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Le nom ancien de Tréguier est Lantréguer. La grammaire bretonne a l'habitude de faire précéder les noms de lieux de mots tels que lan, qui veut dire territoire ; plou, qui veut dire peuplade ; loc, qui veut dire cellule ou chapelle ; goui, qui veut dire château, etc... Lantreguer veut donc dire pays de Tréguier ou peut-être de la rivière de Tréguier, si le nom ancien de la rivière elle-même est Tréguier.

La ville a eu pour origine un monastère que fonda saint Tugdual. Ce saint émigra d'Angleterre vers 520, avec 72 religieux ; il prenait ou recevait le titre de papa comme les chefs religieux de cette époque. La langue bretonne a transformé papa en Pabu, et saint Tugdual est souvent désigné dans les chroniques sous le nom de Pabu-Tugdual ; plusieurs communes portent même le nom de Pabu ou de Saint-Pabu. Saint Gonnery, autre saint anglais, qui émigra à une époque postérieure, a dans la commune de Plougrescant, située à l'ouest de l'embouchure de Jaudy, une chapelle dont la voûte en bois est décorée de peintures anciennes et naïves qui représentent la création du monde.

Le Jaudy amena fatalement sur le pays le fléau des Normands. La tradition a conservé ce souvenir en donnant le nom de Tour de Hasting à une vieille tour romane qui est adossée à la cathédrale actuelle. Cette tour n'est certainement point de construction normande ; néanmoins, il est vraisemblable que la tradition a raison en conservant le nom d'Hasting, qui sans doute pilla le couvent fondé par saint Tugdual et l'agglomération qui l'entourait.

Au IXème siècle, Nominoë, roi ou duc de Bretagne, voulant soustraire le clergé breton à la juridiction de l'évêque de Tours , porta de 4 à 7 le nombre des évêchés, et institua comme métropolitain l'évêque de Dol. Ce régime subsista jusqu'en 1199, époque à laquelle la suprématie de Tours fut rétablie. L'évêché de Tréguier, qui fut un des trois nouveaux créés par Nominoë, a été supprimé en 1789 ; il comptait 109 paraisses et rapportait finalement vingt mille livres à son titulaire. L'évêque était seigneur et comte de la ville, et relevait directement du duc de Bretagne, bien que le territoire de son comté fût enclavé dans le domaine des puissants comtes de Penthièvre.

L'évêque Guillaume, le premier dont il soit fait mention dans les chartes, concourut vers 1030 à la fondation ou à l'agrandissement de l'abbaye de Saint-Georges de Rennes, dont la première abbesse était soeur du duc de Bretagne. Jusqu'en 1789, cette abbaye a joui de certains privilèges sur la cure de la commune de Pleubihan, qui est située à l'est de l’embouchure du Jaudy, et où l'on voit encore, dans le cimetière attenant à l'église, une chaire à prêcher en granit sculpté, d'une construction ancienne.

En 1070, Derrien, fils d'un comte de Penthièvre, bâtit le château-fort de La Roche-Derrien.

En 1253, naquit au château de Kermartin, dans la paroisse du Minihi-Tréguier, Yves, fils d'Hélouri, seigneur de Kermartin. Il embrassa l'état ecclésiastique, mourut en 1303 et fut canonisé en 1347 ou 1348. Saint Yves était l'avocat des pauvres, et on chantait quelquefois à sa fête une poésie latine dans laquelle son auteur, homme d'église sans doute, inséra la boutade suivante à l'adresse des gens de loi « Sanctus Yvo erat Brito, - Advocatus et non latro, - Res miranda populo ». Saint Yves recevait du roi une pension de six deniers par jour, pension qu'il consacrait à secourir les malheureux ; il a été le personnage le plus considérable et le plus populaire qu'ait produit Tréguier. La bibliothèque de Saint-Brieuc possède un manuscrit de l'enquête de la canonisation du saint, manuscrit qui paraît dater de 1346, et marque l'époque à laquelle le papier de chiffon remplaça le parchemin.

Le chapitre de la cathédrale se composait de douze chanoines et cinq dignitaires, qui étaient le grand-chantre, le trésorier, deux archidiacres et un écolâtre. Guillaume de Coët-Mohan, grand-chantre du chapitre de Tréguier, conseiller du roi Philippe le Bel, fonda à Paris, vers 1325, le collège de Tréguier, qui a été postérieurement réuni au collège de France.

