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CAHIER DE DOLÉANCES DE ROUGÉ EN 1789

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Subdélégation de Châteaubriant. — Département de la Loire-Inférieure, arrondissement de Châteaubriant, chef-lieu de canton.
POPULATION. — En 1789, environ 300 à 350 feux (Procès-verbal) ; — en 1790, 2.400 habitants (Arch. de la Loire-Inférieure, L 2.400).
CAPITATION. — Total en 1785, 2.418 l. 8 s. 6 d., se décomposant ainsi : capitation, 1.519 l. 3 s. 4 d. ; 21 d. p. l. de la capitation, 132 l. 18 s. 7 d. ; milice, 194 l. 2 s. 3 d. ; casernement, 551 l. 8 s. 4 d. ; frais de milice, 20 l. 16 s. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3981).
VINGTIÈMES. — En 1788, 2.378 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4599 et Arch. de la Loire-Inférieure, C 469).
FOUAGES. — En 1790, fouages ordinaires, 364 l. 19 s. 1 d. ; fouages extraordinaires, 426 l. 1 s. 2 d. (Ibid.)
OGÉE. — A 15 lieues au N. de Nantes ; à 8 lieues 1/3 de Rennes, et à 2 lieues de Châteaubriant. — 3.000 communiants, y compris la population de Soulvache, sa trève. — Le territoire, qui est assez exactement cultivé et fertile, produit du grain, du foin et du cidre.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 5 avril 1789, sous la présidence d'Olivier Pigrée, syndic de la paroisse de Rougé, « sur le défaut, absence ou refus de MM. le sénéchal et procureur fiscal de la baronnie de Châteaubriant, invités de s'y trouver ». — Comparants : Louis Labé ; René Rabu ; Jan Pigrée ; Alexis Martin ; René Poligné ; Joseph Feneux ; Louis Briand ; Jan Besnier ; Jan Painchaux ; Jan Jochault ; Jan Hunault ; Jan Boucher ; René Lelièvre ; Pierre Noury ; Barnabé Hubert ; Laurent Gourdail ; René Belourd ; Pierre Neveu ; Jan Lodé ; Pierre Drouelle ; Jan Deroualière ; Jan Boudet ; Pierre Legouais ; Pierre Houssard ; Francois Roze ; Louis Gasnier ; Julien Sivelle ; Jacques Bouscault ; Jan Véron ; Julien Guybert ; Pierre Hubert ; Paul Gasnier ; René Meslet ; René Guybert ; Julien Jambu ; René Houtin ; Louis Perrault ; François Lodé ; Mathurin Le Goüais ; Jan Ventroux ; François Pigrée ; Julien Verron ; Jan Maillé ; Julien Durand ; Joseph Poligné ; Jan Lorant ; Jan Guybert ; Jan Derval ; Julien Martin ; René Frangeul ; François Guerrif  ; Julien Jolaine ; Pierre Boudet ; Louis Dupont ; René Martin ; François Lodé ; René Boudet ; Julien Gasnier ; Michel Dupont ; Jacques Bossard ; Claude Mallier ; Toussaint Marchand ; François Pierre Gros ; Pierre Denieul ; Jan Bonier ; J. Brisar ; J. Brisar ; P. Chaplais ; F. Gourdail ; Jo. Gasnier ; Joseph Pehuet. — Députés : Jean Painchault ; Joseph Pehuet ; Jean Besnier. — On lit à la fin du procès-verbal : « En cet endroit, nous dits habitants attestons que Louis Jeuvre, demeurant en ce bourg, boucher et cabaretier de sa vaccation et faisant fréquemment lecture des billets de publications, en a fait un à l'issue de la grand'messe de ce jour, conçu à peu près en ces termes : « Prenez garde à ce que vous allez faire, MM. du général, touchant les affaires du Roi. Si vous êtes exilés, il en sera bien ri. Les petites bonnes gens auront leur tour ». Interpellé de nous déclarer par l'ordre de qui il a fait cette publication, de qui il le tenait et de qui il était signé, a répondu qu'il était signé d'Antoine Brosille, qu'un passant le lui avait remis et qu'il a pris sur lui d'en faire la lecture. Interpellé de nous remettre ce billet, afin d'en connaître l'écriture et signature, s'est refusé de le remettre et l'a en notre présence déchiré ».

 

Vœux et doléances des gens du Tiers Etat de la paroisse de Rougé prés Châteaubriant, évêché de Nantes, dont ils ont chargé leurs députés de porter et soutenir en l'assemblée des députés du Tiers Etat, sous la sénéchaussée de Rennes, qui doit se tenir en la ville de Rennes, le sept du courant, en vertu d'assignation du 28 mars dernier.

