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LA CHAPELLE DE COADRY EN SCAËR

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Le voyageur qui sort de Scaër et prend la direction du Nord aperçoit sur sa gauche, après avoir fait trois kilomètres, une vieille croix celtique de granit. Non loin de cette croix s'élevait jadis la chapelle de Sant-Thaï. La fontaine du Saint existe toujours, mais de la chapelle il ne reste plus trace. A deux kilomètres plus loin, parmi les arbres, une autre chapelle dresse sa masse grisâtre et son petit clocher à jour, au-dessus de quelques rares maisons : c'est Coadry.

D'où vient ce nom de Coadry ? — Plusieurs essais d'explication ont été proposés. Les uns font dériver le mot du latin quadrivium, qui désignerait les pierres croisées qu'on trouve en abondance au hameau de Coadry.

D'autres, à bon droit semble-t-il, préfèrent une étymologie celtique. Il y a en effet en Scaër un Coatloc'h (Bois du lac), un Coatforn, un Coatcaouran, etc... La forme primitive du mot est d'ailleurs. Couëdry (Acte de 1607 - Arch. départ. du Finistère), et montre bien qu'il faut conserver ici le terme breton Coat.

Quelques-uns expliquent Coadry par Coat-Re, « Bois du Roi », mais on aurait dit plutôt : Coat-Roue. D'autres suggèrent que le mot n'est qu'une corruption de Coat-Christ, « Bois du Christ ». Une dernière explication veut que Coadry signifie Coat tri hent, « Bois des trois chemins ». A Coadry même, sur la route de Scaër à Châteauneuf deux voies font embranchement dont l'une mêne à Coray et l'autre à Tourc'h. Dans la prononciation du mot, la syllabe finale hent sera tombée.

Chapelle Saint-Jean de Coadry à Scaër (Bretagne). 

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LA CHAPELLE

Architecture et mobilier.

La nef de la chapelle, d'un roman primitif, remonte au XIème siècle. De chaque côté, quatre arcades en plein cintre reposent sur de petites piles rectangulaires avec simples tailloirs sur les faces Est et Ouest (Notes de M. Waquet).

Les arcades ogivales du chœur, plus modernes, s'appuient sur des piliers octogonaux. Un arc diaphragme relie le chœur et la nef.

Le chevet de la chapelle est plat, les murs latéraux sont sans pignons.

Sur la façade Ouest se dresse un clocher cornouaillais à meneau vertical.

Cette façade fut remaniée vers la fin du XVIIème siècle, comme l'indique l'inscription :  1691 MISSIRE RENE MORVESEN RECTEUR.

Le nef est ornée à l'intérieur, au-dessus des arcades, de fresques dues au pinceau de l'alsacien Fischer.

A gauche : l'Annonciation, — la Visitation, — la Nativité, — la Présentation au temple, — la Fuite en Egypte, — Jésus au milieu des docteurs, — Jésus et là Samaritaine.

A droite : La Cène, — Jésus au jardin des Oliviers, — Jésus devant Pilate, — Jésus flagellé et couronné d'épines, — Jésus portant sa croix, — Jésus attaché à la croix, — Jésus ressuscité [Note : Ces fresques dont le Musée de Brest conserve les cartons sont déjà bien endommagées par l'humidité].

En 1720 on voyait sur les murailles « plusieurs peintures de fleurs et de figures représentant la Passion de N.-S. et plusieurs autres histoires sacrées » (Guillotin de Courson, La Commanderie de la Feuillée et ses annexes).

Le maître-autel de la chapelle est dominé par une vitre au tympan flamboyant. Au fronton de l'autel est représentée en sculpture la dernière Cène de Jésus avec ses Apôtres. Ceux-ci sont au nombre de onze ; Judas n'y est pas. Sur la table pascale on voit un calice, un agneau et une aiguière, celle qui, sans doute, servit au lavement des pieds.

A gauche, du côté de l'Evangile, dans une niche latérale, est la statue en pierre de Notre-Dame de Coadry, Itron Varia Coadry. La Vierge porte sur la tête une couronne, dans la main un sceptre, et tient l'Enfant Jésus debout sur ses genoux.

Au-dessus, un tableau représente le Christ portant sa croix.

