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LES RELIQUES DE SAINT-TUGDUAL

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LES RELIQUES DE SAINT TUGDUAL, ÉVÊQUE DE TRÉGUIER.

Au IXème siècle, lorsque les évêques et les moines de Bretagne emportèrent en toute hâte les reliques de leurs saints pour les soustraire aux Normands envahisseurs, il ne resta rien à Tréguier de celles de saint Tudual (ou Saint Tugdual). La troisième légende, rédigée au XIème siècle, fait à deux reprises allusion à la présence des reliques du saint [Note : D'abord à propos d'un jeune homme noyé et rappelé à la vie « Dum baccatur plebs talia, quidam clericorum soepedicti sancti reliquiis defuncti signat ora. Ad quarum tactum adolescens surgit a feretro ». – Plus loin, il s'agit d'un incendie et le fait est daté par la présence de l'évêque Martin (milieu du XIème). « De domo enim, jam magna ex parte cremata, nulla habebatur cura. Presul itaque manu silentium indicens, securitatem monet. Dein sanctissimi Tutguali reliquiis quas secum curationis causa infirmantium ferebat, signans aquam, sanctamque invocans Trinitatem incendium spargit. Qua non etiam ad trabes pervenient, jam victor per aera volvens flammarum globos extinguitur ignis, ac si maximi perfunderetur impetu flaminis »], mais il semble que le souvenir de celles-ci se soit effacé ensuite de la mémoire, ou qu'elles aient disparu dans l'un des pillages qui désolèrent le pays pendant les guerres de la Ligue, car il faut descendre jusqu'au XVIIème siècle pour en constater la présence à Tréguier ; et, cette fois, on apprend que la relique de saint Tudual avait été donnée par le Chapitre de Chartres.

En 1620, la cathédrale de Tréguier n'avait qu'un bras « de monsieur saint Tugdual, » ainsi que le constate un inventaire rédigé à cette date. Ce reliquaire fut sauvé lors du grand incendie qui, en 1633, détruisit la plus grande partie du Trésor. Nous avons à ce sujet le témoignage de Jean de Trévou, sieur de Balloré [Note : « Fors un bras d'argent auquel sont les reliques du bienheureux saint Tugdual patron de ladite esglise, trouvé au milieu et au plus fort de l'embrasement, et l'auroient retiré et remarqué tout entier sans que ledit feu y eust faict auchune fraction ny offense, ce qu'avons veu en présence des dicts sieurs chanoines et de tous les assistans estre véritable ; ce qui ne peult estre que par une divine grâce spécialle et miracle tout particuliers, nous ayant asseurés, lesdicts chanoines, que ledict bras estoit audit endroit de ladite presse qui a esté brûlée » (Archives des Côtes-du Nord, aujourd’hui Côtes-d’Armor)].

En 1635, l'évêque de Tréguier s'informait du culte rendu à saint Tudual dans la cathédrale de Chartres ; 38 ans plus tard, lorsque l'on pensait à imprimer les offices de saint Yves et de saint Tudual, Mre Le Roux, recteur de Plougonver, écrivait au chanoine Isambert, à Chartres, une lettre qui a sa place ici. « Mons. Permettez-moi de vous demander encore une chose au sujet de nostre patron S. Tugdual dont on va enfin imprimer l'office avec celui de S. Yves. J'ai leu dans quelques mémoires imprimés et manuscrits que vous en avez le chef dans le Trésor de vostre église et je l'ai mis dans la 6ème leçon de son office. Cependant notre Chapitre prétend en avoir aussi ce même chef Je vous serais obligé si vouliez bien me donner quelque éclaircissement là-dessus, comme aussi de m'informer s'il est vray, comme je l'ai entendu dire à quelques particuliers de ce diocèze, que nous n'avons icy des reliques de S. Tugdual que ce qu'il plut à vostre Chapitre d'envoyer, il y a quelques années, à un de nos évêques. Voici les termes dont je me sers à propos de tout cecy : Sacras ejus reliquias, Danis Trecorum nono saeculo vastantibus, Goveranus episcopus aufugiens Carnutum asportavit ubi etiam nunc caput videtur ». – A Morlaix, en Basse-Bretagne, le 1er septembre 1703 (Extrait des registres capitulaires de Chartres).

