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SAINT-SERVAN, BOURG PAROISSIAL SOUS L'ANCIEN RÉGIME.

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Sur le tombeau élevé à la mémoire de Michelet au cimetière du Père-Lachaise, quatre simples mots sont inscrits : « L'histoire est une résurrection ».

En gravant cette phrase lapidaire sur le marbre, les amis de l'historien ont-ils voulu dire que si l'étude de l'histoire ne donne pas l'immortalité, du moins assure-t-elle une seconde vie terrestre; dans leurs œuvres, à ceux qui l'ont pratiquée.

Il me semble plutôt que cette épigraphe formée d'une célèbre phrase de Michelet, nous indique que cet historien a renouvelé l'étude de l'histoire dans sa méthode, par la clarté du style, par la recherche du fait connexe propre à éclairer le fait principal, par l'action qui anime ses récits, par le soin qu'il prit de mettre dans leurs cadres les toiles qu'il brossa avec tant, de vigueur.

L'histoire doit être une résurrection. Le XIXème siècle tout entier aura été le champ de cette évolution.

Si l'on compare « l'Histoire des français » que M. de Sismondi faisait paraître en 1821, dont la composition est sans art, les récits sans mouvement et le langage sans élégance, avec les « Récits mérovingiens » d'Augustin Thierry, on apprécie déjà le chemin parcouru et l'on pressent l'œuvre de Michelet, toute de grâce, d'esprit et d'éloquence.

Mais si à bon droit Augustin Thierry a pu être déclaré le rénovateur des études historiques au XIXème siècle, parce que vivant à l'époque du romantisme, il devait fatalement faire l'histoire romantique en y introduisant le sens de la couleur locale par la recherche des traditions populaires ; si Michelet a pu faire de l'histoire séduisante mais incomplète, Taine devait bientôt montrer, que l'écriture de l'histoire atteignait une étape mais n'était pas parvenue à une méthode définifive.

Taine écrivait que dans cinquante ans, quand on voudrait définir l'œuvre de Michelet, on dirait qu'elle fut l'épopée lyrique de la France.

L'auteur des « Origines de la France contemporaine » ne s'était pas trompé. Son grand talent lui avait fait prévoir qu'au XXème siècle, comme toutes les grandes idées, l'histoire pour être admise devait être scientifique et positive ; et si, de cette transformation, l'histoire gagnait en clarté, en précision et en autorité, ce qu'elle perdait en puissance imaginative, elle restait cependant par la conscience du document, cette fleur poétique et chevaleresque qu'elle avait toujours été.

Parce que de nos jours elle est exacte, l'histoire ne doit pas être devenue insipide et sans panache ; l'histoire de France ne serait plus française, si quinze siècles de bravoure et de désintéressement devenaient négatifs.

Mais, Mesdames et Messieurs, à côté des grands faits valeureux qui forment le blason de l'histoire, doivent se grouper les faits moins importants qui constituent surtout notre vie nationale ; et pour arriver à un résultat vraiment appréciable, l'histoire a surtout besoin d'être décentralisée.

Par suite des influences locales signalées par Michelet, chaque province a eu sa vie propre, son histoire lui est particulière, et c'est l'ensemble des histoires provinciales qui formera plus tard notre histoire nationale définitive.

L'histoire d'une ancienne province ne ressemble pas à l'histoire d'une autre, l'histoire d'une ville est différente de celle de sa voisine et dans l'histoire d'un simple bourg on peut rencontrer des faits uniques d'autant plus intéressants à étudier qu'ils peuvent éclairer d'un jour nouveau la vie sociale d'une époque et contribuer à fixer d'une façon plus exacte les causes et le mouvement d'une évolution que l'histoire générale peut indiquer sans la définir.

L'histoire d'une commune se retrouve surtout dans les registres de délibérations de son corps de ville.

A Saint-Servan, nous nous trouvons devant une administration toute particulière. C'est au XVIIème siècle un gros bourg très peuplé, fier de ses origines, difficilement soumis aux seigneuries qui se partagent son territoire.

Par suite de legs, de fondations, d'anciens revenus du siège d'Aleth attribués au rectorat de la paroisse de Saint-Servan lors de sa création, le Recteur se trouve le chef d'une seigneurie groupée autour de l'Eglise, ayant sa justice particulière dirigée par un Sénéchal. Mais elle relève pour une part de L'Evêque, pour l'autre des Chanoines de la Cathédrale de Saint-Malo, également décimateurs dans la paroisse.

