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L'île SAINT-MICHEL (prieuré - lazaret)

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Texte tiré des Annales Lorientaises :

1 - le tumulus ; 2 - Le prieuré ; 3 - Le monastère ; 4 - Les seigneurs d'Hennebont ; 5 - Importance féodale ; 6 - L'île de Groix ; 7 - La terre des Montagnes ; 8 - Notre-Dame de Larmor, Sainte-Ninnoc, La Magdeleine ; 9 - Prieurs Commendataires ; 10 - Père de l'Oratoire ; 11 - Crimes et dévastations ; 12 - Compagnie des Indes Orientales ; 13 - Père Fouché ; 14 - Le Lazaret.. 

Sur les côtes de Bretagne qui sont si pittoresques, il est cependant rare de rencontrer un ensemble de paysages, aussi variés, aussi charmants, que ceux qui s'offrent de tous côtés aux regards de l'artiste contemplant la rade de Lorient, à l'heure de la pleine-mer.

Dans ce brillant panorama, le site qui attire le plus l'attention, s'il n'est pas celui qui flatte le plus le sentiment artistique, c'est, sans contredit, celui de la petite île Saint-Michel, assise au milieu de la rade, à peu prés à égale distance de Lorient et de Port-Louis, aussi près de la côte de Riantec que de celle de Ploemeur, et qui semble si heureuse d'étaler, aux yeux des Lorientais, de riantes maisons et de frais bouquets d'arbres.

Mais malheureusement, ici, comme dans une salle de spectacle, ce qui enchante n'est qu'apparent, et l'oeil subit le charme d'une illusion. En effet, descendons la rade ; approchons-nous de Saint-Michel, et le tableau, que tout à l'heure on admirait, ne présentera plus qu'une monotone et froide symétrie. A cet assemblage de maisons on sent qu'il manque quelque chose : la vie ! ... Au milieu de ces cours, sous ces arbres, sur cette plage, c'est à peine si l'oeil remarque de temps en temps, de loin en loin, un habitant. Bientôt on distingue sur les édifices de nombreux paratonnerres ; on découvre des piles de boulets de tout calibre ; puis des batteries de canons, rangées par étages, dirigeant leurs gueules menaçantes vers l'entrée de la rade.  Cet îlot, de loin et à l'instant si gai, si attrayant, vu de l'embarcadère et des quais de Lorient, vous donne froid maintenant. C'est un désert ; c'est un sol qui vous semble abandonné tout fraîchement par ses habitants !

L'île Saint-Michel est en effet à peu près inhabitée, ou du moins elle n'a que quelques gardiens, semblable à une propriété princière dont les maîtres sont absents. Domaine de l'Etat, dépôt de poudres et de munitions de la marine impériale, vers 1860 est occupé par un poste d'une dizaine d'hommes, commandé par un officier d'artillerie : c'est là toute sa population.

Cependant le touriste, observateur de sa nature, remarque la disposition des habitations de l'île ; pour lui, elles ne semblent pas avoir été construites pour un simple dépôt de poudres ; ce ne sont pas là des magasins, et, d'ailleurs, il apprend que cette occupation militaire ne date que d'une quinzaine d'années. Qu'était donc, demande-t-il, qu'était Saint-Michel avant sa destination actuelle ?

— Antérieurement à la destination présente, cette île constituait un établissement que l'on nomme Lazaret, c'est-à-dire un lieu spécial et isolé, où l'on met en quarantaine les marchandises et les personnes venant d'un pays où règne une maladie contagieuse. Toutes les habitations que l'on remarque au nord de la muraille qui partage Saint-Michel en deux parties ont été construites et disposées pour ce lazaret, dont la création date du règne de Charles X.

— Bien, mais avant Charles X ; avant le lazaret, que faisait-on en cette île ? qu'y voyait-on ?.....

Le touriste qui pose ces questions reste la plupart du temps sans obtenir de réponse. Nous allons essayer, dans cette notice, de satisfaire à sa légitime curiosité, s'il consent à nous suivre à travers les ténèbres du passé, à la lueur pour ainsi dire intermittente de quelques documents authentiques, lueur que nous avons essayé de fortifier par de consciencieuses recherches.  

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I —  Le Tumulus.

« Aux temps les plus reculés de notre histoire, l'île Saint-Michel porta le nom de Tanguethen. De l'union de cette île avec un fief, ou terre noble, de la paroisse de Ploemeur, nommé les Montagnes, et avec certains domaines de l'île de Groix, se forma, au onzième siècle de notre ère, un établissement religieux nommé Prieuré, dont l'île Saint-Michel était le siège et portait le titre, sous le nom de Prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes, ou de Saint-Michel et des Montagnes. Ce prieuré dépendait primitivement du couvent ou abbaye de Sainte-Croix-de-Quimperlé, de l'ordre de Cîteaux ; plus tard il passa aux mains des Pères de l'Oratoire de Jésus, du collège de Nantes, qui le conservèrent jusqu'à la révolution de 1789.... ».

Tel est, pour les temps qui s'arrêtent à la Révolution française, le résumé que l'on peut faire de l'histoire de l'île Saint-Michel ; nous nous proposons particulièrement de le développer. Quand on remarque l'admirable disposition de nos côtes pour une population maritime, la situation de cet îlot, faisant en quelque sorte la porte d'entrée des deux rivières du Blavet et du Scorff, on s'étonne, malgré soi, de ne découvrir dans toute l'histoire de Saint-Michel que le froc du moine ou la robe du prêtre : les Bénédictins de Quimperlé ou les Oratoriens de Nantes ! .... C'est presque une déception. L'imagination, se reportant vers ces époques barbares où la force faisait loi, était disposée d'avance à découvrir sur les quatre hectares qui forment toute la superficie de cet îlot quelque rôle féodal important. S'il avait été possible de remonter plus avant dans notre histoire locale, notre curiosité eût peut-être rencontré des éléments plus dignes d'intérêt, c'est-à-dire s'accordant davantage avec nos premières impressions. C'est qu'en effet l'île Tanguethen, par-delà les temps historiques, doit avoir joué un certain rôle. Ce qui tend à le démontrer, c'est ce monticule placé à son centre, et sur lequel on aperçoit un pavillon carré que couvrent les couleurs nationales. Ce monticule est ce que les archéologues nomment un tumulus, c'est-à-dire un amoncellement de pierres recouvrant un ou plusieurs cercueils : c'est un tombeau gigantesque, peut-être celui d'un Celte puissant, d'un valeureux Vénète (Note : « Malgré la petitesse de l'isle de Saint-Michel, isle qui gît dans la baie de Lorient, les Venètes ne l'ont pas négligée, et ils y ont établi un Montissel pour conserver le souvenir de quelqu'un de leurs héros. Car des tombeaux si gigantesques n'étaient pas pour des hommes d'un mérite vulgaire » — L'abbé Mahé).

Sur cette éminence, élevée par les mains des anciens peuples répandus sur nos rivages, existait autrefois (peut-être des vestiges en existent-ils encore) une chapelle dédiée à l'archange saint Michel, comme sur cet autre monticule de Carnac, antique monument devenu plus célèbre.

C'est sans doute à cette chapelle, placée sous le vocable de saint Michel, que l'île Tanguethen a dû de changer son nom.

Mais si les tumulus, ainsi que les menhirs, les dolmens et les autres monuments de pierre des mêmes temps qui couvraient naguères les côtes du Morbihan, et qui disparaissent si rapidement depuis quelques années sous la pioche du cultivateur, la masse du cantonnier et aussi, il faut le reconnaître, par l'effet des fouilles de l'archéologue ; si ces vénérables contemporains des âges reculés peuvent être invoqués comme un témoignage de l'antique importance de cette contrée et de la puissance de ses peuples, ce sont là toujours, malheureusement, des monuments muets qui ne nous ont encore rien révélé de l'histoire des hommes qui les élevèrent. Ils excitent la surprise, l'étonnement du touriste et du savant, sans jamais satisfaire complètement leur curiosité.

Ces monuments sont des livres de pierre, impénétrables sinon pour tous, au moins pour le plus grand nombre. Des richesses archéologiques sont enfouies dans ce tumulus de l'île Tanguethen, comme dans celui de Carnac, n'en doutons pas. Mais, qu'elles y demeurent respectées. Pourquoi les en arracher ? Pourquoi rechercher, pour les livrer aux analyses du chimiste ou du naturaliste, comme s'il s'agissait de mastodontes ou d'ichtyosaures, les restes humains abrités sous ces monticules de pierres ? Pourquoi troubler les cendres, toujours vénérables, des géants qui y reposent ? Les siècles, en s'accumulant sur un tombeau, lui enlèveraient-ils donc son caractère sacré, inviolable ? D'ailleurs, ces joyaux antiques que l'on admire sous les vitrines du Musée morbihannais, ces analyses scientifiques nous ont-ils rien révélé des secrets du passé ? Hélas non ! soyons bien certains que ce serait tout aussi vainement que l'on tenterait de pénétrer le mystère de ce tumulus de Saint-Michel.

A une autre époque plus rapprochée de la notre, au temps de l'occupation romaine, qui a pesé pendant quatre siècles sur notre pays, ne laissant après elle de la civilisation armoricaine qu'elle avait détruite que ses monuments sacrés ; à cette époque, disons-nous, il semblerait que l'île Saint-Michel format comme le trait d'union des deux rives de la rade. Sur sa gauche, en effet, au village de Sainte-Catherine et dans la baie de Kérzo, on découvre encore de nos jours des débris de briques et des vestiges de constructions romaines. Et, sur sa droite, c'est un ancien manoir qui porte le nom de Ker-Roman, traduction bretonne du latin Villa-Romana.

Mais n'insistons pas sur ces énigmes ; contentons-nous d'en poser les termes, pour signaler aux archéologues les raisons qui tendraient à faire admettre pour notre île une importance inconnue dans un passé sans bornes (Note : Au sud-ouest de l'île, il existe encore, au milieu du XIXème siècle, une vieille croix de granit, sous laquelle, d'après une tradition, reposeraient les restes humains d'un colonel anglais. Nous n'avons rien découvert qui justifiât cette allégation qui n'a cependant rien d'invraisemblable).

 

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II — Le Prieuré.

Au onzième siècle, époque on remontent dans l'histoire de Bretagne les premières mentions de l'île Tanguethen, le pays dans lequel nous nous trouvons était compris dans un grand canton féodal nommé Kemmenet-Heboë ou Theboë, et Guémené-Teboy et Treboy dans des actes du XVIIème siècle.

Le Kemmenet-Heboë était situé à l'extrémité occidentale de l'évêché de Vannes dont il faisait partie, sur les confins de l'évêché de Cornouailles. Il avait pour siège seigneurial un château-fort, situé sur la rive droite du Blavet, sur la partie de la ville d'Hennebont appelée la Vieille-Ville. Ses limites étaient à l'ouest la Laita et l'Ellé, depuis la mer jusqu'à la paroisse de Priziac ; au nord, Priziac, Saint-Caradec-Trégomel, Lignol et Persquen qui dépendaient d'un autre Kemmenet, le Kemmenet-Guingamp ou Guémené-Guégant, aujourd'hui Guémené-sur-Scorff ; à l'est, les paroisses de Guern et de Melrand ; la rivière de Blavet et l'Océan au sud : l'île de Groix en faisait partie.

Dans le principe nous avions été disposé à éloigner davantage à l'est et au sud les limites territoriales du Kemmenet-Heboë, en les étendant jusqu'aux paroisses de Baud, Camors, Pluvigner, Landaul et Landévant, où il aurait confiné à l'ancienne baronnie de Lanvaux, et jusqu'à la rivière d'Etel, limite d'un grand fief appelé Kaër. Mais les maîtres de la science ont prononcé ; ils ont déclaré nettement que jamais le Kemmenet-Heboë n'occupa la rive gauche du Blavet ; nous avons dû respecter leur sentiment, fondé d'ailleurs sur des documents plus complets que ceux qu'il nous a été donné de consulter. Quoi qu'il en soit, l'île Tanguethen, ou Saint-Michel, ainsi que l'îlot voisin placé à environ cent mètres de la rive gauche du Blavet, l'îlot de Sainte-Catherine dont nous aurons occasion de parler dans le cours de cette notice, firent positivement partie du Kemmenet-Heboë.

Le plus ancien seigneur connu de ce pays se nommait Béranger. Il vivait au commencement du onzième siècle. Son fils, Hugolin, ou Huélin, lui succéda : on le voit figurer, avec le titre de seigneur d'Hennebont, au nombre des témoins d'une donation faite, en 1027, à l'abbaye de Redon, et, deux années après, il comparait encore, à l'occasion de la fondation de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé par Allain Caignart, comte de Cornouailles, dont il était le beau-frère, pour avoir épousé la soeur du comte, qui se nommait Avan ou Havoise.

Huélin s'intéressa personnellement, à ce qu'il semble, à l'établissement religieux fondé par son beau-frère dans le voisinage du Kemmenet-Heboë. En 1037, participant à son tour à cette oeuvre pieuse, il fit donation aux moines de Quimperlé de l'île de Tanguethen et des églises de Saint-Gurthiern et de Saint-Méloir et leurs territoires, églises situées dans l'île de Groix : cet acte fut passé en présence de plusieurs seigneurs de Kemmenet-Heboë, (et plures alii de Kemmenet-Heboë).

« Cette donation, ajoute Dom Placide Le Duc, en la rapportant dans sa chronique de l'abbaye de Sainte-Croix, a aidé à fonder un prieuré qui s'appelle Saint-Michel-des-Montagnes, qui est proche le Port-Louis ».

Cet acte de 1037, contenu dans le recueil historique de Dom Morice, est le plus ancien titre qui fasse mention de l'île Tanguethen. On ne saurait affirmer si cette île et les églises de Saint-Gurthiern et de Saint-Méloir, de l'île de Groix, formèrent dans l'origine tout le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes, ou si l'abbaye de Sainte-Croix, possédant déjà des terres dans la partie orientale de la paroisse de Ploemeur, la plus voisine de Tanguethen, la terre des Montagnes, constituée dès lors en prieuré, si cette abbaye n'a pas réuni, après la donation de 1037, cette possession de terre ferme aux deux îles qui faisaient l'objet de la libéralité de Huélin. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'on voit notre prieuré désigné constamment sous le titre de Saint-Michel-des-Montagnes, avec l'île Tanguethen (que nous nommerons désormais Saint-Michel) pour siège, quoique la terre des Montagnes en Ploemeur, dont le nom entrait dans le titre de ce domaine religieux, ne fût pas comprise dans l'acte de 1037. En d'autres termes, on ne sait ni quand ni comment la réunion de Tanguethen et des églises de Groix se fit à la terre des Montagnes, pour en former notre prieuré.

Voici donc un nouvel anneau ajouté à cette longue chaîne de terres monacales qui bordèrent, an moyen-âge, sans solution de continuité, toutes les côtes de l'évêché de Vannes, depuis la Laita jusqu'à la Vilaine :

L'abbaye de Saint-Maurice ;

Le Prieuré de Lanenec ;

— de Saint-Michel-des-Montagnes ;

— de Gâvre ;

— de Saint-Cado ;

— de Quiberon ;

— de La Trinité ;

— de Locmaria-Kaër ;

— de l'île d'Arz ;

L'abbaye de Rhuys ;

Le prieuré de Saint-Cyr ;

Et enfin l'abbaye de Prières.

C'était là une fatale organisation qui, tenant du reste au système féodal, ne pouvait manquer d'arrêter tout réveil, de comprimer pour longtemps tout essor des populations de ces côtes vers les entreprises maritimes qui firent la gloire de leurs ancêtres, ces anciens Vénètes que l'histoire a justement nommés les Carthaginois du Nord !

 

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III — Le Monastère.

Cette île Tanguethen, qu'était-elle au moment de son union à l'abbaye de Sainte-Croix ? Etait-ce une terre laïque ? N'était-ce pas une terre ecclésiastique entre les mains des seigneurs d'Hennebont, comme cela se rencontrait assez fréquemment à cette époque malgré les excommunications des Papes (Voir le 2ème Concile de Latran, en 1139) ? Ne formait-elle pas déjà un de ces établissements religieux qui se multiplièrent sur les côtes et dans les îles armoricaines, à partir du cinquième siècle, et qui furent pour la plupart ruinés ou détruits par les invasions des Normands ? N'avait-elle pas du moins dépendu jadis d'un de ces établissements ?

L'acte de 1037, déjà cité, ne donne aucun détail à ce sujet ; mais un passage du Cartulaire de l'abbaye de Quimperlé permet une interprétation.

Dom Le Duc, l'historien de cette abbaye, dont il fut l'un des religieux, dans le relevé des différentes donations qui lui furent faites à la fin du XIème siècle, mentionne une de ces libéralités accordée au monastère de Saint-Michel, ce qui marque, ajoute-t-il, qu'il y avait quelque conventualité.

Qu'on le remarque bien ici, l'emploi du mot monastère, dont la signification est prise habituellement pour lieu habité par des moines, par une congrégation religieuse, fixe l'attention de Dom Le Duc. C'est que, sur ces propriétés monacales unies à des abbayes, ils n'existait ordinairement qu'un seul religieux, portant le titre de prieur, qui était chargé pour le compte de l'abbaye de l'administration du spirituel et du temporel.

Le prieuré de Saint-Michel a-t-il fait, dans le principe, une dérogation à cette règle ? L'abbaye de Sainte-Croix, qui ne pouvait être encore bien riche, étant si prés de ses commencements, aurait-elle, aussitôt la donation de Huélin et dés la formation du nouveau prieuré, établi sur Tanguethen un monastère pour y placer un certain nombre de religieux, au lieu de débuter par un établissement plus modeste et moins coûteux à l'usage d'un seul religieux, d'un prieur ?  Cela n'est pas vraisemblable.

Toutefois, si le mot monastère du Cartulaire de Quimperlé a été écrit avec intention et avec la signification que nous lui donnons, il serait possible d'en expliquer l'emploi de la manière suivante :

C'est qu'il existait, au moment de la donation du seigneur d'Hennebont et antérieurement à la formation d'un prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes, un couvent sur l'île Tanguethem, en sorte que l'ensemble des possessions accordées à l'abbaye de Sainte-Croix était formé de terres ecclésiastiques.

Cet état de choses a fort bien pu se continuer entre les mains des nouveaux possesseurs, jusqu'au moment d'une nouvelle organisation par la formation d'un prieuré dans lequel entra la terre des Montagnes. Dom Le Duc, parlant de la donation de 1037, dit, on ne l'a pas oublié : « Cette donation a aidé à fonder un prieuré qui s'appelle Saint-Michel-des-Montagnes » ; mais il ne dit pas à quelle époque cette fondation a eu lieu.

