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VIEILLES AUBERGES ET HÔTELLERIES DE VANNES.

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Avant la Révolution le terme hôtel ne désignait que les hôtels particuliers. Les maisons à recevoir les voyageurs s'appelaient auberges, — et aussi hôtelleries si on y logeait à pied et à cheval.

Hôtel de Vannes (Bretagne).

Le mot auberge, en vieux français héberge, vient d'héberger, loger ; au Moyen-Age l'hébergement était un droit féodal d'après lequel, en certaines circonstances, le suzerain se faisait loger et nourrir gratis.

L'auberge était indiquée par l'enseigne se balançant audessus de la porte et consistant en un grand tableau de bois ou de métal descendant très bas, accroché à une potence de fer en saillie dans la rue ; sur ce panneau une image aux vives couleurs, évocatrice et parlant aux yeux, signalait l'auberge aux passants.

Les auberges de Vannes étaient presque toutes extra muros. Le peu de largeur des rues de la ville close, retrécies encore par les bancs de pierres des étalages, les rendait impraticables aux lourds véhicules ; le gros commerce se faisait en dehors, sur le Port, le Grand Marché (aujourd'hui place de l'Hôtel-de-Ville) et le Marché au Seigle (rue de Closmadeuc).

Les douves des remparts s'appelaient à l'est douves de la Garenne ; à l'ouest douves du Port, parce qu'elles descendaient jusque-là ; au nord douves du Mené ; ces dernières, de la porte Notre-Dame (rue Burgault) à la tour du Bourreau étaient creusées en plein roc dans la colline, et de là à la porte Saint-Patern ouvertes dans le marais du ruisseau de Rohan.

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La multiplicité apparente des auberges vannetaises tient au changement de nom de plusieurs et à la courte existence de beaucoup.

L'une des plus anciennes et des plus importantes hôtelleries, 1483, était sous le vocable des Trois Maries, Marie-Magdeleine, Marie, mère de Jacques et Marie Salomé, les messagères de la Résurrection [Note : Le culte des Trois Maries était populaire à Vannes ; leur fête se célébrait le 23 octobre ; leur office figure dans les Propres du Diocèse de 1727 et 1757, sous la rubrique Officium sanctarum Mulierum Mariæ Magdalene, Mariæ Iacobi et Salomé. — In Ecclesia Cathedrali tantum] ; elle était située à gauche en sortant de la ville par la porte Saint-Salomon, à la rencontre de la rue du Four du Chapitre (rue des Tribunaux) et d'une voie raboteuse descendant au sud, en serpentant le long de la contrescarpe des douves du Port, pour finir à la hauteur de la place actuelle de la République ; en un carrefour formé, dit un titre de 1559, par les rues qui conduisent à Kerfranc, à l'église Saint-Salomon [Note : Cette église occupait l'emplacement de la Bourse du Travail] et à la maison des Trois Maries. Les jardinets en contrebas rue Thiers, près de la Société générale, semblent des vestiges de la rue des Trois Maries.

L'hôtellerie fut à demi ruinée par les guerres de la Ligue et cessa d'exister vers la fin de cette néfaste période.

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Au bon vieux temps un grand nombre d'auberges et d'hôtelleries de Vannes avaient pour enseigne un sujet religieux, la croix ou une image de saint.

En fait de croix je relève aux Archives du Morbihan :


La Croix Blanche, en 1581, rue du Four du Chapitre, et en 1773 rue Saint-Yves (rue Hoche), à droite en montant, près de la Retraite des Hommes (remplacée par une école commurale).

La Croix de Lorraine, 1589, dont l'image représentant une croix à double croisillon, rappelait la Ligue en Bretagne et son chef, le duc de Mercoeur, de la maison de Lorraine : au XVIIème siècle et au début du XVIIIème siècle cette auberge occupait rue Saint-Yves, à l'ouest de la Retraite des Hommes, l’emplacement occupé par la Croix Blanche à la fin du dernier siècle.

La Croix Verte, 1662, au nord du Grand. Marché, paroisse Saint-Patern, avec entrée au levant sur les douves du Mené. C'est là que mourut la première personne enterrée dans le cimetière actuel de Vannes [Note : VIAUD-GRAND-MARAIS. Création à Vannes d'un cimetière commun. Clocher de Saint-Patern, 1925], un lorientais, Guillaume Brien, décédé le 26 février 1792 et inhumé le lendemain, jour de la bénédiction du champ des morts.

