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Joseph-Julien SORETTE, prêtre mis à mort en 1798 par les colonnes mobiles
dans le territoire de l'Archidiocèse de Rennes.

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318. — Joseph-Julien SORETTE, fils de Pierre et de Françoise Murie, sa femme, naquit à la Bondonnais, en Saint-Germain-en-Coglès, et fut baptisé en cette église le 24 juillet 1758.

L’oncle du jeune Joseph ayant remarqué chez ce dernier d'heureuses dispositions, l’emmena dans sa cure du Châtellier pour y étudier le latin. Envoyé à Rennes à l’âge de 14 ans, il y fut admis par voie de concours au Petit Séminaire où il acheva ses études avec succès.

Le 21 décembre 1782, l’abbé Sorette reçut la tonsure et les ordres mineurs ; le 21 mai 1785, Mgr de Girac, évêque de Rennes, lui conféra le sacerdoce et il chanta sa première grand’messe à Saint-Germain, à la Fête-Dieu qui suivit. Il fut alors nommé vicaire à Betton où il montra un talent rare pour la direction des âmes, mais en 1788 ses connaissances littéraires lui procurèrent une chaire de professeur au collège de Rennes, où il enseigna successivement la 6ème, la 5ème et la 4ème.

Parmi les élèves de l’abbé Sorette se trouva Gabriel Bruté qui plus tard devint évêque de Vincennes ; ce dernier, longtemps après, écrivait de lui : « L’abbé Sorette était un jeune prêtre qui n’était pas encore âgé de 30 ans lorsqu’il fut nommé professeur au collège de Rennes ; je lui vouai une vive affection, et, de son côté, il voulait bien prendre à moi un intérêt particulier. Il faisait parfois à ma mère l’honneur de venir dîner chez nous. La charmante modestie, la candeur, la piété, jointes à l’enjouement de cet excellent homme, le rendaient cher à tous ceux qui le connaissaient. Lorsque le serment révolutionnaire fut imposé au clergé, il refusa de le prêter, et il fut exclu en conséquence du collège dès le mois de janvier 1791 ».

319. — N’ayant plus d’occupations à Rennes, M. Sorette se retira chez sa mère qui habitait alors Parigné. Cette paroisse avait pour recteur légitime Patrice Guignette ; mais, le 29 mai 1791, on lui donna un curé constitutionnel, l’ex-Père Louis Verdier, ancien prieur de l’abbaye de Savigny. Aussi M. Sorette, en sa qualité d’insermenté, ne devait pas jouir de beaucoup de tranquillité dans cette localité, si l’on en juge par une lettre qu’il écrivait de Parigné, le 10 juin 1791, à Mme Bruté et dont son fils, Mgr Bruté, nous a conservé le texte dans ses Souvenirs. En voici quelques extraits :

320.« Dimanche dernier, un détachement de la garde nationale de Fougères est arrivé à Parigné à neuf heures du matin, la bayonnette au bout du fusil et criant : les aristocrates à la lanterne ! Ils demandaient aussi la tête de tous les prêtres qui avaient refusé le serment. J’étais le seul prêtre dans le village, le recteur et son vicaire ayant pris la fuite la veille pour échapper à la lanterne dont ils étaient sans cesse menacés. Au moment de l’arrivée des troupes, je venais de quitter la maison pour aller dire la messe dans une chapelle particulière ; mais la canaille en avait muré la porte, en déclarant que s’ils me prenaient, ils me couperaient la tête...

Les « patriotes » surveillent mes actes et mes paroles pour trouver un bon prétexte pour me chasser de la paroisse. Je suis en vérité dans une triste position. Je ne veux pas quitter ma mère, tant que les choses n’auront pas pris un meilleur aspect. Je vous serais obligé de me chercher un lieu de refuge à Rennes, où je puisse me sauver, si je suis proscrit une seconde fois, comme on m’en menace sans cesse à Fougères. Les intrus ne sont nulle part acceptés par le peuple. A Fougères, comme ici, personne ne va à leur messe... ».