Saint-Servan n'étant pas ville, ne possède ni Maire ni Echevins. Il est administré par un Corps général, simplement appelé le Général, c'est-à-dire l'ensemble des paroissiens représentés par leurs délégués.

Ces représentants sont au nombre de vingt. En tête viennent les deux-trésoriers en charge dont le premier possède virtuellement le titre de Syndic. Ces deux trésoriers sont renouvelés chaque année par le Corps général formé de six anciens trésoriers délibérants et de douze notables ayant seulement voix consultative pour les affaires, mais prenant part à l'élection des officiers de la paroisse.

Ces officiers comprennent en outre un procureur fiscal assisté d'un greffier, un sergent de juridiction, deux commissaires de police et un écrivain, qui, je l'ai constaté, n'avait pas toujours une belle écriture. Et cependant, les signatures des délibérants qui pendant cent trente ans seront apposées sur les registres du Général, montrent que les signataires étaient pour la plupart d'excellents calligraphes.

Notre plus ancien registre a été coté et paraphé le 19 janvier 1669 ; le premier trésorier s'appelle Jean Creton sieur du Rivage ; à part les affaires coutumières d'ordre administratif : nomination des collecteurs des impôts, des notables chargés d'établir la liste des habitants soumis aux fouages, approbation des comptes des trésoriers et mise en adjudication des travaux nécessaires aux bâtiments communaux, ce registre ne présente que peu d'intérêt.

Cependant, nous y trouvons une longue discussion entre le Corps général et le Recteur, au sujet du fameux Pré-Brécel, dont l'acte de donation se trouve être l'un des plus anciens documents de la paroisse.

Cette pièce de terre, très étendue, qui est un bénéfice de la Cure, était primitivement enclose d'un mur. Mais les habitants des Sablons pour se rendre au bourg et aux offices trouvent plus simple de passer par les brèches et de traverser le pré Brécel, que de contourner le Glorioux. La nuit même, on vient y parquer les bêtes, et le brave recteur Allain ne peut plus louer sa terre, qui paraît à tout le monde.

D'autre part, ses faibles ressources ne lui permettent pas de reconstruire un mur de 229 toises die long, et le Général, de son côté, trouve que la dépense ne serait pas en rapport avec les ressources de la paroisse.

— M. le Recteur, conclut le Général, il ne vous reste qu'à arrenter le pré Brécel à telle condition modeste que vous en pourrez trouver !

Dans le second registre commencé en 1691, nous voyons que la charge de Sénéchal est établie en survivance, pour reconnaître les bons services du titulaire, le sieur du Boscq.

Paul Lebrun, maître-chirurgien, est alors premier trésorier et il lui incombe le soin de l'inventaire des revenus ecclésiastiques du ressort de la paroisse, prescrit à la suite de la déclaration gallicane du clergé de 1682. L'histoire qui est un perpétuel recommencement obéirait-elle à des lois mathématiques ? On serait tenté de le croire en revoyant les mêmes faits se reproduire à date presque fixé, dans la circonstance une centaine d'années.

Nous trouvons ensuite un arrêté du Corps général pris sur la requête du Sénéchal et prescrivant le dépôt immédiat entre les mains du procureur fiscal de tous les titres de la seigneurie de la paroisse.

Jusqu'alors, ces documents se trouvaient disséminés. Les trésoriers sortants ou les défenseurs de la paroisse dans ses nombreux procès ne remettaient pas toujours dans les coffres de l'auditoire les pièces dont ils s'étaient momentanément saisis. De là, des abus: les personnes assujetties aux redevances seigneuriales, — nous apprend le registre, — achetaient les titres et déclaraient ensuite « malicieusement » ne rien devoir, au grand préjudice de la paroisse.

C'est à partir de ce moment que l'on prend soin des Archives ; on les renferme dans une pièce spéciale. Un règlement de la Cour du Roi prescrit que les réunions du Général se feront dans une salle destinée à cet usage et non plus chez le Recteur. Le registre des délibérations sera tenu soigneusement.

On exécute cet arrêt avec d'autant plus d'empressement à Saint-Servan, qu'il y a conflit entre le Recteur et le Corps général.