L'os du bras de saint Tudual a été conservé à Tréguier jusqu'à la Révolution ; à cette date le reliquaire en argent fut envoyé à la fonte, mais la relique elle-même, soustraite au pillage et cachée, fut, plus tard, rendue à la Cathédrale. On la déposa dans un bras en bois doré après avoir été préalablement reconnue, le 28 avril 1801, par M. Garat de Saint-Priest, grand vicaire, assisté de plusieurs ecclésiastiques parmi lesquels se trouvait M. de la Motte-Rouge, ancien chanoine. Le 25 avril 1809, l’évêque de Saint-Brieuc constata de nouveau l'authenticité de cette relique qui est aujourd'hui conservée dans la même châsse que le chef de saint Yves.

De son premier évêque la cathédrale de Tréguier ne conserve donc que cette relique et une sculpture en bois, sur une stalle du chœur qui le représente au moment où il dompte le monstre marin qui dévorait ses paroissiens dans le voisinage du monastère récemment fondé par lui [Note : 3ème Vie de saint Tudual, § 7. - L'inventaire dressé par le sieur de Balloré mentionne « une image de M. saint Tugdual marchant sur un dragon avecq une tiare papalle, ayant le bout de sa crosse rompu et destaché tenant seulement à un fil »].

Stalles de la cathédrale de Tréguier

Revenons maintenant à l'exode du dernier quart du IXème siècle et suivons les pieux fugitifs à leur première station, Chartres.

Le plus ancien témoignage de la présence des reliques de saint Tudual à Chartres est dans la troisième vie du saint dont A. de la Borderie place la rédaction à la seconde moitié du XIème siècle « Quibus (reliquiis) partim Landonicum usque hodie celebre habetur castrum, nec non et felicissimi capite patroni gloriatur Carnutum ».

Une chronique de la fin du XIIIème siècle conservée à la Bibliothèque de Chartres parle de la présence des reliques de notre saint dans le Trésor de la Cathédrale. Des bréviaires du XIVème siècle mentionnent sa légende ; l'un d'eux provenant de la paroisse de Morancez à la quelle il aurait été donné en 1394 paraît l'avoir emprunté à la seconde Vie en l'abrégeant considérablement ; dans un autre bréviaire, de la fin du même siècle, l'emprunt est à peu près complet.

Les bréviaires imprimés de 1661, 1783, 1864 mentionnent l'office de saint Tudual au 30 novembre, semi-double : aujourd'hui le souvenir de l'évêque breton n'est guère connu des personnes qui lisent le bréviaire.

En 1665, l'évêque de Tréguier demandait au Chapitre de Chartres des détails sur les reliques du saint Tudual et sur le culte dont elles étaient honorées ; le 10 novembre on lui répondait : « Sub arca retro majus altare servantur in capsis sex corpora seu reliquiae sanctorum inter quas est capsa in qua conditur corpus sancti Tugdualdi episcopi Lexobiensis nunc Trecorensis, cujus festum quotannis in dicta nostra ecclesia et diocesi Carnotensi die secunda mensis decembris semi-duplex celebratur et in honorem dicti sancti Tugdualdi, in illa die ante dictam capsam accenditur luminare cereum urens tota die, et ob reverentiam dicti festi nulla fit congregatio Capitularis, quod fideliter testamur ».

La châsse à laquelle il est fait allusion a été décrite d'une manière assez détaillée par le chanoine Estienne en 1682 ; elle était en argent doré. (voir Ville de Tréguier description de la châsse et du chef de Tugdual).

L'analogie que l'on peut constater de cette châsse avec celle dont nous parlerons plus bas à propos de Laval permet de penser qu'elles dataient toutes deux du XIVème siècle. Il est regrettable que le chanoine Estienne n'ait pas pu donner une transcription plus exacte de l'inscription signalée sur l'un des « côtés de la couverture ».

Lors de la Révolution, toutes les reliques conservées à Notre-Dame de Chartres furent jetées en une fosse creusée dans un ancien cimetière près de la cathédrale, et recouvertes d'une couche de chaux vive. A la suite d'une exhumation faite avec le plus grand soin en 1816, on put retrouver les reliques de saint Piat avec une certaine quantité d'ossements, impossibles à identifier ils ont été recueillis dans une châsse déposée dans la chapelle de Vendôme. Il est probable que des reliques de saint Tudual se trouvent dans ce dépôt.