D'où la conséquence : que la donation de Huélin se composait, nous le répétons, de terres ecclésiastiques : un couvent et deux églises ; que le couvent s'est maintenu jusqu'à la fin du XIème siècle, toutefois sous la dépendance de Sainte-Croix, et que le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes est postérieur à cette époque.

Fait singulier, il est vrai, que celui d'un laïque, d'un seigneur disposant d'un monastère au XIème siècle, mais possible après tout de la part du seigneur d'Hennebont qui disposait par le même acte des églises de Saint-Gurthiern et de Saint-Méloir de l'île de Groix : ce qui n'est pas contesté.

 

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IV — Seigneurs d'Hennebont.

Qui possède procède, dit le proverbe.

Hélas ! les procès, cette plaie de la propriété, pouvaient atteindre les moines comme les laïques, et l'île Saint-Michel, ou, pour parler plus exactement, le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes, en fournit bientôt aux moines de Sainte-Croix la fâcheuse occasion. Guillaume, seigneur d'Hennebont, c'est-à-dire du grand fief de Kemmenet-Heboë dont nous avons parlé, revendiqua certains droits seigneuriaux ou féodaux que les moines de Quimperlé prétendaient appartenir, au contraire, à leur prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes. Guillaume vivait au commencement du XIIème siècle et était, selon toute apparence, le petit-fils de Huélin. « Guillaume estant devenu le seigneur de Hennebond après la mort de son père Tanguy, nous vexoit avec bien de l'injustice pour les terres du prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes, faisant enlever par force tous les révenus que nous avions droit de retirer..... ».

Ainsi s'exprime l'historien de Sainte-Croix, chez lequel nous puisons une grande partie des détails de cette notice.

Ces mots : enlever par force, semblent indiquer de la part des moines une certaine résistance aux prétentions de leur haut et puissant adversaire. Du reste, sachons-le, les moines de Quimperlé étaient tenaces ; ils ne cédaient pas facilement, nous le verrons bientôt ; et, dans d'autres contestations qui ont acquis plus de célébrité que celle dont nous nous occupons, ils en donnèrent des preuves éclatantes : nous voulons parler des démêlés des deux abbayes de Redon et de Quimperlé au sujet de la possession de Belle-Ile, démêlés dans lesquels on vit plusieurs fois les deux adversaires, pour soutenir leurs prétentions, recourir à l'argument de la force armée.

Mais l'Affaire du prieuré de Saint-Michel n'alla pas à de telles extrémités ; elle se termina pacifiquement à la grande satisfaction de l'abbé de Quimperlé dans une réunion solennelle, où il traita de pair avec le seigneur Guillaume. 

« Pour mettre fin au différend, continue notre bénédictin, Guillaume d'Hennebond consentit à s'en rapporter au témoignage de ses gens et des notres, et promit que, si leur rapport nous estoit favorable, il n'entreprendroit plus sur nos biens … Tout ce monde estant donc assemblé en présence dudit Guillaume en son chasteau de Hennebond, l'on procéda au témoignage, qui se fist sans doute avec serment. Ils (les témoins) assurèrent donc que les religieux ne payoient rien au seigneur du pays, ny aucune levée, ny rente, ny taille, ny aucune charge onéraire ; mais que ce bien demeuroit stable et asseuré à l'abbé et aux religieux de Sainte-Croix, estant exempt et déchargé de toute redevance, et que tous les officiers devoient en être retirés, à celuy près que l'abbé ou le religieux qui administroit le prieuré avoit voulu choisir pour luy faire office. Ils adjoustèrent de plus que le seigneur mesme du pays et ceux de sa suite, quand ils passaient à l'isle de Grouais, devoient prendre chez le prieur un disné ou soupé une fois seulement, et cela encore de bonne volonté. De plus, s'il estoit averti de se trouver à l'armée du Duc, il devait recevoir de la part du religieux administrateur la charge d'un cheval de pain, ayant fait envoyer par son écuyer le cheval jusqu'au bourg ou village de Kerancroës (Kergroix), et la somme devait estre rendue jusqu'à ce lieu....».

Ceci, nous le répétons, se passait vers le commencement du douzième siècle. A peu près vers la même époque, Rivallon, frère cadet de Guillaume, dans lequel nous croyons reconnaître le plus ancien seigneur de Tréfaven ; château féodal placé à l'embouchure du Scorff, dont la juridiction s'étendait sur une partie des paroisses de Lesbin, Quéven, Ploemeur et sur partie de l'île de Groix, Rivallon tenait à l'égard des moines de Sainte-Croix une conduite différente de celle de sou frère aîné : il accordait au prieur de Saint-Michel une redevance d'une mine de froment à prendre sur le village de Treizfaven pour les âmes de la vicomtesse Hodiern et de son fils Baudoin.

En 1164, Soliman, chevalier, seigneur de Hennebont, fils ou petit-fils de Guillaume, renouvela les mêmes prétentions que ce dernier sur le prieuré de Saint-Michel. Cette deuxième contestation se termina à peu près de la même manière que l'autre ; mais le détail de ce qui se passa à cette occasion, conservé par l'abbé de Quimperlé qui en fut le contemporain, contient une peinture des moeurs du temps qui mérite d'être remarquée.

Voici la traduction qu'en donne la chronique de Quimperlé : « Parce que les vérités sont affoiblies auprès des enfants des hommes, s'exprime l'abbé de Sainte-Croix, Rivallon Ier, nous avons cru devoir mettre par écrit comment de grands différends entre Dom Rivallon, nouvellement abbé, et Soliman, aussi nouveau seigneur de Hennebond, ont été terminés. Ils convinrent donc entre eux du lieu et du temps où et quand ils se devoient trouver pour vuider cette affaire, savoir : à Pontscorff, a veille de Saint-Mathieu. L'abbé s'y trouva avec ses moines estant bien garni de ses papiers et de ses témoignages, et Soliman s'y trouva aussi avec ses chevaliers et les gentilshommes de Kemenet-Heboë. On produisit et leut la déposition que les témoins rendirent en présence de Guillaume, fils de Tanguy, autrefois de Henpont, et qui fut reçue et confirmée de sa part, où l'on trouva écrit que le seigneur de Henpont n'a rien du tout en la terre de Saint-Michel et qu'il ne doit lever aucun droit, sinon un disné ou soupé, une fois seulement quand il passe dans l'isle de Grouais, et une somme de pain quand il se rend à l'armée à la suite du Duc. Et pour ce qui est des enfants de Douguallon qui soustenoient que la prévosté leur appartenoit dans la terre de Saint-Michel, l'on vit bien que leur prétention estoit très fausse, et qu'il ne doit point y avoir d'autres officiers, sinon ceux que le moine administrateur du prieuré y voudra mettre. Ce qui ayant esté leu et exposé aux chevaliers et gentilshommes du pays de Kemenet, ils élevèrent la voix en mesme temps en disant : Ce témoignage est véritable, et nous asseurons que nos pères ont esté véritables et justes en ce point.... ».

Voilà donc encore une fois l'indépendance du prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes solennellement reconnue, et désormais les moines de Quimperlé en jouiront sans autre charge que celle du dîner ou du souper à servir au seigneur d'Hennebont ou peut-être de Tréfaven (le seigneur mesme du pays), lorsqu'il se rendait en l'île de Groix, une fois seulement, c'est-à-dire à chaque mutation de seigneur, et une somme de pain, faisant la charge d'un cheval, lorsque ce seigneur partait pour l'ost du Duc : marques bien légères de vassalité.

 

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V. — Importance féodale.

Si le revenu de l'île Saint-Michel n'avait consisté que dans le produit de son sol, la générosité du seigneur Huélin, en ce qui concernait cette île, eût été assurément d'un très mince avantage pour les moines de Sainte-Croix. Mais l'importance de notre île, au moyen-âge, ne consistait pas seulement dans le produit de ses quatre hectares de superficie.

De temps immémorial, certains droits seigneuriaux y étaient attachés. Les possesseurs de cet îlot prélevaient des impôts sur les navires qui jetaient l'ancre dans le havre de Blavet, ou qui remontaient les rivières du Blavet et du Scorff ; les marchandises de ces navires étaient frappées de redevances à leur profit ; le droit de trépas, c'est-à-dire de passage, entre les paroisses de Ploemeur et de Riantec, établi sur la rade entre la pointe de Bec-er-Groix (La Perrière à Colin) et Sainte-Catherine, leur appartenait. Et enfin, un impôt plus surprenant, celui des mesures du vin vendu ou consommé au port de Blavet, était encore dans les attributions des propriétaires de Saint-Michel : voilà pour les revenus de cette île.

Mais ce n'est pas tout !. Saint-Michel jouissait d'une prérogative d'un ordre plus élevé : du droit de juridiction sur le port et havre de Blavet, et de celui d'appréhender et punir les contrevenants au paiement des redevances obligatoires pour les navires, les marchandises et les mesures à vin (Note : Ce droit ancien de juridiction et de perception d'impôts au port et havre de Blavet, c'est-à-dire sur la rive gauche de la rivière de Blavet, ne semble-t-il pas indiquer que primitivement le Kemmenet-Heboë eût d'autres limites méridionales que celles qui lui sont généralement reconnues ?).

Ces diverses attributions d'origine et de nature toutes féodales nous ramènent naturellement à la première idée que l'heureuse position de Saint-Michel avait fait naître dans notre esprit, c'est-à-dire qu'autrefois un pouvoir militaire ou féodal quelconque avait dû y être exercé : ces redevances, cette juridiction n'en seraient-elles pas les signes certains ?

Nous pouvons entrevoir maintenant le véritable but des contestations faites aux moines de Quimperlé par les descendants de Huélin, Guillaume et Soliman, et les enfants de Douguallon, leur sergent féodé. Possesseurs par le grand fief de Kemmenet-Heboë de tout le cours navigable du Blavet et du Scorff, les seigneurs d'Hennebont durent naturellement conserver à des vassaux la possession ou le partage d'un droit quelconque sur la navigation et la police de ces deux rivières et sur les impôts qui en étaient l'apanage.

Mais Huélin, seigneur à moitié moine, avait-il songé à tout ? Avait-il fait une réserve quelconque en concédant l'île Tanguethen aux moines de Sainte-Croix, ses frères, comme il les nommait ?

« Non, affirmaient leurs abbés, bien garnis de leurs papiers. En nous donnant Tanguethen, le seigneur Huélin, de dévote mémoire, nous a tout donné, sans exception ni réserve. Nous possédons Tanguethen comme il le possédait, au même titre que lui, comme propriétaires et comme seigneurs. A nous seuls et à nos moines appartient le droit d'établir sur le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes des officiers justiciers et des collecteurs de nos revenus, comme le pratiquait avant nous le seigneur Huélin, notre bienfaiteur, à qui nous ne devions rien, excepté l'hommage ».

Remarquons, en effet, que les légères marques de vassalité, consistant dans les obligations du dîné et de la somme de pain dont il a été question, semblent particulièrement concerner la terre des Montagnes, en Ploemeur, une des parties du prieuré, que l'île Tanguethen et l'île de Groix, et que les droits et privilèges importants, qui devaient surtout offusquer les seigneurs d'Hennebont, dépendaient de Saint-Michel (Note : Dans le dénombrement des vassaux rendant l'hommage au vicomte de Rohan, seigneur de tout le Kemmenet-Heboë en 1396, on remarque les noms de Guillo des Montaignes et de Guillo le priour : ces deux noms se suivent dans le procès-verbal de démembrement. Nous y voyons un seul individu rendant deux hommages distincts : l'un en qualité de prieur de Saint-Michel-des-Montagnes, c'est-à-dire pour l'île qui formait le titre et le siége du prieuré, et l'autre pour la terre des Montagnes, désignée comme terre noble dans différents actes).

Cependant il faut reconnaître que, lors des deux contestations relatives au prieuré, il ne fut fait aucune distinction dans le sens que nous indiquons ; qu'il y est question de tout le prieuré et non de tel ou tel membre de cet établissement.

Il serait difficile d'admettre que l'institution des droits sur les navires et les marchandises, etc., de ceux de juridiction dépendant de l'île Saint-Michel soit postérieure à la donation de 1037. Ces droits, ces privilèges devaient être aussi anciens que le grand Commandement féodal nommé Kemmenet-Heboë, en admettant que la formation de cet important canton maritime ne date que de la féodalité. Elle était donc bien ancienne cette juridiction maritime de l'Ile Saint-Michel, cette sorte d'Amirauté ; car ce droit de justice, sur le port et havre de Blavet, des navires et marchandises n'était pas autre chose ! 

Exercés au nom des moines de Quimperlé par l'officier institué par eux ou par le moine administrateur du prieuré de Saint-Michel, ces droits féodaux, cette juridiction maritime furent revendiqués plus tard par les Pères de l'Oratoire du collège de Nantes. Mais ce fut en vain.

Leurs prétentions rejetées une première fois, le 14 août 1636, par la Chambre des comptes de Nantes, le furent encore, le 26 janvier 1682, par les commissaires réformateurs du domaine d'Hennebont, faute de pièces justificatives. Ces ecclésiastiques ne se présentèrent pas, à ce qu'il paraît, devant les commissaires du Roi, comme les moines de Quimperlé devant les seigneurs d'Hennebont, c'est-à-dire « bien garnis de leurs papiers et de leurs témoignages ». Plus tard, nous aurons occasion de voir les Pères de l'Oratoire, moins heureux quoique aussi intéressés que les Abbés de Sainte-Croix, ne conserver des prérogatives, des diverses sources de puissance et de richesses qui avaient dépendu de temps immémorial de l'île Saint-Michel [Note : Du 11 mars 1686, minu et dénombrement présentés en la Chambre des comptes de Nantes, par les Pères de l'Oratoire de cette ville, du prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes. Arrêt rendu sur cet aveu , le 14 août suivant, portant que « les droits de justice du port et havre de Blavet, des quatre pots de vin d'entrée sur chaque vaisseau ou charte portant neuf pipes de vin, déchargé aux ports de Hennebont et Pontscorff ou ailleurs en ladite rivière ; d'un minus de sel ; et garde du Jaillon (sic) des mesures de vin ; des visites sur lesdites mesures ; et d'appréhender et punir les contrevenants », seraient rayés de cet aveu, faute de justification. — Du 28 janvier 1682, arrêt des commissaires de la réformation du domaine d'Hennebont, qui maintient les radiations de l'arrêt de la Chambre des comptes de 1636.— (Extrait d'une note des archives de la sénéchaussée d'Hennebont.— Il serait intéressant de recourir aux aveux de 1636 et 1682 et aux arrêts qui les concernent ; nous reconnaissons que ces pièces auraient été pour nous d'un grand secours pour cette notice, mais il n'est pas donné à tout le monde de pénétrer dans les archives de la Chambre des comptes de Nantes)], que le droit de trépas de Bec-er-Groix, et encore le leur verrons-nous bientôt vivement disputé.

 

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VI.— L'île de Groix.

Les églises de Saint-Gurthiern et de Saint-Méloir ont-elles partagé primitivement l'île de Groix en deux paroisses, ou Saint-Gurthiern a-t-il été un prieuré et Saint-Méloir le siége principal de l'île ? Ce sont là des questions que nous nous contenterons de poser sans chercher à les résoudre : nous avons pour principe, pour habitude, de ne baser nos opinions que sur des faits précis et des documents authentiques, et ici les uns et les autres nous font défaut. Toujours est-il qu'après la donation de 1037, Groix, entre les mains des moines de Quimperlé, ne forma qu'une seule paroisse, administrée par un vicaire perpétuel qui relevait directement du prieur de Saint-Michel-des-Montagnes : ce dernier portait le titre de recteur primitif de l'île de Groix (Note : Le 24 juin, a lieu, aux environs de Lorient, la bénédiction des Couraux, fête qui attire, chaque année, beaucoup d'étrangers. Le clergé de Ploemeur, à la tête d'une procession, quitte Larmor en bateaux et se dirige, au milieu des Couraux, à la rencontre d'une semblable procession partie de l'île de Groix. Une fois réunis, les deux clergés entonnent des hymnes et procèdent à la bénédiction de la mer, des filets et des nombreux bateaux de pécheurs présents à cette cérémonie. Au moment de la rencontre des deux paroisses de Ploemeur et de Groix au milieu de la mer, chacun peut remarquer que la croix de Groix salue celle de Ploemeur, en s'abaissant devant elle. Il nous semble que ce fait est une marque traditionnelle de l'ancien état de choses, c'est-à-dire qu'il rappelle l'état d'infériorité dans lequel se trouvait autrefois le Vicaire perpétuel de Groix vis-à-vis du Recteur de Ploemeur).

La plus antique des deux églises, le temple chrétien le plus ancien de l'île de Groix était probablement Saint-Gurthiern, qui devait son origine à un saint personnage que l'on pourrait peut-être considérer comme l'un des apôtres de cette partie de l'Armorique, Voici ce que nous en apprennent les légendes : Gurthiern (ou, suivant les dialectes, Gunthiern, Guzierne, Gozierne ou Gohierne) était un petit roi de Cambrie. Voulant se détacher du monde pour se vouer entièrement au service du Dieu des Chrétiens, Gurthiern abandonne son royaume et se retire en l'île de Groix pour y mener l'existence d'un pieux anachorète. Pendant longtemps ses vertus n'eurent pour témoins que les pêcheurs de l'île ; mais enfin sa réputation de sainteté, s'étant répandue sur la côte voisine, parvint jusqu'aux seigneurs de la contrée, les seigneurs de Kemmenet-Heboë, puis jusqu'aux comtes de Vannes et de Cornouailles.

Grallon, roi ou comte de Cornouailles, fit don au saint ermite d'une partie de terrain au confluent des rivières l'Isole et l'Ellé, à l'endroit même où fut bâti, quelques siècles plus tard, le monastère de Sainte-Croix de Quimperlé : ce lieu se nommait alors Anaurot. Grallon fit des efforts pour déterminer Gurthiern à quitter sa retraite de l'île de Groix et à se fixer dans ses domaines.

Bientôt le comte de Vannes, à son tour, lui donna des marques de libéralité. Saint Gurthiern ayant par des prodiges préservé de la famine le territoire du comte, ce seigneur reconnaissant lui donna une terre, nommée Vegnac, sur la rivière de Blavet, terre qui dans la suite s'est appelée Ker-vignac et est devenue paroisse. Chacun la connaît. Saint Gurthiern y mourut au commencement du VIème siècle. Voilà ce que racontent les légendes.