Le Sénéchal, le Procureur, le Greffier de la juridiction prennent fait et cause pour le Recteur, et le Général usant d'un droit qu'il possède, rembourse à ces officiers la taxe de leurs charges pour s'en assurer la propriété. C'est un avertissement ; aussitôt, les officiers de la paroisse choisissent l'Evêque comme arbitre, ne demandant pas mieux, lui disent-ils, que de vivre désormais en bonne amitié avec les représentants des paroissiens.

La visite synodale vient rétablir le calme, mais le Corps général voulant assurer quand même la suprématie du pouvoir civil dans la paroisse, présente au Recteur un tarif qu'il ne pourra dépasser pour le service du culte.

Bien mieux, l'année suivante, le Général établit un jurécrieur d'enterrement qui assurera le service extérieur des inhumations. Nous sommes en 1706 et ce fait encore, est pour nous d'actualité.

Par son édit d'août 1702, le Roi avait érigé en titre d'officier héréditaire, un syndic dans les paroisses de Bretagne où il n'y avait ni Maire, ni Syndic perpétuel ; leur office était d'y exercer les mêmes fonctions que celles précédemment exercées par les procureurs terriers et autres qui avaient eu l'administration des biens et affaires des paroisses. Il y était attribué plusieurs droits, honneurs et exemptions.

Le Corps général de Saint-Servan, si jaloux de son indépendance, se trouva bientôt gêné par cet office. Il demanda et obtint le droit de racheter la charge de Syndic d'une valeur de 1000 livres, et depuis ce temps, ce fut le premier trésorier qui prit officieusement le titre de syndic sans en avoir les prérogatives, même après l'édit du Roi de 1725 qui supprima cette fonction.

Nous avons dit que le Général supportait difficilement l'autorité de justice de la seigneurie ecclésiastique ; quand il lui arrivait de disposer d'un bien paroissial, d'arrenter une terre, il prescrivait dans l'acte que ce bien ne pourrait tomber par héritage ou autrement à des gens de mainmorte, devant toujours rester en mains laïques.

Les trésoriers de paroisse ne possédaient en fait, qu'une autorité purement nominative. En 1731, le sieur Gaillard, l’un des trésoriers, ayant présenté une sommation au Général, au nom d'un habitant, Vincent des Bassablons, il dut se démettre sans délai de son office de trésorier.

En 1735, c'est le sieur Rivière qui refuse d'occuper le poste de trésorier dont il a été pourvu et, pour ce fait, est assigné devant le Présidial de Rennes.

Quand les trésoriers prêtaient le serment d'usage au prône de la première grand'messe de l'année, c'était une rude charge qu'ils assumaient.

Ils étaient, en effet, responsables de la bonne gestion des affaires de la paroisse pendant leurs douze mois de fonctions. Ils ne se libéraient que par la reddition de leurs comptes, qui ne pouvait se faire souvent que plusieurs années après. Si, par suite d'un procès perdu, la paroisse était obligée de payer une somme importante, leur fortune personnelle et à défaut celle des notables par rang d'ancienneté devait suppléer à l'indigence des recettes disponibles.

Le Sénéchal assistait aux séances du Corps général, Mais ce n'était pour lui qu'un droit honorifique de présence. Son titre équivalait à celui de chef de justice de la paroisse, autrement dit de juge de paix.

Le Général choisissait pour remplir cette fonction, l'un des plus notables habitants. Pendant la moitié du XVIIIème siècle, ce fut M. Nouail de Cohigné ; il cumulait ces fonctions avec celles de subdélégué de l'Intendant de Bretagne.

Comme le Corps général était souvent en procès avec le Chapitre malouin dont plusieurs membres étaient apparentés avec M. de Cohigné, le Général vit une incompatibilité entre ces deux fonctions et voulut nommer un alloué, c'est-à-dire un second juge.

Le Sénéchal protesta et put empêcher cette nomination.

A M. Nouail de Cohigné succéda comme Sénéchal, le sieur Gervin, procureur fiscal depuis six mois et qui avait su s'imposer, par ses dehors affables, aux membres du Corps général ; ils eurent bientôt à le regretter.

Chargé de s'occuper activement des affaires de la paroisse pendantes en Cour du Parlement, il fit un long séjour à Rennes, en revint sans rendre compte de son mandat, mais en réclamant 900 livres pour couvrir ses dépenses sans vouloir en donner le détail.

