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LE MUR PAYEN ET LES RUINES ROMAINES ET FEODALES

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LE MUR PAYEN.

Par quelque côté qu'on accède à Sainte-Odile, il faut, au moment d'atteindre le sommet du plateau, franchir l'enceinte du Mur payen. Que l'on vienne d'Ottrott, de Barr ou de Hohwald, on est surpris de se trouver tout à coup, à un détour du sentier, devant cette construction mégalithique à l'aspect imposant, aux proportions gigantesques, qui est bien une des curiosités les plus intéressantes du Mont Sainte-Odile, un des plus grandioses monuments de l'Alsace et une des merveilles archéologiques de la France.

Le Mur payen ou Heidenmauer, d'un développement de 10 km. 500, encercle dans son enceinte trois plateaux contigus, mais bien distincts : la Bloss au sud, une partie de l'Elsberg au nord et entre les deux le plateau de Sainte-Odile proprement dit, soit une superficie totale de plus de cent hectares. L'espace ainsi circonscrit forme une crête de forme bizarre, un ovale irrégulier, très allongé du nord au sud, long de trois kilomètres [Note : La plus grande longueur en ligne droite, du Ménelstein au Hagelschloss, les deux points extrêmes, est de 3.070 m. — Un bon sentier permet de longer le Mur dans ses parties les mieux conservées] sur une largeur qui varie entre 100 et 700 mètres. Deux murs transversaux séparent les trois plateaux, qui ainsi formaient comme autant d'enceintes indépendantes ou de camps retranchés ; on retrouve nettement la trace de ces deux murs de séparation à la hauteur du Stollhafen et vers le Beckenfels, à quelques pas du Banc Herrade.

Mont-Sainte-Ofile : shéma du Mur Payen

 

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

Tout autour de ce triple plateau, le Mur payen se dresse avec hardiesse au ras de la pente, comme suspendu au bord de l'escarpement qui domine les vallées ; il suit rigoureusement les sinuosités des sommets qu'il enveloppe, monte et s'abaisse brusquement avec eux, se replie ou fait saillie selon les accidents du terrain, disparaît même toutes les fois que des rochers à pic rendaient l'escalade impossible. Sa hauteur varie suivant les besoins de la défense ; dans ses plus belles parties notamment entre le Dreistein et le Hagelschloss, il atteint de nos jours encore une hauteur de 2 m. 50 ou 3 mètres sur une largeur de 2 m. à 2 m. 50.

 

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

Une des particularités du Mur payen réside dans son mode de construction. C'est un amoncellement prodigieux d'énormes blocs de rocher à peine équarris, simplement juxtaposés et entassés les uns sur les autres sans ciment et sans mortier, reliés entre eux et étroitement maintenus par des pattes en bois de chêne très dur, longues de 20 à 25 centimètres ; le corps de ces tenons de bois, étranglé par le milieu, va en s'élargissant vers les deux extrémités, en forme de queue d'aronde [Note : Chacune des extrémités de ces pattes ainsi taillées rappelle par sa forme la queue déployée d'une hirondelle (aronde en vieux français) : d'où leur nom. On n'a pu retrouver que très peu de ces queues d'aronde : le Musée du Couvent en possède deux très beaux spécimens].

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

Ces tenons s'emboîtaient très exactement dans des mortaises de forme correspondante, taillées sur les bords adjacents de deux pierres contiguës ; les couches successives de pierres, en se superposant, ne faisaient qu'augmenter de leur propre poids la solidité de la construction.

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

Rien n'a permis jusqu'à présent de déterminer d'une façon précise l'origine du Mur payen, ses constructeurs et sa destination primitive. Toutefois, on s'accorde généralement pour lui reconnaître les caractères distinctifs des fortifications gauloises : grande étendue de l'enceinte, — situation sur un plateau élevé, — construction simple et sans fondation, — absence d'ouvrages à l'extérieur de l'enceinte (Pfister.) Il aurait été élevé au IIIème ou même déjà au IVème siècle avant Jésus-Christ par les Gaulois de la Basse-Alsace ou Médiomatriques (fondateurs de la ville de Metz), pour leur servir de forteresse ou de camp de refuge contre les fréquentes incursions des Germains. Sous la domination romaine, une autre tactique ayant remplacé celle que suivaient les Gaulois, le Mur payen resta probablement sans destination, et dans la suite il ne servit plus qu'à marquer les possessions du monastère de Hohenbourg.

