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Raoul BODIN, prêtre guillotiné à Rennes (en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II)
et les Demoiselles Catherine, Renée et Julienne BOULLÉ.

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117. — Né à Sougeal le 22 avril 1730, de Raoul et d’Hélène Audibon, Raoul BODIN reçut la tonsure et les mineurs à Rennes le 22 septembre 1753, le sous-diaconat dans la même ville le 21 septembre 1754, le diaconat à Dol le 20 septembre 1755. Enfin Mgr Dondel, évêque de ce dernier diocèse, lui conféra la prêtrise le 3 avril 1756.

En 1758, nous le trouvons vicaire au Loroux. Il y demeura jusqu’au 1er décembre 1770, date de sa nomination au rectorat de La Chapelle-Saint-Aubert.

Dans ses nouvelles fonctions, M. Bodin augmenta son église, en 1780, d’une chapelle dédiée au Saint Nom de Jésus. Lorsque survint la Révolution Française, cet ecclésiastique demeura ferme dans sa foi et, peu après le vote de la Constitution civile du clergé, il signa avec la majorité du clergé rennais une adresse de fidélité à Mgr de Girac, son évêque légitime. Peu après, il refusa sans hésitation de prêter le serment schismatique, « ne voulant pas, écrivait-il le 21 janvier 1791, s’engager par serment à maintenir de tout son pouvoir une constitution qui détruit le gouvernement monarchique et qui ôte au Chef visible de l'Eglise la primauté d'honneur et de juridiction que J.-C. lui a accordée dans la personne de saint Pierre ».

118. — La Chapelle-Sainl-Aubert ayant été jugée devoir être supprimée en tant que centre paroissial, M. Bodin n’y fut pas remplacé comme recteur et demeura auprès de ses ouailles au cours de 1791 et 1792. Le 20 septembre de cette dernière année, on réunit La Chapelle à Vendel pour le service religieux, mais bien inutilement du reste, car si, à la suite de la loi du 26 août 1792 qui le condamnait à la réclusion comme insermenté sexagénaire, M. Bodin prit le 14 septembre suivant un passeport à La Chapelle pour se rendre à la maison de réunion créée à la Trinité de Rennes, c’était simplement afin de donner le change aux autorités du district. Mais le tout dévoué pasteur ne put se résoudre à abandonner son troupeau et préféra se condamner à la vie misérable d’un proscrit, plutôt que de s’exiler ou d’aller se renfermer à la maison de réclusion de la Trinité. Sa municipalité et ses ouailles reconnaissantes le protégeaient du reste de leur mieux : le 14 octobre 1792 et le 30 octobre 1793, on avait vainement tenté de trouver des locataires pour le presbytère de La Chapelle et, le 10 janvier de cette année, le maire de cette localité déclarait avec beaucoup de sérieux « qu’il avait fouillé, de concert avec ses officiers, toutes les maisons de sa paroisse, sans y trouver de prêtre caché ».

Cependant les lois persécutrices, suivant une progression savamment calculée, devenaient de plus en plus draconiennes et M. Bodin pour accomplir ses fonctions sacrées, fut obligé de se dissimuler davantage.

119. — Or, parmi les paroissiens de l’abbé Bodin, se trouvait une estimable famille bourgeoise. Maître François-Anne Boullé, sieur de la Gracière, sénéchal de Saint-Aubin-du-Cormier, avait épousé Marie-Monique Cheminais, laquelle lorsque son mari trépassa le 11 avril 1775, lui avait donné trois filles : Catherine, baptisée le 19 mai 1739 qui devint religieuse au Carmel de Rennes ; Renée, baptisée le 21 octobre 1742 et Julienne, baptisée le 11 août 1744.