Ce qu'il y a de certain, c'est que le culte de saint Gurthiern était anciennement en très grande faveur dans toute cette contrée : Groix et la côte voisine. Outre l'église de Groix que nous connaissons, la chapelle du petit prieuré, de Douélan, non loin de l'embouchure de la Laita, en face de Groix, lui était dédiée ; les moines de Quimperlé lui élevèrent un oratoire dans leur enclos dès le XIème siècle, et les paroisses de Saint-Caradec-lès-Hennebont et de Kervignac, de chaque côté du Blavet, eurent chacune leur chapelle de Saint-Gurthiern. Aujourd'hui Kervignac seul possède encore les ruines de la sienne ; mais le nom de Locohierne (Loc-Cohiern ou Gohiern, altération de Gurthiern), conservé par des villages ou des manoirs, rappelle encore, de nos jours, sur les deux rive du Blavet, l'antique réputation de ce pieux solitaire, contemporain de sainte Ninnoc et de ses compagnons, autres apôtres du Kemmenet-Heboë, dont nous aurons occasion de parler dans le cours de cette notice.

Groix, sous les moines de Quimperlé, forma, avons-nous dit, une seule paroisse desservie par un vicaire perpétuel. Celui-ci était inamovible. Présenté par l'abbé de Sainte-Croix, il était institué par l'évêque de Vannes. Cet ecclésiastique ne jouissait d'aucun des revenus ordinaires des paroisses, revenus désignés sous le nom de curiaux ou rectoriaux, qui consistaient dans le produit des terres appartenant à l'église, les dîmes, les oblations, etc. A Groix, ces produits étaient perçus pour le compte des moines, de Quimperlé, comme les autres revenus du prieuré de Saint-Michel. Ce délégué du prieur était à ce que l'on appelait la portion congrue, c'est-à-dire qu'il touchait des appointements fixes, auxquels il ajoutait le bénéfice de ses quêtes. Mais à Groix, pays alors très pauvre, souvent ravagé par l'ennemi et les pirates, et dont la principale industrie était la pêche, bien loin d'être aussi lucrative alors que maintenant, les quêtes ne pouvaient grossir beaucoup l'escarcelle du pauvre vicaire. Aussi arriva-t-il plusieurs fois que, pour suppléer à la sordidité d'un traitement qui n'était que de 150 livres à la fin du XVIIème siècle, des vicaires perpétuels de Groix se chargèrent à forfait de la recette des revenus des moines de Quimperlé, dans leur île, pour réaliser les profits habituels que procurait alors ce que l'on appelait les fermes ecclésiastiques. L'Eglise de Saint-Méloir paraît avoir été anciennement la paroisse de Groix ; mais depuis longtemps ce titre appartient à l'église de Saint-Tudy : nous ignorons à quelle époque ce changement a pu se faire. Saint-Gurthiern, ou Loguthiern, fut toujours désigné sous le nom de prieuré, peut-être en souvenir de l'ermite qui y avait habité, à moins cependant que ce ne soit par la raison que les prieurs de Saint-Michel y avaient une habitation pour séjourner dans l'île à l'occasion (Note : Quelques calendriers bretons donnaient anciennement le titre d'Abbé à saint Gurthiern. - Les terres du prieuré de ce nom dans l'île de Groix furent à peu prés les premières possessions ecclésiastiques vendues dans le Morbihan par suite de la loi de 1790. Une dame Proteau, de Groix, les acheta pour 27,600 livres devant le directoire du district d'Hennebont, le 16 décembre 1790 ).

Quant aux possessions territoriales qui pouvaient dépendre de Saint-Méloir et de Saint-Gurthiern, faute d'un document précis, nous ne pouvons en donner le détail. Les quelques renseignements contenus sur ce sujet dans la chronique de Sainte-Croix sont des plus obscurs, cependant ils sont dignes d'attention.

Il s'agit encore de ce procès entre Guillaume d'Hennebont et l'abbaye de Quimperlé, que nous avons eu occasion de rappeler. Continuant la traduction du document qui concerne ce procès, document dont nous regrettons vivement de ne pas posséder le texte, le bénédictin Dom Le Duc ajoute : « Et pour ce que nous devons recevoir sur l'île de Grouais, ledit Guillaume, seigneur de Hennebont, en rendit témoignage de sa propre bouche : Id est episcopum. (Note : Je laisse à deviner, c'est Dom Le Duc qui parle, s'il veut dire que l'Evesque y a ses droits épiscopaux, ou bien si, suivant le privilége de la fondation qui donne droit épiscopal au monastère sur les terres acquises ou à acquérir, le menastère y avait le droit de l'Evesque), et Presbyterium (ce sont les droits rectoriaux) ; enfin l'on y avait toutes les dismes de l'isle (Note : La dîme curiale ou rectoriale de l'île de Groix portait le nom significatif de Dîme de la Charrette), et cinq villages qui sont : Locguthiern, Locmariaker, Haelrech, Locmelaer, Kerbranken, exempts de toutes redevances ».

 

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VII. — La Terre des Montagnes.

La Terre noble des Montagnes, pour nous servir de l'expression d'anciens titres de la principauté de Guémené, cette terre qui donnait son nom au prieuré de Saint-Michel et formait la plus grande partie de son domaine, se composait au XIème siècle de huit villages de la paroisse de Ploemeur, nommés, selon le Cartulaire de Sainte-Croix : Kerancroës, Kerrigualon, Kerhaëlion, Kerguenmunnuc, Kerconhouarn, Kercruth, Kercuelen, Anunhorhic, noms peut-être mal rendus dans les anciens titres, mais que l'on retrouve cependant encore aujourd'hui, pour la plupart, avec plus ou moins d'altération, dans les noms de lieux actuels de la paroisse de Ploemeur.

Une note des archives de la principauté de Guémené, de 1750, nous fournit l'état de la terre des Montagnes à cette époque ; la voici textuellement :

« Le village de Kerdiret, contenant trois tenues ;

Le village de Kerrivalan ;

Le village de Kersollay ou Kerollay ;

Le village de Kergroix, de 35 journaux, dont la moitié engagée lors des aliénations ecclésiastiques et sur laquelle il ne se paye que la dixme ;

Le village de Kersilliou, ou Keriliou, de 80 journaux ;

Deux pièces de terre chaude au village de Kerambrey, à domaine congéable ;

Le village du Bourhic ;

Une pièce de terre proche le village de Kergallen ou Kerguellen ;

Le village de Kerguller, de 100 journaux ;

Le village de Kerblaisy, de 30 journaux ;

Le village de Kervennannec, de 60 journaux ;

La maison de Kermelo et le village en dépendant, aliénés à M. Pierre Riou, en 1577, avec plusieurs chefsrentes dues sur ledit village de Kermélo, vendus à la charge de raquis ;

Au village de Quilisoye, une pièce de terre de 14 journaux, nommée Penestère, à domaine congéable ;

Ledit village de Quilisoye, de 70 journaux ;

Le village de Kerlederne ;

Le village de Lomenair ;

Le village de Kerlaret ».

Au XIème siècle, avons-nous dit, il y avait huit villages sur la terre des Montagnes ; en 1750, les dépendances de ce village comprenaient seize villages. Cette différence peut, jusqu'à un certain point, s'expliquer par un accroissement de population et une extension de culture sur les dépendances des villages primitifs ; mais il serait possible aussi d'attribuer une partie de cet état de choses à de nouvelles acquisitions ou à de nouvelles donations.

Quoiqu'il en soit, aux deux époques extrêmes, en examinant la carte de Ploemeur, on remarque que la terre des Montagnes et ses dépendances formaient naturellement deux groupes de villages bien distincts. Le premier groupe formait une sorte de presqu'île bornée au midi et à l'Ouest par la rivière du Ter, à l'est par la rade de Lorient et au nord par l'étang et le ruisseau du Faouédic. Il s'étendait de l'est à l'ouest, depuis la pointe de Bec-er-Groix (la Perrière) jusqu'au-delà de la maison du Prieur, sur une longueur de près de quatre mille mètres. Cette surface renfermait primitivement les villages de Kerancroës, Kerrigualon, Kerhaelion et Kerguenmunnuc, outre la Maison des Montagnes, et, en 1750, on y voyait les villages de Kergroix, Kerrivalan, Kerollé, Kervennannec, Kermélo, Kerdiret, Quilisoye et Kerderne : nous ne nous occupons, bien entendu, que des dépendances du prieuré.

Le deuxième groupe, situé à près d'une lieue au sud du premier, s'étendait dans la partie méridionale de Ploemeur, parallèlement à la mer, depuis Kernével jusqu'à Lomener. Il renfermait, au XIème siècle, les villages de Kerconhouarn, Kercruth, Kercuelen et Anunhorhic, et, en 1750, ceux de Lomener, Le Bourhic, Kerlaret, Kerguellen, Keriliou et Kerblaisy.

Quant aux villages de Kerambrey (ou Kerambley ?) et de Kerguller, cités dans la note de 1750, il nous a été impossible d'en reconnaître et même d'en soupçonner la situation.

Outre ces deux cantons considérables qui constituaient la terre des Montagnes, le prieuré avait encore d'autres droits dans la paroisse de Ploemeur, qui consistaient dans l'impôt ecclésiastique appelé la dîme, c'est-à-dire le droit de prélever une certaine portion des fruits de la terre sur leurs propriétaires.

« Des dismes nous avons la moitié de Guidel, et en Ploemeur la disme de dix-sept villages ».

Il est vraisemblable que le Cartulaire de Quimperlé confond les dîmes du prieuré de Lannenec avec celles du prieuré de Saint-Michel. Le premier avait effectivement la majeure partie de ses revenus ecclésiastiques dans la paroisse de Guidel, tandis que jusqu'à présent nous n'y avons rien découvert qui dépendît de Saint-Michel. Nous ignorons quels étaient les dix-sept villages dont il est question à propos des dîmes de Saint-Michel dans la paroisse de Ploemeur. La chronique de Quimperlé ne les nomme pas ; mais, ce qu'il y a de certain, c'est que cette prérogative fructueuse s'exerçait, au nom du prieur de Saint-Michel, sur plus du quart de cette paroisse.

En effet, sur les quinze frairies qui fractionnaient Ploemeur, les quatre que nous considérons comme étant les plus riches, autrefois comme aujourd'hui, relevaient du prieuré pour l'impôt des dîmes. C'étaient les frairies de Locunolay, de Saint-Phelan, du Damany et de Kerguelen. Les trois premières comprenaient tout le terrain qui s'étend depuis la rivière du Ter jusqu'aux confins de la paroisse de Quéven quant à la frairie de Kerguenel, elle se trouvait entre Larmor et Lomener (Note : Les autres frairies de Ploemeur étaient : Le bourg, Saint-Laurent, Kervagam, Larmor, Kermeur, Kerveneus, Keréven, Travalaën, Lannenec, Bensem, Ponnonen. —  Groix était divisée en huit frairies : Loctudy, Le Mené, Lomaria, Logueltas, Lomelaër, Saint-Laurent, Saint-Jean, Sainte-Brigitte).

D'après ce que nous venons de voir, c'était donc un grand et riche prieuré que celui de Saint-Michel-des-Montagnes avec toutes ses terres et ses revenus ecclésiastiques et féodaux. Aussi, lorsqu'au XVIème siècle l'abbaye de Sainte-Croix en fut dépouillée, on priva d'un seul coup son trésor d'un revenu annuel d'environ deux mille livres, c'est Dom Le Duc qui le reconnaît : somme énorme pour cette époque !

 

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VIII. — Notre-Dame de Larmor. — Sainte-Ninnoc. — La Magdeleine.

Au moyen-âge, la Bretagne se couvrit, pour ainsi dire, d'une quantité innombrable d'églises, couvents, chapelles ou oratoires. Dans toute paroisse, outre l'église principale, chaque trève, chaque frairie, avait généralement une, et quelquefois même plusieurs chapelles. Tout château, tout manoir de quelque importance, avait également son oratoire particulier, chacun sait cela ; mais nulle part, croyons-nous, cet état de choses ne fut aussi frappant que sur le littoral de l'évêché de Vannes, principalement sur la paroisse de Ploemeur et dans l'île de Groix. Celle-ci comptait autrefois, dans ses huit frairies, douze chapelles, non compris l'église paroissiale. C'étaient celles de Saint-Tudy, Saint-Gurthiern, Saint-Méloir, Saint-Jean, Saint-Gildas. Saint-Michel, Saint-Nicolas, Saint-Laurent, Sainte-Brigitte, La Trinité, Locmaria, et une autre encore dont le nom nous échappe. 

Sur la grande paroisse de Ploemeur, il existait au seizième siècle, outre l'église paroissiale dédiée à Saint-Pierre (comme la plupart des églises des paroisses dont le nom commence par la lettre P, selon ce que prétend le P. Albert le Grand), vingt-sept chapelles sur ses quinze frairies : Saint-Bieuzy, Saint-Quintin, Saint-Thuriau, Saint-Léonard, Saint-Armel, Saint-Mandé, Saint-Mathurin, Saint-Tugdual, Saint-Simon et Saint-Jude, Saint-Germain, Saint-Antoine, Saint-Adrien, Saint-Christophe (des Montagnes), Saint-Christophe (de Scorff), Saint-Laurent, Saint-Michel, Saint-Gabriel, Saint-Nicolas, Keroman, Sainte-Ninnoc, Sainte-Anne, N.-D. de Plascaër, N.-D. de Larmor, Locmaria, La Madeleine, La Vraie-Croix et La Croix-Neuve. Plus anciennement les lieux dits : Moustoir-Berhiet, Moustoir-Phelan, Saint-Déron, Saint-Uhel (Note : Saint-Uhel, pour Judicaël, formait autrefois une chapellenie dépendant du château voisin de Tréfaven : on perd les traces de cette chapellenie vers le XVème siècle, époque à partir de laquelle les seules chapelles privatives de Tréfaven étaient celles de Saint-Christophe et de Saint-Armel), Quéhello-Congard, Loc-Gueltas et Loc-Mener (pour Méler, Méloir), eurent sans doute des chapelles dédiées aux saints et saintes dont ils portaient les noms, et sur la frairie de Loc-Cunolé (pour Guénolé), un lieu quelconque fut probablement autrefois consacré à Saint-Guénolé.

Ce nombre surprenant d'édifices religieux agglomérés sur cette partie extrême de l'évêché de Vannes, doit être considéré comme le signe certain d'une piété profonde ; mais si l'on veut remarquer que la majeure partie des saints patrons de ces chapelles appartiennent au catalogue des premiers propagateurs du Christianisme dans l'Armorique, du IIIème au VIIème siècle, n'y trouvera-t-on pas l'indice d'une population considérable vers ces mêmes temps, sur le territoire maritime qui nous occupe, malgré certains documents qui nous le représentent comme à peu près désert, la légende de sainte Ninnoc entre autres ? C'est du moins par une raison de même nature, que l'on a tiré de l'accumulation des monuments dits druidiques ou celtiques, sur le littoral du même évêché, la conséquence de la présence d'une grande agglomération d'habitants. D'ailleurs, on n'ignore pas que le centre de la péninsule bretonne se trouvait autrefois couvert de bois, et que par conséquent, la masse de sa population devait en occuper le littoral. Cet état de choses a dû se modifier, surtout à partir du VIIIème siècle, par suite des invasions et des ravages périodiques des Normands, invasions dont le premier effet dut être, évidemment, de provoquer de la part de populations énervées à la suite de quatre siècles de domination étrangère, un reflux vers l'intérieur de la presqu'île, vers les forêts.

En ce qui concerne le prieuré de Saint-Michel, cinq ou six de ces chapelles de Ploemeur lui appartenaient. Nous avons déjà nommé la chapelle de Saint-Michel, bâtie au centre de l'île de ce nom, sur le sommet du Tumulus, selon l'usage constant d'élever sûr des hauteurs les temples dédiés à cet archange, en mémoire de son apparition célèbre, au Vème siècle, dans les montagnes de la Calabre (in monte Gargano). Sur la même île, on voyait une autre chapelle, dédiée à N.-D. de Plascaër.

Tout près de là, sur la pointe de Bec-er-Groix, dans un champ nommé Er-Gorlannau, il y avait une chapelle Saint Gabriel. La maison prieurale des Montagnes avait sa chapelle particulière ; sous le vocable de Saint-Christophe. Dans le voisinage du village de Kervenannec, s'élevait une chapelle Saint-Nicolas ; quelque part, non loin de Kermelo peut-être, le prieuré possédait encore une chapelle Saint-Antoine, sur laquelle nous n'avons trouvé que des mentions très vagues. Que dire aujourd'hui de ces nombreuses chapelles de Groix et de Ploemeur, la plupart disparues ? Que dire particulièrement des chapelles du prieuré, dont pas une pierre, pas un vestige peut-être n'existe aujourd'hui ? C'est vainement que l'on persisterait à en vouloir décrire l'importance et l'architecture : titres, traditions , matériaux, tout manque à la fois : le temps, hélas ! n'a rien épargné.

Cependant, sous le rapport de l'architecture aussi bien que sous celui de la célébrité, on doit croire que la chapelle de N.-D. de Larmor a dû, de tout temps, éclipser ses rivales, Il est du moins avéré que la renommée de cette chapelle, quoique très grande encore aujourd'hui, parmi les marins particulièrement, s'étendait fort loin autrefois ; à tel point, qu'il a fallu la vogue plus moderne d'un pèlerinage célèbre , celui de Sainte-Anne d'Auray, pour lui faire perdre son antique prestige.

Nous en trouvons la preuve dans une déclaration rendue au roi, le 19 avril 1640, par Pierre Le Chatton, procureur de la fabrique de Larmor, des biens immeubles et revenus temporels de cette chapelle. On y lit : « Le casuel du revenu de laquelle chapelle consistant à présent  en fort peu d'oblations, les dévotions étant diverties par l'église et chapelle de Sainte-Anne, en la paroisse de Pluneret, prés Auray ; en laquelle chapelle de Nostre-Dame de Larmor est requis de faire de grandes réparations des ruines qui y arrivent journellement, étant située sur le bord de la mer ». La chapelle de Larmor, qui présente un mélange fort peu remarquable de divers genres d'architecture, mélange qu'expliquent parfaitement les nombreuses réparations dont se plaignait Pierre Le Chatton, renfermait anciennement les tombeaux d'un grand nombre de familles nobles du pays et même des environs : ceux des seigneurs du Ter, Kermassonnet, Kerivilly, Chefdubois, Kervegan en Arzanno, La Saudraye en Guidel, etc. Dans un aven rendu au roi le 29 novembre 1519 par Jean de la Saudraye, après la mort de Charles de la Saudraye son père, il est dit « Pareillement à luy apartient et est en pocession d'avoir une chapelle prohibitiffve à tous autres en l'esglise et chapelle de Nostre-Dame de Larmor située en la paroisse de Ploemeur au costé de l'épistre et ses armes en la vistre du pignon et en costé en plusieurs endroicts de ladite chapelle ». Aujourd'hui, on peut encore voir dans le parvis de la chapelle, de ce même côté de l'épître, deux très vieilles pierres tombales, décorées d'armoiries, mais à peu près frustes.

