et dépendances, à la Gacilly.

II. Rentes.
Rentes en grains sur Bilair, Arradon, Brech, Surzur.
Rentes foncières sur des maisons de Vannes.
Autres rentes foncières, en divers lieux.
Rente censive de 15 livres sur les Jacobins.
Rente de 58 livres sur les Hospitalières.
Rente de 72 livres sur le jeu de paume.
Rente sur les octrois de la ville.
Revenus divers.

Malheureusement les chiffres des revenus et des charges font défaut.

Le 18 novembre 1790, les commissaires de la municipalité vinrent prendre les noms des religieuses, et leur demander si elles voulaient continuer ou quitter leur état. Voici leurs noms :

1° Jeanne-Marie-Joseph du Vieux-Châtel, supérieuve, 60 ans, de Landeleau.
2° Agathe Brocard, 81 ans, de Saint-Pierre de Vannes.
3° Louise-Hyacinthe Hervieu, 79 ans, de Sérent.
4° Augustine-Jeanne de Kercabus, 75 ans, de Mesquer.
5° Louise-Françoise Tual du Harno, 70 ans, de Guémené.
6° Anne-Prudence de Besné, 67 ans, de Prinquiau.
7° Julie-Eugénie Thébaud, 62 ans, de Belle-Ile.
8° Françoise-Geneviève Keranguyader, 51 ans, de Saint-Aubin-du-Cormier.
9° Guyonne-M. Pélagie de Lentivy, 56 ans, de Rennes.
10° Esther-Louise-Charlotte Hergault, 43 ans, de Rennes.
11° Olive Benoist, dite de Saint-Benoit, 57 ans, du Croisic.
12° Marie-Anne Coqueret, 35 ans, de Vannes.
13° Julienne Le Fur, 35 ans, de Moustoir-Remungol.
14° Hyacinthe Mahé de Kerouant, 40 ans, de Rennes.
15° Marie-Constance Fournol de Granval, 35 ans, de Quimperlé.
16° Angélique-Marie Moulnier, 34 ans, de Mordelles.
17° Marie Piquet, 35 ans, de Questembert.
18° Perrine Merlay, 33 ans, de Questembert.
19° Elisabeth de Besné, 47 ans, de Nantes.
20° Marie-Anne Audouyn, 33 ans, d'Hennehont.
21° Jeanne-Marie Nio, 30 ans (morte le 8 juillet 1791).
22° Jeanne Graillo, converse, 70 ans, du diocèse de Nantes.
23° Marie-Joseph Thurion, converse, 72 ans, de Port-Louis.
24° Elisabeth Digo, converse, 73 ans, de Rochefort.

Ces 24 religieuses déclarèrent toutes vouloir persévérer dans leur état. (I. 780. 787.).

Elles apprirent, le 1er juin 1791, que les chapelles du Père-Éternel, des Ursulines, du Petit-Couvent, de la Visitation et de Nazareth, étaient, par ordre du directoire, fermées au public et réservées aux seules religieuses. Le 4 juin, elles surent que les Filles de Saint-Vincent de Paul étaient renvoyées de la Garenne et les Filles de la Sagesse de l'hôpital-général, pour refus de soumission à l'évêque intrus.

L'évacuation des maisons religieuses de femmes fut fixée, pour Vannes, au 1er octobre 1792, et elle se fit sans pitié.

Les Hospitalières de Saint-Nicolas prolongèrent néanmoins leut agonie jusqu'au mois de décembre, parce qu'il était difficile de les remplacer. Mais le samedi, 8 décembre 1792, l'économe de l'hôpital de Saint-Nicolas (M. Le Maignen) représenta au conseil de la commune « que depuis le commencement de la révolution il avait eu continuellement à lutter contre l'incivisme des Hospitalières : que ces femmes portent le délire de la malveillance jusqu'à séduire les mourants, et se parer dans tous leurs propos de ce méprisable triomphe du fanatisme sur l'extrême faiblesse ; qu'elles employent toutes espèces de manœuvres pour ébranler le civisme des soldats que des infirmités font entrer dans cet hôpital ; qu'elles semblent chargées de soutenir les derniers efforts des ennemis de la liberté ; enfin que le service public dans cette intéressante partie ne pouvait qu'en souffrir d'une manière alarmante pour l'humanité ».

La patrie était, paraît-il, en danger ! « Le conseil général de la commune a vivement senti l'urgence des mesures à prendre, pour éteindre ce foyer d'aristocratie et d'insubordination, et a nommé à l'instant quatre de ses membres, qu'il a chargés de se rendre de suite au district et au département, pour solliciter de ces administrateurs le renvoi de ces Hospitalières et l'autoriser à les faire remplacer par des personnes qui réuniront le zèle et le civisme.

Les députée rentrés ont rapporté que le directoire du département se porteroit à faire les remplacements provisoires, que les justes sollicitudes de la municipalité lui proposoient, et autorisoit même la municipalité à faire mettre de suite les scellés qu'elle jugeroit convenables pour parvenir à ces remplacements » (L. 787).

