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Le ministère de Le Coz, le moine le Malliaud, l'ancien sénéchal Edy, le comité de surveillance, fête de l'Etre Suprême.

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Le ministère de Le Coz. Ses rapports avec le moine Le Malliaud. — Inventaire de l'argenterie des églises de Rohan et de Saint-Gouvry. — Vive opposition à la Constitution dans la région voisine de Rohan. — Un incident. — Patriotisme modéré des Rohannais. — Comité de surveillance : Taxes, réquisitions, perquisitions. — Rohan ambitionne d'être chef-lieu de canton. — L'ancien sénéchal Edy. — Zèle des chefs de la Révolution à Rohan pour acquérir les biens nationaux. — Les cartes de pain. — Abolition du culte. — Le Coz et le Malliaud abdiquent leurs fonctions de prêtre. — Fête de l'être Suprême.

[Ce chapitre est extrait presque exclusivement des Archives municipales de Rohan (registres des délibérations, de l'état religieux et civil)].

 

Après le départ de M. le Bot, l'intrus le Coz remplit les fonctions de pasteur dans la paroisse de Rohan-Saint-Gouvry. Jusque-là, aucune preuve qu'il ait entendu des confessions ou béni des mariages ; les registres paroissiaux signalent seulement qu'il baptisa quelques enfants. Mais à partir de la mi-août 1792, le Coz fait chrétiens un certain nombre d'enfants, la plupart des paroisses environnantes : Bréhan-Loudéac, Crédin, Saint-Samson, Noyal-Pontivy. Parfois le jureur le Malliaud l'aide dans son ministère. D'ailleurs les deux moines schismatiques vivaient en bonne intelligence. Détail piquant : le 16 août 1792, le Coz baptisait Charles-Marie-Civique né le jour précédent de Louis-François. Conan, procureur de la commune, et de Marie-Thérèse le Maître. Le parrain fut Charles-François Morel, la marraine Mathurine le Malliaud. Père, mère, parrain, marraine, baptisant jusqu'à l'appellation du nouveau né, tout était révolutionnaire.

Le Coz tient les registres de l'état religieux d'une façon pitoyable. Son écriture est pointue, irrégulière, illisible. Aussi par raison de convenance, les actes sont-ils écrits vers la fin de 1792 [Note : La loi du 20 septembre 1702, substitue les officiers civils aux ecclésiastiques pour la tenue des registres de l'état-civil], par le moine le Malliaud, plusieurs de la main de Pierre-Ambroise Rolland Desaunays. L'intrus appose simplement sa signature. Indépendamment de la calligraphie défectueuse à l'excès, on constate dans ces actes les omissions les plus graves ; ici manque le nom de la mère, là le nom et le sexe de l'enfant. Certains actes portent : « on a baptisé » ou : « N... a été baptisé » sans le nom du prêtre qui a conféré le sacrement. Quant aux assistants au baptême des intrus, ils déclarent en général ne savoir signer, crainte de se compromettre.

La multiplicité des lois et des serments indice de faiblesse et d'instabilité pour un régime, fut une des caractéristiques de la Révolution. Les délégués de la garde nationale de Rohan Louis-Marie le Verger, François Rolland, Jean Raulet et Joseph le Malliaud se rendent à la fête de la Fédération à Josselin (14 juillet 1792), répéter le serment fédératif tant en leur nom qu'au nom de leur commune. Le 26 septembre suivant, plusieurs notables de la cité entre autres les prêtres Alain le Coz et Mathurin-Jean le Malliaud jurent individuellement, en présence de la municipalité, d'être fidèles à la nation et de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en la défendant. Avant toutes les élections, avant d'entrer en fonction toujours le serment préalable.

Cependant le moine le Malliaud sans cesse en quête d'une position sociale, est nommé curé constitutionnel de Crédin (9 octobre 1792). Dans la paroisse il se trouvait seul jureur : il ne dut pas y rester longtemps, à cause de l'hostilité de la population ; nous le retrouvons bientôt, en effet, officier public à Rohan, puis percepteur (1793).

