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TREGUIER ET SAINT-YVES

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N'en euz Ket en Breiz, n'en euz Ket unan - N'en euz Ket eur zant evel zant Ervoan [Note : Il n'y a pas en Bretagne, il n'y en a pas un. - Il n'y a pas de saint comme saint Yves].

Ce chant composé à l'occasion de l'inauguration du monument de saint Yves dans la cathédrale de Tréguier en 1890, dit bien le sentiment de tout breton et particulièrement des habitants du pays de Trécor à l'égard de saint Yves et pour eux il n'y a pas, en effet, de saint en Bretagne aussi grand que saint Yves.

Dans son ouvrage La Bretagne de l'origine à la réunion, le distingué M. du Cleuziou consacre un chapitre spécial à saint Yves et ce chapitre commence ainsi :

« L'histoire de Bretagne, pendant les dernières années du XIIIème siècle et toute l'époque qui suit est dominée par la grande figure d'un saint, en qui se résume et se symbolise la perfection de l'homme public mêlé aux affaires de son temps, de l'apôtre et de l'ascète ».

Ce grand saint fut saint Yves et saint Yves était un Trécorrois !

Si la ville de Tréguier doit à saint Tudual sa fondation, elle doit à saint Yves son renom, car la gloire de ce dernier a rejailli de telle façon sur Tréguier que les deux noms sont inséparables l'un de l'autre ; quand on parle de saint Yves on songe à Tréguier, quand on parle de Tréguier on songe à saint Yves. C'est à dater de saint Yves et grâce à son influence sur ses destinées que Tréguier prit un grand essor intellectuel et mérita d'être appelée l'Athènes bretonne. Aussitôt après son décès et sans même attendre sa canonisation, on vit accourir à son tombeau de tous pays les personnages les plus illustres.

Son éloquence persuasive, sa science juridique et son intégrité, qu'il mit sans relâche au service des pauvres, des veuves et des orphelins, l'ont fait choisir par les avocats pour le patron de leur ordre. Sa doctrine et son exemple durent incontestablement peser d'un grand poids, comme le pense l'historien que nous venons de citer, sur les rédacteurs de la très ancienne coutume de Bretagne qui parut d'ailleurs peu de temps après son décès et dont il parle lui-même dans son testament. Son abnégation, son désintéressement et sa charité sans bornes lui acquirent une très grande popularité. Ses grandes vertus et ses miracles reconnus et affirmés par les dépositions écrites de 52 témoins dont plusieurs furent ses compagnons d'enfance et de jeunesse, l'ont élevé sur nos autels et lui ont mérité un culte public. En un mot, saint Yves fut et est encore la gloire non seulement de Tréguier, mais de la Bretagne entière et c'est à juste titre qu'il est appelé le patron universel de l'Armorique.

Il n'entre pas dans le cadre de notre étude, de retracer l'histoire de saint Yves, qui comporterait à elle seule un volume entier et qui, d'ailleurs, a été l'objet de nombreux ouvrages très appréciés ; nous nous contenterons de relater dans la vie de notre compatriote, les principaux faits de son existence et tout ce qui a trait à Tréguier et intéresse son histoire.

Saint Yves naquit au manoir de Kermartin à 1 kilomètre de Tréguier, le 17 octobre 1253 de parents nobles. Son père s'appelait Heloury de Kermartin et sa mère Azo du Kenquis. Dès qu'il fut en âge d'étudier, ses parents lui donnèrent comme précepteur un jeune clerc, de 10 ans plus âgé que lui, nommé Jean de Kerc'hoz lequel, après avoir été dans la suite professeur de droit à l'Université de Paris, devint recteur de Pleubian et fut un des témoins au procès de canonisation de son ancien élève.

