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NOTRE-DAME D'ESPÉRANCE

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Le Couronnement.

La translation solennelle du corps de saint René eut lieu le dimanche 13 novembre 1863. L’abbé Prud'homme, eut la joie de voir le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, et les évêques de Valence, d'Aire, du Puy et de Saint-Brieuc présider cette fête. Mais si belle et si touchante que fût cette cérémonie, il, rêvait d’une manifestation encore plus somptueuse et plus solennelle pour le couronnement de la statue vénérée de Notre-Dame.

A la fin de mars 1863, le jeune évêque de Saint-Brieuc avait en effet, reçu de Rome le Bref suivant :

PIE IX PAPE

Vénérable Frère, Salut et Bénédiction apostolique. Nous n’avons rien de plus à coeur que de procurer, autant que Nous le pouvons dans le Seigneur, tout ce qui contribue davantage à rehausser le culte de la très sainte Mère de Dieu, dans la confiance où nous sommes que c’est surtout par son patronage que Dieu donnera de meilleurs temps à son Église.

Puis donc, Vénérable Frère, que vous Nous avez présenté requête à l’effet de pouvoir en Notre nom décorer du diadème d’or une Image de la divine Mère, inaugurée dans une Église ou Oratoire public de votre ville de Saint-Brieuc sous le nom de Notre-Dame d'Espérance, et insigne par la piété des fidèles, Nous avons voulu bénignement obtempérer à des voeux qui tendent à une plus grande gloire de Dieu et de sa sainte Mère.

.......... En conséquence, Vénérable Frères Nous déléguons à votre personne, par la teneur des présentes, tout pouvoir d’imposer en Notre nom la Couronne à l'Image sus-mentionnée de l'Immaculée vierge Mère de Dieu.

Pour que d’ailleurs cette cérémonie et son souvenir deviennent aux fidèles un perpétuel secours pour leur salut éternel, Nous confiant en la miséricorde de Dieu Tout-Puissant, et, en l’autorité de ses bienheureux Apôtres Pierre et Paul, Nous accordons à tous fidèles de l’un et l’autre sexe, qui vraiment pénitents, confessés, et refaits par la sainte Communion, visiteront dévotement la susdite Église ou Oratoire public, ensemble l'Image, le jour même du solennel Couronnement, et tous les ans, son jour anniversaire, ou l’un des sept jours immédiatement suivants, au choix de chacun des fidèles, et là répandront devant Dieu de pieuses prières pour la concorde des Princes chrétiens, l’extirpation des hérésies et l’exaltation de notre Mère, la sainte Église, et leur concédons miséricordieusement dans le Seigneur Indulgence Plénière et rémission de tous leurs péchés ; laquelle même pourra être appliquée par mode de suffrage aux âmes du Purgatoire.

Et ce, nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, sous l'Anneau du Pêcheur, le 13 mars 1863. De Notre Pontificat, la dix-septième année. B. CARDINAL BARBERINI.

En publiant ce Bref, Mgr. David envoya au clergé et aux fidèles de son Diocèse une circulaire où il disait :

Nos TRÈS CHERS FRÈRES,

Le 30 juillet prochain, dans notre ville épiscopale une grande fête réunira les foules pieuses autour de Celle que la foi de dix-huit siècles proclame Reine du ciel et du monde.

Au nom de Pie IX, le Chef immortel de l'Église, le Pontife dont le nom seul a le privilège de faire battre tous les coeurs bretons, nous déposerons la Couronne d'or sur la tête de Notre-Dame d'Espérance.

C’est un usage, déjà ancien dans l'Église, que lorsqu’un sanctuaire est favorisé par les grâces spéciales de Marie et le concours des fidèles qui aiment à s’y presser, la gloire de ce lieu privilégié se traduit et se symbolise par le couronnement de sa statue. Assurément, l'Église n’a pas la prétention d’ajouter quelque chose à la dignité de la Mère de Dieu. N’est-ce pas la Trinité sainte qui a placé elle-même le diadème sur le front de Marie ? N’est-elle pas debout sur le premier degré du trône du Père, plus élevée que les Anges, amour et admiration des Saints, reflétant dans le pur miroir de sa beauté céleste les perfections divines, autant que cela est possible à la créature, l’oreille inclinée vers les prières et les soupirs des hommes, dont elle a été la soeur, et dont elle est devenue la Mère ? Les étoiles ceignent son front, le soleil l’entoure d’un manteau éblouissant, et la lune se balance sous ses pieds. (Apoc. 12). Tout ce que nous pouvons, nous, pauvres voyageurs à travers les tristesses et les luttes de la vie, c’est de faire arriver jusqu’à son coeur le cri de nos misères et de nos espérances ! Ad te clamamus, exules filii Evæ.