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

Au XVème siècle, pour réparer des pertes considérables occasionnées par une série d'incendies, le monastère dut peu à peu aliéner sa belle propriété, et quand, en 1569, l'Evêché de Strasbourg en devint possesseur, il ne put recouvrer, de l'ancien domaine, que la partie relativement restreinte qui, actuellement encore, est délimitée par les bornes aux armes des Prémontrés.

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

L'enceinte du mur payen du Mont Sainte Odile

 

Quoi qu'il en soit de l'origine et de la destination du Mur payen, une ligne de défense aussi habilement conçue dénote dans ses auteurs un véritable génie : elle étonne à la fois par la hardiesse du plan et par la persévérance dans l'exécution ; en la parcourant, on se prend à réfléchir aux forces extraordinaires qui durent être déployées pour transporter et disposer avec tant d'art — et à une époque où l'homme disposait de si peu de moyens — ces énormes masses de pierre, véritables rochers qui semblent avoir été déplacés par les forces de la nature, plutôt que par la main des hommes.

 

LES VOIES ROMAINES.

Il est hors de doute qu'à l'époque romaine la forteresse d'Altitona était reliée à la plaine par deux voies de communication, l'une venant de Barr, l'autre d'Ottrott : ces deux voies, probablement antérieures aux Romains, n'auraient été que restaurées et aménagées par eux ; on retrouve en effet des vestiges de dallage sur divers points de leur parcours, notamment à 1 km. au-dessus de Saint-Gorgon et aux abords immédiats de la Porte romaine [Note : Exactement, en contrebas de la route actuelle avant de franchir la Porte romaine ; à cet endroit, le dallage est, sur une cinquantaine de mètres, en parfait état de conservation. Parmi les dalles, on remarque même des pierres à  entailles en queue d'aronde provenant évidemment du Mur payen].

La première de ces voies n'est autre que le chemin creux — appelé depuis, pour cette raison sans doute : Chemin des Gaulois — qui pénètre dans l'enceinte du Mur payen, non loin de la route de Hohwald, qu'il rejoint du reste aussitôt après, à un kilomètre du Couvent (borne 9,4), là même où des Tumuli de l'époque mérovingienne ont été mis à jour en 1879 par M. Voulot.

Celle d'Ottrott, qui seule a conservé le nom de Voie romaine ou Römerweg ([Note : Désignée aussi dans le pays sous les noms de Teufelspflaster (Pavé du Diable) et de Heidenweg (Chemin des Payens)], est, de nos jours encore, assez facile à suivre : elle quitte Ottrott à la sortie même du village, longe le sentier de Sainte-Odile et avec lui monte à flanc de côte, en passant près de la ferme démolie de Saint-Gorgon ; parvenue à hauteur du Rocher d'Oberkirch, elle se divisait en deux branches, l'une se prolongeant directement par le ravin vers le sud, tandis que l'autre se rejetait brusquement sur la droite à angle très aigu, franchissait le Mur payen près du Stollhafen, au delà duquel elle décrivait de nouveau une courbe très prononcée vers le sud, pour déboucher ensuite sur les champs de la Grossmatt ; là, les deux tronçons se réunissaient pour monter vers la citerne appelée depuis : Fontaine Saint-Jean, auprès de laquelle aboutissait également la voie venant de Barr. Ensemble, les deux chaussées gravissaient la dernière pente, mais se divisaient de nouveau avant de franchir le fossé d'enceinte creusé au pied des grands rochers où est assis aujourd'hui le potager ; elles pénétraient enfin dans le castellum, parallèlement quoique à niveau différent, par deux étroits défilés coupés dans le roc et séparés seulement l'un de l'autre par l'épaisseur du gros rocher qui forme la paroi de droite de l'actuelle « Porte romaine ».

