Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LE TOMBEAU OU GISANT DU DUC JEAN IV

  Retour page d'accueil       Retour "Bretagne-duc-Jean_IV"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Jean IV de Bretagne aussi connu sous le nom de Jean III de Montfort, Jean le Conquéreur ou encore celui de Jean le Vaillant (breton Yann IV) est né le 12 avril 1339 et mort le 1er novembre 1399 à Nantes. Il est le premier enfant de Jean de Montfort et de Jeanne de Flandre. Suite à la mort de son père en 1345, en pleine guerre de succession, il devient comte de Richmond et de Montfort ainsi que duc de Bretagne. Le duc Jean IV contracta deux mariages sans descendance. En juillet 1355, il épouse en premières noces à Londres Marie d'Angleterre (1344, † 1361), fille d'Edouard III d'Angleterre et de Philippa de Hainaut. Quatre ans après la mort de Marie, en mai 1366, il épouse dans la même ville Jeanne Holland (1350, † 1384), fille de Thomas Holland et de Jeanne de Kent, comtesse de Kent. Le 11 septembre 1386, deux ans après la mort de Jeanne Holland, il épouse en troisièmes noces en l'église Saint-Clair de Saillé à Guérande, Jeanne de Navarre (1370, † 1437), fille de Charles II de Navarre et de Jeanne de France.

Tombeau du duc de Bretagne, Jean IV.

En 1399, Jean IV, le Vaillant ou le Conquérant, duc de Bretagne, comte de Montfort et de Richemont, réconcilié, du moins en apparence, avec tous ses voisins, pouvait espérer jouir enfin du repos qu'il avait si rarement goûté dans sa vie aventureuse, quand la mort vint frapper à sa porte, le 2 novembre, à 5 heures. du matin, dans son château de la Tour Neuve, à Nantes.

Il avait, le 21 octobre 1395, choisi pour lieu de sa sépulture le couvent de Prières, ou, à défaut, la chapelle Saint-Michel d'Auray, ou la cathédrale de Nantes. Le 26 octobre 1399, sur son lit de mort, il arrêtait définitivement son choix sur cette dernière église ; il y fut inhumé, le 3 novembre, devant le maître-autel.

Sa veuve, Jeanne de Navarre, ne se fit pas longtemps prier pour accepter la couronne de reine d'Angleterre que lui offrait Henri IV de Lancastre : elle s'embarqua à Camaret, le 26 décembre 1402, et débarqua à: Southampton le 1er janvier 1403 ; son mariage fut célébré, le 7 février, et son couronnement, le 25 du même mois.

Devenue reine, elle crut devoir à la mémoire de son premier mari de lui faire sculpter un monument par les maîtres tailleurs d'images anglais Thomas Colyn, Thomas Holewell et Thomas Poppenhove.

Sur une base en marbre blanc très ornée dont les Bénédictins et Gaignères nous ont laissé des dessins un peu différents, paraît-il, les artistes posèrent, sans l'y fixer, sur une table de marbre noir, un gisant de dimensions réduites, coiffé d'un pot pointu, sans visière ni bavière, prolongé par un camail de mailles laissant la face, à découvert. Les membres seuls étaient protégés par une armure plate ; la chemise de mailles, ou haubergeon, était recouverte d'un surcot ou pourpoint collant, sans manches. Au cou, se voyait le collier de l'Hermine ; au ceinturon d'orfèvrerie pendait une épée et, peut-être, une dague ; les pieds posaient sur un lévrier ou fidélien portant la devise : A ma vie ; sous la tête, était un coussin soutenu par un lion.

Cette statue était faite d'albâtre anglais, sorte de sulfate de chaux ou de gypse.

Lorsqu'il s'agit de transporter le monument à Nantes, la guerre maritime sévissait entre Bretons et Anglais : il fallut donc un sauf-conduit pour permettre à Jehan Guychard, négociant et patron de la barge Saint-Nicolas de Nantes et à ses dix marins, de transporter en paix et sécurité la tombe ducale et les trois sculpteurs anglais chargés de la remonter.

Le monument fut mis en place en 1408, et y demeura jusqu'après l'extinction de la dynastie bretonne.