Dans une niche latérale à droite, du côté de l'Epître, se trouve une statue en granit de celui qu'on appelle An Aotrou, Christ. Le Sauveur, drapé d'un manteau écarlate, porte la couronne. Dans sa main gauche il tient le globe du monde, tandis que sa main droite est levée pour bénir. C'est le Christ-Roi.

Au-dessus, un tableau figure l'Ecce Homo.

Au frontispice de l'autel le Père Eternel apparaît, dans la hauteur, portant le globe de l'univers.

Sur la droite du maître autel, se trouve un autel lateral dédié Sainte Anne. Il est orné de deux statues : saint Joachim à gauche, et sainte Anne à droite. L'aïeule vénérable du Sauveur a la tête légèrement tournée.

Non loin de l'autel Sainte Anne, adossée à la paroi latérale de la chapelle, une statue en granit représente la Sainte Vierge drapée d'un manteau vert et portant le petit Jésus. Au socle nous lisons : Intron Varia Kergornec.

Les mères chrétiennes demandent à la Vierge de Kergornec le lait voulu pour nourrir leurs enfants.

Monsieur le chanoine Abgrall signale deux autres statues de N. de Kergornec, l'une à la Forest-Fouesnant, dans une niche au côté Nord du maître-autel, l'autre à Gestel, invoquée par les nourrices et les mères de famille (4ème Congrès Marial du Folgoët, 1915, Quimper, de Kérangal, p. 415).

A main gauche du maître-autel un petit autel est surmonté d'une crèche représentant le mystère de la Nativité, et qui paraît de la fin du XVIème siècle (Note de M. Waquet).

Dominant ce groupe de personnages, un autre groupe très curieux représente le Mystère de la Rédemption, depuis Adam jusqu'à Jésus. C'est aussi, semble-il, une oeuvre de la fin du XVIème siècle.

Panneau de gauche : Adam et Eve, logés pour ainsi dire dans un arc de cercle formé par le corps du serpent, puis le Père Eternel revêtu d'un manteau rouge, chassant nos premiers parents d'un geste de la main droite qui tient un long glaive.

Panneau central : Le Christ en croix, accompagné de la Sainte Vierge et de saint Jean.

Panneau de droite : Le Christ glorieux revêtu d'une robe rouge, assis, les mains étendues. Ce n'est point, comme on l'a dit, le Christ sortant glorieux du tombeau, mais le Christ-Roi assis dans le ciel à la droite ide son Père.

Dans une encoignure, à droite de ce groupe, est perdu dans l'ombre un grand saint Jean Baptiste en granit, portant un agneau. C'est bien lui, à n'en pas douter, le patron primitif de la chapelle Saint-Jan de Couëdry.

A gauche, saint Laurent tenant d'une main un gril, de l'autre la palme de la victoire.

Un peu plus bas, toujours dans la partie Nord de la chapelle, un Christ mesurant 1 m. 55 de longueur est couché sur un coffre qui lui sert de lit funèbre [Note : Ce bahut s'appelle en breton eur vascâon]. Ses plaies sont béantes, sa tête couronnée d'épines repose sur un coussin rouge.

Ce Christ couché, d'après M. Waquet, date du XVIème siècle. Plus bas, on voit appendu à la muraille un tableau représentant le voile de Véronique.

Non loin de là du même côté Nord, un enfeu renferme une Mise au tombeau du XVIIIème siècle.

Un Christ long de 1 m. 55 est étendu sur un linceul. A la tête un ange soutient le linceul, aux pieds un autre ange se tient les bras croisés. Tous deux ont le visage empreint de tristesse.

Chapelle Saint-Jean de Coadry à Scaër (Bretagne).

Ce groupe est dominé par un large panneau où sont sculptés divers instruments de la Passion.

Au plan supérieur, l'aiguière qui servit à Pilate pour le lavement des mains, le voile de Véronique, le coq.

Au plan inférieur, deux torches, une épée, un glaive, les fouets, la colonne, les cordes, un fouet en lanières et en genêt, l'échelle, la lance, l'éponge, la bourse de Judas, puis une main noire, la main sans doute du valet que souffleta Jésus.

Au-dessus du tombeau on lit cette inscription :

F: DV: TE: DE: MI: MI: FLOCH: CHA: ET: BER: PENCOET: FAB: L'AN 1749.

