Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

VANNES AUTREFOIS : L'ILE DE CONLEAU.

  Retour page d'accueil       Retour page "Ville de Vannes"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

 

Conleau est un des quartiers de la ville de Vannes (Morbihan). Il comprend la presqu'île de Conleau qui est une ancienne île du golfe du Morbihan, reliée à la terre ferme par une route-digue depuis 1879.

Vannes (Bretagne) : le Conleau.

I.

M. le chanoine Le Mené, traitant de la guerre civile entre catholiques et protestants, sous Henri III, relate le fait suivant dans son Histoire du diocèse de Vannes, tome II, page 17.

En 1568, le prince de Condé et l'amiral de Coligny se retirèrent à la Rochelle, où ils furent rejoints par d'Andelot et recommencèrent la guerre civile, en s'emparant d'Angoulême et des places voisines.

Le trésor royal était à sec. Le roi s'adressa au pape pour faire une levée extraordinaire sur les biens du clergé.

Pie V, en considération du caractère religieux de cette guerre et dans l'espoir d'une compensation ultérieure, permit, par une bulle du 24 octobre 1568, d'aliéner une partie des biens ecclésiastiques jusqu'à concurrence d'une rente annuelle de 50.000 écus d'or ; c'était un capital d'un million d'écus d'or, somme énorme pour l'époque.

Le diocèse de Vannes fut taxé à 7.401 livres de rente et pour la réalisation de cette somme l'évêque seul dut fournir 800 livres.

Le siège épiscopal était alors occupé par Mgr Jean Fabri ou Le Febvre pourvu de l'évêché par Pie V, le 15 mars 1566.

Au nombre des biens de son domaine temporel se trouvait l'île de Conleau près de Vannes.

Elle fut désignée parmi les immeubles destinés à être aliénés pour se conformer aux prescriptions de la bulle du 24 octobre 1568.

L'île est ainsi décrite dans un acte de 1570 que Mme Maupin a eu l'obligeance de nous communiquer :

Un bois nommé vulgairement le petit bois tailliff de Conleau avec les pâturages y adjassants situé en la paroisse de Saint-Patern, ayant environ 12 journaux [Note : Le journal avait alors une contenance de 48 ares, 62 centiares] de superficie cerné de mer entre le village de Conleau et le manoir de Moréac.

La procédure suivie pour parvenir à l'aliénation de cette île est assez curieuse et mérite d'être en partie signalée d'autant qu'elle s'appliqua sans doute aux autres biens ecclésiastiques situés dans le diocèse et choisis pour être vendus.

Les 15 et 16 juillet 1570, Le Treste, sergent de justice, publie, proclame et affiche que la vente de l'île se fera au plus donnant et dernier enchérisseur, au denier 24 de l'évaluation et après que cette évaluation aura été faite par les priseurs nobles : Messires Guy de Lantivy sieur de la Haye-Dréan, Georges Bardoul sieur de la Ville-Picaud, Pierre de Courcelles sieur du Prat et Jehan Juhel marchand juré, tous les quatre assignés et convoqués, leur expertise terminée, pour le 12 août suivant, à l'auditoire du présidial.

Ce jour venu, le sénéchal leur fait prêter serment de dire la vérité ; puis, séparément enquis, ils attestent évaluer chaque journal 30 sous de rente, ce qui faisait pour l'ensemble de l'île, d'une étendue de 12 journaux, 360 sous de rente ou 18 livres de rente, la livre valant alors 20 sous.

Étant admis, d'autre part, qu'il fallait aussi 20 livres de capital pour constituer une rente d'une livre, l'île, au dire des experts nobles, valait 360 livres de capital, à laquelle somme il y avait lieu d'ajouter le denier 24 ou un 24ème en plus, c'est-à-dire 15 livres, pour fixer la mise à prix, soit 375 livres.

Le sénéchal demande si, à ce prix, il y a acquéreur dans l'assistance.

Personne ne répond.

