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Collège de Tréguier en 1626.

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La célèbre ordonnance d'Orléans, de l'an 1560, avait prescrit d'affecter, dans les villes épiscopales, l'une des prébendes canoniales à l'entretien d'un « précepteur et maistre d'escole », chargé d'instruire la jeunesse à la piété et aux bonnes lettres, lequel devait être nommé et révoqué par le chapitre cathédral et le corps municipal, en prenant l'avis de l'évêque, mais sans obligation de s'y conformer [Note : Voir la notice d'un procès intéressant, du 16 octobre 1578, relatif au logement du « précepteur et maistre d'eschole » de Tréguer, dans les Arrêts du Parlement de Bretagne de Du Fail, édit. de 1579, p. 461 ; édit. de 1716, II, p. 402]. L'intervention des habitants était ici d'autant plus naturelle, que la plupart du temps les villes adjoignaient au précepteur deux ou trois régents (ou professeurs) payés sur leurs deniers, ce qui transformait l'école en collège, dont le précepteur devenait le chef sous le titre de principal.

Tel était l'état des choses à Tréguer au commencement du XVIIème siècle. En 1626, le principal était un prêtre normand appelé Guillaume Fouchart, qui donnait aux habitants peu de satisfaction. Sur les plaintes des parents, après avoir constaté « le mauvais debvoir que rendoit en sa charge missire Guillaume Fouchart, le peu ou point de profit que les escoliers qui suivoient son collège faisoient en ses leçons », la communauté de ville députa son procureur-syndic, Me Rolland Le Joliff sr de Chateaucroc et cinq autres de ses membres pour se rendre auprès de l'évêque de Tréguer (Gui Champion), afin de lui présenter leur plainte contre Fouchart, le prier de donner congé à celui-ci et d'instituer un autre principal en s'entendant avec les chanoines et les bourgeois. Ces députés s'acquittèrent de leur mission le 27 août 1626 ; ils furent assez mal reçus, l'évêque les ajourna pour ouïr sa réponse au 29, et ensuite au 31.

Dans l'intervalle, les bourgeois s'étaient abouchés avec les chanoines, très mécontents eux aussi de la négligence et du mauvais service de Fouchart, très résolus également à s'en défaire : en sorte que dès ce moment le chapitre et la communauté de ville arrêtèrent de lui donner pour successeur un autre ecclésiastique, dont on disait beaucoup de bien, appelé Pierre Geffelot. Mais avant de procéder à ce remplacement, il était nécessaire d'avoir (sauf à ne pas le suivre) l'avis du seigneur évêque.

Le lundi 31 août 1626, ledit seigneur, descendant de son oratoire dans sa cathédrale par un escalier en vis qui existe encore dans l'angle sud-est de la tour d'Hastings, trouva au bas des degrés les délégués du chapitre et ceux de la communauté de ville, qui le prirent pour ainsi dire au passage, l'emmenèrent avec eux dans le cloître de la cathédrale et là « le supplièrent ensemblément de congédier Fouchart et d'aviser (c'est-à-dire de donner son avis) sur la nomination d'un autre ». Le prélat accentua alors sa mauvaise volonté ; il se mit à récriminer contre le chapitre et la communauté de ville qui, en choisissant Geffelot pour succéder à Fouchart avant d'avoir eu l'avis de l'évêque, « avoient, disait-il, attenté aux droicts de sa dignité épiscopale » c'est pourquoi, ajouta-t-il, « il désiroit en conférer plus particulièrement avec messieurs du Chapitre » ; et il remit sa réponse sur cette affaire après cette conférence. Puis, cela dit, — chose singulière — il laissa passer cinq jours sans reparler de cette conférence, sans s'occuper aucunement de l'affaire. Ce dont il s'occupait, par exemple, fort activement, c'était de préparer sa tournée pastorale, qu'il comptait commencer le 8 septembre et qui devait durer environ un mois.

Le plan de l'évêque était très simple. Il ne pouvait empêcher les bourgeois et les chanoines de remplacer Fouchart par Geffelot ; mais d'après la loi, avant de procéder à cette opération, le chapitre et la ville devaient prendre l'avis de l'évêque. Celui-ci, pour les paralyser, voulait l'ajourner autant que possible. L'engagement pris par la ville avec Fouchart expirait à la Saint-Michel 1626 ; quelques jours après, c'était la rentrée des classes. Donc, si l'on pouvait traîner les choses de façon à empêcher l'expulsion régulière de Fouchart avant la Saint-Michel, les bourgeois et les chanoines pressés par le temps, par la crainte de désorganiser le collège au moment de la rentrée, seraient obligés de garder le Fouchart au moins encore un an.

