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Doléances des notables de Rohan, 1789. — Première municipalité et le serment civique.

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Doléances des notables de Rohan, 1789. — Première municipalité.— La cour seigneuriale et le vicaire, cause principale de l'agitation révolutionnaire. — Le serment civique.
(Doléances de la sénéchaussée de Ploërmel, 1789, Archives du Morbihan, série B).

 

Le dimanche 5 avril 1789, les notables de Rohan se réunissaient à la sacristie de l'église paroissiale, en présence du sénéchal de leur juridiction Joseph-Antoine Edy. Le but de cette assemblée ? Adresser au roi leurs doléances, et nommer des délégués pour l'élection des députés aux Etats Généraux [Note : Le Général devait tenir sa réunion en présence du Juge de la juridiction, ou à son défaut, en présence du procureur fiscal].

Des ressemblances frappantes existent entre les cahiers de remontrances, parce qu'elles ont été rédigées sur un modèle unique œuvre de courtiers électoraux, qui recevaient le mot d'ordre de Paris. Thuault de la Bouvrie en fut, dit-on, le principal agent dans son immense sénéchaussée de Ploërmel.

Vous trouvez nombre de plaintes exprimées en termes identiques par les Généraux de Rohan, Saint-Gouvry, Saint-Samson, Crédin. Cette identité s'explique par la présence le même jour, aux assemblées de notables dans ces paroisses, du sénéchal de Rohan Edy. Il colportait certaines doléances d'un bourg à l'autre.

D'une façon générale dans les cahiers de doléances on sent : 1° l'influence des villes sur les campagnes ; 2° l'influence des hommes de lois jaloux des seigneurs, qui président les assemblées des notables.

En somme les Rohannais réclament du pouvoir royal des réformes sociales, politiques, judiciaires, financières et ecclésiastiques.

A. — Réformes sociales.

« Sire, déclarent les notables, nous nous plaignons d'être seuls assujettis à la corvée des grandes routes et forcés d'abandonner la culture de nos terres pour aplanir la voie où vont passer les voitures du seigneur ou de l'homme opulent ».

« La culture de nos terres ! » plaisante expression pour des artisans qui ne possédaient qu'une langue de jardin, quand même ils en avaient ! Leur demande que la dépense pour les grands routes, incombe aux trois Ordres, c'est-à-dire au trésor public, n'en est pas moins juste, puisque ces routes sont utiles à tous.

Les Rohannais protestent aussi contre la mesure qui dispense du service militaire, les domestiques des nobles et des gens d'église. A leur sens — et ils avaient parfaitement raison — l'exemption devrait plutôt être accordée aux laboureurs, surtout aux fils d'une veuve n'eut-elle que cinq à six journaux de terre à labourer.

Les notables se plaignent en outre de l'inégale répartition des impôts dont les uns frappent exclusivement le Tiers : le fouage, le casernement, les milices, les droits sur les eaux-de-vie, liqueurs [Note : A Crédin, le Général réclame la suppression du droit de guet. Il doit disparaître, déclare-t-il, puisqu'il n'y a plus de château à garder].

Ils veulent encore et à bon droit, la suppression des charges donnant la noblesse. Elle doit être accordée au seul mérite. Abolition également ou modification du franc-fief ; suppression au moins des 48 sous par livre, jusqu'en sus du revenu fixe des biens nobles possédés par les roturiers et sujets à ce droit, diminution des 22 sous par livre du dixième, fixation pour la dîme des terrains défrichés, par exemple à la 50ème gerbe comme pour les dessèchements.

Le vœu suivant fait honneur à l'humanité des Rohannais : pour éviter, comme ils s'expriment, le retour de la famine qui a fait tant de victimes parmi les indigents surtout dans nos campagnes en 1786, les municipalités et les Généraux de paroisses nantis de fonds disponibles et suffisants, devraient les employer à des approvisionnements de grains nécessaires à la subsistance de leurs pauvres pendant un an. Ces grains leur seraient délivrés en cas de besoin, au prix courant, si non vendus.

B. — Réformes politiques.

En matière politique les Rohannais réclament une légitime représentation dans toutes les assemblées nationales [Note : Avant 1789, les Etats provinciaux choisissaient eux-mêmes leurs députes aux Etats-Généraux. Ces Etats provinciaux étaient nommés : 1° par le haut clergé, évêques abbés de monastères, députés des églises cathédrales de la province ; 2° par les nobles ; 3° par les représentants des 42 villes bretonnes qui avaient le droit de députer] : les députés du Tiers en nombre égal aux deux autres Ordres ; le vote par tête ; ni nobles ni annoblis, ni ecclésiastiques comme représentants du Tiers ; dans leurs assemblées élection du président aux voix, l'accessibilité à toutes les charges. « Que notre liberté, déclarent-ils, soit aussi sacrée que celle des autres citoyens ».