C'est à Laval que le culte de saint Tudual eut le plus de notoriété ; c'est dans cette ville que l'on peut, aujourd'hui, voir encore de ses reliques. Et cependant la présence de celles-ci ne commence à être mentionnée qu'au commencement du XVème siècle, lorsqu'elles furent transportées, disait-on, de la chapelle du château dans la chapelle du Bourg qui devint la collégiale de saint Tudual et la chapelle seigneuriale.

Il est à noter que le martyrologe du diocèse du Mans, document du XIIIème siècle, qui a pour base le martyrologe d'Usuard avec addition des Saints Manceaux ou honorés dans le Maine, ne mentionne pas le saint breton ; il ne figure pas non plus dans les bréviaires du XVIème siècle, et il faut arriver à celui de 1693, édité par Mgr. de la Vergne de Monthenard de Tressan, qui reconnut l'authenticité des reliques en 1774 et qui en prit un fragment, destiné à être incrusté dans sa crosse, pour trouver un office de notre saint qui, cependant, était récité dès 1605.

J'ai pu, en effet, consulter une plaquette de la Bibliothèque de Laval dont voici le titre « Officium divinum quod recitatur in B. Tugali Trecorensis episcopi et confessoris festo et per ejus octavas, nec non in ejus translatione, ex manuscriptis codicibus ecclesiae Lavalensis dicti confessoris descriptum. Rhedonis, apud Petrum Marcigay, Typographum et Bibliopolam, M. D. C. V. » [Note : Cet exemplaire appartenait en 1679 au sieur A. Jouet, prêtre ; il contient cinq feuillets manuscrits dans lesquels un jésuite, du nom de Pierre, discute sévèrement les leçons de l'office].

Dans cette plaquette, l'office de saint Tudual est emprunté à la Vie du saint du XIIème siècle en y changeant un mot :

LAVAL. Inter quos Germanus qui Trecorensis ea tempestate presul habebatur exultatus ossa Tugali asportavit quibus partim Lavalis usque hodie celebre habetur castrum, nec non et felicissimi capite patroni gloriatur Carnutum.

3ème Vie : Inter quos Guvernanus qui Trecorensis ea tempestate presul habebatur exultatus ossa Tutguali secum asportavit quibus partim Landonicum usque hodie celebre habetur castrum nec non et felicissimi capite patroni gloriatur Carnutum.

Les historiens locaux s'accordent à dire qu'entre 1399 et 1407, les reliques de saint Tudual, conservées au château de Laval dans une chapelle dédiée à Notre-Dame, qui aurait été fondée par Gui V de Laval et Anne d'Angleterre, sa femme, au XIIème siècle, furent transférées dans la chapelle Notre-Dame du Bourg-Chevreau, où le seigneur du lieu fonda une collégiale sous le vocable du saint breton. A cette époque, le sire de Laval était Gui XII, « prince merveilleusement dévot aux églises ». Anne, sa fille, et son gendre et successeur Jean de Montfort (Gui XIII) continuèrent et complétèrent son œuvre particulièrement en ce qui concernait la Collégiale.

Je ne suis pas éloigné de croire que cette translation de reliques n'eut pas lieu, et que la Chapelle Notre-Dame du Château et celle de Notre-Dame-de-Bourg-Chevreau ne faisaient qu'une même fondation ; autrement dit que cette dernière fut toujours la chapelle castrale. A l'appui de mon opinion, je rappellerai un passage de la charte de Gui V (milieu du XIIème siècle) mentionnant « capella sua que sita est juxta aulam suam villa Lavallensi ». Remarquons qu'en 1453, Anne de Laval, à propos du droit des chanoines de faire du bois mort dans ses forêts, cite un passage de la charte de 1170 comme extrait « de l'acte de fondation de Saint-Tugal ».

Je crois qu'en l'absence de textes à retrouver, il n'est pas en ce moment possible de dire quand et à quelle époque des reliques de saint Tudual furent déposées à Laval. Les traditions locales ne peuvent permettre de conclure à cet égard. Les uns prétendent que l'évêque de Tréguier, reconnaissant de l'accueil bienveillant du seigneur de Laval, lui en avait laissé quelques fragments mais le château de Laval existait-il à la fin du IXème siècle et à qui appartenait-il ?

D'après une autre tradition, le diacre qui portait les reliques fut miraculeusement arrêté sur le pont et, ne pouvant avancer, dut séjourner dans un lieu où le saint témoignait sa volonté de rester. Cette légende était connue à Châteaulandon qui tenait de Laval tous les souvenirs relatifs à saint Tudual.