Mais chacun de vous, N. T. C. F., comprend le sens, de cet hommage symbolique. Il manifestera avec éclat, une fois de plus, cette piété bretonne qu’on ne contemple jamais sans une émotion profonde ; il proclamera, une fois de plus, la douce royauté d’amour de Marie sur nous ; il appellera, une fois de plus, sur l'Église qui combat et qui souffre, sur Pie IX dont nous ressentons toutes les douleurs, sur la France qui s’est toujours glorifiée d’être le fief de Marie, regnum Galliæ regnum Mariæ, son regard qui éclaire, sa tendresse qui réchauffe, sa piété qui relève et pardonne. Nous confierons de nouveau à sa garde notre Diocèse, avec ses prêtres et ses fidèles. Sur cette humble couronne, nous déposerons, avec notre reconnaissance personnelle, les sentiments, les espérances de tous ceux qui ont prié, pleuré, reçu la grâce à ses pieds, et nous lui dirons avec le Prophète : Venez, ô Reine, ô Mère ! Descendez au milieu de nous ; prenez votre sceptre et votre couronne, et gouvernez avec nous les fils de Brieuc et de Tugdual : nos biens, nos âmes, notre vie, tout est à vous ! Procede et regna !.

Il n’est personne de vous, N. T. C. F., qui ne connaisse le sanctuaire de Notre-Dame d'Espérance, à Saint-Brieuc. Une ancienne chapelle dédiée à saint Pierre attirait depuis des siècles les hommages pieux de la foule, sur un de ces sommets où la Religion aime à s’asseoir, parce que chacun peut venir plus facilement à ses pieds. Grâce à la générosité des fidèles, et surtout au zèle de M. l’abbé Prud'homme, chanoine de notre cathédrale, qui a été l’instrument de la Providence pour cette création, une vaste et gracieuse chapelle, de style ogival, s’est élevée à la place de l'ancienne. En conservant pour patron secondaire le Prince des Apôtres, elle s’est placée sous le vocable de Notre-Dame d'Espérance. Le Souverain Pontife en a fait le siège d’une Archiconfrérie à laquelle de nombreux diocèses de France et du monde chrétien ont voulu s’affilier. Le flot des pèlerins s’est dirigé de lui-même vers le nouveau sanctuaire. Un des beaux Pardons de Bretagne s’y est établi, le 31 mai. Une procession touchante sort de la chapelle, à huit heures du soir, avec des milliers d’oriflammes et de flambeaux ; elle se déroule à travers les rues de la vieille cité de saint Guillaume, qui, du haut du ciel, doit jeter un regard satisfait sur ses enfants. Chaque maison s’illumine ; des cordons de feu dessinent les contours des arcs de triomphe ; les chants montent vers Marie avec cet accent du cœur qui ne laisse jamais sans attendrissement ceux qui écoutent. Enfin, apparaît la Statue, couverte de ses voiles blancs, et précédée par le groupe des marins, gardes fidèles de l'Étoile de la mer. La multitude se prosterne ; les mères lui présentent leurs petits enfants endormis sur leurs bras ; les vieillards lui tendent les mains. Il semble que de chaque poitrine émue s’échappe vers Elle ce cri de foi et d’amour : Salut, à vous, Espérance du monde : Spes nostra, salve !

C’est qu’elle a reçu une heureuse et douce appellation, notre Vierge bénie : c’est NOTRE-DAME D'ESPÉRANCE ! Qui de vous, N. T. C. F., n’a besoin quelquefois d’espérer, c’est-à-dire, d’oublier les tristesses de la vie présente, les mensonges du bonheur humain, les déceptions qui accompagnent chacun de nos projets, et de songer aux biens immortels, les seuls dont la possession ne trompe ni ne lasse le cœur ? Enchaînée aux réalités douloureuses de la terre, froissée à chaque instant par le choc des injustices humaines, notre âme retrouve par l’espérance ses grandes ailes, et plane dans le monde invisible de la vérité sans nuages, de la justice sans défaillance, de l’amour infini dont rien n’altère la pureté ni la durée. Marie est l’espérance sous sa forme la plus suave. Tous les malheureux, tous les orphelins sont sûrs d’être abrités sous son manteau.