L'évêque Richard du Poirier posa en 1339 la première pierre de la cathédrale actuelle. Ce bel édifice, dont la construction a duré longtemps, existe encore aujourd'hui ; il a 75 mètres de longueur et 40 mètres , de largeur à la croix. La flèche, haute de 70 mètres et relativement récente, sert, concurremment avec le rocher Skeiviec, de marque aux marins pour parer d'affreux écueils appelés Jument et Epées de Tréguier. Un cloître remarquable est accolé à la cathédrale.

Le pays de Tréguier fut très agité par les guerres qui eurent lieu de 1341 à 1420, et qui prirent naissance dans la rivalité des comtes de Blois ou de Penthièvre et des comtes de Montfort pour la possession du duché de Bretagne. Les Penthièvre appelèrent à leur secours les rois de France, et les Montfort, les rois d'Angleterre, de sorte que la lutte fut singulièrement agrandie. Le château-fort de La Roche-Derrien fut souvent assiégé, pris et repris par les deux partis.

La guerre, dite de la succession, entre Charles de Blois et Jean de Montfort, dura de 1341 à 1364. Les Anglais prirent Tréguier et La Roche-Derrien vers 1346. En 1347, Charles de Blois vint faire le siège de La Roche-Derrien, et perdit la bataille de ce nom, une des plus célèbres de l'époque, parce que 22.000 hommes s'y trouvèrent engagés. Vers 1357, il donna La Roche-Derrien à Duguesclin pour le récompenser d'avoir délivré Rennes assiégée par le duc de Lancastre. La bataille d'Auray mit fin, en 1364, à la guerre de la succession ; Charles de Blois y fut tué, et Duguesclin se rendit à l'anglais Jean Chandos. Jean, fils de Jean de Monfort, devint duc de Bretagne sous le nom de Jean IV ; bien qu'il dût son duché au secours des armes anglaises, il en fit hommage au roi de France.

Olivier de Clisson, qui avait été le compagnon d'enfance de Jean combattit pour ce dernier contre les Penthièvre, à la bataille d'Auray.

Jean IV était gendre du roi d'Angleterre, et ses sympathies étaient anglaises. Au contraire, le peuple breton et le plus grand nombre des chevaliers détestaient les Anglais, qu'ils appelaient Saos ou Saxon, et penchaient vers la France, toutes les fois que leur autonomie n'était pas menacée. Jean IV dut donc vivre dans une perpétuelle politique de bascule qui lui attira souvent la guerre.

Le roi de France, Charles V, profita habilement d'une perfidie de Jean IV pour détacher du parti de ce dernier Olivier de Clisson, qui devint plus tard connétable du royaume. Vers 1386, Clisson médita une descente en Angleterre, et, tandis qu'on faisait de grands préparatifs à l'Ecluse et à Dunkerque, il construisit à Tréguier une ville de bois qui se démontait à volonté et devait servir à camper dans le pays ennemi. Cette grande entreprise avorta.

Vers 1385, Clisson paya au roi d'Angleterre la rançon de Jean, fils de Charles de Blois et comte de Penthièvre, qu'il donna comme époux à sa fille Marguerite ; l'ambitieux connétable avait, sans aucun doute, l'arrière-pensée de recommencer la guerre de la succession, et de donner à Jean de Blois, son gendre, le duché de Bretagne. Jean IV, le duc régnant, conçut une haine violente contre son ancien compagnon et résolut de l'abattre complètement. L'adversaire était riche, courageux, habile à la guerre ; aussi le duc usa de stratagème : il invita le connétable à une partie de plaisir au château de l'Hermine, près Vannes, et le retint prisonnier avec l'intention de le tuer. Néanmoins, il finit par le mettre en liberté, mais après avoir reçu, à titre de rançon, cent mille écus d’or, et en outre toutes les seigneuries que Clisson et son gendre possédaient dans le duché. A peine délivré, Clisson alla solliciter l'appui du roi de France ; n'ayant rien obtenu, il se décida à faire seul la guerre à Jean IV, et lui reprit en peu de temps tous ses châteaux-forts. En 1394, Jean IV reprit sur Clisson, et par trahison, le château de La Roche-Derrien, qu'il démolit en partie. En 1397, Jean IV et Clisson firent le traité de Redon.