C'est-là-dire : Fait du temps de Messire Michel Floch chapelain et Bernard Pencoët fabrique l'an 1749.

Quelques autres statues décorent la chapelle : sainte Catherine avec sa roue et son glaive, non loin du tombeau ; saint Maudet, costumé en pèlerin [Note : [Note : Saint Maudet est invoqué pour la guérison de ce qu'on appelle Drouk Sant Vaudé, le mal de Saint Maudet. C'est une enflure que l'on a au genou ou au pied] ; sainte Apolline tenant d'une main des tenailles [Note : On prie cette Sainte pour les maux de dents], de l'autre la palme de la victoire ; sainte Thérèse en habit de Carmélite [Note : Cette sainte Thérèse ressemble heaucoup à la sainte Candide de l'église paroissiale de Scaër] ; saint Aler en évêque, tenant une crosse de la main gauche, et de la droite un pied de cheval.

« Le premier jour de l'an 1715, furent bénites les deux cloches de Coadry, la grande cloche qui fut nommée par Henri Garer et François Coadic, de Kervars, s'appelle Henry-François, et la petite s'appelle Alain-Jean, qui fut nommée par Jean-Alain Le Bihan, du Couldry, et Françoise Quemeré, de Kerhuon » (Archives communales de Scaër).

A quelques mètres de la chapelle, au bord de la route de Rosporden, on remarque un calvaire plutôt moderne, puis deux vieilles croix celtiques de granit. Suivant une tradition locale ces deux croix auraient été transférées à Coadry du voisinage de Sant-Thaï où, précédemment, elles se trouvaient.

Historique.

La chapelle Saint-Jan de Couëdry, ainsi appelée dans un acte de 1607 (Archives départementales), dépendait de la Commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem [Note : Ces chevaliers formaient un Ordre hospitalier qui comprenait trois classes de religieux : les chevaliers, tous nobles, pour la défense armée des pèlerins et de tous les chrétiens ; les prêtres pour le culte ; les frères, dont les uns voués au soin des malades dans les hôpitaux, et les autres attachés au service des chevaliers dans les expéditions militaires. Il est certain que le culte de Saint Jean-Baptiste a été developpé en Bretagne par les Templiers et Hospitaliers. Cf. Largillière, Les Saints et L'organisation chrétienne primitive, p. 24]. Chaque année le Recteur de Scaër devait verser au Commandeur de Quimper une partie des oblations faites à la chapelle (25 livres en 1720).

En 1646 une châtelaine dû manoir voisin de Trevallot fut inhumée dans le chœur de la chapelle. Voici son épitaphe gravée sur une plaque de marbre blanc :

Ci-gît : Haute et puissante Dame
De Coatanner, Marquise de la Roche
Comtesse de Gournoave, Vicomtesse du Curu
Baronne de Laz
Décédée en son château de Trevallot
le 16 Février 1646
Réparé par son arrière-petite-fille
Mlle Tréouret de Kerstrat 1858

L'histoire mentionne deux Trévalloët comme appartenant au XIVème siècle, Rollan et Hervé. Rollan était cousin de Hervé du Pont. Quant à Hervé de Trévalloët il épousa Catherine du Pont. Accusé devant l'évêque de Quimper et les inquisiteurs de Tours d'avoir envoûté Pierre de Kergorlé, il fut condamné et vit ses biens confisqués ainsi que ceux de sa famille. Il en appela à Jean XXII et à Benoît XII [Note : J.-M. Vidal, Affaire d'envoûtement au Tribunal d'Inquisition de Tours (1335-1337) dans les Annales de Bretagne, 1902-1903, p. 485 ss.].

Les terres de Trévallot et de Kervégant formaient le marquisat d'Euzenou, et nous en voyons les propriétaires exercer leurs droits de justice aux XVIème et XVIIème siècles. En 1665, les deux domaines furent unis en châtellenie en faveur de Vincent le Borgne de Lesquiffiou (Bullet. de la Soc. arch. du Finistère, 1911, p. 273).

Vincent le Borgne se déclare en 1650, « fondateur et premier prééminencier de la chapelle Saint-Jan de Couëdry » et demande en cette qualité que ses droits soient reconnus avant que les paroissiens ne placent dans cette chapelle un tableau du Rosaire (Archives départementales).