Par ce sentiment, le dernier qui meure au coeur du chrétien, s’explique le succès rapide de l'Association de Notre-Dame d'Espérance, qui compte de si nombreux affiliés dans le monde catholique. Dix ans avant que la Providence nous eût appelé au gouvernement de notre diocèse, malgré la distance si grande qui nous séparait, nous avions Nous-même tenu à l’honneur d’écrire notre nom sur le registre de l'Association. L’éclat qui va rejaillir sur elle par la nouvelle faveur de Pie IX, contribuera sûrement à augmenter le nombre des associés. L’administration matérielle de la chapelle est restée une oeuvre privée, entre les mains de son pieux fondateur ; mais l'Archiconfrérie est une oeuvre universelle, profondément catholique, riche de grâces pour quiconque veut s’y agréger, et nous serions satisfait de voir sur son registre autant de noms que nous comptons de diocésains.

Aussi, nous en sommes assuré, elle sera belle et digne de la piété bretonne, la solennité qui se prépare. Vous y viendrez avec empressement et affluence, N. T. C. F., guidés par un motif plus puissant que la curiosité, l’amour de la Religion et de Marie. La plupart de nos paroisses, même les plus éloignées, y enverront quelques représentants pour apporter à Notre-Dame d'Espérance les hommages de tous, et reporter à tous les bénédictions tombées de son coeur.

Tout contribuera à la rendre belle aux yeux et douce à l’âme. Nous y déploierons toute la pompe dont nous sommes capable, avec l’exiguïté de nos moyens ; chacun nous aidera dans la mesure des siens. Est-ce que les fêtes de Marie ne sont pas les fêtes de la famille chrétienne ? Notre vénérable Chapitre, dont chaque membre lutte de zèle pour tout ce qui contribue à la gloire de Marie, nos excellents doyens, curés, recteurs, vicaires, qui passent leur vie à la faire aimer et bénir ; nos chères Communautés religieuses qui sont la plus douce part de notre héritage, tous nos diocésains, ne feront qu’un coeur et qu’une âme pour embellir la cérémonie de leur concours.

Nous devrons un des attraits les plus puissants de notre solennité aux illustres Prélats qui nous ont promis l’honneur de leur présence. La fête sera présidée, à la joie de tous, par Mgr. l’archevêque de Rennes, notre Métropolitain, que chacun de nous aime et vénère à l’égal de ses propres diocésains.

Et maintenant, N. T. C. F., terminons cette Circulaire en disant à Marie, avec l'Écriture : Veni, coronaberis ; venez, vous allez être couronnée !  

Un jour, le ciel a tressailli d’allégresse. Une fille d'Adam, qui avait travaillé, souffert, pleuré comme nous, y entrait portée sur les ailes des Anges. La Trinité sainte se levait de son trône. Le Père disait : « Vous êtes ma fille ! ». L'Esprit-Saint : « Vous êtes mon épouse ! » et le Fils, s’avançant à sa rencontre, déposait sur son front le plus beau diadème après celui de Dieu, en ajoutant : « Vous êtes ma mère ! ». Les Bienheureux s’inclinaient avec transport, et bénissaient le Tout-Puissant qui donnait au ciel une Reine.

Et nous, ô Marie, sur notre terre d’épreuve, jetés au fond de la vallée des larmes, à une distance infinie du ciel, oserions-nous reproduire une ombre de cette scène dont aucune splendeur mortelle ne peut donner l’idée ? Notre main pourtant déposera sur votre Statue une couronne fragile, symbole de celle que Dieu a mise sur votre tête pour l’éternité. Mais quelque chose d’infini par l’ardeur du désir fera battre nos coeurs, eu vous couronnant et en vous glorifiant ; car chacun de nous vous y a élevé un trône impérissable, et proclame avec bonheur votre royauté de miséricorde envers le monde. Venez, et consentez à recevoir de nos mains l’humble couronne que nous vous offrons, au nom de Pie IX et de tous nos diocésains ; elle est chargée de tout ce que la confiance et la piété peuvent y mettre d’amour et de dévouement ! Veni, coronaberis !. Quant à nous, qui avons reçu par la volonté de la Providence le soin de ce troupeau, qui est plus spécialement vôtre, nous résumerons notre désir, pour chacun de ceux qui assisteront à la fête, dans les paroles que l'Église mettra alors sur nos lèvres : Sicuti per manus nostras coronaris in terris, ità et à Christo gloria et honore coronari mereamur in cælis, « de même que nos mains vous couronnent sur la terre, puissions-nous tous mériter d’être couronnés par Jésus-Christ dans le ciel.