Postérieurement à l'union de la Bretagne à la France, il fut de mode de mépriser les anciens ducs et tous les monuments qui rappelaient leur souvenir : au XVIIème siècle, la tombe de Jean IV servait assez habituellement de pupitre pour les lourds livres de choeur à gros fermoirs renforcés d'énormes clous qui ne tardèrent pas à user l'albâtre tendre. Dom Lobineau nous dit, en 1707, que les traits du visage étaient entièrement effacés et qu'on n'y distinguait plus qu'une grande moustache pendante.

Plus tard, en 1733, on n'hésita pas à déplacer le tombeau qui gênait dans le choeur de la cathédrale : il fut, sans aucune surveillance, démoli et remonté derrière le maître-autel, et, au cours de cette opération, les ouvriers maçons se disputèrent les objets de quelque valeur trouvés par eux au mileu des ossements du vainqueur d'Auray. Le sang coula et il fallut, de ce fait, procéder à une cérémonie purificatoire.

A la Révolution, la cathédrale fut saccagée avant d'être transformée en dépôt de matériel d'artillerie, et la statue de Jean IV disparut.

En 1888, nous dit M. de l'Isle du Dreneuc dans son si intéressant ouvrage sur les tombeaux des ducs de Bretagne, on nivela « pour l'achèvement de la cathédrale, le vieux choeur romain de Saint-Pierre et la partie comprise entre les deux transepts. Ce travail a dégagé les derniers restes du monument de Jean IV. Ils consistaient en un caveau en partie engagé sous le maître-autel, mesurant de longueur 2 m,28, de largeur 1m,44, et de profondeur au-dessous du dallage des nefs 0m,74. A cette hauteur, il avait été remanié et ne mesurait plus de largeur par la tête que 0m,92, les parpaings en tuffeaux, de Om,30 d'épaisseur, ayant été inclinés chacun de 0 m,11. Le petit côté du caveau dépassait de 0m,20 vers l'ouest l'axe transversal du bras de la croix » .

M. de l'Isle ajoute à ces-détails l'expression d'un regret et d'une espérance : « Il est triste de penser qu'il ne nous reste rien du monument de notre vaillant duc. Mais un mausolée de marbre, la statue et les ornements qui l'entouraient ne peuvent avoir été anéantis si complètement. Peut-être, quelque jour, pourra-t-on retrouver au moins des fragments de ce tombeau dont les moindres détails seraient facilement reconnaissables ».

Gisant du duc de Bretagne, Jean IV.

Or ce voeu, sans qu'il en ait eu connaissance, s'était réalisé : j'avais assisté à la découverte de la statue de Jean IV.

Vers le début de ma carrière, entre mon retour de Tunisie, en octobre 1885, et mon départ pour l'Annam, en juin 1887, je me trouvais à Nantes, en qualité de lieutenant au 65ème régiment d'infanterie.

Je passais un jour sur la place Saint-Pierre, à la fin de 1886 ou au commencement de 1887 : M. Lynier qui se trouvait sur les marches de la cathédrale, m'appela, tout joyeux, en me disant : « Dépêchez-vous, nous venons de retrouver Jean le Conquérant ».

Je vous avoue qu'à cette époque je n'étais pas très ferré sur l'histoire de Bretagne ; j'avais cependant, habitant Auray, visité souvent La Chartreuse et entendu parler de la journée du 29 septembre 1364 ; Jean IV n'était donc pas tout à fait un inconnu pour moi et l'appel de M. Lynier éveillait en moi la fibre archéologique que je possédais à l'état latent.

Je pénétrai donc dans la cathédrale et voici ce que j'y vis : notez bien que ce n'est pas un racontar que je vais vous faire ; c'est une formelle affirmation, et vous savez trop bien le souci scrupuleux que j'apporte, dans mes études historiques, à ne rien affirmer que je n'aie vu ou puisé dans une source digne de foi, pour que le moindre doute puisse-germer en vos esprits au sujet de la véracité des faits que je vais avancer ; c'est, en quelque sorte, une déposition, dont je pèserai tous les mots, que je vais faire devant votre tribunal et devant celui de tous ceux qui s'occupent de l'histoire de notre pays.

Derrière le maître-autel, à peu près dans l'axe de l'église, sé,trouvait une cavité dans laquelle on- apercevait une statué que,;dans mon ignorance, je, jugeai en marbre.