De la Collégiale relevait une paroisse qui n'avait pas de circonscription définie ; ses paroissiens étaient le personnel du haut et du bas chœur, ses serviteurs, le bedeau, les nobles et gentilshommes portant armes et autres gens de guerre, même non originaires de Laval, mais demeurant dans la ville et faubourgs [Note : Cf. Isid. Bouillier Recherches historiques sur l'église et la paroisse de la Trinité de Laval].

Ce détail vient corroborer l'opinion que j'ai émise plus haut, à savoir qu'avant de devenir la Collégiale de Saint-Tugal, la chapelle Notre-Dame du Bourg-Chevreau avait été la chapelle des seigneurs de Laval. Pendant le cours du XVème siècle, les seigneurs de Laval et principalement Anne de Laval, veuve de Gui XIII, donnèrent un grand développement à la collégiale et au culte de saint Tudual. C'est à Anne de Laval, morte en 1485, et ensevelie à Saint-Tugal que l'on doit le reliquaire et la verrière dont je parlerai plus loin. Il est à remarquer que cette rénovation du culte de saint Tudual semble correspondre à ce qui se passa à Chartres et que, ainsi que je l'ai dit plus haut, la châsse signalée dans la cathédrale de cette dernière ville était contemporaine de celle de Laval.

Lorsque l'église de Saint-Tugal fut fermée le 25 janvier 1791, l'orfèvre Lasnier rédigea l'inventaire de l'argenterie dans lequel on constate que la châsse pesait 12 marcs d'argent ; tout fut fondu, mais les reliques furent sauvées par le sieur Bourny, ancien sacristain : elles étaient dans un coffret en ivoire entouré d'un ruban de soie portant le sceau de l'évêque du Mans. Nous reviendrons sur ce coffret. L'ancienne collégiale a disparu ; sur son emplacement on construisit la bibliothèque publique de Laval. Les reliques furent déposées dans l'église de la Trinité dont le patron secondaire, saint Tudual, fut désigné par l'évêque du Mans.

Nous avons vu qu'en 1665 l'évêque de Tréguier s'informait, à Chartres, des reliques et particulièrement du sort du chef ainsi que du culte de saint Tudual ; il demanda aussi à Laval, et, en 1669, le sieur de la Grève, chanoine de Saint-Tugal, fournit les détails suivants dans une note conservée aux archives de la cathédrale de Tréguier.

« Jesus et Maria, Du lundy 5 avril 1669, à Laval, en l'église collégiale de Saint-Tugdual, dit Tugual. Il y a une grande châsse d'environ deux pieds de longueur, deux de hauteur sur un de largeur, couverte en dos d'asne, qui est revêtue de plaques d'argent ; elle est élevée au-dessus du grand autel, au milieu et posée de sa longueur. Du bout de l'Evangile ou de la sacristie il y a une sainte Vierge qui tient son enfant en ses bras, du bout de l'épistre il y a un évêque dépeint comme saint Nicolas. Du costé qui regarde le grand autel, il y a trois évêques, saint Tugdual tient le milieu la tiare en teste et la croix à la main ; à l'opposite qui regarde la grande vitre sont trois saints et il n'y a aucune inscription ny écriture à la dite châsse. La tradition veut que laditte châsse soit remplye d'ossements saints et particulièrement de saint Tugdual et n'a esté ouvert de mémoire d'homme [Note : Le trésor de la Collégiale possédait en outre des reliques de saint Etienne, saint Laurent, sainte Agathe, sainte Catherine, saint Sébastien, saint Vincent Ferrier, ainsi qu'un reliquaire contenant une parcelle de la Vraie-Croix], ainsy on ne sait si le cheff y est ; leur office étant le jour de la translation dit qu'il est à Chartres et, à Chartres, il n'en est fait aucune mention. De plus il y a en ladite église un petit reliquaire où il y a une relique dudit saint que les femmes grosses vont vénérer pour estre délivrées de leurs enfans ».