Le Général, en la personne de ses trésoriers, somma le Sénéchal Gervin de s'expliquer ; celui-ci répondit aux trésoriers qu'il ne leur reconnaissait pas le droit de lui imposer des lois et de lui faire des ordonnances. Le Général se vit contraint d'adresser une requête au Procureur général pour que Gervin fût forcé de se démettre de sa charge.

De là un long procès qui se termina par un accommodement, non sans avoir coûté beaucoup d'argent à la Paroisse.

Il semble que le principal souci du Corps de paroisse fut de faire des procès. La nouvelle église avait été construite sur un terrain dépendant de plusieurs fiefs. Des contestations surgirent et donnèrent naissance à de multiples procédure dont plusieurs ne durèrent pas moins de cinquante années.

Procès avec le Chapitre malouin, procès avec les Marquis de Châteauneuf au sujet des droits honorifiques et des fours banaux, procès avec la Communauté de ville de St-Malo pour l'exemption des droits de coutume, procès avec le duc de Penthièvre au rapport des droits patrimoniaux ; ainsi s'en allait le plus clair des revenus de la paroisse.

Fouages, tailles, corvées s'appesentissaient sur le dos des paroissiens. Le seigneur de Châteauneuf faisait-il réparer son château, le Gouverneur de St-Malo procédait-il à la restauration des remparts, les grands chemins avaient-ils besoin d'entretien, toujours le manant était mis à contribution, devait assurer les charrois et se décharger des prestations sur un plus pauvre que lui s'il ne voulait payer de sa personne.

En dehors de ces charges civiles, il devait acquitter aussi des contributions militaires.

Les habitants valides étaient constitués en une milice formée de quatre compagnies. Chaque compagnie élisait son capitaine ; celui de la compagnie du bourg, la plus importante, avait le titre de premier capitaine-commandant et assistait aux séances du Général, ainsi que le Lieutenant de l'Amirauté.

L'élection de ces capitaines était confirmée par le Gouverneur de Saint-Malo, commandant le ban et l'arrière-ban de l’Evêché.

Ces compagnies miliciennes assuraient la défense de Solidor et des forts détachés de la rade.

En temps de guerre, les charges augmentaient sensiblement et lors de la descente des anglais en 1692, la paroisse dut contracter un emprunt pour faire face aux réquisitions militaires.

Nous trouvons en 1701, une requête faite à l'intendant de Bretagne par les Servannais, pour ne pas fournir deux miliciens pour le service personnel du Roi, attendu le grand nombre d'hommes de la paroisse déjà à son service dans l'armée navale.

De plus, les Servannais devaient assurer le logement des gens de guerre et nous possédons d'eux une autre requête à l'intendant pour y faire contribuer les bourgeois de Saint-Malo, qui s'en prétendent exempts quoique ayant des terres roturières dans la paroisse.

En 1716, c'est le connétable de St-Malo qui prétend lever le droit de guet sur les habitants de la paroisse ; naturellement le Corps général s'y opposa formellement.

En 1734, le commandant des troupes en Haute-Bretagne prescrivit l'établissement d'un corps de garde à Saint-Servan ; il fut établi aux Bas-Sablons et le service fut assuré par des soldats invalides. Tout d'abord, les habitants devaient leur fournir des lits, à tour de rôle. Ces lits étaient loués par les fripiers 30 l. 10 s., devant cette exagération le Corps général assura lui-même la fourniture des lits militaires.

Cependant, quand des troupes séjournaient dans la paroisse, les habitants leur assuraient le coucher. Les gentilshommes étaient exonérés de cette charge. Les fonctionnaires publics étaient aussi exempts du droit de casernement. Il y eut, en 1757, une vive contestation entre le Corps général et un commis du bureau des droits patrimoniaux parce que le Général l'avait imposé.

Devant sa réclamation à la Commission intermédiaire du département, le Général fit valoir qu'en plus de sa place de commis, Benâtre était aussi « l'un des plus fameux fabriqueurs de cidre de la paroisse ».

Une autre réclamation est non moins curieuse ; c'est celle faite aux Commissaires des Etats en 1746, par le sieur de la Villeanne, l’’un des capitaines de la milice, contre plusieurs de ses miliciens en même temps collecteurs des impôts et qui, mécontents du service, l'avaient imposé extraordinaireent dans la capitation.