A chacun de ces seigneurs, qui avaient droit de tombes, enfeus, banc et accoudouer, dans la chapelle de Larmor, et qui payaient au trésor de la chapelle certaines rentes, le trésorier était tenu de fournir deux cierges d'une livre de cire, le jour de la fête de la Chandeleur. Tous ces droits honorifiques étaient, nous le répétons, une source de revenus pour la chapelle, car alors, pomme aujourd'hui, les honneurs se payaient. On a vu Pierre Le Chatton constater le tort considérable qu'éprouvait Larmor, depuis la découverte miraculeuse faite par le bienheureux Nicolazic, dans le champ du Boceno (1625) ; les seigneurs de Ploemeur firent comme les pèlerins, ils cessèrent à leur tour de fréquenter Larmor, désertèrent leurs bancs armoriés , délaissèrent leurs tombes et enfeus de familles et cessèrent de payer les rentes dues à cette chapelle. C'est ce que nous apprend une déclaration du 5 juillet 1689 :

« Il estoit dû, déclare le fabrique en charge, quantité d'autres rentes pour les tombes et bancs de la noblesse, mais qui ne se payent  plus..... ». Le XVIIème siècle a été fatal à N.-D. de Larmor !

La plupart des chapelles de Groix et de Ploemeur, dont on a lu le dénombrement, ont disparu, avons-nous dit ; en effet, il n'existe plus que l'église paroissiale de Saint-Tudy et les chapelles Saint-Jean et de La Trinité sur l'ile de Groix. Et des vingt-sept chapelles de Ploemeur, il ne reste plus que celles de Saint-Bieuzy, Saint-Léonard, Saint-Mandé, Saint-Simon et Saint-Jude, Saint-Mathurin, Keroman, Saint-Christophe (de Scorff), Saint-Thuriau, Saint-Armel, Sainte-Anne, Larmor et la Vraie-Croix.

Nous le répétons, pas une des chapelles du prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes n'existe aujourd'hui, et, comme nous aurons occasion de le mentionner pour quelques-unes, leurs ruines elles-mêmes ne sont plus. La chapelle actuelle de Saint-Michel est moderne.

Titres, traditions, tout manque, avons-nous dit, pour rechercher l'origine des chapelles de Ploemeur et de Groix. Cependant, il faut en excepter Saint-Gurthiern de Groix, dont nous avons dit quelques mots ; et Sainte-Ninnoc ou Lannenec, et encore La Madeleine, deux chapelles de Ploemeur, dont nous ne pouvons omettre les intéressantes origines. 

Les actes de Bretagne rapportent que, vers le milieu du Vème siècle, une princesse de Cambrie (aujourd'hui la Cambrie est, en Angleterre, le pays de Galles), suivie d'un grand nombre de ses compatriotes des deux sexes, chrétiens comme elle, émigra pour venir débarquer sur un point de la côte armoricaine qui prit le nom de Pull-Ilfin, et se trouvait situé dans les environs de Ploemeur.

Cette princesse, nommée Ninnoc Guengustle, aussitôt débarquée, députa quelques-uns des notables de la troupe vers le chef du pays, nommé Erech ou Guerech, et en obtint non-seulement la permission de s'établir sur ses domaines, mais encore la concession pour elle et pour les siens d'un vaste canton alors désert, situé dans le pays de Ploemeur, in plebe quoe dicitur Pluemur, sur les bords de la mer, au sud des possessions d'Erech, ad australem plagam juxta mare : ce qui permet de supposer que le Pull-Ilfin de 450 pourrait fort bien être le Pouldu actuel, ù l'embouchure de la rivière de Quimperlé. Dans le nombre de ces chrétiens gallois, les uns se dispersèrent par l'Armorique pour y prêcher l'évangile ; d'autres plus nombreux demeurant sur les lieux concédés par Erech, élevèrent une chapelle et un monastère où Ninnoc se retira avec plusieurs bonnes filles, et ils se fixèrent aux environs de cette chapelle et de ce monastère. Trente-huit ans après, cette princesse y mourut en odeur de sainteté, et le nom de Sainte-Ninnoc resta désormais aux établissements pieux qui lui devaient leur origine.

Tel est le résumé de la vie de sainte Ninnoc, dégagé des amplifications nébuleuses de sa légende. Dans ce simple récit, on peut trouver non-seulement l'origine de notre chapelle de Sainte-Ninnoc ou Lannenec, mais encore un exemple de ces nombreuses émigrations des îles anglaises vers la petite Bretagne, émigrations signalées par l'histoire dans le courant du Vème siècle, et y voir en outre l'origine de la paroisse de Ploemeur ; car il est permis de douter que cette contrée maritime, devenue déserte à la suite de la longue domination romaine, fût chrétienne au moment de l'arrivée de la princesse cambrienne et de ses compagnons.

Mais la légende de sainte Ninnoc présente encore une sorte d'intérêt ; c'est que le monastère fondé par elle, en Ploemeur, est probablement l'exemple le plus antique, non-seulement d'un monastère de filles dans les Gaules, mais encore d'un prieuré. Il est vrai que le document d'où se dégage ce fait remarquable laisse, par ses expressions mêmes, douter de son authenticité. Quoiqu'il en soit, la rareté du fait nous engage à extraire le passage qui s'y rapporte, du recueil de la Vie des Saints de Bretagne, du Père Albert-le-Grand. 

« Le susdict prince Erekh, estant un jour allé à la chasse, poursuivit si vivement un cerf ès environs du monastère de saincte Ninnok, qu'il fut contraint de se sauver dans son église, et, entrant de course, dans le choeur où elle assistoit au divin service, se jetta à ses pieds demi-mort de lassitude : les chiens le suivoient de fort prés, mais estans arrivez à un petit ruisseau qui est au-devant de l'église de saincte Ninnok, ils s'arrestèrent tout court, sans passer plus avant ; le Comte y arrive incontinant, et, estonné de voir sa meutte abboyer extraordinairement et ne vouloir passer outre ; descend de cheval, et, accompaigné de ses gens, entre dans l'église, où il trouva saincte Nennok accompaignée de ses filles, et de l'autre costé du choeur Gurlehentelius (son oncle et son parrain) et ses religieux qui chantoient l'Office divin ; mais ce qui l'estonna fut de voir le cerf qu'il poursuivoit couché aux pieds de la Saincte, comme en un azile asseuré, se mocquer des vains efforts des chasseurs et des chiens. Il la salua, et toute sa vénérable compaignie, et ayant congedié ses domestiques, demeura huict jours entiers en ce lieu, conférant souvent avec la saincte, à laquelle il donna plusieurs belles terres et revenuz pour l'accomodation de son monastère, laquelle donaison il fit ratifier par le Métropolitain et autres Evesques de Bretaigne, et par ses frères Michel, comte de Rennes, et Budic, comte de Cornouaille et autres seigneurs en une assemblée tenue à cet effet, de laquelle donaison il fit faire des lettres et chartres authentiques, lesquelles il mit sur l'autel avec un calice et patene d'or plein de vin. Voici l'acte de donaison, qui est datte de l'an 458. Au nom de la Saincte et individus Trinité, et de la très heureuse Vierge Marie, et par la vertu de la Saincte Croix, je Guerek par la grâce de Dieu, duc de la petite Bretaigne, en présence des évesques, comtes et principaux seigneurs de Bretaigne, donne et octroye de mon propre héritaige à la Saincte Vierge et Servante de Dieu Nennok et à ses successeurs, afin qu'elle aye mémoire de prier pour les âmes de mes parens vivons et trespassez, et pour le salut de mon âme, et de ceux de ma race qui doivent succéder et pour l'Estat de mon Royaume, le lieu qui de son nom s'appelle Landt-Nennok, et toutes la paroisse (totam plebem) qui s'appelle Plouemeur , avec toutes ses terres cultivées ou non cultivées....».

Comme notre intention n'est pas de faire ici l'histoire du prieuré de Lannenec et que nous n'avions pour but que d'indiquer l'origine de la chapelle de ce nom, enjambons les siècles pour nous occuper de la Madeleine.

Ici, pas un document qui nous serve de guide ; nous croyons qu'il en existe cependant ; mais pour le moment, la tradition verbale, la légende locale si l'on veut, fortifiée par des faits, formera la base de notre récit.

Voici donc ce que l'on raconte au sujet de la chapelle de la Madeleine de la paroisse de Ploemeur. 

Vers le quinzième siècle, une horde de bohémiens, sortie on ne sait d'où, mais ayant vraisemblablement traversé l'Europe, se croyant sans doute parvenue à l'extrémité du monde, arrêta sa course vagabondé entre le Scorff et l'Ellé, sur le territoire du Prince, ou plus exactement, du Sire de Guémené, puisque le grand fief de ce nom ne fut érigé en principauté qu'en 1571.

Ces étranges voyageurs, que chacun fuyait avec effroi, et que les populations anathématisaient en quelque sorte, en les classant avec les Lépreux, ces parias du moyen-âge, sous la dénomination commune de Cacous, sollicitèrent du Sire de Guémené, des terres pour y fixer définitivement leurs tentes, voulant demander au travail et à l'industrie, pour vivre, les ressources qu'ils n'avaient cherchées jusqu'alors, et de générations en générations peut-être, qu'au moyen de jongleries, de rapines et pis encore souvent. Ce seigneur, pratiquant l'hospitalité comme autrefois le comte Erech, accorda à ces bohémiens, non loin de Lannenec, une certaine portion de terres incultes, prise dans un vaste canton de terres vaines et vagues nommé Lande de Behoy, sur les confins des trois paroisses de Ploemeur, Lesbin et Guidel. Ces parias y fondèrent en effet un village qui prit le nom de Poullou-Riantec, lieu qui existe encore en la commune de Ploemeur sous le nom défiguré de Poullorio.

Contraints de vivre entre eux, de se marier entre eux, comme les lépreux, ces nouveaux venus, dont les descendants ont été pendant plusieurs siècles poursuivis dans le pays sous le nom injurieux de Cacous, qui n'y est peut-être pas encore complètement éteint, ces nouveaux venus, disons-nous, chrétiens ou du moins convertis bientôt au christianisme, ne pouvant fréquenter les églises avec le commun des fidèles, se virent obligés d'élever à leurs frais un humble oratoire au milieu de leur village, oratoire qui fut placé sous la dédicace de sainte Madeleine, patronne ordinaire des léproseries. Cette chapelle a disparu, mais elle existait encore à la fin du XVIIème siècle comme le prouvent divers actes de la paroisse de Ploemeur ; ainsi, à la date du 8 avril 1668, il est fait mention, sur les registres des décès de cette paroisse, de l'inhumation de Pierre Le Meur, cordier, dans l'église de la Magdeleine de Ploemeur

La chapelle de la Madeleine est tombée avec le préjugé qui l'avait fait élever ; les anciens Cacous ayant réussi peu à peu à se faire admettre au milieu de la population environnante, à obtenir l'entrée des églises communes et à participer par des mandataires aux délibérations de ce que l'on appelait le Général de la paroisse, c'est-à-dire les représentants de la généralité des habitants, ne relevèrent pas les ruines de leur chapelle particulière. Cet exemple fut suivi à peu près à la même époque par les habitants de l'antique léproserie de Kerroch, près d'Hennebont, qui possédaient aussi une chapelle de la Magdeleine (Note : La léproserie de Kerroch, près d'Hennebont, était très ancienne, son origine remontait au moins à la fin du XIIème siècle, si on lui applique ce passage de l'acte d'affranchissement des terres du prieuré de Notre-Dame-d'Hennebont inséré au tome 1er col. 783 des preuves de Dom Morice : et villa in qua leprosi habitant. D'après un acte des notaires d'Hennebont, du 9 février 1733, voici quelle était la situation de la chapelle de Kerroch et ce qu'elle devint : « Elle était située à l'issue du village, au midi du grand chemin qui conduit d'Hennebont à Pontscorff, et conduisant au levant à l'église paroissiale de Saint-Caradec et séparée par les fossés des terres d'Amanic.... dans laquelle chapelle la messe se disait pour lesdits habitants Cordiers dudit village...». Depuis longtemps, cette chapelle étant tombée en ruines « et étant devenue dangereuse par être posée sur le grand chemin » les cordiers de Kerroch en avait cédé les matériaux qui entrèrent dans les réparations de l'église paroissiale de Saint-Caradec ; et enfin, l'emplacement même en fut vendu par cet acte de 1733 à un sieur Martin, d'Hennebont, par les cordiers de Kerroch « descendants des fondateurs de cette chapelle ». Aujourd'hui il n'existe donc plus ni ruines, ni vestiges, ni souvenirs peut-être de cette chapelle de la Magdeleine ; cependant, dans l'humble habitation d'une veuve Perron, voisine de l'église de Saint-Caradec, on pouvait encore voir, vers le milieu du XIXème siècle, la statue de la patronne des cordiers do Kerroch). 

 

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IX. — Prieurs Commendataires.

On vient d'assister à la formation du prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes ; on connaît sa situation, l'importance de ses droits, l'étendue et la variété de ses domaines. Incorporé à l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, Saint-Michel n'a pas d'histoire particulière, et il faut arriver au XVIème siècle pour découvrir dans les annales de cette abbaye, un fait qui intéresse notre prieuré.

A cette époque, Sainte-Croix ressentit les premiers symptômes de décadence, et ce fut, selon toute apparence, le prieuré de Saint-Michel qui en fut l'occasion. En relevant à la date du 22 mars 1514, sur le nécrologe de l'abbaye, le décès de Guy Quirisec, archidiacre de Vannes, dom Placide Le Duc le qualifie de Prieur commendataire du prieuré de Saint-Michel ; puis il ajoute : « Je remarque cecy, pour faire voir que la commande s'estoit déjà fourrée dans les prieurés dépendants, devant que de saisir l'abbaye ». Ce fait méritait en effet d'être signalé, d'abord parce qu'il était un des exemples les plus anciens de l'introduction du régime des commendes ; puis, parce que c'est à ce système que l'abbaye de Sainte-Croix, de même que la plupart des établissements ecclésiastiques, pouvait attribuer, dès le XVIIème siècle, qu'on le remarque bien, une décadence soit réelle, soit imminente.

En effet, étranger le plus souvent à l'ordre, à la congrégation religieuse ou à l'établissement ecclésiastique qui possédait le bénéfice, l'abbé, le prieur, le recteur ou le chapelain commendataire, lequel fort souvent n'était ni clerc ni moine, s'attribuait personnellement une large part du revenu de son bénéfice, sans souci de son administration, de son entretien , ni de ses charges, du moins de ses charges extraordinaires. Simple usufruitier, le commendataire n'était nullement intéressé à l'entretien et à la conservation d'une chose dont il n'avait qu'une jouissance précaire. Dés lors, monastères, chapelles et paroisses, n'ayant plus d'épargnes pour faire face aux dépenses extraordinaires, pour réparer les pertes et effacer les désastres des temps difficiles, durent végéter en attendant une ruine complète. 

Aussi, l'introduction du système des commendes donna-t-elle naissance à de fréquentes contestations entre les bénéficiers et leurs commettants. On vit bientôt tel couvent, jadis florissant, réduit au dénuement le plus affligeant, et ses moines contraints de plaider pour obtenir contre leur abbé commendataire des sentences et des arrêts qui l'obligeassent à pourvoir à leur entretien et à les retirer, eux et leur monastère, de l'état de misère où ils étaient abandonnés. 

Ce régime désastreux s'étendit bientôt jusqu'aux paroisses ; nous pourrions dire qu'elles furent affligées de la même plaie. Le pasteur de Groix, dépendance du prieuré de Saint-Michel, celui de Saint-Gilles, d'Hennebont, dépendance de l'abbaye de La Joie, étaient vicaires perpétuels, relevant, le premier d'un prieur et le deuxième d'une abbesse, d'une femme, qui étaient leurs recteurs primitifs. Mais les recteurs de Saint-Caradec-lès-Hennebont, de Caudan et de Ploemeur, qui étaient titulaires de leurs paroisses, n'avaient une position ni plus indépendante, ni beaucoup plus avantageuse. Les revenus rectoriaux de Saint-Caradec appartenaient au chapitre de Vannes ; ceux de Caudan à l'archidiacre du même diocèse, et quant à Ploemeur, prélèvement fait des dîmes de quatre frairies qui dépendaient du prieuré de Saint-Michel, ainsi que nous l'avons dit , les recteurs de cette paroisse venaient en partage, pour le surplus de leurs revenus, avec le prieur de Lannenec, les abbés de Sainte-Croix et de Saint-Maurice, et encore le chapitre de Vannes.

Il est vrai que, dans cette dernière paroisse, l'importance du casuel venait réparer l'exiguïté du traitement de son recteur ; l'affluence des pèlerins à la chapelle Notre-Dame de Larmor était la source de ses principales recettes qui baissèrent rapidement, on l'a vu, par suite de l'événement miraculeux de Sainte-Anne-d'Auray. Peu s'en fallut encore que cette précieuse ressource des oblations de Larmor n'échappât complètement aux mains des recteurs de Ploemeur ; voici comment. 

