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Les anciens Calvaires-Autels de la région de Vannes.

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Je viens vous parler des vieux calvaires-autels de granit de Vannes et de sa banlieue. J'élargirai même un peu l'aire de cette banlieue.

Au point de vue de leur destination, les calvaires-autels se divisent en deux groupes.

Ceux situés dans les cimetières entourant les églises et les chapelles, étaient dits dans mon enfance croix hosannières, parce qu'on s'y rendait en procession le dimanche des Rameaux, portant à la main des branches de buis, de romarin et de laurier, et chantant l'Hosanna filio David.

Les autres, plus éloignés, et parfois dans un endroit désert, s'appellent, en langage liturgique, croix ad faciendam litaniam. Le mot litanie, dérivé du grec, avait primitivement le sens de supplication, prière ; mais, dès les premiers siècles de l'Eglise, il a été pris dans une acception restreinte, celle de supplications solennelles en cas de calamités publiques ou de pressants dangers ; ces supplications étaient accorapagnées de jeûne, de mortifications, et souvent de processions auxquelles, par métaphore, on donnait aussi le nom de litanies. Les processionnaires alternaient la récitation du chapelet avec le chant des psaumes et des litanies des saints ; ils priaient de toute leur âme, avec des appels enflammés d'espérance et de foi ; c'était, les larmes et les gémissements dans la voix, qu'ils accentuaient certaines invocations : « A peste, fame et bello, libera nos, Domine ».

Les croix ad faciendam litaniam étaient les stations de ces processions de pénitence.

Bien qu'utilisés parfois aux Rogations, la plupart des calvaires-autels vannetais étaient considérés comme croix hosannières, seuls, ceux de Ranuec et de Montsarrac sont regardés comme d'anciens calvaires ad faciendam litaniam ; la messe se disait à ces croix, et on prêchait près d'elles.

Au point de vue de l'âge, les calvaires-autels se divisent aussi en deux catégories : ceux du XVème siècle et ceux du XVIème siècle; se distinguant entre eux par le médaillon du sommet.

Au XVème siècle, et, par extension, au début du siècle suivant, le contour du médaillon consiste en un quatrefeuille aux lobes arrondis, qu'on appelle vulgairement trèfle à quatre feuilles. Contrairement à l'opinion de quelques iconographes qui regardent ce contour comme l'une des formes de l'auréole mystique enveloppant la divinité du Christ et la haute sainteté de la Vierge, je ne vois là qu'une appropriation aux calvaires du médaillon quadrilobé à bas reliefs si fréquemment employé dans la décoration des églises de l'époque ogivale.

Au XVIème siècle et dans les premières années du XVIIème siècle, le sommet du calvaire présente quatre faces rectangulaires, couronnées par des pignons à rampants droits ou légèrement arqués, ou par des arcs en accolade avec dais ; c'est ce genre de croix que M. le chanoine Buléon qualifie du joli nom de bannière de granit et que le poète Venance Fortunat, par allusion aux drapeaux à traverse horizontale de la cavalerie romaine, eût sans doute appelé lapidea, vexilla regis, les étendards de pierre du Christ roi :

Les seuls calvaires-autels du XVème siècle de Vannes et de ses environs sont celui du cimetière de Vannes et celui de Saint-Avé d'en bas ; il en existe quelques autres dans le Morbihan, à Caden, Larvé, Saint-Servan et Saint-Marc en Pleucadeuc, sur la hauteur dominant Malestroit.

Les calvaires-autels du XVIème siècle et du commencement du XVIIème siècle de la banlieue de Vannes sont ceux de Saint-Avé d'en haut, de Saint-Colombier en Saint-Nolff, de Ranuec, de Montsarrac, de Bizole et du Rohic ; on en rencontre, un certain nombre dans le département.

Dans, l'examen de ces monuments, tous à l'est de Vannes, je suivrai l'ordre chronologique, sauf pour le calvaire de Montsarrac, que j'étudierai à la suite de ceux de Saint-Colombier et de Ranuec, dont il procède.