Cette milice citoyenne ne pouvait être prise au sérieux, on s'en aperçut en 1758. A l'approche de l'ennemi, si les capitaines n'avaient pas quitté précipitamment la paroisse, il leur eut été impossible de former leurs compagnies et encore plus, semble-t-il, de les faire marcher.

Il ne pouvait en être autrement. Une pétition des Malouins au duc d'Aiguillon, en septembre 1757, nous montre l'état des milices :

« Elles sont composées, — disent-ils — de trois classes d'habitans. La première comprend ceux qui après avoir puisé leur fortune dans le commerce, affectent de paroître s'y soustraire et vivent dans l'inaction à l'abri de leur opulence. La deuxième est formée de ceux qui n'ayant pas encore atteint le degré de richesse où les premiers sont parvenus, travaillent à y monter et s'occupent à cette fin de négoce, soit sur mer, soit sur terre. Dans la troisième sont placés les artisans et les pauvres.

La première classe a scû dans tous les temps se décharger sur les deux autres du poids et de la dépense de la garde de la ville ; deux prétextes ont fait naître et accrédité cet abus : l'achat de quelques titres ayant la vertu ou d'annoblir ou dexemter, et la tolérance pour ceux des dernières classes de se faire substituer dans la garde par des hommes malheureux qui pour 12 sols prennent sur eux les fatigues d'un service de 24 heures ».

On voit que si elle n'était pas subitement disparue à l'approche des voiles anglaises, la milice n'aurait pas été d'un grand secours à la paroisse de Saint-Servan, et le brave Gilles Lecoufle pouvait-il vraiment agir autrement le 5 Juin 1858, que de parlementer avec le général anglais quand les troupes ennemies eurent envahies la paroisse ?

Amèrement, on lui reprocha de n'avoir pas tenu tête à l'armée britannique.

Et comment l'aurait-il fait ? Sur 10.000 habitants il en restait une centaine. Des malades, des religieuses, les capucins et quelques habitants qui n'avaient pas craint de voir l'ennemi.

Où donc étaient le Sénéchal et ses oficiers de juistice ? A l'abri des remparts malouins, de ces remparts qui, construits à frais communs, devaient servir à la sûreté des deux villes. De ces remparts, du haut desquels, nécessités de la guerre, les troupes de Boulonnais, de Marbeuf et de Fontenay-le-Comte canonnaient sans trêve les quartiers des Sablons et de la rue Royale.

Je pense à Lecoufle, Mesdames et Messieurs, et je le vois sur le pas de sa maison, songeant à répondre aux exigences de l'envahisseur et à l'empêcher de détruire ce que les canons de Saint-Malo auraient respecté.

C'est une noble figure à laquelle nous rendons hommage aujourd'hui. Figure modeste, bon citoyen qui fit son devoir, tout son devoir, et simplement, en 1758, et plus tard continua à donner son dévouement à sa paroisse comme ancien trésorier délibérant dont les conseils faisaient autorité.

Bon citoyen en 1789, tenant son rôlé paisiblement, remplissant plusieurs missions difficiles, délégué à l’inventaire des biens conventuels et s'en acquittant entouré du respect des religieux et de la considération de ses concitoyens, sans distinction de partis.

Quand un homme ou un évènement exercent une influence ou frappent l'imagination, les contemporains en sont éblouis. L'engouement immédiat est inconsidéré et se traduit, de nos jours, par des statues.

Mais l'histoire est plus sévère et réduit les faits et les hommes à leur proportion normale, et il faut lui rendre cette justice qu'elle a parfois fait descendre les grands capitaines de leurs destriers et qu'elle a souvent mis en évidence des héros méconnus.

Les dépôts d'archives, Mesdames et Messieurs, semblent à ceux qui les connaissent des sanctuaires où dort le passé ; le passé, envers lequel l'indifférence de tant d'hommes est une ingratitude.

Eh bien, dans les dossiers poudreux des archives communales se trouve peut-être le meilleur de l'ancienne France. Les vertus ignorées, les actions souvent sublimes mais toujours effacés des humbles artisans.

Et quand parfois, comme aujourd'hui, on rend cette justice de saluer un vaillant citoyen, d'incarner dans un nom choisi le dévouement désintéressé à la chose publique, on peut se flatter d'avoir ajouté une page vraiment démocratique à l'histoire de son pays.

(Jules HAIZE).

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