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LES ETATS DE 1532 A VANNES

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Les Etats de 1532 et l’Union de la Bretagne à la France.

C'est à Vannes, en 1532, que la Bretagne, par l'organe de ses représentants, les membres des États, décida de « requérir » son union à la France. Il semble qu'un tel événement, mémorable entre tous, eût dû attirer l'attention particulière des historiens locaux. En réalité, sur le lieu où les États votèrent la « requête d'union », sur la date et les circonstances de ce vote ils se contredisent sans apporter, pour la plupart, aucune preuve [Note : J. MAHÉ, chanoine de la cathédrale de Vannes, Essai sur les antiquités du département du Morbihan, Vannes, 1825, p. 407 et 409. — CAYOT-DELANDRE, Le Morbihan, son histoire et ses monuments, Vannes et Paris, 1847. p. 96. — Alfred LALLEMAND, États de Bretagne tenus à Vannes au mois d'août 1532, ou Union de la Bretagne à La France, dans Annuaire du Morbihan, 1853, p. 197 et s. — Alfred LALLEMAND, Origines historiques des monuments de la ville de Vannes, dans Annuaire du Morbihan 1858, p. 231 et et s. — Jh- M. LE MENÉ, Histoire du diocèse de Vannes, Vannes, 1888, t. I, p.517. — Jean DU MENÉ, Choses et gens de Vannes, dans le Progrès du Morbihan, n°3 des 14 et 18 octobre 1911. — OGÉE, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, édit. 1853, art. Vannes, t. II, col. 952-953. — Paul DE CHAMPAGNY, Principales sessions des États de Bretagne tenues à Vannes, dans Revue de Bretagne et de Vendée, 1857, premier semestre, t. I, p. 553 et s. — Ch. de MONTIGNY, François Ier et la Bretagne, dans Revue de Bretagne et de Vendée, 1861, second semestre, p. 417-429. — Vicomte Ch. DE LA LANDE DE CALAN, Documents inédits relatifs aux États de Bretagne de 1481 à 1589, t. I, 1908, p. 83-84. — Ant. DUPUY, professeur d'histoire au lycée de Brest, Histoire de la réunion de la Bretagne à la France, Paris, 1880, t. II, p. 284-287. — Alain RAISON DU CLEUZIOU, La Bretagne de l'origine à la réunion, Saint-Brieuc, 1909, p. 437-438].

Etats de Bretagne.

Cependant, sur les États de 1532, les sources sont peu nombreuses : d'Argentré, l'ordonnance de François Ier proclamant l'Union, quelques actes de ce roi qui fixent son itinéraire avant et après les États.

On sait que l'Histoire de Bretagne, de Bertrand d'Argentré, fut saisie dès son apparition, en 1582, et condamnée peu après comme rapportant « des faits contre la dignité des rois, du royaume et du nom Français ». Parmi ces faits le procureur général signala plusieurs des passages relatifs aux préliminaires de l'union, aux discussions qu'elle souleva (LEVOT, Biographie bretonne, au mot Argentré).

Bertrand d'Argentré se trouvait, sur ce point, renseigné d'une façon très sûre. Son père, Pierre, d'Argentré, sénéchal de Rennes, fut appelé à donner son avis aux conseils du Roi sur les moyens d'aboutir à l’union ; il siégea aux États de 1532. Bertrand nous dit rapporter ses paroles (Edition de 1582, p. 1168). Son récit presente donc une importance toute particulière.

Il nous dépeint l'embarras du Conseil du roi. Le Conseil « avait toutes les peurs que le duché [de Bretagne] n'échapast au Roi en quelque sorte » car les contrats de mariage d'Anne de Bretagne et de sa fille Claude « portoient clauses qui ne servoient de rien à leur intention » (L'édition de 1582 porte « à leur l'intention »). Il fut donc « d'advis que on tachast d'unir au royaume ce duché, et qu'on fist une déclaration que le duché appartiendroit aux fils aisnez des rois » (D’ARGENTRÉ, l, c., p. 1168).

Si les gens du Conseil avaient été unanimes dans leur avis sur la nécessité de l'union « ils ne scavoient pas trop bien, tout d'abord, le moien deparvenir là. C'estoit chose qui ne se pouvoit passer sans décret d'Estats, et pour ce fut le roy François conseillé de faire un voyage en Bretagne pour traiter de cela » (D’ARGENTRÉ, l, c., p. 1168).

Le roi arrivait le 14 mai 1532 à Châteaubriant où l'hébergèrent, dans la magnifique demeure qu'ils venaient d'achever depuis peu, Jean de Laval, seigneur du lieu, gouverneur de Bretagne, et Françoise de Foix, sa femme. Mme de Châteaubriant, célèbre par sa beauté, sa science, son talent de poète possédait depuis longtemps l'amitié du souverain. Il devait demeurer a Châteaubriant plus d'un mois, jusqu'au 22 juin, pour gagner ensuite Villocher, château où il passa environ deux semaines. Du 9 au 11 juillet il était à la Hardouinaye ; du 14 au 18 à la Hunaudaye, seigneurie des Tournemine ; le 19 et le 20 à Rennes ; du 20 au 23 encore à la Hunaudaye et à la Hardouinaye, et se décidait enfin à se rapprocher de Vannes où allaient se tenir les États. On le retrouve le 30 et le 31 à Rochefort-en-Terre, dont le seigneur, Claude de Rieux, proche parent de Jean de Laval, venait de mourir, le 19 mai, laissant deux filles ; il loge, le 2 août, à Suscinio (Catalogue des actes de François Ier. Académie des sciences morales et politiques. Collection des Ordonnances des rois de France, t. VIII, p. 479-480).

Près de quatre mois s'étaient écoulés entre l'arrivée du roi en Bretagne et l'ouverture de la session des Etats. En effet, bien que le roi « eût sur ce plusieurs et divers conseils » auxquels étaient appelés quelques magistrats bretons, on ne découvrit pas tout d'abord la procédure à suivre pour obtenir l'union. Le chancelier cardinal du Prat, « plus expressément chargé de conduire l'affaire », accumulait « mémoires et instructions baillés de plusieurs parts » mais « ne scavoit pas trop bien quel moyen il y devoit tenir » (D'ARGENTRÉ, l. c., p. 1168-1169).