Le dernier épisode de la querelle des Penthièvre et des Montfort eut lieu de 1419 à 1420. En 1419, Marguerite de Clisson, veuve de Jean de Blois et comtesse de Penthièvre, invita le duc Jean V, fils de Jean IV, à une fête à Chantoceaux ; comme celui-ci s'y rendait sans méfiance, elle le fit saisir par ses fils et le retint prisonnier. Jean V connaissait le violent désir qu'avait la comtesse de le dépouiller du duché de Bretagne, et l'appui secret qu'elle trouvait près du roi de France, Charles VII ; aussi, craignant de perdre la vie, fit-il dans sa prison plusieurs vœux, et notamment celui de donner son pesant d'or pour en faire une statue à saint Yves. Délivré en 1420, le duc s'empara de tous les biens des Penthièvre, rasa le château de La Roche-Derrien et exécuta royalement le vœu fait à saint Yves : entrant armé en guerre dans le plateau d'une balance, il se trouva peser 380 marcs et 7 onces, et donna pareil poids d'or au chapitre de Tréguier. On construisit avec cette somme un tombeau à saint Yves, et ce monument a subsisté jusqu'en 1792. Le même Jean V déclara par testament vouloir être inhumé dans la cathédrale de Tréguier ; il mourut en 1442 à Nantes, et fut, malgré son testament, inhumé dans la cathédrale de cette dernière ville. Mais le chapitre de Tréguier intenta au chapitre de Nantes un procès qui dura neuf années, et rentra finalement, en 1451, en possession du corps de son bienfaiteur.

Dans le XVème siècle, dit-on, un seigneur de Quintin se maria en Flandre. La dame amena avec elle des fileuses de son pays, et fit semer du lin et du chanvre dans les environs de Tréguier, d'où la culture s'en répandit de proche en proche. Cette tradition ne repose sur rien de certain ; et, si même on se reporte au mot canabis, qui veut dire chanvre en latin, et au mot canab, qui veut dire chanvre en breton, on est tenté d'en inférer que le chanvre a été introduit en Bretagne par les Romains. Mais il est vraisemblable que la bonne manière de travailler le lin et le chanvre a été importée, vers le XVème de la Flandre en Bretagne.

En 1436, l'évêque Raoul Rolland publia ses premiers statuts. Le sixième défend aux « caquins ou gens suspects de lèpre » de se mêler avec les autres, et leur assigne une place au bas de l'église. Une ordonnance, rendue en 1477 par le duc François II, enjoignit aux caquins de porter une marque rouge sur leurs habits, et leur interdit tout commerce autre que celui du lin et du chanvre ; mais, pour les empêcher de mendier et de se mêler ainsi avec les gens sains, autorisation leur était donnée de faire valoir comme fermiers les terres voisines de leurs habitations, à condition que la durée des baux n'excédât pas trois ans. Les caquins ou c'hakous vivaient en Bretagne dans de petites colonies appelées taquineries ; ils étaient serfs de l'Eglise et ne payaient d'impôt qu'à l'évêque ; ils exerçaient généralement le métier de cordiers. Le peuple breton les avait en horreur, parce qu'il les considérait comme des descendants de Juifs lépreux, et pourtant ils n'étaient pas lépreux. En un mot, ils étaient de véritables parias, auxquels on refusait souvent la sépulture dans les cimetières ordinaires. Au XVIIIème siècle, le Parlement les fit rentrer dans le droit commun ; mais il ne put faire disparaître le préjugé, qui subsista très-violent jusqu'en 1789 et dont on retrouverait peut-être trace aujourd'hui. A n'en pas douter, les caquins de Bretagne, les cagots de Gascogne, les colliberts du Poitou et de la Saintonge appartiennent à une même caste, une caste maudite : ils sont un problème historique d'autant plus difficile à résoudre qu'ils ont à peu près disparu. Dans une première hypothèse, les caquins étaient un reste des Visigoths ou des Huns, de tous les deux peut-être ; des ethnographes ont cherché à le prouver pour les cagots, dans lesquels ils ont prétendu discerner un type blond et un type jaune. Dans une seconde hypothèse ils étaient des descendants non lépreux d'ancêtres lépreux : en les faisant ses serfs, l'Eglise aurait en réalité pris ces malheureux sous sa protection ; il est d'ailleurs extrêmement probable qu'au moyen-âge on dut souvent reléguer parmi les lépreux des gens atteints de maladies eczémateuses, dont les descendants furent aussi sains de corps que le reste du peuple.

Le même Raoul Rolland publia, en 1437, de nouveaux statuts qui fixent à 72 le nombre des fêtes gardées dans le diocèse de Tréguier, et en 1440 ses derniers statuts, qui interdisent le jeu de la soule.

Le nombre des fêtes gardées fut notablement réduit dans la suite par l'évêque Jean de Plœuc ; mais il resta si considérable qu'en 1762 un mémoire fut présenté aux Etats afin d'obtenir une nouvelle diminution et d'augmenter ainsi le nombre des jours de travail des laboureurs.