C. — Réformes judiciaires.

Les notables de Rohan demandent que la justice soit rendue par Sa Majesté ou ses représentants directs [Note : Le Général de Saint-Gouvry demande — dans les mêmes termes que celui de Crédin — l'antorisation pour la paroisse de choisir chaque année parmi les habitants 12 prud'hommes ou jurés, qui tous les dimanches s'assembleront à l'issue de la grand'messe, à l'effet d'entendre les plaintes pour dommages de bestiaux, injures... Cette commission prononcerait sans frais telle condamnation qu'elle jugerait convenable jusqu'à la somme de 30 fr. par provision à la charge d'appel pour des amendes plus élevées. Au surplus, le Général demande que dans la paroisse il soit établi seulement un greffier et un notaire pour une population moindre de 200 âmes ! La multiplicité des juridictions fut une des plaies de l'ancien régime]. En conséquence plus de juridiction seigneuriale — à la réserve des duchés pairies [Note : Notons en passant que pas un cahier des doléances en 1789, n'a réclamé l'abolition des institutions provinciales, des droits et franchises de la Bretagne en particulier, mais au contraire leur maintien] qui vont directement en appel à la Cour, et des autres juridictions similaires.

Revendication, ajouterons-nous, bien légitime. En effet, la multiplicité des juridictions seigneuriales trop souvent incapables, mais surtout exposées à l'arbitraire et aux influences du Maître, fut un des vices capitaux de l'ancien Régime.

Les Rohannais continuent : si le Parlement subsiste encore, qu'il soit composé mi-partie de nobles et du Tiers ; qu'enfin avocats, notaires, juges et procureurs ne soient admis à leur emploi, qu'après un examen rigoureux sur leurs bonnes mœurs et capacités.

D. — Réformes financières.

Pour le relèvement des finances du royaume, l'Assemblée propose le prélèvement d'un impôt sur le café, le thé, le chocolat, le sucre ; en cas d'insuffisance, une taxe fiscale sur les objets de luxe : chaises à porteurs, litières, chaises roulantes, carosses.

De plus les représentants de la cité expriment le vœu, que le compte-rendu de l'administration des deniers de chaque province, soit communiqué tous les deux ans aux paroisses.

E. — Réformes ecclésiastiques.

Les notables Rohannais en abordant ce chapitre, se livrent à une violente diatribe contre le haut clergé et les moines, et ce afin de mieux défendre le bas clergé et le Tiers. Comme le vicaire de Rohan, M. Perrotin, zélateur du mouvement réformiste, assistait à la séance, il est vraisemblable que ces doléances furent émises à son instigation. Au demeurant, elles étaient l'expression de la grande majorité de la petite ville [Note : La franc-maçonnerie prit une part active à la rédaction des cahiers de 1789. Voir Godefroy : Les Bénédictins de Saint Vannes et la Révolution. Voir aussi le livre de M. Cochin : Influence des Sociétés de pensée sur la Révolution].

« Que Sa Majesté, demandent les notables, soit suppliée d'admettre indistinctement aux évêchés, abbayes et autres places ecclésiastiques, les membres du Tiers pourvus du mérite nécessaire, par la raison que la noblesse n'étant pas essentielle, l'honneur, la probité et les talents n'y sont pas inhérents.

Que les évêques, abbés et autres bénéficiaires à charge d'âmes, soient privés du revenu de leurs bénéfices, si sans raison légitime ils s'éloignent pendant trois mois de leur résidence ».

Puis les représentants de Rohan s'indignent — on le criait alors non à tort sur tous les toits — contre la richesse excessive, parfois scandaleuse des moines. Le sort d'un moine égal à celui d'un recteur ou curé à portion congrue, l'excédent des richesses monacales versé dans le trésor de l'Etat, l'enregistrement de la déclaration du roi (septembre 1786) relative à l'augmentation des portions congrues, voilà sur ce point les revendications de l'assemblée.

Le Général de Saint-Gouvry plus précis voudrait améliorer la situation du recteur commun aux deux paroisses de Rohan-Saint-Gouvry, par la réunion à la cure d'autres biens ecclésiastiques jusqu'à la somme de 2.400 francs.

Enfin à l'exemple des autres Généraux de paroisses, les notables de Rohan adoptent foutes les doléances du cahier de la ville de Rennes non exprimées dans le leur.