Le premier président du parlement de Bretagne, Louis des Déserts, vint en aide au chancelier. Etant un jour allé le saluer, du Prat l'entretint de son grand embarras. Le président « vit les mémoires » adressés au chancelier, ne craignit pas de lui dire qu'il « ne trouvait rien de bon de tous ces expédients. ? Il me semble, ajouta-t-il, qu'il y a de meilleurs moiens que tous ceux là. — Et quelz ? dit le chancelier. — Mon Advis, répondit des Déserts, seroit qu'on traitast avec les Estats qu'ils voulussent requérir l'union. Ceste parole meit le chancelier en merveilles. ?  Avec les Estats, dit-il, et seroit-il possible de faire cela avec eux ? — Ouy, dist le président. Les Estats consistent de beaucoup de gens, mais il n'en faut gaigner que trois ou quatre de la noblesse et quelques uns de l'Église et tiers estat, et toutes choses s'y feront à dévotion. Le roy a bien moyen de faire cela avec peu de gratification;

Le chancelier, à ces parolles, ploia tout ce qu'il avoit de papiers et de mémoires, et, sans plus essaier autre adresse, se donna ceste part. On besongna a meshuy par ceste voie » (D'ARGENTRÉ, l. c. p. 1169).

Qui fut « gaigné » par les « gratifications » du roi ? Il sera probablement toujours impossible d'être exactement renseigné sur ce point, les distributeurs et les bénéficiaires des fonds secrets n'ayant pas plus intérêt à se faire connaître les uns que les autres. Cependant je crois intéressant de relever quelques largesses de François Ier qui pourraient bien se rapporter à l'affaire de l'Union.

Ainsi quand, le 20 juin, à Châteaubriant, le roi ordonna de verser de suite au cardinal du Prat, et aux héritiers de l'amiral de Bonivet 20.000 livres tournois (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 161, n° 4649), il entendit bien, sans doute, solder une ancienne dette. Mais peut-être ne recouvra-t-il la mémoire de celle-ci qu'au moment où il eut particulièrement besoin des bons services de son chancelier.

La cession des revenus de deux des plus anciens domaines des ducs de Bretagne, Suscinio et Lestrenic, à Mme de Châteaubriant, date du 31 mai (Catalogue des actes de François Ier, t. VII, p. 696, n° 28.414, et Bibliothèque nationale, fonds français n° 22.231). Elle fut évidemment faite en hommage à la femme, en souvenir de sa proche parenté avec les duchesses reines Anne et Claude, et en reconnaissance de son hospitalité.

Mais comment expliquer le don de 18.000 livres tournois consenti presque en même temps au seigneur de Châteauriant ? (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 685, n° 7.090).

Cette somme considérable payait-elle simplement la mise pratique d'un précepte que Brantôme attribue à François Ier (BRANTOME, Vie des Dames galantes, discours second, article troisième).

« Un gentilhomme, aurait-il dit, tant superbe soit-il, ne sçauroit mieux recevoir un seigneur, tant grand soit-il, en sa maison ou chasteau, mais qu'il y opposast à sa veue et première rencontre une belle femme sienne, un beau cheval et un beau lévrier : car, en jettent son œil tantost sur l'un, tantost sur l'autre, et tantost sur le tiers, il ne sçauroit jamais fascher en cette maison ; mettant ces trois choses belles pour très plaisantes à voir et, admirer, et en faisant cet exercice très agréable ».

Je me demande s'il y a des raisons sérieuses de croire aux racontars du même Brantôme sur Mme de Châteaubriant, et s'il ne vaut pas mieux s'en rapporter à l'épitaphe de Clément Marot (MORÉRI, Dictionnaire, édit. de 1759, art. Châteaubriant, t. III, p. 548) :

Sous ce tombeau gît Françoise de Foix
De qui tout bien chacun souloit en dire,
Et le disant one une seule voix
Ne s'avança d'y vouloir contredire.

Jean de Laval, par ses alliances, par sa fortune, par les liens de parenté de sa femme avec les dernières duchesses de Bretagne, devait avoir une grande influence sur la noblesse de la province. On pensait déjà, sans doute, à profiter de cette influence quand on lui procura l'office de lieutenant-général du roi gouverneur de Bretagne le 9 juin 1531 (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 50, n° 4.088). Je m'imagine que le don de 18.000 livres tournois, pendant le voyage de Bretagne, a bien pu sceller une convention plus ou moins expressément conclue par laquelle le seigneur de Châteaubriant s'engageait à gagner plusieurs membres de la noblesse à la cause de l'Union.

Cependant Jean de Laval ne présida pas les premières délibérations des États. Il aurait dû le faire, comme lieutenant du roi ; il aurait pu le faire, puisque nous le retrouverons avec le roi à Vannes ; mais il trouva sans doute la situation trop délicate à bien des égards et fut remplacé par René de Montejean. Celui-ci reçut délégation expresse pour remplir les fonctions de M. de Châteaubriant, quand besoin serait, comme lieutenant du roi gouverneur de Bretagne. On ne sait à quelle date, exactement ; ce dut être quelques jours avant la convocation des Etats, et dans le seul but de lui faire présider les séances (Catalogue des actes de François Ier, t. VII, p. 447, n° 25.614). Déjà le roi avait récompensé, pour le rôle qu'il lui demandait de jouer, ce courtisan dévoué et fidèle qui devait parvenir aux plus hautes charges de la cour et de l'armée. Les revenus de sa baronnie de Fougères avaient été saisis. François Ier le 5 juillet, à Villocher, ordonna main-levée de la saisie au profit de M. de Montejean (Catalogue des actes de François Ier, t II, p. 173, n° 4701) ; le 16 juillet, à la Hunaudaye, manda aux gens des comptes de Bretagne de lui faire délivrer les revenus de la baronnie, pendant cinq ans, « en récompense de ses services » (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 175, n° 4709).

D'autres Bretons profitaient, au même moment, des libéralités du roi. Il faisait payer le 12 juin à Philippe Chabot, comte de Chauny, ses gages et sa pension comme gouverneur de Bretagne ; en 1531, ses gages d'amiral de Bretagne et de capitaine de Brest (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 157, n° 4630 ; p. 158, n°s 4631 et 4633). A Claude d'Annebaut il donnait, le 15 juillet, la châtellerie de Guingamp (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 175, n° 4708) ; à François de Bretagne, seigneur d'Avaugour, le 23 juillet, la seigneurie de Hédé, au diocèse de Rennes (Catalogue des actes de François Ier t. II, p. 176, n° 4717).