A la suite, le chanoine de la Grève fait une longue description de la grande verrière placée derrière le maître autel, donnée par Anne de Laval. Cette belle page de verre, dont il ne reste rien, reproduisait la légende de saint Tudual : « Il y a dans cette église une grande châsse revêtue de plaques d'argent doré, qui est élevée au-dessus du grand autel, au milieu. La tradition est que ladite châsse est remplie de reliques et particulièrement de saint Tudual, et n'a été ouverte de mémoire d'hommes. De plus il y a un petit reliquaire contenant une relique dudit saint, que les femmes enceintes vont prier pour leur heureuse délivrance. A côté du grand autel il y a trois évêques, saint Tudual tient le milieu, la tiare en tête, et la croix en main. La grande vitre derrière le grand autel est composée de 30 panneaux. Dans les six en bas sont les Seigneur et Dame de Laval à genoux, les mains jointes ; dans les 24 autres est représentée une partie de la vie et des miracles de saint Tudual, savoir : au premier, l'embarquement du saint avec ses compagnons sur une mer agitée à laquelle il parait commander de s'apaiser ; — au second, il y a un dragon qui semble vouloir le dévorer ; — au troisième, un ange le console en sa maladie ; — au quatrième, il y a autre dragon qui engloutit une personne et que le saint conjure ; — au cinquième, il délivre un possédé ; — au sixième, les habitants vont le prier en sa solitude ; — au septième, l'évêque le reçoit et l'embrasse ; — au huitième, l'évêque l'envoie en mission ; — au neuvième, il assiste à l'enterrement de l'évêque ; — au dixième, le prince et le peuple l'invitent à accepter l'épiscopat ;  — au onzième, le roi de France confirme son élection ; — au douzième, on le consacre évêque ; — au treizième, il reçoit ses religieux ; — au quatorzième, il prêche ; — au quinzième, il est en prière ; — au seizième, le peuple le prie de le délivrer de mouches malfaisantes ; — au dix-septième, un ange l'avertit de se mettre en chemin et de faire un voyage ; — au dix-huitième, les cardinaux le reçoivent, et l'habillent de pourpre et en chape rouge ; — au dix-neuvième, les cardinaux lui mettent la tiare sur la tête ; — au vingtième, un ange lui parle de rechef ; — au vingt et unième, il paraît monté sur une haquenée blanche ; — au vingt-deuxième, il parait malade et environné de ses religieux ; — au vingt-troisième, un ange enlève son âme en présence desdits religieux ; — au vingt-quatrième, il y a un religieux à l'autel, et d'autres qui l'assistent....... Il est à remarquer que jusqu'à sa consécration il est dépeint avec des rayons » (M. l'abbé Allain).

Les reliques du saint, exposées aujourd'hui dans la cathédrale, ancienne église de la Trinité, se composent d'un radius, d’un cubitus, d'un tibia et d'os du bassin ; ils reposent dans un reliquaire moderne, de style gothique, en cuivre doré. De la châsse en argent, fondue lors de la Révolution, il semble qu'il ne reste que ce qui était contenu dans le coffret en ivoire dont il est question plus haut.

Ce coffret, en forme de tombeau, formé de plaques en ivoire juxtaposées et assemblées par des attaches de cuivre, est garni à l'intérieur d'une étoffe de coton blanc dite zondenidji ; son origine persanne est incontestable et il peut remonter au XIIIème siècle. Il a 0m33 de longueur, 0m16 de profondeur et 0m18 de hauteur.

Coffret en ivoire de saint Tugal de Laval

La Perse, par le commerce, expédiait un peu partout des objets de ce genre qui étaient singulièrement recherchés : peut-être est il permis de supposer qu'il appartint à Anne de Laval qui s'en défit pour contenir des reliques du saint breton auquel elle témoignait une dévotion particulière. A l'appui de cette hypothèse, on peut observer que le coffret n'avait jamais été ouvert avant 1674, date à laquelle les reliques furent reconnues par Mgr. de Tressan.

Sur chaque face et sur son couvercle, le coffret est orné de dessins gravés au trait en noir et rehaussés de couleur verte et de dorure. Sur la face antérieure, de chaque côté de la serrure qui est moderne, on voit un fauconnier, à cheval, tenant sur le poing gauche un faucon et de la main droite un oiseau, probablement le produit de sa chasse ; ces fauconniers sont assis sur des selles garnies de housses vertes en feutre brodé, appelées berconstouvan ; ils ont des bracelets et des ceintures dorées, le faucon est également doré, l'autre oiseau est vert. Les autres côtés du coffret sont ornés d'animaux et de sujets de chasse ; on remarque des bouquetins guettés par des oiseaux de proie, ou poursuivis par des guépards, un loup ou une hyène se jetant sur un lièvre, un faucon saisissant un renard, des paons, des perruches, des perroquets [Note : Il m'a été assuré que l'on avait disposé de ce coffret en faveur d'une personne qui avait témoigné le désir de le posséder ; le fait serait regrettable, car il semble que l'on eut dû le conserver précieusement et le déposer dans la nouvelle châsse].

