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CAHIER DE DOLÉANCES DE SAINT-JEAN-DE-BÉRÉ EN 1789

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Cette paroisse de SAINT-JEAN-DE-BÉRÉ s'étend sur toute la ville de Châteaubriant, et toutes les indications que nous avons fournies dans la notice placée en tête du cahier de cette ville de Châteaubriant lui sont communes avec elle.

PROCÈS-VERBAL (voir la note 1 qui suit). — Assemblée électorale, le 31 mars 1789, sous la présidence de Me Nicolas-Charles Bernard du Treil (voir la note 2 qui suit), avocat et sénéchal de la baronnie de Châteaubriant ; adjoint, Jean-François Lorette, notaire, en l'absence du greffier ordinaire de la paroisse. — Convocation notifiée le 29 mars. — Comparants (voir la note 3 qui suit) : Poulain de la Furtière ; Lorette ; Lejeune ; Besnier ; Joseph Augeard ; Margat ; Derouet ; Lambert ; Giffard ; Francois Yvon ; Laumaillé ; Fresnais de Lévin, ancien maire ; Dubois ; Barbarin ; Garaux ; Cathelinays de la Mostière ; Guérin le jeune ; David ; P. Guiet ; Gauthier ; Monnier ; Yvon ; Delourmel, trésorier en charge ; Perrault, trésorier en charge « tous délibérants, anciens marguilliers » ; Le Normand ; Guibourg de la Rouxelière ; Thuillier de la Coquerie ; Delourmel de la Picardière ; Rebillard ; Méaulle ; Bernard de la Molière ; Bernard de la Bernardaye ; Jamain ; [Charles] Miard, garde du prince de Condé (4) ; Augeard ; C. Jallot ; René Moride ; Charier ; Beaumont ; Delaunay ; de la Ferrière, docteur médecin et médecin des épidémies ; Pohier ; Galicier ; Pierre Yvon ; F. Peuriot ; Guichard ; Jacques Lefeuvre, maître menuisier ; Maillery ; Samson ; Victorien Drouet l’aîné ; Yvon ; Maussion ; Louis Geslin ; André ; Dermaillé ; Jean Robert ; Léon Cambrelin ; Guyon ; Drugeon ; Cosnard ; Augeard ; L. Pellicot ; Jean Thomerye ; Pierre Anger ; François Collet ; Monnier ; Poirier ; Dorange ; Pierre Cocault ; Poulain ; P. Gourdon, meunier au faubourg de la Torche (18 ; 2 domesques, 3) ; Louis Vaillant ; Martin Thomerye ; Hamon ; Baguet ; Bouesel ; Richard ; Alexandre Garaud ; Balu ; Mathieu Juhel ; Bouesseau ; Chaplays ; Courtois ; Besnier ; Charé ; Clouet; Fournier ; Peigné ; Paul Gallot ; Guibert, Cabaret ; Guibert ; Salmon ; Gautron ; Menet ; L. David ; Bremon ; Louard, maire de Châteaubriant ; Bruneau de Saint-Méen ; La Noë, huissier-audiencier de la baronnie (5) ; De la Chénelière Ernoul ; Jean Hurel, en son bien (5) ; Julien Moisdon ; Jean-Louis Saget ; Haurière ; Etienne Derval ; René Derenne ; F. Pitrault ; Massicot ; Pierre Lasne. — Députés : Fresnais de Lévin ; Méaulle.

Note 1 : Ce procès-verbal est transcrit au registre des délibérations du général de Saint-Jean-de-Béré (Arch. commun. de Châteaubriant, GG 36. fol. 59) ; il reproduit la formule imprimée qui a été apportée à l'assemblée de la sénéchaussée par les députés du dit général.

Note 2 : Fils de Jean-Louis Bernard dit Treil, lieutenant de la maîtrise des eaux et forêts de Châteaubriant, et d'Anne de Girard de Châteauvieux, elle-même fille et sœur de juges de la baronnie de Vitré (Voy. R. KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. XVI. p. 137 ; FRAIN DE LA GAULAYRIE, Tableaux généalogiques, t. I, pp. 9 et 61 ; PARIS-JALLOBERT, Anciers registre paroissaux de Bretagne, Vitré, pp. 277-278), Nicolas-Charles Bernard du Treil épousa Marie Defermon des Chapelières, sœur du député de la sénéchaussée aux Etats Généraux. Né en 1746, il était sénéchal de Châteaubriant en 1780 ; il devint sous-préfet de la même ville en 1800, fut élu député à la Chambre royaliste de 1814 et fut anobli par Louis XVIII (Voy. KERVILLER, op. cit., t. III, p. 17).

Note 3 : Nous imprimons en italique les noms des électeurs qui ont également comparu dans l’une des deux assemblées de la ville de Châteaubriant.

 

[Cahier de doléances de la paroisse de Saint-Jean-de-Béré].

Les soussignés habitants, propriétaires et bientenants de la paroisse de Saint-Jean-de-Béré de Châteaubriant, tous imposés au même rôle de capitation, sensibles à la sollicitude vraiment paternelle de leur Roi, saisissent avec empressement et avec la plus vive reconnaissance l'occasion favorable de faire parvenir leurs plaintes à Sa Majesté et de solliciter de sa bonté des remèdes efficaces aux maux trop réels qu'ils souffrent et dont leurs ancêtres ont trop longtemps été les victimes.

Ils exposent :

ARTICLE PREMIER. — Corvée. — Que la corvée, qui les assujettit à l'entretien et à la réparation des grandes routes qui serpentent à travers leurs campagnes et qui laissent presque toujours à côté les possessions nobles, est injuste, contraire à la liberté et à l'égalité civile, puisque jusqu'à présent les seuls laboureurs ont été affligés de ce fléau, puisque ces grandes routes ont été tracées principalement pour la facilité du commerce, pour la communication des villes entre elles, pour la commodité des grands et des riches, puisqu'elles ont souvent été détournées pour servir d'avenues aux châteaux des seigneurs.

