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VIE DE SAINT MAGLOIRE

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ESQUISSE DE LA VIE DE SAINT MAGLOIRE

Nous ne voulons pas étudier ici en détail l'existence et le rôle historique de saint Magloire, mais seulement en rappeler les principaux traits, d'après la Vie abrégée, imprimée par Mabillon et par les Bollandistes, afin de mieux faire comprendre les nouveaux faits, les nouvelles notions fournies à l'histoire par les textes (la plupart inédits) ci-dessus publiés sous le titre de Miracles de Saint-Magloire.

Magloire, d'après sa Vie latine, était cousin de saint Samson, donc probablement natif comme lui de la tribu des Démètes, dans le Sud-Ouest de la Cambrie ou pays de Galles actuel. Avait-il pour père Umbrafel, oncle paternel de saint Samson, et pour mère Affrel, tante maternelle du même, comme l'affirme sa légende ? Cela est moins certain, car la Vie de saint Samson, qui parle à plusieurs reprises (Voir Vit. S. Samsonis, n° 2 et 30, A. SS. O. S. B. Saec. I, p. 166, 173) d'Affrel, d'Umbrafel et de leurs enfants, ne nomme point saint Magloire ; ce qui peut faire soupçonner le biographe de ce dernier d'être allé chercher dans la Vie de saint Samson les noms de ces deux personnages pour en faire les père et mère de son héros, afin de rendre par là d'autant plus certaine et inattaquable la parenté de Magloire et de Samson. De plus, les trois fils d'Umbrafel, parfaitement anonymes dans la Vie de saint Samson, étaient tous les aînés de celui-ci ; Samson étant mort très vieux, il est difficile d'admettre que Magloire, s'il était vraiment son aîné, eût pu lui survivre aussi longtemps. Ce qui semble certain, c'est une parenté plus ou moins proche entre les deux saints, fortement attestée par la tradition. Notre but n'étant pas ici d'étudier au point de vue critique la légende de saint Magloire, nous n'insistons pas.

Saint Samson, sacré évêque dans l'île de Bretagne, éleva Magloire à l'office de diacre (Vit. S. Maglorii, édition Mabillon, n. 2). Quelques années après, tous deux passèrent sur le continent, où Samson fonda, gouverna le monastère-évêché de Dol (Ibid. n. 3), et mourut en désignant Magloire pour son successeur (n. 4). Celui-ci n'exerça pas longtemps les fonctions épiscopales ; un ange, c'est-à-dire une inspiration d'en haut, le détermina à quitter le monde pour se livrer aux pratiques d'une vie plus austère et plus parfaite (n. 5, 6, 7).

Il se retira dans un domaine écarté que lui avait donné le roi Judual [Note : « In quadam terra, quam aliquando rex Judgualus in augmentum episcopatus sui dederat » (Bibliothèque Nationale, ms. lat. 5283. f. 168). L'édition de Mabillon (p. 224) et celle des Bollandistes portent Raddualus, faute évidente, qui ne se trouve dans aucun des manuscrits de la Bibliothèque Nationale contenant la Vie de saint Magloire. On vient de lire la version du ms. 5283 ; les ms. lat. 11951 et 14364, ont Juddualus ; 15436 porte Judigualus ; c'est toujours, avec quelques légères variantes, le nom de Judual. Je ne sais d'où vient la mauvaise leçon qui a prévalu dans les imprimés], mais auparavant il consacra comme évêque un saint homme appelé Budoc et lui remit le gouvernement de son troupeau (n. 8). Bientôt, la vénération publique venant le chercher et le troubler dans sa retraite, il songea à fuir plus loin encore et à abandonner son ancien diocèse ; mais Budoc lui fi un devoir d'y rester (n. 9, 10, 11).