On est frappé, en outre, des sommes qu'il ordonne à son trésorier de l'épargne de rembourser à divers prêteurs, sans indiquer la date des prêts, ni l'usage qu'il en a fait : le 2 juin, 1.075 livres à Palamède Gontier, général de Bretagne (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 151, n° 4602) ; le 3 juillet, 2.150 livres au cardinal de Longueville (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 169, n° 4680) ; le 9 juillet, 4.400 livres au cardinal d'Amboise (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 173, n° 4702) ; le 20 juillet, 6.450 livres à Robertet, trésorier de France (Catalogue des actes de François Ier, t. II, p. 176, n° 4716).

Enfin, après la tenue des États, Guillaume du Bellay fut chargé, le 8 août, de distribuer 373 livres 10 sols tournois « à certaines personnes que le roi lui avait indiquées et dont il voulait tenir les noms secrets » (Catalogue des actes de François Ier., t. II, p. 179, n° 4729).

Comment ne pas se demander si le cardinal de Longueville et le cardinal d'Amboise ne servirent pas d'intermédiaires pour « gainer » quelques membres du clergé ; du Bellay pour récompenser quelques membres du tiers.

Les États ouvrirent leur session en août. Peut-être fut-ce dès le 1er août, en tout cas pas après le 3 août.

Frauçois Ier, en effet, se trouvait à Suscinio le 2 août (Itinéraire dans Catalogue des acte, t. VIII, p. 479) ; il y était, peut-être, arrivé la veille ; il dut ne se décider à loger dans ce château, depuis longtemps inhabité, pour ainsi dire qu'à la dernière extrémité, quand il pensa qu'on pouvait l'appeler à Vannes d'une heure à l'autre. D'ailleurs la requête d'union fut décidée le 4 août et précédée de discussions que durèrent certainement plus d'un jour.

« Les Estatz assignez à Vannes, dit Bertrand d'Argentré, l'affaire de l'Union se meist en termes, et se pratiquèrent moult de moiens, et à dire vrai mal receuz pour le commencement » (L. c., p.119).
Certains étaient gagnés à l'avance « mais non pas tous. Il y en avait d'opiniastres, ausquelz il souvenait de l'ancienne liberté du païs sous les ducs, qui disputaient, et disoient qu'ils alloient entrer et se sousmettre an joug de toute servitude, et asservir le païs à toutes tailles, impositions, subsisde, gabelles, truages de France, à toutes les volontez des Rois absolument ; que, comme il ne falloit pas douter, pour entrer promettoient assez, mais ils ne garderoient ne franchises, ne libertez, ny privilèges du païs, lorsqu'ilz y auroient le pied ; que tous les bénéfices seroient donnez à personnes estrangères, les prélatures aux courtisans près du roy qui ne voudroient cognoistre ny gratifier homme natif du païs ; qu'à toutes heures, en vertu de commitimus et autres commissions extraordinaires, ils seroient tirez en France en leurs causes, et travaillez parmi les auditoires du royaume de France ; que chacun jour on leur deffendroit les traites de la negotiation par la mer, qui estoit presque le seul moien aux gentilshommes de faire deniers, pour le profit ou sugestion de quelques particuliers qui obtiendroient deffences de traicter, pour après vendre chèrement les congez ; que les gentilzhommes seroient tirez au service aux guerres du roy, à quoy ils n'estaient tenus hors le païs ; qu'ils n'auraient désormais estat ne charge dans le pays, et seroient esloignez des rois, et loing tenus des charges d'honneur, sans pouvoir parvenir, ny estre eslevez ; que les grands seigneurs du pays, qui emporteraient le crédit, et qui l'entretiendroient, seroient incontinent amorcez, pour le commencement, de la faveur des gouvernements [Note : Ce passage ne viserait-il pas particulièrement Jean de Laval ?], et autres biens-faits pour dissimuler, et s'accommoder à toutes les volontez du roy, et consentir de tailler et angarier le pays ; que les droits du roy fussent fondez, et autres prétendus, seroient si rigoureusement recherchez sous un roy, que la marchandise n'iroit en nulle liberté, ny autrement que chargés de daces et imposicions ; que la réunion mettroit les successeurs en guerre ; car, si la race de Bretagne défailloit, ceux qui seroient héritiers de l'estoc de Bretagne voudraient, selon leur traitez, reprendre leur degrez de succéder : les rois l'empescheroient, comme de choses réduis au royaume, et membres incorporés au corps et à la couronne ; en quoy, intervenant le décret des Estats, on feroit manifeste tort aux héritiers du sang ; que, par tous les traitez et conventions faits par la royne Anne venue en son aage, l’on voioit expressément qu'elle avoit voulu et tasché, partout défaillant la race des siens, que ceux de son sang succédassent, que, le cas advenant, il failoit demander d'avoir prince particulier, qui soutinst et voulust garder le pays et libertez des seigneurs, et chérir les siens, et enlever aux honneurs d'iceluy, et non pas les transporter à l'estranger ; et quand ils voudraient faire autrement les seigneurs du pays estoient bien assez fors pour les contredire et se maintenir avec un prince particulier, comme on avoit veu l'expérience au temps des ducs ; mais avec un roy si puissant il n'y avoit ordre, les choses faictes, d'empescher qu'il n'en list ce qu'il voudrait » (D'Argentré, l. c., pp. 1169-1170).

Faut-it ajouter pleinement foi a tout ce que dit Bertrand d'Argentré sur les craintes qu'inspiraient l'Union aux « opiniastres » ? Sans doute plusieurs membres des États firent connaître leur pensée avec cette rudesse dans la franchise qui prouve combien ils se sentaient encore libres. Mais le chroniqueur, les faisant parler au lendemain des États, n'eût probablement pas été aussi précis. Sa précision doit venir, en grande partie, de ce qu'il écrivait cinquante ans plus tard, ayant l'esprit moins appliqué à énumérer les arguments des opposants aux États de 1532 qu'à relever, parmi les résultats de l'Union, ceux dont se plaignaient les Bretons de son temps. On comprend, après cela, la saisie de son ouvrage.