La persécution religieuse finit toujours par le vol. Une lettre du district de Josselin (22 octobre 1792), ordonnait aux municipalités de son ressort, d'inventorier l'argenterie de leurs églises pour l'expédier à la monnaie. En conséquence la municipalité rohannaise désigne Jean-François Mat et Marc le Malliaud, pour dresser l'inventaire et peser les objets et vases sacrés en or et en argent, employés au service du culte dans les églises de Rohan et Saint-Gouvry [Note : A l'Aministration du district de Josselin c'était un tel désordre qu'elle n'envoya jamais à la commission des revenus nationaux ou bien parce qu'elle ne l'avait pas ou bien parce qu'elle ne se donnait pas la peine de le chercher, l'état n°1 des matières d'or et d'argent trouvés chez les émigrés (lettre du 2 floréal III, L 183, p. 222 recto). La nouvelle administration ne put le faire, dit-elle dans cette lettre, qu'après les recherches les plus minutieuses faites dans les bureaux de l'ancienne administration].

Sur les entrefaites, Guillaume Bonin de Rohan déclare à un notable de la ville, que l'argenterie du château de Talhoët était cachée en un drap de lit dans le jardin du manoir, huit pieds au-delà du cadran solaire dans la direction de l'entrée. A cette nouvelle, la municipalité nomme pour commissaires à l'effet d'opérer une perquisition, Julien Gambert et Bonin qui choisiront pour les accompagner un nombre de gardes nationaux à leur gré.

Plus on avançait vers la Révolution sanglante, et plus les fonctions de garde national dans le pays de guerre civile comme la Bretagne, devenaient périlleuses. Le département et le district de Josselin : demandaient deux gardes nationaux volontaires à Rohan. Personne ne répond à l'appel. La municipalité dut les tirer au sort parmi les neuf conscrits.

Par ordre du district, le Coz avait recommandé en chaire le 10 mars 1793, l'obéissance à la Constitution. C'était prêcher dans le désert au pays de Rohan. A cette époque, en effet, les communes de Radenac, Pleugriffet, Crédin demandaient leurs prêtres (Falher : Le Royaume de Bignan, p. 248).

Dans plusieurs circonstances la Supérieure des bonnes Sœurs de Crédin, avait parlé en mauvaise part de la Constitution. Mal lui en prit. Des délateurs (en ce temps-là comme de nos jours ils étaient légion) vinrent trouver le procureur de la commune Conan.

1° Mathurine Migno femme Mathurin Rolland, huissier, sans sommation ni sollicitation déclare que la dite bonne sœur entra chez elle, il y a à peu près un an. « Elle me posa, ajoute le témoin, cette question : Allez-vous à la messe ? »« Oui. »« Vous péchez mortellement ; mieux vaudrait rester à la maison pour garder vos enfants ». — « Je ne sais si je pèche, mais je continuerai à aller à la messe ». « A cette réponse la Bréguéro sortit ».

Cette déposition Mathurine Migno s'offre de l'attester en justice.

2° Marc le Moing, charpentier à Kergourio, s'exprime en ces termes : « Aux environs de Pâques, j'étais allé chez Marie le Bréguéro chercher du beurre. Elle me fit cette observation : vous avez renoncé à votre baptême en allant à la messe des jureurs. Si votre père vivait encore, ce n'est pas lui qui y assisterait. Vous ne lui ressemblez pas. Il serait venu lui à nos offices. Je déclare que Marie le Bréguéro préside elle-même ces offices, le matin ou à l'heure de la grand'messe. Je suis prêt à maintenir ma déposition devant la justice ».

Comme le témoin précédent, le Moing ne sait signer.

En conséquence de ces deux dépositions et autres preuves qu'il fournirait au besoin, le procureur a requis que Marie le Bréguéro soit conduite en la prison de Rohan, sur réquisition de Pierre-Ambroise Rolland Desaunays, capitaine de la garde nationale, « et attendu la nouvelle faute commise par elle, et son impertinence en affectant scandaleusement de refuser de s'agenouiller, lors du passage de l'évêque, alors que plusieurs autres le faisaient ».

La conduite de Conan reçoit l'approbation de la municipalité et du Conseil général de la commune.

Plus dangereux que la guerre contre les moines et les bonnes soeurs réfractaires, était le danger d'une invasion. Pour lutter contre cette menace, la Convention ordonne (24 février 1793), la levée de 300.000 hommes. Le recrutement se faisait par engagement volontaire et par tirage au sort là où le chiffre fixé par la taxe n'était pas atteint, ce qui était le cas ordinaire surtout dans les campagnes.