Suivent les signatures des assistants [Note : Jean Rault, maître-maçon et aubergiste. - Herpe-Villecamary, marchand ? - Julien-Marie Gambert, procureur de la juridiction de Rohan. - Yves Rolland, marchand. - Pierre-Ambroise Rolland, sieur des Aunays, marchand de vin, connu lui et ses successeurs sous le nom de Rolland des Aunays. - Mathurin Rolland, trésorier en charge de la fabrique, huissier. - Jacques Houédin, greffier de la juridiction du Gué-de-l'Isle. - Mathurin Fuméliau, épicier. - Jean le Pioufle, propriétaire, père du futur curé de Rohan. - Louis Chéreux, aubergiste, marchand de tabac, de sabots, clous, graines, bois, toiles... - Mathurin le Pioufle, aubergiste. - Joseph Guillot, maître d'école. - François Cadoret, serrurier. - François Collin, sergent de la jnridiction de Rohan. - Jouannic, menuisier. - Jean Marie Rouxel, menuisier, tonnelier et tourneur. - Jean Marchand, cordier. - Joseph-François Muy de Blé, sieur de Kergourio, greffier de la juridiction de la Chèae, neveu de Nicolas-Etienne Lorant. - Joseph Audrin, maître en chirurgie. - Michel Gambert, tailleur d'habits. - Joseph-Vincent Semaria, greffier de la juridiction du Resto. - Marc le Malliaud, charron. - J.-M. Perrotin, curé de Rohan. - P. Herpe, notaire. - Nicolas-Etienne-Fontaine Lorant, procureur fiscal de la juridiction de Rohan. - Joseph-Antoine Edy, sénéchal de Rohan.].

La réunion du Général de Saint-Samson eut lieu dans la sacristie de la chapelle de Notre-Dame de Bonne-Encontre, sous la présidence du sénéchal Edy, comme celle de Rohan et de Saint-Gouvry. Voilà pourquoi nombre de doléances de ces trois paroisses sont rédigées dans les mêmes termes. Au sujet de ces doléances il importe de faire plusieurs remarques :

1° Les notables ne disent pas un mot contre le fameux usement de Rohan si critiqué à l'époque [Note : A Crédin le Général demande avec véhémence la suppression de l'usement de Rohan « sous lequel, dit-il, vivent plus de 200.000 âmes, usement rigoureux et qui n'est sans doute qu'un reste odieux de la tyrannie féodale... usement aussi nuisible au seigneur propriétaire, à la marine et à l'Etat, que funeste au colon ou tenancier »], parce qu'il ne les touchait guère directement.

2° La plupart des plaintes ci-dessus sont d'ordre général et furent émises dans les autres cahiers du Tiers. Elles n'avaient rien que de légitime. Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir, au début de la Révolution, le bas clergé, le Tiers et le peuple marcher la main dans la main, à la conquête de la liberté et de l'égalité.

Le malheur est que dans ces doléances on voit déjà l'empiétement du pouvoir civil sur le religieux, ingérence qui mènera rapidement au schisme de la Constitution civile du clergé et à la guerre civile.

3° Ce n'est pas seulement le Général de Rohan mais un plus grand nombre de notables de la paroisse, qui viennent faire entendre leurs protestations contre le régime féodal suranné.

4° Notons enfin l'absence à l'assemblée, de M. le Bot, recteur des paroissses de Rohan-Saint-Gouvry, la présence au contraire de M. Perrotin son vicaire [Note : M. le Bot ni M. Perrotin n'assistèrent à la réunion du Général de Saint-Gouvry]. « Les prêtres bretons étaient en général favorables aux réformes réclamées par le Tiers-Etat en tant qu'elles se trouvaient compatibles avec le respect de la discipline ecclésiastique. Ils étaient tous frappés des inégalités choquantes qui existaient dans l'attribution des fonctions et des revenus aux divers degrés de la hiérarchie, les plus élevées restant le patrimoine à peu près exclusif d'une seule classe, et les curés à portion congrue au bas de l'échelle étant voués à toutes les fatigues de l'apostolat. Eux-mêmes vivant au milieu du peuple, connaissaient bien les légitimes représentations du Tiers-Etat, et plusieurs avaient aidé leurs paroissiens à rédiger les cahiers de leurs doléances » (René Kerviler : La Bretagne pendant la Révolution, I, 1).

La loi du 28 décembre 1789 ordonnait la formation des municipalités. Elle souleva dans bien des paroisses de graves difficultés, parfois une lutte même violente entre l'ancien pouvoir et le nouveau, parce que le Général refusait à ce dernier de lui abandonner ses attributions.