Bien que la construction de la route ait considérablement modifié l'aspect des lieux, on reconnaît assez facilement ces deux défilés ; la triple rangée de rochers qui les constituait existe encore : elle n'est autre que le groupe rocheux de la Porte romaine.

Quant aux deux chaussées, l'une, celle de droite, a disparu presque complètement sous la route actuelle [Note : Son entrée cependant est encore visible — à hauteur de la Porte romaine, à droite et un peu au-dessus du niveau de la route — bien que barrée par un petit mur de maçonnerie, pour enclore le potager] ; l'autre, encore très apparente à gauche et en contrebas de la route, pénétrait dans la forteresse entre les deux rochers qui forment la Porte romaine proprement dite. Ces deux rochers portaient, à hauteurs correspondantes, des encoches plus ou moins profondes, encore existantes, destinées soit à fixer les gonds, soit à recevoir les poutres ou barres transversales qui servaient à bloquer la porte à l'intérieur. La route actuelle, bien plus élevée de niveau que l'ancienne voie romaine, nous cache la base des deux rochers entre lesquels il lui a fallu se frayer un étroit passage, ainsi que les encoches, peut-être très curieuses, que portent sans doute leurs parois enfouies.

 

RUINES FEODALES.

Birkenfels et Kagenfels.

Pour qui rassemble par la pensée tous les manoirs féodaux de l'Alsace, des catégories s'établissent d'elles-mêmes : châteaux de princes et de ducs, vastes, architecturalement riches, dressant leurs tours hautaines sur une montagne, monuments de la féodalité supérieure ; tels apparaissent par exemple le Hohbarr et le Girbaden. Puis viennent les burgs de puissants seigneurs régnant sur un coin de plaine, défiant l'assaillant derrière leurs cuirasses de pierre, audacieusement postés sur quelque contrefort très apparent ; tels le Hoh-Rappoltstein, Ulrichsburg, Andlau, Spesburg, Landsberg, Rathsamhausen, bien d'autres encore.

Mais comme il y a des degrés dans la hiérarchie féodale, au-dessous de ces impérieux castels viennent les demeures de simples vassaux, nobliaux de moindre envergure, dont les domaines sont minces et dont l'aventure est la ressource. Les burgs de ce genre cherchent la pénombre, à mi-côte au-dessus des vallées. Plus anciennement construits, ils ont tout sacrifié aux nécessités de la défense : on les voit, petits et rudes, s'attacher au roc, se tapir au plus profond des halliers. Le Hagelschloss, le Dreistein, Birkenfels et Kagenfels semblent bien être de cette famille. Les gentils­hommes qui hantent de tels repaires ont pu être, au début de la féodalité, de valeureux chevaliers ; vers le XVème siècle, la pénurie aidant, ils ne sont plus guère que des chevaliers d'industrie et de rapine. De quelles malédictions les accable la tradition populaire : Raubschlösser, Raubneste, Raubhorste ! Mais toujours ils restent les oiseaux de proie, les vautours qui guettent, tandis que planent les aigles.

Le Birkenfels, qui domine le riant vallon de Willerhof, est de tous côtés entouré de sapinières ; on ne l'aperçoit que de très loin ou de très près. On y pénètre en franchissant le chemin de ronde ; de son seuil, la vue est jolie sur Sainte-Odile, les bois et les prés. Intérieurement, la nature a tout reconquis. Le sol est jonché de troncs d'arbres vermoulus, encombré d'un fouillis de moellons que tapissent mousses et lichens. Fougères et sureaux ont envahi la salle des chevaliers. Le lierre escalade les murailles, se glisse dans les hautes cheminées, encadre les baies des fenêtres. Au faîte des murs se balancent les arbustes baignés de soleil, pins, sorbiers aux feuillages délicats, aux charmantes baies de corail, panaches verdoyants, oriflammes de triomphe qu'arbore la végétation. Là où retentissait le cliquetis des armes, le vent bruit dans les branchages. C'est un murmure très doux, la plainte du temps, la mélancolique voix des ruines.