Et cependant il nous montre d'autres représentants de la Bretagne prévoyant, toujours avec la même rude franchise, en regard des inconvénients, les avantages qui devaient résulter, pour leur pays, de l'Union.

« Les autres débataient qu'il ne se pourroit faire chose si nécessaire pour maintenir et assurer la paix perpétuelle du pays ; que l'on devoit prévoir que jamais les rois n'avaient cessé de tenir les ducs en querelle sur plusieurs prétentions qu'ils avoient au duché ; que, de duc en duc, jusques au dernier, cela s'estoit veu par expérience ; que tant qu'il y aurait chef en Bretaigne jamais ceste occasion ne cesseroit ; et ne fallait espérer nulle paix ; et, continuant la guerre, la Bretagne estoit un camp, et terre de frontière pour estre pillée d'Anglois, de François, et de leurs associez et alliez habitans mesmes estants en guerre et en divers partis ; et quant aux privilèges du pays et des seigneurs il y avoit moien de s'en mettre en seureté, en stipulant une asseurance des libertez et privilèges de tous estats, tant de la noblesse que de l'Église et du tiers estat, et en prendre lettres ; que les princes particuliers du pays ne laissoient de faire semblable levée de tailles et impositions que l’estranger, et estoit bien force qu'ils en fissent, s'ils estaient nécessitez de soutenir les guerres contre les plus puissans ; que jamais les seigneurs du pays n'avoient eu tant d'affection aux princes et ducs au passé qu'il n'y en eust tousjours quelqu'un qui, pour ses commoditez particulières, ne s'adjoignit au party du roy, et qu'an sçavoit assez que ce qui avoit tant travaillé les plus vaillants des ducs, Pierre Mauclerc et Jean le Conquéreur, ce n'estoient autres que les barons du pays s'estant départis de leur obéissance, naturelle pour s'adjoindre au party de France, et qui par tant de fois, les plus apparens, avoient abandonné leur party pour suivre le plus fort ; et qui n'avait oy ou leu cela aussi bien en l'endroit de ceux qui avoient succédé, à ceux là dont la mémoire estoit encore fresche ; que le roy de France estoit un grand, roy qui ne soufriroit jamais cest angle du pays en repos n'en estoit seigneur ; que les seigneurs du pays ne pouvoient tant estre esloignez de luy que, faisant les services qu'ils pouvoient bien, ils ne fussent approchés et eslévez ; et, au vray dire, que l'asseurance de la paix qui se pouvoit avoir par l'union estoit à préférer à tout ce qu'on sçauroit dire et opposer » (D'Argentré, l. c., p. 1170).

Ainsi, au dire de Bertrand d'Argentré, les partisans de l'Union insistèrent, avant tout, sur la nécessité de la paix, impossible à obtenir sans l'Union ; firent ressortir comment les dissensions intestines, le manque de discipline, l'intérêt particulier dominant, chez les grands, l'intérêt général, avaient contribué, pour une large part, à créer la situation du moment, plutôt qu'ils n'essayèrent l'éloge de la France et de ses rois.

Les députés ne discutèrent pas seulement sur les dommages ou les profits qui résulteraient, pour la Bretagne, de l'union à la France ; il s'agissait aussi pour eux de « sçavoir s'ils devoient consentir l'union, si elle estoit demandée, ou s'ils la devoient demander eux-mesmes ». Même parmi « ceux que estaient d'advis de l'union », beaucoup « s'indignoient fort qu'on les voulust faire poursuivans », qu'on prétendit leur imposer l'initiative de la requête.

La discussion se prolongea, « tint un temps en balance, eschauffat fort ». Enfin on fit l'appel de chaque député pour avoir son lavis ; « on en vint aux opinions », comme dit d'Argentré. Quand arriva le tour du procureur des bourgeois de Nantes, Julien Le Bosec, il déclara « qu’il n'avoit point de charge de cela qui estoit bien de telle conséquence qu'il en faloit consulter et sçavoir par exprès la délibération de sa communaulté. On luy répliqua qu'il estoit leur procureur, et que c'estoit à luy dire et respondre pour eux. Il dist qu'il estoit de vray leur procureur, et avait bien pouvoir de délibérer et donner advis sur les occurences communes des affaires des Estats venant régulièrement en délibération aux Estats, mais, qu'en chose si extraordinaire, inopinée, et de telle conséquence, il ne donnoit nul advis, et ne l'oserait ny voudroit faire ».

Ce que demandait Julien Le Bosec c'était, non pas un plébiscite, mais une consultation du pays sur des bases très larges, consultation où interviendraient tous les corps constitués. Son idée fut bien comprise. Les gens acquis au roi « pressèrent fort » le procureur, car « on vit que, sur sa réponce, plusieurs restoient arrière et ne vouloient advancer ».  Le président René de Montejean intervint lui-même avec violence et « sortit de sa raison si avant que, descendant du siège, il s'offrit d'outrager le dit procureur ». Là-dessus s'éleva, dans les États, « une grande rumeur ».

Cependant on était las, il fallait en finir. « On avoit besongné de tous moiens, dit d'Argentré, et estoit le roi au pays ». Il semble que l'incident de Montejean mit fin à la discussion, et qu'on ne leva même pas la séance. Après « plusieurs allées et venues » entre divers membres des Etats et gens du roi « il fut résolu qu'il se présenteroist une requeste » à François Ier (D'Argentré, l. c., pp. 1170-1171.— M. de la Lande de Calan, l.c., cite seulement, au sujet de l'opposition faite à l'Union, Travers, Histoire de Nantes, et Ch. de Montigny, François Ier et la Bretagne, alors que ces deux auteurs n'ont eu évidemment pour source que Bertrand d'Argentré, l. c., pp, 1170-1171).

C'était la conclusion de principe donnée aux séances de discussions. Mais, si j'interprète bien les documents, les termes de la requête n'étaient pas encore fixés. Se conformant à leur procédure habituelle, les Etats durent désigner ceux de leurs membres chargés de rédiger la requête d'union et les vœux qu'ils voulaient y joindre. Les commissaires établirent leur travail, sous la forme d'une « requête » au Roy. Quand elle fut soumise à l'assemblée, y eut-il une nouvelle discussion, c'est peu probable ; mais peut-être quelques observations et modifications de forme.