La soule était une boule que les jeunes gens de deux paroisses, armés de bâtons se disputaient ; les jeunes gens de la paroisse sur laquelle elle était lancée étaient vaincus dès qu'elle était sortie de leur territoire.  Ce jeu, qui avait lieu principalement le dimanche, surexcitait extraordinairement les paysans bretons, en apparence si flegmatiques ; quand une soule voyageait, les deux partis qui se trouvaient en présence se livraient dans les champs, dans les chemins creux, au besoin dans les rivières et jusque sous les roues des moulins, de véritables batailles où cent cinquante hommes étaient parfois engagés, et qui finissaient le plus souvent mal. Des arrêtés municipaux ou préfectoraux ont été à diverses reprises rendus dans ce siècle pour faire cesser ce jeu violent, contre lequel les statuts de Raoul Rolland demeurèrent impuissants.

L'hôtel-de-ville de Morlaix possède un livre imprimé en la cité de Lantréguer, le 4ème jour du mois de juin 1485 ; c'est peut-être le plus ancien livre connu comme ayant été imprimé dans le duché de Bretagne.

En 1489, le maréchal de Rieux, tuteur de la duchesse Anne, qui était alors âgée de 12 ans, permit à Jean de Boisgelin, capitaine d'arbalétriers, de vendre, de concert avec le sieur de Kerousi « une pinace et ses appareils, estant à présent au hâvre du dit lieu de Lantréguer, qui a été prise par le dit de Kerousi sur des pirates et escumeurs de mer ».

L'évêque Jean de Callouët fit son entrée à Tréguier en 1502 ; il a été confesseur de Louis XII, et président de la Cour des Comptes.

En 1516, des particuliers, possesseurs de quelques vignes dans le diocèse, ne sachant comment détruire les chenilles et hurebets qui les ravageaient, présentèrent une requête à l’ecclésiastique, appelé official, qui rendait la justice au lieu et place de l'évêque. L'official exorcisa les chenilles et hurebets, et leur enjoignit de sortir du diocèse dans le délai de 5 jours. La culture de la vigne avait donc anciennement, dans le nord de la Bretagne, une importance qu'elle n'a plus de nos jours.

La réforme agita peu la Basse-Bretagne. En 1562, le roi Charles IX défendit « à ceux de la prétendue religion réformée de faire presches au diocèse de Tréguier, villes et bourgs d'icelui ». A ce sujet le roi écrit de Paris : « Qu'il n'y eut du passé aucun prédicant, ni ministre de la nouvelle religion à Lantréguer ; que, le jour de la fête du Saint-Sacrement, il s'y fait chaque année une grande assemblée tant des étrangers qui viennent d'Espagne, Portugal et Angleterre que d'autres de sa subjection ; qu'il y a quelques personnes de la nouvelle religion qui se vantent et jactent d'introduire ces jours en la dite ville des ministres pour y faire presche, etc. Ce qui, s'il advenait, pourrait tourner à très-grand tumulte et sédition, attendu qu'icelle ville est très-obéissante à la sainte Eglise catholique romaine, constitution d'icelle, etc. ». A n'en point douter, cette défense du roi est une mesure de précaution qui lui fut demandée par l'évêque ; elle établit d'ailleurs qu'à cette époque la ville était florissante puisqu'on venait à ses foires d'Espagne, Portugal et Angleterre.

La ville possédait des quais ; sur ces quais, une levée en terre servait de « pourmenoir » aux habitants, et, près du pont du Canada, la fontaine dite de la Rive, entourée de trente‑trois toises de murailles, était garnie au-dedans de corroi et gazon pour empêcher la mer d'y pénétrer.

Les guerres de religion avaient épargné la vieille cité de Tréguier ; elle resta fidèle au roi, pendant la Ligue et fut ruinée à cause de sa fidélité. La Ligue eut pour chef en Bretagne le duc de Mercœur qui, par sa femme, était héritier des prétentions de la maison de Blois et cherchait à rétablir à son profit le duché de Bretagne. Le plus fameux des capitaines tenant pour Mercœur fut Guy Eder, sire de La Fontenelle ; en réalité la Ligue ne fut pour ce gentilhomme qu'un prétexte dont il s'autorisa, en ces temps d'anarchie, pour voler à main armée dans le diocèse de Tréguier et le diocèse de Léon. Les Ligueurs prirent et pillèrent deux fois Tréguier, en 1589 et 1591. Fontenelle, qui avait d'abord établi son repaire à quelques lieues de cette dernière ville, dans le château de Coatfrec, eut sans doute sa part du butin, à en juger par la complainte, bretonne suivante : « C'était un drôle de chrétien que Fontenelle, bras vif, tête chaude, aimant le vin, aimé des belles ; un jour il dit à son épée : Ma bonne lame, es-tu assez brillante ? — Je t'ai lavée dans le sang des prêtres et dans le sang des femmes violées, dans le sang des Anglais et des Huguenots et des maltotiers de Tréguier. — Es-tu contente, ma bonne lame ? ». Mais les malheurs de 1589 et 1591 ne furent rien en comparaison « des brûlements, pillage et ruines » qui eurent lieu en 1592 ; cette année-là, les Espagnols, alliés de Mercœur, firent une descente avec deux grandes galères de guerre et dix-huit vaisseaux, mirent la main sur tout ce qui pouvait être pris, même sur les reliques de saint Yves et de saint Tugdual, brûlèrent sept cent vingt maisons des plus belles et emportèrent finalement leur butin sur leurs navires. On croit même que les quais furent détruits par l'ennemi.

