|
Bienvenue |
TROBREIZ |
Retour page d'accueil Retour page Saint-Michel
Il ny a plus que les très vieilles gens à savoir les vieilles choses Le Tro-Breiz (Tro Breiz) , tout breton devait le faire au moins une fois sa vie durant, pour ne pas être obligé de le parcourir après sa mort en avançant de la longueur de son cercueil, tous les sept ans. Il est dans le vieux Saint-Michel-en-Grève, une voie romaine qui daprès les anciens mène au ciel. Mais il faut la suivre jusquau bout et à travers les sept évêchés de lEglise armoricaine. Cette voie romaine, aujourdhui oubliée et si peu respectée (on peut y marcher des heures sans rencontrer personne) était autrefois une sorte de voie sacrée, cétait celle du Tro-Breiz. |
Le Tro-Breiz (le tour de Bretagne) consistait à rendre visite ; dans leurs cathédrales respectives, aux sept apôtres primitifs de lEglise armoricaine, à savoir : Saint Pol Aurélien de Saint Pol-de-Léon, Saint Tugdual de Tréguier, Saint Brieuc, Saint Samson de Dol, Saint Malo, Saint Paternes de Vannes et Saint Corentin de Quimper.
Le Tro-Breiz sest pratiqué dès le IXème ou Xème siècle, mais cest surtout durant la période du XVème et XVIème siècle que le Tro-Breiz sest développé, en même temps que naissait léglise de Saint-Michel-en-Grève (vers le milieu du XVème siècle) et que surgissait dans toute la Bretagne une merveilleuse floraison architecturale. Sans se tromper, on peut dire que lessor du vieux Saint-Michel-en-Grève (à savoir le quartier dit de lHôpital) est en grande partie lié au Tro-Breiz. La route du Tro-Breiz vers Saint-Pol de Léon empruntait en effet la Lieue de Grève. Une rivière qui à lépoque longeait la côte vers Beg ar Forn regroupait les eaux des rivières Pen-ar-Guer (appelée encore Kerdu), Roscoat et Yar. Cétait un obstacle plus ou moins sûr et très difficile à franchir pour les voyageurs. On se renseignait avant de le franchir. La Lieue de Grève était dailleurs dès le début du Tro-Breiz, le seul passage dans le sens est-ouest entre le Trégor et le Léon. Lintérieur du pays en effet, est excessivement découpé par des gorges étroites et profondes, boisées, repaires inévitables de brigands. En particulier entre le Yar et le Roscoat.
Le Tro-Breiz va presque tomber en désuétude durant les guerres de religion au XVIème siècle. De plus, les évêques bretons du XVIIème siècle, luttant contre les coutumes bretonnes, semblent ne plus vouloir lencourager.
Les imposantes manifestations du Tro-Breiz à Saint-Michel-en-Grève se produisaient quatre fois lan, aux époques dites les quatre « Temporaux », qui étaient, pour parler comme les anciens : Pâques fleuries (début de lannée en ce temps là), Pâques de Pentecôte, la Saint-Michel (29 septembre) et Noël [NDLR : à cette époque, on employait encore le calendrier julien, la réforme grégorienne datant du 3 octobre 1582 et lannée commence à Pâques (jusquen 1564, sous Charles IX)]. Les reliques des sept Saints nétaient exposées à la dévotion des pèlerins quaux quatre « Temporaux » : on craignait en effet à cette époque les vols de ces saints objets. Le mois de septembre (à la Saint-Michel) semblait particulièrement fréquenté. Cette période coïncidait avec la fin du gros des récoltes, une température encore clémente et des jours relativement longs. On partait doù lon voulait et dans nimporte quel sens. Des foules immenses y prenaient part. Labbé Luco estima au XIXème siècle, que vers la fin du XIVème siècle, trente à quarante milles pèlerins défilaient ainsi en une seule année en léglise de Saint-Paternes de Vannes.
Quatre fois dans lannée et pendant tout un mois, cétait une suite ininterrompue de processions, clergé en tête, qui faisaient étape au centre de Saint-Michel-en-Grève, avant de saventurer sur la Lieue de Grève ou venant de Saint-Efflam, après lavoir traversée. Lactivité se concentrait principalement en bas de la vieille côte (ar Chra Goz). Les pèlerins sy reposaient et sy désaltéraient. Il subissait une perte de temps lorsquils étaient dans lobligation dattendre la marée basse et lorsquils se présentaient au bas de leau, le passage du gué nétait pas toujours de tout repos. Saint-Michel-en-Grève avait-elle à lépoque des infrastructures nécessaires pour accueillir tout le monde. On suppose que oui. On peut affirmer aussi sans se tromper que certains soirs, le chiffre de la population locale devait être doublé.
Jean V (duc de Bretagne), atteint de la rougeole à Rennes en 1419, promit sil se tirait daffaire, dentreprendre le voyage des Sept Saints. A lautomne, il était en route, accompagné dun seul serviteur, son fidèle amiral du Penhoët. On la donc vu passer et certainement sarrêter à Saint-Michel-en-Grève. Plestin-les-Grèves, ainsi que les paroisses voisines seront dailleurs cédées plus tard par lettre du duc Jean V, 8 juin 1425, à lamiral Jean du Penhoët qui pour des raisons de proximité, rattachera ces paroisses à la châtellenie de Lanmeur-Morlaix (1425). De mains à mains, nous passerons ensuite aux barons de Coëtmen, seigneurs de Tonquédec.