Cependant, quels que fussent les périls qui le menaçaient, cet ecclésiastique zélé ne se déroba point. Une lettre qu’il écrivit le 4 février 1792 à son ami l’abbé Damon, fait connaître combien était pénible l’existence à laquelle il se condamna pour rendre service aux fidèles de Parigné et de Saint-Germain-en-Coglès. Elle dépeint bien aussi le caractère à la fois résolu et enjoué du vaillant confesseur de la Foi. En voici des extraits :

« Il y a eu un an le 25 janvier que je suis dans le pays de Fougères, tantôt chez ma mère, tantôt chez un de mes frères en Saint-Germain-en-Coglès, ma paroisse natale, car la milice nationale de Fougères m’a fait déguerpir deux ou trois fois. Elle m’a fait l’honneur de me visiter, tantôt en corps, tantôt par députés. Comme je suis peu jaloux de ses visites, je ne restais point à la maison quand je prévoyais son arrivée.

Elle désirait tellement me trouver au logis qu’elle vint une fois vers minuit. Malheureusement, j’étais encore absent. On me chercha partout, depuis la cave jusqu’au grenier, même dans les meubles, armoires, etc. On voulait me conduire en triomphe à la ville. Mon humilité et mon éloignement des grands honneurs m’obligèrent encore à me soustraire à cette cérémonie. De peur de m’y trouver, je prolongeai mon absence de quelques mois. Je venais dîner chez ma mère et m’en allais coucher à Saint-Germain, à une lieue plus loin. Depuis la Toussaint (1791), je me suis aguerri : quelques soldats sont encore venus me visiter pour me faire sortir de la paroisse. Je leur ai déclaré que j’y resterais et que j’étais aux termes (suivant les termes) des décrets. Ils s’en sont tenus aux menaces jusqu'à présent.

Malgré toutes mes courses et aventures, qu’il serait trop long de vous raconter ici et que j’espère vous détailler en temps et lieu, ma santé s’est toujours bien soutenue. J’en suis moi-même étonné. Je souhaite que la vôtre ne vous abandonne pas non plus. Voilà plus de huit mois que je suis entouré de curés et de vicaires constitutionnels, qui m’ont toujours observé de très près et parfois dénoncé. Je suis parfois obligé de faire une ou deux lieues pour dire la messe. De temps en temps, je la dis secrètement dans une chapelle à trois quarts de lieue de distance... J’ai été sur le point de prendre une place de précepteur à Fougères, mais comment me déterminer à quitter de braves gens qui me sont attachés et qui ont besoin de moi ? ».

321. — Lorsque vint la loi du 26 août 1792, qui le condamnait à l’exil comme ancien fonctionnaire public insermenté, l’abbé Sorette ne se déporta pas, mais dut se cacher davantage, car les pénalités auxquelles il s’exposait par dévouement pour les âmes devinrent de plus en plus rigoureuses. Les grottes de la Tulaie servirent bien souvent alors d’asile au malheureux proscrit, qui trouva cependant moyen, en pleine Terreur, en 1793 et 1794, de faire 15 baptêmes et de bénir 5 mariages, tant à la Tulaie en Saint-Germain et à la Vieuville en Le Châtellier, qu'à Saint-Fiacre en Parigné.

A la suite des arrêtés pris les 26 mars et 12 avril 1795 par les représentants du peuple, il y eut un peu de paix relative en Bretagne et, à Parigné, le clergé insermenté put recommencer à se montrer. M. Sorette osa même célébrer la fête de Pâques à l’église et prêcha cette année la communion solennelle des enfants de Saint-Germain et du Châtellier à la chapelle de Marigny.

322. — Sur les entrefaites, ce prêtre fut nommé curé d’office du Châtellier et, d’avril 1795 à décembre de cette année, les registres paroissiaux qu’il tint dans cette localité, nous le montrent faisant 28 baptêmes et 4 mariages « dans l’église ». Malheureusement, la loi du 7 vendémiaire an IV (29 sept. 1795) vint rendre, bien difficile l’exercice public du culte aux insermentés, en leur imposant une déclaration à laquelle répugnait leur conscience. Peu après, la loi du 3 brumaire an IV (25 oct. 1795) remit en vigueur toutes les lois de persécution. Aussi, lorsque les autorités d’Ille-et-Vilaine se décidèrent à appliquer ces lois scélérates, l’église du Châtellier fut à nouveau fermée, et M. Sorette recommença à exercer dans les maisons ou dans les granges. De juin 1796 à la loi de fructidor an V (sept. 1797), l’église du Châtellier rouvrit encore une fois ses portes. Puis ce fut l’époque de la déportation fructidorienne avec toutes ses horreurs et les prêtres pourchassés avec plus d’ardeur que jamais.