Nous possédons le texte définitif de la requête suivi du procès-verbal de sa lecture aux Etats, le 4 août. Le tout fut inséré dans l'ordonnance donnée à Nantes et proclamant l'Union. Cependant, à ma connaissance, on ne le trouve publié que dans les historiens anciens ou d'après eux, et dans le Recueil paléographique de la Société de l'école des Chartes (Avec fac-similé. Paris, Quentin, in fol., 1887). Je crois donc bien faire en donnant un texte collationné sur l'original de l'ordonnance conservé au Musée des Archives nationales (Original scellé aux Archives Nationales, trésor des Charles, J. 246, n° 126 (Musée, n° 587). — M. de la Lande de Calan, l. c., n'a pas publié ce texte. On ne comprend pas bien cette lacune, son ouvrage ayant spécialement pour but de faire connaître les actes des Etats de 1481-1589. Or, pour cette période, les procès-verbaux officiels sont excessivement rares. Sans doute M. de Calan n'a-t-il pas compris que c'en était un et distinct de l'ordonnance qui le contient puisqu'il n'a même pas signalé son existence).

Au Roy nostre souverain seigneur, ususfructuaire de ce pays et duché de Bretaigne, père et légitime administrateur de Monseigneur le Daulphin, duc et seigneur propriétaire dud. duché. Supplient et requièrent très humblement les gens des troys Estatz de ced. pas de Bretaigne qu'il vous plaise leur accorder et permectre que Monseigneur le Daulphin, qui est leur duc et prince naturel, estant à présent en ced. pays, soit receu et face son entrée à Rennes, qui est le chef de sa duché, comme duc et prince propriétaire de ced. pays, requérans davantaige que toutes autres choses faictes par cy devant au contraire de ce que dessus soient révocquées, cassées et adnullées comme faictes sans ce que lesd. Estatz l’ayent consenty et entendu, en réservant touteffoys à vous, sire l’ususfruict et administracion totalle d'icelluy pays. Oultre vous supplient, sire, lesd. gens des troys Estatz qu'ils vous plaise unir et joindre par union perpétuelle lesd. pays et duché de Bretaigne avec le royaume de France, à ce que jamais ne se trouve guerre, dissention ne inimitié entre lesd. pays, gardant touteffois et entretenant les droictz, libertez et privillèges dud. pays, tout ainsi qu'il vous a pleu, sire, et à voz prédécesseurs roys et ducz de ced. pays, tant par les chartres anciennes que autrement les y maintenir et garder, et que mond. seigneur le Daulphin ainsi le jure faire, de quoy, sire, vous plaira leur faire dépescher voz lectres patentes. Aussi, sire, vous supplient très humblement qu'il vous plaise deffendre à tous ceulx qui ont prins le nom de Bretaigne à cause de leurs mères, de non le porter, et mectre différence aux armes ; davantaige, sire, vous supplient très humblement que vostre plaisir soit ordonner que ceulx qui sont venuz de bastardise porteront doresenavant une barre en leurs armes, leur enjoignant et deffendant, sur grosses peines, de non en user autrement. La requeste cy dessus a esté leue par moy, greffier desd. Estatz soubzsigné, à haulte et intelligible voix, en l'assemblée et congrégacion desd. Estatz, et, après avoir esté entendue, oye et consentye sans aucune contradicion, a esté dit qu'elle seroit présentée au Roy pour y ordonner selon son bon plaisir. Faict en la congrégacion et assemblée desd. Estatz, en la grant salle du manoir épiscopal de Vennes, le quatriesme jour d'aoust l'an mil cinq cens trente deux. Signé : R. Delachasse, procureur, et Ja. de Sainct-Malon, greffier desd. Estatz.

Aussitôt la requête d'union votée, un courrier fut expédié au roi. Il n'arriva pas à Suscinio avant la fin de la matinée du 4 août, si la requête fut votée le matin, avant la soirée, si elle fut votée l'après-midi. Déjà François Ier avait tenu conseil et expédié plusieurs affaires (Catalogue des actes, t. II, p. 178, nos 4722-4724). Les moines de Saint-Gildas, entre autres, profitèrent de son voisinage pour obtenir confirmation des privilèges de leur abbaye dans l'usage de la forêt (Inventaire de la Chambre des comptes du duché de Bretagne).

Le roi, la nouvelle du vote reçue, dut gagner Vannes de suite avec le dauphin, duc de Bretagne. Ils s'y trouvaient donc au plus tôt le 4 au soir, au plus tard le 5 au soir. Par conséquent c'est du 5 ou du 6 qu'il faut dater, selon moi, la séance des Etats présidée par le roi.

Tous les membres du clergé, de la noblesse et du tiers ayant gagné leurs sièges suivant un ordre de préséance strictement réglé, le roi, accompagné de son fils, entouré de sa cour, fit son entrée solennelle ; un prélat se leva et prononça un discours faisant connaître au roi « pour et au nom des Estats » leur requête. Puis le seigneur d'Yverny, conseiller maître des requêtes ordinaires, donna lecture du document, signé par le procureur et le greffier des Etats, établissant les termes officiels de la requête (Ordonnance d'août 1532 donnée à Nantes, dans dom Morice, Histoire de Bretagne, t. III, col. 997).

De suite François Ier fit rédiger des lettres patentes confirmant les privilèges et les franchises du duché. Elles sont datées de Vannes et furent signées en présence du cardinal du Prat, du cardinal de Grandmont, de M. de Montmorency, grand-maître de France, de M. de Châteaubriant, gouverneur de Bretagne (Dom Morice, t. III, col.. 1000). Mais le roi jugea préférable de remettre à plus tard la proclamation de l'Union.

Et cependant, comme le remarque malicieusement le juriste d'Argentré, « jamais chose ne fut si aisée à accorder de la part de ceux qui, en grand désir de l'ordonner, faisoient suggérer la demande, en quoy les deffendeurs se constituèrent et prinrent la personne de demandeurs » (L. c., p. 1171).

Un document officiel nous apprend donc que les Etats tinrent la séance où fut votée la requête d'union dans la grande salle du manoir épiscopal de la Motte qui servait pour la tenue des synodes diocésains. Les séances de travail et de discussion qui précédèrent celle-là, la séance ou les séances solennelles présidées par le roi qui la, suivirent eurent lieu dans la même salle. Je n'en fais pour moi aucun doute et base ma certitude sur deux sortes de faits.