Le 29 septembre 1730, à la requête du Seigneur de Tambonneau, Commandeur de la Commanderie de la Feuillée, demeurant en son hôtel en la ville de Paris, paroisse de Saint-Sulpice, Maurice Sergent, de Rosporden, se transporte à Scaër et dresse un procès-verbal de la chapelle de Coadry.

« Avant de vacquer au Mesurage le gouverneur s'estant présenté et nous ayant fait ouverture de la Porte, nous faisant observer que c'est une chapelle fort dévôte et fréquentée d'un grand nombre de pèlerins nous y avons entrés fait nos prières à Dieu et ensuite procedant à notre visite avons vu que tout le dedans de la ditte chapelle est magnifiquement orné, les autels ayant des Retables tous dorés, Touttes les vitres en bon Estat, qu'a côté du maistre autel il y a une porte de communication entre la dite chapelle et la sacristie battie contre le pignon d'icelle. Et ensuite ayant sortis dans le cimitière nous avons Remarqué laditte chapelle battie en croisade, les murailles En dehors chiquées la couverture d'ardoises en très bon Estat et ayant procédé au mesurage du circuit de laditte chapelle, et sacristie par le dehors des murailles, nous les avons trouvées contenir dix cordes et demie et le fond avec celuy du cimitière Entouré des murailles vingt six cordes, et le tout conforme à la figure qui suit » (Arch. dép. Ordre de Saint Jean, n° 416).

La chapelle de Coadry tient un rang honorable dans le tableau suivant :

Rôles des Décimes pour Scaër en 1788 [Note : Les décimes étaient une contribution volontaire que le clergé s'imposait pour venir en aide à l'Etat].

La Fabrice : 7 l. 12 s. 6 d.
Le Rosaire : 1 l. 15 s.
Saint-Michel : 1 l. 15 s.
N.-D. de Plas Scaër : 1 l. 15 s.
Saint-Paul : 3 l.
Saint-Guénolé : 1 l. 15 s.
N.-D. de Penvern : 1 l. 15 s.
Saint-Jean : 1 l. 15 s.
Saint-Eutrope : 1 l. 15 s.
Saint-Sauveur de Coadry : 16 l. 5 s.
Saint-Adrien : 1 l. 15 s.
Saint-David :.1 l. 15 s.

Le 21 février 1804, M. Herviant, Curé de Scaër, dans une pétition qu'il signe avec trois de ses paroissiens, déclare que « les chapelles de Coadri et de Saint-Guénolé sont en bon état et qu'il serait avantageux d'en demander la disposition au gouvernement pour procurer l'instruction des enfants, et la messe les dimanches aux fidèles trop éloignés de l'église paroissiale... ».

Autre lettre ide M. Herviant en date du 20 mai 1804 : « Nous avons notre grand pardon de Coadri dimanche en huit. Notre Maire voit que nous y disons la messe comme d'ancienne coutume et il l'agrée. Cependant je n'ose pas la faire dire. tous les dimanches aux désirs des riverains... ».

31 mai 1804 : « Nous ne nous aviserons pas, écrit le Curé de Scaër, de dire la messe dans les chapelles non désignées pour être conservées, comme Coadri. Nos administrateurs ont conseillé d'y dire la messe les jours de solennités. Comme dimanche se trouve le jour du pardon qui précédemment se célébrait le jeudi, nous comptons y faire l'office... » (Archives de l'Evêché de Quimper).

Le 26 mai 1813, il est question de réunir le Conseil de Fabrique « pour réparations urgentes à Coadri ». Le 3 août de la même année, M. Herviant, malade, dans une lettre qu'il écrit à Monseigneur Dombideau, dit son intention de demander un vote de 1.200 fr. pour faire face à ces réparations.

Trente ans plus tard, le 19 décembre 1843, M. Lucas, Curé de Scaër, s'adressant à Mgr. Graveran s'exprime ainsi :

« La chapelle de Coadrix, en fort triste état pour une chapelle de dévotion, n'a point un ornement décent. Les deux ornements qui s'y trouvent sont depuis long tems au rebut, et cependant il faut s'en servir.
Les murs de la sacristie ont été réparés, mais les planches, et même les poutres sont pourries.
Les murs de la chapelle présentent une grande déviation, et les ouvriers qui ont réparé la sacristie disent que plus d'une fois ils ont craint que le pignon auquel joint la sacristie ne tombât sur eux.
Dans le toit les ardoises sont mal jointes... »
.