A Rohan comme l'opposition au nouveau régime ne comptait pas, à vrai dire, sans difficulté fut composée la municipalité. Elle comprenait les membres dont les noms suivent [Note : Voir, pour la fin de ce chapitre, Archiv. municip. : Délibérations de la municipalité, 1790-1796. Il manque les deux premières pages sur 47] :

Nicolas-Etienne Fontaine-Lorant, maire [Note : Fils Julien et Marie Jouin. Il avait épousé à Rohan, le 29 juillet 1745, Thérèse Cotbreil d'Elven, veuve de Jacques Courtel, marchand à Rohan. Elle mourut le 9 novembre 1782, lui le 7 octobre 1809, à l'âge de 96 ans accomplis]. Originaire de la ville de Caen nous le trouvons dès 1745 à Rohan où il exerce les fonctions de notaire. Procureur terrien des habitants à la même époque, et leur acharné défenseur dans le procès qu'ils soutinrent contre leurs recteurs Danilo, le Garlantezec et le Général de Saint-Gouvry, d'un tempérament agressif, il savait au besoin imprimer à son caractère une grande souplesse. Son ambition sénile le poussa à chercher assidûment auprès des Rohannais la popularité.

A l'encontre des procureurs fiscaux il sut la gagner en flattant. Pourvu de la charge de procureur fiscal, par mandement de Louis-Marie-Bretagne-Dominique duc de Rohan-Chabot, le 9 mai 1769, il n'eut dès lors qu'une ambition prendre la place et influence de son seigneur et maître. Pour arriver à ses fins, le vieux renard normand allait se faire ardent démocrate et passionné révolutionnaire, malgré ses 76 ans passés en 1789 [Note : Les communes d'après le nouveau régime étaient dirigées par un maire assisté d'officiers municipaux, d'un conseil général composé de notables et d'un procureur de la commune représentant le gouvernement].

A cause du chiffre minime de la population de Rohan la municipalitié ne comprit que deux conseillers, Jacques Houédin et Mathurin Fuméliau, le premier neveu du maire et issu d'une vieille famille de robe de la cité, le second épicier.

A côté des officiers municipaux siégeaient les notables formant le conseil général de la commune :

Julien-Marie Gambert [Note : Né à Pleugriffet le 25 novembre 1750, fils de Jean-Baptiste, notaire et procureur de la juridiction de Pleugriffet et de Françoise le Nouvel (Archiv. municp. de Pleugriffet)].

Josepb le Malliaud, aubergiste [Note : Frère de Marc et de Jean-Marie, époux de Julienne le Roux].

Joseph Audrin, chirurgien, c'est-à-dire officier de santé. Autant son collègue Louis-Marie Toulmouche s'effaçait, autant celui-ci avait soif de paraître et de jouer un rôle comme homme public [Note : Louis-Marie Toulmouche, époux de Perrine Moriaux, décédé le 27 germinal III, à l'âge de 45 ans et 3 mois].

Louis-François Conan, notaire et procureur, originaire de Saint-Goneri. Il avait épousé, le 28 janvier 1788, Marie-Thérèse le Maître, fille de Jean-François, en son vivant notaire et procureur de Rohan, et de Thérèse Houédin. En sorte que Jacques Houédin, Louis Conan, Nicolas Lorant, Charles-François Morel, Pierre-Ambroise Rolland, Joseph-François Muy de Blé étaient unis par les liens d'une parenté étroite ce qui ne contribuait pas peu à cimenter leur communion d'idées.

Louis Conan n'avait pas assisté à l'assemblée des notables, qui adressèrent au roi leurs doléances. Il n'était pas moins l'ardent détracteur de l'Ancien Régime, autant sinon plus que les autres officiers de la cour seigneuriale. Nous le verrons bientôt.

Jean le Pioufle.

Pierre le Texier, aubergiste, zélé défenseur des idées nouvelles [Note : Epoux de Bonne-Julie Coquelin qui, pour marquer son zèle révolutionnaire, s'appelait Bonne Egalité].

Jean-Marie Perrotin, procureur de la commune. Né au village de Kerfiloé en Plumelec, le 17 mai 1756, fils de Louis et de Mathurine Riboucbon il fut ordonné prêtre le 23 octobre 1781, et nommé vicaire à Rohan vers la fin de la même année. L'esprit farci de la creuse phraséologie du temps, d'une intelligence médiocre, d'un servilisme plat, il compta sur l'audace et la faveur du pouvoir pour l'entreprise de ses desseins.