Après l’abolition officielle des vœux monastiques, quand les magistrats révolutionnaires vinrent ouvrir les portes du monastère des Carmélites de Rennes ; ils n’y trouvèrent qu’une religieuse consentant à quitter la clôture. Ils essayèrent alors, mais en vain, d’obtenir des Carmélites fidèles à leurs vœux le serment à la Constitution. Dépités, ils en prévinrent l’évêque intrus Claude Le Coz, qui, espérant mieux réussir qu’eux, vint en personne au monastère soi-disant pour en faire la visite. La sœur Catherine Boullé, professe depuis le 15 avril 1760 et première assistante de la Mère Prieure, fut chargée par celle-ci de recevoir le prélat jureur, et elle le fit avec tant d’énergie, l’évangile à la main, que Le Coz, couvert de confusion, se retira, sans oser franchir la grille de clôture. Tant de courage de la part d’une faible femme attira une persécution plus violente : le monastère du Carmel fut envahi par la force armée et les religieuses, violemment expulsées, furent jetées sur la rue. La sœur Catherine Boullé rejoignit alors ses sœurs au manoir de l’Epinay et toutes ensemble se consacrèrent aux œuvres de piété et au soulagement des malheureux.

Parmi ceux-ci comptèrent (leurs aveux l'apprennent), les prêtres proscrits pour la Foi qui se réunissaient de temps en temps chez les demoiselles de la Gracière, tant pour se confesser, que pour s’encourager mutuellement à souffrir pour Jésus-Christ.

Quant à M. Bodin, il était spécialement reçu chez ces excellentes personnes, qui lui avaient même préparé dans le grenier une cachette parfaitement dissimulée et dont les restes existent toujours. C’est là que, lorsqu’il était trop fatigué de ses courses nocturnes à travers les paroisses de Saint-Aubert, de Vendel et de Romagné, afin d’administrer les sacrements aux fidèles qui en avaient besoin, ce prêtre alors sexagénaire venait prendre quelques heures de repos.

120. — La loi du 22 floréal an II, qui portait la peine de mort contre les ecclésiastiques sexagénaires que l’on viendrait à arrêter en dehors d’une maison de réclusion, n’interrompit point sa vie tout apostolique, mais accrut considérablement ses dangers.

« Un jour, par malheur, un couvreur de Fougères, appelé pour réparer la toiture de la maison des demoiselles de la Gracière, ayant aperçu, réunies dans une chambre, trois personnes qu’il supposa devoir être des ecclésiastiques, se hâta, dès son retour à son domicile, d’aller faire part de sa découverte au Comité de surveillance de Fougères. Aussitôt un bon chrétien de cette ville, informé de la dénonciation, vint en hâte avertir les proscrits menacés. Les deux confrères de l’abbé Bodin s’en furent se réfugier dans les champs, quant au recteur, il se renferma dans sa cachette qu’il croyait absolument sûre.

Peu après arrivait au manoir de l’Epinay, le 12 septembre 1794, un détachement de soldats envoyés de Fougères pour perquisitionner. Un sergent-major les commandait. Ils fouillèrent les recoins les plus secrets de la maison et pénètrent dans le grenier où ils s’arrêtent devant une cloison qui, grâce à un crépissage, semblait ne faire qu’un plafond avec le toit. Ils allaient passer outre, quand le pauvre abbé Bodin se trahit lui-même par un éternuement retentissant. On défonce alors la cloison avec fureur et le malheureux recteur se voit dans un clin d’œil arrêté et garrotté. On se saisit en même temps de ses pieuses hôtesses ; on n’oublie pas entre temps de piller les armoires, et le détachement, glorieux de sa capture, reprend la route de Fougères où, de retour, le sergent-major s’empressa de faire un rapport où il assurait que tout s’est passé avec « bon ordre et discipline ».

121. — A Fougères, M. Bodin et ses receleuses subirent un premier interrogatoire devant les membres du Comité révolutionnaire de cette ville dès le lendemain de leur arrivée. Les réponses de l’abbé et celles de ses compagnes furent à la fois fermes et prudentes, évitant de compromettre des tiers, tout en affirmant très nettement leurs sentiments de bons et fidèles catholiques. Elles ont été publiées intégralement ailleurs. Ainsi le recteur de Saint-Aubert déclara sans ambage « qu’il n’avait pu prêter le serment parce qu’il était contraire à sa conscience ». La Carmélite fit savoir qu’elle eût résolument refusé le serment si on le lui avait demandé. Quant à ses sœurs, elles exprimèrent leur étonnement que, sous un régime qui se réclamait de la fraternité, « un acte de charité pût leur devenir funeste ».