En l'année 1267, sous le règne de saint Louis, Jean de Kerc'hoz, voulant achever ses études, partit pour Paris et les parents d'Yves, alors âgé de 14 ans, voyant ce dernier désireux d'acquérir d'autres connaissances que celles de la grammaire le lui confièrent et le chargèrent de surveiller son éducation et son instruction. Yves passa ainsi 10 ans à Paris dans l'étude de la philosophie, de la théologie et du droit canonique. Après avoir soutenu avec succès plusieurs actes publics, il reçut le grade de maître ès-arts. Il ne lui restait plus à étudier que le droit ecclésiastique et le droit civil, mais l'enseignement de ces matières ayant été réservé à l'Université d'Orléans, Yves, alors âgé de 24 ans, se rendit dans cette ville et pendant 2 ans, y suivit les cours des doctes jurisconsultes Guillaume de Blaye et Pierre de la Chapelle.

Ayant terminé ses études, Yves revint en Bretagne et s'arrêta à Rennes pour y suivre les leçons publiques de droit canonique et d'Ecriture sainte que les Frères cordeliers donnaient dans leur maison. Il y reçut les ordres sacrés jusqu'à la prêtrise exclusivement et se fit une telle réputation de savoir et de piété que l'archidiacre de Rennes nommé Maurice lui offrit et lui persuada d'accepter bien qu'il ne fut encore que clerc, la charge d'official, c'est-à-dire de juge ecclésiastique chargé de la juridiction contentieuse de l'évêque.

Il occupa ces fonctions jusqu'en 1285, époque à laquelle Alain de Bruc, alors évêque de Tréguier, le réclama à l'Archidiacre de Rennes pour en faire son propre official. Yves, heureux de retourner dans son pays natal, changea sans peine non pas d'office, mais de tribunal. Peu après l'avoir installé dans ses nouvelles fonctions, l'évêque de Tréguier l'ordonna prêtre et ajouta à son titre d'official celui de recteur de Trédrez avec le bénéfice attaché à cette paroisse.

Bien que les bénéfices ecclésiastiques ne comportassent pas obligation de résidence, Yves, à cause de la distance qui séparait Trédrez de Tréguier, crut devoir, en 1288, résigner ses fonctions d'official tout en conservant son principal domicile à Kermartin.

En 1293, le successeur de l'évêque Alain de Bruc, Geoffroy de Tournemine, le nomma recteur de Louannec, près de Perros, fonction qu'il conserva jusqu'à sa mort.

Le 19 mai 1303, Yves mourut dans cette maison de Kermartin qui l'avait vu naître et le lendemain son corps, après avoir été exposé dans la chapelle qu'il avait édifiée près de sa demeure, fut porté solennellement à la cathédrale où il fut enterré au haut de l'église dans le bas-côté septentrional de la nef. Il était bien rationnel qu'une place lui fut réservée pour sa sépulture dans cette belle nef qu'il avait fait construire lui-même en 1296.

A cet égard, M. l'abbé Tresvaux, dans ses annotations sur les Vies des Saints de Bretagne par Lobineau (p. 21, t. III), ne croit pas devoir admettre comme certaine la reconstruction par saint Yves de l'église cathédrale de Tréguier que les leçons de son office lui attribuent, trouvant peu probable qu'il ait pu faire une entreprise si au-dessus des ressources d'un simple particulier.

Tout d'abord il ne peut être question que de la nef, car il est avéré que ce fut Richard du Perrier, évêque de Tréguier, qui, en 1339, jeta les fondements du transept et du chœur, mais avec M. Pol de Courcy, nous pensons que c'est à saint Yves qu'est due la reconstruction de ladite nef, avec d'autant plus de raison que cette nef était construite au décès de saint Yves puisque c'est dans sa partie latérale qu'il fut inhumé.

De plus, Albert Le Grand, dans sa Vie des Saints (p. 170), dit bien que cette reconstruction ne fut pas due aux ressources personnelles de saint Yves, mais à celles qui lui furent fournies par le duc de Bretagne, les seigneurs de sa cour, barons et seigneurs du pays, la ville, l'évêque et le chapitre de Tréguier, les recteurs et clergé du diocèse, les quêtes faites parmi le peuple et tout particulièrement à la générosité du sire Pierre de Rostrenen.

Par son testament qui porte la date du vendredi après la fête de saint Pierre aux Liens de l'an 1297 et dont une copie été transcrite sur un grand tableau placé dans l'église actuelle de Minihy, Yves de Kermartin consacra à perpétuité la chapellenie qu'il avait fondée dès 1293 sur le domaine paternel et qui comprenait la chapelle où il célébrait la messe quand il séjournait à Kermartin et la maison sise à côté.