Une grande embrasure éclaire l'un des angles du château, tout contre le donjon. Il est facile de l'escalader. Pour le surplus, ce château ressemble à tous les autres. Visiblement, un gentilhomme y résidait, et non un grand seigneur. La construction est rudimentaire, l'enceinte peu considérable, le plan, des plus simples : d'épaisses murailles, faites au dehors de grosses pierres à bossages et de blocages cimentés au dedans. Les meurtrières se trouvent dans le bas ; les appartements d'habitation semblaient bien ne commencer qu'aux parties supérieures de l'édifice, si on en juge par la place des cheminées et des arcades avec bancs de pierre latéraux.

Que dire du Kagenfels ? Retiré et lointain, on ne le visite guère ; à peine le connaît-on. Son nom est tellement tombé dans l'oubli qu'on l'appela longtemps Hanfmatterschloss, à cause d'une chènevière qui l'avoisinait. Venant du Willerhof, on traverse des prairies qui offrent de jolies échappées sur Sainte-Odile ; à mon passage, un vieux berger, penché sur un brasier de bois mort, surveillait un troupeau de vaches agitant leurs clochettes : le « Klingental » vraiment ! Une source coupe le sentier. Après une superbe forêt de haute futaie, dans une coupe de bois en taillis, on cherche la ruine. Elle est presque invisible. Un promeneur distrait pourrait la dépasser sans s'en douter. Une centaine de mètres avant d'y arriver, on aperçoit, sur un haut tertre, un rocher gris, sorte de dent gigantesque, entouré de ramures. Puis ce tertre disparaît. Mais, au tournant du sentier, s'ouvre un fossé profond. Des éboulis dénotent une ruine. Plus loin, dans un angle, une tour carrée, lamentablement éventrée, descend en terre au-dessus du chemin de ronde et affleure le rocher. Ainsi donc, c'est un château, ce hérissement de broussailles ! Mais qu'il est morne et lugubre ! Les sureaux penchent tristement leurs grappes de baies noires ; ils portent le deuil, semble-t-il. Franchissons le chemin de ronde, escaladons ! Les orties hargneuses se dressent, les ronces embarrassent les pas, les pierres cachées sous les arbustes obstruent la marche. La ruine accueille mal le visiteur qui veut percer ses mystères ; elle se hérisse et se renfrogne ; elle ne tarde pas à devenir, repoussante, puis dangereuse et sinistre. Les talus escarpés sont faits de terre meuble qui glisse en vous entraînant ; posez le pied sur une pierre, elle s'éboule. Les branches et les racines d'arbres sont les seuls appuis certains.

Me voici en haut. Quelque chose de hideux m'attendait. Là, sous mes yeux, sous mes pas, l'oubliette du donjon est béante ; elle est accroupie, elle guette ; sa gueule s'ouvre toute grande, attendant une proie à engloutir, quœrens quem devoret. Glissez, trébuchez, la pente vous emportera vers le cachot souterrain. Les parois sont assez abruptes pour que remonter soit impossible ; l'endroit, assez écarté pour que pas un secours ne survienne et pour que vous puissiez revivre les heures anxieuses et désespérées des prisonniers ensevelis dans l'in pace. Il semble que la ruine, semée de pièges et de chausse-trapes, se venge, par l'horreur, de ceux qui, terrassée, l'assaillent encore. .. Enfin, grâce aux arbustes et aux arbres, la crête redoutable est dépassée. Encore des broussailles. La ville d'Obernai entretient mal les débris du burg qui si souvent la harcela... Quelques pans de mur ; puis sur des rochers à pic les débris d'une porte et d'une fenêtre : telle est cette ruine farouche, dans un site auquel la solitude et la beauté de la forêt donnent un cachet d'impressionnante austérité. Quand le vent fait rage et s'acharne sur l'antique château féodal, j'imagine que le touriste inquiet doit regretter de s'être aventuré dans ces parages ... 

(texte de l'abbé Ch. Umbricht).

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