Sully ayant mis, quinze ans plus tard, la communauté de la ville en demeure de rendre compte de la perception des deniers d'octroi, celle-ci répondit en demandant une enquête qui fut faite en 1608. Cette enquête, qui parle longuement des quais et existe aux archives du département, ajoute « et on peut assurer que, lorsque lesdits quais étaient en réparation, ladite ville était des plus fréquentées, et qu'à présent elle est peu hantée des marchands ». La ville n'était donc pas encore sortie de ses ruines en 1608 ; le courant commercial se porta ailleurs et ne s'est depuis jamais rétabli ; enfin, la juridiction royale des Régaires fut transférée à Lannion, qui était une ville bien fortifiée.

En 1623, la communauté de Tréguier construisit une conduite d'eau ; c'est du moins la date que porte un des regards. Les Etats de Bretagne firent en 1762 un fonds de neuf mille livres pour la réparation de cette conduite.

En 1648, l'évêque Grangier fonda le petit séminaire, auquel Vincent de Paul envoya des prêtres lazaristes. Avant 1789, ce petit séminaire possédait 3.000 livres de rente et 4 bourses au collège Louis-le-Grand de Paris ; vendu nationalement en 1791, il a été racheté en 1820 et rendu à son ancienne destination.

En 1676, le roi Louis XIV écrivit à l'évêque pour l'inviter à créer un hôpital et l'informer d'ailleurs que le Trésor royal ne donnerait rien. Cet hôpital était bâti dès 1678.

En 1678, le roi Louis XIV envoya l'ingénieur de Sainte‑Colombe pour visiter les côtes de Bretagne et en faire le plan ; les villes étaient tenues de fournir gratuitement des chevaux à cet ingénieur. Ce voyage est, comme on le voit, très rapproché de la célèbre ordonnance de 1681.

Vers la fin du XVIIIème siècle, une vive impulsion ayant été donnée aux travaux publics en Bretagne , par le duc de Penthièvre et le duc d'Aiguillon, les Etats Généraux de la province allouèrent, pour le nettoiement du port de Tréguier et les ouvrages à y établir, d'après les plans et devis de l'ingénieur en chef, Chocat de Grandmaison : 1° En 1750, un fonds de 4.000 livres qui fait ordonnancé en 1753 ; 2° En 1752, un fonds de 4.000 livres qui fut ordonnancé en 1754 ; 3° En 1754, un fonds de 7.000 livres qui fut ordonnancé en 1756 ; 4° Vers 1760, sans doute, des fonds nécessaires pour la construction du vieux quai. Deux plaques d'airain, avec inscriptions mentionnant les noms du duc d'Aiguillon et de l'évêque, furent incrustées dans le mur de revêtement de cet ouvrage. Les fonds étaient généralement dépensés par voie d'économie, ou régie confiée à la communauté de Tréguier. Un marché fait en 1754, pour un travail évalué 200 livres, montre comment cette dernière opérait : ses commissaires traitaient à forfait avec un tâcheron, lui imposaient de régler ses ouvriers à la fin de chaque semaine, à raison de dix sols par jour, et lui promettaient, sans en rien s'obliger d'ailleurs, un dédommagement si les dépenses de main-d'oeuvre et celles de réparation des outils, estimées 6 livres, dépassaient, une fois totalisées, les 200 livres promises. Les ouvrages de débarquement se composaient, après ces travaux, du vieux quai et de son mur en retour. Le terre-plein du vieux quai, dans sa partie sud, était occupé par une promenade plantée et close d'un muret qui laissait libre la partie nord du terre-plein et un chemin le long du vieux quai et de sa cale, de sorte que la surface disponible pour les opérations commerciales n'était guère que de 18 ares. En outre, un peu au nord du vieux quai, existait une chaussée submersible qui rejoignait en rivière un rocher voisin du chenal, et qui servait pour le débarquement du bac de Saint-Sul.