Pourquoi ils demandent que cette corvée soit totalement supprimée et qu'il soit fait, par chacun an, un fonds suffisant pour frayer aux travaux nécessaires à l'entretien des grande routes, dont l'imposition sera principalement répartie sur les villes à raison de leur commerce.

ART 2. — Milice. — Les milices et levées des troupes provinciales sont dispendieuses et dangereuses. L'on paye le commissaire, le chirurgien et les cavaliers de maréchaussée qui l'accompagnent. Les laboureurs sont presque toujours obligés de se déplacer, afin de se rendre au lieu indiqué pour le tirage ; ils perdent au moins une journée de leur charrue, ils s'arrêtent, boivent et font des dépenses au cabaret ; ils y rencontrent les garçons d'une autre paroisse qui, comme eux, sont venus contre leur gré subir le sort ; de ces rencontres, de ces assises résultent des querelles très graves ; il n'est pas rare de voir des homicides. Enfin les soldats provinciaux ne font plus aucun service.

Pourquoi ils demandent la suppression des milices et l'abolition des levées de troupes provinciales, comme inutiles, comme tendantes à rebuter et décourager le laboureur, et devenues injustes par la multitude des exemptions.

ART. 3. — Ennoblissements. — Les ennoblissements à prix d'argent énervent l'ordre du Tiers, tournent au détriment du peuple ; ils ne sont propres, par leur exemple, qu'à corrompre la pureté de la nation et à imposer au plébéien du mépris ou au moins du dégoût pour le Tiers Etat dont il est membre.

Pourquoi ils demandent l'abolition des ennoblissements à prix d'argent, sous quelque prétexte que ce soit (voir la note qui suit).

Note : Voy. la délibération du général de la paroisse de Saint-Jean-de-Béré, du 14 décembre 1788.

ART. 4. — Justices seigneuriales. — Le nombre presque infini des justices des seigneurs de village, la multiplicité des degrés de juridictions dévorent les habitants des campagnes et les propriétaires de biens fonds.

Il n'est pas rare de voir plaider en la baronnie de Châteaubriant en troisième et même en quatrième instance, et c'est encore à la charge de l'appel aux Présidiaux et au Parlement (voir la note qui suit).

Note : De la juridiction de la baronnie de Châteaubriant relevaient immédiatement 41 juridictions seigneuriales et, médiatement, 8 autres ; en ce qui concerne la paroisse de Saint-Jean-de-Béré, de la baronnie dépendaient les seigneuries de Bœuves, du Boisbriand et les prieurés de Béré et de Saint-Michel : voy la description de la baronnie de Châteaubriant, postérieure à 1776 (Arch. du musée Condé, F5).

Ces justices seigneuriales sont d'ailleurs dépourvues d'officier ; il n’y a du moins aucune concurrence, et les plaideurs sont dans la nécessité de jeter la défense de leurs intérêts dans des mains qui n'ont pas leur confiance. De cette nécessité résulte une espèce de despotisme que les officiers exercent sur les habitants de la campagne ; ceux-ci tremblent à la vue de l'écritoire, soit du procureur d'office, soit du greffier ; les juges ne résident point sur les lieux : c'est un avocat ou un procureur de Châteaubriant qui exerce les juridictions à trois, quatre et cinq lieues à la ronde. Les parties connaissent à peine leur juge, qu'ils ne voient que trois à quatre fois l'an ; elles ne savent à qui s'adresser ; rebutées, elles sacrifient et abandonnent leurs droits les plus légitimes.

Pourquoi ils demandent la suppression des justices et juridictions seigneuriales, et qu'il soit établi des barres royales dont l'arrondissement s'étendra de toutes parts à cinq, à six lieues tout au plus.

Qu'à l'avenir toute affaire contentieuse ne puisse être portée qu'en deux juridictions ; qu'elle soit instruite dans la première et jugée en dernier ressort et définitivement dans la seconde ; que tous les citoyens soient admis aux charges et fonctions de juge eu égard à leurs talents et probité, et qu'en événement que les justices seigneuriales ne fussent pas supprimées, les seigneurs soient obligés d'avoir des juges gradués et résidant dans le lieu où s'exerce la juridiction, lesquels juges, également que leurs procureurs fiscaux, ne seront pas révocables à volonté.

ART. 5. — Corvées. — Les corvées établies par la Coutume de Bretagne, étendues par la jurisprudence du Parlement, le droit de suite de moulin, de four et de pressoir banaux sont de vraies servitudes imposées par les seigneurs dans les temps qu'ils usurpèrent la puissance publique et les droits de l'autorité royale ; elles sont contraires à la liberté naturelle et civile ; ce sont des réserves barbares de l'anarchie féodale et des conditions trop dures à l'humanité.

Pourquoi ils demandent que les droits de suite de moulin, de banalité de four et de pressoir soient abolis et supprimés. Que les vassaux ne soient plus obligés d'aider et de concourir à rétablir et réparer les châteaux et moulins de leur seigneur.

Qu'en un mot toutes espèces de corvées et servitudes réelles et personnelles soient à jamais éteintes.

ART. 6. — Péages et droits de coutume. — Les péages, les droits de leude, coutume, havage, prévôté et autres de cette nature, perçus par différents seigneurs sur les bestiaux, denrées et marchandises amenées et étalées dans les foires et marchés des villes, bourgs et villages, sont autant d'impôts levés sur les sujets du Roi et qui n'ont d'autre fondement que l'usurpation des seigneurs sur les droits royaux, qui sont contraires à la facilité et à la liberté du commerce, et qui établissent une inquisition fâcheuse contre les marchands.

Pourquoi ils demandent l'abolition entière des dits droits, et que le Roi seul puisse à l'avenir percevoir des impositions sur les sujets de son royaume.

ART. 7. — Aveux. — Dans ce canton les demandes d'aveux occasionnent des procédures sans nombre. Les impunissements sont presque inévitables ; un seul mot, une construction, pour peu qu'elle soit embarrassée, en fournissent les motifs ; rien ne saurait échapper au génie fiscal.