L'adjudication est alors remise à quinzaine après nouvelles bannies et publications et aussi et affiches apposées contre la « principale porte de l'Église Mr Saint-Pierre et au passé (à l'entrée) de l'auditoire dudit Vannes ».

Le samedi 26 août 1570 l'auditoire est, cette fois, assez garni de monde. On y remarque notamment M. Rolland Vincent représentant l'évêque et le procureur du roi, car l'évêque tenait l'île du roi en fief amorti.

En ouvrant les enchères le sénéchal demande, comme il y a quinze jours, s'il y a acquéreur. Un certain nombre de compétiteurs se présentent et après plusieurs enchères, la chandelle éteinte, Messire Jacques de Bogar est déclaré adjudicataire pour la somme de 403 livres.

Et aussitôt Messire de Bogar déclare avoir acquis au nom de sieur Guillaume Lechet présent et qui accepte pour la somme de 403 livres.

Voilà donc l'île qui passe, en 1570, du domaine temporel de l'évêché aux mains de Guillaume Lechet.

Plus tard, on ne sait exactement à quelle date, ce même Lechet la vend à Messire Jean Morin, sieur de Vieille-Vigne. A la mort de celui-ci elle échoit par succession, dès la première moitié du XVIIème siècle, à Messire Renaud Le Gouvello, seigneur de Keriaval, conseiller du roi à la Chambre des Comptes de Bretagne.

La famille Le Gouvello de Keriaval, qui était propriétaire de la terre noble du Petit-Conleau et de diverses métairies et tenues dans le voisinage, annexe l'île à la réserve ou pourpris du manoir, tout proche.

Agnès, fille d'Armand Le Gouvello et petite-fille de Renaud et de Perrone Carré, épouse en 1711, à l'âge de 22 ans, Georges de Servaude, seigneur de la Ville-ès-Cerf, en Plélan, évêché de Saint-Malo, et lui apporte en dot la terre noble du Petit-Conleau avec l'île y annexée et qui reste la propriété de la famille de la Ville-ès-Cerf jusqu'à la révolution où elle est vendue comme bien d'émigré.

Tel est le résumé de ce qu'il a été possible de découvrir au sujet des propriétaires de l'île de Conleau depuis l'an 1570 jusqu'à la fin du XVIIIème siècle.

Voici ce qu'elle devint dans la suite.

***

Après avoir fait l'objet de différentes ventes au commencement du siècle dernier, l'île est acquise par la famille Thubé, de Nantes.

Le 2 juin 1829, M. Pierre Louis Thubé afferme, suivant bail emphytéotique et pour 99 ans, [Note : L'emphytéose est un contrat par lequel un propriétaire concède, pour longues années, la jouissance d'un immeuble, moyennant une redevance annuelle, à la charge par le preneur, qu'on appelle emphytéote, d'exécuter des constructions, défrichements ou autres travaux ayant pour effet d'améliorer le fonds. D'après la loi de 1790, le bail emphytéotique ne peut pas être fait pour plus de 99 années ou pour plus de trois générations. Le code Napoléon ne s'est pas occupé de l'emphytéose, mais il ne l'a pas interdit, d'où il suit que ce contrat est licite. Dict. de Dupiney de Vorepierre] une portion de l'île d'environ 4 ares à MM. Pierre Marie et Jean Marie Dupuis, constructeurs de navires demeurant à Vannes, moyennant une redevance annuelle de 100 francs et les impôts.

Le 2 décemhre 1851, M. Gustave de Lamarzelle achète de M. Pierre Marie Dupuis et des héritiers de Jean Marie Dupuis leurs droits au bail emphytéotique en cours ainsi que les bâtiments par eux édifiés sur la partie de l'île objet du bail.

Enfin, le 11 novembre 1876, MM. Rouillé et Pavot se rendent acquéreurs de la totalité de l'île, moyennant 11.000 francs pour M. Amédée Thubé, fils de Pierre Louis, et 8.000 francs pour M. de Lamarzelle.