L'exportation des blés est très-ancienne dans le diocèse de Tréguier ; suivant la coutume, les fermiers étaient tenus de charroyer les blés au port le plus voisin. Vers la fin du XVIIIème siècle, ceux qui faisaient le commerce des céréales furent souvent traités d'accapareurs et assaillis d'accusations violentes qui trouvaient écho près des personnes instruites. Ainsi, par exemple, Ogée, ingénieur-géographe, auteur d'un dictionnaire de Bretagne fort estimé, a écrit vers 1780 ce qui suit, au sujet des années 1770, 1771 et 1772 : « On a dit que des particuliers, habitants de nos villes maritimes, avaient poussé la malice jusqu'à faire jeter dans la mer une grande quantité de blé, afin de vendre plus cher celui qui leur restait ». Lorsque le pain est cher, les populations ouvrières des ports sont faciles à exciter en Bretagne, si elles voient exporter des grains, même à destination de ports français ; il n'en est pas de même des populations des campagnes, que ces exportations enrichissent. En 1788, il y eut une émeute à La Roche-Derrien. En 1789, les habitants de Tréguier empêchèrent d'embarquer des grains à destination de Brest ; mais Brest envoya sept cents gardes nationaux et l'embarquement fut opéré.

L'abbé Sieyès fut nommé vers 1775 chanoine de la cathédrale de Tréguier, par Monseigneur de Luberzac. Celui-ci ayant été transféré à Chartres en 1780, Sieyès l'y suivit et devint vicaire-général dans ce nouveau diocèse.

La révolution de 1789 fut d'abord bien accueillie à Tréguier ; mais elle consomma la ruine de cette ville, en lui enlevant définitivement sa juridiction, qui portait encore le nom de Tréguier, bien que ses titulaires siégeassent à Lannion, et finalement son évêché fut transporté à Saint-Brieuc. Les habitants de Tréguier acquirent assez tôt une réputation d'incivisme très-prononcée, qui leur mérita des garnisons auxquelles on ne pouvait faire pareil reproche ; la cathédrale perdit en ces temps-là le tombeau de saint Yves, les ornements des autels et du culte, deux grosses cloches en bronze qui pesaient en tout 15.000 livres et furent envoyées au Légué, pour être transformées en canons.

La première levée de conscrits qui eut lieu en 1792 souleva une véritable émeute, et les conscrits réfractaires firent un petit corps d'expédition que la garde nationale de Pontrieux, ville animée d'un tout autre esprit, dispersa ; enfin, plus tard, le pays de La Roche-Derrien devint un centre très-actif de chouannerie, et l'on s'y rappelle encore les excès néfastes de cette époque.

En 1790 et 1793, les ingénieurs Anfray, Robinet, Piou père et Piou fils examinèrent les travaux qu'il y avait à faire au port de Tréguier ; ils reconnurent la nécessité de rejointoyer le vieux quai, et de déplacer la chaussée du bac de Saint-Sul, qui gênait beaucoup l'accostage des navires.

En 1795, la corvette française l'Assemblée nationale, poursuivie par la frégate anglaise Diamant, que commandait Sidney Smith, donna dans les passes extérieures du Jaudy, et vint toucher sur les roches Pen-ar-Guézec, où elle coula. L'équipage se réfugia sur l’île ; mais il fut un instant fort menacé par deux péniches de guerre qu'avait détachées la frégate Diamant. Heureusement, un avisa français, la Sentinelle arriva, sans doute par la passe de la Gaine, avec quelques barques chargées de blé qu'il convoyait. Les péniches se retirèrent, canonnées par la Sentinelle, qui envoya ses barques en rivière et dut ensuite prendre la fuite ; elle n'était armée que de quatre canons, et les tourillons de trois d'entre eux s'étaient rompus dans l'action. L'équipage de l'Assemblée nationale gagna la terre de Plougrescant par les grèves qui, à mer basse, rejoignent l'île d'Er au continent.

En 1806, on plaça quelques perches-balises dans la rivière et on étudia un avant-projet du grand quai de Tréguier.

En 1815 fut dressé et approuvé le projet définitif du grand quai, avec cale à double rampe, plate-forme de construction et gril de carénage, et, par suite de divers incidents, sa construction ne fut commencée qu'en 1835. Elle fut très-laborieuse les vases étaient si molles qu'il fallut fonder sur un enrochement général. L'alternative du flot et du jusant était très-contraire à des maçonneries sèches si mal assises et les tassements ont été considérables. Le quai fut livré en 1842.