Coffret en ivoire de saint Tugal de Laval

La présence à Châteaulandon des reliques de saint Tugdual est établie par légende du XIIème siècle dont j'ai cité, plus haut, un passage. Un manuscrit anonyme de la Bibliothèque de Fontainebleau mentionnait que les moines de Saint-Séverin, menacés par les Saxons, en 774, se seraient réfugiés, en emportant la châsse en argent de leur patron, sous la protection du château dans une chapelle construite à la hâte et dédiée à saint Etienne. En 1105, il y avait dans cette ville une « ecclesia sancti Tudualdi » dont le roi Louis VI attribuait les annates, ainsi que celles de Saint-Séverin, à l'abbaye de Saint-Victor à Paris (G. Dubois, Hist. eccles. Paris, II, 80). Plus tard, en 1151, lorsque Saint-Séverin fut érigée en abbaye, le roi Louis lui adjoignit Saint-Tudual qui devint un prieuré-cure (Archives Nationales, cartons des rois, p. 219. Gall. Christ., VII, col. 450). En 1159, sous l'abbé Garnier III, il y eut entre Saint-Séverin et Saint-Victor une transaction ayant pour but d'indemniser la seconde abbaye de la libéralité de Louis VI (Gall Christ., VII, 659, pr. col. 31).

B.-L. Lezille, chanoine de Saint-Séverin, a laissé une notice manuscrite conservée jadis au presbytère du Châteaulandon. Dans ce travail dont j'ai eu communication, on trouve deux offices, l'un pour la fête du Saint, le 1er décembre, l'autre pour sa translation, le dimanche dans l'Octave de la Nativité de saint Jean-Baptiste. Mais, faute de documents, ces indications ne m'apprennent rien de précis sur l'arrivée des reliques à Châteaulandon. La troisième leçon du second office dit seulement que ces reliques furent apportées de Laval, au temps des invasions normandes or je crois avoir démontré qu'elles arrivèrent dans cette dernière ville qu'au commencement du XVème siècle. La leçon dont je donne un passage en note [Note : Ingruente eodem Normannorum bello, exportata sunt proecipue hujus beati pontificis ossa in castrum Nantenis ubi miracula fulgent et religiose coluntur in ecclesia suo numine consecrata] me paraît avoir été rédigée lorsque l'on voulut donner une certaine notoriété à Saint-Tugal de Châteaulandon au moyen de renseignements fournis par les chanoines de Laval. La Collégiale de Laval avait alors, grâce aux libéralités des seigneurs, une véritable renommée et l'on venait y chercher les légendes et les souvenirs du saint patron plutôt qu'à Chartres et à Tréguier.

Le prieuré de Saint-Tugal de Châteaulandon était dans une chapelle, dédiée précédemment à saint Etienne, située entre l'abbaye de Saint-Séverin et le château. Il n'en reste plus qu'une tour attribuée au XIIème siècle. L'église fut vendue nationalement, le 25 thermidor an IV, au sieur Moreau, pour le prix de 122 livres 12 sols.

Un inventaire de 1589 mentionnait deux châsses de saint Tudual, l'une plus ancienne que l'autre, garnies toutes deux de brancards qui servaient à les porter en procession. Dans la seconde on conservait des fragments du sépulcre de Notre-Seigneur et de la Vierge, plus un bras en argent sur piédestal en cuivre jaune doré « où est un des bras de saint Thugal ». La châsse était alors déposée sur le maître-autel ; elle fut détruite avec les autres meubles et ornements de l'église pendant les guerres de religion, mais le bras du saint breton fut alors sauvé.

En juillet 1611, ce bras était processionnellement porté au cimetière ; en 1624, 1625 et 1719 il était encore porté à Ferrières. A cette dernière date, à la suite d'une sécheresse qui faisait craindre la famine, les prieurs de Notre-Dame de Châteaulandon et de Saint-Tugal firent vœu d'aller à Ferrières avec les quatre paroisses de la ville. « On partit le lundi matin, 19 juin, pour Ferrières avec un ordre et une dévotion admirables ; on porta les châsses de saint Tugal avec ses bras et toutes les autres reliques qui sont à Saint Tugal » (Annales de la Société historique du Gâtinais, t. II, p. 191).