Il avait dans la personne de M. Edme Darlot, recteur génovéfain de Saint-Samson, son voisin, un puissaut soutien et un digne émule. C'est lui qui en envoyant son adhésion à la fête de la seconde Fédération de Pontivy (15 février 1790), écrivait cette phrase gravée sur la colonne commémorative... « Ce que vous avez fait, rendra à jamais votre ville et vos noms célèbres dans les annales de la Bretagne » [Note : Edme Darlot, chanoine régulier de St-Jean-des-Prés, prieur-curé de la Croix-Helléan 1772, puis de St-Samson, curé constitutionnel de cette dernière paroisse 1792, élu recteur constitutionnel de Lanouée 3 avril 1791, refusa cette cure (Archiv. Evêché Vannes) ; encore curé sermenté de St-Samson en 1794, fut, à titre de représailles, selon la tradition, saigné par les chouans sur un billot. Que vaut cette tradition ?].

Rohan fit partie du district de Josselin. Par l'importance de sa cour ducale, de ses foires, du souvenir de son château féodal, de ses seigneurs, par le fait qu'elle était une ville, notre cité briguait l'honneur d'être chef-lieu de canton. Mais les idées révolutionnaires de ses habitants, déplaisaient à M. Alain, recteur de Josselin et député. Grâce à son influence, le choix tomba sur Bréhan-Loudéac, commune rurale plutôt rétrograde dont le recteur, Vincent le Pioufle, avait été élu maire en 1790 par 60 voix contre 13.

Le canton comprenait les communes de Bréhan-Loudéac, St-Samson, Rohan, St-Gouvry et Crédin.

Nous donnons ci-contre le sceau du premier et dernier juge de paix du canton de Bréhan-Loudéac, Yves-François Guillemot. Une République debout sur un socle, penchée en arrière, tient dans sa main droite un faisceau de licteur, d'où sort la hache symbole de l'autorité, dans sa main gauche une pique surmontée du bonnet phrygien (même symbole). Le faisceau et le socle forment un L majuscule (loi). Sous le socle le monogramme R. F. (République Française). En exergue on lit : Juge de paix du canton de Bréhan-Loudéac.

En 1802 Rohan supplanta Bréhan-Loudéac, et devint chef-lieu du canton actuel et du doyenné.

La nouvelle Constitution exigeait des municipalités des réunions fréquentes. Elles étaient publiées à la postcommunion de la grand'messe, annoncées au son de la cloche suspendue au petit beffroi de l'auditoire [Note : Sur l'invite de son procureur M. Perrotin, la municipalité avait demandé à François-Marie la Barre, Intendant du duc de Rohan, et obtenu l'usage des halles, auditoire et prison avec charge d'entretenir ces bâtiments ainsi que le four banal. Pour rentrer dans ses frais la municipalité percevait les droits d'étalage sous les halles aux étoffes, et les taxes dues par les exposants sous les halles aux grains], tenues dans la salle basse de ce bâtiment, ordinairement le dimanche ; tout en un mot dans le mode de convocation, se passait comme sous l'ancien régime pour les assemblées du Général.

Après la formation des municipalités, la Constituante avait voulu assurer la police en France. En conséquence par divers décrets elle ordonne (1790) l'organisation des gardes nationales sédentaires, puis au mois de décembre de la même année, la formation des gendarmeries nationales, rendue obligatoire dans les centres fixés par une loi du 16 juillet 1791.

Au district de Josselin, les municipalités montrèrent peu d'empressement à l'organisation des milices. Josselin, la Trinité et Rohan constituèrent seules les gardes nationales. Encore leur nombre s'éleva-t-il à moins de 200 hommes (Arch. du Morbihan. L 257-269).

Le peuple de nos campagnes bretonnes avec la bourgeoisie et le bas clergé, avait accueilli plein d'enthousiasme, la Révolution au début, c'est-à-dire la suppression de l'Ancien Régime et des privilèges. Mais déjà vers la fin de 1790, la peur de l'inconnu envahissait les esprits de nos paysans, en principe hostiles aux innovations. Ils commençaient à se poser ces questions : « Où allons-nous ? Pourquoi le gouvemement s'occupe-t-il de réformer l'Eglise et la religion ? Est-ce l'affaire des laïques ? Les gardes nationaux ne seront-ils pas en danger ? Qui s'occupera de la ferme, pendant leurs exercices ou leurs patrouilles ? ».

Ecuyer Charles-Anne le Garo de Kergadien fut nommé commandant de la Garde nationale à Rohan, Pierre-Ambroise-Rolland Desaunays, capitaine.