De son côté, le rusé Normand secondait de son mieux l'exécution de ce plan. Les délégués de la communauté de ville lui ayant notifié qu'on ne voulait plus de ses services après l'expiration de son traité qui finissait à la Saint-Michel et l'ayant interpellé de répondre si, oui ou non, il se retirerait sans faire de difficulté, Fouchart justement ne dit ni oui ni non. Mais le lendemain chargeant tous ses meubles sur un bateau, il les envoya en Normandie. « Et néantmoins (ajoutent les bourgeois dans l'exposé officiel de cette affaire), néantmoins, il prétend, pour vexer les habitants, se renclore et renfermer dans le collège et les ennuyer de procès, puis enfin délaisser la maison grandement indigente de réparations comme elle est, sans espoir d'aucun recours », même pas sur ses meubles, puisqu'il avait eu soin de les déménager.

Heureusement, les bourgeois et les chanoines voyaient clair dans toutes ces ruses : ils étaient résolus à les déjouer.

Le dimanche 6 septembre 1626, d'accord avec le chapitre, les députés de la communauté de ville viennent trouver l'évêque, lui exposent la situation, la nécessité d'une solution immédiate, et insistent pour obtenir réponse. Le prélat réplique qu'il la donnera après avoir vu Guillaume Fouchart et qu'il le verra ce jour même : c'était les ajourner au lendemain.

Le lendemain 7 septembre les délégués reviennent et commencent par déclarer à l'évêque que si, ce jour encore, il refuse de leur faire réponse et de leur donner son avis, ils sont résolus à se « pourvoir par les voies de droit ». L'évêque, qui la veille n'avait mis d'autre condition à sa réponse qu'un entretien préalable avec Fouchart, n'avait même pas vu ce triste sire. Il se raccroche à un autre prétexte : il part, dit-il, le lendemain pour faire la visite pastorale de son diocèse ; au milieu des embarras de son départ il ne peut, à si bref terme, « donner sa résolution en une affaire de telle importance » — comme si depuis douze jours qu'on la lui demande ; il n'avait pas eu tout le temps d'y songer ! C'était vraiment trop se moquer du monde.

Aussi le procureur-syndic, sans prendre la peine de réfuter cette piteuse défaite, constate que c'est là « un refus tacite de répondre » et « proteste qu'il va se pourvoir par les voies de droit ».

« Se pourvoir par les voies de droit », c'était aller devant le Parlement de Bretagne, lui exposer les diligences faites par les bourgeois et par les chanoines pour avoir l'avis de l'évêque, conformément à l'ordonnance d'Orléans, — le refus obstiné du prélat ayant pour but évident de mettre obstacle à l'exercice du droit du chapitre et de la communauté de ville en raison de quoi ces deux corps demandaient au Parlement l'autorisation de passer outre, laquelle — vu l'urgence du cas et l'évidence de leur droit — ne put manquer de leur être accordée.

Le document ci-dessous est le procès-verbal officiel et détaillé de cette longue et difficile négociation, qui nous montre chez les Trégorois de ce temps un zèle très intelligent pour la prospérité de leur collège et, en face d'un déplorable mauvais vouloir des puissants, une habileté de conduite, une fermeté de coeur et d'action absolument remarquables.

 

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DÉMÈLÉ DE LA COMMUNAUTÉ DE VILLE AVEC L'ÉVÊQUE DE TRÉGUER AU SUJET DU COLLÈGE - 7 SEPTEMBRE 1626.

Au manoir episcopal, à Lantreguier, maistre Rolland Le Joliff sieur de Chasteaucroc, procureur sindicq, l'an present, des bourgeoix et habitants de ceste ville de Lantreguier, assisté de maistre Marc Primaigné, Jacques et Charles Le Goff, Prigent Gaultier sieur du Clos, et Yves Guillemot sieur de Quernison, bourgoix de ladicte ville et toutz deputés de la communauté d'icelle ;