En 1824, on plaça six balises en fer sur divers rochers, notamment sur le Corbeau et les roches Pen-ar-Guézec.

Le bac de Saint-Sul avait été supprimé depuis le commencement de ce siècle ; transporté au passage du Canada, en 1834, a été remplacé par un pont suspendu à péage.

En 1838, une réparation fut faite d'urgence au vieux quai, qui depuis s'est bien maintenu, et en 1846 le petit quai a été construit.

De 1859 à 1869, on exécuta presque tout le balisage du Jaudy et de ses passes. Une maison fut bâtie sur l'île d'Er et servit à camper le chantier. On construisit la pyramide de Min-Noblance, amer de Plougrescant, et six tourelles sur les rochers appelés Corbeau, Pen-ar-Guézec nord, Pen-ar-Guézec sud, Petit-Taureau, Trois-Pierres et Corne ; enfin, on plaça un assez grand nombre de balises en bois.

En 1862, furent construits les deux feux de Port-la-Chaîne Saint-Antoine.

De 1865 à 1870, on s'occupa de rédiger le projet d'éclairage de la seconde partie de la grande passe. Le passage entre le rocher de la Corne et le banc du Taureau, et le passage dans le goulet du banc du Taureau présentent une certaine difficulté. On a examiné successivement plusieurs solutions : un projet qui comportait un feu sur la pointe du banc du Taureau a été rejeté, parce que, toute vérification faite, cette pointe est de gravier et non de rocher ; finalement, il a été décidé que les navigateurs feraient à l'estime le passage de la Corne et du Taureau, et un feu a été construit sur la tourelle de la Corne, qui a été élargie et exhaussée. La construction a duré de 1871 à 1875, et l'allumage a eu lieu en 1876.

L'entrée de la rivière de Tréguier est facile à défendre. Deux batteries qui la défendaient autrefois sont aujourd'hui supprimées. La partie maritime du Jaudy et celle du Guindy étaient autrefois presque entièrement peuplées d'huîtres : l'huîtrière de Tréguier subsiste seule aujourd'hui. Le lit principal de cette dernière existe dans le port même. Outre le commerce de la petite huître, qui s'expédie vivante dans son écaille, on faisait autrefois le commerce de la grande huître ou pied de cheval, qui s'expédiait cuite.

A la date du 17 octobre 1775, le procureur général du roi près le Parlement de Bretagne adressa à la Cour les remontrances suivantes, qui précisent très-bien l'état de la question huîtrière à cette époque : « Sur les plaintes des officiers municipaux de Tréguier, la Cour rendit en 1755 un arrêt qui défendit pour six ans de draguer les huîtres, hors le temps du Carême, et de les exporter par voie d'embarquement. En 1758, la circonstance de l'Assemblée nationale en la ville de Saint-Brieuc décida la Cour à, lever ses défenses, par un arrêt du 18 décembre 1758. La communauté de Tréguier a de nouveau recouru à la Cour, qui, en 1764, renouvela les mêmes défenses pour six ans. Depuis l'expiration de ce terme, en 1770, les abus ont repris leur cours et l'extrême diminution du produit de la pêche annonce l'épuisement prochain et entier de cette ressource. L'expérience a prouvé que la pêche continuée indistinctement dans tous les temps de l'année, tend à une ruine totale. Les pêcheurs écaillent les grandes huîtres, et laissent sur le rivage les coquilles, auxquelles les huîtres du premier âge sont adhérentes. Ceux qui voiturent les huîtres dans les autres villes les vendant au cent, préfèrent les plus petites, afin d'en pouvoir transporter un plus grand nombre. Les gens du peuple et les enfants sont dans l'usage de récolter en tout temps les huîtres à la main, lors des basses mers, et les enlèvent indistinctement grandes et petites. Les pêcheurs font des amas d'huîtres sur les grèves quand ils n'en ont pas un prompt débit, ils les laissent perdre ; souvent ils les repassent à l'eau de mer et les vendent échauffées, ce qui est préjudiciable à la santé des citoyens. Quelquefois des bateaux en prennent leur charge et les transportent sur des côtes éloignées ou en pays étranger ».

Conformément aux conclusions du procureur, la Cour « fait défense à tous les pêcheurs ou particuliers de pêcher les huîtres au banc de Tréguier avec les filets appelés dreiges ou dragues, hormis du 1er février au 1er mai ; fait pareillement défense de pêcher les huîtres à la main dans les mois où la pêche à la drague est prohibée, d'en faire des amas sur les grèves depuis la Roche-Derrien et le moulin de l'Evêque jusqu'à l’île d'Er, et d'en charger sur bateau à quelque époque que ce soit ; ordonne à tous pêcheurs qui écaillent les grandes huîtres dans les temps où la pêche est permise, d'écailler seulement aux lieux désignés par le sénéchal de Tréguier, de rejeter les écailles aux endroits qui seront désignés par ledit sénéchal, et de faire cette dernière opération chaque jour, le matin, en partant pour la pêche ; enjoint qu'à l'avenir les dreiges ou dragues seront portées à l'Hôtel-de-Ville dans les huit premiers jours du mois de mai de chaque année, et y demeureront déposées jusqu'au mois de février de l'année suivante ».