La somme de 8.000 francs pour M. de Lamarzelle qui n'était que locataire, nouvel emphytéote, paraît relativement élevée en regard de celle de 11.000 francs pour M. Thubé, propriétaire de toute l'île. Mais il y a lieu de remarquer que le droit au bail emphytéotique acheté par M. de Lamarzelie de la famille Dupuis, en 1851, n'avait pas pris fin en 1876 et loin de là, puisqu'il restait encore à courir 52 années et aussi que M. de Lamarzelle, après MM. Dupuis, avait élevé des constructions sur la partie louée de l'île.

***

A partir de cette date, 1876, Conleau change d'aspect et de destination. De propriété privée, en grande partie négligée, délaissée même, elle va devenir un but de promenade et une sorte de petite station balnéaire pour la population vannetaise.

C'est que l'un des co-propriétaires, M. François Marie Rouillé, un vannetais ayant l'amour de son pays natal et possesseur d'une certaine fortune, méditait les plus vastes projets pour la prospérité de sa petite patrie.

Il voulut tout d'abord doter les familles de ses concitoyens de divers agréments dont il avait pu ailleurs goûter les avantages et apprécier tout le charme.

L'île avant lui n'était accessible par voie de terre, à marée basse, qu'au moyen de grosses pierres placées les unes à la suite des autres et qu'on enjambait difficilement au risque de tomber dans la vase. A marée haute, la plate de Chariot, seul habitant de l'île qu'il fallait s'époumonner à héler, était indispensable.

Pour remédier à ces inconvénients le premier soin de M. Rouillé fut de construire une digue reliant l'île au continent et précédée d'un chemin d'accès côtoyant le rivage le long de la grande prairie au midi du village du Petit-Conleau.

Plus tard, à l'aide d'une chaussée, avec écluse, élevée en face de Moréac, il créa une retenue d'eau qu'il aimait à appeler « le petit lac salé » où il était possible à quiconque de se baigner à toute heure de marée et, ce qui plaisait beaucoup aux familles, sans danger pour les enfants en raison de son fond uni et de ses eaux toujours calmes et peu profondes.

D'autres travaux suivirent : construction de cinq ou six chalets pour être loués aux familles désireuses de passer une partie de la belle saison dans l'île ; établissement d'une estacade en bois à la pointe sud-est [Note : Là où se trouve aujourd'hui la belle cale construite par les Ponts-et-Chaussées] pour permettre aux personnes arrivant en bateau de débarquer à toute heure.

Si ce que disent les journaux de l'époque est vrai, n'avait-il pas rêvé, M. Rouillé, de faire de son île un petit Dinard avec avant-port relié au port de Vannes par une voie ferrée sur une nouvelle digue joignant Conleau à la pointe dite des émigrés [Note : Aucun émigré n'a été fusillé à cet endroit] et empruntant ensuite le chemin de halage pour gagner le Pont-Vert, puis la ville.

Mais s'élevèrent bientôt des difficultés de toutes sortes qui mirent un terme à ses projets et à sa bonne volonté. Découragé, déjà d'un certain âge, il renonça à continuer son œuvre et, par acte du 29 septembre 1885, il céda à M. Pavot tout ce qui lui appartenait dans l'île.

Ici doit s'arrêter pour nous l'histoire de la transformation de l'île de Conleau.

Vannes (Bretagne) : le Conleau.

 

II.

Nous allons maintenant traiter de faits, intéressants croyons-nous, qui s'y rattachent.

En 1888, M. Pavot, en aplanissant dans l'enceinte des chalets un terrain inculte, mit à jour, à une profondeur d'environ 80 centimètres, un carrelage vernissé en place sur le sol et en bon état de conservation.

La construction dont ce carrelage ornait le rez-de-chaussée avait une superficie de près de 110 mètres carrés, non compris les contreforts extérieurs, et affectait la forme d'un rectangle de 14m 50 sur 7m 50.