Nous trouvons le Garo dans notre ville en 1759, simple commis des devoirs. Il venait sans doute du pays de Guémené où il avait épousé Anne-Josèphe Tual. Quelques années plus tard, il est élevé sur place au poste de receveur dans le même emploi. Il sut, cacher à temps, sous la Révolution, son titre et sa particule de noblesse, se faire appeler simplement Kergadien. Collecteur de l'impôt à Rohan (1792), juge de paix du canton de Bréhan (an IX), sans violence ni haine apparente, il joue un rôle important, au cours de la Révolution, en notre cité. Il avait vécu plus d'un demi-siècle, à côté du vieux renard normand Nicolas Lorant. Celui-ci mourut en 1809, âgé de 96 ans. Kergadien n'en avait que 90, quand il décéda l'année suivante.

C'est le lieu de faire remarquer l'influence considérable que les étrangers exercèrent à Rohan, sous la période révolutionnaire.

Nous venons de nommer le Garo de Kergadien, Nicolas Lorand et P. Rolland-Desaunay, ce dernier ; originaire de Saint-Thélo (Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor).

Après eux il convient de citer avant tous Joseph-Antoine Edy, de Cadelac, même département. Ancien sénéchal de Rohan, il s'y fit, après la suppression de son emploi, par les lectures publiques et expliquées des lois et décrets de la Constituante, l'éducateur populaire des idées de la Révolution. En retour il sera nommé juge au district de Josselin, puis, au tribunal civil de Vannes.

Louis-François Conan, jadis notaire et procureur de la juridiction de Rohan, était venu de Saint-Gonneri. Procureur de la commune, au départ de M. Perrotin, il se montra fougueux jacobin.

Pierre-Jean Pégorier était un aveyronnais qui se fixa à Rohan vers 1793, Son dévouement aux idées nouvelles lui valut la présidence de l'administration cantonale de Bréhan-Loudéac (an IV).

Le sans culotisme de Julien-Marie Gambert, de Pleugriffet (ancien notaire à Rohan), lui mérita une place de juge au district de Pontivy.

L'instituteur Joseph Guillot était natif de Josselin, Il devint secrétaire de la municipalité (greffier comme on disait alors), et officier public en 1793.

Jean-François Mat, de Locminé ? Ancien notaire à Rohan, fut élu président du Comité de surveillance (1793).

Joseph Audrin, médecin, originaire de Saint-Caradec (Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor), futur agent national de Roha (an V), et Pierre le Texier, de Plumieux (même département), étaient avec P. Rolland-Desaunay trois membres influents de ce comité (Arch. municip. registres paroissiaux et civils).

Enfin les prêtres Perrotin et le Coz n'étaient pas Rohannais.

Revenons à notre sujet. Pour sa sécurité Rohan obtient en 1793, 4 gendarmes et un cantonnement de 100 hommes. Il se renouvellera dans la suite, jusqu'à la pacification des esprits, par intermittence et en nombre inégal.

Les édiles rohannais ne devaient pas tarder — d'ailleurs en conformité de la loi — à s'ingérer de plus en plus dans le domaine religieux. On les voit agiter la question de certains tarifs de l'église, tracer leurs devoirs aux fabriciens. En séance du 12 tobre 1790, M. Perrotin requiert en qualité de procureur de la commune, que Pierre le Texier, trésorier de la ville, fasse diligence pour obliger les sieurs Edy, Desaunays et Conan à rendre leurs comptes.

A quelque temps de là, la municipalité devait tenir une séance d'une exceptionnelle importance, 8 décembre 1790.

Tous ses membres sont présents au lieu ordinaire de ses délibérations : le maire Fontaine-Lorant [Note : On l'appelait communément Lorant tout court], Mathurin Fuméliau et Julien-Marie Gambert officiers municipaux ; Pierre le Texier, Joseph le Malliaud, Jean le Pioufle, François Raguédas, Yves Rolland, Pierre Rolland-Desaunays, notables.

Assistent à la réunion M. Perrotin, procureur de la commune et la plupart des citoyens actifs [Note : Pour être citoyen actif il fallait payer au moins 6 livres d'impôt, être âgé de 25 ans et baptisé].

Tous viennent d'être convoqués à la postcommunion de la grand'messe, pour entendre lecture de la lettre circulaire du Département, à l'occasion de la protestation du clergé contre les décrets de l'Assemblée Nationale.

La lecture achevée, M. Perrotin justifie en ces termes la doctrine du Gouvernement sur le serment civique :

« Messieurs,
Le mémoire de Messieurs du Département dont on vient de donner lecture, est appuyé sur les autorités les plus respectables, et ne contient que la doctrine la plus pure et la plus sainte, et je me propose de sceller cette vérité de mon serment au premier jour. Tout sujet qui pense différemment est dans l'erreur, car je ne vois rien dans les décrets de notre nouvelle Constitution que de conforme à la pureté de notre religion catholique, apostolique et romaine. Et a signé : Perrotin, procureur de la commune »
.