Au XVème siècle, et quelquefois au début du XVIème Siècle, chaque partie de la croix, sommet, colonne et base, est sculptée ou ornée de statues. Au XVIème siècle, le sommet abandonne ses quatre lobes pour la forme quadrangulaire, mais le fût et le socle ont peine à quitter leurs sculptures, qu'ils gardent jusqu'au milieu du siècle, en les simplifiant peu à peu.

Le caractère propre du médaillon de vos calvaires, c'est d'offrir à la vue des surfaces intérieures pleines au lieu de surfaces ajourées dégageant le contour des sujets ; le nombre de surfaces se trouve augmenté, mais l'ensemble perd en légèreté et en élégance.

On ne connaît d'une façon certaine ni la genèse ni le motif d'érection de chacune de ces croix ; deux d'entre elles, d'après les indications fournies par l'édifice lui-même, semblent provenir des largesses de généreux bienfaiteurs.

Un seul des monuments est signé, celui de Ranuec : et encore ignore-t-on si la signature est celle du constructeur ou celle de l'ymagier.

 

Calvaire du cimetière de Vannes.

D'où vient ce calvaire, probablement le plus ancien de Vannes et de la banlieue, et qui, par son quatrefeuille, date du XVème siècle ? Le cimetière qui l'abrite aujourd'hui était encore au XVIIIème siècle la prairie du Bois-Moreau, et elle ne fut transformée en champ des morts qu'en 1791, époque de la suppression des autres nécropoles de Vannes.

Suivant certaines gens, le calvaire serait la croix hosannière d'un cimetière intra-muros, peut-être celle du cloître de la cathédrale, dont la confection est mentionnée sur les comptes du chapitre pour 1494. — Selon d'autres, ce serait la croix du cimetière de Saint-Patern ; et au moment du Tro Breiz ou pèlerinage des sept saints de Bretagne, lorsque la foule des fidèles était trop considérable, la messe se disait en plein air, sur l'autel du calvaire.

Le monument a cinq mètres d'élévation ; il n'a plus ses gradins qui, lors de la translation, n'ont pas été conservés ; l'autel est juxtaposé au piédestal. Sur ce piédestal se dresse la croix, composée d'un socle ou base quadrangulaire à panneaux sculptés en relief, d'une colonne également sculptée et du sommet en quatrefeuille.

Les panneaux de la base interprêtent, mais d'une façon moins parfaite, les mêmes scènes que le beau calvaire de Saint-Marc en Pleucadeuc : la descente de croix, Jésus au tombeau, la résurrection et le Descendit in infernas. Tandis qu'à Saint-Marc les panneaux sont encadrés à droite et à gauche par des colonnes engagées, ils sont ici encadrés par de vilains ornements spiriformes en réduisant la surface et portent à chaque angle supérieur une tête d'homme grossièrement sculptée.

Dans la descente, de croix, un personnage soutient les bras du Sauveur, tandis qu'un autre empêche les jambes de toucher terre.

Dans Jésus au tombeau, un ange, aux ailes étendues, attend le réveil du Christ couché sur son sarcophage ; — le moyen âge fait presque toujours du tombeau du Christ un sarcophage, contrairement au récit évangélique qui parle d'un sépulcre taillé dans le roc, in monumento quod exciderat in petra, et devant l'entrée duquel on avait roulé une grosse pierre « Et advolvit saxum magnum ad ostium monumenti ».

Dans la résurrection, le Christ sort du tombeau, les avant-bras levés ; cette scène est traitée d'une manière naïve, même triviale : on dirait un magot de la Chine ou du Japon.

Dans le Descendit in infernos, les limbes sont symbolisés, comme du reste à Saint-Marc, à Questembert et à Saint-Colombier, par la gueule béante d'un crocodile, d'où sortent, à la voix du Christ, les justes de l'ancienne loi.

Les personnages de ces scènes sont peu nombreux, sculptés d'une façon rudimentaire et n'ont de valeur que par leur archaïsme ; on dirait que l'ymagier s'est inspiré des panneaux de Saint-Marc ; mais qu'il y a loin du modèle !