Le 2 juillet 1793, la municipalité rohannaise siège en permanence, attendant des enrôlements volontaires... Personne !... Le capitaine de la milice Desaunays se présente et prend la parole. Il ne croit pas que, malgré leur bon civisme, les gardes nationaux presque tous pères de famille et sans armes puissent être de quelque utilité à l'Etat. Toutefois pour faire preuve de patriotisme et de soumission aux ordres réitérés de la municipalité, il allait commander à ses soldats de la garde, d'être prêts à partir le lendemain en plus grand nombre possible. Ils prendront à Josselin, des armes qu'ils réclament depuis plus de quatre ans à Vannes.

Quelques instants plus tard, les citoyens Desaunays capitaine de la garde, Joseph Semaria, Jean Audrain, sous-lieutenant, Colomban Rolland sergent, Pierre Barbier, François Bizily, Sévère Cherouvrier, Alain Bourby, Joseph Latenier, Jean Busson, Joseph Migno et Jean Odi annoncent que demain à 8 heures du matin, volontairement ils gagneront Josselin, pour de là se rendre avec leurs frères d'armes combattre les ennemis de la Vendée.

Toutes leurs protestations de civisme et leur attachement à la Révolution, ne diminuaient pas les contributions des rohannais. En 1791 leur imposition mobilière s'élevait à 585 l. 4 s. 11 den., et leur imposition foncière à 1.046 l. 4 s. 9 den. Ils trouvent cette augmentation d'autant plus injuste que les ressources de l'Etat n'ont point exigé, disent-ils, d'augmentation et que même les communes des départements voisins ont ressenti quelque diminution. Ils s'honorent de contribuer au salut de la chose publique, mais ils ne peuvent le faire aux dépens de leurs forces. En vain la commune de Rohan a fait une requête en réduction au district de Josselin. Ses administrateurs pour toute réponse envoyèrent des rôles avec ordre de les mettre sur le champ en recouvrement. Ce que voyant les officiers municipaux et notables de la cité, chargent le citoyen Julien Gambert d'aller exposer au département les torts et griefs dont ils souffrent.

Dans la même séance (11 août 1793), la muncipalité choisissait pour son secrétaire Joseph Guillot, instituteur à Rohan, à la place de Semaria parti sous les drapeaux.

C'était la Terreur époque où la mouchardise était devenue une institution révolutionnaire, principalement par la création des comités de surveillance. Leur fonction consistait à dénoncer toute personne suspecte de fanatisme (religion), de fédéralisme (parti girondin) ou de réaction (royalisme).

Le 10 octobre 1793 prit naissance à Rohan le comité de surveillance. Ses 12 membres [Note : Les 12 élus furent Marc Le Malliaud, Jean Audrain, Olivier Le Roch, Jean Raulet, Joseph Audrin, Mis. Fuméliaud, Pierre Le Texier, Jean-François Mat, Jacques Houédin, Pierre Rolland des Aunays, Mathurin Rolland, Joseph Semaria. (Ce dernier avec Jean Audrain et Pierre Rolland avaient donné leurs noms pour la campagne de Vendée : s'ils la firent, elle fut pour eux de courte durée] furent élus par la municipalité, les citoyens actifs et autres de la commune. Après avoir prêté le serment conforme à la loi, les membres du comité nommèrent entre eux Jean-François Mat pour leur président, et Mathurin Rolland huissier en qualité de secrétaire.

Dans la grande guerre les réquisitions et taxes étaient fréquemment à l'ordre du jour. Il en fut de même sous la Révolution. Dans le courant de novembre 1793, des émissaires passent chez les citoyens de notre cité, pour y saisir pistolets, sabres et bottes. On déposait ces armes et objets à la maison commune, pour être ensuite présentés au district.

Située entre plusieurs bois et forêts des émigrés asile favorable aux chouans, Rohan révolutionnaire vivait non sans raison, dans une crainte continuelle. Sa municipalité trouvait ses moyens de sûreté trop précaires. Voilà pourquoi elle demanda à Guermeur, agent du comité de salut public, quatre gendarmes au lieu de trois (6 novembre 1793).