En 1613, un certain prêtre, du nom de Lucas Le Leslé, s'imagina de s'investir sans façon de la chapellenie de Larmor et de s'en attribuer le revenu et les oblations ; il prétendit, mais sans pouvoir en exhiber les preuves, que la Cour de Rome lui en avait délivré le titre. De quel droit, c'est ce que messire Le Leslé se donnait fort peu la peine d'expliquer. C'était une grosse affaire pour le recteur de Ploemeur, nous en connaissons la raison ; aussi, Henry Le Nenez (c'est le nom du recteur de Ploemeur sous lequel cet évènement eut lieu) ne laissa-t-il pas longtemps l'intrus en repos. Traduit devant le présidial de Vannes, Lucas Le Leslé, ne pouvant justifier de ses droits, fut, par sentence du 30 août 1614, expulsé de la chapellenie de son invention, et par la suite Henry Le Nenez et ses successeurs demeurèrent paisibles possesseurs des revenus et du casuel de Notre-Dame de Larmor (Note : Les décimateurs étrangers réduisaient tellement les revenus curiaux de Ploemeur que le recteur de cette vaste paroisse avait son revenu annuel très inférieur à celui de la petite paroisse voisine de Quéven, dont le recteur ne partageait avec personne. Voici, d'après une déclaration faite en vertu d'un décret du 13 novembre 1790, déclaration émanée des recteurs de Ploemeur et de Quéven, quels étaient à cette époque le revenu et les charges de chacune des paroisses : Ploemeur. — La dîme produisait annuellement 1245 livres qui, ajoutées à une rente de 60 livres sur la paroisse de Lorient, faisaient un revenu brut de 1305 livres. Les charges montaient à 549 livres 14 sous : ce qui réduisait le revenu du recteur de Ploemeur à 795 livres 6 sous. Quéven.— La dîme à la 33ème gerbe produisit, en 1789, 361 minots de seigle, 49 minots de froment et 40 minots d'avoine, le tout valant, d'après l'apprécis d'Hennebont, 2055 livres 7 sous 3 deniers. Les charges montaient en totalité à 491 livres, dont 250 au vicaire, 166 livres pour décimes (?) et 75 livres pour l'entretien du presbytère. Il restait net au recteur de Quéven 1564 livres 7 sous 3 deniers. Bien entendu qu'il n'est ici question que des revenus appelés curiaux ou rectoriaux, c'est-à-dire des revenus fonciers ; car, sous le rapport du casuel, du produit des offrandes, quêtes, messes, etc., la paroisse de Quéven était bien inférieure à celle de Ploemeur).

Pour clore cet aperçu du désordre qui régnait, avant 1789, dans l'administration et la répartition du temporel des couvents et des églises, qui, certes, dans des conditions semblables, ne méritait pas le nom de patrimoine des pauvres, nous ajouterons que la mense de certaines abbayes a été quelquefois unie à des paroisses. Ainsi, pendant plus de soixante ans, la mense abbatiale de Rillé, près de Fougères, a appartenu à la paroisse de Saint-Louis de Lorient, et formé ce que l'on pourrait appeler le traitement de son recteur. Mais ne nous éloignons pas davantage de notre sujet.

Voilà donc le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes tombé en commende. Désormais, il ne sera plus que nominativement sous la dépendance des abbés de Sainte-Croix, qui participeront bien encore, pendant quelque temps, à son administration religieuse par l'institution des chapelains et celle des vicaires perpétuels, mais qui ne verront plus le trésor de l'abbaye encaisser son revenu de plus de deux mille livres. 

On a vu que le premier prieur commendataire de Saint-Michel se nommait Guy de Quirisec, qui mourut archidiacre de Vannes en 1514. Ses successeurs nous sont inconnus jusqu'à Charles de Bourgneuf, évêque de Nantes, titulaire du même bénéfice en 1613, an moment on l'abbaye de Sainte-Croix en supporta la perte définitive.

 

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X. — Les Pères de l'Oratoire.

Le XVIème siècle fut donc pour l'abbaye de Quimperlé, ainsi que pour la plupart des monastères, le commencement d'une ère de décadence. Aux commendataires succédèrent bientôt de nouveaux fléaux.  François Ier entama le trésor des couvents pour le paiement de sa rançon ; Charles IX et Henri III taillèrent dans le vif des possessions monastiques arrondies pendant les siècles du moyen-âge ; ils détachèrent une portion de ces propriétés au profit du domaine royal. L'abbaye de Sainte-Croix eut à subir, comme les autres, les effets de ces mesures spoliatrices, dictées et légitimées cependant par la nécessité d'Etat. C'est ainsi que la terre de Kermélo et une partie du village de Kergroix furent démembrés du prieuré de Saint-Michel : on a vu précédemment Pierre Riou devenir acquéreur de Kermélo, en 1577. 

Les malheurs de Sainte-Croix ne devaient pas s'arrêter là. Il était dit que cette abbaye se verrait dépérir en détail jusqu'au jour où le flot de 1789 viendrait l'atteindre et l'engloutir.

En 1613, elle perdit définitivement le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes.

« Le 9 décembre 1613, les religieux de Sainte-Croix consentirent à l'union du prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes au collège des Prestres de l'Oratoire de Nantes, à la charge de payer cinquante livres de pension au monastère à chaque feste de Nostre Seigneur Jésus-Christ en Janvier ». (D. Le Duc).

Cette fois, ce ne sont pas les têtes couronnées qui causent, l'affliction de l'abbaye, ce sont des ennemis qu'elle nourrit dans son propre sein ; elle peut du moins le soupçonner.

A cette époque (1613), Sainte-Croix avait pour abbé commendataire l'évêque de Paris, François-Henri de Gondy (Note : Paris ne fut érigé en archevêché qu'en 1622, en faveur de ce même François-Henri de Gondy, qui mourut l'année suivante. Son neveu, Jean-François-Paul de Gondy, cardinal de Retz, également archevêque de Paris et abbé de Quimperlé, fut l'un des principaux agitateurs du royaume pendant les troubles de la Fronde), et le prieur commendataire de Saint-Michel-des-Montagnes était l'évêque de Nantes, Charles de Bourgneuf ; tous deux protégèrent la congrégation des Pères de l'Oratoire à sa naissance, et ce fut à l'instigation de Charles de Bourgneuf que ces ecclésiastiques fondèrent à Nantes un collège, qui ne tarda pas à devenir célèbre.

Les moines de Quimperlé purent donc avoir quelques raisons d'attribuer à ces deux personnages, qui les touchaient de si près, une mesure qui favorisait les Oratoriens, mais qui entraînait pour les premiers la perte définitive du prieuré de Saint-Michel.

Avant de continuer notre sujet, un mot sur la congrégation des Pères de l'Oratoire de Jésus. C'était une association de prêtres, dont l'état était purement ecclésiastique ; ils ne prononçaient aucun voeu, ni simple, ni solennel, et leur mission principale était la prédication et l'enseignement de la jeunesse dans les collèges et les séminaires. Fondée à Paris, le 11 novembre 1611, par Claude de Bérulle, qui plus tard devint cardinal ; autorisée par lettres-patentes royales le 2 janvier suivant, et approuvée par le Souverain Pontife en 1613, cette congrégation, honorée du titre de fondation royale, eut, dès son apparition, la faveur de la Cour et l'appui du clergé de Paris, qui avait à sa tête François-Henri de Gondy. A l'aide de ces puissantes protections, Claude de Bérulle vit son oeuvre s'étendre rapidement, tant en France qu'à l'étranger ; mais on peut croire aussi qu'une grande part de ce succès était due, non-seulement au mérite et aux vertus du fondateur et à celles des premiers prêtres qui s'attachèrent à lui, mais encore à leurs statuts.

En effet, les Pères de l'Oratoire de Jésus, communément appelés Oratoriens, se reconnaissaient et se plaçaient sous la dépendance immédiate des évêques dans le diocèse desquels ils avaient leur établissement, « ne travaillant que par eux, que sous eux et pour eux ». Bien plus, dans les paroisses ils se soumettaient à l'autorité hiérarchique des curés, « administrant les Sacrements par leur autorité expresse et non autrement, comme les chapelains de leurs paroisses ».

Une telle règle, une pareille soumission, qui les distinguaient de la plupart des autres ordres religieux, ne pouvaient manquer de procurer à ceux qui les pratiquaient l'accueil bienveillant du clergé séculier : c'est ce qui arriva. De tous côtés, les Pères de l'Oratoire furent appelés, sollicités, et le nombre de leurs maisons s'accrut tellement que, moins d'un siècle après sa fondation, leur ordre comprit quatre-vingts succursales, dont soixante-deux en France (Note : On confond quelquefois cette congrégation avec une autre du même nom fondée à Rome, en 1575 , par saint Philippe de Néri, et qui compte l'illustre cardinal Baronius au nombre de ses généraux. — Voyez Hermant, Histoire des Ordres religieux.— Rouen, 1710).

Voilà comment, le 9 décembre 1613, le prieuré de Saint-Michel fut détaché de l'abbaye de Sainte-Croix et uni au collège des Pères de l'Oratoire de Nantes : une rente de cinquante livres au profit du monastère de Quimperlé fut le seul débris qui lui resta d'une possession d'environ six siècles.

A partir de ce moment jusqu'en 1790, les Oratoriens, comme les Bénédictins de Quimperlé, firent administrer le spirituel et le temporel de leur prieuré par des fermiers, des chapelains et des vicaires perpétuels. Le revenu de Saint-Michel était encore important à cette époque, malgré le détachement de la terre de Kermélo et du village de Kergroix ; mais la maison prieurale et les chapelles, dont nous connaissons le nombre et la position, se trouvaient dans le délabrement le plus douloureux.

C'est que la guerre civile avait passé par là, depuis moins de vingt ans, pillant, brillant, saccageant sur sa route les rives du Blavet et du Scorff. Ploemeur, Caudan, Hennebont, Sainte-Catherine, Locmalo, Blavet (le Port-Louis) conserveront dans leur histoire locale des souvenirs lamentables des temps désastreux de la Ligue, qui firent, pour ainsi dire, de notre pauvre Bretagne le funeste rendez-vous des haines religieuses, de l'ambition et du brigandage !. Les églises, les chapelles, les croix, les emblèmes religieux de tout genre se ressentirent particulièrement du pillage et de la dévastation : triste effet des guerres de religion, où chaque parti, croyant servir sa propre cause, s'en prend, dans sa fureur insensée et stupide, à tout ce qui appartient aux croyances de son adversaire, et s'en va démolissant des temples, décapitant des croix, mutilant des statues, lacérant ces tableaux. Le déchaînement de cette tempête humaine vint profaner la petite chapelle de Saint-Pierre de Blavet, ravager les autels du prieuré de Saint-Michel, et renverser le beau calvaire qui s'élevait à l'endroit où l'on voit au milieu du XIXème siècle un moulin à vent, sur la colline qui domine la maison des Montagnes, là où, cent cinquante plus tard, d'autres ennemis du sol breton vinrent dresser leurs tentes : les Anglais, commandés par le général Synclair, se préparant à attaquer Lorient, au mois d'octobre 1746.

Les Oratoriens trouvèrent donc leur nouveau domaine dans le plus triste état. Ils s'occupèrent immédiatement des réparations les plus urgentes ; d'abord, de la maison du prieur, et de la chapelle Saint-Michel, titre et siége du prieuré. Quant aux autres chapelles, ils remirent à d'autres temps le soin de les rétablir et de les rendre au culte. Nous verrons que leurs projets à cet égard ne se réalisèrent jamais.

 

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XI. — Crimes et dévastations.

L'un des premiers fermiers du prieuré de Saint-Michel, sous les Oratoriens, fut noble homme Nicolas Riou, sieur du Roz, petit-fils vraisemblablement de Pierre Riou l'acquéreur de la terre de Kermélo en 1577 [Note :  Nicolas Riou, sieur du Roz, Guillaume Riou, sieur du Plessix, et Jérôme Riou, sieur de Launay, étaient enfants de Jacques Riou, sieur de Lomaria, fermier du domaine du Roi dans la juridiction d'Hennebont, et de Marie de Kermorial. Ils produisirent leurs titres à la réformation de la noblesse de Bretagne, en 1669, furent déboutés et condamnés à 400 livres d'amende. Mais leur mère appartenait à une famille noble du pays de Quimper, une branche de la famille de Kermorial, fixée à cette époque au lieu noble du Hanvot (Pour armes : d'azur au greslier d'argent accompagné de trois fleurs de lys de même) — Le sieur de Lomaria avait un frère, Jean Riou, sieur de Kermélo, vivant en 1625, dont la femme se nommait Françoise du Quermeur].

Durant le bail du sieur du Roz, deux malheureux événements fondirent coup sur coup sur le prieuré. Au mois de février 1638, un incendie dévore la maison des Montagnes, et, moins de trois ans après, le chapelain, dom Jacques Grandin, se rendant à la chapelle de l'île Saint-Michel, tombe dans le chemin, frappé d'un coup d'arquebuse. La rumeur publique signala deux actes de vengeance, et Nicolas Riou fut fortement soupçonné d'en être l'auteur ; mais les recherches de la justice furent vaines ; les preuves manquèrent pour confirmer les soupçons, et Riou cessa d'être inquiété.

Cependant ces catastrophes successives, attribuées à tort ou à raison à Nicolas Riou, le fait beaucoup moins contestable de la mésintelligence avec laquelle ce fermier du prieuré avait constamment vécu avec les chapelains qui habitaient la maison des Montagnes, dans lesquels il ne voyait peut-être que des surveillants incommodes de l'audacieuse exploitation de son bail ; toutes ces circonstances contribuèrent à laisser pendant quelques années l'infortuné Grandin sans successeurs. Ce furent des vicaires de la paroisse de Ploemeur qui desservirent les chapelles du prieuré. Mais cette vacance avait pour grave inconvénient l'abandon de la maison prieurale ; une pareille situation ne pouvait se prolonger indéfiniment sans un préjudice notable pour les Oratoriens. Aussi, pour sortir d'embarras, pour concilier, autant que faire se pouvait, leurs intérêts avec le voisinage inquiétant, sinon dangereux, de leur fermier, ils lui vendirent les édifices du prieuré, et lui consentirent la baillée de leurs droits fonciers ; en un mot, ils convertirent le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes en domaine congéable. Les actes sont du 27 septembre 1649. 

Dans l'opinion des Pères de l'Oratoire, une paix durable, une paix avantageuse même, allait désormais régner sur leur prieuré : plus d'inquiétudes pour l'entretien et les réparations de leurs chapelles et de leur maison des Montagnes, Riou en étant chargé. Plus de chapelains à entretenir, un prêtre de la paroisse se chargerait de desservir les deux chapelles de Saint-Christophe et de Saint-Michel, les seules qui restassent debout, et Riou venait de contracter l'obligation de rétribuer cet ecclésiastique. Tout allait donc être pour le mieux, et pour le sieur du Roz et pour les Oratoriens.

Mais ces derniers ne tardèrent pas à s'apercevoir combien ils s'étaient abusés ; bientôt ils eurent la preuve qu'ils avaient installé au coeur du prieuré son plus dangereux ennemi.

En effet, à peine les actes de 1649 sont-ils signés que Nicolas Riou, n'ayant plus d'entraves, plus de témoin qui le gêne ; s'abat sur le prieuré comme un vautour sur une proie. Avenues, bois de haute futaie et de décoration, tout est rasé, tout est vendu. Des pans de murailles des chapelles de Notre-Dame du Plascaër, Saint-Gabriel et Saint-Nicolas restaient encore debout, il les fait abattre. C'est un moulin, le moulin à vent des Montagnes, qu'il élève avec les ruines de Saint-Nicolas ; quant à celles de Notre-Dame du Plascaër et de Saint-Gabriel, il les fait transporter par bateaux au manoir du Plessix ; en Caudan, pour y construire des écuries. La chapelle Saint-Michel, dans laquelle on ne célébrait plus les offices depuis 1645, tant elle était délabrée, voit murer ses ouvertures en 1650, pour éviter les profanations intérieures, et quant à la maison du prieur, jardin, colombier, murs de clôtures, tout est abandonné, tout tombe en ruines : le désordre et la dévastation sont au comble !

Les malheureux Pères de l'Oratoire sont prévenus de ce qui se passe, ils n'ignorent rien, et cependant ils hésitent à y mettre un terme. C'est que la famille Riou est puissante dans le pays par le nombre, les alliances et la fortune, et ils soupçonnent peut-être que, dans les procès, les influences comptent pour quelque chose ; ils ne peuvent ignorer, en effet, que de leur temps il arrivait à des juges de prendre en considération la qualité des plaideurs autant que le mérite de leur cause, pour prononcer leurs sentences. Mais, enfin, las des audacieuses déprédations de Riou, perdant patience, poussés à bout, les Oratoriens formèrent contre lui , devant la juridiction royale d'Hennebont, une demande de résiliation des contrats de 1649 et de dix mille livres de dommages et intérêts pour le préjudice qui leur avait été causé.

Commencé en 1652, le procès durait encore dix-huit ans après. Le 7 mars 1671, on procédait à une enquête. De nombreux témoins présentés par les Oratoriens viennent déposer ; ils sont unanimes pour attester la vérité des faits reprochés à Riou. La déposition de l'un de ces témoins va nous donner une idée exacte de l'état dans lequel Riou avait mis le prieuré.

« Pierre Le Fichant, laboureur de terre, demeurant au village de Kersallan, en la paroisse de Ploemeur, agé de trente-sept ans ou environ.... depoze.... et dict : Avoir bonne coignoissance que vingt ans il y a, comme le père et la mère du depozant estoyent vassaux du sieur Duplessix Riou, il vist et ayda ensemble avecq Richard Le Fichant, son frère aisné, à l'aide du nommé Mathurin La Brosse maistre masson aussy homme et subject dudict sieur Duplessix, desmollir et prendre les pierres de taille quy estoyent dans une ruine de chapelle en l'isle Saint-Michel despendant dudict prieuré, nommée Nostre-Dame du Plasquair, et avoir aydé à porter au bord de la mer pour mettre dans une chaloupe quantitez de pierres de taille à la prière et requeste du sieur du Roz et du sieur Duplessix son frère, à l'ayde et en presence de leurs valletz et icelles pierres de taille tirées de ladicte chapelle avoir rendu dans une chaloupe audict manoir du Plessix et disoit estre lesdictes pierres pour la construction d'une escurie que ledict sieur Duplessix faisoit faire dans sondict manoir. Dict aussy le depozant que la mesme sepmaine qu'il fust prendre lesdictes pierres en ladicte chapelle du Plasquair, comme il alloit, il et sondict frère, coupper de la littière et mottes en une lande nommée Baic-er-Groix, il vist le nommé Paul Le Faouëdic et un autre particulier nommé Pierre Connan quy avoyent chacque sa barre de fer sur leurs espaulles, ausquelz ayant demandé où ilz alloyent avecq leurs dittes barres de fer, ils firent reponce audict depozant quilz alloyent prendre touttes les pierres de tailles quilz auroyent pu trouver dans la chapelle de Sainct-Gabriel despendant dudict prieuré. Et incontinant vict le tesmoign venir après eux ledit sieur du Roz les ayder à tirer ladicte pierre de taille, laquelle ile firent transporter au bord de la mer par la charrette de Catherine Adam, mère du depozant, et ensuitte mettre dans deux chaloupes et rendre proche le manoir du Plessix pour la construction de ladicte escurye. Dict outre avoir veu les vestiges et antiens emplacementz d'un moullin à vent despandant dudict prieuré scittué proche ladicte chapelle de Sainct-Gabriel dans un parc nommé er Gorlannau, lequel moullin estoit en meilleure situation et plus commode que n'est celluy que ledict sieur du Roz a faict depuis construire où estoit scittuée la Croix du Prieur (Note : « La croix de pierre de taille, appelée la Croix du Prieur », dit un autre témoin, « qui avait sept à huit marches en carré, et le baston d'environ douze pieds de hauteur, laquelle croix avoit esté ruisnée pendant les guerres... »). Dict aussy avoir veu la fuye despandante dudict prieuré en bonne réparation et bien guarny de pigeons, mesme depuis longtemps après que ledict sieur du Roz en a esté possesseur, mais par deffaut de réparation estre tombée en ruine.... ». 