Les révolutionnaires fougerais conservèrent les confesseurs de la Foi quatorze jours dans la geôle de leur ville. Ce fut le 27 septembre seulement qu’ils les firent conduire à Rennes où on les emprisonna dans l’ancienne prison de la Porte Saint- Michel, à cette heure dénommée prison de la Porte Marat.

122. — Le 8 octobre suivant, les accusés comparurent devant un juge du Tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine. Aux termes mêmes de la loi, leurs interrogatoires devaient se borner à une simple constatation d’identité ainsi qu’au fait de savoir si les coupables avaient oui ou non prêté un serment schismatique et condamné par le Pape. M. Bodin reconnut sans hésiter sa qualité d’insermenté, de même la Carmélite déclara ne vouloir point prêter le serment civique. Quant à ses sœurs, elles firent connaître « que les seuls motifs qui les avaient guidées en donnant asile à leur recteur étaient la charité et la reconnaissance ».

Les interrogatoires achevés, les juges du Tribunal criminel se rassemblèrent, au complet ; on entendit le juge Beziel résumer les interrogatoires, l’accusateur public réclamer l’application de la loi, c’est-à-dire la mort, et enfin les accusés en leurs moyens de défense. Ni le rapport de Beziel, ni le réquisitoire de l’accusateur public ne nous sont parvenus. Jamais ces pièces si intéressantes ne figurent présentement dans les dossiers du Tribunal criminel, tels qu’ils nous ont été conservés. Mais grâce aux Souvenirs de Mgr Bruté de Rémur, un témoin oculaire, nous possédons le récit « des moyens de défense » de l’abbé Bodin et des demoiselles de la Gracière.

« Comme j’étais jeune, écrit-il, je me faufilai si bien que je me trouvai bientôt derrière le siège de M. Raoul (Bodin), cramponné à la balustrade et touchant presque son dos. Les trois sœurs (Boullé de la Gracière) étaient assises sur un banc, de l’autre côté de la salle. Les juges occupaient des sièges élevés sur une estrade et dominaient les prisonniers et les gendarmes. — « Ton nom et ton âge ? » dit le président. — « Raoul Bodin, âgé de soixante-quatre ans », répondit le prêtre. Je crois voir encore le digne homme, grand, très maigre, front chauve, cheveux gris, et une attitude calme, noble et vraiment religieuse. — « Ta profession ? » — « Prêtre, recteur de La Chapelle-Saint-Aubert. » — « As-tu prêté le serment constitutionnel ? » — « Non, citoyen. » — « Pourquoi ? » — « Parce que ma conscience me le défendait ». — Il y eut ensuite quelques autres questions et de courtes réponses que j'ai oubliées ; mais je me souviens distinctement que le bon vieillard se mit à plaider la cause des trois sœurs chez lesquelles il avait été arrêté. Il parla d’un ton suppliant au président et à la cour, pendant quelques minutes, jusqu’à ce qu’on lui eût, à plusieurs reprises, imposé silence. Les accents émus de sa voix résonnent encore à mon oreille : — « Citoyens juges, mettrez-vous à mort ces pauvres dames pour un acte d’hospitalité si inoffensif pour le public, si naturel, si digne de leur bon cœur, puisque j’étais depuis vingt ans leur pasteur ! Epargnez-les, citoyens ! Il est si digne de la République de montrer de la clémence ! etc... »« Silence ! Elles parleront elles-mêmes. Silence ! Tu n’as pas le droit de parler en leur faveur. Silence ! ». Il lui fallut se taire, et le bon prêtre s’assit, jetant un regard de compassion vers les pauvres sœurs.