Si le vassal communique ses titres au soutien de sa déclaration, il court les risques de les perdre ; son procureur ne lui en donne point de récépissé ; ce procureur, soumis à la volonté du seigneur, cède à ses sollicitations et donne les titres de son client sans aucune précaution ; l'affaire traîne en longueur, les partis meurent et les titres sont perdus ; que si le vassal s’en tiend à soutenir une possession quadragénaire, il est obligé d'en faire la preuve à ses frais, sans considération des contestations injustes qu'on lui a fait essuyer.

Pourquoi ils demandent qu'il ne puisse être formé aucune demande d'aveu qu'un mois après un avertissement donné au prône de la grand'messe de la paroisse où seront situés les héritages ; qu'en cette matière il ne soit alloué aux procureurs fiscaux aucuns droits de conseil, procure, décharge, taxe et autres ; que la preuve de la possession quadragénaire soit administrée aux frais du seigneur toutes les fois qu'il l'aura mal à propos contestée ; qu'il soit permis aux vassaux de compulser les titres qui se trouveront aux archives des seigneuries et d'en tirer des expéditions ; que la prescription [Note : Cette dernière phrase semble avoir été ajoutée après coup] pour mettre les aveux hors d'impunissernent soit diminuée et abrégée (voir la note qui suit).

Note : La description de la baronnie de Châteaubriant, rédigée entre 1776 et 1784, note le désordre des archives, mais compte sur M. de la Haye Jousselin pour le remettre en ordre, ce qui permettra de « repousser les prétentions et les usurpations continuelles des vassaux ». En ce qui concerne les aveux, notre document ajoute : « la prescription, qui s'acquiert par 30 ans, faute d'impunissement des aveux, demande la plus grande vigilance de la part des procureurs fiscaux, pour que le vassal ne s'inféode pas de droits qui ne lui appartiennent pas ; comment auraient-ils pu suivre cette partie avec exactitude jusqu'à présent puisqu’ils n'ont jamais eu jusqu'ici d'archiviste pour leur donner les renseignements et leur procurer les titres nécessaires ? » (Arch. du musée Condé, à Chantilly, F5). C’est peut-être à ce moment-là que le notaire Rebillard, qui comparaît à l'assemblée de l'hôtel de ville de Châteaubriant, a été nommé « garde des archives du prince de Condé ».

ART. 8. — Il est des seigneurs qui laissent accumuler leurs rentes féodales de trente années ; au bout de ce temps, ils en forment la demande en bloc ; les petits propriétaires se trouvent presque toujours hors d'état de satisfaire ; le fisc les poursuit avec vivacité ; ils passent par le feu des procédures, qui achèvent leur ruine.

Pourquoi ils demandent qu'il soit établi une prescription courte contre les arrérages des rentes féodales, ou au moins une diminution sur les dites rentes, qui deviendra toujours plus considérable en proportion du plus grand nombre des années arréragées.

ART. 9. — Solidité des rentes féodales. — Les rentes féodales sont presque partout solidaires ; leur répartition donne lieu à des fractions sans nombre. Pierre doit un soixante-quatrième de mesure d'avoine, un trente-deuxième de poule, un douzième de denier, etc. ; les vassaux, les paysans se perdent dans toutes ces fractions ; ils sont obligés de charger les officiers subalternes des seigneurs de la collecte des rentes ; ils payent toujours plus qu'ils ne doivent, ils se plaignent, ils se dévorent entre eux ; ils n'osent plus aujourd'hui demander d'égaux de fiefs (voir la note qui suit) en justice ; les droits de contrôle en sont énormes ; il ne reste plus aucune base certaine pour la perception des rentes solidaires.

Note : L’égail d'un fief est le rôle des redevances seigneuriales dues par les vassaux de ce fief.

Pourquoi ils demandent que la solidité en soit dissoute, chaque héritage étant suffisant pour répondre du fonds de la rente, et qu'il soit fait des rôles rentiers où chaque vassal soit porté pour son taux particulier ; lesquels rôles seront réformés tous les cinq ans, et dont lecture sera donnée publiquement avec les rôles des vingtièmes et capitation (voir la note qui suit).

Note : La description, déjà citée, de la baronnie de Châteaubriant contient les détails suivants sur la perception des rentes féodales : ces rentes « sont détaillées dans 36 rôles ; la réformation de ces rôles doit se faire tous les dix ans, aux termes de l'article 74 de la Coutume. Cette réformation se fait dans quelques endroits aux frais des sergents féodés, particuliers auxquels les seigneurs ont donné un fief, une métairie, une dîme ou d'autres parties de domaines, à charge de faire à perpétuité la collecte du rôle. La réformation des rôles se fait dans la plupart des autres endroits aux frais du seigneur ; c'est une opération qui coûte près de 10.000 l. tous les dix ans. Voici comment on y procède à l'échéance des dix années : le procureur fiscal requiert qu'il soit fixé jour et heure pour réformer le rôle et qu'il lui soit permis d'appeler les vassaux par des bannies faites pendant trois dimanches consécutifs dans la paroisse du fief ; les vassaux ne comparaissent presque jamais ; les juges copient servilement le rôle précédent et mettent au bas leur sentence, qui donne au rôle exécution parée et le rend exécutoire contre ceux qui y sont dénommés. — Il faut remarquer que l'on est obligé de former autant de rôles qu'il y a de bailliages, de tenues ou de masures dans chaque seigneurie ; dans plusieurs tenues, les vassaux sont solidaire et le seigneur a le droit de reporter le montant du rôle à celui qui lui semble le plus solvable ; les autres se lèvent par un sergent rentier..., qu'on désigne par sentence de juge…. » (Arch. du musée Condé, à Chantilly, F5).

ART. 10. — Rentes en grains. — La nature des avoines et leur appréciation a donné lieu à des procès immenses et interminables. Les seigneurs disputent fortement sur la valeur de l'avoine menue, et ils ont l'avantage de plaider devant d’autres seigneurs.

Toutes les rentes en grains sont d'ailleurs payées à la volonté des seigneurs ; dans une année de disette, ils les exigent en nature, ce qui met le comble à la calamité.