La colonne du calvaire est octogone, et ses pans, de deux en deux, sont décorés de guirlandes et de crochets ou feuilles recourbées ; à la base du fût se trouvent, sous frontons à colonnettes, quatre personnages dont l'un est sainte Catherine d'Alexandrie avec la roue de son supplice ; et un autre, un évêque — saint Patern, aux dires des gens qui considèrent le calvaire comme l'ancienne croix de la paroisse Saint-Patern — sainte Catherine était très honorée dans cette paroisse, où elle avait une chapelle près de l'église.

Sur les pans du modeste chapiteau octogone on aperçoit, de deux en deux, sculptés en relief, des coeurs enflammés, symbole de l'amour de Jésus-Christ se sacrifiant pour les hommes ; mêmes emblèmes sur le haut de l'arbre sacré qui émerge quatrefeuille.

Le quatrefeuille présente d'un côté Jésus mourant sur la croix, avec, au pied de la croix, sa mère et l'apôtre saint Jean ; de l'autre côté Notre-Dame de Pitié, et plus bas, deux orants qui doivent être les donateurs du calvaire, représentés, suivant la coutume, dans l'attitude de la prière.

Les sculptures de la partie inférieure du fût et celles du socle sont dévorées par la mousse, et s'effritent sous l'action des agents atmosphériques et de l'humidité causée par l'ombrage des grands arbres.

Le calvaire, privé de plate-forme et de gradins, et serré de près par les tombes qui l'avoisinent, est trop au ras du sol et manque de grandeur et de dégagement ; sa façade principale est masquée et son autel est inutilisable par suite de l'érection du mausolée de Mgr de la Motte, évêque de Vannes, dont la grille touche presque à l'autel et en interdit l'abord.

 

Calvaire de Saint-Avé d'en bas.

Le second calvaire-autel du XVème siècle est celui de Saint-Avé d'en bas, à une lieue de Vannes.

La jolie chapelle près de laquelle il est placé, est sous le vocable de la Mère de Dieu ; on n'y a jamais honoré un saint Avé ou une sainte Avé, qui sont des saints apocryphes. L'église du bourg d'en haut a pour patron saint Gervais et saint Protais, martyrs, — et la chapelle de Saint-Avé d'en bas a été édifiée en l'honneur de Notre-Dame de l'Annonciation ou du saint Avé [Note : En breton de Vannes, on prononce sent Evé ; corruption de la forme française] ; la scène de la Salutation Angélique occupe le panneau d'honneur, du calvaire, — et, dans la chapelle même, elle figure en haut relief sur un retable de pierre du transept nord.

Le calvaire a sa façade principale et son autel tournés vers la route, c'est-à-dire à l'ouest. Son piédestal, auquel est juxtaposé l'autel à table débordante, s'élève sur une plate-forme à laquelle on accède par quatre gradins.

Calvaire de Saint-Avé d'en bas (Bretagne).

La croix qui se dresse sur ce piédestal se compose du socle, du fût avec son chapiteau et du sommet en quatrefeuille.

Le socle quadrangulaire présente en relief, dans le panneau ouest, sous arcature cintrée, la scène de l’Annonciation. L’ange Gabriel, à genoux, tient en mains un phylactère sur lequel étaient écrits ces mots, aujourd’hui effacés, Ave gratia plena ; la Vierge est en prière et, entre la Vierge et l'ange, il y a, dans un vase, un lys, emblème de la pureté virginale. Sur les autres panneaux on voit, sous arcatures plein cintre, divers personnages parmi lesquels je devine, au midi, sainte Catherine, — à l'est, saint Jean-Baptiste et saint Jacques le Majeur, — au nord, saint Pierre et saint Paul. Le mauvais état des autres statues, ne m'a pas permis de les identifier.

Le fût du calvaire a 1m. 10, y compris, un chapiteau octogone mouluré ; il porte lui-même une grosse moulure ou bague à 30 centimètres du socle, et, au-dessus, il est orné de crochets.

Le quatrefeuille offre aux regards : du côté de la route, le crucifiement avec la Mater dolorosa et saint Jean au pied de la croix ; et de l'autre côté, la Vierge à l'enfant, entourée de quatre anges dont les deux d'en haut jouent du biniou, et les deux, d'en bas, balancent des encensoirs.