L’interrogatoire des demoiselles de la Gracière ne fut pas moins émouvant. Catherine-Marie Boullé, âgée de 55 ans, religieuse carmélite, ajouta judicieusement à la formule ordinaire des réponses : « Je n'ai pas de domicile depuis mon expulsion de mon couvent ; j’ai été recueillie par la bonté de mes sœurs, je vis à leur charge, et conséquemment l’on ne peut pas dire que j’ai donné refuge à un prêtre. ». L’argument était péremptoire, mais le président passa outre. La bonne religieuse commença alors à plaider la cause du vieux recteur, comme celui-ci avait plaidé la sienne, et ses expressions suppliantes étaient empreintes de sévérité : « Il est cruel de mettre à mort un homme innocent, un saint homme dont la vie entière a été consacrée à faire du bien à son prochain. Vous dites que les pauvres sont particulièrement chers à la République; eh bien ! c’est aux pauvres surtout qu’il a fait du bien, aux vieillards et aux orphelins... ». Plus on lui ordonnait de se taire, plus elle s’animait, et ce ne fut qu’avec peine qu’on la réduisit au silence.

Renée-Anne Boullé, âgée de 50 ans, et sa sœur Julienne-Charlotte Boullé, âgée de 45 ans, interrogées à leur tour, répondirent courageusement qu’elles axaient elles-mêmes invité M. Bodin à demeurer chez elles, sans s’inquiéter du danger qu’elles couraient en agissant ainsi ; elles ajoutèrent que d’autres prêtres avaient également séjourné à l’Epinay, notamment MM. Beaulieu, Pertigné et Boyère, qu’elles pouvaient nommer parce qu’ils étaient maintenant en sûreté. L’interrogatoire des quatre accusés ne prit que peu de temps.

123. — On fit un crime à la Sœur Catherine Boullé d’avoir écrit la relation de la visite de Le Coz aux Carmélites de Rennes et de posséder une image du Sacré-Cœur de Jésus. Enfin, le président du Tribunal criminel rendit un jugement condamnant à mort Raoul Bodin et les trois demoiselles Boullé de la Gracière. Le premier, pour être demeuré contre les termes de la loi du 22 floréal an II, sur le territoire de la République, sans avoir prêté serment, et sans s’être rendu dans une maison de réclusion ; les secondes, aux termes de la loi du 22 germinal an II, pour avoir recélé un ecclésiastique insermenté sujet à la déportation et passible de ce chef de la peine capitale.

Le lendemain de leur condamnation, on exécute sur le Champ-de-Mars les quatre victimes. Sur l’échafaud, le vénérable recteur de La Chapelle montra la même résignation et la même piété qu’au tribunal ; la Sœur Catherine Boullé fit preuve de la fermeté et du courage qui lui étaient habituels et ses deux sœurs continuèrent de réciter des prières tant qu’il leur demeura un souffle de vie. Leurs quatre têtes tombèrent successivement sous le couperet fatal et leurs âmes sans doute s’envolèrent vers les cieux. L’acte de décès de ces confesseurs de la Foi, figure sur l'Etat civil de Rennes de l’an III, à la date du 18 vendémiaire.

124. — Le souvenir de ces héroïques personnages est conservé avec vénération à La Chapelle-Saint-Aubert et ce serait une grande joie pour les fidèles de cette localité de voir proclamer bienheureux ceux que dans l’intérieur de leur âme, ils aiment à regarder comme martyrs.

BIBLIOGRAPHIE. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire, etc., op. cit., t. II, p. 114-115. — Bruté de Rémur, loco citato. — Guillotin de Corson, Les Confesseurs de la Foi, etc., op. cit., p. 72-77. — Abbé Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés de l'archidiocèse de Rennes, etc., op. cit., p. 188-204, où sont reproduites toutes les pièces officielles des procès de M. Bodin et des dlles Boullé.

(Dossier n° 274 des actes du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, série B, Parlement, aux archives d’Ille-et-Vilaine).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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