Ainsi préparée, la fête du 30 juillet 1865 eut un éclat incomparable. Deux fois seulement la Bretagne avait vu cette grandiose cérémonie d’un couronnement : en 1857, pour Notre-Dame de Bon-Secours, à Guingamp, et en 1858, pour Notre-Dame de Rumengol, au diocèse de Quimper. Une foule innombrable de pèlerins venus, non seulement du diocèse de Saint-Brieuc, mais des diocèses voisins et même du Mans, de Paris, d'Angers et autres villes où l'Archiconfrérie comptait des associés, plus de 500 prêtres, un ciel limpide et un soleil radieux en harmonie avec la joie universelle, tout contribua à faire de cette journée une solennité mémorable, dont la plume délicate de Zénaïde Fleuriot — une briochine a peint le tableau animé :

« Le jour du couronnement était un dimanche, ce jour où le travailleur est libre par ordonnance divine, et dès l’aurore la ville se remplissait. Son aspect avait changé. De fraîches guirlandes tombaient en festons le long de ses maisons inégales et traversaient ses rues étroites ; des arcs de triomphe s’élevaient sur les grandes voies ; des étendards aux couleurs de la Reine du ciel flottaient à toutes les fenêtres ; des mots d’espérance, de salut, se lisaient partout ; les décorations les plus élégantes se mariaient aux simples manifestations de la piété des pauvres. Ces dernières n’étaient pas les moins touchantes : l'oeil, charmé par le bon goût déployé dans l’ornementation d’une confortable habitation, s’arrêtait ému sur la petite statue enfoncée dans la muraille sombre. Tous avaient lutté de zèle, et un radieux soleil venait dorer ces préparatifs de fête. On ne pouvait demander mieux.

A huit heures, la statue de Notre-Dame d'Espérance fut portée à la cathédrale. Cette statue de moyenne grandeur est une oeuvre gracieuse qui n’est pas sans mérite. La Vierge est debout, le pied sur la tête du serpent qu’elle a vaincu ; sa main droite s’étend en avant par un geste plein de bonté ; sa main gauche s’appuie sur l’épaule de l’enfant Jésus qui soutient dans sa petite main l’ancre symbolique et qui semble l’offrir au monde affamé d’espérance. Une ineffable expression de suavité est répandue sur les traits donnés par le sculpteur à la Mère de Christ, et ces traits eux-mêmes sont heureusement choisis. Cette figure douce, souriante, et chaste, convient à Celle qui est devenue la mère du genre humain et qui représente pour lui l'Intercession et l'Espérance.

La statue de la Vierge avait sa place d’honneur au fond du choeur du vieux temple bâti par saint Guillaume. Elle était là couverte d’un voile léger de tulle brodé d’or ayant à ses pieds les prêtres revêtus de leurs blancs ornements et qui, assis sur les degrés de l’estrade, semblaient lui former un piédestal vivant. La sombre cathédrale elle-même était rajeunie par sa fraîche ornementation. Monseigneur l’évêque de Saint-Brieuc officiait, et après l’évangile, Mgr. l’archevêque de Rennes (Mgr. Brossais Saint-Marc) a adressé aux fidèles quelques paroles du haut de la chaire. Dans ce moment la foule avait devant les yeux les quatre évêques venus pour la fête [Note : Outre Mgr. l'Archevêque de Rennes et Mgr. Plantier, assistaient au couronnement Mgr. Sohier, évêque de Hué en Cochinchine et Mgr. Épivent, évêque d'Aire, ancien archiprêtre de la cathédrale de Saint-Brieuc] et parmi eux on remarquait le visage usé, pâli, ascétique, de Mgr. Plantier, l’évêque de Nîmes, l’éloquent champion de l'Église, l’écrivain infatigable, l’émule des Pie et des Dupanloup, un des membres de cette glorieuse tribu d’évêques qui, debout et veillant, priant et combattant, défendent si vaillamment le Saint-Siège.