J'ai aidé à exhumer cette .statue que nous avons déposée, la tête vers l'abside, contre le mur du côté de l'évangile, sur un support, banc ou caisse dont je ne me rappelle plus la nature.

La statue était identique à la description, que je vous ai faite en commençant ; cette description, du reste, ne correspond pas exactement à la gravure qui orne les histoires de Bretagne de dom Lobineau et de dom Morice ; j'ai appris, il y a moins d'un mois, que les différences que j'ai jadis constatées se retrouveraient dans un dessin du chevalier de Gaignères, dont je n'ai jamais eu connaissance.

Le visage était usé, comme l'assure dom Lobineau, et je n'ai pas souvenir de la conservation de la moustache qui, du reste, de 1707 à 1793, avait bien pu partager le sort du reste de la figure. La coiffure n'était pas entourée d'une espèce de frange couvrant le front ; elle était beaucoup moins allongée. Le collier m'a paru moins volumineux. La cambrure des reins semblait plus accentuée. Le buste était couvert « d'un vêtement collant et non d'une cuirasse ; je n'ai pas souvenir d'une bordure dentelée à la partie inférieure de ce vêtement. Les mains et un pied, si je me le rappelle bien, étaient brisés. Enfin ni le dos, ni la tête, ni les fesses de la statue ne portaient de traces indiquant qu'elle eût fait corps avec la table, qui, du reste, était noire alors que la statue était blanche.

Après avoir contemplé quelque temps cette précieuse relique, j'ai été à mes affaires ; je ne m'occupais, à cette époque, en dehors de mon service, que d'archéologie, et d'épigraphie romaines et ne pouvais soupçonner que la statue de Jean IV fût destinée à disparaitre de nouveau aussitôt après sa découverte. Je quittai Nantes peu de temps après.

Le 7 août 1922, grâce au manque de concordance des horaires des Compagnies d'Orléans et de l'État, j'ai dû passer dix heures à Nantes ; j'en ai profité pour visiter le musée Dobrée que je ne connaissais pas. J'ai été très heureux d'y rencontrer M. de l'Isle du Dreneuc qui s'est fort aimablement mis à ma disposition pour me faire faire connaissance avec ses admirables collections.

Dans le courant de la conversation, je lui ai demandé à revoir la statue de Jean IV et j'ai pu constater un profond étonnement, sur les traits de mon savant interlocuteur. Croyant m'être mal exprimé, j'ai renouvelé ma demande, j'ai parlé de la découverte de 1887 et je suis entré dans les détails ; à ma grande stupéfaction, M. de l'Isle m'a affirmé n'avoir jamais entendu parler de tout cela et il a même ajouté : « Colonel, si ce n'était pas vous qui me le disiez, je ne le croirais pas ».

En le quittant, j'ai rencontré le curé de la cathédrale qui, relativement, nouveau venu, n'était au courant de rien : ni le curé ni le chapitre ne tiennent un journal conservant trace des événements intéressants qui peuvent se produire dans leur église. Il croyait cependant se souvenir qu'il y avait, au fond d'une crypte, une statue non identifiée sur laquelle étaient entassées de vieilles planches d'échafaudages.

Le très érudit chanoine Durville, que j'ai vu ensuite, n'en savait pas davantage.

Dès ma rentrée à Vannes, le 1er septembre, j'ai  écrit à M. de l'Isle pour lui confirmer ce que je lui avais dit : il m'a aussitôt répondu que l'enquête qu'il avait entreprise après mon passage n'avait donné aucun résultat ; que tout ce qui avait été découvert dans la cathédrale avait été minutieusement décrit par le diocésain Legendre et remis au musée ; que ni procès-verbaux ni rapports, non plus que les archives de la Société archéologique de Nantes, ne font mention de la statue de Jean IV ; que son exploration attentive des cryptes et des débris de sculptures avait été infructueuse.

Il ajoutait que les petites dimensions que je signalais semblaient anormales, les statues tombales étant généralement plus grandes que nature, et qu'il paraissait impossible que notre Conquérant eût été ainsi « rapetissé ».

Il se demandait si la statue que j'avais vue n'était pas une représentation de Jean V qui, très abîmée, aurait été mise au rebut après avoir été remplacée, au début du XIXème siècle, par celle que l'on voit de nos jours, le long de l'une des colonnes qui soutiennent la tribune des orgues.