Le Grand Marché était divisé entre la paroisse Saint-Salomon au sud et à l'ouest [Note : La paroisse Saint-Salomon constituait un fief donné par les ducs de Bretagne au Chapitre de la cathédrale de Vannes] et celle de Saint-Patern au nord et à l'est, par une diagonale allant de la croix où l'on vend le charbon, près de la rue Saint-Yves (angle nord-ouest de la place) à la Grande Croix du Marché, qui était au sud-est.

En fait d'enseignes à image de saints je note :

L'Image sainte Anne, 1738, rue Saint-Yves, rue ainsi nommée en raison du voisinage du collège Saint-Yves (Jules Simon) fondé en 1584 au nord du Marché et dont la première chapelle occupait l'emplacement de la conciergerie actuelle.

L'Image sainte Catherine, 1738, au haut de la Grande Rue de Saint-Patern (tronçon de la rue de l'Hôpital) ; elle tirait son nom d'une chapelle voisine dont on voit quelques fondements dans le sol et un pan de mur en belles pierres de taille encastré dans la muraille d'une maison, à l'angle sud-est de la place située au chevet de l'église Saint-Patern.

L'Image saint Jean, 1753, au quartier de la Boucherie.

L'Image de la Magdeleine, 1754, au quartier de ce nom.

L'Image saint Martin, 1684, rue de la Croix Cabello, où mourut en 1713 un curé de Redon.

L'Image Notre-Dame, 1624, rue de la Vieille-Boucherie (rue de la. Loi) ; en 1495, cette voie s'appelait chemin des Bochiers (Bouchers).

L'Image saint Pierre, 1641, au faubourg de Calmont, sur le pavé conduisant à la porte Saint-Vincent. On appelait Calmont, calidus mons, la colline à l'est du Port, à cause de sa chaude exposition ; c'est la même étymologie que Chaumont.

L'Image saint Yves, 1664, près du couvent de Nazareth (emplacement de la Prison), en haut de la rue Saint-Yves, la seule auberge de Vannes sous le vocable d'un saint breton, malgré la dévotion des bretons à leurs saints locaux.

Je relève aussi quelques auberges à enseignes héraldiques :

L'Écu de France, 1641, rue de la Fontaine, d'azur à trois fleurs de lis d'or.

Le Dauphin couronné, dont il sera parié plus loin.

L'Hermine, 1681, rue Saint-Symphorien, aux armes de Bretagne, d'hermines plein.

Les Trois Hermines, 1765, à écusson de fantaisie, — au levant du séminaire d'alors, joignant le ruisseau de Rohan, dans la partie basse de la rue du Mené, près ou sur le carrefour appelé au XVIIIème siècle Carroir du Lion d'Or.

Vers la fin du règne de Louis XV cette maison changea son nom en celui d'Auberge de l'Empereur en l'honneur de Joseph II, empereur d'Allemagne, le prince philosophe, dont il était de mode, dans la bourgeoisie vannetaise, d'opposer le libéralisme à l'absolutisme du roi de France.

En décembre 1781 l'auberge fut achetée et absorbée par l'hôtellerie du Lion d'Or, sa voisine à l'est.

Parmi les auberges de Vannes d'avant la Révolution je puis citer encore :

Le Boeuf couronné, 1712, au quartier de la Boucherie ; sur son tableau on voyait un boeuf gras, la tête ceinte de laurier.

Le Chapeau Rouge, dont l'enseigne représentait le chapeau pourpre des cardinaux que portèrent aux XVème et XVIème siècles plusieurs évêques de Vannes, était situé en 1541 au haut du Grand Marché, paroisse Saint-Salomon.

Le Cheval Blanc, en breton Er Marh Guen, sur le Marché en 1636 et rue Saint-Yves en 1729. Presque toutes les auberges de la rue Saint-Yves étaient à droite en montant, le couvent de la Visitation occupant une grande partie du côté gauche ; ce côté dépendait de la paroisse Saint-Salomon, tandis que le droit dépendait de Saint-Patern.

Le Croissant, dont le signe évoque les guerres de l'Islam, était établi dans la deuxième maison à gauche de la rue Saint-Yves ; mais cette maison ayant été vendue en 1638 aux religieuses de la Visitation, le Croissant changea de domicile ; les registres du Chapitre le signalent, peu avant la Révolution, au haut du Grand Marché.

En 1685 l'hôte du Croissant fut parrain, avec l'hôtesse de la Tête Noire comme commère, du fils d'un maître chirurgien, François de Lattay.