Monseigneur l’archevêque a été bien heureusement inspiré en parlant de Mgr. Plantier, et bien des coeurs ont battu quand il s’est écrié en s’adressant à Mgr. de Saint-Brieuc

— Qui vois-je auprès de vous, Monseigneur ? Et se tournant vers l’assistance, il a demandé :

— Comment l’appeler ? Est-ce Hilaire ? Est-ce Athanase ?

Ces trois questions valaient tout un discours.

La grand'messe achevée, on a conduit Notre-Dame d'Espérance sur un reposoir élevé sur la place envahie par une multitude vraiment innombrable. Les prélats se sont assis, et un carme a adressé à la foule une éloquente allocution. Les couronnes, posées sur un coussin de satin blanc et portées par quatre vénérables prêtres, ont été ensuite bénites ; puis les évêques gravissant par un côté différent les degrés qui les élevaient au niveau de la statue, Mgr. l’archevêque de Rennes et Mgr. David ont posé sur la tête de la sainte Vierge et de l’enfant Jésus les couronnes étincelantes, emblèmes de leur royauté divine et terrestre. La foule immense se taisait ; au milieu de ce silence solennel on n’entendait que la voix aérienne des cloches qui chantaient leur cantique d’allégresse. Puis les strophes du Magnificat ont été dites par des milliers de voix, et la procession a commencé son majestueux parcours par les rues pavoisées. Depuis longtemps, jamais plus magnifique et plus gracieux cortège n’avait traversé les rues de la cité de Saint-Brieuc.

Regardez-le passer lentement au milieu d’une foule immense, mais ouvertement respectueuse, profondément recueillie. Voici les congrégations d’hommes et de femmes, les députations des paroisses. Les unes ont envoyé leurs antiques bannières fièrement portées par leurs robustes enfants ; les autres des confréries entières. Ne vous croyez-vous pas transporté au milieu des périodes les plus ferventes du Moyen Age en voyant ces paysannes dévotes, ces rudes travailleuses dont les mains calleuses portent le cierge ou le ruban fané d’un vieil étendard ? Ne vous sentez-vous pas saisi de je ne sais quelle religieuse émotion en voyant passer si nombreuses les créatures qui se sont librement attachées à Jésus-Christ ? Ces religieuses de tous les ordres, ces moines, ces frères, ces prêtres, dont l'oeil suit les interminables files, n’ont qu’une pensée en ce monde : servir Jésus-Christ en se dévouant au prochain. Chacun de ces hommes et chacune de ces femmes est un être consacré désormais au soulagement des misères physiques et morales de l’humanité déchue. Le mal est profond, multiple ; mais voyez aussi que de guérisseurs !

Cette longue procession se montre sous bien des aspects différents. Voici les jeunes filles et des enfants revêtus de la blanche livrée de Marie et portant des étendards bleus et blancs ; voilà des laboureurs, des soldats, des matelots, la rame levée. Marie apparaît ici dominant des gerbes, là entourée des attributs de la guerre. C’est elle partout, elle toujours. Voici enfin Notre-Dame d'Espérance, suivie par le glorieux cortège des prélats qui envoient des bénédictions à la foule.

La procession est arrivée sur la petite place irrégulière sur laquelle se déploie la façade de la chapelle de Notre-Dame d'Espérance. Un arc de triomphe domine un autel élevé en plein air. Elle fait là une station avant de reprendre possession de son sanctuaire, et Mgr. l’évêque d'Aire adresse une dernière et chaleureuse allocution au peuple. Puis, suivant le cérémonial, on acclame la sainte Vierge.

— O Reine ! s’écrie le peuple, acceptez le chant de vos enfants qui vous couronnent.

La dernière acclamation a retenti. Notre-Dame d'Espérance est replacée dans son sanctuaire, et les prélats revêtus de leurs splendides ornements pontificaux, dont le soleil fait ressortir les magnificences, se rangent autour de la croix en granit, élevée devant la haute baie ogivale qui forme le portail. De là ils envoient une dernière et touchante bénédiction au peuple agenouillé. En vérité, pour arracher le christianisme à ce peuple qui souffre, qui travaille, mais qui prie et qui espère, il faudrait lui arracher le coeur.

Le soir, la vaste chapelle se trouvait trop étroite. On avait annoncé que Mgr. Plantier, écoutant plus le zèle qui le dévore que l’état de ses forces, parlerait. Aussi la foule envahissait-elle la chapelle dont l’élégante décoration intérieure empruntait de l’éclat des lumières une splendeur toute nouvelle. Les feuilles d’or mêlées aux fines guirlandes de lierre qui montaient le long des légères colonettes, et les hermines d’or semées sur les draperies de velours bleu, étincelaient ; l'oeil ébloui suivait contre les arcades ogivales des files d’anges peints sur un fond d’or, et déroulant, phrase par phrase, les versets du Salve Regina.