C'est sur l'emplacement de cette chapelle que fut construite en 1480 et agrandie en 1816 l'église actuelle du Minihy qui devint et resta paroisse de Tréguier jusqu'à la Révolution.

Quant à la maison adjacente, qui servait de demeure aux desservants de la chapelle, bien que plus ou moins transformée au cours des siècles, elle semble appartenir à son architecture primitive.

Le manoir de Kermartin resta en la possession de la famille de saint Yves jusqu'au XVème siècle, époque à laquelle Olivier de Kermartin épousa dame Plenou de Quélen. Leur petite fille Jeanne se maria à Thibaut Berard, dont elle eut une fille qui devint la femme de Maurice de Quélen, seigneur de Loguevel. Ensuite la terre de Kermartin passa de la famille de Quélen dans celle de la Rivière, qui la posséda jusqu'en 1792. L'héritière de ce dernier nom, épouse du fameux marquis de Lafayette, la vendit alors à M. le comte de Quélen, seigneur de la Ville Chevalier, père de Monseigneur de Quélen, archevêque de Paris, qui la vendit à la famille Guillerm. A partir de 1910, cette propriété appartient à M. Sylvain de Sagazan.

Monseigneur de Quélen fit démolir l'ancien manoir qui menaçait ruine et sur son emplacement s'élève vers 1913 une construction des plus ordinaires ; au-dessus de la porte d'entrée, une plaque de marbre rappelle seulement le souvenir de l'ancienne demeure. Dans la cour se trouve un vieux puits et dans un champ voisin un colombier qui datent de l'époque de notre saint.

Aussitôt après le décès de Yves de Kermartin, il ne fut bruit que des miracles opérés par son intercession et ces miracles se multiplièrent les années suivantes de telle façon que le duc de Bretagne Jean III crut devoir solliciter du saint Siège la canonisation d'un homme dont Dieu avait manifesté si hautement la sainteté, les mérites et la gloire. Il tenta une première démarche auprès du pape Clément V et après le décès de ce dernier arrivé peu après, il envoya en ambassade auprès de son successeur Jean XXII, Yves de Bois-Bouessel, évêque et délégué du chapitre de Tréguier et son propre frère Guy de Bretagne, comte de Penthièvre. D'autre part, Philippe de Valois, roi de France, la reine Jeanne, sa femme, l'Université de Paris qui s'intéressait particulièrement à la gloire de son ancien et brillant élève, appuyèrent la démarche du duc Jean III, si bien que le souverain pontife se décida à envoyer en Bretagne des commissaires apostoliques et, par lettre du 26 février 1330, leur donna pouvoir d'informer de la vie et des miracles d'Yves, fils d'Heloury.

Cette mission se composa de : Roger, évêque de Limoges, neveu du feu cardinal de la Chapelle, qui avait été professeur de saint Yves à Orléans ; Aiquelin, évêque d'Angoulême, neveu et successeur de feu Guillaume de Blaye, qui avait été aussi professeur de saint Yves dans la même ville et Aimeri, abbé de Saint-Martin, de Troarn, prés de Caen, lesquels se rendirent à Tréguier et procédèrent à leur enquête. Le procès-verbal de cette enquête, scellé par les commissaires, fut porté au pape par l'évêque d'Angoulême.

Ce fut Clément VI, successeur de Jean XXII, qui procéda à la canonisation de saint Yves, laquelle eut lieu le 19 mai 1347.