La hauteur du monument, piédestal compris, est de 3m. 60.

Je le date des dernières années du XVème siècle ou même des premières années du XVIème ; car il a été érigé dans le cimetière de la chapelle de Saint-Avé d'en bas, qui ne fut terminée qu'en 1494, ainsi que le constaté une inscription gravée sur l'une des sablières de la nef.

 

Calvaire de Saint-Avé d'en haut.

Ce monument se trouve dans le cimetière. Je le considère, en raison de son fût à personnages et des panneaux à relief de son socle, comme l'un des plus anciens calvaires du XVIème siècle des environs de Vannes. Il ne diffère de ceux du siècle précédent que par son sommet qui, au lieu d'être en quatrefeuille, a la forme d'une boîte ou parallélipipède surmonté de pignons à rampants droits et dépourvus d'ornements.

La face de devant représente le Christ en croix, et, au pied de la croix, sa mère et saint Jean ; c'est du reste la manière ordinaire aux XVème et XVIème siècles de reproduire la scène de la mort du Sauveur.

Sur le revers, la Vierge est debout portant l'enfant Jésus ; deux anges à genoux les encensent ; le bambino, d'un geste gauche, cherche à saisir une pomme dans la main de sa mère. L'image d'une Vierge à la pomme figure aussi sur le rétable en haut relief du transept nord de la chapelle de Saint-Avé d'en bas, et on la rencontre dans un certain nombre de vieilles églises bretonnes ; le pieux sanctuaire de Saint-Vénec (Finistère) possède une statue de pierre de la Vierge allaitant le divin enfant et tenant une pomme dans sa main droite.

Sur les faces latérales du sommet du calvaire, se trouvent, d’un côté, le Précurseur, de l'autre, l'apôtre saint Pierre.

Le monument était jadis plus élevé, et la colonne n'est que la partie inférieure de l'ancien fût ; elle est trop grosse pour bien s'harmoniser avec le sommet ; elle est revêtue de moulures et de sculptures et porte sous pignons à colonnettes quatre personnages, dont sainte Catherine avec sa roue et saint Jacques avec son bourdon de pèlerin.

Le socle quadrangulaire n'à que trois panneaux en relief, le quatrième, qui était celui de derrière, n'ayant jamais été sculpté.

Sur l'un des panneaux de côté, l'archange saint Michel, armé de la croix, terrasse le démon sous forme de serpent.

Sur l'autre côté on voit un saint religieux bénissant de la main droite et tenant la main gauche sur sa poitrine.

Sur le panneau de devant, sainte Marguerite d'Antioche émerge du dos d'un dragon, symbole du diable dont elle a triomphé ; ce sujet, souvent traité dans les calvaires morbihannais et finistériens, figure de la même manière sur l'un des rétables de la chapelle de Saint-Avé d'en bas. Trois des angles du large socle portent des têtes d'hommes à la partie supérieure ; le quatrième est orné d'une tête de chien tenant dans sa gueule le tibia d'un mort.

Le monument, qui semble avoir été en partie brisé au moment de la Révolution, reposait jadis sur un piédestal juxtaposé à l'autel ; aujourd'hui il repose sur ce qui fut l'autel, le piédestal ayant été supprimé lors d'une restauration assez récente. Malheureusement aussi à cette époque on a interverti l'ordre des façades du sommet, et le sujet principal de tout calvaire, le Crucifiement, se trouve aujourd'hui du côté où le socle manque de panneau sculpté.

Je souhaite qu'un jour le calvaire retrouve, sinon son premier piédestal, au moins l'ordre primitif de ses façades.

Cet édifice est l'oeuvre de vrais Bretons, sans aucun doute ; parmi les personnages du fût et du socle figurent sainte Marguerite, sainte Catherine et Monsieur saint Michel, les inspirateurs de Jeanne d'Arc, ceux dont elle écouta les voix. C'est à la haine des Anglais qu'il faut attribuer la représentation si fréquente de ces trois saints sur les vieux calvaires et dans les vieilles chapelles de la Bretagne.

Les motifs décoratifs de ce calvaire semblent avoir été en partie inspirés par les sculptures de la chapelle et du calvaire de Saint-Avé d'en bas.