Au nombre des briques constituant le carrelage les unes représentent des fleurs ayant un certain rapport avec des roses, les autres des rayures semi-circulaires, quelques-unes des fleurs de lys.

Nous avons eu en mains plusieurs de ces carreaux et, en les comparant avec les dessins de carreaux de diverses époques donnés par Viollet-le-Duc dans son « Dictionnaire de l'architecture », il a été possible de reconnaître qu'ils dataient du XIIIème siècle.

Il faut ajouter qu'à l'endroit de la découverte, au-dessus du carrelage encore en place, existait un amas de décombres considérable, composé en grande partie de carreaux également vernissés et qui devaient provenir d'un autre carrelage ayant appartenu à un étage supérieur.

Il y avait donc là une assez vaste demeure somptueusement décorée. Ce ne pouvait être qu'un manoir destiné à abriter un personnage important et jouissait d'une grande aisance. Les quelques manoirs nobles, qui pouvaient exister à cette époque aux environs de Vannes, étaient sans doute loin de présenter un pareil luxe.

Or, on trouve dans dom Lobineau (Preuves 11-397) un acte de l'évêque de Vannes, Cadioc, donnant son consentement à la fondation de l'abbaye de Prières et finissant par ces mots : Datum apud Conleu, in die Epiphaniae, anno gratiae M. C. C. L. [Note : Donné à Conleau, le jour de l'Epiphanie, l'an de grâce M. C. C. L.].

Il ne peut évidemment s'agir ici que de l'île de Conleau, dépendance de l'évêché jusqu'en 1570, d'autant que les manoirs du Petit-Conleau et du Grand-Conleau n'ont jamais fait partie du domaine temporel des évêques de Vannes.

Il n'est donc pas téméraire d'aftirmer que les ruines aux riches carrelages du XIIIème siècle, découvertes par M. Pavot, ne sont autres que celles de la maison de campagne des évêques de Vannes, maison de campagne remplacée dans la suite par le manoir qu'ils firent édifier à Kerango, en Plescop.

***

Quelques menus faits maintenant, non plus du temps du bon vieux Vannes, mais d'il y a seulement cent ans.

On se souvient que, suivant bail emphytéotique du 2 Juin 1829, les frères Dupuis, constructeurs de navires à Vannes, avaient loué de M. Pierre Louis Thubé une petite portion de l'île de Couleau et élevé sur ce terrain quelques édifices, le tout pour y exercer leur industrie, chose surprenante aujourd'hui, mais qui s'explique.

En ce temps-là le chemin de fer n'existait pas. Le trafic sur les côtes se faisait surtout par voie de mer et, la navigation étant très pratiquée, la construction de petits navires tels que lougres, chasse-marée, goëlettes, bricks était devenue à Vannes une industrie extrêmement florissante. Cette prospérité était due aussi à l'abondance du bois d'œuvre à proximité ainsi qu'à la renommée des chanvres de la région pour la fabrication des cordages et des toiles employées à la voilure.

Si on ajoute qu'il y avait ici, les actes de l'état civil en font foi, nombre de scieurs de long, de charpentiers, de forgerons et aussi de cordiers, de poulieurs, de voiliers, demeurant la plupart à Calmont-haut et à Calmont-bas, actuellement rues de Séné et du Commerce, on comprendra qu'il était possible d'armer complètement et prêts à prendre la mer les navires sortant des chantiers de Vannes.

Il arriva même un moment où les chantiers ne furent plus assez nombreux ou assez spacieux sur les rives du port [Note : Il n'existait alors que très peu de quais ; il n'y en avait pas notamment du côté de Calmont-bas] pour donner satisfaction, en temps voulu, aux demandes pressantes des capitaines de la marine marchande, si bien qu'on fut obligé de s'éloigner de la ville et d'aller construire au Pont-Vert, sous Larmor, à Conleau et même jusqu'à l'Ile-aux-Moines [Note : Au dire de M. le capitaine Praud, le chantier de l'Ile-aux-Moines se trouvait dans l'anse du Lairio, près du Grand-Pont].

