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NOTICE SUR LE TOMBEAU ET LES RELIQUES DE SAINT LUNAIRE

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Nous ne nous proposons ici ni de décrire l'antique et intéressante église romane de Saint-Lunaire, si poétiquement ombragée de grands arbres, au bord même de la mer, ni de raconter la vie aussi simple qu'édifiante du pieux évêque dont le nom est devenu celui de la paroisse qu'il évangélisa ; notre but est uniquement d'étudier en quelques mots le tombeau de ce saint, l'un des monuments les plus curieux de notre diocèse.

Né en Grande-Bretagne et sacré évêque en cette île, saint Lunaire (appelé parfois saint Léonore), émigra en Armorique et se bâtit un petit monastère au bord de la mer et au milieu d'une forêt, un peu à l'ouest de l'embouchure de la Rance, là même où l'on voit encore le bourg appelé longtemps Saint-Lunaire de Pontual et aujourd'hui simplement Saint-Lunaire. Ce fut entre les mains de ce saint prélat que les Bretons, fidèles à leur prince, confièrent l'enfant Judual, héritier de la couronne de Domnonée et poursuivi par Comorre le Maudit. Lorsque ce tyran découvrit la retraite de Judual, il vint réclamer sa proie ; mais saint Lunaire, prévenu à temps, avait pu faire évader le jeune prince, et, étendant le bras vers la mer, il montra du doigt, au loin, à l'odieux Gomorre, la barque qui emportait Judual vers les rivages hospitaliers du roi de France.

Ces faits se passèrent vers l'an 540 ; nous ne dirons rien de plus sur la vie de saint Lunaire, qui mourut dans son monastère sans paraître avoir jamais gouverné aucune église de Bretagne en qualité d'évêque [Note : C'est à tort que le P. Albert Le Grand place saint Lunaire parmi les évêques de Rennes ; il n'exerça en Armorique que les pouvoirs d'un évêque régionnaire, c'est-à-dire missionnaire].

Que devint ce monastère fondé par saint Lunaire ? Prospéra-t-il jusqu'à l'arrivée des Normands et fut-il détruit par ces barbares au IXème siècle ? L'histoire demeure muette à cet égard. Toujours est-il certain que le tombeau du saint évêque échappa aux vicissitudes des temps et parvint intact jusqu'à nous, honoré dans la vieille église paroissiale qui dut remplacer la primitive chapelle du monastère ruiné depuis des siècles.

A tous points de vue ce tombeau est fort curieux : il se compose d'une dalle de granit sur laquelle repose l'effigie du saint. Cette pierre sert de couvercle à un cercueil ou sarcophage de granit aussi, et creusé en forme d'auge.

La partie inférieure du cercueil ne repose pas sur la terre ; elle est soutenue à dix-huit pouces du sol par des espèces de cariatides qui semblent des débris de chapiteaux d'un caractère plus ancien que la statue tumulaire.

Quant à cette effigie, elle représente saint Lunaire revêtu du costume épiscopal ; ses mains sont croisées sur sa poitrine ; du bras droit il serre contre son cœur sa crosse pontificale dont le bâton s'enfonce dans la gueule d'un monstre écrasé sous les pieds du saint évêque ; sur sa poitrine, à droite, une colombe, aux ailes étendues, tient dans son bec un objet carré qui n'est autre chose qu'un autel portatif ou pierre sacrée, dont se servaient dans leurs voyages les evêques missionnaires des premiers siècles de l'Eglise. La tête de la statue est d'une belle exécution ; on peut en dire autant des détails du costume et des draperies. Toute cette statue, aussi bien que les fragments d'un dais à jour d'un gracieux dessin, destiné à abriter la tête du prélat, accuse par son style le commencement du XIVème siècle et révèle un artiste de talent (M. Paul de la Bigne-Villeneuve. Mél. d'hist. et d'arch. bretonnes, II, 142).

Voilà donc trois parties bien distinctes dans ce tombeau ; d'abord le cercueil primitif où fut déposé le corps saint ; — puis les supports sculptés sur lesquels il fut placé, quand probablement on le leva de terre ; — et enfin la statue dont on couronna plus tard le monument funèbre.

Au point de vue archéologique le cercueil de saint Lunaire est extrêmement intéressant. Suivant M. Mowat, savant très versé dans l'épigraphie ancienne, cette auge de granit serait un véritable sarcophage gallo-romain, destiné primitivement a un personnage nommé Sévère dont on aperçoit encore le nom SEVER... gravé sur le couvercle, puis employé au VIème siècle par les compagnons de saint Lunaire pour renfermer le corps de leur saint évêque (Bull. de la Soc. archéol. de l'Ille-et-Vilaine, IX, 56).

La légende de S. Lunaire nous explique les attributs qui accompagnent sa statue : le monstre écrasé par le pieux prélat, c'est l'idolatrie qu'il chassa du pays de Pontual en y fondant son monastère. Quant à l'autel portatif que tient une colombe, la légende dit qu'en abordant en Armorique S. Lunaire aperçut des colombes qui lui apportaient son autel tombé à la mer pendant la traversée [Note : Hinc ad portum veniens vidit columbas altare suum, quod in mari mersum fuerat, deportantes (Blancs Manteaux XXXVIII, 631)]. Or cet autel — ce qu'on appelle aujourd'hui une pierre sacrée — était encore précieusement conservée dans l'église de St-Lunaire au siècle dernier, comme nous allons le voir à l'instant.