Note : Les pasages imprimés en italique sont empruntés aux Charges d'un bon citoyen de campagne.

[1] Jusqu'ici les vingt-quatre millions d'hommes en France formant le Tiers Etat du royaume n'avaient aucunement encouru aux affaires publiques ; accablés d'impôts, ils croyaient que des nobles et ecclésiastiques étaient leurs protecteurs ou faits pour les subjuguer, sans qu'il fût possible de se plaindre ni pouvoir obtenir justice d'eux ; mais le Roi, secondé d'un ministre éclairé et populaire, est venu au secours du Tiers Etat ; dès lors, il a aperçu les chaînes dont il était lié ; il a reconnu qu'il pouvait se soustraire à leur tyrannie et a senti son courage renaître avec d'autant plus de confiance que le meilleur des Rois a pris la résolution juste et bienfaisante d'entendre tous ses sujets sans distinction de rang et de fortune ; il veut qu'ils concourent à nommer des représentants aux Etats généraux, qu'ils aient la faculté de faire connaître leurs souhaits et leurs doléances.

[2] Dès que c'est le Roi lui-même qui nous y invite, nous ne pouvons nous dispenser de répondre à la sagesse de ses vues et à sa bonté paternelle.

[3] Oui, Sire, le Tiers Etat de votre royaume, et particulièrement de Bretagne, est accablé sous le poids des impôts, parce qu'il n'a eu jusqu'ici aucuns représentants aux Etats de la province de son choix ; s'il se trouve quarante-deux députés de villes, il n'y a que six ou douze municipaux à concourir à leur nomination ; il y est nommé des gens ou incapables, ou qui ne sont pas de notre ordre, ou qui sont chargés de défendre des droits contraires aux nôtres ; ainsi le malheureux laboureur est sans secours et sans appui ; de là il est résulté que les campagnes sont seules assujetties à la corvée des grandes routes, qui semblent être faites pour procurer à la Noblesse et au haut clergé les facilités de faire parade de leurs riches équipages. Ces grandes routes à la charge du malheureux Tiers ont dépeuplé nos campagnes ; les gens riches ayant préféré de demeureur dans les villes qui en sont exemptes. Ils ont mis notre misère à son caomble (voir la note qui suit).

Note : La tâche de cette paroisse, sur la route de Rennes à Châteaubriant, était de 2.330 toises ; 300 toises, étaient à la charge de la province (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4883). — Sur les travaux supplémentaires exécutés par cette paroisse en 1765-1767, voy. le cahier de doléances d'Ercé-en-Lamée.

[4] Nous sommes accablés dans cette paroisse de rentes, et elle paye annuellement environ deux mille cinq cents boisseaux d'avoine, dont le boisseau pèse près de 75 à 78 livres et qui a valu, en 1785, 5 livres 12 sols le boisseau ; par une iniquité sans exemple, on nous force, en vertu d'un arrêt du Parlement, formé de seigneurs juges, de la payer pouvoir la fournir en espèces (voir la note qui suit) ; ajoutons à ces rentes des corvées d'hommes et de bœufs, poules, chapons et deniers monnaie, outre autres servitudes féodales trop étendues, trop onéreuses et d'autant plus odieuses qu'elles donnent lieu à la vexation des officiers des seigneurs qui tendent à la dévastation de nos campagnes.