Les ducs et les rois avaient désigné Vannes comme le siège du parlement de Bretagne. Cependant celui-ci trouvait toutes sortes de raisons pour tenir ses sessions dans des villes devenues plus importantes, Rennes ou Nantes. Depuis la création d'une nouvelle chambre, le Château-Gaillard, sa résidence habituelle, ne lui suffisait plus, et le corps de ville de Vannes se préoccupait de rechercher une vaste salle que pût, lui servir d'auditoire. C'est de 1540 environ que date la salle haute des Halles. Si la grande salle des Halles, celle des Etats de 1455, avait pu être utilisée comme auditoire en 1532, on n'aurait pas construit, 7 ou 8 ans plus tard, sur ces Halles mêmes, un nouvel auditoire, plus spécialement à l'usage du Parlement. La « grande salle des Halles » était donc, pour une raison ou pour une autre, indisponible en 1532.

De plus on a souvent décrit tout l'appareil que nécessitait une tenue d'Etats. Il fallait une estrade, un « théâtre » pour les principaux membres du clergé et de la noblesse ; des tapisseries et des tentures couvraient les murs, car une sale aux murs nus, dans une circonstance tant soit peu solennelle, offusquait les gens du XVIème siècle presque autant que ceux du moyen âge. Il n'est pas admissible que les travaux d'aménagement et d'installation de la salle des Etats aient pu se renouveler à quelques heures d'intervalle.

C'est donc dans la salle synodale du château de la Motte que la Bretagne éprouva, avant de se donner, un dernier émoi ; c'est là qu'elle résolut de s'offrir ; c'est là qu'elle s'offrit à la France. Et quel édifice de Vannes convenait mieux pour abriter, à cette heure, ceux qui la représentaient, que l'antique Motte élevée sur la citadelle romaine, donjon des comtes de Broërec et château-fort des ducs de Bretagne avant de devenir palais épiscopal ?

Il nous est resté peu d'échos des fêtes offertes par la ville de Vannes à François Ier. On sait cependant que les Bretons tinrent, comme toujours, en ces occasions, à faire montre de leur force. Des combats singuliers s'organisèrent, le 7 août, sans doute sur la place des Lices. Non pas de ces pugilats, assez à la mode de nos jours, qui réclament par-dessus tout du poids et des muscles ; mais la lutte, l'antique lutte à mains plates, qui fut grecque et romaine avant de devenir française et bretonne, où l'adresse intelligente pouvait maîtriser la seule brutalité, et dans laquelle, pour être vainqueur, il fallait faire toucher terre aux deux épaules de l'adversaire.

Les gentilshommes formèrent, parmi les lutteurs, un groupe particulier et nombreux. On peut croire que les courtisans ne cherchèrent pas à se distinguer dans les lices. Mais n'ai-je pas entendu raconter à un vieux Vannetais qu'il avait vu, sur les confins de la Cornouaille, des membres authentiques de l'ancienne noblesse bretonne vivant côte à côte avec les paysans, habillés comme eux, et pratiquant la plupart de leurs mœurs ?. Tels devaient être, je m'imagine, les gentilshommes luttant sous les yeux de François Ier. A moins que le goût de la lutte fût si ancrée dans la race bretonne qu'il se perpétuât parmi les membres de la noblesse, même raffinée, comme un sport.

Le roi, avant ou pendant le combat, s'enquit d'une chaîne d'or. Le capitaine de Caudebec, François de la Perdelière, qui se trouvait là, accepta de céder la sienne moyennant 273 livres l sol 6 deniers tournois. Le combat terminé, le roi l'offrit au « meilleur et plus fort lucteur » d'entre les gentils-hommes (Bibliothèque Nationale, fonds français 15 628, fal. 68 v°, n° 195).

Le vainqueur dans la lutte d'un « grand nombre de personnages rustiques » fut un prêtre « de l'estat commun » : il reçut à son tour du roi une « chesne d'argent fecte à gros chesnons » payée 106 livres tournois à Jean Le Vaillant « orfèvre suivant la cour » (Bibliothèque Nationale, fonds français 15.628, fol. 71. v°, n° 204). Depuis lors les prêtres bretons ont perdu, je crois, cette manière de faire valoir leur autorité sur leurs ouailles.

Le roi fit encore, à Vannes, la commande d'un beau joyau : la couronne ducale « pour servir au couronnement et première entrée du Dauphin dans la ville de Rennes comme duc et propriétaire du duché de Bretagne ». Elle fut, si les documents ne nous trompent, fabriquée pour la circonstance. Il est bien peu probable que les orfèvres suivant la cour aient eu à leur disposition tout un atelier portatif ; il semble donc vraisemblable que ce fut un orfèvre vannetais qui reçut mission de façonner la couronne de son duc : il demanda, pour l'or employé et pour son travail, 219 livres 9 sols tournois (Catalogue des actes, t. II, p. 184, n° 4757). Ainsi la couronne du duc de Bretagne coûtait moins au roi que la chaîne donnée au gentilhomme lutteur. Mais sans doute la couronne portait-elle enchâssée de nombreux joyaux du trésor royal.

François Ier ne quitta pas Vannes avant le 8 août. Il se trouvait le 11 à Ancenis, le 13 à Nantes où il demeura jusqu'au 30 (Itinéraire, l. c.). C'est là qu'il publia l'Ordonnance établissant l'Union, qu'il accueillit gracieusement les requêtes de ses nouveaux sujets. La ville de Vannes ne fut pas oubliée : il l'exempta pour dix ans de tous droits d'aides (18 août) (Catalogue des actes, t. II, p. 184, n° 4754), lui fit don de 400 livres tournois à prendre chaque année sur les droits perçus dans son port encore inachevé, pour permettre de l'aménager définitivement (Catalogue des actes, t. II, p. 183, n° 4752). Il n'est pas jusqu'aux daims et cerfs du parc de l'Hermine qui ne reçurent des témoignages de sa sollicitude : Jean de Kermeno, capitaine du château, fut autorisé, le 26 août, à employer pour leur nourriture les foins des Prés-au-Duc (Catalogue des actes, t. II, p. 191, n° 4786, et p. 193, n° 4799).