Pourquoi ils demandent que la valeur de l'avoine menue soit définitivement déterminée par un règlement général, que toutes rentes en grains soient fixées à prix d'argent ou du moins abonnées sur le pied des apprécis des dix années précédentes (voir la note qui suit).

Note : Dans la paroisse de Saint-Jean-de-Béré, la baronnie de Châteaubriant percevait surtout des rentes en grains ; ainsi le bailliage de la Galissonnière produisait 35 l. 4 d. monnaie et 3 l. 5 s tournois ; 16 boisseaux d'avoine grosse comble, mesure de Châteaubriant ; 92 boisseaux, 4 godets d'avoine menue, même mesure, la moitié comble et la moitié trocollée ; 3 boisseaux d'avoine grosse comble, mesure de Vioreau. D'autre part, le rôle de Rougé en Béré ne rapporte que 4 l. 18 s. 4 d. monnaie et une paire de gants blancs blancs (Etat des rentes de la baronnie de Châteaubriant, Archives du musée Condé, F1). En 1783, le rôle de Rougé produisit 6 l. 5 s. 11 d., et le rôle de la Galissonnière, 387 l. 8 s. 9 d. (Comptes de 1753, Ibid., F7). — D'ailleurs, d'après la description de la baronnie de Châteaubriant. déjà citée, on n'était pas bien d'accord sur la façon dont se mesurait le boisseau trocollé, « les uns prétendant que, lorsque le boisseau est rempli, on y passe le coude pour en faire sortir le plus de grain qu'il est possible, d'autres, qu'on se sert d'une règle que l'on passe par dessus la mesure en hachant pour en faire sortir le grain ; l'usage a porté la diminution du seizième du boisseau trocollé sur le boisseau comble. Le boisseau de Châteaubriant pèse 90 livres ou environ ; celui de Vioreau est d'un cinquième moins » (Ibid., F5). — Sur les difficultés auxquelles donna lieu la perception des rentes en avoine, voy. le cahier de doléances de Ruffigné.

ART, 11. — Communs. — Les seigneurs s'emparent indistinctement de tous les communs, landes, pâtis et gallois ; afféagent jusqu'aux rues et issues des villages ; les malheureux qui vivaient du produit d'une ou deux vaches, qui procuraient ainsi du lait et la subsistance à leurs enfants, sont privés de cette ressource par les clôtures qui se sont depuis peu trouvées sur les communs, et qui fournissaient un pacage à leur petit troupeau ; ils n'osent pas même se plaindre ; ils n'ont pas les facultés nécessaires pour soutenir un procès, ils gémissent et se livrent au désespoir.

Pourquoi ils demandent et sollicitent un règlement définitif, qui, sans égard aux clôtures élevées depuis les quarante années dernières, détermine et fixe la propriété des vassaux dans les landes et gallois d'après les termes des inféodations, et que toutes contestations qui pourraient naître sur l'exécution de ce règlement seront portées devant des juges royaux (voir la note qui suit).

Note : En 1744, la seigneurie de Châteaubriant afferma pour trois ans à Gilles André, ingénieur, moyennant 100 l. par an, les landes du parc de Druillay, les grandes landes d'Erbray, celles de la Garenne et des Basses-Landes en Saint-Jean-de-Béré (Archives du musée Condé, à Chantilly, F1). — La description de la baronnie de Châteaubriant, déjà citée, note qu'il y a eu dans la région un important mouvement de défrichements et que les officiers du prince de Condé ont afféagé beaucoup de terrains. Mais, ajoute-t-elle, le peu de soin que l'on a mis à choisir les afféagistes et « la clause insérée dans les actes du droit de terrage à la 12ème gerbe après neuf ans de culture » ont fait manquer le but qu'on s'était proposé : « les afféagistes se sont contentés d’enclore leurs terrains sans les mettre en valeur ». Les opérations d'afféagements ont été menées avec tant de négligence que certains terrains ont été afféagés à plusieurs personnes et qu'on a concédé des landes qui n'appartenaient pas réellement à la baronnie (Ibid., F5).

ART. 12. — Les gardes de chasse et des eaux et forêts des seigneurs portent le fusil par contravention aux ordonnances ; ils intimident les paysans et ne leur laissent aucune liberté de détruire les bêtes sauvages qui endommagent les moissons.

Pourquoi ils demandent une réformation à cet égard, et qu'il soit permis à tout citoyen et laboureur de tirer bêtes sauvages et autre gibier sur son terrain.

ART. 13. — Les pigeons de fuies, les lapins sont très préjudiciables aux laboureurs et rendent souvent nulle la culture de plusieurs pièces de terre.

Pourquoi ils demandent que le droit de fuie et de garenne soit aboli ; qu’il soit permis de détruie les pigeons et les lapins sur tout terrain (si ce n'est en parc et en maison clos), de quelque manière et par quelque moyen que ce soit.

ART. 14. — Etablissement du franc-alleu. — Tous les articulements faits dans les articles ci-dessus relativement aux seigneuries et aux officiers des seigneurs prouvent suffisamment les inconvénients de la féodalité.

Pourquoi ils demandent qu'il soit permis aux vassaux de franchir le fonds des rentes et des droits féodaux et que le franc-alleu soit établi en Bretagne (voir la note qui suit) ; que la Coutume de cette province soit réformée et que ses dispositions, faites dans un temps de barbarie et rédigées dans un style souvent inintelligible, soient rapprochées des mœurs actuelles et des temps présents.

Note : Après le vote de la loi du 15 mars 1791 sur le rachat des droits féodaux, les électeurs du district de Châteaubriant prostestèrent contre cette mesure : « le peuple, disaient-ils, s'attendait à être entièrement déchargé de ces tributs odieux et onéreux, plus que partout ailleurs dans le district de Châteaubriant, où ils excèdent de beaucoup les impositions que l'on paye au souverain », et ils arguaient de l'iniquité de ces droits pour demander leur suppression pure et simple. Voy le texte de cette protestation dans SAGNAC et CARON, Les comités des droits féodaux et de législation et l’abolition du régime seigneurial, pp. 286-289.