Note : Les tenanciers du rôle de Châteaubriant en Rougé devaient au prince de Condé, comme rentes seigneuriales, 5 l. 18 s. tournois et 900 boisseaux d'avoine menue comble ; ceux du rôle de Rougé en Rougé devaient 5 s. monnaie. 2 chapons, 171 poules, 8 boisseaux 2 mesures d'avoine grosse comble, mesure de Châteaubriant, 586 boisseaux 5 mesures 1/2 d'avoine menue, mesure de Rougé, et 17 boisseaux 4 mesures d'avoine grosse comble, mesure de Vioreau (Etat des rentes de la baronnie de Châteaubriant, Arch. du Musée Condé, à Chantilly, F1) ; en 1783, ces rentes produisirent 2.598 l. 6 s. 7 d. pour le rôle de Châteaubriant, 1783 l. 6 s. 4 d. pour le rôle de Rougé (Ibid., F7). En 1788, les arrérages dus depuis 1773 montaient, pour le rôle de Châteaubriant en Rougé, à 10.236 l. 15 s. 1 d. et, pour le rôle de Rougé en Rougé, à 9.005 l. 16 s. 4 d. en rentes par avoines et à 858 l. 19 s. en rentes par deniers (Etat des restaux dus à la baronnie de Châteaubriant, dressé le 12 mai 1788, Ibid., F7). Le rédacteur de cet état, Lefebvre, ajoute : « La rentrée de ces rentes devient de plus en plus très dure (sic), parce que ces paroisses (Rougé et Ruffigné) se trouvent écrasées aujourd'hui par la masse des rentes qu'elles ont déjà payées depuis l'époque de l'arrêt de la Cour obtenu, les frais qu'elles ont payés relatifs au procès et ceux mêmes à eux faits par M. le Procureur fiscal de Châteaubriant pour les forcer au paiement ». Sur les exactions auxquelles donnait lieu la perception des rentes en avoine à Rougé et sur le procès qu’elles ont occasionné, voy.  le cahier de doléances de Ruffigné et H. SÉE, Les classes rurales en Bretagne du XVIème siècle à la Révolution, pp. 195-196. D’autre part, la perception des rentes du rôle de Châteaubriant en Rougé pour 1778, soit 817 l. 1 s. 7 d., était suspendue en raison de l’instance faite à Aubrée, sergent rentier de cette année, et celle des rentes du gage féodé de la Thébaudais, dépendant du rôle de Rougé en Rougé, était suspendue, faute de réformation du rôle, réformation dont Mme de Rommilley, s'appuyant sur une décision du Conseil du prince de Condé, en date du 30 janvier 1766 (Ibid., F2), se refusait à payer les frais (Ibid., F7). — Les aveux du XVIIIème siècle montrent que ces rentes se levaient solidairement par masures (Arch. de la Loire- Inférieure, série E, supplément aux titres féodaux).

[5] L'établissement des fuies, colombiers et garennes dévaste encore nos levées.

[6] L'inégalité des impôts dans leur répartition fait que le pauvre paye tout et le riche, rien ou presque rien.

[7] Injustice des impôts particuliers à notre ordre, ce qui fait que nous payons seuls les fouages ordinaires et extraordinaires, le casernement, les milices, le franc-fief, les droits sur les eaux-de-vie, liqueurs, droits de passage d'une province à l'autre, d'un évêché à l'autre.

[8] Puisque vous nous le permettez, Sire, de vous faire connaître nos souhaits et nos vœux :

[9] Nous souhaitons conserver les droits de citoyens et être admis à l'avenir à nous faire représenter à toute assemblée nationale par députés choisis dans notre commune, qui, en proportion de notre population, concourraient avec les municipalités des villes à régler les affaires de la Nation.

[10] Que, dans les assemblées des Etats généraux ou de la province, les représentants du Tiers soient au moins en nombre égal à celui des ordres privilégiés ; que les voix y soient comptées par tête et non par ordre.

[11] Que nos représentants soient de l'ordre du Tiers ; qu'ils ne puissent être ni nobles, ni anoblis, ecclésiastiques, ni officiers, gens ou agents des seigneurs et ecclésiastiques, ces derniers comme étant trop attachés aux intérêts des ordres privilégiés.

[12] Que, dans toutes assemblées, nul ne puisse présider l'ordre du Tiers qu'autant que la réunion des suffrages l'aura fait élire dans son ordre.

[13] Que notre liberté soit aussi sacrée que celle des autres citoyens ; que toutes lettres de cachet, tous enrôlements, soit pour la milice de terre ou de mer, soient supprimés (voir la note qui suit).

Note : Dans la période 1781-1786, d'après l'état préventif de répartition, la paroisse de Rougé, avec sa trêve de Soulvache, aurait fourni 8 miliciens : 2 en 1781 et 1782 et 1 en chacune des années 1783, 1784, 1785 et 1786 ; mais, d'après les états annuels de répartition, Rougé aurait donné 2 miliciens en 1781 et 1786, 3 en 1784. En 1781, sur 100 jeunes gens appelés au tirage, 77 ont été exemptés ou réformés ; en 1786 sur 119, 80. En 1784, le tirage au sort a donné lieu à du tumulte (Arch. d’Ille-et-Vilaine. C 4704).

[14]. — § 14 des Charges d'un bon citoyen de campagne, sauf « nous », remplacé par « l'ordre du Tiers ».

[15] Que dorénavant tous les impôts ou subsides, de quelque nature qu'ils puissent être, divisés en deux parties, l'une portant sur les facultés mobilières et d'industrie, l'autre sur les propriétés foncières de quelque genre que ce soit, soient à l'avenir payés d'une manière égale et par chacun en particulier en proportion de sa fortune, sans distinction d'ordre et sans rôle particulier pour aucun des ordres.

[16] Que l'ouverture des grandes routes et leur entretien soient à la charge du trésor public, puisqu'elles sont utiles à tous.