L'indépendance de la Bretagne n'existait plus. Sur la dalle mortuaire de Mme de Châteaubriant qui reçut le roi à son entrée en Bretagne on lit encore [Note : Au musée de Châteaubriant où la dalle vient d'être remise après bien des vicissitudes] : « Peu de telles, prou de moins, point de plus ». Ne pouvons-nous, aujourd'hui, appliquer cette devise à la nouvelle province, toujours vivante, elle, que François Ier acquit à la France ?

Nota 1 : Le Traité de 1532 unissant la Bretagne et la France se nomme en réalité l’Édit d’Union, signé et publié à Nantes, le 13 août 1532. « François, par la grâce de Dieu Roi de France, usufruitier des pays et Duché de Bretagne, père et légitime administrateur des biens de notre très cher et très aimé fils le Dauphin, Duc et Seigneur propriétaire desdits pays et Duché, savoir faisons à tous présents et à venir que, tenant les États de ce pays et Duché de Bretagne assemblés en notre ville de Vannes, en gros nombre, par la bouche de l’un des prélats étant en cette assemblée (pour et au nom d’eux, et en leur présence) il nous a été très humblement supplié et requis de vouloir permettre à notre très cher et très aimé fils aîné le Dauphin, ici présent, d’être reçu par eux à faire son entrée à Rennes, ville capitale de ce Duché, comme leur Duc et Seigneur propriétaire, requérant que toutes autres choses contraires qui pourraient auparavant avoir été faites au préjudice de ce qui est déclaré ci-dessus, fussent révoquées, cassées et annulées, comme faites sans ce que lesdits gens des États les eussent entendues et consenties ; et que nous eussions à nous réserver l’usufruit et l’administration totale de ce pays et Duché. En outre, ils nous supplièrent que notre plaisir fût d’unir perpétuellement ce pays et Duché de Bretagne à notre Royaume et Couronne de France, afin que jamais ne s’élèvent de guerres, dissensions ou inimitiés entre lesdits pays, et qu’en ce faisant nous eussions à garder et entretenir les droits, libertés et privilèges dudit pays et Duché, ainsi que nos prédécesseurs avaient fait jadis, tant par chartres anciennes qu’autrement ; de les y maintenir et garder, et que notre dit très cher fils le Dauphin jurât de le faire également. Et ils nous requirent encore de défendre à tous ceux qui ont pris le nom et les armes de Bretagne à cause de leurs mères, de ne plus les porter et d’ordonner qu’ils aient à mettre une particularité auxdites armes, et que ceux qui sont issus de ladite maison bâtards, hors de loyal mariage, n’aient à porter lesdites armes de Bretagne sans une barre. Après cette réquisition, la requête, signée du procureur et greffier desdits États, nous fut présentée et lue publiquement (les gens des États étant présents) par notre aimé et fidèle conseiller Maître des Requêtes ordinaire Maître Mathieu de Longue-Joue, seigneur d’Yvemy, et dont la teneur s’ensuit : Au Roi notre Souverain Seigneur usufruitier de ce pays et Duché de Bretagne, père et légitime administrateur de Monseigneur le Dauphin, Duc et Seigneur propriétaire dudit Duché, les gens des trois États dudit pays de Bretagne supplient et requièrent très humblement qu’il vous plaise leur accorder et permettre que Monseigneur le Dauphin, qui est leur Duc et Prince naturel, étant à présent en cedit pays, soit reçu et fasse son entrée à Rennes, qui est le chef de son Duché, comme Duc et Prince propriétaire de ce pays ; requérant, de plus, que toutes les autres choses faites auparavant, contraires à ce qui est énoncé ci-dessus, soient révoquées, cassées et annulées, comme faites sans que lesdits États les aient consenties et entendues, en réservant, toutefois, à vous, sire, l’usufruit et l’administration totale de ce pays. outre, Sire, lesdits gens des trois États vous supplient très humblement qu’il vous plaise unir et joindre perpétuellement lesdits pays et Duché de Bretagne avec le Royaume de France, afin que jamais ne s’élèvent guerre, dissension ou inimitié entre lesdits pays, gardant toutefois et entretenant les droits, libertés et privilèges dudit pays, ainsi qu’il a plu, Sire, à vos Prédécesseurs Rois et Ducs de ce pays, tant par les chartes anciennes qu’autrement, de les y maintenir et garder ; et que mondit seigneur le Dauphin jure de le faire également. De quoi, sire, il vous plaira de leur faire dépêcher vos lettres, patentes. Aussi, sire, ils vous supplient très humblement de défendre à tous ceux qui ont pris le nom de Bretagne à cause de leurs mères, de ne plus les porter, et de mettre une particularité aux armes. De plus, sire, ils vous supplient très humblement d’ordonner que ceux qui sont venus de bâtardise porteront dorénavant une barre en leurs armes, leur enjoignant et défendant, sur grosses peines, de n’en user autrement. La Requête ci-dessus a été lue par moi greffier desdits États, soussigné, à haute et intelligible voix, en l’assemblée et congrégation desdits États, et après avoir été entendue, ouïe et consentie sans aucune contradiction, il a été dit qu’elle sera présentée au Roi pour y ordonner selon son bon plaisir. Fait en la congrégation et assemblée desdits États en la grande salle du manoir épiscopal de Vannes le quatrième jour d’Août l’an mil cinq cent trente-deux. Signé : R. de la Chasse, procureur, et J. de Saint-Malon, greffier desdits États.