ART. 15. — Les endommagements de bestiaux donnent lieu à une multitude de procès, qui ruinent les paysans et les laboureurs; ces procès s'embarrassent presque toujours. L’instruction en est très dispendieuse; il faut d'abord une visite d'experts-jurés en justice pour constater et apprécier l’endommagement ; ensuite vient une enquête pour justifier que ce sont les bestiaux de Pierre ou Paul qui ont causé le dommage ; au bout de tout cela, un mémoire de dépens, qui porte souvent à deux ou trois cents livres ; la matière est pourtant légère et assez facile à décider ; il ne s'agit que de vérifier quelques faits.

Pourquoi ils demandent qu'il soit établi et nommé chacun an trois commissaires dans cette paroisse pour juger toutes les contestations relatives aux endommagements de bestiaux ; que l'assignation soit donnée verbalement devant eux, et qu'elle soit vérifiée par le témoignage de deux personnes qui auront vu et entendu la partie plaignante citer la partie défenderesse ; qu'il soit en conséquence rapporté acte de la dite assignation, comparution et déposition, et nommé sur le champ des experts pour descendre sur les lieux, y vérifier l'endommagement et y entendre les témoins que les parties y feront comparaître, et cela sans aucune dilation ni retardement ; que, sur le rapport des dits experts et la déposition des dits témoins, il soit statué sur le champ par les dits commissaires par un seul et même procès-verbal et jugement signé d'eux et des témoins et experts, même des parties présentes ; que le dit acte, rapporté sur papier libre, soit déposé aux archives de la paroisse, pour en être délivré des expéditions par le secrétaire du général ; qu'une expédition ainsi délivrée puisse être mise à exécution contre la partie condamnée par le ministère des huissiers, comme tous autres jugements.

Que les jugements et règlements des dits commissaires soient exécutés en dernier ressort et sans appel jusqu'à la somme de douze livres [Note : Les mots « douze livres » ont été ajoutés après coup, mais de la même écriture, dans un blanc disposé à cet effet].

Que les assignations soient toujours données devant les dits commissaires aux jours de dimanche seulement, à l'issue de la grand'messe.

ART. 16. — Table alphabétique des registres des paroisses. — Les paysans, dont la plus grande partie ne sait ni lire, ni écrire, sont incapables de tenir et de faire leur propre généalogie. Messieurs des villes refusent de les reconnaître pour parents.

Si ces paysans s'adressent aux prêtres ou ailleurs pour retirer, des extraits des registres publics de baptêmes, mariages et sépultures, ils sont presque toujours refusés, à raison de la difficulté des recherches et du travail.

La multitude des noms de baptême, noms recherchés et que les paysans ne peuvent retenir, jette encore beaucoup d'embarras et de confusion. Les paysans sont souvent inhumés sous des noms différents de ceux qu'ils avaient reçus à leur baptême ; pourvoi ils demandent qu'il soit fait défense de multiplier les noms de baptême.

Qu'il soit dressé une table alphabétique par noms propres de tous les registres des paroisses, le tout pour procurer et faciliter aux gens de campagne et autres les moyens de connaître leurs parents et d'obtenir mainlevée de leurs successions.

ART. 17. — Souvent les paysans et autres citoyens sont menacés de la prison par les nobles et les riches ; il n'est pas même sans exemple qu'ils aient été prisonniers et cela pour de simples fautes, pour des indiscrétions et autres choses semblables ; on leur dit que la Coutume le veut ains i; mais cette Coutume autorise un attentat à la liberté sans aucun motif raisonnable.

Pourquoi ils demandent que la liberté individuelle soit garantie, que nul ne puisse être emprisonné qu'en vertu d'un décret décerné par les juges, excepté dans les cas de flagrant délit et autres indiqués par les ordonnances.

ART. 18. — Il y a dans cette paroisse mille à douze cents pauvres ; le bénéfice du doyen-recteur vaut tout au plus quinze cents livres ; il est obligé d'avoir un vicaire ; à peine peut-il subvenir et faire face à toutes ces charges avec son patrimoine particulier ; à côté de son presbytère se trouve le prieuré de Saint-Sauveur de Béré, dont jouissent les Bénédictins de l'abbaye de Marmoutiers, sans s’acquitter des conditions de la fondation pour l’utilité des habitants suivant l’intention du fondateur.

Pourquoi ils demandent que le sort du doyen-recteur de cette paroisse soit amélioré par la réunion du dit prieuré à sa cure [Note : Les passages imprimés en italique sont empruntés aux Charges d’un bon citoyen de campagne] (voir la note qui suit).

Note : On a vu plus haut quelle était la condition du recteur de Béré, doyen de Châteaubriant. Le prieur de Saint-Sauveur de Béré possédait la totalité des dîmes sur le fief du prieuré, et, dans le reste de la paroisse, la totalité des dîmes et prémices des agneaux, des laines, lins et chanvres, et les deux tiers des grosses dîmes ; au prieuré appartenaient encore les métairies de la Grange, de la Rousselière et de la Goupillère, des rentes rapportant 56 boisseaux de seigle, 56 boisseaux d'avoine et 38 l. en argent, des droits de lods et ventes, le moulin à vent de Béré, un droit de foire déjà mentionné et divers fiefs (Arch. de la Loire-Inférieure, H 128-130, et série Q. Déclarations des biens ecclésiastiques, district de Châteaubriant). Le revenu total montait à 4.000 l. d'après le rôle des décimes (Ibid., série G), et à 6.000 l. d'après les déclarations de 1790 (Abbé GRÉGOIRE, Etat du diocèse de Nantes en 1790, p. 177).

ART. 19. — Demandent un règlement général de police pour les villes et campagnes, et que les officiers publies fournissent des comptes en charge et décharge des deniers dont ils auront eu la manutention ; en un mot, que tous receveurs d'octrois, impôts et deniers publics éclairent leur administration et que la dette nationale soit bien et dûment vérifiée.