 

Calvaire de Saint-Colomban en Saint-Nolff.

Saint-Colombier est une déformation des mots Saint-Colomban, déformation existant aussi dans l'appellation de Saint-Colombier, village de la presqu'ile de Rhuys.

On se rend au calvaire de Saint-Colombier en Saint-Nolff par la route de Rennes, qu'on quitte un peu après le sixième kilomètre pour prendre à gauche un chemin de village d'environ un quart de lieue.

Le monument s'élève sur une hauteur, près d'une vieille chapelle, dans un placitre, où les archéologues ont trouvé des vestiges gallo-romains, et d'où l'oeil jouit d'une vue étendue sur la mer du Morbihan.

On accède à la plate-forme du calvaire par quatre marches mesurant ensemble 70 centimètres.

Le calvaire se compose d'un piédestal avec autel à table débordante — et de la croix comprenant un socle, un fût et un sommet.

Le socle est rectangulaire et orné sur ses panneaux de curieux bas-reliefs, supérieurs à ceux du calvaire de Vannes et contenant un plus grand nombre de personnages.

Dans le panneau, à la droite liturgique de l'autel, c'est-à-dire du côté de l'évangile, Jésus porte sa croix ; il est attaché à la même corde que les larrons, corde dont deux soldats tiennent les extrémités; les personnages sont en costume du temps des Valois. — Sur la voie douloureuse, Marie rencontre son fils.

Le panneau de devant, en grande partie martelé en 1793 par des iconoclastes, représentait la Résurrection du Sauveur. L'image du Christ a disparu ; mais dans la partie supérieure du tableau, on aperçoit son bras dont la main tient la croix de la Rédemption. A la partie inférieure, devant le sarcophage, deux gardes gisent à terre, tombés à la renverse. Sur les extrémités du même panneau figurent, — à droite un moine en prière, — à gauche un évêque mitré et crossé.

Le panneau du côté de l'épitre reproduit le Descendit in infernos. Jésus, la croix en main, fait sortir des limbes, symbolisés par une énorme gueule de crocodile, les justes de l'ancienne loi, qui attendaient sa venue. Dans la partie gauche de ce bas-relief il y a trois évangélistes.

Le panneau de derrière représente le départ pour une croisade ; il contient cinq personnages : un moine barbu et quatre guerriers, bardés de fer et armés de la lance, dont trois casqués et le quatrième coiffé d'une toque, un chef peut-être.

Aux angles des panneaux se montrent, sur le devant, un évêque et un moine, — sur l'arrière, un personnage à longue robe et à bonnet pointu avec houpe, que je n'ai pas identifié, — et l'un des évangélistes du tableau du Descendit in infernos, ce tableau débordant sur l'angle du socle.

Le fût actuel du calvaire est, une colonne quadrangulaire de 1m. 80 de haut, empruntée sans doute à une croix plus récente, — et qui a été substituée à l'ancien fût détruit au moment de la tourmente. La nouvelle colonne, par sa forme vulgaire et son volume, jure avec la torsade qui la couronne, et qui, malgré ses belles dimensions, paraît maigre. Cette torsade est taillée dans le même bloc que le sommet.

Le sommet du calvaire est un parallélipipède surmonté de quatre pignons à accolades à peine apparentes, ceux des façades latérales moins élevés que les autres ; sur chaque rampant des frontons principaux, un ange étend ses ailes ; les rampants des frontons secondaires sont nus, mais se terminent par deux crosses, une feuille d'arbre entre les deux ; au-dessus du monument, au milieu des pignons, une croix ancrée.

Les sujets traités sur les faces, et séparés les uns des autres par des colonnettes, sont :

Sur le devant, le crucifiement : le Christ, le regard tourné vers le ciel ; la Vierge et saint Jean au pied de la croix ; anges au firmament.

Sur le revers, Notre-Dame-de-Pitié ayant sur ses genoux le corps de son fils que soutiennent Joseph d'Arimathie et Nicodème ; anges au firmament.

A droite, sainte Marie-Magdeleine avec le vase de parfum.

