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Les premières heures de la guerre mondiale 1914-1918 à Rohan.

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Les premières heures de la guerre mondiale. — Hommage à nos morts pour la patrie.
(Extrait des archives municipales de Rohan).

 

Le samedi 1er août 1914, jour fixé pour l'adoration du Très Saint-Sacrement dans la paroisse, arrivait à 4 heures de l'après-midi, l'ordre de mobilisation générale. On sonne le tocsin à la grande stupeur des habitants. Au même instant, entrait à la cure M. Danibert, recteur de Gueltas. Il venait prêcher, à l'issue des vêpres, le sermon de circonstance. Mais le bon pasteur atteint d'une affection cardiaque, déclare ne pouvoir prendre la parole, tant est grande son émotion. Les vêpres furent chantées à peu près entièrement par M. le Curé et son Vicaire. Les fidèles priaient silencieux et mornes, comme anéantis sous le poids d'une guerre inévitable, imminente, farouche. De temps à autre, leurs sanglots éclataient à demi étouffés, Cependant le Pasteur invite ses paroissiens à garder leur sang-froid, et à mettre leur confiance en Dieu.

Le lendemain dimanche j'annonçai au prône de la grand'messe, qu'en raison des circonstances, il était permis de travailler à la récolte. J'insistai sur l'idée émise la veille par mon curé, et m'exprimai en ces termes : « Mes frères, pendant que l'univers entier attendait dans l'angoisse les événements, les cloches ont sonné le tocsin lugubre dans toute la France, signe avant-coureur d'une guerre européenne imminente, telle que le monde n'en aura jamais vue. Quand la patrie est en danger, l'heure n'est pas aux défaillances, mais au sang-froid, au courage, à la vaillance et à la prière. Prions pour ceux qui vont partir à la défense du sol sacré de la patrie, en particulier pour les soldats de cette paroisse. Dieu protège la France ! ».

Cependant les femmes pleuraient inconsolables ; et leur douleur mal contenue arrachait des larmes à leurs maris et à leurs enfants. Pour faire trêve au chagrin, la fanfare du patronage Notre-Dame de Bon-Secours, accompagnée de quelques clairons du patronage laïque, défilait en ville, à huit heures du soir. En signe d'union, on voit dans les rangs flotter s'effleurant les drapeaux des deux patronages catholiques garçons et filles, celui de la société de tir.

A peine la fanfare a-t-elle jeté ses notes triomphales et bruyantes, aux échos de la vallée et des collines d'alentour, qu'un groupe compact se forme derrière les clairons et les tambours. Dans un moment la foule grossit. Bras dessus bras dessous, d'un pas cadencé elle s'avance à travers les rues de la ville, les femmes à la suite des hommes par raison de convenance. Tout Rohan est là sans distinction d'opinions, de partis : hommes, femmes, enfants, vieillards, anciens combattants de 1870, les gendarmes, le vicaire. On entonne le Chant du départ, la Marseillaise et ce refrain sans art mais plein d'un patriotisme rustique : « Jamais les All'mands n'goûteront - La soupe en Bretagne - Jamais les All'mands n'goûteront - La soupe des bretons ».

De toutes les poitrines s'échappent par instants, les cris répétés sur l'air des lampion : « A Berlin, à Berlin ! » Les mains se lèvent, les chapeaux s'agitent : « Vive la France, vive la Russie ! ».

Deux fois le cortège parcourt la ville. Les jeunes trépignent dans l'impatience du combat, les vieux sautent de joie, l'enthousiasme tient du délire. Avec un respect sacré les têtes se découvrent à plusieurs reprises, pour le salut au drapeau.

Le moment de la séparation venu, un homme de haute stature (Joseph Henriot, originaire de Saint-Aignan dans le Morbihan), chef menuisier à Rohan, monte sur une fenêtre de la mairie et harangue la foule en ces termes : « Avant de nous quitter, nous allons promettre de nous placer sous la protection de Jeanne d'Arc la libératrice de notre pays. Demandons-lui qu'elle nous obtienne avec la revanche l'Alsace et la Lorraine ».

Des applaudissements frénétiques accueillent ces paroles, élan sublime d'une âme patriote. L'orateur improvisé reprit trois fois et après lui toute la foule : « Vive Jeanne d'Arc ! » Les manifestants ajoutèrent : « Vive l'Alsace, vive la Lorraine, vive la France ! » Puis il invita tous les hommes à assister le lendemain à la première messe.