Pas plus dans le diocèse de Sens que dans celui de Beauvais on ne trouve le culte de saint Tudual mentionné, à ma connaissance, dans les nécrologes et dans les bréviaires ; cependant, à Crépy-en-Valois il y avait une notable partie de ses reliques. Bien plus, on les y trouve associées à celles d'un saint Briocius qui était peut-être saint Brictius, évêque de Tours ; en effet, on s'accorde à dire que les reliques de saint Brieuc étaient partagées entre Saint-Serge d'Angers et la cathédrale placée aujourd'hui sous son vocable.

Les anciennes traditions locales relatives à ces saints bretons aussi oubliés aujourd'hui à Crépy qu'à Châteaulandon disent qu'à la fin du IXème siècle, pour soustraire leurs reliques aux Normands, en voyageant d'étapes en étapes, on les apporta à Crépy à la fin du Xème siècle. Thibaud de Nanteuil aurait, un siècle plus tard, fondé une chapelle dans son château et déposé dans la crypte les reliques de saint Aubin, de saint Tudual, de saint Briocius et de saint Papuce. La chapelle, depuis collégiale, reçut le vocable du premier qui était le plus connu.

Un manuscrit des archives de l'Oise dont je dois la connaissance à l'obligeance de mon confrère, M. Coüard, contient quelques indications précieuses et intéressantes. Daté de 1782, il est intitulé « Catalogue des reliques et des corps saints de l'église Saint-Aubin de Crépy ».

Au folio 1, je trouve la mention d'un inventaire rédigé le 8 mai 1467 par Fr. Tudgual, abbé de Notre-Dame de Cuissy, au diocèse de Laon ; ce document fut reproduit le 23 mai 1641 par Antoine de Béthisy, prévôt de Saint-Aubin, qui, le 10 septembre 1649, fit encore un résumé de l'histoire de ces reliques. Nicolas Sanguin, évêque de Senlis, le 22 septembre 1626, avait présidé une cérémonie de translation sur laquelle je reviendrai.

En 1626 les reliques étaient renfermées dans trois paquets formé chacun de trois enveloppes, linge, coustil et damas caphart blanc et rouge. Dans chacun des paquets se trouvait un morceau de parchemin mentionnant le nom du saint en écriture très ancienne.

1° paquet Sanctus Tuguadus, confessor p. p.. Deux grands ossements de la cuisse, entiers ; l'os de la hanche entier ; le grand os de l'épaule ; cinq os de l'espine ; deux os des costes ; deux os de la hanche.

2° paquet Sanctus Papucius, martyr. Les deux grands os de la cuisse, entiers ; six os de l'espine ; deux os des costes ; deux os de la hanche.

3° paquet Sanctus Briocius, confessor ; le grand os de la cuisse entier, fors qu'il a été brisé par un bout ; un grand os de la jambe, entier ; l'os sacrum ; l'os de la hanche ; cinq os de l'espine ; l'os œsophagique ; cinq os de la coste ; un gros os de l'espaule ; deux os des vertèbres de l'espine ; une parcelle de l'os de la coste.

Ces reliques, jusqu'en 1625, étaient déposées dans une châsse en bois, alors vermoulue, qui semblait avoir été autrefois couverte de lames d'argent ou d'un autre métal. A cette date on fit une autre châsse en bois doré d'or brun, ornée de plusieurs sculptures et figures. Ce fut à cette substitution de châsse que présida l'évêque de Senlis.

Comme à Châteaulandon, la châsse où reposaient les reliques de saint Tudual était portée processionnellement lors des grandes sécheresses : les laboureurs et les vignerons en soumettaient alors la demande au Chapitre ; les magistrats et les corps constitués faisaient partie du cortège. « On n'a pas vu, dit le chanoine Béthisy, que la susdite fierte ou châsse ayant été ainsi portée en procession et qui demeure après exposée au peuple, que Dieu n'aye exaucé les prières et n'octroye ce dont la nécessité le requeroit ».

L'église Saint-Aubin, le reliquaire et les reliques ont aujourd'hui disparu, et du fondateur de l'évêché de Tréguier il ne reste plus de souvenir qu'à Tréguier même et à Laval (A. de Barthélemy).

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