Peu de temps après il guérit de la lèpre un comte, un riche chef breton appelé Loïescon (n. 12), qui possédait trois vastes domaines, trois îles de la Manche, une, entre autres, appelée Sargia, aujourd'hui l'île de Sark ou Serk, à peu de distance de Guernesei (Guernesey), dans l'Est, où il y avait alors la plus belle pêche, la plus belle chasse d'oiseaux de mer qu'on pût rêver (n. 13). En retour de sa guérison, Loïescon donna à Magloire la moitié de cette île et se réserva l'autre moitié. Dès lors, au dessus de la région réservée par le comte, pas un oiseau, dans les eaux qui baignent ses rivages, pas un poisson ; tous les poissons et tous les oiseaux émigrent dans la moitié attribuée au saint. Sur les instances de sa femme, Loïescon reprend pour lui cette dernière moitié et cède l'autre à Magloire : aussitôt, tous les oiseaux et tous les poissons de repasser dans celle-ci. Loïescon prit le parti de donner au saint l'île entière, alors tout rentra dans l'ordre (n. 14), et Magloire y établit un grand monastère où il résida jusqu'à sa mort (n. 15).

Outre ses vertus, ses austérités extraordinaires (n. 16, 17), il accomplit là plusieurs miracles.

A cinq lieues environ, dans l'ouest de Serk, l'île de Guernesey, qui semble avoir anciennement porté divers noms, entre autres, au VIème siècle, Bis-Sargia c'est-à-dire « Deux fois Sargia », cause de son étendue plus que double de celle de Serk, — Guernesey donc, ou Bis-Sargia, au temps de saint Magloire était tout entière en la possession d'un seigneur breton fort riche appelé Nivo, n'ayant d'autre enfant qu'une fille, belle mais muette, qui en raison de son mutisme ne trouvait pas d'époux : grand crèvecoeur pour les parents qui vinrent se jeter aux pieds de Magloire, le suppliant de rendre à leur fille par ses prières l'usage de sa langue. Le saint par humilité refusa longtemps ; par pitié pour les parents il céda, il pria ; la belle parla et se maria. Nivo voulut reconnaître cet immense bienfait en donnant le tiers de son île et de toute sa fortune au bienfaiteur, qui refusa (n. 29 et 30), niais resta en grande vénération dans l'île de Guernesey (Guernesei).

Comme il vécut toujours dans les îles, au milieu des gens de mer, on n'est point étonné que ses miracles aient pour la plupart un caractère maritime.

Il ressuscite un pêcheur, qui s'est noyé en mer (n. 18). Un autre, qui avait perdu à la pêche non la vie mais seulement son couteau tombé dans les flots par accident, le retrouve le lendemain, grâce à Magloire, dans le ventre d'un poisson (n. 20).

Comme la pêche était l'une des grandes ressources de la communauté de Serk, Dieu mit dans ces parages un certain poisson pour être le guide et le régulateur des pêcheurs de l'abbaye. Tant que ne paraissait pas dans leurs eaux ce poisson reconnaissable à sa queue taillée d'une façon spéciale, ils pouvaient continuer leur pêche avec la certitude qu'elle serait abondante. Dès que se montrait sur les flots la queue mal taillée, il n'y avait plus qu'à rentrer au port, on était sûr de ne plus rien prendre, et d'ailleurs la provision du monastère était assurée (n. 19).

Enfin il y a la curieuse histoire des petits moines (parvuli monachi) de l'île de Serk (n. 21 à 28), qui tend à démontrer que saint Magloire, dans l'école jointe à son monastère — comme à presque tous les monastères bretons, — instruisait ses écoliers, non pas seulement dans les sciences divines et humaines, mais un peu aussi dans l'art de la navigation.

En ce temps là, sévissait, en Bretagne-Armorique une cruelle famine [Note : « Britannia, olim fertilis regio, dirae famis acerbitate, negantibus sulcis semina sibi credita reddere, vehementissime cœpit urgeri » (A. SS. O. S. B Saec. I, p. 228), cf. Gregor. Turon. Hist. Franc. lib. VII, cap. 45]. Comme Grégoire de Tours mentionne en 585 un fléau de ce genre qui désola la plus grande partie de la Gaule, ou rattache d'ordinaire la famine de la Vie de saint Magloire à cette date. L'île de Serk était, nous l'avons dit, riche de pêche et de chasse, bien cultivée par ses moines, qui avaient ailleurs encore d'autres domaines, dont ils entassaient prévoyamment les produits dans leurs greniers d'abondance. Serk d'abord souffrit donc peu de la famine ; des bords voisins on y vint chercher un refuge contre le fléau (n. 21). Bientôt l'affluence des réfugiés épuisa les ressources des moines ; l'intendant et le doyen (œconomus et decanus) vinrent signaler le péril à Magloire, lui exposant la nécessité de renvoyer les étrangers et de disperser la communauté en laissant seulement au monastère le vénérable abbé et quelques anciens, auxquels on réserverait le reste des provisions et qui attendraient là, avec la fin du fléau, le retour de leurs frères (n. 22).