M. Louis Duaut, commerçant de la cité, prend à son tour la parole, et dit en substance : « Mes chers amis qui partez pour la guerre, nous vous ferons une bien plus belle fête, lorsque vous nous reviendrez. Nous acclamerons en vous les Français vainqueurs de l'Allemagne ».

Enfin un étudiant Joseph Launay exprime en quelques mots vibrants, combien cette manifestation spontanée a apporté de réconfort à ceux que frappe la douleur de la séparation, combien aussi elle répondait aux aspirations patriotiques de tous les Rohannais. Alors le cortège se disloque dans l'espérance de la victoire.

A ce moment un gendarme, maigre et long, pour donner une preuve éclatante de l'union sacrée, entraîne le vicaire de la paroisse et les jeunes gens de son patronage vers la gendarmerie. Il les conduit au caveau qui renfermait en de précieuses bouteilles, le jus pur et vermeil de la pomme. Faute de tire-bouchons, un jeune homme casse le goulot des bouteilles à coup de talon de soulier, et on boit à la régalade.

3 août, 4 heures et demie. — Messe pour les soldats qui vont partir par le train de Réguiny à 9 heures. Nombreuse assistance : plus de 200 fidèles ; tous les soldats présents s'approchent de la sainte Table. Je célébrais cette messe. Après le dernier évangile, je m'adresse un instant aux défenseurs de la patrie : « Mes chers amis, laissez-moi vous dire un mot. Il sort moins de ma bouche que de mon cœur de prêtre et de français : Adieu ou plutôt au revoir ! Dieu vous garde et Notre-Dame de Bon-Secours ! Ne les oubliez pas ».

J'étais rentré à la sacristie, quand tout à coup on entend dans l'église un mouvement dominé par une très forte voix. C'était Joseph Henriot. Il prêchait debout, au milieu de l'église. L'ardeur de ses convictions produisait en cet ouvrier sans instruction, les accents d'une véritable éloquence. Citons quelques-unes de ses paroles :

« Mes amis, vous avez fait hier une superbe manifestation patriotique. En ce moment il nous faut acclamer notre Maître... Vive Notre-Seigneur Jésus-Christ ! Et maintenant invoquons Notre-Dame de Bon-Secours. Puis avant le combat, plaçons-nous sous la protection de Jeanne d'Arc. N'est-elle pas le modèle du soldat, la patronne des guerriers ? Ne fut-elle pas la libératrice de la France ? Tous debout les bras en croix, sans respect humain, et prions Dieu : Notre Père qui êtes aux cieux... ». Et tous les assistants d'obéir comme à leur chef religieux. Il faut avoir vécu ces heures de surexcitation, pour comprendre de pareils élans de foi et de patriotisme. Ces paroles si simples sorties d'un cœur enflammé, électrisaient les auditeurs.

Le moment de la séparation venue, M. le Maire adresse ses adieux à ses administrés appelés à la défense de la France. Une indicible émotion étreint les cœurs de tous les assistants. La fanfare joue une dernière fois le salut au drapeau. Les mobilisés partent.

Combien d'entre eux ne devaient plus revoir leur cher Rohan !

Dès le début de la guerre, les bruits les plus absurdes circulent dans le peuple. Son imagination obsédée lui montre sans cesse des espions allemands déguisés en prêtres, en bonnes sœurs. Ici on en a fouillé, là fusillé, annonce la rumeur publique. Dans les premiers jours d'août à l'enterrement d'un Rohannais, plusiers voisines du défunt ont observé une religieuse. Elle leur parait suspecte. Sa présence au fond de l'église, l'absence de crucifix sur sa poitrine, de croix à son chapelet, ses brodequins rustiques, ses poils de barbe naissante inspirent les soupçons de nos femmes. « Il faut l'arrêter, se disent-elles ; c'est, un allemand mal rasé sous l'habit d'une sœur ». Vite elles la dénoncent à la cure, courent en même temps chez le maire. Le garde-champêtre est lancé à sa poursuite du côté de Thymadeuc, cependant que des, cyclistes pédalent sur la route de Josselin, à la recherche de l'incounue. On l'arrête au bourg de Bréhan-Loudéac. L'homme supposé était en réalité une religieuse de cette paroisse.