M. Bernard, Recteur de Langolen, se rappelle avoir vu enfouir en 1884 dans un coin du cimetière, avec les débris de la vieille croix du placître, des fagots de béquilles provenant du grenier de la sacristie.

Chapelle Saint-Jean de Coadry à Scaër (Bretagne).

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PARDONS

Coadry a trois Pardons : le Pardon du dimanche du Saint-Sacrement, le Pardon du 4ème dimanche de septembre et le Pardon du dimanche après la Toussaint.

Pardon du dimanche du Saint-Sacrement [Note : Au témoignage précité de M. Herviant, ce Pardon, avant la Révolution, était célébré le jeudi, fêté du Saint-Sacrement]. — C'est ici le grand Pardon. Brizeux, qui a résidé à Scaër pendant plusieurs années, y assista plus d'une fois. Il l'a chanté d'une façon exquise :

On célébrait la messe en l'honneur de la Vierge [Note : Ce trait est une licence poétique ; la messe était celle du Saint-Sacrement].
Dans un hameau de Scaër ; sur chaque autel un cierge
Placé devant les Saints lentement s'allumait,
Et l'on sentait l'odeur de l'encens qui fumait ;
Lorsque l'enfant de chœur se taisait au pupitre,
Suspendue en dehors du châssis d'une vitre,
Chantait une mésange, et sa joyeuse voix
Au-dessus de l'autel semblait l'hymne des bois.
On ouvrit le portail, et l'assemblée entière
Fit en procession le tour du cimetière.
Les croix marchaient devant ; sur un riche brancard,
Couverte d'un manteau de soie et de brocard,
La Vierge de Coat-Rî suivait blanche et sereine,
Le front couronné d'or, comme une jeune reine [Note : Autre trait poétique : la Vierge de Coadry reste toujours dans sa niche] ;
Tous les yeux, tous les cœurs étaient remplis d'amour ;
L'été du haut du ciel dardait son plus beau jour ;
Les landes embaumaient, et les châtaigniers sombres,
Penchés le long des murs, versaient leurs fraîches ombres
Sur ces heureux croyants qui chantaient: O pia !
Ave, Maris Stella, Dei Mater Alma !

Dans l'Hermine de Bretagne (G. Toscer, Le Finistère Pittoresque, septième fascicule, p. 391-392), Louis Tiercelin décrit ainsi le Pardon auquel il assista le 4 Juin 1873 :

« ... Autrefois la procession partait du bourg et par de mauvais chemins, à travers champs, prêtres et fidèles allaient à Coadri selon l'immémoriale coutume. Maintenant tout est changé, et c'est en voiture, par une belle grande route pourtant, qu'on se rend à la chapelle du Christ...
Toutes les messes ont été dites à Scaër, à l'exception de la première que les Pardonneurs ont entendue à Coadri et de la grand'messe à laquelle se rend toute cette foule que nous traversons.

Le jour de ce pardon, la grand'messe était belle ;
Les voix montaient en chœur. Du bas de la chapelle
Les femmes doucement envoyaient pour répons
A l'Eleison grec les cantiques bretons » (Brizeux, Les Bretons).

La messe est plus silencieuse cette année, mais la chapelle ne suffit pas à contenir la foule des assistants. Le cimetière, le joli petit cimetière vert sans tombes est plein de fidèles agenouillés, les hommes du côté droit de l'autel, les femmes du côté gauche. A chaque instant de nouveaux assistants s'approchent ; en franchisant l'échalier du cimetière, les femmes se signent, les hommes tirent leur chapeau et d'un pas très grave, vont se joindre à l'un des deux groupes. Les réponses aux chants de l'office se prolongent de l'Eglise aux exprémités du cimetière, jusqu'aux murs bas, tout autour, sur lesquels d'un côté les jeunes garçons et les jeunes filles de l'autre sont adossés ou assis.
A travers le cimetière, une vieille béquillarde à la voix dolente, pleurnichant le Hon Tad, tend sa coquille sans cesse et passe en sautillant.
... A côté des gens de Scaër, il en est d'autres venus, pour la fête du Christ, de Quimper, de Pont-l'Abbé, de Châteauneuf, de Guiscriff, de Bannalec, de Coray, etc.
Dans un coin du cimetière, à l'ombre sous un grand arbre un groupe de femmes de Pont-l'Abbé, arrivées pour la messe de l'aurore, sont allongées sur l'herbe et dorment maintenant.