Après laquelle lecture, nous, considérant que le contenu de ladite requête est juste, raisonnable, utile, commode et profitable audit pays, et considérant le soulagement, repos et tranquillité de celui-ci, et que plus grand bien ne lui pourrait advenir, attendu que ledit pays demeurerait en grande et grosse sûreté, ayant le Royaume de France d’un côté, et la mer de l’autre avec des ports dont les entrées sont dangereuses et difficiles, et qu’ainsi il éviterait les inconvénients et les ruines qui se sont produits jadis ; et considérant aussi que le contenu de leur requête était fondé en droit et en raison ; pour ces causes et autres bonnes considérations qui nous y incitent, de notre certaine science, pleine puissance et autorité, nous avons accepté et eu pour agréable le contenu de la requête, et nous avons déclaré et déclarons que notre dit fils aîné est vrai Duc propriétaire dudit pays et Duché de Bretagne, selon la Coutume par laquelle les aînés succèdent audit Duché, et ce, malgré toutes choses contraires qui pourraient auparavant avoir été faites, connue faites contre la Coutume dudit pays, et sans la connaisance et le consentement des gens de sesdits trois États. Ces choses ainsi faites, nous les avons déclarées et déclarons nulles, et comme telles cassées et révoquées, cassons et révoquons ; et nous voulons, consentons, et il nous plaît, que notredit très cher et très aimé fils aîné, Duc propriétaire de Bretagne, fasse son entrée à Rennes, ville capitale dudit pays, et qu’il y soit reçu et couronné en vrai Duc et Seigneur propriétaire de Bretagne, avec toutes les solennités et autres choses requises qu’il est accoutumé de faire, gardant les louables et anciennes Coutumes dudit pays, et nous réservant, toutefois, l’usufruit et l’administration dudit pays et Duché de Bretagne, à nous laissé par testament par feu de bonne mémoire notre très chère et très aimée compagne Claude de France, Duchesse de Bretagne, unissons et joignons les pays et Duché de Bretagne avec le Royaume et Couronne de France perpétuellement, de sorte qu’ils ne puissent être séparés, ni tomber en divorce, pour quelque chose que ce puisse être. De plus, nous voulons et il nous plaît que les droits et privilèges que ceux audit pays et Duché ont eus jadis, et ont à présent, leur soient gardés et observés sans y rien changer ni innover, dont nous avons ordonné et ordonnons que des Lettres patentes en forme de chartre soient expédiées et délivrées. Et, en outre, nous avons défendu et défendons à toutes personnes, de quelque état, qualité ou condition qu’elles soient, de porter le nom de Bretagne à cause de leurs mères, et aux bâtards de cette maison de porter les armes de Bretagne si ce n’est avec une barre, pour éviter confusion et inconvénient qui pourraient advenir par la suite, et ce, sur peine de confiscation de leurs fiefs. Aussi nous ordonnons par ces présentes à nos aimés et fidèles conseillers, les gens tenant nos cours de Parlement de Paris, de Bretagne, conseil et chancellerie dudit pays, et chambre des comptes de Paris et de Bretagne, et à tous nos sénéchaux, alloués, baillis, prévôts, justiciers et officiers dudit pays, ou leurs lieutenants, de faire lire, publier et enregistrer en leurs cours notre présent édit, afin que nul ne puisse prétendre l’ignorer, et qu’ils le fassent inviolablement observer, et qu’ils punissent sévèrement ceux qui, directement ou indirectement, y porteront atteinte ; car ainsi il nous plaît que ce soit fait, sauf en autres choses notre droit et l’autrui en toutes. Et afin que ce soit toujours chose ferme et stable nous avons fait mettre notre scel à ces présentes. Donné à Nantes au mois d’Août l’an de grâce mil cinq cent trente-deux, et de notre règne le dix-huitième. Par le Roi, usufruitier des pays et Duché de Bretagne, Breton. Publié en la cour de Parlement le 21 septembre 1532, et au conseil de Bretagne lors séant le 8 décembre audit an ».

Nota 2 : Lettre de François Ier préservant les droits de la Bretagne lors de l'Union avec la France : « François, par la grâce de Dieu Roi de France, père et légitime administrateur et usufruitier des biens de notre très cher et très aimé fils le Dauphin, Duc et propriétaire des pays et Duché de Bretagne, à tous présents et à venir, salut. Comme en la présente assemblée des États desdits pays et Duché tenus et assemblés, nous et notre dit fils le Dauphin présents en nos personnes en cette ville de Vannes, lesdits gens desdits États nous ayant très humblement suppliés et requis que, unissant perpétuellement à toujours ce pays et Duché de Bretagne à nos Royaumes et Couronne de France, notre bon plaisir soit de les entretenir, garder et observer dans leurs privilèges, franchises, libertés et exemptions anciennement octroyées et accordés par les Ducs de Bretagne nos prédécesseurs, et dont ils ont toujours joui, tant en, l'état de l'Église, noblesse et peuple dudit pays, qu'en la Justice, villes, lieux et communautés de celui-ci, et de ces privilèges, exemptions, franchises et libertés leur octroyer et concéder nos lettres de confirmation, et sur ce leur impartir nos grâces et libéralité; savoir faisons que nous, voulant et désirant de tout notre cœur gratifier et favorablement traiter des gens desdits trois États, en considération également de l'entière obéissance, singulier amour, loyauté et fidélité qu'ils nous ont toujours portés et portent, et semblablement notre fils le dauphin leur Duc propriétaire, afin qu'en ces loyauté et fidélité ils continuent et persévèrent comme nos bons, loyaux, fidèles sujets, au bien dudit pays et de toute la chose publique de celui-ci, à ces gens des trois États, pour ces causes et autres bonnes et grandes considérations qui nous y incitent, nous avons continué, confirmé, loué, ratifié et approuvé, et par la teneur de ces présentes, de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité Royale et Ducale, nous confirmons, louons, ratifions et approuvons tous et chacun lesdits privilèges, exemptions, franchises et libertés à eux octroyés et concédés, comme il est dit, par nos dits prédécesseurs Ducs de Bretagne, et dont ils ont toujours joui en chacun desdits États, et pareillement au fait et administration de la Justice, villes, lieux et communautés de ces pays et Duché, voulant qu'ils en jouissent dorénavant et par la suite perpétuellement et toujours, ainsi et dans la forme et de la manière qu'ils ont antérieurement bien et dument fait, jouissent et usent encore à présent, réservé toutefois ce que les gens mêmes desdits États nous pourrons requérir être réformé ou changé pour le bien, profit et utilité dudit pays. Aussi nous ordonnons par ces mêmes présentes à nos aînés et fidèles les lieutenant Général et Gouverneur audit pays, présent et à venir, gens tenant notre Parlement et conseil de Bretagne, sénéchaux, alloués, et à tous nos autres justiciers, officiers et sujets desdits pays et duché, que de nos présentes grâces, ratification, approbation et confirmation ils fassent, souffrent et laissent les gens desdits trois États jouir et user pleinement et paisiblement, sans leur faire, mettre ou donner, ni souffrir être fait, mis ou donné aucun trouble ou empêchement contraire; car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit toujours chose ferme et stable, nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes, sauf en autres choses notre droit et l'autrui en toutes. Donné à Vennes au mois d'Août l'an de grâce 1532, et de notre règne le dix-huitième ».

J. DE LA MARTINIÈRE.

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