A gauche, saint Jean-Baptiste, vêtu d'une peau de bête à la tête pendante, et tenant à la main, dans un médaillon circulaire, un agneau, symbole du Christ, emblème de celui dont il avait dit : « Ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccatum mundi ».

Les quatre sujets du sommet de cette croix ont beaucoup de relief : une des colonnes séparant les façades est brisée.

En voyant si outrageusement réparé ce beau calvaire, nous avons été saisis d'indignation, — et je comprends les critiques qui ne font aucune différence entre le vandalisme destructeur et le vandalisme des réparations maladroites. La substitution du gros fût quadrangulaire à l'ancienne colonne est un sacrilège artistique et archéologique. Que dire aussi du remplacement, dans le panneau de la Résurrection, de la tête du Christ par une tête de femme, en pierre ou en stuc, prise je ne sais où, et scellée au ciment ? Ce n'est pas seulement une absurdité, c'est une profanation.

Les réparations à faire aux vieux calvaires, sauf les travaux de simple consolidation, devraient être soumis à l'approbation de l'autorité diocésaine et examinés par une commission compétente. « C'est une chose qui m'effraie toujours, disait, en 1847, M. de Montalembert à la Chambre des Pairs, quand j'entends parler de statues ou de monuments en restauration ».

 

Calvaire de Ranuec.

Le calvaire de Ranuec ou Ranouac, nom breton qui veut dire la Grenouillère et indique sa situation topographique, est placé à un peu plus d'une lieue de Vannes, circuits compris, au sud de la paroisse de Saint-Nolff, dans une lande marécageuse, le long de la voie romaine de Rieux à Vannes.

Calvaire de Ranuec (Bretagne).

Ce calvaire, de 4 mètres de hauteur avec son piédestal, est indiqué ainsi en 1536 par Dubuisson-Aubenay dans son Itinéraire en Bretagne : « La voie descendant dans un marais de cinq cens pas de large, est belle, ferme et acheminée, et a en son milieu une croix de pierre, une lieue de Vannes, entre deux villages situés à veue sur costaux bornans le marais, l'un à droite, l'autre à gauche (Ranuec et Kerbihan). — Au bout du marais, elle courbe sur la gauche et replie à droite, passant le long du bois et du village de Porheu (Le Porho) ».

La chaussée de la voie romaine est encore reconnaissable à de grandes dalles de granit et à quelques margines ou blocs d'accotement ; mais la largeur du chemin a été en maint endroit diminué par les usurpations des propriétaires voisins, et aujourd'hui le calvaire, au lieu d'être au milieu de la route, se trouve sur le côté.

Il se compose : 1° du piédestal et de l'autel juxtaposés auxquels on accède par deux marches ; — 2° d'un socle de 30 centimètres de haut, rond et décoré à la partie supérieure de diverses rainures et moulures, et carré à là partie inférieure, orné de dessins en relief et portant sur la plinthe cette inscription : No : Cuno qui a fet cet † en l. 1587 ; 3° d'un, fût octogone, plus large en bas qu'en haut, et terminé par une belle torsade ; 4° d'un sommet en parallélipipède sous pignons à rampants droits, sauf aux extrémités supérieures qui se recourbent en crosses, feuille entre les deux crosses ; sur le sommet, en dehors des pignons, quatre têtes d'ange, dont trois ont la tête brisée. Les faces du sommet, encadrées par des colonnettes, sont sculptées en relief de scènes identiques à celles du calvaire de Saint-Colombier et sembleraient l'oeuvre du même ciseau.

Malgré son antiquité, le monument de Ranuec est dans un parfait état de conservation, qu'il doit sans doute à son isolement. Devant le bon état de ce calvaire, devant son élégance et ses heureuses proportions, et pour empêcher son exode, nous émettons le vœu qu'il soit classé comme monument historique. A mes yeux, son déplacement serait une faute ; il y a là une ancienne station de pèlerinage, une de ces croix ad faciendam litaniam que les Bretons du moyen âge et de la Renaissance plantaient à dessein le long des voies romaines, de ces chemins pavés dont ils se servaient dans leurs grandes processions de pénitence.

 

Calvaire de Montsarrac.