Ce pardon sans mentir est le roi des Pardons
Et la Cornouaille envoie ici tous ses cantons.

C'est Brizeux qui le dit au premier livre de son poème Les Bretons, où il chante ce joli pardon de Coadri...

La messe, commencée à dix heures, se termine au son de midi et la procession se met en marche. Entre deux rangs de jeunes filles, que conduisent les Sœurs, les hautes bannières de saint Jean, de saint Jacques, de saint Paul et du Christ sont portées par de jeunes hommes tout fiers de maintenir droites ces longues hampes que tiraillent les lourdes étoffes brodées sous la poussée du grand vent. D'autres bannières sont portées par des jeunes filles ; puis cinq croix se suivent à la file et voici deux tambours qui battent en avant du dais sous lequel un prêtre élève le Saint-Sacrement.

Tout autour ce sont des lanternes allumées et des banderoules flottantes.

La foule s'agenouille au passage du dais et se relève pour se joindre au cortège.

La chapelle de Coadri est située sur le sommet d'une colline, à la base d'un triangle dont les deux côtés se rejoignent en descendant vers la naissance du côteau. C'est là qu'est édifié le reposoir où la bénédiction sera donnée.

Les deux routes, celle de gauche par laquelle on descend vers le reposoir et celle de droite qui remonte vers l'église, sont jonchées de digitales. Les autres années, on y ajoutait les fleurs d'or des genêts, mais, cette année, les genêts sont défleuris et les routes sont toutes roses. Au retour, la procession est suivie par la foule innombrable accourue à Coadri, dans ce hameau, autour de cette humble chapelle... ».

M. le chanoine Cornou assista au Pardon de 1917. Voici comment il le décrit, dans le Progrès du Finistère du 7 Juin de la même année :

« Nous arrivons de bonne heure, devancés cependant par de nombreux pèlerins. Quelques-uns font pieusement le tour du Sanctuaire, un cierge à la main, le chapelet aux doigts, sur les traits la sérénité calme du Breton qui remercie d'une grâce reçue...
Dans l'enceinte les boutiques sont rares : quelques marchands de friandises et le représentant d'une industrie qu'on ne rencontre nulle part ailleurs. Sur deux grossiers tapis de toile étendus à même le sol, nous discernons une foule de petits cailloux d'un gris noirâtre, qu'un mendiant mal houssé surveille d'un oeil jaloux. Ce sont les pierres de Coadry...
La dévotion des Bretons de Coadry va d'emblée au centre même de la religion. C'est le Christ rédempteur de l'humanité qui attire ses prières et ses marques touchantes d'adoration. Le souvenir de la Passion du Sauveur emplit toutes les âmes au cours de cette journée.
A l'intérieur de la chapelle, en deux endroits, nous trouvons le divin Supplicié descendu de sa croix et couché sur un tombeau. Le pèlerin s'agenouille longuement devant l'image sainte qu'éclairent les flammes des cierges dans la pénombre épaisse d'un enfeu... et puis, se relevant, il baise une à une toutes les plaies de la divine victime. Il appuie de même ses lèvres sur une reproduction de la Sainte Face qu'une main plus pieuse qu'habile a gravée contre la muraille.
On pourrait croire que cette dévotion au Christ souffrant imprime à la fête un cachet de tristesse et de douloureuse piété. Il n'en est rien. Car le Christ immolé, le pèlerin de Coadry l'adore aussi dans son Sacrement d'amour. C'est, en effet, en ce dimanche de la Fête-Dieu, la glorification de la Sainte Eucharistie. Immolation encore sans doute, mais immolation sans souffrance, propre à exciter seulement des sentiments de reconnaissance et des hommages attendris.
Les chants de la liturgie les traduisent avec ampleur, exécutés qu'ils sont superbement par la magnifique chorale des jeunes gens de Scaër auxquels répond un choeur nombreux de jeunes filles exercées au rythme et à l'expression. Ces grand'messes dans le décor simple des chapelles de campagne sont très impressionnantes, mais plus encore à Coadry, la procession du Saint-Sacrement qui, l'office achevé, se déroule en pleine campagne entre des talus couverts d'épaisse verdure.
Ici on est loin du convenu, des ornementations artificielles parfois choquantes de mauvais goût, des dorures défraîchies ou criardes. Le Maître s'est lui-même chargé de parer la voie qu'il veut suivre. L'or s'étale aussi des deux côtés, mais il est balancé sur les branches des genêts ou discrètement piqué dans l'herbe sur des tiges tremblantes. Les fleurs sont cependant rares, et la note serait plutôt sombre et sévère si les Scaériennes n'y mettaient à profusion la blancheur éclatante de leurs coiffes et de leurs collerettes plissées...