A humblement exposé à Monseigneur le reverendissime evesque et comte de Treguier que, suivant leurdicte deputation du 27e d'aoust dernier, icelluy sindic, en la presancedes sieurs de Runangoff juge provost, de Penankaer procureur fiscal, Jacques Le Goff et Charles Le Goff, luy auroint, le mesme jour, faict entendre que toutte ladicte communauté, d'une mesme voix, avoict juste subject de se plaindre du mauvais debvoir que rendoit missire Guillaume Fouchart en la charge de principal du college de ceste ville, et du peu ou point de proffilt que les escolliers quy suyvoint son college faisoint en ses leczons, et qu'ilz avoint suplyé mondit seigneur l'evesque de recepvoir leur juste et veritable plaincte, congédier ledit Fouchart et de leur en pourvoir d'un autre par l'advis de Messieurs du venerable chapitre de l'église cathedrale de Treguier et celluy de ladicte communauté, conformément aux ordonnances royaux. A laquelle dicte remonstrance ledit seigneur evesque auroit differé de donner sa resolution, jusques à s'estre plus amplement informé des faits contenus en icelle : ce qu'il prometoit neantmoigns faire soubz le samedy prochain ensuyvant, 29e dudit moys d'aoust dernier.

Et mesmes, sur ce que lesditz sindic et habitans ont remonstré audit seigneur evesque qu'en leurdicte assemblée, comme aucun d'eulx auroint déclaré avoir cognoissance de la probité d'un certain ecclesiastique nommé missire Pierre Geffelot, prebstre, lequel ilz entendoint nommer apprès avoir prealablement receu le resultat de la vollonté dudit seigneur sur le congedyement dudit Fouchard, recquis et passé de l'advis desditz sieurs du chapitre, vers lesquels ladicte maison commune depputa partye de leur compaignye, qui leur fist entendre leur plaincte le lendemain de leur depputation vers le seigneur evesque, et les supplyerent de conformer leur volonté à la leur, de congedyer ledit Fouchart et d'en eslire et choisir quelque autre qu'ils eussent recogneu capable, et leur fisrent l'ouverture du propos qu'ilz avoient eu dudit Geffelot en leur dicte assemblée, à ce qu'ilz y eussent délibéré. Sy a ledit syndicq remonstré que, ledit jour de samedy, 29° dudit moys d'aoust, il prya ledit sieur de Penankaer, procureur fiscal dudit seigneur evesque, de luy sçavoir [Note : De savoir de lui] s'il eust eu agreable que ycelluy sindic et sesditz deputés le fussent allés trouver pour recepvoir le resultat de sa deliberation. Et le dimanche ensuivant, la mesme chose par l'entremise dudit sieur provost. Par la bouche desquels ledict sindic fust adverty qu'il remetoit ladicte deliberation au lundy, auquel il disoit en voulloir conferer avecq lesdits sieurs du chappitre ; et qu'advenu ledit jour de lundy, icelluy sindic et ses condeputés, joinctement et en compaignye de Messieurs les chantre et scholastique, députés dudit chapitre, allèrent réadevanter [Note : Se présenter de nouveau devant l'évêque] ledit seigneur evesque quy descendoit de son oratoire en son eglise, et luy ayant dict le subject de leur condescence [Note : De leur visite en commun], ledict seigneur evesque entra au cloistre de ladicte eglise, où il fust suivy desdicts sieurs chantre et scholastique, sindic de ladicte communauté et de sesdicts condeputés ; lesquels luy reppetterent les mesmes remontrances et supplications que devant ; ausquelles lesdicts sieurs deputés du chappitre declarerent se joindre et adherer, pour avoir bonne et enthiere cognoissance du peu de debvoir que faisoit ledict Fouchard en sa charge, et supplierent ensemblément mondict seigneur l'evesque de le voulloir congédier et adviser sur la nomination d'un aultre. A quoy ledict seigneur evesque fist declaration que lesdicts sieurs du chappitre et ladicte communauté avoint desjà nommé ledit Geffelot, et qu'en cela ilz avoint attenté aux droicts de sa dignité episcopalle, et qu'ils desiroit en conferer plus particulierement avecques mesdicts sieurs du chappitre, avant que de resoudre ladicte affaire ; et remist encores jusqu'à avoir faict ladicte conference.