Lorsqu'au temps de la Ligue, à la fin du XVIème siècle, les Espagnols vinrent au secours du duc de Mercœur, ils établirent à Vannes, au faubourg Saint-Patern la croix Cabello, sur la place qui porte encore ce nom. On prétend qu'ils édifièrent à la même époque le calvaire de Montsarrat ou Montserrec, en souvenir du pèlerinage catalan de Montserrat (la montagne sciée) ; cette origine est douteuse. Quoi qu'il en soit, le nom est exotique ; il n'a rien de breton, et fût-il de formation latine, Mons serratus, il ne faut pas en chercher l'étymologie dans la situation du lieu, qui n'a que 16 mètres d'altitude.

Le calvaire, qui mesure 3m. 50, est érigé en la paroisse de Séné, à 8 kilomètres de Vannes, sur le chemin du passage de Saint-Armel, dans un endroit d'où l'oeil jouit d'une vue magnifique sur la presqu'île de Rhuys et le Morbihan, avec les riantes découpures de ses côtes et ses îles aussi nombreuses, dit-on, que les jours de l'année.

La base actuelle du monument consiste en un vulgaire massif de maçonnerie, carré à la partie inférieure formant piédestal, — plus étroit, circulaire et bombé à la partie supérieure servant de socle à la colonne. Cette colonne, octogone, plus large en bas qu'en haut et un peu courte, (1 mètre environ) aurait, d'après certaines gens, remplacé un fût plus ancien, détruit aux jours sombres de notre histoire ; c'est également de cette époque que daterait la disparition de l'autel.

Le fût, est couronné d'une grosse torsade, support d'un sommet en parallélipipède surmonté de pignons légèrement arqués en contre-courbe, ornés de crosses sur les rampants et terminés par des choux.

Les médaillons, bien que d'une autre facture que ceux de Saint-Colombier et de Ranuec, offrent les mêmes scènes, — avec cette variante que, dans la représentation de saint Jean-Baptiste agnifer, on voit derrière lui, mais plus haut, la tête d'un personnage barbu, le Christ, sans doute, dont Jean était le précurseur.

Je crois ce calvaire, postérieur aux deux précédents : ses sculptures manquent de finesse ; mais elles sont peu altérées, préservées de la mousse et de la désagrégation par les peintures dont, elles sont revêtues, reste ou rajeunissement d'un ancien enduit ; ce mode de conservation du granit a été observé sur plus d'une croix du Finistère.

De calvaires-autels de la banlieue de Vannes, celui de Montsarrac est le seul qui soit peint ; sa peinture est l'un des principaux arguments des archéologues qui attribuent à ce monument une origine espagnole, — en Espagne la couleur s'ajoutant toujours au dessin et à la ligne, — que les statues soient de pierre ou de bois.

Malgré la rusticité de sa base et ses degrés rudimentaires, le calvaire de Montsarrac produit bon éffet dans la champagne découverte.

 

Calvaire de Bizole.

Bizole est à 9 kilomètres de Vannes, sur la route de Questembert, en la paroisse de Treffléan.

La vue de son curieux calvaire, à l'entrée du champ des morts, m'a causé un vif sentiment de tristesse. Si on n'y prend garde, il va mourir : il incline fortement la tête et tombera dans une rafale de vent : Caveant consules, caveant pastor et oves. A l'oeuvre, édiles, recteur et paroissiens de Treffléan ! Un travail de consolidation s'impose.

Ce calvaire diffère des autres du XVIème siècle, en ce que le sommet est sans couronnement ; le parallélipipède a les faces latérales étroites, sans colonnettes séparatives, et est limité en haut par la traverse de la croix, d'où émerge à peine la partie supérieure du fût.

Le calvaire, qui fait face à la route, est élevé sur un piédestal-autel de 1m. 30, y compris les marches d'accès.

Il se compose : 1° d'un socle carré de 0m. 60 de haut ; 2° d'une colonne cylindrique de 1m. 50, surmontée d'une maigre torsade ; et 3° d'un sommet à façades rectangulaires, représentant sur le devant la scène du crucifiement, et, au revers, une descente de croix à cinq personnages. Je n'ai pas identifié les saints des faces latérales ; l'un d'eux est du reste mutilé.