Toute l'après-midi, Coadry est conquis par les toilettes qui viennent jusque de Pont-Aven étaler l'élégance de leurs broderies et la richesse de leurs velours. La demi-heure des Vêpres ne constitue qu'une courte trêve imposée à ce triomphe de la parure et de la coquetterie. Mais il s'y produit une grandiose affirmation de foi. C'est quand retentissent les strophes du cantique de Coadry chantées à pleins poumons et qui amènent au refrain cette protestation de fidélité bien bretonne :

Rotrou Krist benniget,
Ni ho karo bepred. »
.

Pardon du 4ème dimanche de Septembre. — Ce pardon est très ancíen. Consacré au Christ souffrant que l'on vénère dans la chapelle, il était jadis le grand Pardon de Coadry.

Pardon du dimanche après la Toussaint. — C'est ici le Pardon appelé Pardon-Kal-ar-goanv. Cette formule bretonne kal ar goanv signifie littéralement « calendes de l'hiver » et indique le jour de la Toussaint. C'est l'époque des semailles d'hiver ; on dit en ce sens lakât ar c'halagôn.

A d'occasion de ce Pardon les fidèles venaient apporter leurs offrandes de blé d'an Aotrou Christ. C'est là un usage qui a pour ainsi dire disparu. Jadis aussi, les jeunes mariés donnaient en offrande à la chapelle leur bel habit de noces. Encore une chose qui ne se fait guère désormais. Ces dons en nature étaient vendus au profit de la chapelle, dans une foire qui se tenait à Staër en Septembre ou Octobre.

Pardon à Scaër (Bretagne).

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DEVOTION

Il s'organise parfois des processions qui se rendent du bourg de Scaër à Coadry, pour y demander, selon les besoins, la pluie ou le beau temps.

La messe est dite à la chapelle le jour de la fête de sant Etienne, le lundi de la Pentecôte, le premier vendredi de chaque mois, tous les vendredis de Carême : ce qui y attire de nombreux fidèles.

La tradition veut qu'à tour de rôle les paroissiens de Scaër viennent à Coadry un vendredi de Carême.

En arrivant à la chapelle, ils s'agenouillent d'ordinaire au pied du calvaire qui se trouve en dehors du placître, du côté Sud. Ils le contournent ensuite à trois reprises [Note : Avant de quitter le Calvaire, plusieurs fidèles en baisaient le socle, aux quatre extrémités]. Puis ils entrent à l'église et se mettent en prières devant le maître-autel dont le tabernacle contient une parcelle de la Vraie Croix. De là ils vont prier devant la Mise au Tombeau, vulgairement appelée Jardin Olivet, et remontent en baisant le voile de Véronique, jusqu'au Christ couché dont ils baisent pieusement les pieds, la main et le visage ; ils s'agenouillent alors devant l'autel de la Nativité de Notre-Seigneur.

Après être revenus devant la statue du Christ-Roi qui se trouve à droite maître-autel, du côté de l'Epître, ils quittent la chapelle, la contournent à l'extérieur [Note : Certains pèlerins faisaient jadis cette procession à genoux] et y rentrent pour aller prier devant l'autel de Sainte Anne.