Avant même sa canonisation, un pèlerinage s'était établi au lieu de sa sépulture et bientôt la renommée du bienheureux Yves s'étendit non seulement dans la Bretagne entière, mais en France, en Angleterre, en Portugal, dans les Flandres et jusqu'en Chypre. L'affluence des pèlerins devint si grande que François II, duc de Bretagne, à la suite de conflits survenus entre Normands et Anglais venant rendre leurs dévotions à notre grand saint, rendit à la date du 20 juillet 1463 une ordonnance de sauvegarde pour les pèlerins [Note : Archives départementales des Côtes-du-Nord (Inventaire des titres de l'église de Tréguier)], dont nous extrayons ce qui suit, pensant intéresser le lecteur et lui donner aussi une idée de l'importance de ces pèlerinages :

« François, par la gràce de Dieu, duc de Bretaigne, conte de Montfort, de Richemond, d'Estampes et de Vertus, à touz ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. De la part de reverend père en Dieu nostre bien ami et feal conseillier l'evesque de Tréguer et des chanoines et aultres gens de l'Eglise dudit lieu, nous a esté en supliant exposé que combien que en lad. Eglise autour du dimanche après le jour du Saint Sacrement par chacun an, y a très grans pardons et indulgences, fondez, concedez et octroiez anciennement et y a plusieurs corps et saintes reliques ; auquel lieu et pour visiter ladite Eglise et les sains corps et reliques y estans et gaigner lesdites indulgences et pardons, viennent gens périgrinament de plusieurs et divers loigntains païs et contrées, à grant nombre et multitude tant par mer que par terre, etc., que les pelerins allans et venans audit pardon et aux autres semblables lieux saints doivent par bonne raison et equité estre maintenuz et gardés en la seurté, protection et sauvegarde des princes et seigneurs des lieux en quels païs ils vont, tellement que homme ne leur doit donner moleste, destourbier ne empeschement, en corps ne en biens, durant le temps de leur pelerinage, par mer ou par terre, etc.

Ordonnons en mandement, par ces presentes à noz mareschal, admiral, vice-admiral, capitaines, presidiaulx, seneschaulx, baillifs, prevotz, leurs lieutenans et autres justiciers, officiers, vassaulx, feaux et subgets de notre duchié et à tous autres à qui de ce peut ou pourra appartenir, de cestz noz presens concession et octroy et de tout le contenu en ces presentes faire souffrir et laisser joir tous les dis pelerins, touz empeschemens cessanz, au contraire et sans sur leurs navires et biens quelzcunques leur donner, faire, mettre ne souffrir estre donné mis ne fait aucun trouble, empesehement arrest ne molestacion, en corps ne en bien, en aucune manière, soit pour marque, contremarque, prinse, reprisse, a requeste de partie ne autrement en aucune manière, ne pour quelconque caution ne occasion que ce soit, car ainsi le voulons et nous plaist. Et affin que ce soit ferme et estable nous avons signé ces presentes de nostre main et fait sceller de nostre scel. Donné à Nantes le XXème jour de juillet l'an mil IIII soixante trois. Signé : François ».

Cette dévotion à saint Yves s'est perpétuée jusqu'à nos jours et si nous ne voyons plus accourir à son tombeau et à l'église du Minihy les foules étrangères, la Bretagne toute entière n'oublie pas ce lieu de pèlerinage et se fait représenter annuellement à la fête du 19 mai. Non, saint Yves n'est et ne sera jamais oublié des bretons et son culte restera toujours vivace en leur cœur !

Le corps de saint Yves fut exhumé le 27 octobre de l'année de sa canonisation 1347. Le chef fut réservé pour être placé dans le trésor de l'église et le reste fut laissé dans le tombeau. Les princes, les prélats, les corporations de jurisconsultes et d'avocats tant en France qu'à l'étranger briguèrent l'honneur de posséder une parcelle de ses reliques, mais nous n'avons à nous occuper ici que de celles demeurées à la cathédrale de Tréguier.

Lorsque le duc Jean V, délivré de captivité, mit à exécution le vœu qu'il avait formé d'élever un mausolée à saint Yves, il fit construire dans l'église de Tréguier à gauche et au haut de la nef latérale nord, la belle chapelle que nous voyons encore vers 1913 connue sous le nom de chœur du Duc et entre cette chapelle et les piliers de la nef centrale, fit élever un magnifique tombeau pour la construction duquel il donna d'abord 320 marcs et sept onces d'argent et plus tard 2 autres cents marcs pour en couvrir le tombeau et faire dorer le pourtour, comme nous l'avons vu plus haut.