Le 7 juin 1742, en effet, Mgr de Fogasses de La Bastie, évêque de St Malo, vint transférer lui-même les restes de S. Lunaire de vieux reliquaires dans des reliquaires neufs : on présenta tout d'abord au prélat « le chef de S. Lunaire enchâssé en une belle et grosse tête d'argent » ; puis « deux autres reliquaires neufs fort propres » dans lesquels on déposa : « un ossement de jambe tout entier, un d'une cuisse, un autre d'un bras, qui ne sont pas absolument entiers mais très considérables, une épaule, deux nœuds d'eschine entiers, deux costes presque à leur long, quantité d'autres petits ossements où il y a de la soie rouge à plusieurs, sa croix, son autel portatif, son peigne attaché avec de la soie rouge et plusieurs morceaux de ses ornements ». Mgr de La Bastie ordonna que toutes ces saintes reliques continuassent d'être exposées à la vénération des fidèles « ainsi qu'ils l'ont été de tout temps immémorial » (Archiv. dép., fonds de St-Malo, 34).

Vingt et un ans plus tard, Guillaume Thébault, recteur de Saint-Lunaire, opéra quelques changements dans son église : il y fit exhausser, avec la permission du Sr de Pontual, la chapelle de Pontual qui se trouvait au sud du transept, mais plus basse de deux pieds que le reste de l'église [Note : Les Sgrs de Pontbriand avaient leur chapelle dans l'église de Saint-Lunaire au nord, là où se trouvent encore leurs beaux tombeaux arqués ; les Sgrs de Pontual avaient au sud la leur ornée également de tombeaux avec effigies]. Profitant de cette occasion le bon recteur demanda à Mgr l'Evêque de St-Malo la permission de transférer « plus près de ladite chapelle de Pontual » le tombeau de S. Lunaire placé « au milieu du chœur, élevé d'environ trois pieds et très gênant pour la célébration des offices ». Il sollicita, en même temps, que la fête de la Translation du corps de S. Lunaire, fixée au 14 octobre et peu solennisée, fût célébrée désormais le quatrième dimanche d'octobre avec grande solennité, exposition du St-Sacrement et indulgence des Quarante-heures. Mgr de La Bastie chargea M. Lossieux, recteur de Pleurtuit, d'examiner l'opportunité des demandes faites par le recteur de St-Lunaire et en reçut une réponse favorable datée du 20 juin 1763.

En faisant cette translation du tombeau de S. Lunaire du milieu du chœur, où il était, à l'angle méridional de l'intertransept, où il est encore maintenant, on ouvrit avec respect le vieux cercueil en présence des recteurs de Pleurtuit et de Saint-Lunaire et d'une grande affluence de peuple, et l'on dressa le procès-verbal suivant daté du 25 juin 1763 :

« Nous, André Lossieux, recteur de Pleurtuit, et Guillaume Thébault, recteur de St-Lunaire, certifions avoir trouvé ledit tombeau (de S. Lunaire) rempli de sable et couvert par une pièce de bois de chêne qui nous a paru très antique, et avons trouvé dans ledit sable une mâchoire ou mollière inférieure du costé gauche, naturelle, avec tous les emplacements des dents, intègre dans la forme, mais tronquée de son autre costé presque de la moitié ; de plus, avons trouvé une coste entière du costé droit, un morceau considérable d'une autre coste long d'environ trois pouces, un autre morceau d'ossement long d'environ un pouce, trois autres esquilles d'ossements qui paraissent fragments des costes et enfin trois petits articles qui nous ont paru des mains ou des pieds. Telles sont les reliques que nous avons trouvées dans ledit tombeau, ayant remué et examiné le sable qui les enveloppait, et après notre examen exactement fait, avons remis les différentes parties ci-dessus mentionnées dans ledit tombeau, enveloppées dans un double papier au milieu du sable qui remplit la pierre sépulchrale et avons fait replacer au dessus la couverture de bois et la pierre de taille supérieure qui fait le couronnement dudit tombeau ». Signé : And. Lossieux, Recteur de Pleurtuit, — Guil. Thébault, Recteur de Saint-Lunaire, — Rochefort, curé de Saint-Lunaire, — Jean Gérard. (Archives dép., fonds de Saint-Malo, 34).

Les iconolastres impies de 1793 ont-ils profané ces reliques de S. Lunaire en ouvrant son tombeau ? Nous l'ignorons. Si ce tombeau a échappé à leur rage, il doit nécessairement contenir encore les ossements qu'on y replaça pieusement il n'y a guères qu'un siècle. Quant au chef du Saint et aux deux autres reliquaires ils ont malheureusement disparu, et l'on n'honore plus en l'église de Saint-Lunaire qu'une phalange d'un doigt que l'église de Saint-Lormel a bien voulu partager avec elle.

Tels sont les souvenirs qui se rattachent au tombeau et aux reliques de Saint Lunaire ; on ne les évoque point sans émotion quand sous les vieilles voûtes de son église du XIème siècle on contemple sa belle effigie ; quand on retrouve encore sa fontaine à quelques pas de là ; et quand du cimetière, l'œil plongeant au loin sur les flots, on entend la grande voix des vagues qui vient mourir au seuil du sanctuaire.

(abbé Guillotin de Corson).

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