Les pèlerins entendent ensuite la messe et assistent à la bénédiction de la Vraie Croix. Au cours de cette cérémonie, on chante le cantique du Père Maunoir, légèrement démarqué :

Euz a vreman betek ar maro
Meulomp Jezuz hag he hano ;
Ra vezo meulet e peb amzer
Ar groaz santel euz hor Zalver
(Er zakramant euz an aoter - Maunoir)

Dre ho croaz hag ho passion
(Va Jesus dre ho passion - Maunoir)
Roït d'eomp ho penediction,
Ma c'hellimp epad hor buez
Ho servicha gant karantez.

Tous les vendredis de Carême on chantait du reste, le soir dans les familles, la Passion bretonne de Charles Bris :

Saludi a ran va Jesus
Hac e Bassion truezus :
Ra vezo scrifet em c'halon.
Jesus hac e oll Bassion
(Heuryou, Quimper, Périer, 1768, p, 236).

Les Jeudi et Vendredi-Saints, la paroisse à peu près entière fait le pèlerinage de Coadry. Les fidèles qui y ont passé le jeudi, gardent la maison le vendredi pour permettre aux autres de se rendre ce jour-là à la chapelle. On y « déclare » la Passion le Jeudi-Saint à deux heures, le Vendredi-Saint à huit heures du soir. Le prêtre chargé de cet office parlait, il n'y a pas encore longtemps, pendant deux ou trois heures, et souvent il se servait des tableaux représentant diverses scènes de la Passion de Jésus : flagellation, ecce homo, etc... Après le sermon avait lieu, autour de la chapelle, la procession de la Vraie Croix, puis deux prêtres, sur le placître, donnaient la sainte relique à baiser aux fidèles.

Cette relique de la Vraie Croix est due à l'abbé Floydd, Curé de la paroisse de Scaër vers 1750. Elle fut cachée au cours de la Révolution au château de Quimerc'h, en Bannalec. A l'issue de la tourmente révolutionnaire, tout Scaër se rendit à Quimerc'h pour la reprendre et la rapporter en procession à Coadry.

Pendant que les fidèles baisent avec amour la vénérable relique, on entend retentir les strophes du vieux cantique sur la Passion, composé par M. Rioual, ancien Curé de Scaër, et qui figure dans les Kanaouennou Santel de M. Henry : Gwelit, ma daoulagad...

Les fidèles de Scaër et de quelques autres paraisses voisines ont l'heureuse habitude de faire offrir le Saint Sacrifice de la Messe à Coadry, à l'intention de leurs chers défunts.

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INDULGENCES

Voici les indulgences accordées aux pèlerins de Coadry par un Bref du pape Pie VIII, en date du 9 Mars 1830, ad perpetuam rei memoriam.

1. Indulgence plénière, aux conditions ordinaires [Note : Il s'agit de se confesser, de communier et de prier aux intentions du Souverain Pontife. La confession exigée peut se faire dans les huit jours qui précèdent celui pour lequel l'indulgence est accordée ; la communion peut être faite la veille de ce même jour ; et l'une et l'autre pendant toute l'octave suivante], gagnée par ceux qui visiteront l'église paroissiale de Scaër et la chapelle de Coadry le jour de la Solennité du Saint-Sacrement, le 4ème dimanche de septembre, le Jeudi-Saint le 4ème vendredi de Carême, le premier vendredi de chaque mois. Cette double visite peut se faire, pour les deux premières fêtes dès le moment où commencent les premières vêpres, pour les autres jours, depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher [Note : D'après le Droit actuel, cette visite peut être faite depuis le jour précédent à midi jusqu'au milieu de la nuit qui termine le jour désigné. Il faut en dire autant de la visite prescrite le Vendredi-Saint].

2. Indulgence plénière à ceux qui s'étant préalablement confessés, communient le Jeudi-Saint, et font les deux visites prescrites le Vendredi-Saint.

3. Indulgence de 200 jours tous les vendredis de l'année, à condition de visiter l'église paroissiale et la chapelle de Coadry.

Scaër-Coadry (Bretagne) : cantiques bretons. 

Scaër-Coadry (Bretagne) : cantiques bretons. 

Scaër-Coadry (Bretagne) : cantiques bretons. 

Scaër-Coadry (Bretagne) : cantiques bretons.

Scaër-Coadry (Bretagne) : cantiques bretons.

(C. Pérennès).

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