Enfin, les faits dont se plaignaient les Pères de l'Oratoire de Nantes étant bien établis, bien constatés, Riou fut condamné par sentence de la juridiction d'Hennebont, du 29 août 1671, à leur payer quatre mille livres de dommages et intérêts pour dégâts et dégradations commis sur le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes, et les malencontreux contrats de 1649 furent résiliés.

Les Pères de l'Oratoire triomphaient ; mais les vieilles chapelles de Saint-Nicolas, Saint-Gabriel, Notre-Dame du Plascaër, mais le beau calvaire du prieuré ne se relevèrent jamais de leurs ruines, et c'est vainement qu'on en chercherait aujourd'hui les vestiges : il n'en reste plus qu'un lointain, mais toujours intéressant souvenir (Note : Les Oratoriens n'abandonnèrent cependant jamais le projet de reconstruire la chapelle Saint-Nicolas. En effet, dans un bail du prieuré consenti, le 28 juin 1765, à François-Clément Audouyn, sieur de Villéon, on lit : « Entretiendront lesdits sieur et dame preneurs la maison principale (des Montagnes) et la chapelle y joignante (chapelle Saint-Christophe) et celle de Saint-Nicolas lorsqu'elle sera rebâtie. .. »).

 

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XII — La Compagnie des Indes Orientales.

A l'époque où l'important procès du Prieuré de Saint-Michel, contre Nicolas Riou, sieur du Roz, nous a conduits (1671), un fait considérable venait de se passer dans le pays. La Compagnie des Indes Orientales avait obtenu, en 1664, le Port-Louis pour siège de l'armement de ses flottes, et deux années après elle établissait ses magasins et ses chantiers de constructions navales à l'embouchure du Scorff, sur la lande du Faouëdic, en la paroisse de Ploemeur, c'est-à-dire sur la frairie ou trève de Saint-Phelan, dont les dîmes appartenaient à notre prieuré, on ne l'a pas oublié.

Cet évènement devait exercer bientôt une très grande influence sur tout le pays ; pour ce qui regarde notre prieuré, en voici le premier effet.

Dans l'origine, l'établissement du Faouëdic, appelé l'Orient, ou l'enclos de l'Orient, dépendait du Port-Louis ; ou si l'on veut, l'Orient était une annexe du Port-Louis, principal siége maritime de la Compagnie des Indes et demeure de ses principaux agents ; de telle sorte que des relations journalières très suivies s'établirent forcément entre ces deux localités. On a vu que le droit de passage d'une rive à l'autre de la rade appartenait au prieuré de Saint-Michel ; ce Trépas, comme on l'appelait, au passage féodal, établi entre la pointe de Bec-er-Groix, en Ploemeur, et le village de Sainte-Catherine, paroisse de Riantec, eut nécessairement à profiter de la circulation que l'industrie venait de faire naître entre les deux points extrêmes de la rade. Aussi le prieuré vit-il grossir rapidement le produit qu'il retirait de la location de ce droit de passage. Nous ignorons ce qu'il était affermé à l'arrivée de la Compagnie des Indes ; mais en 1677, le Trépas de Sainte-Catherine, comme on l'appelait, se loue déjà 50 livres par an, et il obtient 150 livres en 1702 : c'était tripler en vingt-cinq ans. 

Les progrès de Lorient ne s'arrêtèrent pas en 1702, bien il s'en faut ; et cependant, au lieu de suivre ce mouvement ascendant, comme les Oratoriens pouvaient s'y attendre, c'est le contraire qui arriva pour ce prix de ferme : en voici la raison.

L'obligation de pratiquer le passage de Sainte-Catherine pour se rendre de Lorient à Port-Louis, et réciproquement, était une lourde sujétion, on en conviendra. Aussi, ce droit, que le prieuré exerçait de temps immémorial, qui avait eu autrefois son utilité publique, et avait pu d'un autre côté constituer autrefois une charge pour cet établissement, puisqu'il était tenu de pourvoir à ce service et de l'assurer aux piétons et aux cavaliers ; ce droit féodal, disons-nous, ne tarda pas à se voir battre en brèche.

Des bateliers de Lorient s'avisèrent de louer leurs embarcations, de temps à autre, pour le trajet direct de cette ville à Port-Louis. Le fermier du passage, Sébastien Coquelin, petit domanier qui demeurait sur l'île Saint-Michel, se plaignit de l'empiètement fait sur ses droits. Peu à peu, cependant, ces contraventions se renouvelèrent plus fréquemment ; bientôt elles passèrent dans les habitudes ; puis, lorsque les Oratoriens se décidèrent à intervenir pour le soutien de leurs droits et la sauvegarde de leurs intérêts, en 1710, ils trouvèrent un service de batellerie régulièrement organisé entre Lorient et Port-Louis. Leurs oppositions et leurs protestations, tous leurs efforts échouèrent contre cette usurpation, tacitement soutenue par les habitants des deux localités à qui elle profitait, et sur laquelle les gens du roi fermaient les yeux : ceux-ci du reste, ne s'étaient jamais soumis au passage de Sainte-Catherine.

Mais les Pères de l'Oratoire étaient à la veille de céder leur île et leur droit de passage à la Compagnie des Indes, auteur de leur trouble. 

Lorient, qui avait débuté en 1666 à l'état de chantier de constructions navales, grandissait peu à peu, avec des intermittences provenant de la situation politique du royaume, la paix ou la guerre, les temps prospères ou les temps difficiles. En 1719, cette ville commença à secouer la torpeur où pendant dix années l'avaient fait souvent retomber les vicissitudes des affaires publiques ; la grande Compagnie des Indes Orientales, qui venait de se former avec un privilège de cinquante années, vint lui apporter cette activité, ce développement qui en firent bientôt un objet d'admiration pour la France et de jalousie pour ses ennemis.

Dès son entrée en fonctions, Edouard de Rigby, le premier directeur, à Lorient, de cette nouvelle Compagnie commerciale maritime, voulut introduire quelque harmonie, quelque symétrie dans le dédale de constructions et d'établissements de toute nature et d'architecture sans nom, élevés çà et là, sans ordre, en ce qu'on nommait l'Enclos de la Compagnie et qui est devenu l'Arsenal maritime. Il songea d'abord au transfert du dangereux dépôt de poudres, et l'emplacement le plus commode qu'il trouva pour cet objet fut l'île de Saint-Michel. 

D'accord avec un sieur Audouyn, avocat d'Hennebont, fermier général du Prieuré de Saint-Michel des Montagnes, de Rigby signa, le premier juin 1720, un projet de concession à la Compagnie des Indes, par les Pères de l'Oratoire de Nantes, d'une quantité superficielle de 435 toises de terrain à prendre sur l'île Saint-Michel, dans la partie du couchant, avec faculté d'y construire des magasins à poudre ; et, sans attendre la ratification de ce traité par les Oratoriens, il prend possession de la concession, s'empare même de tous les matériaux qu'il trouve sur l'île et qui consistaient, en majeure partie, dans les ruines de la chapelle Notre-Dame du Plascaër, entamées déjà par Nicolas Riou, les fait transporter dans l'enclos de Lorient pour la construction de quais, et fait commencer les travaux de l'établissement qu'il projette.

Déjà les édifices de l'île Saint-Michel s'élevaient à sept ou huit pieds de terre, lorsque Edouard de Rigby mourut. Ces travaux furent immédiatement suspendus, pour n'être repris que quelques années après, par Gilles Le Brun, sieur de la Franquerie, le nouveau directeur, qui jugea indispensable, comme cela arrive le plus souvent, d'apporter des modifications aux plans de son prédécesseur.

Des magasins ne suffirent pas au directeur Le Brun ; il jugea que des moulins à poudre et à blé étaient indispensables, et 435 toises de terrain devenant dès lors insuffisantes pour l'exécution de ce surcroît de travaux, Le Brun demanda la concession de l'île tout entière, et le 21 mars 1726, les Oratoriens lui consentirent l'afféagement de Saint-Michel, y compris le droit de passage de Bec-er-Groix à Sainte-Catherine, moyennant 290 livres de rente féagère, annuelle et perpétuelle, mais avec certaines réserves « indispensables pour conserver le chef-lieu et titre principal de leur prieuré de Saint-Michel des Montagnes ....... A la charge par la Compagnie des Indes de reconnaître et tenir à l'avenir ladite isle et passage du domaine et féodalité du prieuré de Saint-Michel des Montagnes ; de faire servir et exercer bien deuement ledit passage pour le service du public, aux droits et émoluments ordinaires et accoutumez pour homme de pied et de cheval, entretenir de grosses et menues réparations la chapelle de Saint-Michel estant sur ladite isle, fournir et donner passage gratuit audit sieur prieur ou autres de sa part, son receveur ou fermier lorsqu'ils s'y présenteront, et au sieur chapelain dudit prieuré, les sieurs recteur et prestres de la paroisse de Plemeur ou autres députez de la part desdits Prestres de l'Oratoire lorsqu'ils iront y célébrer les saints Offices (Note : La copie d'après, laquelle nous transcrivons ce passage, parait contenir une lacune en cet endroit), auquel jour et feste de saint Michel appartiendra auxdits sieurs de l'Oratoire, son receveur ou fermier, de recevoir et lever le droit de pavage et étalage sur les fruits et denrées qui seront exposez à vendre et que lesdits sieurs de l'Oratoire se réservent expressément ........ ».

Cet acte intéressant nous fait connaître que la chapelle Saint-Michel, dont les portes et les fenêtres furent murées en 1650, avait été réparée, peut-être même reconstruite dans l'intervalle, et que tous les ans, à l'occasion de la fête patronale, le 29 septembre par conséquent, il y avait un pardon sur l'île pour nous servir de l'expression bretonne qui signifie fête patronale. Ce pardon, qui était le rendez-vous des nombreux marins et des villageois du voisinage, a existé jusqu'à la Révolution, et même à ce qu'il paraît jusque vers 1820, commencement de l'occupation de l'île par un lazaret.

Une fois investie de la propriété de l'île Saint-Michel, la Compagnie reprit les travaux commencés en 1720 par le directeur de Rigby. Mais, pour la seconde fois, et pour des motifs que nous ignorons, ces travaux furent délaissés pour toujours. La Compagnie des Indes ayant affermé, vers 1730, du prince de Guémené, son vieux château de Tréfaven, y fit le dépôt de munitions de guerre qu'elle avait eu le projet d'établir à Saint-Michel. Pendant toute la durée de la Compagnie, l'île resta complètement sans valeur pour elle, et le seul changement apporté à son état fut la construction, dans sa partie sud , postérieurement à 1755, de quelques ouvrages de fortifications pour la défense de la rade et de Lorient.

 

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XIII — Le Père Fouché.

Au mois d'août 1769, les cinquante ans de privilèges accordés en 1719 à la Compagnie des Indes Orientales pour la navigation et le commerce au-delà du cap de Bonne-Espérance, dans les mers de l'Inde et de la Chine, étaient écoulés. A cette époque, où toutes les idées libérales étaient en fermentation, discutées par les écrivains, philosophes et économistes, avant de se répandre dans le peuple et d'éclater, vingt ans plus tard, en un violent et indescriptible orage ; à cette époque de l'expiration de ses privilèges, la Compagnie des Indes, qui en sollicitait la prorogation, fut l'objet de nombreuses et vives publications contradictoires. Les unes prétendaient que la suppression de la Compagnie entraînerait inévitablement des désastres financiers et une perturbation totale de nos importantes colonies des Indes, etc. D'autres publications, au contraire, reprochaient à la même Compagnie de constituer une injustice patentée, préjudiciable non-seulement aux intérêts de la généralité des commerçants et des armateurs français, mais encore à ceux du royaume. Le gouvernement se montra favorable aux idées nouvelles ; il suspendit les privilèges de la Compagnie des Indes et accorda aux entreprises particulières une plus grande liberté pour la navigation et le commerce maritimes.  Cette décision causa une grande émotion parmi les actionnaires de la célèbre Compagnie. Le découragement s'en empara, et, au lieu de puiser dans un sentiment patriotique l'énergie nécessaire pour continuer leurs armements et leur trafic, au lieu d'entrer résolument en concurrence avec les armateurs particuliers, ce qu'ils pouvaient faire avec succès, mais, à la condition d'opérer quelques réformes dans leur organisation et principalement dans leur ruineux personnel d'officiers et d'agents principaux, ou pour mieux dire, dans leur état-major, ces actionnaires, préférant la dissolution de leur société et une liquidation, et peut-être entraînés à ces résolutions capitales par des influences politiques, s'empressèrent de faire offrir au gouvernement la cession pleine et entière de leurs établissements, vaisseaux et matériel, tant en France que dans l'Inde, moyennant une indemnité de trente millions. Louis XV accepta leurs propositions, et, le 7 avril 1770, le domaine de l'Etat prit possession de toutes les propriétés de la Compagnie des Indes, parmi lesquelles était compris le magnifique arsenal de Lorient avec ses dépendances, vaisseaux et matériel naval. C'était comme un joyau que ce monarque, parvenu près du terme d'un règne par ailleurs si honteux et si triste, ajoutait à sa couronne. 

Au nombre des dépendances du port de Lorient, Louis XV recueillit l'île Saint-Michel, mais avec les charges du contrat de 1726 déjà cité, c'est-à-dire à titre d'afféagiste seulement et moyennant le paiement d'une rente annuelle de 290 livres aux Oratoriens de Nantes, et sous les réserves imposées par ces derniers à la jouissance de cette île, considérée comme chef-lieu de leur prieuré de Saint-Michel des Montagnes.

Les gouvernements de Louis XV et de son successeur observèrent et respectèrent sans difficulté, à l'égard des Oratoriens, les charges et les réserves que nous venons de rappeler, et Saint-Michel continua de figurer, durant cette période comme du temps de la Compagnie des Indes, à l'état de domaine attendant un maître qui voulût bien en disposer. De temps à autre, sa chapelle vit célébrer les saints mystères ; chaque année, le jour du Pardon voyait affluer sur l'îlot, de tous les points de la rade la foule des riverains. Depuis des siècles, c'était là toute la vie de Saint-Michel. Pour retirer de cette île une utilité quelconque, ces deux gouvernements ne formèrent ni acte ni projet peut-être. 

Ainsi s'écoulèrent les années jusqu'à la grande Révolution française. Alors, et par suite de la suppression des biens ecclésiastiques, le prieuré de Saint-Michel des Montagnes tout entier devint propriété nationale, et fut bientôt vendu, à l'exception de l'île Saint-Michel qui demeura domaine de l'Etat, mais affranchi des rentes féagères et des privilèges des Oratoriens. Ceux-ci disparurent à leur tour,. emportés dans la tempête révolutionnaire qui s'attacha à faire promptement table rase des institutions religieuses et sociales cimentées par plusieurs siècles, pour en fonder de nouvelles.

Et, pour parler une dernière fois des Pères de l'Oratoire du collège de Nantes, remarquons que l'un d'eux, un des derniers prieurs de Saint-Michel, devint l'une des célébrités révolutionnaires. Ce fut le père Fouché, celui-là même qui, foulant aux pieds sa dignité sacerdotale et sacrifiant tout à son ambition, se fit, à travers les ruines sanglantes de la vieille monarchie française, un chemin au pouvoir et aux premiers honneurs, pour prendre place successivement, à côté de deux trônes si différents l'un de l'autre, avec le titre de ministre et de duc d'Otrante.

Mais l'histoire a eu son tour, et d'un seul mot elle s'est terriblement vengée : celui de Traître.....  

 

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XIV. — Le Lazaret.

A la Révolution, l'île Saint-Michel, devenue propriété nationale, fut mise à la disposition du ministère de la marine. Cette administration y plaça un gardien pour veiller à la conservation des édifices existants ; mais à aucune époque des guerres de la République et de l'Empire, elle ne s'est occupée de donner à cette île une destination militaire ou d'y former un établissement. Il ne fut même pas touché aux fortifications de la partie méridionale, créées à l'époque de la guerre de sept ans. On se contenta d'y dresser quelques batteries de canons ; mais dans aucune circonstance on n'eut à s'en servir, et aucun détachement militaire ou de milice garde-cotes n'y a stationné.  

Cependant l'administration de la marine avait reconnu à l'île Saint-Michel un genre d'utilité précieux pour le service sanitaire des bâtiments de la flotte. Plusieurs fois, sous la république et sous l'empire, les équipages des bâtiments de guerre atteints du scorbut ou de la dysenterie y furent soignés. Ces équipages y campaient sous la tente, et ceux des malades qui succombèrent furent inhumés dans l'île. Mais l'Etat ne fit aucune dépense d'installation pour cet objet, et bientôt, d'ailleurs, Saint-Michel fut abandonné pour l'ancien couvent de Sainte-Catherine, que nous connaissons déjà, où de vastes bâtiments permirent d'y traiter, sans grands frais d'installation, les maladies et les affections contagieuses.

L'idée d'utiliser l'île Saint-Michel pour le traitement des épidémies était-elle due aux administrations qui eurent les premières à en faire l'application ? Ne remontait-elle pas plutôt à une époque déjà éloignée ?  Les occupations accidentelles dont nous venons de parler pouvant être considérées comme l'origine du Lazaret de Saint-Michel, recherchons-en les causes premières.