La Grande Maison, sur le Port, dont en 1711 l'hôte, Joubié, payait 44 livres, 10 sous de capitation, y compris la capitation d'un valet et de deux servantes.

Le Grand Monarque, ainsi nommé en l'honneur de Louis XIV, le Roi Soleil, la plus ancienne auberge intra-muros dont j'ai trouvé trace, était située le long des remparts du château de l'Hermine, à droite en sortant par la porte Poterne ; cette maison disparut au milieu du XVIIIème siècle, après de mauvais jours si j'en juge par certaines pièces du Présidial de Vannes de 1702 à 1738 ; l'effondrement en 1701 du pont de bois de la porte Poterne, en coupant les communications avec l'extérieur, et la construction trop tardive d'un pont de pierre ont dû contribuer au désastre du Grand Monarque. Dans les dernières années du siècle aucun aubergiste ne figure en la rue de la porte Poterne sur les rôles de capitation ; par contre j'y relève le fameux traiteur Julien Lagorce.

Le Lion d'Or, 1620, au carroir de ce nom. Grâce à sa position non loin de la porte Saint-Patern et hors les murs, il fut la principale hôtellerie de Vannes, tant que les lourdes voitures de Nantes et de Rennes gravirent la colline de la Croix Cabello par le vieux pont de bois et la rue de la Tannerie, ou en cas de surcharge mettant le pont en péril, par la chaussée de l'Étang et la rue Gislard [Note : La chaussée dépendait du Moulin au Duc, mais était grevée d'une servitude de passage charretier au profit de la ville de Vannes qui payait le pavage de la voie. La rue Gislard est aujourd'hui la rue de l'Étang] — et descendirent la rampe si rapide et si périlleuse de la rue du Four au Duc. L'arrêt au Lion d'Or évitait aux équipages fatigués la montée de la ville close.

C'est au Lion d'Or que logèrent , le 29 février 1791 les Commissaires envoyés par le Roi et l'Assemblée Nationale pour enquêter sur les affaires du Bondon et de Liziec, et que vinrent les saluer Département, District et Municipalité.

Le Pot d'Étain, 1661, au bas, à main droite en montant de la rue à laquelle il a donné son nom et qui était l'entrée primitive de la route d'Auray, cette route empruntant à partir de la Magdeleine la rue de la Vieille Boucherie et la rue du l’ot d'Étain, longtemps indiquée comme partie de la voie précédente.

La Promenade, 1672, au bas du Grand Marché, comme on descend à la Boucherie. Là en 1675 mourut un procureur d'Auvergne venu pour suivre une affaire au Parlement de Bretagne.

La Tête Noire, dont l'image fait songer à la tête de Maure du blason de certains Croisés, d'abord, en 1651, rue de la Fontaine et plus tard près de l'Étant au Duc, au commencement de la route de Rennes. C'est devant la Tête Noire, que le 21 mai 1791 les Autorités de la ville se réunirent pour complimenter l'évêque constitutionnel Le Masle faisant son entrée à Vannes après son sacre.

Les Trois Marchands, 1660, près de la chapelle de l'hôpital Saint-Nicolas. On voit cette auberge ou une autre de même nom en 1706 au faubourg de Calmont ; l'hôtesse, veuve et débauchée ; délogea de nuit, à la cloche de bois, avec l'aide de soldats dont un au sobriquet de Brin d'Amour.

En 1771, on trouve une troisième auberge à l'image des Trois Marchands, dans la rue Saint-Yves.

Hôtel de Vannes (Bretagne).

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Vers 1769, peu après l'ouverture de la rue du Roulage dans l'enclos des Jacobins et le flanc de la Petite Garenne, alors que charrettes et voitures n'escaladaient plus la butte de la Croix Cabello et pénétraient sans trop de fatigue dans la ville close, il se fit un changement dans le monde hôtelier. Un nouveau venu, Jacques Galland, fonda une auberge intramuros, Jérusalem, rue des Vierges, la seule voie carrossable venant de la porte Saint-Patern, les rues longeant la cathédrale étant en partie clôturées, celle de Saint-Guenhaël par les marches avancées du portail des Ducs et celle des Chanoines par la chapelle baptistaire Saint-Jean, qui ne fut démolie qu'en 1856. Jérusalem après laquelle on soupirait depuis longtemps et où s'était établi le bureau des messageries, occupait rue des Vierges nos 10 et 12 des logis du XVIIème siècle donnant sur les remparts, et englobait la tour Poudrière, ancienne prison des filles de joie, ces vierges folles, marraines sans s'en douter de leur rue, appelée par ironie rue des Vierges.