Quelle emphase ! quelle suffisance ! On croirait entendre un Docteur de l'Eglise et c'est un vicaire de Rohan !

La municipalité lui décerne acte de sa déclaration, puis elle nomme trésorier de la chapelle Saint-Martin Jacques Quèrel, et de l'église paroissiale Joseph le Malliaud. Celui-ci sera chargé en outre de la recette des dons patriotiques et du rôle de la Capitation.

Les deux trésoriers entreront en fonctions le 1er janvier 1791, pour sortir l'année suivante à pareille date.

Le dimanche 26 décembre 1790, M. Perrotin prêtait sans restriction le serment à la constitution civile du clergé. Quelques heures plus tard, devant la municipalité convoquée à cet effet, le vicaire parlait en ces termes :

« Messieurs,
« Vous avez été témoins qu'à la postcommune de la grand'messe de ce jour, après avoir représenté l'horreur du parjure, j'ai prêté le serment de veiller en qualité de curé de cette paroisse, avec soin sur le troupeau confié à M. le Recteur et à moi, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout mon pouvoir les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi. Je vous prie de m'en décerner acte. Et a signé, Perrotin, procureur de la commune »
.

Quand M. Perrotin énonce que le troupeau a été confié à M. le Recteur et à lui, il émet une erreur et une prétention mensongère. Car M. le Bot était le pasteur, M. Perrotin n'était que son vicaire, c'est-à-dire son auxiliaire mais point du tout son égal.

Quoi qu'il en soit, les municipaux enregistrent sa déclaration, et certifient que leur curé [Note : Avant la Révolution le vicaire s'appelait curé] a prêté le serment dans les termes ci-dessus.

Bien que faisant à lui seul presque tout le ministère paroissial, la prédication peut-être, exceptée, le vicaire de Rohan souffrait dans son orgueil, d'exercer ses fonctions curiales en une ville et paroisse trop petite. A son instigation vraisemblablement, les édiles rohannais formulent le dessein d'une paroisse constitutionnelle agrandie avec Rohan pour centre. Nous avons vu l'étendue de ce projet et son échec.

Les décrets des 20, 22, 23 décembre 1790, stipulaient que toutes les communes de France seraient dans les villes comme dans les campagnes, divisées en sections.

Ainsi chaque commune de France fut modelée sur celle de Paris, avec sa milice, ses sections, sa municipalité, son procureur, son conseil général, plus tard ses comités.

Le 21 juin 1791 les municipaux de Rohan décidaient qu'eu égard à l'exiguité de leur commune, pas n'était besoin de la sectionner, attendu que deux ou trois commissaires assistés d'un ou deux officiers municipaux, suffisaient à remplir très facilement la tâche marquée par les décrets sus-mentionnés [Note : A cette occasion, les représentants de Rohan adressèrent à l'autorité administrative les limites de leur commune comme suit : elle donne du levant à la rivière d'Oust, du midi au chemin qui conduit de partie de la même rivière nommée le Gué, au-dessous du moulin de Rohan, au village du Bourg-aux-Moines dépendant de la paroisse de Crédin, descendant de la butte de ce village le long du cimetière de Saint Martin anciennement paroisse de Rohan, et passant par le petit chemin qui conduit à la fontaine de N.-D. de Bon Secours, faisant ensuite le tour des deux étangs d'en haut ; du couchant à terre en lande et terres labourables dépendant de la paroisse de Crédin, joignant au champ Grouais, au Grand Clos et chemin qui conduit de la croix de la Haye au pré de Talhoët ; et du nord au dit pré, à l'étang et à la grande prairie de Talhoët].

Le 3 avril 1791, dans l'église de Notre-Dame du Roncier, à Josselin — grâce à leurs amis de Rohan, électeurs, — MM. Darlot et Perrotin étaient élus curés constitutionnels : le premier de Lanouée, le second de Plumelec, son pays natal. Tous les deux refusèrent par peur sans doute, la direction de paroisses réfractaires aux intrus et restèrent à leur poste. Perrotin savait au demeurant, que nul n'est prophète dans sa patrie. Ses compatriotes menaçaient de le lapider, s'il venait à Plumelec.