Dans notre opinion, on a dû jeter les yeux sur l'île Saint-Michel dés l'année 1771, pour y former un rempart contre les épidémies ; en voici les motifs :

En 1757, l'escadre commandée par l'amiral Dubois de la Motte, revenant d'Amérique, importa dans les hôpitaux et dans la ville de Brest le germe d'une terrible maladie, qui répandit bientôt ses ravages dans toute la Bretagne, à la suite des marins congédiés. Lorient, prévenu tardivement, ne sut pas fermer ses portes aux hommes provenant de cette malheureuse escadre ; et, du mois de janvier au mois de juillet 1758, cette ville et ses environs virent doubler le chiffre ordinaire des décès (Note : Voici la marche de l'épidémie à Lorient : décembre 1757, 40 décès ; 56 en janvier 1758 ; 63 en février ; 69 en mars ; 70 en avril ; 63 en mai ; 54 en juin, et 41 en juillet.  La ville avait affermé une maison à Kerfontaniou, où elle établit un hôpital pour les malades de l'épidémie).

A la fin de l'année 1771, l'Intendant de Bretagne d'un côté, et la ville de Marseille de l'autre, donnèrent simultanément avis à Lorient des ravages de la peste en Pologne et sur les côtes de la mer Baltique.

A cette nouvelle, Lorient et le Port-Louis, déjà éprouvés en 1758, nommèrent une commission dont les membres se réunirent à la citadelle de Port-Louis, sous la présidence de son commandant. Cette commission arrêta les mesures qui lui semblèrent nécessaires pour préserver le pays du redoutable fléau, et rédigea un règlement sanitaire.  Ces mesures, ce règlement fuirent immédiatement déclarés exécutoires par les autorités ; un bureau sanitaire permanent fut installé à Port-Louis, avec des agents à Lorient et sur divers points du littoral, et l'on arma des chaloupes qui ne cessèrent de croiser dans les eaux de Groix, depuis le mois de novembre 1771 jusqu'au mois de septembre 1772, aux frais des deux villes, Lorient y contribuant pour les cinq sixièmes. Enfin, on exerça la plus active et la plus rigoureuse surveillance sur tous les navires qui provenaient du nord.  Le règlement sanitaire qui fut adopté par la commission dont nous venons de parler, daté du 13 octobre 1771, nous est inconnu, mais il paraît avoir été observé à Lorient jusqu'en 1821, et nous croyons qu'il affecta spécialement l'île Saint-Michel au traitement des équipages malades et à l'inhumation des hommes qui y succomberaient ; voici ce qui nous le fait supposer.

Au mois de février 1818, c'est-à-dire sous l'empire de ce règlement sanitaire local du 13 octobre 1771, la gabarre La Bretonne, provenant de la station des Antilles, arrivait à Lorient avec un équipage atteint de la fièvre jaune. Ce navire est mis en quarantaine , et pour plus de précaution on transborde son équipage sur le brick l'Argus mouillé dans la baie de Kerzo. Un malade étant venu à mourir, l'agence sanitaire de Lorient, consultée sur les dispositions à prendre pour l'inhumation de cet homme, fit cette réponse évidemment empruntée au règlement de 1771.

« Le bureau sanitaire reçoit l'avis du décès de l'un des malades de la gabarre La Bretonne, en quarantaine sur l'Argus, et jugeant que la cause de cette mort est suffisamment démontrée par les rapports de l'officier de santé Bienvenu, déclare que les dispositions prescrites par le premier paragraphe de l'article 21, titre 3 du règlement sanitaire peuvent être exécutées sur le champ. Elles consistent à faire sur l'île saint Michel, dans le lieu ordinaire, une fosse et à y envoyer de la chaux vive, ce qui s'exécute ordinairement par les soins de M. le directeur. des travaux maritimes ; à prévenir le bord que cet ouvrage est terminé et qu'il peut transporter le cadavre, le faire déposer dans la fosse par les hommes du bord, recouvrir de chaux et ensuite de terre, etc.....».

Mais quelle que soit l'origine de ces mesures sanitaires en ce qui concerne Saint-Michel, toujours est-il que, dès le commencement de la Restauration, nous voyons la municipalité de Lorient, et les conseils d'arrondissement et de département solliciter de l'Administration l'affectation définitive de cette île au traitement des épidémies ; et que dans toutes les circonstances, et avant qu'aucune décision ne fût adoptée à cet égard par le gouvernement, les autorités lorientaises eurent recours à Saint-Michel pour parer aux éventualités des quarantaines.

Ainsi, dans une séance du 26 février 1818, il fut question des mesures extraordinaires à prendre pour garantir le pays de l'épidémie importée par la bagarre La Bretonne, le bureau sanitaire de Lorient déclara que « le moyen le plus efficace à employer était de déposer les malades sur le local le plus spacieux de l'île Saint-Michel, et de les y faire soigner par un officier de santé, soit celui du bord, ce qui serait préférable, ou tout autre envoyé de Lorient. Dans ce cas, l'île arborerait le pavillon jaune, et il y faudrait une garde pour empêcher toute communication ..... »

Les malades de la Bretonne furent en effet débarqués sur Saint-Michel, mais seulement le 13 mars suivant ; et à partir de ce moment, on suivit le même système pour tous les navires de provenance des Antilles, pendant la durée de d'épidémie dans cet archipel. Enfin, lorsqu'en 1821, la fièvre jaune étant venue s'abattre sur l'Espagne, il fallut au gouvernement français prendre des mesures extraordinaires de prudence contre l'invasion du fléau, les délibérations et les sollicitations des conseils municipaux, d'arrondissement et de département concernant Saint-Michel devenant alors de circonstance, la création immédiate d'un Lazaret provisoire sur cette île fut décidée, en attendant la formation d'un établissement définitif. Nous devons dire cependant que le gouvernement avait déjà prêté l'oreille précédemment aux sollicitations de la ville de Lorient, et qu'en 1817, M. Lamblardie, directeur des travaux maritimes à Lorient, fut chargé de faire des études à ce sujet ; mais, soit que ces études ne fussent pas favorables aux projets de l'administration lorientaise, soit pour d'autres motifs que nous ignorons, les choses n'avaient eu aucune suite.

Voilà donc un lazaret provisoire obtenu et un lazaret définitif en perspective. Assistons de plus près à cette transformation de l'île Saint-Michel ; pour cela, nous allons être obligé d'entrer dans des détails un peu longs peut-être, mais qui ne seront pas dénués d'intérêt, nous l'espérons.

L'épidémie de fièvre jaune qui ravagea l'Espagne en 1821 eut donc pour effet de ramener l'attention du gouvernement vers les projets d'établissement sanitaire présentés à différentes reprises par la ville de Lorient et un moment ébauchés en 1817. Après avoir établi au pied des Pyrénées le fameux cordon sanitaire, le gouvernement décida que les bâtiments qui auraient séjourné ou relâché dans un port étranger suspect de contagion, ne pourraient être admis dans aucun des ports français sur l'Océan, autre que celui de Lorient, et pour faciliter le service des quarantaines, il ordonna l'organisation à Lorient d'un comité conservateur de la santé publique, dont l'action s'étendrait de la rive droite de la Vilaine à la rivière de Quimperlé, et, nous le répétons, la création sur l'île Saint-Michel d'un lazaret provisoire.

Le 5 novembre 1821, la marine ayant fait remise de cette île aux mains du sous-préfet de Lorient représentant le ministre de l'intérieur, on y construisit à la hâte des baraques en bois. Le lendemain, et les jours suivants, le conseil de salubrité, organisé sous la présidence de M. Audren de Kerdrel, maire de Lorient depuis quelques mois seulement, dressa un règlement pour le service du lazaret et celui des quarantaines, et organisa le personnel des divers agents (Séances des 6 et 13 novembre 1821).

Les récentes décisions du gouvernement concernant Saint-Michel furent accueillies avec reconnaissance par le maire et les hommes éclairés de Lorient ; mais, dans la masse de la population de cette ville, elles rencontrèrent un sentiment opposé. S'alarmant à l'idée d'avoir à ses portes un dangereux foyer de contagion, la population lorientaise manifesta hautement ses craintes à cet égard. Il y avait nécessité de détruire au plus tôt ces inquiétudes, qui d'ailleurs pouvaient être semées ou grossies par un malveillant esprit de parti ; M. de Kerdrel convoque une assemblée extraordinaire, composée des membres du conseil municipal, de ceux du conseil de salubrité et de tous les médecins et officiers de santé, tant de la ville que de la marine et de la garnison, et provoque une discussion scientifique et pratique sur les inconvénients qui pourraient résulter du voisinage d'un lazaret sur l'île Saint-Michel. Après avoir recueilli les opinions d'hommes compétents qui comptaient parmi eux le médecin de la marine Foullioy, le conseil municipal déclara que le lazaret devait être sans danger, et qu'il pouvait créer un avantage au point de vue commercial. Voici du reste le procès-verbal de cette intéressante délibération : 

« M. le Maire informe l'assemblée que des craintes ont été manifestées par les habitants de cette ville sur le voisinage d'un lazaret à l'île Saint-Michel, dès longtemps sollicite par les conseils d'arrondissement et de département, dont il communique les délibérations, et il a jugé convenable de prévenir l'opinion publique sur le plus ou le moins de convenance de cet établissement, en réunissant le conseil municipal dont il a cru devoir réclamer l'opinion, en lui adjoignant MM. les médecins de la marine, ceux des corps de la garnison de terre et MM. les médecins de la ville, qu'il remercie d'avoir bien voulu déférer à son appel, et il les invite à exposer et discuter les inconvénients, s'ils en trouvent, au placement d'un lazaret à l'île Saint-Michel. Les honorables praticiens présents, après avoir controversé et mûrement discuté plusieurs opinions émises, ayant à la majorité résolu par la négative la question élémentaire : Est-il ci craindre que la contagion se propage de l'île Saint-Michel à Lorient ? Le conseil municipal, dans la confiance que le lazaret en projet sera ordonné avec toutes les appartenances et dépendances qui puissent le rendre efficacement à sa destination ; que les règlements sanitaires seront exécutés dans toute leur extension ; qu'il pourra être prescrit des précautions supplémentaires que pourraient commander la passe resserrée, passage continuel, souvent obligé, la proximité de quelques habitations, et d'autres circonstances de la localité. Est d'avis que le placement d'un lazaret sur l'île Saint-Michel, est sans inconvénient ; qu'au point de vue des intérêts commerciaux il peut être très avantageux, et prie M le préfet du département, dont la bienveillance pour notre ville a sollicité pour elle cet établissement, de vouloir bien continuer ses démarches pour le lui faire obtenir » (Séance du 29 novembre 1821).

Après cette déclaration, pour ainsi dire solennelle, les craintes populaires s'évanouirent, et pendant que l'installation du lazaret provisoire s'achève, M. de Lussault, architecte de la ville et du département, dresse les plans et les devis d'un lazaret définitif. 

De son côté, le conseil de salubrité récemment organisé, prenant ses fonctions à coeur, les exerce avec la plus grande fermeté ; mais il faut reconnaître que la population tout entière facilita l'exécution des règlements sanitaires, et qu'il lui arriva, dans certaines circonstances, de pousser à ce sujet ses scrupules assez loin. Ainsi, plusieurs individus s'étant emparé, sur la côte de Gâvre, des débris de la coque d'une péniche naufragée, furent saisis par la population, déposés d'abord au fort de Kerzo, puis au lazaret de Saint-Michel. Un pauvre diable de la commune de Ploemeur, ayant ramassé sur le rivage de la mer et transporté dans sa demeure un mouton crevé, est dénoncé, saisi au nom du conseil de salubrité et déposé également au lazaret de Saint-Michel. Aux yeux d'une population épouvantée par les nouvelles des ravages de la fièvre jaune en Espagne, ce malencontreux mouton provenait peut-être directement de ce pays (Décembre 1821). 

Dès les premiers mois de 1822, le lazaret provisoire fut en état de recevoir les équipages des navires de guerre et de ceux du commerce. Mais les baraques ne purent suffire au logement des équipages un peu nombreux, et les hommes valides eurent l'obligation, comme par le passé, de loger sous des tentes, ce qui occasionnait quelque désordre et presque toujours des difficultés ; en voici un exemple :

Au mois d'avril 1822, le brick de guerre Le Silène, commandant Maurice, arrive des Antilles avec des hommes atteints de la fièvre jaune. Officiers et soldas sont immédiatement placés sur l'île Saint-Michel pour purger leur quarantaine. Mais Saint-Michel n'ayant encore ni commandant, ni poste militaire, ni service de surveillance organisé, il était à craindre que des hommes du Silène, trompant la surveillance de leurs officiers, ne trouvassent le moyen de communiquer avec la terre : du coup, les terreurs populaires, que l'on venait de détruire avec tant de peine, n'allaient pas manquer de renaître, et, par suite, la question du lazaret définitif se voyait menacée d'avortement. M. de Kerdrel ne se dissimula pas le danger de la situation, mais il parvint à l'éviter par son énergique activité.

Aussitôt, la décision du conseil de salubrité qui plaçait le brick Le Silène en quarantaine de quinze jours, M. de Kerdrel s'adressa au commandant de la marine, M. le contre-amiral baron de Molini, pour le prier de faire surveiller l'île Saint Michel au moyen d'embarcations armées, et d'établir, dans le même but, un poste militaire à la Perrière-à-Colin, dans un magasin appartenant à la marine. Deux jours se passent, pas de réponse de cet officier-général ; ce ne fut qu'après une seconde demande que M. de Kerdrel en reçut un refus formel.  Sans perdre de temps, il s'adresse au commandant de place. Mais, cette fois, craignant des hésitations, des lenteurs irrémédiables, M. de Kerdrel ne sollicite plus, il requiert au nom du roi.

A M. le baron de Moriès, lieutenant de roi à Lorient. « DE PAR LE ROI, Vu la loi sanitaire du 3 mars 1822 ; l'article 44 du règlement pour la police des quarantaines au port de Lorient, approuvé par Son Exc. le ministre de l'intérieur, le 30 octobre dernier ; la délibération du conseil de salubrité publique du 15 de ce mois, relative au brick Le Silène, mis en quarantaine, provisoire de quinze jours sur l'isle Saint-Michel ......... Considérant qu'il est urgent d'appeler, un poste militaire pour la surveillance de l'équipage de ce bâtiment et pour empêcher l'introduction de la contagion sur le territoire français ; Nous, Maire de la ville de Lorient, Chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, président du conseil de salubrité publique, requérons M. le baron de Moriès, lieutenant de roi à Lorient, de mettre à notre disposition, pour demain à huit heures du matin, un sergent, un caporal et huit fusiliers du 24ème régiment de ligne, en garnison dans cette ville, à l'effet d'être employés à la surveillance continuelle de l'équipage du brick de Sa Majesté, Le Silène, placé en quarantaine provisoire de quinze jours sur l'isle Saint-Michel, et pour empêcher toute communication avec la terre, soit de la part des hommes, soit de tout objet. M. le lieutenant de roi est invité à nous faire connaître l'exécution de ce qui est par nous requis au nom de Sa Majesté » (17 avril 1822). 

Le baron de Moriès mit à la disposition de M. de Kerdrel le poste militaire demandé ; il fut installé à la Perrière au jour et à l'heure fixés ; l'administration des douanes permit à ses embarcations, de surveiller les abords de Saint-Michel, et, dans la suite, les mêmes précautions furent prises dans toutes les circonstances semblables à celles du brick Le Silène. Cette surveillance devint au reste plus facile par la nomination et l'installation d'un capitaine du lazaret, de gardes sanitaires, gardiens et employés nécessaires à ce service : ce qui eut lieu an mois de mai suivant.

Toute cette organisation du lazaret provisoire ne détournait pas M. de Kerdrel de la question plus importante d'un établissement permanent.  Ici encore, il donne l'exemple d'une persévérante activité. Il se heurte sans relâche contre les hésitations ou les lenteurs de l'administration supérieure. M. de Lussault s'était mis à l'oeuvre, et, dès le mois de février 1822, ses plans du lazaret avaient été adressés au ministère ; on n'en attendait plus que l'approbation, lorsqu'en renvoyant le travail de cet architecte, au mois d'avril suivant, le ministre, par ses observations, sembla vouloir mettre toute l'affaire en question ; c'est du moins ce qui paraît résulter du procès-verbal ci-après d'une séance du conseil de salubrité.

« L'an mil huit cent vingt-deux, le quatre mai, le conseil de salubrité publique s'est réuni sous la présidence de M. le chevalier Audren de Kerdrel, maire de la ville de Lorient, par suite de convocation extraordinaire en date de ce jour. La séance ayant été ouverte, M. le président a communiqué au conseil copie d'une dépêche de Son Exc. le ministre de l'intérieur, en date du 24 avril 1822, qui lui a été adressée directement, le 2 de ce mois, par M. le préfet du Morbihan, et concernant diverses observations, tant sur le projet de lazaret définitif à établir dans la rade de Lorient que sur l'emplacement et l'étendue à donner à cet établissement. M. le président a provoqué toute l'attention du conseil sur les dispositions de la lettre de Son Excellence, surtout en ce qui est relatif au service des quarantaines pour tout le temps qui doit précéder la construction d'un lazaret complet et définitif. 

La discussion ayant été ouverte sur tous les points de la dépêche ministérielle formant l'objet de la délibération, il a été reconnu :

1° En ce qui concerne les questions à résoudre sur l'étendue du lazaret définitif, le local qui doit y être affecté et enfin les objections préjudicielles qui paraissent élevées par les ministres de la guerre et de la marine, relativement au système définitif (de défense ?) de la rade de Lorient, il devenait indispensable de nommer une commission chargée de faire au conseil, après examen préalable, un rapport général présentant toutes les bases d'un établissement sanitaire définitif, approprié aux besoins du port de Lorient, calculé au maximum pour toutes les circonstances possibles, et en ayant égard aux dispositions arrêtées par le gouvernement pour placer d'autres lazarets dans certains ports de la Manche ou de l'Océan ;

2° Qu'en ce qui concerne le service provisoire actuel, le conseil croit devoir, en premier lieu, repousser fortement l'assertion contenue dans la dépêche ministérielle du 24 avril, et de laquelle il résulterait que l'établissement provisoire a suffi aux besoins éventuels, pendant l'année dernière, dans un temps de danger. Loin que ces besoins aient été satisfaits, des bâtiments, ayant des malades à bord, ont été obligés de faire toute leur quarantaine au mouillage, et n'ont pu recevoir les secours les plus efficaces dans leur situation. A une époque antérieure, des hommes malades d'un bâtiment venant des colonies avaient dû être mis à l'hospice de la ville, vu le défaut absolu de moyens pour les placer sur l'île Saint-Michel. Ces faits sont notoires. 