323. — Le 7 juin 1798, jour de la Fête-Dieu, le gendarme Morel, âme damnée du commissaire Loysel, arriva de Fougères à la Vieuville, en Le Châtellier, avec quelques gardes nationaux pour y perquisitionner. Mais déjà l’alarme avait été donnée, si bien qu’une quarantaine de personnes avec un prêtre, en vêtements sacerdotaux, sortirent précipitamment d’une grange et se sauvèrent à temps. L’ecclésiastique fugitif n’était autre que M. Sorette, qui dut interrompre sa messe pour se cacher au plus vite.

Obligé de se réfugier en lieu sûr, l’abbé Sorette se vit en même temps atteint de douleurs rhumatismales très violentes, gagnées un jour qu’il s’était caché, trempé de pluie, dans une meule de paille où, pour sauver sa vie, il avait dû demeurer plusieurs heures.

On lui conseilla d’aller aux eaux minérales de Guichen, tant pour améliorer l’état de sa santé, que pour dérouter les recherches qui se faisaient de sa personne avec un redoublement d’activité du côté du Châtellier. En attendant, il s’en vint à Rennes où il se cacha dans le faubourg Saint-Martin, à la Péchardière, chez Mme de Léon.

324.« Pendant qu’il y demeurait, écrit Mgr Bruté, je pus obtenir une précieuse entrevue avec lui. Il me raconta quelques-unes de ses aventures, où il avait, comme miraculeusement, échappé à la mort. Mais après lui avoir persuadé aisément qu’il ne serait pas prudent pour lui de s’en aller aux eaux de Guichen, il en tira une conclusion bien différente de celle que j’attendais : c'est qu’il avait déjà trop écouté les médecins ; il n’était pas si malade qu’ils le pensaient, et son meilleur parti était de retourner près de ses paroissiens et de rester au milieu d'eux jusqu'à la fin. D’ailleurs, après six ans de pénible apostolat, faire enfin le sacrifice de sa vie, n’était-ce pas la conclusion digne d’envie de ses travaux ? Tels furent les sentiments qu’il m’exprima avec beaucoup de ferveur et de gaieté. Aucun argument, aucune prière ne l’amenèrent à céder aux désirs de ses amis de Rennes. Trois jours après, il repartit pour Le Châtellier. Trois semaines plus tard, il était assassiné ! ».

325. — Le commissaire du Directoire exécutif près de l’administration cantonale de Fougères, nommé Loysel, avait, en effet, avec l’approbation de l’administration départementale d’Ille-et-Vilaine, organisé des bandes d'individus tarés, lesquels, déguisés en paysans de la région fougeraise, parcouraient les campagnes et s’efforçaient, moyennant une prime de 100 francs par tête, de mettre à mort le plus grand nombre possible de prêtres insermentés, personnages dont le sieur Loysel avait particulièrement la phobie, ainsi que le démontrent plusieurs documents signés de sa main qui ont été publiés ailleurs.

326.« Des jeunes gens de Fougères, écrit dans ses Mémoires le colonel de Pontbriand, un contemporain de cette triste époque, ne craignirent pas de s’associer à ces expéditions [sanguinaires]. Un prêtre, M. Sorette, ancien régent au collège de Rennes, portait le Saint-Sacrement à un malade : il fût reconnu par des jeunes gens de Fougères, ....... et fut massacré ..... ». M. Sorette n’eut pas le temps de soustraire à la profanation les Saintes Espèces, mais toute la tradition s’accorde à raconter que c’est en allant faire du ministère que ce prêtre fut mis à mort ainsi qu’on va le voir.

A son retour au Châtellier, après son bref séjour à Rennes, l’abbé Sorette s’était caché chez la famille Roussel, qui habitait alors le vieux presbytère de Montgreffier. Le 15 frimaire an VII (5 déc. 1798), on vint l’y chercher pour aller faire l’absoute de Pierre Despas qui était mort au village du Haut-Villiers ; il s’y rendit aussitôt. En même temps, raconte son élève, Mgr Bruté, « une troupe de ces révolutionnaires déguisés, dont on a précédemment parlé, battant la campagne à la recherche de victimes, demanda à une jeune fille si elle ne pourrait pas leur indiquer un prêtre pour venir confesser un malade. La paysanne, trompée par le déguisement des faux-frères, leur répondit qu’elle venait de voir M. Sorette passant dans la prairie. Ils s’élancèrent aussitôt à sa poursuite et, dès qu’ils l’approchèrent, ils firent feu sur lui et lui cassèrent un bras. M. Sorette s’arrêta aussitôt et se rendit prisonnier, réclamant d’être conduit à la ville. Mais eux, sachant qu’on se bornerait à le déporter à Cayenne, lui dirent qu’ils avaient résolu de le mettre à mort. M. Sorette leur demanda alors de lui accorder quelques minutes pour recommander son âme à Dieu. Il s’agenouilla sur le gazon ; et, après l’avoir laissé prier quelques moments, ils le fusillèrent sur place ».