Depuis lequel jour de lundy ledict sindic a tousjours attendu le commandement de mondict seigneur l'evesque jusqu'au jour d'hier dimanche, 6e de septembre present moys et an, qu'il retourna de recheff vers luy, assisté des sieurs du Poullou, Jacques et Charles Le Goff, Marc Primaigné et Philippes du Val ; auquel ilz remonstrerent que toutes les remises qu'il avoit faictes de leur donner son advis sur la proposition de leurdict college leur estoint de grande importance, tant pour ce que d'icy à long temps ceste affaire fust demeurée indéterminée, obstant la visite de mondit seigneur en son diocese, pour le subject de laquelle il se preparoit de partir mardy prochain, 8e dudict present moys de septembre, et avoir par mesmes faict desnoncy audict seigneur que les deputés de ladicte communauté avoint esté trouver ledict Fouschard et luy avoint faict entendre les plainctes qu'il avoit, long temps y a, donné subject de faire de luy du peu de debvoir qu'il rendoit en sa charge, et qu'ilz ne desiroint plus qu'il eust occuppé ceste place, joint que le temps qu'ilz luy avoint prefix par l'acte de la deliberation commune du 6e de febvrier 1623 finissoit à la Sainct Michel prochaine et, sans avoir rendu autre responce sy, ou non, il se desiroit retirer, il avoit dès le lendemain faict transporter en Normandie, par un bateau, tous ses meubles. Et neantmoins prétend, pour vexer les habitans, se renclorre et renfermer dans ledict college et les ennuyer de procès, et puis en fin de cause dellaisser ladicte maison grandement indigente de repparacion comme elle est, sans espoir d'aucun recours. Suppliants lesdicts sindicq et deputés cy devant, d'abundant, ledict seigneur evesque sans aultre remyse leur voulloir accorder leur tres humble requeste de congéer ledict Fouschard et de mettre un autre en sa place, par l'advis desdicts sieurs du chappitre et le leur, et qu'il obligeroit ladicte communauté à prier Dieu pour sa santé et prosperité.

Surquoy ledict seigneur evesque, appres pluseurs propos sur la forme que lesdicts sieurs du chappitre et habitans avoint procédé en ceste affaire, que ledict seigneur disoit n'avoir pas esté methodiquement observée, aurait declaré qu'il estoit prealable de congedier civillement ledict Fouchard que proceder à la nomination d'aucun autre, et qu'à cette fin il l'eust mandé et eust deliberé dans ce jour sur toutes lesdictes propositions.

Luy declarant ledict sindic estre venu avecq lesdicts premiers nommés habitans pour sçavoir ce quy estoit de sa vollonté ce touchant, ou bien qu'à son reffus de ce faire, qu'il plaise à mondit seigneur leur permettre de se pourvoir par les voyes de droict.

Et à ce mondict seigneur a faict responce qu'ayant assigné la visite de son diocese, et estant sur le point de son partement, il ne peult donner sa resolution si briefve en une affaire de telle importance, sur les remontrances et supplicacions dudit sindic et habitans quy l'assistent, qu'apprès son retour de sadicte visite qu'il comance demain. Et pour la nomination prétendue faicte d'un nommé Geffelot, a dict ne le pouvoir recevoir ny admettre pour les raisons qu'il desduira en temps et lieu, et n'appartenir aucune nomination privative aux sieurs du chappitre ny de la communauté qu'au désir de l'ordonnance [Note : L'ordonnance d'Orléans de 1560] ; et apprès avoir veu l'acte de depputation desdicts sieurs du chappitre et de ladicte ville, il donnera sa resolution plus ample à son retour.

Lesquels habitants ont declaré prendre pour reffus tacite ledict renvoy, et protestent de se pourvoir.

En l'endroit, s'est presanté ledict missire Guillaume Fouchart, principal dudict college, lequel a dict qu'il n'a donné subject de destitution et s'estre comporté fidellement en sa charge sans aucune faulte publique.

De tout quoi, nous Jacques Herison et Jean Le Tapardec, notaires et tabellions hereditaires de la cour royalle de Treguier, mandés et venus exprès en ce lieu à la requeste du sieur sindicq, nous avons faict et rapporté le present acte soubz les seigns de mondict seigneur l’evesque ; de venerable missire Thomas Boteneur, scholastique de Treguier et l'un des deputés de Messieurs du chappitre ; du sindicq et desdicts Jacques et Charles Le Goff, Primaigné, Prigent Gaultier et Guillemot, habitans de ladicte ville. Ce fust faict audict manoir episcopal, ce jour de lundy 7e de septembre 1626, environ les trois heures apprès midi.

Ainsy signé : GUY, E. de Treguier. LE JOLIF scindic. T. BODENEUR. M. PRIMAIGNÉ. JACQUES LE GOFF. P. GAULTIER. Y. GUILLEMOT. CHARLES LE GOFF. JAC HERISON notaire royal, et LE TAPARDEC, notaire royal. Et est l'original audict Le Tapardec. (Signé) JAC HERISON, Notaire royal. LE TAPARDEC, (Orig. pap. scellé le 9e sept. 1626). (A. de la Borderie).

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