D'après Amédée de Francheville, qui a collaboré à la seconde édition du dictionnaire d'Ogée, paru en 1843, le nombre de navires commandés par les seuls capitaines de l'Ile-d'Arz s'élevait à 58, savoir: 1 trois-mâts, 6 bricks, 3 goélettes, 48 lougres ou chasse-marée.

Travaux de construction et de réparation ne manquaient donc pas aux constructeurs de navires et il n'y a rien d'étonnant à ce que les frères Dupuis aient songé à installer de nouveaux chantiers à l'île de Conleau.

La forme des navires marchands d'alors était bien différente de celle des navires de commerce construits plus tard.

Nous possédons un marché intervenu le 23 décembre 1833 entre Paul Le Fol, neveu, et le capitaine au cabotage Joseph Guillouzic.

Il s'agit, dans cet acte, de la construction, moyennant onze mille francs, quatre louis de chapeau (de gratification) et une barrique de vin rouge de Bordeaux, pour la coque seule, d'un chasse-marée de 16 mètres 66 de longueur de quille, de plus de 6 mètres de largeur au maître-bot (à la plus grande largeur) et de 2 mètres 66 seulement de profondeur de cale.

Quelle différence de forme avec les voiliers d'à présent, les terre-neuvas par exemple, si effilés et très calants d'eau ! Le chasse-marée du capitaine Guillouzic, construit à Vannes en 1833, avait une largeur qui atteignait plus du tiers de sa longueur et sa profondeur était relativement faible.

Joufflu, ventru, véritable tausse-mer (terme de dérision chez les marins) il était incapable de vitesse mais, en revanche, pouvait en pleine charge entrer sans difficultés dans les ports envasés comme le nôtre.

***

Il a été dit au début de cette petite étude que les experts nobles chargés, en 1570, d'évaluer l'île de Conleau en vue de sa vente aux enchères, avaient déclaré que sa superficie était de 12 journaux, soit de 5h 83a 44c le journal équivalant alors à 48a 62c. Or, d'après la matrice cadastrale, cette superficie n'était plus en 1843 que de 4h 44a 50c d'où une différence en moins de 1h 38a 94c. Comment expliquer cette diminution ?

Il a été souvent parlé ici même des empiètements de la mer sur les îles du golfe et sur le littoral qui en forme comme la ceinture.

Le Dr de Closmadeuc, dans une étude très remarquée, intitulée Le cromlech d'Er-Lanic et le golfe du Morbihan, étude parue dans le Bulletin de la Société Polymathique, année 1882, a longuement et très savamment traité la question en ce qui concerne l'état du golfe avant notre ère et au commencement de notre ère. Il établit que le golfe n'existait pour ainsi dire pas à l'époque dite celtique et que même à l'époque romaine il était loin, bien loin, d'avoir l'étendue et la configuration actuelles. Il attribue ce phénomène tant à l'affaissement du sol qu'à l'érosion.

Eh bien, depuis l'époque romaine l'agrandissement de la nappe d'eau n'a pas subi d'arrêt.

Après le Dr de Closmadeuc, M. le chanoine Le Mené, dans son Histoire des Paroisses, à propos de l'île d'Ilur, a mis en lumière certains faits des plus intéressants.

Voici comment il s'exprime :

Ilur n'est plus aujourd'hui qu'un îlot du Morbihan situé entre l'Ile-d'Arz et la côte de Sarzeau, mais quand on l'examine à marée basse on voit qu'il tient encore au continent par une plaine vaseuse. Les îlots d'Iluric, de Godec, de Tascon et de Baléran (d'après le cadastre ; Bailleron d'après les cartes marines) sont les points saillants d'un sol qui a été envahi par la mer dans ses parties basses.