Les bourreaux du prêtre, explicitement chargés de l'assassiner par Loysel, commissaire du pouvoir exécutif à Fougères (Cf. un Rapport du 7 décembre 1798), atteignirent le curé du Châtellier au-dessus du village de Montmusson, tout près du moulin de la Vieuville, dans un coin du champ de la Bayle ; il était alors une heure après midi ; les misérables, après avoir fusillé le bon prêtre, s’acharnèrent à larder son corps à coups de baïonnettes.

A cette nouvelle, le représentant du gouvernement à Fougères, le commissaire Loysel, se réjouissait de la mort de ce « fanatique » et comptait le prix du sang, soit 100 francs à ses assassins, qui s’efforcèrent de dramatiser leur crime par un rapport manifestement mensonger que l’on a publié ailleurs.

D’après l’abbé Tresvaux (Histoire de la Persécution, op. cit., II, p. 338), c’est grâce à un chien dressé à cet effet que les assassins de M. Sorette l’obligèrent à s’arrêter. La tradition locale a conservé ce détail, que nous retrouvons en 1865 sous la plume d’un chroniqueur du pays fougerais, M. des Buffards.

327. — Dès le lendemain on dressait à la mairie du Châtellier son acte de décès et ce même jour, un de ses confrères voisins, M. Valentin Lorre, écrivait sur le registre de Saint-Germain où il notait les actes de son périlleux ministère : « Aujourd’hui, quatre décembre 1798 (le cinq est effacé et remplacé par quatre), le vénérable et discret messire Joseph Sorette, curé d’office du Châtellier, a été assassiné par sept de nos frères égarés, près le moulin de la Vieuville, en Le Châtellier, et ce, en haine de la religion. C’est sur les onze heures du matin que ce massacre a été fait ».

Un frère de la victime nommé Julien et Marie Boyvent, son épouse, au dire de M. Macé, s’en furent eux-mêmes accuser les meurtriers de leur frère auprès des autorités de Fougères. Ils en obtinrent l’autorisation d’inhumer le confesseur de la Foi dans l’église même du Châtellier, où son corps repose encore en attendant la résurrection glorieuse. Lorsque de nos jours on a reconstruit cet édifice, on y a placé dans la nef, un peu au-dessous de la porte méridionale, la tombe de l’abbé Sorette. On a de plus fait, élever une croix commémorative à l’endroit même où tomba le martyr dans le champ de la Bayle. On y lit cette inscription : « Ici mourut, martyr de sa Foi, M. l'abbé Sorette, le 15 frimaire an VII ». C’est ainsi que la paroisse du Châtellier s’est honorée en honorant elle-même la mémoire du prêtre qui l’évangélisa aux dépens de sa vie. Son souvenir du reste vit toujours dans cette localité où l’on ne met pas en doute qu’il n’ait péri en haine de la Foi.

BIBLIOGRAPHIE. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, op. cit., II, p. 338. — Bruté de Rémur, Souvenirs de la Persécution révolutionnaire (Revue de Bretagne et de Vendée, IX, 218-224). — Guillotin de Corson, Les Confesseurs de la Foi, etc., op. cit., p. 136-141. — Abbé Jean Macé, Quatre siècles d'histoire ou Saint-Germain-en-Coglès, 2 in-12, Rennes, 1926, t. II, p. 71-77, — Revue de Bretagne et de Vendée, t. IX, p. 225. — Pautrel, Notions d'Histoire et d'Archéologie pour la région de Fougères, Rennes in-8°, 1927, p. 184 et 260. — Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés de l'archidiocèse de Rennes, etc., op. cit., 1927, p. 216-229. On y trouve toutes les pièces officielles concernant ce prêtre, y compris son acte de décès.

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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