Le succès de Galland fut tel qu'en quelques années il devint le premier hôtelier de Vannes, si j'en crois le chiffre de la capitation, cet impôt personnel et progressif fixé suivant les facultés présumées des contribuables ; en 1785 Galland était capité à 57 livres, tandis que Corvec, l'hôte du Lion d'Or, ne l'était qu'à 45, la veuve Guyot de la Croix Verte à 34, Philippe du Dauphin Couronné à 30, Burguin de l'image Sainte-Anne à 21, la veuve Lotodé du Pot d'Étain à 16, Ehànno de la Croix Blanche à 15, etc.

L'auberge ou l'hôtel Jérusalem, comme on l'appela au siècle suivant, vécut jusqu'à la fin du Second Empire ; le chemin de fer, en supprimant les diligences, lui donna la mort [Note : Jusqu'à sa disparition Jérusalem conserva sa réputation culinaire. Quand dans une famille surgissait un convive inattendu, la maîtresse de maison envoyait quérir un plat fin chez M. et Mme Eanno derniers hôteliers de Jérusalem. Au siècle dernier plus d'un maître queux se vantait d'avoir fait ses premières armes dans les cuisines de cet établissement] ; cessant d'être bureau des messageries, il perdit les clients que lui déversaient les voitures publiques ; d'un aspect lépreux et à l'écart du nouveau centre, il fut délaissé pour des hôtels modernisés placés sur de larges voies, notamment pour l'Hôtel de France patronné, disait-on, par les Jésuites, et qui de la rue des Halles, n° 19, son siège primitif, s'était transporté rue du Mené, n° 29, et de là, lors de l'ouverture de la rue Billault en 1867, s'établit sur cette rue, dans l'ancienne préfecture. Le règne de l'Hôtel de France fut du reste éphémère ; en 1911 il n'existait plus.

Outre les aubergistes et les hôteliers, il y avait a Vannes aux XVIIème et XVIIIème siècles nombre de gents tenants pensionaires et escaliers, surtout aux abords du collège Saint-Yves et dans la rue de la Cohue ou des Halles, qui portait même le nom de rue Latine, parce qu'on y logeait des latinisants.

Toutes les auberges vannetaises d'autrefois n'ont pas disparu ; la Tête Noire subsiste près de l'Étang au Duc ; l'Image Sainte-Anne s'est transportée à cent cinquante mètres à l'ouest de son ancienne position et est aujourd'hui sur le Champ-de-Foire ; le Dauphin, non seulement conserve son nom et son emplacement, mais sa vie est plus intense que jamais.

Jadis il s'appelait le Dauphin Couronné. Les hôtelleries du Dauphin et du Dauphin couronné n'étaient pas rares en France aux XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles ; c'est dans une hôtellerie de ce nom que couchèrent le 14 avril 1622, à Challans, en Bas-Poitou, Louis XIII et Condé poursuivant Soubise dans le marais de Riez, lors de la défaite de l'armée calviniste.

L'enseigne du Dauphin était l'écu des fils aînés des rois de France. Depuis l'annexion du Dauphiné à la couronne, les armes du Dauphin de Viennois, d'or à dauphin vif d'azur, ont servi d'armoiries aux fils aînés des rois, écartelées toutefois de France ; mais sur les enseignes, afin de les rendre plus voyantes et plus distinctes, on peignait d'ordinaire ces armes sans les écarteler, c'est-à-dire un dauphin unique ; et encore il y avait souvent inversion des couleurs ; l'écu était d'azur à dauphin d'or.

Si le dauphin de l'enseigne était couronné, c'était de la couronne des fils aînés de France dont le cercle d'or aux huit fleurs de lys était fermé de quatre dauphins en forme de diadème soutenant de leur queue une double fleur de lys.

Elle devait être de ce genre l'enseigne qui pendait à l'entrée de l'hôtellerie du Dauphin Couronné, au midi du Grand Marché de Vannes, non loin de la Croix du Marché signalée dès le XVIème siècle, et devant laquelle, en cas de contestation entre vendeurs et acheteurs, on levait la main pour affirmer son dire par un serment.