A la partie antérieure du calvaire, au-dessous du crucifiement, on aperçoit un écusson fixant l'âge approximatif du monument ; cet écusson, qui porte deux fasces nouées, accompagnées de huit merlettes en orle, est celui des Callac de Randrécar ; or, c'est au XVI siècle que Randrécar, seigneurie en la paroisse de Treffléan, a appartenu aux Callac ; cette seigneurie a passé en 1596 dans la famille de Lantivy, par le mariage d'Andrée de Callac de Randrécar avec Louis de Lantivy, seigneur du Coscro.

Le calvaire-autel de Bizole est le seul armorié des environs de Vannes ; son écu a échappé aux mutilations. Aujourd'hui ce ne sont pas seulement les armoiries du calvaire qui sont menacées, c'est le monument lui-même ; le laisser sans réparation serait une coupable négligence.

 

Calvaire du Rohic.

A une lieue de Vannes, sur la hauteur du Rohic (le petit rocher), s'élève, sous le vocable de Notre-Dame, une chapelle du XVème siècle, dont la fenêtre flamboyante du chevet a été aveuglée au XVIIème siècle pour l'établissement d'un rétable.

Dans l'ancien cimetière de cette chapelle se dresse, le dos tourné au chemin, un calvaire-autel.

On se rend au Rohic par la route de Questembert, qu'on quitté un peu après le village de Bohalgo, pour prendre à gauche une autre route près du passage à niveau du chemin de fer.

Le calvaire se compose : 1° d'un autel et d'un piédestal juxtaposés, ayant 1 mètre de haut, auxquels on accède par quatre gradins ;  2° de la croix, qui mesure, socle, fût et sommet compris, 4 mètres au-dessus de l'autel. Le socle et le fût sont sans ornements ; le premier est rectangulaire, le second cylindrique.

Les médaillons du sommet sont couronnés de dais à accolade avec choux et crosses, — et séparés les uns des autres par des colonnettes.

Sur la façade de devant est la scène du crucifiement; sur celle de l'arrière, une mise au tombeau, deux anges au firmament; sur chaque face latérale, monté sur un cul-de-lampe, un ange, un calice à la main.

Le monument est en bon état, malgré quelques morceaux manquant aux colonnettes ; il est le plus simple, mais l'un des plus harmonieux des calvaires-autels des environs, et sa plate-forme élevée produit un très bel effet. En raison de la sobriété de sa décoration, je ne le fais remonter qu'au début du XVIIème siècle.

Les calvaires-autels de la banlieue vannetaise sont loin d'égaler en magnificence ceux du Léon et de la Cornouaille dont ils n'ont ni l'étendue, ni la richesse d'ornementation, ni le luxe de figuration ; la lèpre de la pierre atteint trop souvent le grain grossier et friable de leur granit, tandis qu'elle respecte le grain serré du Kersanton. Mais, au point de vue religieux, combien les humbles monuments du Morbihan sont supérieurs à leurs voisins du Finistère, tout à la parade, qu'on regarde moins par dévotion que par curiosité, attiré par leurs proportions grandioses, leurs multiples personnages et certains hors-d'œuvre bizarres, tels que la représentation de Catel gollet (Catherine perdue), agrippée par les diables.

Ce n'est pas aux yeux, mais à l'âme que s'adresse le calvaire morbihannais ; pour se rendre compte des accessoires, il faul faire le tour du monument. Le sujet dominant, c'est le divin Crucifié, et c'est son image qui attire tout d'abord l'attention du pèlerin agenouillé au pied de la croix, tandis que, dans les calvaires finistériens, les personnages secondaires ont autant et quelquefois plus d'importance que le Christ lui même.

Je m'arrête, ne voulant pas reprendre après notre collègue, M. le chanoine Buléon (La Croix et l'Autel, Revue Morbihannaise, 1903), dont vous connaissez la haute compétence, la question de l'idéalisme des calvaires-autels et surtout celle du rapprochement de l'autel et de la croix.

(André Viaud-Grand-Marais).

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