 

XIV. SUPPRESSION.
L'expulsion ne se fit pas attendre. « L'an 1792, le mercredi 19 décembre, l'an 1er de la République française, conformément à l'arrêté du département du 14 courant, nous, Marc-Marie Boisgontier et Claude Roy, commissaires nommés par la municipalité pour procéder à l'évacuation des dames hospitalières de l'hôpital Saint-Nicolas, et délivrer à chacune d'elles les effets à son usage personnel, nous sommes transportés au dit hôpital, où, parlant à Mme la Supérieure, nous l'avons sommée de rassembler toutes ses religieuses en la chambre du noviciat : ce qu'elle a fait à l'instant.

Après la lecture à elles donnée de l'arrêté du département, nous avons sommé ces dames de nous dire vérité, et après la demande à elles faite si elles n'avoient pas connoissance, antérieurement aux scellés apposés par la municipalité, de quelques enlèvements des différents appartements de la maison, elles nous ont toutes déclaré d'une voix unanime que non.

Après la vérification faite des effets des religieuses, elles les ont fait enlever, et de suite ces dames sont sorties, conformément à l'arrêté du département.

Aussitôt, de concert avec le citoyen Le Maignen, économe du dit hôpital, nous avons installé les citoyennes Boquenay, supérieure, Le Goff, Bruge, et les deux sœurs Derien, que nous avons laissées en possession et chargées du soin des malades, et avons signé les dits jour, mois et an que devant.

Roy. — Boisgontier. — Le Maignen, économe » (L. 787).

Un acte, passé sous silence dans ce procès-verbal, est la protestation des religieuses, conçue en ces termes : « Nous, soussignées, supérieure et religieuses professes du monastère de l'hôpital Saint-Nicolas de Vannes, déclarons que notre intention a toujours été de vivre et de mourir dans notre monastère, et d'y observer en commun la règle que nous avons fait profession de suivre, et à laquelle nous serons inviolablement attachées de cœur et d'esprit. Nous voyant aujourd'hui expulsées de notre maison, nous protestons formellement et expressément contre cette violence ; nous déclarons unanimement qu'en sortant de notre monastère, nous ne faisons que céder à la force, et que les vœux les plus ardents de nos cœurs sont de voir le moment heureux qui nous permettra d'y rentrer, et de remplir librement les obligations que nous nous sommes imposées lors de notre profession, et que nous chérirons jusqu'à la mort. — Fait et arrêté sous nos seings, pour être déposé entre les mains des commissaires. — A Vannes, le 19 décembre 1792 ».

Onze mois plus tard, en novembre 1793, le couvent de l'hôtel-Dieu de Saint-Nicolas était transformé en prison, pour y recevoir les religieuses suspectes. On y interna pèle-mêle 5 Hospitalières de Vannes, à savoir, les sœurs Tual, Thébaud, Keranguyader, de Lentivy, Coquerel, 5 Carmélites de Vannes, 30 sœurs de la Visitation, 16 religieuses du Petit-Couvent, 18 Ursulines de Vannes, 11 Ursulines de Muzillac, 10 Ursulines de diverses autres maisons, et 19 religieuses de divers ordres. Au total 114 personnes, dont quelques-unes furent placées en ville. Elles y passèrent tout le temps de la Terreur, et elles ne recouvrèrent la liberté qu'après la promulgation du décret de la Convention du 27 janvier 1795, après une captivité de 15 mois.

Dès le 4 janvier 1795, sur la demande du citoyen Davon, médecin de l'hôpital militaire de Saint-Nicolas, et sur l'avis conforme de la municipalité et du district, l'administration départementale autorisa le transfert de l'hôpital au Petit-Couvent : ce qui fut ratifié le 6 janvier par les représentants du peuple, Guezno et Guermeur. C'est dans ce nouveau local que les sœurs Augustines de la Miséricorde de Jésus ont été appelées en 1803, et elles y sont restées jusqu'en 1866, où elles ont dû quitter le service, pour aller s'établir à Malestroit.

Cependant l'hôpital de Saint-Nicolas était tout à fait abandonné ; les maisons étaient inhabitées ; les murs de clôture ébréchés permettaient à tout venant de jouir du jardin et du verger. — Le 16 juillet 1802, on fut obligé de démolir la chapelle de Saint-Nicolas qui tombait en ruines.

L'enclos et une partie des bâtiments avaient été enfin loués à des particuliers par l'administration des hospices ; mais ils étaient en si mauvais état que le prix de location suffisait à peine pour leur entretien.

Après de longs pourparlers, une loi, votée par le Corps législatif, le 29 janvier 1805, autorisa l'administration des hospices civils de Vannes à céder à titre d'échange, au sieur Burgault, maire de Muzillac, les bâtiments de l'hôpital Saint-Nicolas, avec jardins et dépendances, appartenant aux dits hospices et estimés 20.000 francs (?), et à recevoir en retour du sieur Burgault deux métairies, dites du Pourpris et de la Porte de Bavalan, sises commune d'Ambon, estimées la première 27.806 fr., et la seconde 27.080 fr., avec les terres et bâtiments qui en dépendaient.

La différence considérable des deux estimations semble indiquer que M. Burgault tenait à se défaire des biens des émigrés, qui auraient pu lui être réclamés, et à les remplacer par des biens d'Eglise et autres, qui lui paraissaient plus solides.

L'autorisation d'échange fut promulguée par décret de l'empereur Napoléon Ier, donné au palais des Tuileries, le 28 février 1805.

Depuis ce temps, le quartier de Saint-Nicolas a pris, par des constructions successives, l'aspect que nous lui voyons aujourd'hui.

(l'abbé Le Mené).

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