ART. 20. — Les fermiers généraux des biens de campagne écrasent les colons et laboureurs ; ils posent dans les baux des clauses trop onéreuses aux sous-fermiers ; ces baux sont un tissu de véritables corvées, et l'on peut envisager ces fermiers généraux comme des acheteurs de procès (voir la note qui suit).

Note : Le bail des domaines de la maison de Condé en Bretagne avait été consenti pour neuf ans, le 18 décembre 1718, à un bourgeois de Paris, Joseph Lamoureux (Arch. Nat., R3 56) ; mais, depuis une vingtaine d'années, la baronnie de Châteaubriant était régie par un intendant général, qui affermait séparément chacun des biens qui n'étaient pas exploités directement (Arch. du musée Condé, passim).

De leur côté, les propriétaires n'afferment leurs biens qu'à moitié de tous fruits, grains, effouils de bestiaux [Note : Bénéfices tirés de la vente des bestiaux], etc., de sorte que le fermier de campagne est un malheureux journalier attaché à la glèbe, qui travaille pour autrui et qui n'ose se flatter de faire quelques profits privatifs.

Les fermiers généraux et les propriétaires attirent et accumulent tous les grains dans leurs magasins ; ils deviennent les maîtres des marchés. Bientôt les fermiers épuisés ne peuvent plus fournir et approvisionner les villes ; ils sont eux-mêmes obligés de revenir acheter le grain qu'ils ont cueilli et partagé avec ceux qu'ils appellent leurs maîtres ; ces derniers n'ouvrent leurs greniers qu’à peine et font monter les grains à des prix excessifs. Les fermiers et colons de campagne unissent leurs cris au peuple des villes et ne peuvent se procurer de pain qu’à force d’argent.

Porquoi ils demandent que les biens de campagne ne soient affermés qu'à prix d'argent.

Que les colons et laboureurs puissent se faire subroger dans les droits des fermiers généraux en les remboursant et en fournissant bonne et valable caution.

ART. 21. — Finalement, ils persistent dans le résultat des délibérations prises en l'hôtel de ville de Rennes, les 22, 25, 26 et 27 décembre 1788 ; ils adoptent au surplus tout ce qui pourra être fait et arrêté au même hôtel dans l'assemblée qui se tiendra le sept du mois d'avril 1789 et autres jours suivants au même hôtel de ville de Rennes et [Note : La fin du paragraphe a été ajoutée après coup en interligne] soumettent le tout à la décision de Sa Majesté et des Etats généraux.

Telles sont les plaintes et doléances des habitants de la paroisse de Saint-Jean-de-Béré-lès-Châteaubriant, présentées à l'assemblée générale qui s'est tenue ce jour trente et un mars 1789, et signées des habitants qui l'ont su faire.

[51 signatures, plus celle de Bernard du Treil].

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DÉLIBÉRATION DU GÉNÉRAL du 8 décembre 1788.
(Arch. commun. de Châteaubriant, GG 36, fol. 52).

[Les marguilliers déposent sur le bureau des extraits de plusieurs délibérations de paroisses] relatives aux intérêts de l'ordre du Tiers ; [le général applaudit] au zèle des généraux des dites paroisses et, pour concourir autant qu'il sera en lui à leurs bonnes vues, il a prié MM. le sénéchal [Bernard du Treil], le doyen [Bédard] et [Fressais de] Lévin de préparer un arrêt relatif aux circonstances présentes, et arrêté que pour cet effet convocation générale des principaux habitants, notables et laboureurs, sera faite pour cedit jour, à l'effet de prendre connaissance dudit arrêté.

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DÉLIBÉRATION DU GÉNÉRAL du 14 décembre 1788.
(Arch. commun. de Châteaubriant, GG 36, fol. 52 v° et suiv.).

A été dit qu'il est des abus si contraires à la prospérité générale de l'Etat que sans doute ils auront un terme ; le temps ne peut les avoir consacrés ; ils ne sont point imprescriptibles ; on ne peut prétendre le contraire et crier à l'innovation et à ses suites dangereuses ; on ne saurait les envisager telles, quand la réclamation qui en presse les heureux effets est dictée par l'opinion publique, cri général déjà porté au pied du trône du meilleur des Rois par un peuple qui connaît sa dignité et qui veut sortir de l'état déplorable où il était plongé depuis trop longtemps.

On touche enfin au moment d'une régénération salutaire à cette portion précieuse du peuple français, si longtemps méconnue, si longtemps avilie ; ce n'est point en vain que notre auguste prince a rapproché de sa personne les notables de son royaume, et en vain il n'aura pas puisé dans les lumières de tout son peuple, qu'il a désiré connaître, le vrai moyen d'opérer cette régénération ; nous devons l'attendre en bénissant d'avance le prince dont la sollicitude paternelle ne cesse d'être occupée du bonheur de la grande famille confiée à ses soins.

Déjà toutes les municipalités de cette province, un très grand nombre de généraux de paroisse, on pourrait dire les plus grandes villes du royaume et en général tous les corps et corporations qui tiennent à l'ordre du Tiers se sont empressés de manifester les vœux que la justice et l'humanité l'autorisent à former pour faire revivre entre les hommes, si on ne veut pas l'égalité, au moins une règle de proportion dans les charges publiques, dont le peuple porte seul le fardeau.

Qu'il est intéressant, ce peuple qui a fixé l'attention de l'illustre étranger, digne successeur de Sully dans ses immortels ouvrages, où il a montré ce que l'ordre du Tiers était et ce qu'il pouvait être !

C'est donc ici le moment de répondre aux vues que présente aujourd'hui une administration juste et bienfaisante, et l'assemblée du corps des habitants de cette paroisse, chef-lieu de l'une des plus hautes baronnies de Bretagne, doit concourir avec tous les corps qui tiennent à l'ordre du Tiers pour solliciter le redressement du régime sous lequel il se trouve opprimé ; nos dignes et respectables concitoyens, les laboureurs, dans un moment où le gouvernement daigne jeter sur cette portion si précieuse de l'humanité un œil d'intérêt et de commisération, ont tout lieu d'espérer d'être enfin entendus et soulagés.