En principe, le gouvernement a reconnu la nécessité d'un lazaret pour le port de Lorient. Des constructions provisoires ont été autorisées pour assurer le service sanitaire en attendant un établisssement définitif, et les fonds qui y ont été employés l'auraient été en pure perte si ces constructions n'étaient pas achevées et accompagnées des accessoires indispensables pour la sûreté et la police d'un établissement de ce genre, qui devra servir au moins deux ans sur le pied actuel, puisqu'on ne peut se flatter de voir achever avant cette époque le lazaret définitif.

Il faut encore garnir les salles des fournitures nécessaires pour la réception et le séjour des malades. Enfin, le service sanitaire ne peut avoir une marche fixe et invariable ; et répondre à tous les besoins, qu'au moyen de l'organisation définitive du personnel qui doit en suivre tous les détails sous la surveillance du conseil de salubrité publique. 

Par tous ces motifs, le conseil arrête à l'unanimité qu'il sera incessamment écrit par son président à M. le préfet du Morbihan, en réponse à la dépêche du 2 de ce mois, pour le prier de réclamer de la manière la plus pressante, près de Son Exc. le ministre de l'Intérieur, que le conseil considère comme d'absolue nécessité et dont le rejet entraînerait la désorganisation complète du service sanitaire dans le port de Lorient, à une époque où l'on peut craindre cependant de voir renaître le fléau qui a désolé l'Espagne en 1821 :

1° Pour le personnel des quarantaines du lazaret, suivant état arrêté par M. le préfet, pour un an : 9272 f.

2° Construction et gréement d'un canot pour le service du conseil de salubrité, ci. : 800 f.

3° Pour clôtures indispensables à l'isolement de la chapelle et deux baraques destinées à recevoir les malades, ci. : 6000 f. 

4° Pour déblais et extraction de matériaux pour ces clôtures qui, d'après l'avis unanime des docteurs en médecine et des membres du conseil, ne peuvent être faites en bois, ci. : 2000 f.

5° Pour fournitures de trente lits, ameublement et ustensiles, ci. : 5000 f.

6° Fonds de réserve mis à la disposition de M. le préfet pour dépenses imprévues, ci. : 1000 f.

Total de la dépense à autoriser, ci. : 24072 f.

Le conseil croit devoir observer que la dépense relative au personnel, peut se réduire par le produit des droits perçus sur les bâtiments en quarantaine, suivant le tarif approuvé par le ministre (13 novembre 1821)....

Le conseil a nommé pour composer la commission d'examen du projet de lazaret définitif : MM. de Kerdrel, président ; Bonamy, directeur du port ; Foullioy, médecin de la marine ; Sévène, médecin de l'hospice ; Lestrohan, intendant de santé ; de la Villério, secrétaire du conseil. Fait et délibéré en séance à l'hôtel de ville. Signé : Le Goff, Foullioy, Sévène, Brohan, de la Villério, Lestrohan,  Kerdrel ».

La commission nommée le 4 mai s'occupa immédiatement de sa mission, et, le 9 du même mois, elle remettait au conseil de salubrité un très long rapport où les questions suivantes étaient résolues :

1° L'île Saint-Michel est-elle le seul point de la rade de Lorient qui puisse convenir pour l'établissement d'un lazaret définitif ?

2° Cet emplacement peut-il recevoir la quantité d'hommes et de marchandises que l'on peut présumer devoir y réunir dans tous les cas possibles ?

3° Pourra-t-on s'y procurer en quantité et qualité désirables les eaux nécessaires dans un pareil établissement ?

4° En admettant que l'île Saint-Michel soit le seul point convenable, la construction d'un lazaret renfermant la plus grande partie de sa surface est-elle incompatible avec le système défensif de la rade de Lorient, et doit-on craindre des réclamations pressantes à cet égard des ministres de la guerre et de la marine ;

5° Quel nombre de bâtiments peut se trouver à la fois en quarantaine dans la rade de Lorient, et à combien d'hommes peut-on évaluer le nombre de malades ou convalescents à admettre en même temps au lazaret ?

Toutes ces questions, qui. étaient faites par le ministre dans sa dépêche du 24 avril, furent résolues par la commission dans un sens favorable à Saint-Michel. Elle reconnut cependant que Penmané réunissait d'excellentes conditions et pouvait gêner moins que tout autre point le service de la rade. Mais il eût fallu pour cela obtenir la concession du fort et sa destruction pour établir le lazaret, et, dans l'opinion de la commission, c'était s'engager vis-à-vis de l'administration de la guerre dans d'interminables discussion, pour n'aboutir peut-être à aucune solution, ou qui retarderaient dans tous les cas, et pour un temps indéterminé, l'exécution de l'établissement permanent tant désiré.

Ce rapport de la commission fut adresse au ministre, et le conseil de salubrité en attendit l'effet. Dans l'intervalle, il parvint à s'entendre avec l'administration de la marine. Celle-ci demandait à conserver le terrain de la partie méridionale de l'île où étaient les ouvrages de fortifications ; elle demandait en outre à pouvoir occuper l'île entièrement, à première réquisition et chaque fois que les mesures de défense l'exigeraient. Le conseil consentit à tout, ne fit aucune objection, laissant à l'administration de la guerre le soin de débattre avec la marine le droit d'initiative dans toutes les mesures relatives à la défense du territoire français.

Nous ne mentionnerons que pour mémoire les tribulations d'un autre genre qui assaillirent le conseil de salubrité, ou pour parler plus exactement, le maire de Lorient, qui en était l'âme. Un jour, l'administration du département fait la remarque que la dépense du personnel du lazaret est trop élevée, et qu'il fallait arriver à balancer le chiffre de la dépense avec celui des recettes : ce qui était peu raisonnable, car, si les recettes s'arrondissent en temps d'épidémie, elles deviennent à peu près nulles en temps ordinaire ; autant valait-il dire de licencier tout le personnel, une fois le dernier malade sorti de quarantaine. Un autre jour, c'est le personnel du lazaret qu'il faut diminuer, ou ce sont ses appointements qu'il faut réduire. Ce traitement même n'est payé que très irrégulièrement, quelquefois cinq ou six mois après échéance. Arrivons à l'affaire principale. 

Une fois parvenu à s'entendre avec l'administration de la marine, le conseil de salubrité pouvait espérer la réalisation de ses voeux. Aussi, après approbation des plans de l'architecte de Lussault, dont les devis s'élevaient à une somme de 276,386 fr., y compris un mobilier de 30,000 fr., parut enfin, le 2 juillet 1823, une ordonnance portant création du lazaret de Saint-Michel.

Faute d'argent, ce ne fut cependant qu'à la fin de l'année suivante que l'on put commencer l'exécution des plans de M. de Lussault. Dans l'intervalle, une ordonnance du 7 juillet 1824 fixa le siége d'une intendance sanitaire à Lorient ; puis divers arrêtés ministériels et préfectoraux nommèrent les membres de cette intendance (Note : Le ministre nomma membres de l'intendance sanitaire de Lorient : MM. Sévène, médecin en chef de l'hospice civil ; Le Goff, chirurgien en chef du même hospice ; Bourdon , président du tribunal de commerce ; de la Villério, propriétaire ; Le Puitlon de Villéun, chef de bataillon en retraite ; Ducouédic, propriétaire ; Foullioy, médecin de la marine ; Le Boucher, capitaine de vaisseau. Le maire de Lorient était de droit président de celte intendance. Le 22 octobre 1824, M. le docteur-médecin Lestrohan, intendant de la santé publique sous l'organisation précédente, fut nommé par le préfet du Morbihan médecin de l'intendance sanitaire, avec l'obligation d'aller reconnaître l'état de toutes les provenances par mer aux mouillages de Groix, Larmor, Port-Louis, Kerzo et Keraman).

Cette transformation du conseil de salubrité publique en intendance sanitaire ne toucha pas au personnel du service de santé proprement dit, affecté au service du lazaret et des quarantaines, ni à celui des agents employés dans cet établissement (Note : Ce personnel comprenait un capitaine de lazaret aux appointements de 1,500 fr., un gardien de Saint-Michel, à 600 fr. ; huit gardes de santé à 300 fr. l'un ; un patron de canot à 36 fr. par mois ; quatre canotiers à 30 fr. par mois. Le médecin de l'intendance recevait des appointements de 2,000 fr. par an). 

Les travaux commencés à la fin de 1824, nous le répétons ; n'empêchèrent pas le service habituel des quarantaines dans le lazaret provisoire. La première fois que le cas s'en présenta, on suspendit les travaux et on congédia les ouvriers ; mais ensuite, à la demande des ouvriers et de l'entrepreneur eux-mêmes, il n'y eut pas d'interruption dans les travaux, chacun se soumettant, comme les malades, aux règles de la quarantaine, qui assujétissaient à la surveillance sanitaire toute personne communiquant avec l'île Saint-Michel pendant que le pavillon jaune y était arboré. Cette sujétion donna lien à M. de Kerdrel d'écrire la lettre suivante à MM. les recteurs de Lorient et de Kerentrech, auxquels il demandait un prêtre, ne sachant de laquelle des deux paroisses dépendait l'île Saint-Michel : « Monsieur, j'ai l'honneur de vous prévenir qu'un certain nombre de malades, dont plusieurs sont en danger de mort prochaine, viennent d'être déposés au lazaret, et que l'ecclésiastique qui consentirait à aller leur porter les secours de la religion y serait logé et nourri convenablement mais qu'il serait assujéti à la quarantaine..... » (21 juillet 1827).

Puisque nous en sommes à l'administration des secours religieux aux malades du lazaret, nous ferons remarquer que, si cet établissement n'était pas encore pourvu d'un aumônier, ce n'était pas faute de l'avoir demandé à l'administration. Le traitement de cet ecclésiastique figurait, chaque année, au projet, de budget dressé par le président de l'intendance ; mais, chaque année, cet article de dépense était retranché et donnait lieu, de la part du préfet, à une observation de cette nature : « Attendre que la chapelle soit achevée ; — attendre que le logement de l'aumônier soit prêt ». Le budget de l'année 1830 lui étant encore revenu avec une semblable observation, M. de Kerdrel, perdant patience, ne craignit pas d'adresser au comte de Chazelles ces paroles énergiques : « ......... Quoique l'époque prochaine de la remise du lazaret et de la chapelle à l'intendance permette d'espérer que cet ajournement ne dépassera pas le 1er mai 1830, l'intendance souhaite que cet emploi (celui d'aumônier) soit rempli pour le 1er janvier prochain..... Faudra-t-il, comme cela est arrivé plusieurs fois, voir des infortunés succomber sans que les secours et les consolations de la religion viennent adoucir l'horreur de leurs derniers moments, et cela pour attendre l'achèvement d'une chapelle qui pourrait être terminée depuis un an ?..... » (27 octobre 1829). 

Mais l'administration, insensible à ces accents de noble indignation, répéta comme devant : « Attendez l'achèvement du lazaret, etc. »

Enfin, après bien des suspensions de travaux, bien des tracas, bien des soucis, l'entrepreneur du lazaret remit les clefs de cet établissement aux mains du sous-préfet de Lorient, le 4 mai 1830, et, le 8 mai suivant, ce fonctionnaire en mit en possession l'intendance sanitaire. 

Restaient encore les meubles et les ustensiles. « Nous sommes bien en possession da lazaret, écrivait M. de Kerdrel à M. le sous-préfet de Lorient, mais jusqu'à présent il ne présente qu'un corps sans âme, étant entièrement dénué de tous moyens de pourvoir aux premières nécessités des malades. Il est donc indispensable d'éveiller à ce sujet la sollicitude de M. le préfet comte de Chazelles ». (31 juillet 1830).

C'est une des dernières lettres administratives de M. de Kerdrel. Il l'écrivit au milieu même de la tempête où sombra la monarchie qui eut toutes ses affections. Pour lui, ancien officier de marine, il resta encore debout à son poste, s'occupant avec la même sollicitude des intérêts de ses concitoyens jusqu'au moment où le contre-coup de la chute d'une antique dynastie le fit sombrer à son tour, pour subir, hélas ! un des plus tristes, un des plus honteux effets des dissensions politiques : l'ingratitude et l'oubli..... (Note : M. Casimir-Eugène Audren de Kerdrel naquit à Lesneven en 1784. Officier de marine au port de Lorient, il épousa, en 1808, une demoiselle Esnoul-Deschatelets, fille du troisième et dernier maire de Lorient sous l'ancien régime. Il était démissionnaire de son grade de lieutenant de vaisseau, en 1815, lorsque M. de Monistrol, maire, le fit entrer au conseil municipal. Par ordonnance royale du 21 mai 1817, il Fut nommé adjoint au maire de la commune de Lorient, pour la section de Kerentrech : M. de Kerdrel habitait Saint-Uhel, propriété appartenant à sa femme. M. de Kerdrel devint maire de Lorient en 1821, en remplacement de M. de Monistrol qui venait d'être nommé conseiller de préfecture du Morbihan. Les évènements de 1830 l'obligèrent à résigner ses fonctions municipales ; il rentra dans la vie privée qu'il ne quitta plus, et mourut, en 1834 (?), à Saint-Uhel. M de Kerdrel suivit l'exemple de M. de Monistrol, son prédécesseur, et celui de M. Deschatelets son beau-père, en se dévouant aux intérêts de la ville de Lorient. Sous son administration, Lorient vit créer ou achever, commencer ou projeter l'église paroissiale, le collège, la prison, les halles, l'abattoir ; le monument de Clisson, le cours Chazelles, etc. Si on veut remarquer que, dans les quinze ou seize années de fonctions de maire de M. Deschatelets, on créa la promenade la Bôve (1776), celle des quais (1783), la salle de spectacle (1777), la première fontaine publique (1778), l'éclairage de la ville (1783), le cimetière extérieur (1785) ; que l'on commença la construction des quais et des édifices du port marchand (1778) ; que l'on étudia les projets les plus importants, tels que ceux d'une Bourse de commerce (1783), d'une caserne (1780), de halles, d'abattoir ou tuerie (1788), et d'un pont sur le Scorff (1783), on conviendra que la ville de Lorient se trouve remplie de souvenirs de l'administration du beau-père et du gendre, MM. Esnoul-Deschatelets et de Kerdrel. M. Vincent-Paul-Marie-Casimir Audren de Kerdrel, ancien représentant du peuple aux assemblées constituante et législative sous la dernière république, fils de l'ancien maire de Lorient, s'est fait un nom dans la politique, dans la presse et la littérature. Il est né à Saint-Uhel en 1815, et a habité cette propriété de famille).

Mais passons. Après la révolution de 1830, qui renouvela complètement toutes les administrations, l'ameublement du lazaret risquait fort de rester dans l'oubli, lorsqu'un évènement imprévu se chargea d'y pourvoir. Pendant l'automne de l'année 1830, le choléra désolait le nord de l'Europe. Le ministre de l'intérieur, par dépêche du 26 novembre, éveilla l'attention de l'intendance sanitaire de Lorient sur l'apparition de l'épidémie, et lui recommanda la plus grande surveillance sur les bâtiments qui arriveraient du nord. L'intendance saisit celte occasion pour rappeler au ministre les besoins du lazaret, en mobilier et, ustensiles, et demanda, en outre, pour compléter l'établissement, la construction de bâtiments de sérénage. Tout fut accordé sans difficulté. Les bâtiments de sérénage furent construits en 1831 ; ce sont ceux que l'on voit au nord de l'île, rangés sur un même alignement.

Le lazaret de Saint-Michel était alors complet : né pour ainsi dire de la fièvre jaune d'Amérique, il dut son achèvement au choléra asiatique. 

Chose singulière, à partir de ce moment, le lazaret diminue d'intérêt ; il semble perdre chaque jour d'utilité. Les quarantaines, assez fréquentes depuis 1818, deviennent de plus en plus rares à partir de 1830, et il arrive fréquemment que des années entières se passent sans que la solitude de ce vaste établissement soit troublée. Dès lors, on s'habitua peu à peu à considérer cette oeuvre, fondée à grands frais, comme pouvant être d'une utilité contestable, et on arriva insensiblement à regretter et l'argent dépensé et le terrain employé. C'est qu'il en est des établissements sanitaires comme des remparts qui protégent les villes. En temps de paix, le citadin répète sur tous les tons : « A quoi bon ces portes et ces ponts-levis ? Pourquoi ces remparts, ces glacis incultes ? on étouffe en ville ; on n'est pas libre, c'est du terrain perdu ! ». Et lorsque plusieurs années s'écoulent sans épidémies, écoutez les populations des ports de mer, écoutez les équipages des navires qui arrivent de faire campagne : « Pourquoi, demandent ils, ces lazarets, cette prudence excessive des règlements sanitaires ! c'est de la tyrannie !.... ». Hélas ! l'homme est ainsi fait ; en pleine santé, il oublie la maladie, il néglige volontiers toute prudence, et c'est à peine s'il salue son médecin. 

Eh bien ! il faut le reconnaître, peu à peu le gouvernement s'est laissé aller à des raisonnements de cette nature. Les épidémies étrangères n'étant plus venues de temps à autre réveiller sa prudence, il a diminué successivement le nombre des agents de la plupart des lazarets de la Manche et de l'Océan. Puis vint le moment où ces lazarets mêmes furent supprimés. 

Le 10 février 1850, sous le ministère de l'agriculture et du commerce de M. Dumas, le Président de la république promulgua le décret suivant : « Sont supprimés, pour être unis au domaine de l'Etat, avec les mobiliers qui en dépendent : 1° Le lazaret de l'île Saint-Michel ; 2° Le lazaret du Boucaud, prés de Bayonne ;  3° Le lazaret du Hoc, prés du Hâvre ».

Lorient avait accueilli avec allégresse l'ordonnance du 2 juillet 1823 qui créa le lazaret de Saint-Michel ; il resta indifférent à la nouvelle du décret qui en ordonnait la suppression. Autre temps !....  

Le 1er mai 1851, l'intendance sanitaire de Lorient se vit supprimer à son tour, et vers 1860, l'emploi de médecin sanitaire est le dernier débris qui ait été conservé des diverses organisations de prévoyance qui s'étaient succédées à Lorient depuis 1771.

L'administration de la marine est rentrée en possession de l'île Saint-Michel ; ses vastes bâtiments servent ensuite de magasins de poudre et projectiles, protégés par de nombreux paratonnerres, qui n'existaient pas dans les plans de l'architecte de Lussault.  

M. Jégou

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