Ce tombeau subsista jusqu'en 1793, époque à laquelle un bataillon révolutionnaire, composé de Parisiens alors en garnison à Tréguier, le saccagea et le détruisit de fond en comble, mais les précieuses reliques furent conservées et le procès-verbal suivant que nous tenons à reproduire in extenso, nous montrera par qui elles furent sauvées pendant la Terreur et restituées ensuite au Trésor de la cathédrale.

« Nous, Pierre-Joseph-Marie Saint-Priest, Claude Rolland, Charles Riou et Olivier L'Hermit, prêtres desservants de l'église de Treguier, etant instruits qu'en 1793, les citoyens Louis Le Creiou, alors maire, Jacques Richard, Jean-Marie Candan, Yves Lemerdi et Jacques Le Troadec, offieiers municipaux, s'etant adjoint le citoyen Testard du But, prêtre, avaient enterré les reliques de saint Yves, saint Tudual, et saint Mandé, pour les soustraire à la destruction dont elles etaient menacées par le vandalisme, avons prié les administrateurs de nous faire connaître l'endroit où reposaient ces presentes reliques afin de les exposer à la vénération des fidèles : des témoins dudit enterrement, plusieurs etant decedés, les citoyens Louis Le Creiou, Jacques Richard et Jean-Marie Caudan se sont presentés avec les citoyens Jean-Louis-Hyacinthe Perichon, premier adjoint de la municipalité, Guillaume Keralio, François Dieuleveult, Jean-Baptiste Le Bonniec, Yves Le Bozec et plusieurs autres, accompagnés desdits temoins et des maçons Pierre Poulet et Yves Le Gueut, qui avaient fait l'inhumation en 1793 ; nous nous sommes transportés à la porte collatérale à droite du choeur, vis à vis de la chapelle de saint Tudual. Après avoir creusé environ deux pieds de profondeur, lesdits maçons ont trouvé deux caisses, l'une de plomb et une de bois qu'ils ont reconnues, ainsi que les citoyens Louis Le Creiou, Jean Richard et Jean-Marie Caudan, être les mêmes qu'ils avaient enterrées en 1793. Nous en avons fait l'ouverture et y avons trouvé le chef de saint Yves, son bras gauche, le bras droit de saint Tudual et l'os fémoraire de saint Mandé. Après avoir vénéré et encensé les précieux restes des amis de Dieu, nous les avons portés à la sacristie processionnellement, et les avons déposés dans un grand reliquaire de bois doré. Lesquelles démarches et agissements nous avons faits et terminés en l'église de Treguier, ce jour vingt huit avril mil huit cent un. Le tout en presence des temoins dont les signatures suivent : Pierre-Joseph-Marie Saint-Priest ; Claude Marie Rolland, prêtre ; Charles Rion, prêtre ; L'Hermit, prêtre ; Guy Guillon, musicien ; Gousanzout ; Jean-Marie Caudan ; Guillou fils, Allain Abgrall ; Yves Le Bars ; Yves Hamon ; Le Provec, assesseur du juge de paix ; Yves de Quément ; Coadic ; P. Le Gorrec ; Rouxel aîné, assesseur du juge de paix ; Pierre Gigon ; Charles Leperret, tisserand ; Pierre Le Campion, perruquier ; Françoise Adam ; Yves Le Gallou, marchand ; Marie-Louise Leperon ; Yves Balcou, marchand ; Antoine Huet ; Rogard ; Roussel, père ; Pierre Roulet ; Julien Goubert ; François Kerambrun, perruquier ; Jacques Le Lanne, instituteur ; J.-M. Rouxel ; Charlotte du Breil de Rays ; du Breil, veuve de Cillard ; Jeanne-Marie Ridec ; Céleste du Breil de Rays ; Léon-Jean Le Yaouang ; Julien Herviou ; Anne Le Bideau ; F. Hamon ; Guillaume-Arthur Kalio ; Louis Le Moal ; Le Bronsort-Caudan ; Hélène Le Bronsort ; Victoire Le Bronsort ; Jacques Richard ; Pierre Le Saux ; Emilie Fleuriot de Langle ; Olimpe de Langle ; Marie-Joseph Tremurec ; Marie-Anne Le Flohic ; Alexis Le Flem.