Le premier hôtelier connu de cette maison est Gilles Bonnier, en 1679 marchand et hôte débitant vin à l'hostellerie où pend pour enseigne le Dauphin couronné. Toutefois, près d'un siècle avant, l'existence au même endroit d'une auberge qui dépendait d'une chapellenie de Tous les Saints est officiellement constatée dans un aveu de 1588.

Le 18 septembre 1528 le Chapitre de la Cathédrale de Vannes vendait deux maisons dépendant de son fief et situées sur la place du Grand Marché au chanoine Jehan Le Bobinec, recteur en même temps de Saint-Gravé (1520-1532) et de Limerzel (1528-1532) ; elles furent affectées par l'acquéreur à la fondation dans la Cathédrale de la chapellenie de Tous les Saints. Le titre de la fondation est adiré ; mais il était antérieur au 15- décembre 1532, puisque ce jour est celui de la mort du chanoine Jehan Le Bobinec, et qu'un aveu de la chapellenie de Tous les Saints du 6 juillet 1588 désigne ce chanoine comme fondateur cie ladite chapellenie.

Au début du XVIIIème malgré l'article 9 de l'usement de Broérec interdisant ce mode de transmission de propriété pour les immeubles urbains, et malgré les protestations du Chapitre qui perdait ses droits de lods et ventes (droits de mutation), les titulaires de la chapellenie de Tous les Saints, en raison sans doute de la vétusté des bâtiments et du manque d’argent pour les réparer, convertirent les baux du Dauphin et de la maison voisine en baux, à domaine congéable moyennant une rente convenancière fixée pour le Dauphin à cinquante livres.

Il existe aux Archives du Morbihan, B, 484, à la date des 5, 6 et 7 février 1721 un procès-verbal de mesurage et prisage à fin de convenant d'une maison sur le Marché de Vannes, servant d'auberge, où pend pour enseigne le Dauphin Couronné, dépendant de la chapellenie de Tous les Saints et joignant une autre maison dépendant de la même chapellenie. Ce procés-verbal relate qu'au Dauphin était installé à cette époque le bureau des messageries ; c'est là, disent les registres de la paroisse Saint-Salomon, que mourut le 23 septembre 1720 Guillaume Mollier, facteur de la messagerie de Nantes.

Sur les mêmes registres figurent comme hôteliers du Dauphin en 1687 Gilles Bonnier, en 1699 Julien Bonnier, en 1711 René Doussain, en 1740 François Guillaume, en 1782 Jean Philippe.

A cette dernière date le Dauphin se composait d'une maison au midi du Grand Marché et de petites maisons et écuries sur la rue du Pot d'Étain.

Au commencement de la Révolution, lors de la confiscation des biens du Clergé, les immeubles de la chapellenie de Tous les Saints, dont le dernier titulaire était un membre de la famille Le Bobinec, furent mis en adjudication. Jean Philippe, hôte du Dauphin, acheta le 15 janvier 1791 le fonds d'auberge dont il était domanier, et un jardin et pavillon rue de la Vieille Boucherie dont il était fermier ; le 11 mars suivant, pour empêcher la concurrence ou pour augmenter son auberge, il se rendait acquéreur du fonds de l'autre maison à domaine congéable dépendant de la chapellenie de Tous les Saints ; cette acquisition lui permettait d'évincer le domanier en lui remboursant la valeur de ses édifices.

Quand l’horizon s'assombrit davantage, Philippe effaça la couronne fleurdelisée de l'enseigne qui ne présenta plus que l'effigie d'un cétacé.

Au XIXème siècle, le Dauphin quoique découronné ne manquait pas de clients ; au temps de ma vingt-cinquième année, vers la fin du Second Empire, c'était un hôtel manquant de confort peut-être, mais fournissant à prix raisonnable des hôtes aimables et prévenants, une bonne cuisine bourgeoise, et un lit moelleux avec paillasse, matelas et couettes où l'on enfonçait dans la plume.

Après 1870 le Dauphin, déjà plus de trois fois centenaire, si l'on compte ses jours de la fondation de la chapellenie de Tous les Saints, allait se métamorphoser et grandir sous la direction de la famille Rossignol qui a fait de cette Hostellerie, malgré ses quatre cents ans, l'un des beaux hôtels de Bretagne [Note : Outre les sources spécialement indiquées ci-dessus, j'ai consulté, Archives départementales du Morbihan : B, Présidial ; E, Registres paroissiaux ; G, Régaires et Chapitres ; Q, Biens Nationaux. — Archives municipales de Vannes : Routes, Capitation, Comptes des Miseurs].

(André VIAUD-GRAND-MARAIS).

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