Les gens sans instruction acceptent comme des appareils enregistreurs, tout ce qu'on leur dit. Dans ces mêmes jours un ouvrier accourt en nage trouver M. le Curé. Porteur de 100 francs en papier-monnaie, il voudrait en faire l'échange contre de l'argent ou de l'or. Un plaisant vient de lui raconter que l'ennemi arrive en Bretagne par les Pyrénées, et a déclaré que les billets de banque n'auraient plus de valeur.

Les sectaires profitent de la crédulité populaire pour répandre, à la faveur de la guerre, la rumeur infâme, sans qu'on puisse découvrir les auteurs. Ils colportent le bruit que le duc de Rohan cache le Kaiser son parent, dans les caves de son château à Josselin, que les prêtres ont envoyé de l'argent à Guillaume II, que le pape a poussé l'Allemagne à nous déclarer la guerre, autant d'informations calomniatrices qui ne supportent pas l'examen.

5 août 1914. — Formation à Rohan de la milice municipale pour la surveillance des routes, à l'entrée de la ville. Dans ces endroits sont tendues nuit et jour, des chaînes de fer pour intercepter le passage. Les gardiens de la milice veillent à tour de rôle, munis de fusils, de carabines..., de pichets de cidre, d'eau-de-vie. Sous l'influence de leur ivresse patriotique ils étaient exposés à tomber dans le canal, ou à tirer sur un passant qu'ils auraient pris pour un prussien. Afin de parer à ce double danger, au bout de quelques jours on supprima la garde.

Deux à trois fois par jour, le bureau de poste recoit les dépêches de la guerre. A peine communiquées la mairie les fait publier à son de tambour et afficher. Aussitôt citadins et gens du voisinage se précipitent vers la poste, forment des groupes compacts qui lisent et discutent les opérations militaires. C'est le chômage parmi nos artisans. Ils flanent du matin au soir ; sans aucun goût pour leur métier, ils sont tout à la guerre.

Une grande piété règne dans la paroisse. Des fidèles nombreux se pressent au confessionnal, à la sainte table, à la messe. Chaque jour à 1 heure et demie de l'après-midi, le chapelet est récité dans la chapelle Notre-Dame de Bon-Secours, et le soir à l'église parroissiale.

Enfin un comité de femmes et de jeunes filles travaillent avec zèle et assiduité, sous la direction de Mme Lorand (femme de l'ancien Juge de Paix), à la confection des gants, chaussettes, tricots, passe-montagne... pour les soldats du front. ...........

A la mémoire de ses enfants morts pour la patrie, durant la guerre mondiale, Rohan a élevé un monument de granit oeuvre du sculpteur Y. Tardivel et de J. Vernery entrepreneur.

Sur le socle rectangulaire se dresse un poilu brandissant son fusil pour la défense d'un menhir, symbole de la petite patrie. Si la finesse des traits et l'expression d'énergie difficile à rendre dans le granit, manquent au soldat, son attitude, les décors, le sujet, le monument dans son ensemble produisent une heureuse impression. Il proclamera aux générations futures l'amour de la patrie, la mort glorieuse des Rohannais ses défenseurs, l'une des gloires de la cité immortelle.

Dans le granit du socle l'artiste a gravé les noms des soldats de la commune de Rohan, morts au champ d'honneur (1914-1918).
J.-F. Allain ; E.-M. Allio ; M.-M. Allio ; A. Boucicaud ; V. Boucicaud ; T.-J. Cabo ; F.-M. Derien ; D. Garaud ; F. Gargasson ; H.-J. Guillemin ; C.-F. Guillemot ; L.-M. Guillemot ; J.-M. Guillermot ; P.-M. Guillermot ; Y.-M. Guillermot ; J.-M. Hirvois ; R. Jarnot ; P.-M- Jégo ; E. Jouannic ; L.-M. Jouchet ; E.-J. Kervadec ; M. Lamour ; J. Launay ; J.-D. le Bourhis ; J. Le Crom ; P. Le Labour ; H. Lesage ; M. Le Texier ; L. Macé ; A, Martin ; A. Quérel ; Y. Ramel ; F. Roussel ; A. Valin ; J. Beurel.

(P. Martin).

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