Je certifie les signatures ci-dessus et de part véritable ; et foi doit être ajoutée au besoin.

A Treguier, le 20e floreal an 9 de la République française. Le Guillou, l'aîné, maire.

Vu en cours de visite, à Tréguier, le huit mai mil huit cent vingt un + Mathias, ev. de Saint-Brieuc.

Les reliques de saint Yves furent en 1820 mises dans un reliquaire en bronze doré donné par Mgr de Quelen, alors archevêque de Samosate, coadjuteur de l'archevêque de Paris, et M. l'abbé Tresvaux, vicaire général de Paris, fit élever à sa mémoire sur le côté droit de la chapelle du duc un mausolée en terre cuite que j'ai vu dans mon enfance et que je croyais bien alors être le véritable tombeau de notre saint.

Mais le vide créé par la rapacité et l'amour de la destruction des vandales de 1793 demandait à être comblé et la foi des peuples en saint Yves réclamait un monument digne de ce grand saint. Mgr Bouché, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier de 1884 à 1888, enfant du pays, le comprit et, à peine installé sur son siège épiscopal, songea à rétablir dans la cathédrale de Tréguier un mausolée au lieu même où s'élevait le tombeau de saint Yves avant la Révolution et se vit puissamment secondé par le clergé de la cathédrale et tout particulièrement par M. l'abbé Le Goff, archiprêtre et M. l'abbé Le Pon, son vicaire, qui s'intitulait Laouenanik zant Ervoan (le roitelet de saint Yves), auteur du beau cantique breton dont le refrain commence et finit ce chapitre.

Mgr Bouché pria l'érudit M. de la Borderie de rédiger un avant-projet de ce monument, de manière à reproduire aussi exactement que possible dans ses lignes générales le tombeau élevé par Jean V. Sur cet avant-projet, il chargea M. Devrez, l'éminent architecte chargé des travaux de Notre-Dame de Paris, d'en dresser le plan, qui fut approuvé par un comité réuni à cet effet à Tréguier le 19 mai 1885. Les travaux furent poussés avec activité, mais Mgr Bouché n'eut pas le bonheur d'assister au couronnement de l'œuvre dont il avait eu l'initiative. Son successeur, Mgr Fallières, s'empressa, en arrivant dans son diocèse, de fixer la date d'inauguration de ce magnifique monument alors achevé, et les 7, 8 et 9 septembre 1890 de toutes les parties de la Bretagne arrivèrent en foule les pèlerins célébrer la glorification de saint Yves. Tréguier s'était surpassé pour recevoir dignement les prélats et gens de distinction qui lui faisaient l'honneur de leur visite ; ce n'était partout que drapeaux, guirlandes, arcs de triomphes s'harmonisant admirablement avec l'époque qu'ils représentaient.

Le mausolée dont nous donnons la description au chapitre ci-après fut solennellement béni par son Eminence le cardinal Place, archevêque de Rennes, entouré de Messeigneurs Gonindard, son coadjuteur ; Fallières, de St-Brieuc ; Freppel, d'Angers ; Becel, de Vannes; Potron, de Jéricho. Pendant le Triduum qui suivit cette bénédiction, 3 magnifiques panégyriques furent prononcés par Mgr Morelle, alors secrétaire particulier et successeur de Mgr Fallières ; Mgr Gonindard et Mgr Freppel. Dans l'enthousiasme qui animait la foule, il était bien facile de voir à quel point saint Yves est le saint familier des Bretons et ce fut un grand bonheur pour moi d'avoir pu assister à ces fêtes aussi grandioses que pacifiques, dont je garde un précieux et fidèle souvenir.

En août 1896, M. le docteur Le Bec, chirurgien de l'hôpital Saint-Joseph à Paris, de passage à Tréguier, demanda à visiter les insignes reliques de la cathédrale et remarqua sur le chef de saint Yves une certaine altération due à la présence d'un champignon, qui rendait les os friables et menaçait la précieuse relique de s'effriter. Il crut devoir faire part de sa remarque au vénérable archiprêtre M. Le Goff. Ce dernier, justement inquiet, en parla au docteur Le Gueut, alors étudiant à la Faculté de médecine catholique de Lille, et d'accord avec lui et M. le docteur Guézenec, de Tréguier, eut recours au talent et à la science de M. le docteur Guermonprez, professeur à l'Université catholique de Lille, membre correspondant de la Société de chirurgie de Paris, pour rémédier au danger qui menaçait la conservation de ces restes précieux.