Vers 1808, la municipalité de Tréguier sollicita l'attention du pouvoir central et obtint une prohibition de l'emploi de la drague au bout de dix ans, les huîtres reparurent plus abondantes que jamais. On cite pourtant qu'à Tréguier, en 1813, le millier valait 6 fr., ce qui était considéré comme un prix exhorbitant.

En 1826, un sieur Le Bras voulut établir un parc pour emmagasiner ce qu'il achetait des pêcheurs, et écouler ses approvisionnements au fur et à mesure des besoins de la vente. La municipalité de Tréguier empêcha, par application de l'arrêt de 1775, le sieur Le Bras de faire son parc ; mais celui-ci réclama près du Ministre de la Marine, qui lui donna raison.

En 1827, intervint un arrêté ministériel. Les points saillants qu'on y remarque sont : 1° la prohibition absolue de la pêche de nuit ; 2° la fixation de la durée de la pêche du 1er décembre au 1er avril de l'année suivante ; 3° la faculté laissée au préfet maritime de faire varier un peu ces limites, et de désigner chaque année des réserves ; 4° l'obligation pour les pêcheurs de trier sur les lieux mêmes les produits du dragage, et de rejeter les petits coquillages, comme les graviers et fragments d'écaille.

En 1841, il y eut un conflit entre l'autorité maritime et l'autorité municipale, cette dernière revendiquant pour elle la police de l'huîtrière et demandant qu'on prohibât les parcs. Il y eut une enquête. A cette époque, les bateaux dragueurs étaient au nombre de 24 ; les pêcheurs vendaient le millier d'huîtres 2 fr. à 2 fr. 50 aux particuliers qui les consommaient, et 1 fr. 50 à 2 fr. aux marchands ayant des parcs.

Le prix moyen du millier d'huîtres bonnes à parquer n'était que de 2 fr. en 1858 ; il atteignit 15 fr. en 1865, et son maximum 25 fr. en 1873 ; il est retombé à 17 fr. 50 en 1877. Les cours étant très-rémunérateurs, la pêche a nécessairement augmenté, et la marine a cru devoir prendre une série de mesures restrictives : interdiction complète de toute pêche en 1867, 1868, 1869 et 1872 ; réduction de la durée à 4 jours en 1870, à 3 jours en 1871, à 1 jour à partir de 1873. Ces restrictions finiront sans doute aussi par porter sur le nombre des pêcheurs ; car, en 1877, il n'y a pas eu moins de 411 bateaux dragueurs, montés par 1.644 hommes, qui ont opéré tant qu'ils ont eu de l'eau sous la quille, et on a estimé à 5.000 le nombre des pêcheurs à pied qui, au bas de l'eau, ont exploité la partie de l'huîtrière qui assèche. On avait recolté 3.000 milliers d'huîtres en 1876 ; on en a récolté seulement 2.000 milliers en 1877. De sages prohibitions, un petit garde‑pêche stationnaire assurent aujourd'hui la conservation de l'huîtrière proprement dite.

L'huître de Tréguier gagne peu en qualité, si elle gagne à être parquée : les 19 parcs qui fonctionnent actuellement ont pour but principal de constituer des magasins pour la vente de la pêche, et aussi d'habituer le mollusque à prendre l'air, ce qui en facilite singulièrement le transport. Ces parcs sont situés au-dessous des marées moyennes de morte eau ; les huîtres y séjournent généralement 2 ans ; on admet un déchet de 1/5, et, comme le millier parqué se vend 50 fr., le parqueur réalise un bénéfice brut qui est d'environ 30 fr. L'usage des collecteurs artificiels pour recueillir le naissain est encore inconnu à Tréguier ; mais il s'y introduira certainement, si les prix ne continuent pas à fléchir, et on utilisera, après les avoir durcies avec du gravier, les vasières du Jaudy et du Guindy. La vente du produit de l’huitrière jette de 30 à 40.000 fr. dans le pays le jour même.de la pêche, et davantage ensuite dans les caisses des parqueurs, qui vendent 6 fr. le cent au détail (M. Jourdon, 1878).

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