Observant ici qu'il a été par les Etats, à différentes époques, délivré de l'argent sans que nous en ayons senti aucun avantage.

[17] Que les lois qui rendent les corvées féodales, comme cueillettes de rôles, amas de masure, solidité de fiefs, etc., imprescriptibles et infranchissables soient remplacées par une loi qui permette à chaque vassal de les franchir, même les rentes en grain, deniers monnaie, poules et corvées, etc., sur le pied du denier vingt ; que les arrérages de ces sortes de rentes soient périmés ou prescrits par cinq ans et le fond par quarante, s'il n'y a possession contraire ; que le franc-alleu soit de droit public ; c'est le moyen de nous attacher à nos propriétés, de les cultiver avec soin et de nous sauver des suites ruineuses de la fiscalité des seigneurs. La plupart d'entre eux, pour nous charger de la collecte d'un rôle ou nous demander aveu, nous envoient sans avertissement des assignations, nous écrasent en frais et parviennent enfin à nous en faire pour cinquante écus au moins ; encore ne réussissons-nous souvent à en éviter de nouveaux qu'en abandonnant une portion du fond, dont s'empare le seigneur gratuitement, quoique chargé de beaucoup de rentes, pour en surcharger nos autres biens.

[18] Que le droit de suite de moulin soit anéanti ; qu’il soit permis d’en établir ; c’est le seul moyen de se soustraire à l’iniquité des meuniers, qui ne craignent pas de mettre la jouissance d’un moulin à un prix excessif, quand ils afferment d’un propriétaire dur, pesuadés qu’ils s’en indemniseront en prenant aux sujets impunément et sans crainte d'être recherchés double mouture (voir la note qui suit).

Note : Les moulins à vent de Sept-Vents, en Rougé, et du Haut-Brulay en Ruffigné, qui appartenaient au prince de Condé, en raison de la seigneurie de Rougé, avaient été loués, avec leurs moutaux, moyennant 472 l. par an, outre 117 l. de deniers d'entrée, en vertu du bail passé le 26 mai 1784 à Simon Saliot, de Béré (Archives du Musée Condé, à Chantilly, F5). Les aveux du XVIIIème siècle indiquent d'ailleurs que la seigneurie de Rougé possédait, dans la paroisse, « distroit de moulins et de moutaux » (Arch. de la Loire-Inférieure, série E, supplément aux fonds féodaux).

Qu'il est inouï en Bretagne que le vassal, qui pave pour la mouture le seizième de son grain pour avoir de la farine, soit qu'il faut attendre longtemps et souvent en manquer, soit encore, outre les rentes ordinaires, tenu faire, de sa personne et de ses bestiaux, des corvées pour aller gratuitement chercher à sept à huit lieues des matériaux pour le reconstruire ou réparer au profit seul du seigneur.

[19] Qu'il soit permis à toutes personnes de détruire toute espèce de gibier, comme pigeons, lapins et autres nuisibles à l'agriculture, et que les lods et ventes soient supprimés.

[20] Que tous droits de quintaine. soulle, lutte, joute, appel de vassaux à jours fixes et autres droits inventés par l'orgueil et dans des siècles de barbarie et d'ignorance soient anéantis, comme contraires à la liberté des citoyens et aux bonnes mœurs.

[21] Que nous soyons autorisés à choisir chaque année trois d'entre nous pour entendre les plaintes et demandes en dommages de bêtes, injures, salaires de domestiques et ouvriers et autres matières verbales, vérifier les faits et prononcer sans frais telles condamnations qui seront jugées convenables, lesquelles seront exécutées sans appel jusqu'à vingt livres.

[22] Que la justice ne puisse être rendue qu'au nom de Votre Majesté ; que nous ne puissions être traduits que dans des tribunaux ordinaires formés par districts, établis par elle et auxquels seraient admis tous les citoyens à raison de leurs talents, et sans justices d'attribution ; qu'il soit établi dans chaque province un tribunal souverain pour connaître des affaires d'appel et non d'instruction, et pour vérifier et promulguer les lois établies par Votre Majesté et consenties par la Nation assemblée ; que le nombre des juges soit proportionné à l'étendue de son ressort ; que les sujets soient, dans quelque tribunal que ce soit, au moins de deux tiers de l'ordre du Tiers et élus par la voie du concours pour un temps limité de trois ou cinq ans, et que tous droits de Roi qui se payent aux justices royales en vertu d'édits bursaux soient supprimés ; et que, dans les procédures, le papier commun soit le seul en usage.