Que l'homme puissant et riche fasse un retour sur lui-même et considère l'état d'oppression où est réduite cette classe d'hommes, la plus utile, parce que c'est dans l'ordre du Tiers Etat que l'on trouve des ressources dans tous les genres ; parce que c'est l'ordre du Tiers qui soutient l'Etat, parce que c'est lui qui nourrit et élève des sujets pour l'Etat, qui les forme et les instruit pour les besoins de l'Etat, qui l'enrichit par son commerce et son industrie ; parce que c'est le Tiers Etat qui forme les gros bataillons ; parce que c'est nos soldats, nos matelots, nos grenadiers qui versent des flots de sang courageusement pour le soutien de l’Etat.

Et si cette utilité dans l’ordre politique avait besoin d'autorité, qu'on lise ce qui se passa en 1593, lorsque le duc de Mayenne assembla à Paris de prétendus Etats généraux, où l'on proposa vainement d'abolir la loi salique : comme, entre les trois ordres, il n'y avait que celui de la noblesse qui fût dévoué au duc et qu'il y avait peu de noblesse considérable à cette assemblée, il proposa, pour fortifier son parti, d'ajouter deux nouveaux ordres aux trois ordres, savoir celui des seigneurs et celui des gens de robe et du Parlement, ce qui fut rejeté, et ces Etats furent cassés par arrêt du Parlement de Paris du 30 mai 1594. Qu'on lise ce qui se passa dans la tenue des Etats généraux de 1614 : on y voit l'ordre du Tiers arrêter le cours d'une doctrine pernicieuse qui s'était répandue, tendant à attaquer l'indépendance des Rois par rapport à leur temporel. L'ordre du Tiers Etat a donc montré et montre dans tous les temps son attachement inviolable aux principes constitutionnels de la France ; sa conduite et ses actes de dévouement sont des titres qui doivent lui assurer la protection de l'Etat et les redressements qu'il sollicite.

S'il fallait faire ici une comparaison d'utilité, serait-ce avec des hommes dont les privilèges n'ont aucun mérite primitif vis-à-vis de la patrie et dont l'existence porte même des coups irréparables à toutes les classes de la société ?

Ecoutons un homme d'Etat, qui fait aujourd'hui l'admiration de la France, sur les anoblissements à prix d'argent : « La politique, la saine raison, dit-il, s'élèvent également contre de pareilles institutions ; une source perpétuelle de nouveaux nobles dénature l'idée qu'on doit se faire de ces distinctions et l'accroissement du nombre de personnes qui jouissent d'exemptions dans le payement des impôts devient un véritable préjudice pour le reste de la nation » (voir la note qui suit).

Note : Ce passage est extrait du livre de NECKER. De l’administration des finances de la France. t. III (1784), chap. XIV. « Sur les charges qui donnent la noblesse », p. 147.

A Dieu ne plaise que notre intention soit d'assimiler cette classe avec ces hommes dont les vertus, les services et l'illustration feront toujours l'objet du respect et de la vénération des Français !

La raison pourrait-elle même supporter l'idée de confondre avec cette illustre et antique noblesse, avec les noms des chevaliers français, ceux du nombre effrayant d'anoblis qui ne doivent leurs privilèges qu'à l'argent, et serait-il possible que la vraie noblesse de Bretagne, que ses vrais intérêts, son illustration lui permissent de demeurer confondue avec ces hommes nouveaux et de refuser de voir ces noms inscrits avec ceux du corps entier de la nation au rôle de la capitation ?

L'impôt de la capitation est sans contredit le plus onéreux, le moins supportable, et par son énormité et par le mode de sa répartition, qui livre les citoyens à l'arbitraire ; mais ce n'est pas un prétexte pour la noblesse de se refuser à une répartition commune et générale sur le même rôle, avec le gros de la nation, comme dans les autres provinces ; c'est au contraire par la raison que le fardeau est pesant qu'il faut que tous contribuent à le partager.

Un des prétextes de la noblesse est de dire que la capitation est une imposition d'esclaves, dans laquelle les nobles ne peuvent être compris avec d'anciens serfs ; et serait-il possible d'imputer aux vues des rois de France d'avoir imposé des esclaves ? La liberté de leurs sujets est le premier et le plus bel apanage de leur couronne ; les Francs ont toujours été libres sous la seconde race. Les uns et les autres, quelle que fût leur naissance, avaient droit aux charges et gouvernements ; ils étaient employés à la guerre sous l'autorité du prince qui les gouvernait, « et la constitution du royaume de France, dit Matharel dans sa réponse au livre d'Hotman, Franco-Gallia (voir la note qui suit), est si excellente qu'elle n'a jamais exclu et n'exclura jamais les citoyens nés dans les plus bas étages des dignités les plus relevées, quand ils se seront rendus dignes de les posséder ».

Note : François Hotman (1524-1590), polémiste protestant, est l'auteur d'un ouvrage où il subordonne l'exercice du pouvoir royal à l'autorité du Parlement : Franco-Gallia seu Tractatus isagogicus de regimine regum Galliae et de jure successionis (Genève, 1573, in-8°). Cet ouvrage provoqua d'ardentes répliques ; celle d'Antoine Matharel, un des serviteurs de Catherine de Médicis (Ad Francisci Hotmanni Franco-Galliam Matharelli... responsio ; Paris. 1575, in-8°) semble avoir obtenu le plus de succès ; elle a été reproduite à la suite d'une édition de la Franco-Gallia parue à Francfort, en 1681. Voy. G. WEIL, Les théories sur le pouvoir royal en France pendant les guerres de religion (Paris, 1891 ; thèse de doctorat ès-lettres de Paris), pp. 108 et 190 ; Ariste VIGUIÉ, Les théories politiques libérales au XVIème siècle. Etude sur la Franco-Gallia de François Hotman (Paris, 1879).