La statue de Notre-Dame d'Espérance apparaissait sous une couronne éblouissante au fond du choeur radieux et se détachait sur la draperie de velours bleu, qui traçait derrière elle ses plis larges et profonds. Son chiffre et ses couleurs se présentaient partout, excepté à la clef de voûte du transept où pendaient un large écusson aux armes de Pie IX et de longues draperies aux couleurs papales.

La lumière, que répandaient à profusion les lustres dorés, permettait au regard de fouiller dans leurs plus délicats détails les sculptures des corbeilles, des chapiteaux, et celles des tympans placés au-dessus des portes du choeur. Les ténèbres du dehors rendaient parfaitement visibles les scènes sacrées racontées par le pinceau des carmélites du Mans sur les beaux vitraux des nombreuses fenêtres. La chapelle avait acquis le degré de beauté qu’elle peut posséder pour les yeux.

Selon l’attente générale, Mgr. Plantier est monté en chaire. Dès les premiers mots son auditoire a été saisi par la grandeur, la poésie et la suavité de sa parole. L’oreille tendue, le coeur palpitant, on l’a écouté parler de l’espérance. Quelle magnificence de langage ! quelle abondance d’images justes et fortes ! quelle énergie d’accent ! quelle chaleur d’âme !

Celui qui nous parle, est-ce bien l’athlète épuisé qui tout à l’heure jetait d’une main débile sur nos fronts respectueusement inclinés une bénédiction doublement précieuse ? Est-ce l’homme prématurément vieilli par les luttes dévorantes de la pensée, qui nous est apparu courbé sous le poids de la mitre épiscopale ? J’en ai la conviction, pendant cette heure de transformation, beaucoup se sont rappelé l’heureuse apostrophe du matin :

— Est-ce Hilaire ? Est-ce Athanase ?

En terminant il a fait un éloquent appel à la foi bretonne, au dévouement des Bretons à la papauté et à l'Église, il a stigmatisé la défection, fruit de l’égoïsme moderne, et il a répété, en les adressant aux Bretons, ces paroles du Sauveur à ses disciples lorsqu’il voyait le peuple l’abandonner pendant qu’il lui proposait le mystère par excellence de notre foi :

— Et vous, m’abandonnerez-vous aussi ?

Et quand sa voix pénétrante a répondu pour nous le mot : Non, articulé comme une profession de foi, il n’y avait pas là un coeur qui ne ratifiât cette solennelle négation.

Ce discours, qui a produit dans les âmes de ceux qui l’ont entendu une ineffaçable empreinte et dont le souvenir sera impérissable, a été suivi de la bénédiction du Saint-Sacrement, et puis la foule est allée parcourir les rues illuminées de la ville. La journée était finie, la grande fête dont ce récit n’a pu donner qu’une pâle et incomplète idée, était terminée. Il ne nous restait plus, selon les propres expressions de Mgr. Plantier, qu’à mettre un sceau sur le vase d’albâtre où sont, au plus profond de nos âmes, renfermés ces arômes divins » (La Semaine des Familles, août 1865).

Saint-Brieuc : statue de Notre-Dame d'Espérance

Commencée à 8 heures du matin, la cérémonie du couronnement ne se termina qu’à deux heures de l’après-midi. Aussi dans une lettre de remerciements qu’il adressa aux habitants de sa ville épiscopale, le 4 août, Mgr. David laissait éclater sa joie :

« Quiconque a été témoin de notre fête du 30 juillet, quiconque a vu s’agenouiller devant l’image de Marie ces quarante à cinquante mille catholiques accourus de tous les points de la Bretagne, tous ces fronts jeunes ou vieux se baisser avec amour, toutes ces lèvres murmurer des prières qui sortaient du fond de l’âme, tous ces yeux avides se fixant sur la Reine du ciel avec un sentiment naïf et sublime, et laissant échapper des larmes de bonheur, celui-là ne l’oubliera jamais, et aura contemplé une scène digne des plus grands jours de l'Église. Il a compris le vrai sens de ces paroles divines : Voilà la victoire qui triomphe de l’univers, c’est notre foi ». (J. Cadiou).

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