..... L'île d'Ilur actuellement n'a qu'un village qui compte une vingtaine d'habitants ; il n'y a pas là de quoi constituer une paroisse et pourtant Ilur a été jadis une paroisse et une très ancienne paroisse.

Et l'érudit chanoine explique ce qui s'est produit :

Son érection en paroisse n'a pu avoir lieu que lorsqu'il y avait là une population assez considérable et une superficie assez étendue. Or, ces deux conditions n'ont pu se rencontrer que lorsque Ilur faisait partie du continent de Rhuys.

De là se dégage une autre certitude. L'érection d'Ilur en paroisse est nécessairement postérieure à la création du diocèse de Vannes en 485, c'est-à-dire qu'au Vème et au VIème siècles Ilur n'était pas encore séparée du continent.

Au XIème siècle, quand Sarzeau remplace Ilur sur la terre de Rhuys, la séparation était déjà consommée. Désormais, en raison des envahissements de la mer, cette antique paroisse ira toujours en diminuant jusqu'à sa suppression définitive en 1615.

Le fait de la diminution de l'île de Conleau de près d'un hectare et demi en l'espace seulement de 273 ans, c'est-à-dire entre les années 1570 et 1843, vient à l'appui des très curieuses et peu rassurantes constatations de M. le chanoine Le Mené.

Faut-il en ajouter d'autres ?

La liasse 11 de la série G des archives départementales du Morbihan contient deux évaluations établies en 1575, l'une pour l'ile d'Iluric et l'autre pour l'île Godec qui, comme Conleau, dépendaient du domaine temporel de l'évêché.

Iluric avait alors une contenance de 12h 43a 50c.

En 1852 elle n'avait plus, d'après la matrice cadastrale, que 9h 90a 75c.

Différence en moins 2h 52a 75c.

Godec avait également en 1575 une contenance de 10h 08a 86c.

Elle n'avait plus en 1828, toujours d'après la matrice cadastrale, que. 7h 66a 39c.

Différence en moins 2h 42a 47c.

En supposant que la conquête de la mer continue à la même allure, on peut prévoir la disparition totale de ces deux îles à des époques déterminées mais heureusement encore lointaines.

Et pourtant si l'érosion venait à s'accentuer, et cela est à craindre, elle pourrait, même sans tenir compte d'autres causes possibles comme l'affaissement, avancer à elle seule le moment de leur disparition.

Il ne faut pas perdre de vue en effet que le goulet de Port-Navalo, du fait de la violence extrême des courants, soit que la mer monte, soit que la mer descende, s'élargit sans cesse et laisse pénétrer chaque jour, sans qu'on s'en aperçoive, une masse d'eau plus considérable qui peu à peu désagrège nos côtes. Cette désagrégation s'accroît à l'époque des grandes marées et, s'il arrive qu'une tempête du sud-ouest coïncide avec une de ces grandes marées, sous l'action du vent, l'eau s'engouffre, pénètre encore davantage dans le golfe. Les vagues soulevées battent furieusement les côtes et en détachent, par endroits, quantités de terres et de roches friables qui, diluées et entraînées par les eaux s'en vont, le calme revenu, augmenter la couche des vases déjà si épaisse et qui s'étend de plus en plus.

Cette usure, ces ravages sont constatés presque chaque année sur les rives du golfe et même en deça du goulet de Conleau en face des villages de Rosvellec, de Kerbourbon, d'Arcal, de Larmor, de Kerino en la commune et tout près de Vannes.

Et, si quelqu'un se propose d'acheter en bordure du golfe une parcelle de terre, il fera bien de ne pas se fier pour la contenance aux indications de la matrice cadastrale qui remonte déjà à près d'un siècle. Il évitera ainsi un mécompte possible car, depuis un siècle, la mer s'est avancée et a gagné du terrain presque partout.

(Etienne RAUT et Léon LALLEMENT).

 © Copyright - Tous droits réservés.