Nos rois, pressés par les besoins de l'Etat, n'ont donc eu en vue, dans l'imposition de la capitation, que de demander des secours à leurs sujets, mais à des sujets libres et au nombre desquels on trouve inscrits sur les mêmes rôles les premiers personnages du royaume.

Notre province présente seule l'exemple de cette distinction singulière d'un rôle particulier. Ceux qui tiennent à cette distinction ont-ils pensé qu'ils n'ont ni rôles ni registres privés pour inscrire leur naissance, leur mariage et leur sépulture ? Leurs noms se trouvent donc mêlés et confondus aux différentes époques de leur existence avec des noms roturiers et immédiatement après des gens du plus bas étage. Tel est l'effet du hasard des naissances : les rois, les enfants des rois ont leurs premiers immatricules à leur vraie date, sans distinction, sur le même registre de leurs sujets.

Ces faits dispensent de toutes réflexions et présentent l'inutilité d'une distinction qui ne tend qu'à éloigner les hommes, au lieu de les rapprocher par un partage égal et sur le même rôle aux impositions.

Ne serait-il pas encore juste que les avantages de la société refluassent sur tous les membres qui la composent, par exemple que MM. les recteurs eussent quelque influence dans l'administration politique ? Ils seraient à lieu d'exposer les besoins des peuples, qu'ils gémissent souvent de ne pouvoir soulager. Cette influence ne pourrait être que très utile ; leur expérience, les connaissances acquises des détails et de la situation de leur troupeau donneraient des lumières intéressantes dans les assemblées, tant des Etats généraux que de ceux de la province. Enfin l'ordre du Tiers devrait-il être réduit à solliciter le partage égal de toutes les places fructueuses et productives qui appartiennent à cette société dont il est la partie la plus essentielle, et ce partage n'est-il pas même de droit naturel ?

En un mot, qu'on pèse et qu'on examine l'état présent des choses, on voit tous les avantages en faveur des deux premiers ordres de l'Etat ; c'est eux qui jouissent sans nulle réserve des bénéfices lucratifs, des privilèges et des honneurs. Que reste-t-il pour l'ordre du Tiers, pour cette classe de citoyens sans laquelle le plus bel empire du monde ne serait rien ? Elle n'a pour récompense de ses travaux qu'une cumulation de charges. Mais le Dauphiné, qui vient de faire preuve de la plus noble énergie, cette province servira de modèle à nos redressements ; la noblesse s'y est montrée véritablement noble en renonçant à ses privilèges oppressifs, en provoquant elle-même le vœu des dix-neuf vingtièmes d'une grande nation.

Le général, notables, habitants et laboureurs de cette paroisse, délibérant sur les objets ci-dessus, ont déclaré adhérer, comme de fait ils adhèrent unanimement, aux délibérations des paroisses et municipalités de la province qui ont arrêté de demander :

1-3. — §§ 1 - 3 de la Délibération des Procureurs au Présidial de Rennes du 15 novembre.

4. — Que, pour prévenir tout inconvénient dans l'énonciation des suffrages, le président du Tiers aux Etats ne pourra énoncer l’avis de l’ordre qu’il n’ait été préalablement écrit.

5-8. — §§ 4-7 de la Délibération des Procureurs au Présidial de Rennes.

9. — Enfin, que tous les établissements, dons, pensions en faveur de la noblesse et de ses enfants seront à l'avenir à la charge de cet ordre seulement (voir la note qui suit).

Note : Cet article présente de grandes analogies avec l'art. 12 de la délibération de la communauté de ville de Châteaubriant du 25 novembre 1788 et avec l’article 9 de celle des procureurs de la même ville du 18 novembre.

Tels sont les vœux du général et habitants notables de cette paroisse, qui ont chargé les trésoriers de remettre une expédition de la présente à M. le procureur syndic de cette ville et communauté, en les priant d'en donner connaissance à la première assemblée municipale et d'en demander acte, pareillement de remettre une autre expédition à M. Fresnais de Lévin, ancien maire, que le général a nommé d'une voix unanime pour député et pour accompagner ceux qui ont été nommés par la communauté de ville à l'effet de se réunir et concerter avec eux pour le plus grand avantage de l'ordre du Tiers...

[39 signatures, dont celles de Bernard du Treil, de Fresnais de Lévin, d'Ernoul de la Chénelière et de Dubois].

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DÉLIBÉRATION DU GÉNÉRAL du 1er janvier 1789.
(Arch. commun. de Châteaubriant, GG 36, fol. 56).

M. Fresnais de Lévin rend compte du « comité qui s'est tenu à l'hôtel de ville de Rennes » les 22-27 décembre, et l'assemblée adhère aux délibérations qui y ont été prises. [17 signatures].

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DÉLIBÉRATION DU GÉNÉRAL du 1er février 1789.
(Arch. commun. de Châteaubriant, GG 36, fol. 56 v° ; extrait aux Arch. commun. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, L).

Le général adhère aux délibérations des dix paroisses de Rennes, du 19 janvier, et arrête que « des expéditions de la présente seront, à la diligence du sieur Fresnais de Lévin, ci-devant son député, adressées à MM. les députés de cette ville actuellement à Rennes... ».

[Sur le registre, 17 signatures, dont celles de Bédard, doyen, de Bernard du Treil, de Fresnais de Lévin, de Lorette].

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DÉLIBÉRATION DU GÉNÉRAL du 29 mars 1789.
(Arch. commun. de Châteaubriant, GG 36. fol. 58).

Le général fixe au surlendemain mardi 31 mars, à 8 heures du matin, l'assemblée générale électorale ; décide que, vu le grand nombre des comparants, cette assemblée se tiendra dans la chapelle de Saint-Sauveur, et invite « MM. de l'assemblée et tous autres de cette ville et paroisse de préparer d'avance leurs observations et d'en apporter les notes, pour parvenir à régler plus promptement le cahier des plaintes et doléances ». Enfin, M. Louard, maire de la ville, dépose sur le bureau le procès-verbal des séances du Tiers des 22-27 décembre et la lettre à lui adressée par les commissaires du Tiers-Etat. [16 signatures].

(H. E. Sée).

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