[23] Que désormais les dîmes vertes ou insolites perçues sur les lins, chanvres et agneaux soient supprimées ; que, si la dîme des gros grains n'est pas supprimée, ce qui serait néanmoins bien à désirer pour le soulagement du malheureux cultivateur, elle soit fixée uniformément an trente-neuvième, parce que le décimateur, qui ne fait aucune avance, prive l'agriculteur, souvent découragé de ses peines et de ses mises et fréquemment obligé de semer deux fois après des hivers rigoureux.

Qu'il paraîtrait encore juste que la dîme soit rendue à sa destination primitive et employée, savoir un tiers pour les curés, recteurs, vicaires et autres occupés à remplir les pénibles fonctions pastorales, un autre à l'entretien des presbytères, églises et ornements servant au culle divin, et l'autre pour le soulagement des pauvres et indigents (voir la note qui suit).

Note : Le recteur de Rougé, d'après sa déclaration du 20 novembre 1790, avait 2.000 l. de revenu, savoir : 27 boisseaux 1/2 de froment, estimés 302 l. 10 s., 85 boisseaux de blé, estimés 743 l. 15 s., 140 boisseaux d'avoine, estimés 460 l., 130 boisseaux de blé noir, estimés 650 l., le foin d'un pré. 24 l. ; mais il avait de lourdes charges : il donnait 400 l. par an au desservant de Soulvache et 200 l. aux deux vicaires, qui demeuraient avec lui, « sans compter leur pension [800 l.], étant necessité d'en avoir deux dans ma paroisse, qui est d'une grande étendue et à raison de mon âge avancé » ; il avait 78 ans ; les gages de deux domestiques lui coûtaient 81 l. et leur nourriture 160 l. ; il payait 48 l. de capitation, 108 l. de fouages et vingitièmes, 47 l. 5 s. de décimes ; il avait deux chevaux pour visiter ses deux paroisses ; il estimait ses frais de récolte à 35 l. et ses aumônes à 150 l. Verron, vicaire de Rougé, d’après sa déclaration du 17 novembre 1790, jouissait des trois bénéfices suivants : une ferme au village de la Colombière, de 20 à 25 journaux, affermée 220 l. ; une ferme au village de la Justais, de 25 à 30 journaux, affermée 150 l. ; une ferme près du village de la Chesnais, de 7 à 8 journaux, affermée 60 l. (Arch. de la Loire-Inférieure, série G. rôle des décimes de l’évêché de Nantes, p. 115 ; L 751 ; série Q, district de Châteaubriant). Cf. GRÉGOIRE, op. cit., pp. 200-201 — Outre les dîmes perçues par le recteur, il y avait, dans les deux paroisses de Rougé et d’Ercé-en-Lamée, quatre traits de dîmes qui appartenaient à M. de Rommilley, lequel les tenait en fief de la baronnie de Châteaubriant. (Arch. du Musée Condé, à Chantilly, F2). — Il ne semble pas qu’il y ait eu, en 1789, d’établissement d’assistance à Rougé ; Rougé avait possédé autrefois une léproserie de Saint-Simon (Léon MAÎTRE, L’assistance publique dans la Loire-Inférieure, p. 121).

[24] Qu'il convient que les paroisses, chargées de pourvoir à la subsistance des bâtards, soient les héritiers des bâtards et des déshérences, à charge de vendre les biens réels, et sans en pouvoir conserver, et le denier en provenant mis en caisse jusqu'à l'emploi utile pour ceux à qui il serait destiné (voir la note qui suit).

Note : Le prince de Condé renonçait parfois à l’exercice de son droit de bâtardise : le 6 mai 1766, par exemple, il a abandonné à la mère de Mathurin Lauzon, domestique de M. de Rommilley, la succession de cet individu, qui lui appartenait en raison de sa bâtardise, et qui montait à 992 l. 8 s. (Arch. du Musée Condé à Chantilly, F2).

[25] Qu'il serait peut-être bon que les bénéfices sans charge d'âmes fussent vendus, à charge aux adjudicataires de laisser jouir le titulaire pendant sa vie, et que le prix tournât à l'acquit des dettes de l'Etat.

[26] Au surplus adoptons en général tous et chacun des articles de doléances et demandes qui seront contenues dans le cahier de la sénéchaussée de Rennes, qui n'auraient pas été prévus ou suffisamment développés par le présent.

[27] Arrêté en la sacristie de l'église de la paroisse de Rougé, lieu ordinaire des délibérations, sous les seings de ceux qui savent signer et de plusieurs qui ne le savent faire, ce cinq avril mil sept cent quatre-vingt-neuf.

[45 signatures, plus celle d'Olivier Pigrée, syndic].

(H. E. Sée).

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