Le 20 août 1897, après les constatations d'usage au point de vue de l'authenticité des reliques et des documents contenus dans le reliquaire, le docteur Guermonprez se livra à un examen minutieux de ces reliques et proposa une série de soins absolument indispensables pour détruire non seulement le champignon, mais tous les éléments de répullulations de ce champignon et mettre à l'avenir les ossements sacrés à l'abri de tout danger de corruption et de contamination. Cette proposition ayant été acceptée par l'autorité ecclésiastique, il fut procédé immédiatement à son exécution. L'opération eut lieu dans la chapelle de saint Yves, autrement dite « Chœur du Duc », en présence d'un grand nombre de personnes, notamment de : MM. Jules Gadiou, secrétaire de l'évêché, délégué de Mgr Fallières ; le chanoine Le Goff, vicaire général honoraire, curé de la cathédrale ; le chanoine Duchêne, supérieur du petit séminaire de Tréguier ; le chanoine Le Pon, recteur de Plougrescant ; l'abbé Bouetté, vicaire de la cathédrale ; l'abbé Uro, aumônier des Sœurs de la Croix ; l’abbé Coadic, chapelain coadjunteur des Dames Ursulines ; Auguste Le Goaster, Jean-Pierre de Dieuleveult, Le Mouhaer, Henri de la Baronnais, membres du conseil de fabrique ; le docteur Guézenec ; et François Le Gueut, président de l'association celtique des étudiants de l'Université catholique de Lille.

Après l'achèvement de l'opération, un procès-verbal dressé par M. l'abbé Gadiou, revêtu du sceau de Mgr Fallières, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, relatant les différentes phases de cette opération, fut signé par les personnes dénommées dans l'acte et par un grand nombre de celles présentes et déposé avec les titres plus anciens (notamment le procès-verbal du 20 floréal an 9 ci-dessus rapporté) dans le reliquaire où les insignes reliques avaient déjà été replacées. Un second exemplaire du même procès-verbal fut déposé dans les archives de la cathédrale.

Avant de terminer ce chapitre, je tiens à faire remarquer combien humainement parlant la vie de saint Yves fut simple et je ne peux mieux le démontrer qu'en rapportant ici une page tirée du remarquable discours prononcé par Mgr Freppel, évêque d'Angers, lors de l'inauguration du monument de saint Yves, le 9 septembre 1890, dans la cathédrale de Tréguier.

« A la vue de ce magnifique monument au pied duquel nous sommes rassemblés, devant cet immense concours de fidèles accourus de tous les points de la Bretagne pour prendre part à la solennité de ce jour, je me demande, non sans un vif étonnement, ce qui a pu donner lieu à de pareilles démonstrations. L'homme dont le nom est en ce moment sur toutes les lèvres n'avait pas, comme son illustre contemporain saint Louis, occupé un de ces sommets de l'histoire d'où la vertu rayonne avec un éclat souverain. Il n'avait pas, comme saint Thomas et saint Bonaventure, ouvert à la doctrine l'un de ces sillons de lumière qui ne se referment plus jamais. Il n'avait pas, comme saint Dominique et saint François d'Assises, laissé après lui l'une de ces familles religieuses dans lesquelles se survivent la sainteté et le génie du fondateur.

Aucune des œuvres merveilleuses de ce grand treizième siècle, qui fut le sien, ne s'était rattachée à sa vie ; et lorsque, à six cents années de distance, je cherche les traces de son passage ici-bas, à part d'inestimables reliques, je ne trouve rien de ce qui fait d'ordinaire les immortelles renommées. Un débris du manoir paternel, quelques feuillets d'un bréviaire usé par le temps après l'avoir été par la prière, vingt lignes d'un testament sauvé de l'oubli, voilà tout ce qui nous reste, du moins en apparence, d'un souvenir qui semblait devoir s'éteindre dans les étroites limites de quelques bourgades obscures des côtes de la vieille Armorique.