La réponse à ces objections m'était facile. : d'abord, les travaux décrits par M. Legendre n'ont été commencés que le 16 août 1887, après mon départ de Nantes, postérieurement, par conséquent, à la découverte ; la fouille à laquelle j'avais assisté pouvait n'être qu'un sondage préliminaire aux grands travaux à entreprendre quelques mois plus tard, et n'avoir donné lieu à aucun procès-verbal.

En second lieu, si la tombé avait été sculptée par des Bretons, nul doute que la statue du Conquérant n'eût été dotée de dimensions gigantesques ; mais faut se souvenir qu'elle a été faite par des Anglais, au cours d'une guerre entre eux et la Bretagne, et qu'ils n'avaient aucun intérêt à magnifier un prince ennemi. En outre, l'albâtre et la main-d'œuvre d'un travail de ce genre ne devaient pas être à bon marché, et Jeanne de Navarre n'aimait pas à délier sans compter les cordons de sa bourse : la vente, tentée par elle, de Nantes à Clisson, au moment de son embarquement, dans le but non déguisé d'augmenter son douaire, n'indique pas un grand esprit de désintéressement ; l'auteur anglais de Lives of the queens of England cherche à l'en excuser ,dans ces termes : « L'avarice était le péché mignon de Jeanne de Navarre et ce travers sordide venait probablement de la misère où elle avait été comme princesse de Navarre et duchesse de Bretagne et les premières années de son mariage avec Henri IV ». La construction du tombeau date de cette dernière époque de pénurie : elle avait dû rechercher la moindre dépense, d'autant qu'il s'agissait de rappeler la mémoire d'un premier mari que la chronique scandaleuse de l'époque l'accuse d'avoir copieusement trompé avec le second.

Enfin, la statue que j'ai vue et touchée, sur le dernier emplacement du tombeau de Jean IV, ne saurait être celle de Jean V : dans ce cas, en effet, au lieu d'être coiffé du pot conique qui, dès les premiers jours du XVème siècle avait cédé la place au bacinet à visière, puis à la salade Jean V, mort et inhumé provisoirement, en 1442, à la cathédrale de Nantes avant. d'être transporté à Tréguier, aurait porté cette dernière armure de tête, ou plus vraisemblablement la couronne ducale. Le pourpoint collant sur la cotte de mailles serait remplacé par l'armure plate complète, recouverte ou non d'une huque flottante. Les chaussures, au lieu d'être de mailles et presque arrondies, devraient être des solerets à la poulaine. La statue en question date du tout commencement et non du milieu du XVème siècle.

La question se pose donc ainsi :

Ou je n'ai rien vu, alors que j'affirme avoir vu et touché : je ne suis pas, vous le savez, sujet aux hallucinations, et je ne crois pas avoir besoin de vous assurer de mon entière bonne foi ;

Ou j'ai mal vu, et, dans ce cas, comment expliquer que, n'ayant jamais eu sous les yeux que la gravure des Bénédictins, j'aie pu constater des différences constatées également par Gaignères, généralement fidèle dans les moindres détails, différences que mon excellente mémoire a enregistrées il y a 35 ans ?

Ou j'ai réellement et bien vu, et alors qu'a-t-on fait de la statue ?

Pour répondre à cette dernière alternative, je ne vois que deux solutions :

Ou la statue existe encore, ou elle a servi à faire du plâtre, comme certaine statue d'un évêque de Nantes a servi, m'a-t-on dit, à faire de la chaux : dans ce second cas, quels sont les responsables ?

Si la statue existe encore, elle a pu être réenfouie élans le trou d'où on l'avait tirée, et, dans ce cas, les fouilles ultérieures l'auraient de nouveau découverte ;

Elle gît ignorée dans un coin de chantier avec d'autres débris : il serait facile de l'y retrouver ;

Elle a pu entrer dans une collection particulière, à Nantes, à Paris ou en Amérique, et, dans ce cas, je comprends qu'on n'ait pas fait de bruit sur sa découverte ;

Elle se trouve, sans étiquette, dans un musée, où on ne saurait manquer de l'identifier, car, ainsi que l'écrivait très justement M. de l'Isle du Dreneuc, « les moindres détails en seraient reconnaissables ».

(M. Fonssagrives).

 © Copyright - Tous droits réservés.