Magloire repoussa ce parti ; sa charité voulut jusqu'au bout prodiguer aux réfugiés le pain du monastère, sa foi intrépide comptant sur la Providence pour le renouveler (n. 23).

Après un dîner qui avait mis à peu près à sec les greniers de l'abbaye, les écoliers obtiennent de Magloire la permission d'aller au bord de la mer étudier et répéter leurs leçons sans crainte de troubler soit la sieste soit la méditation des pères et des autres personnes graves qu'abritait alors le monastère. Charmés, ils descendent au Creux, qui était, qui est encore le petit port de Serk (n. 24). Là ils trouvent un vieux navire depuis longtemps hors d'usage, qui avait été remonté sur les galets au-dessus de l'atteinte de la marée. Ils y entrent, ils y jouent, courant d'un bout à l'autre, imitant les manoeuvres des marins. Pendant leurs jeux, sans qu'ils y prennent garde, la mer monte rapidement ; c'était une des plus hautes marées de l'année ; une lame énorme, sans doute poussée par le vent, envahit la grève, soulève le vieux navire et en se retirant l'entraîne au large avec tous ses passagers.

Quelle terreur pour ces pauvres enfants ! Affolés ils se jettent à genoux, ils invoquent le secours de leur père Magloire, ils l'invoquent avec une foi si ardente qu'ils croient le voir au milieu d'eux au gouvernail, dirigeant le navire avec sa houlette pastorale, les excitant à le seconder de leur mieux. Ils y mettent tout leur zèle, toutes leurs forces, tout ce qu'ils ont pu acquérir de pratique maritime dans la fréquentation des pêcheurs de l'abbaye. Dieu et saint Magloire les secondent, et bientôt ils arrivent sans encombre à la côte du continent, en face de Serk, c'est-à-dire au rivage du Cotentin, vers la baie du Rosel, probablement (n. 25).

La famine ne se faisait plus sentir en ce pays, qui était riche, qui avait pu, par le commerce, tirer des secours d'autres régions plus favorisées. Quand les habitants de cette côte découvrirent au loin cette nef, ils crurent d'abord que c'était un navire marchand. Venu plus près, on n'y vit ni mâts ni voiles, et pour tout équipage des enfants ; on cria au miracle, la foule s'assembla sur le rivage pour voir ce prodige. Les enfants racontèrent leur histoire. On alla prévenir non le roi, comme dit la Vie latine, car le roi Clotaire II avait deux ans, — mais le représentant du pouvoir royal, le comte frank de la cité de Coutances (n. 26). Il connaissait, il vénérait le nom de Magloire. Dès qu'il apprit la détresse du saint et de son monastère, il n'eut autre idée que de le secourir. Il remplit le navire de grain et de farine, de draps, de vêtements, sans compter une bonne somme d'argent. Le navire ainsi lesté repartit avec les enfants et arriva heureusement à Serk trois jours (tertia luce) après son départ inopiné (n. 27). Le chargement était tel qu'on envoya pour l'enlever six paires de boeufs ; et encore y eut-il en route — en raison du poids — des accidents (n. 28).

Peu de temps après, comblé de jours et de mérites, mourut Magloire, non sans avoir été, même à deux reprises, averti de sa fin et de sa gloire prochaine par un messager céleste (n. 31, 32). Car nos légendes ne laissent guère mourir aucun de nos saints sans ce rite solennel — pourtant aussi superflu que possible. Car s'il y eut jamais des hommes que la mort ne pût ni émouvoir ni surprendre, c'était eux (extrait des notes d'Arthur de la Borderie).  

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