Et cependant, à peine la tombe s'était elle fermée sur les dépouilles mortelles de cet humble prêtre, qu'il se produisait autour de son nom un mouvement de foi et de dévotion incomparable. C'est tout un peuple qui se lève dans un pieux enthousiasme ; et tandis que la puissance divine multiplie ses miracles, les hommes font éclater de toutes parts leur confiance et leur vénération. De la Bretagne aux Flandres et de Paris à Rome, Yves de Kermartin reçoit les hommages des petits et des grands. Partout des confréries se forment en son honneur ; les universités et, en particulier, les facultés de droit se placent sous son patronage ; les parlements, les cours de justice implorent sa protection. Interprètes d'un vœu unanime, les rois de France se joignent aux ducs de Bretagne pour appeler sur tant de vertus le jugement suprême de l'Eglise. Devant ce tombeau, mémorial de la charité, les haines s'apaisent ; les Charles de Blois et les Jean de Montfort font trève à leurs sanglantes rivalités pour s'associer aux manifestations de la piété publique, et la grande voix des Papes dominant ce concert universel de louanges et de prières, signale à l'admiration du monde entier le saint le plus populaire de la Bretagne, celui dont on a pu dire avec raison, qu'après saint Martin il mérite d'être appelé le thaumaturge de la France ».

Dans le même ordre d'idées, l'érudit M. Loth, professeur au collège de France, a publié dans les Annales de Bretagne sous le titre « Une cause de la popularité de saint Yves », un article dont j'extrais les passages suivants : « Les grandes vertus de saint Yves, particulièrement sa charité, sa tendresse pour les pauvres et les opprimés, sans parler de sa qualité d'avocat, suffiraient à expliquer sa popularité en Bretagne. Ajoutons que c'est un de nos derniers saints bretons canonisés. Il n'en est pas moins assez extraordinaire qu'il ait éclipsé les plus grands parmi ses prédécesseurs, les fondateurs même des évêchés bretons dont les services sont autrement éclatants et durables que les siens, Il y en a une raison toute linguistique ».

Et M. Loth, en sa qualité de professeur éminent de langue et littérature celtiques, établit un rapprochement entre les noms de Yves (en français) et Ervoan (en breton) pour appliquer ces noms à plusieurs autres saints et finit son article comme suit :

« La popularité de saint Yves est donc venue, comme on le voit, se greffer sur celle d'au moins quatre autres saints et il en résulte, par une malice du hasard, que le bienheureux le plus scrupuleux sur l'article du tien et du mien, reçoit journellement des hommages et des offrandes qui ne s'adressent pas tous à lui ».

Loin de moi la pensée de nier l'existence des quatre autres saints Yves ou Ervoan, dont parle M. Loth et qui ont existé puisqu'il le dit et ne l'aurait pas avancé sans en être certain, mais on peut mettre en doute leur popularité, car sinon de quelques érudits, ils sont parfaitement inconnus et par suite, leur popularité, si popularité il y eut, n'a pas dû grossir sensiblement celle de notre compatriote.

Il est, je crois, plus simple, avec Mgr Freppel, d'attribuer une glorification si éclatante à la sainteté de Yves de Kermartin confirmée par des miracles sans nombre. Si ces miracles attestés par tant de témoins devaient être considérés comme inexistants, on serait forcément amené à croire à un miracle dépassant en grandeur ceux contestés, ce serait celui de cette popularité et de cette renommée aussi vivaces vers 1913 qu'il y a sept cents ans, étayées seulement sur les faits et gestes purement humains du plus simple et du plus modeste des hommes.

Nous pouvons donc, Trécorrois, être fiers de notre compatriote, nous savons que les hommages qui lui sont prodigués sont à lui seul destinés et répétons avec tous les Bretons qu'il n'y a pas en Bretagne de saint comme saint Yves de Kermartin.

N'en euz Ket en Breiz, n'en euz Ket unan - N'en euz Ket eur zant, evel zant Ervoan.

(Adolphe Guillou - 1913).

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