D'ailleurs une nouvelle assemblée d'électeurs laïques, allait lui offrir la paroisse de Sérent, le 21 août 1791. Au préalable M. Perrotin avait été pressenti sur son acceptation. On peut s'en convaincre par la lettre suivante adressée par le vicaire de Rohan, le 19 août précédent, au procureur syndic de Ploërmel, Gaillard (Archives départementales du Morbihan, L 855) :

« MONSIEUR ET CHER FRÈRE,
Votre lettre m'honore mille fois plus que je ne mérite. Si Sérent est comme vous me le dites, je ne balancerai point, mais s'il est aristocrate, je n'en veux point. Supposez que j'obtienne la majorité des suffrages, comme votre lettre me l'annonce, je veux une sûreté, tant de votre district que des différentes municipalités de Sérent. Et si les paroissiens ne me désirent point, je n'y irai point. J'ai déjà été nommé allieurs (sic).
Quoique je n'aie pas l'honneur d'être connu de Messieurs de votre district, je vous prie de leur présenter mes très humbles respects. En attendant votre réponse sub silentio, j'ai l'honneur d'être votre très humble et très obéissant serviteur. PERROTIN, procureur de la commune »
.

Nous passons sur la faiblesse du style, et le grand nombre de points, pour ne signaler que l'obséquiosité du correspondant. D'ordinaire le prêtre n'abandonne ses chefs légitimes, que pour se faire le valet, encenseur de l'autorité civile.

Au reste, c'est en tremblant que les jureurs acceptaient leur paroisse, surtout dans les campagnes dépourvues et éloignées des garnisons, car la fureur des catholiques fidèles contre les assermentés, était une épée de Damoclès constamment suspendue sur leurs têtes. Aussi fallait-il souvent pour les garder, avoir recours à la force armée.

M. Perrotin demeura à Rohan jusqu'au 2 septembre 1791 jour où il reçut ses pouvoirs de l'évêque jureur le Masle.

Installé solennellement — avec l'appui d'une troupe en armes — le 4 septembre 1791, à Sérent, M. Perrotin y remplit les fonctions curiales jusqu'au 7 germinal an II [Note : Archives de l'évêché de Vannes. En qualité de curé de Sérent, il était payé 2.004 livres. Il obtint dans la suite une pension de 800 fr Arch. départ. L 528]. A cette date, il est arrêté (Archives départem. L 882) et interné dans la maison de détention à Vannes, parce qu'il jette le trouble à Sérent [Note : Archives départem. L 1195. Il sort de prison le 4 nivôse III. En l'an V (18 nivôse) et en l'an VI il exerce le culte à Maiestroit où il est dit « ayant des sectateurs catholiques ». (Arch. départ. L 1195 et 1258)].

Notons que sur 917 prêtres du ministère que comptait le diocèse de Vannes — tel qu'il fut modifié comme département — 80 seulement prêtèrent le serment, soit moins de 1/11.

Le diocèse constitutionnel compta dans le cours de la Révolution 143 prêtres jureurs dont 80 du ministère, 50 religieux et 13 étrangers [Note : Chiffres résultant des études combinées de M. le chanoine Rouxel et de l'auteur. M. Kerviler est inexact quand il écrit : « dans tout le Morbihan qui comprenait 232 communes, on avait à peine rencontré 50 prêtres jureurs » (R, Kerviler, La Bretagne pendant la Révolution, I. 86)]. Proportionnellement les défections chez les religieux furent beaucoup plus nombreuses.

La Constitution Civile du clergé, c'est sous le prétendu retour à l'Eglise primitive, le clergé électif, fonctionnaire, indépendant du pape, par suite la suppression de la hiérarchie dans l'église de France, bref une église d'Etat.

Par son bref du 13 avril 1791, Pie VI frappe de suspension, tout jureur évêque et prêtre qui dans l'espace de quarante jours, n'aura pas rétracté son serment à la dite Constitution, déclare nulles les élections épiscopales, sacrilèges les consécrations, nulles également les élections aux église paroissiales. Il suspend de l'ordre épiscopal les prélats consécrateurs, exhorte les assermentés au repentir, bénit, encourage et félicite les prélats, les prêtres et les catholiques fidèles.

A partir de la Constitution civile du clergé, la plupart de nos paroisses compteront deux camps ennemis, plus ou moins nombreux et acharnés : l'un avec le pape et l'Eglise catholique, l'autre contre, avec la majorité de l'Assemblée Nationale ; à la tête du premier, le prêtre réfractaire proscrit hors de la loi civile, à la tête du second, le prêtre intrus hors de la loi spirituelle. Les chouans défendront le premier, les bleus le second.

C'est à la lumière des directions pontificales dont nous venons de parler, et des principes essentiels à l'Eglise catholique, qu'il faut étudier les guerres civiles, en somme religieuses, de la Révolution en France, sous peine de n'y rien comprendre, ou du moins de les voir dans la pénombre.

(P. Martin).

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