En lan de grâce 1506, la reine Anne de Bretagne avait obtenu du roi Louis XII lautorisation de venir conforter son âme en son pays. Elle voulut tout revoir, accomplir, elle aussi, son Tro-Breiz selon lusage de ces temps. Partie de Nantes, elle traversera plusieurs villes et villages. Elle sarrêtera dailleurs à Saint-Jean-du-Doigt.
Jadis, cétait un honneur de travailler à lentretien de cette voie sacrée, et les paroisses comme Saint-Michel-en-Grève et Trédrez dont elle traversait le territoire veillaient à ce quelle soit bien entretenue. Les pèlerins y contribuaient souvent aussi de leurs deniers. Des troncs espacés de ci de là, et creusés tantôt dans le bois dun arbre, tantôt dans la pierre dune fontaine, recueillaient des oboles uniquement destinées à couvrir les frais de ces espèces de prestations sacrées. Parlant de la croix de la Lieue de Grève, labbé L. Le Clech (1956) dit « Comment ce calvaire sy trouvait-il, sinon quautrefois cette partie de la plage était en terre ferme et quune route passait par là, reliant directement Saint-Michel-en-Grève, Trédrez, dune part, et Saint-Efflam. On peut dailleurs se rendre compte aujourdhui, encore, des points de départ et darrivée de cette route par les pavés qui existent et qui prouvent quelle était très fréquentée. Il y avait naguère près de cette croix un tronc en pierre destiné à recevoir les offrandes . On voit actuellement un tronc de ce genre dans la côte de Saint-Efflam à Plestin. Il y a été placé dans un but identique, il y a bien des années ».
Partant de ce constat, on peut donc, sans se tromper, affirmer quil existait également un tronc aujourdhui disparu, dans la vieille côte de Saint-Michel-en-Grève.
Lorsquil était lheure de prendre la route, on assistait à une certaine effervescence dans les masures et les manoirs. On se donnait rendez-vous sur la place (appelée aujourdhui place Martray, place où se tenait anciennement le marché), puis le chef du groupe entonnait un cantique de marche, que répétaient en chur tous ceux qui avaient décidé de partir et de le suivre. La caravane humaine sévanouissait alors dans la brume et était depuis longtemps hors de vue, quon entendait encore les voix à travers la lieue de grève. Par sécurité, on partait souvent en groupe. On ne devait pas aller très vite. Il fallait le temps de prier aux chapelles, aux calvaires, Et puis, il y avait les malades. Noublions pas quà la Saint-Michel, et à Noël, la nuit tombe vite et le jour vient tard.
Dans cette caravane humaine régnait une fraternité vraiment évangélique. On navait quun sentiment, quune seule âme. On ne faisait plus tellement la différence entre un riche, un pauvre, un seigneur et un serviteur. Ensemble, on rompait le pain, au repas de midi, généralement près dune fontaine. Les fontaines étaient généralement des points de halte. Il existe dailleurs toujours un puits (ou fontaine) près de la place du Martray. Ce point deau permettait aux pèlerins de se désaltérer. Il était à lépoque entretenu et protégé par une législation rigoureuse. On peut supposer, sans se tromper, que lon y trouvait aux alentours de larges bancs de granit qui servaient soit de sièges, soit de tables. Mais malheureusement tout cela a disparu de nos jours.
On ne circulait généralement pas la nuit. On évitait de plus les chemins non sûrs, car on craignait les brigands et ils étaient nombreux à cette époque. On faisait donc étape le soir au bourg de Saint-Michel-en-Grève. Le gîte était toujours assuré. Les gens de haut rang eux, avaient leur chambre prête dans les châtellenies des alentours. Les autres trouvaient à shéberger dans les fermes ou les hostelleries (ny avait-il pas encore récemment à Saint-Michel, sur la place du Martray, un lieu dhébergement appelé « lhôtel de labbaye » ?). Des lits, il ny en avait pas toujours. Une épaisse « paillée » de froment en tenait souvent lieu, à moins que ce ne fut de la fougère sèche. Mais ce nétait pas le coucher qui importait à lépoque, cétait le sommeil, car on était souvent fatigué et les jambes faisaient mal. Hommes et femmes sallongeaient sur cette litière, sans se dévêtir, et y dormaient le plus paisiblement du monde, côte à côte, dans une promiscuité toute fraternelle.
Ces pèlerins étaient des êtres humains comme nous, ils buvaient, mangeaient et dormaient. Comme on allait à pieds, il fallait les laver, les soigner. Il y avait parmi les pèlerins des voleurs, des assassins, des gens de mauvaise vie et probablement des lépreux. Il y avait donc tout naturellement un lieu dit « lhôpital », tenu certainement par des moines pour trouver un réconfort et un prieuré pour se recueillir. Il existait de plus un auditoire de justice.
A lépoque, le pèlerin devait marcher par nimporte quel temps. En été, la poussière abondante collait à la sueur du visage. Par temps de pluie, une boue envahissante sagglutinait aux pieds. En hiver, les gelées et la neige, rendaient le sol glissant. On était loin des routes goudronnées daujourdhui. Comment étaient habillés ces pèlerins. On suppose quils devaient ressembler aux pèlerins allant à Saint Jacques de Compostelle. Le pèlerin avait sa « pélerine », sa gourde, sa besace, son grand bâton et était coiffé dun chapeau.
Du souvenir des pèlerins passant à Saint-Michel-en-Grève, il ne reste pas grand-chose aujourdhui que nos rêves et lusure de certaines pierres qui ont définitivement enregistré leur passage.
© Copyright - Tous droits réservés.