Une nouvelle sensationnelle venait de se répandre qui n'était pas de nature à diminuer la frayeur des rohannais. Le procureur Conan annonce qu'il a appris par le maire de Saint-Maudan, que les rebelles de la Vendée arrivés à Dol menacent Dinan. Ce dernier a donné l'ordre de convoquer au son de la cloche, ses administrés en état de prendre les armes : ils doivent se rendre à Lamballe, porter secours aux véritables citoyens. Entraînés par cet exemple de leurs voisins, les officiers municipaux de Rohan arrêtent que tous les citoyens de leur cité — à l'exception des fonctionnaires publics — capables de prendre les armes, répondront au premier appel du district. Aussitôt ils informent de la nouvelle et de leur décision, le district de Josselin et les maires du canton de Bréhan-Loudéac [Note : La commune de Saint-Gouvry avait alors un maire et une municipalité]. Les administrateurs du district expriment toute leur reconnaissance aux municipaux de Rohan, les félicitent de leur patriotisme, déclarent que leur surveillance active est un sûr garant des principes qui les ont toujours animés pour la cause de la liberté.

Dans le même temps, les représentants de Rohan invitaient Guermeur, à accorder à leur cité la qualité de chef-lieu de canton. En faveur de leur requête ils faisaient valoir les raisons suivantes : Rohan se trouve au centre du canton. Et ce n'est que par un effet de l'aristocratie du sieur Allain ci-devant recteur de Josselin, que la paroisse de Bréhan-Loudéac aristocrate située à l'extrémité du canton a été nommée provisoirement chef-lieu. A entendre les municipaux rohannais, leur demande n'est appuyée que sur la justice. Tel est d'ailleurs, disent-ils, l'avis de Messieurs les Administrateurs du district. Ils ont reconnu après avoir pesé les raisons des habitants de Rohan, que leur ville était la seule localité convenable pour y fixer le canton.

La Révolution dévorait ses enfants. L'ancien sénéchal de Rohan Edy devait en être la victime. Juge au district de Josselin, premier élu du comité de surveillance de cette ville, avec les membres de son comité il écrivait, vers le mois d'octobre 1793, dans le but de faire appliquer les lois terroristes : « Nous ne balancerons pas à aviser au prompt moyen de déjouer les intrigues de ces monstres aristocratiques et calotinocratiques... Ils périront tous ou nous serons ensevelis sous les ruines de la république » (Archiv. départem. du Morbihan, L 1155).

Quelques jours plus tard, taxé par les Montagnards de fédéralisme (girondin), il est condamné à la prison. De son cachot de Josselin il adresse le 3 novembre 1793, la lettre suivante à Barré-Mannéguen le nouveau procureur général syndic : « En vertu de l'arrêté du citoyen Prieur représentant du peuple, je me suis rendu moi-même à la maison d'arrêt de cette commune. J'y suis depuis huit jours, en qualité de membre du Conseil général du département, étant toujours jaloux de me conformer à la loi. Je vis tranquillement dans ma captivité, parce que, grâce à l'Etre Suprême, je n'ai aucun reproche à me faire. J'ai l'âme pure et droite et les sentiments d'un vrai républicain. Car depuis le commencement de la Révolution et même longtemps auparavant, j'ai soutenu avec un courage et une intrépidité incroyable, l'intérêt du peuple que je chéris. J'ai toujours abhorré la royauté, les despotes, les fanatiques, leurs complices et adhérents. Tu me connais, mon ami. Je n'ai jamais varié, depuis ma première entrevue à Auray et Hennebont. M'as-tu vu changer ? N'ai-je pas toujours été le même ? As-tu vu en moi des sentiments contraires à ma chère patrie ? Non, sans doute ; avoue-le avec ta franchise républicaine. Fort de ma conscience, j'attends avec impatience la décision du citoyen Prieur. Je ne crois pas avoir jamais cessé de mériter. Salut, fraternité et courage. Signé Edy républicain. Mille choses à tes confrères et à la chère moitié. Je suis pressé » (Archiv. départem. du Morbihan, L 268).

On croirait entendre Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions !... Même jactance en un style ampoulé, infatuation égale de sa personne. Edy vante pompeusement son zèle farouche contre les rois, la noblesse, le clergé, son républicanisme intègre, son âme pure. Seulement ses protestations de fidélité au régime ne lui ouvraient point les portes de la prison. Ce que voyant Edy adresse à Barré-Mannéguen une nouvelle supplique, dans laquelle il fait de lui-même à nouveau un éloge dithyrambique, 22 frimaire II (12 décembre 1793). Comme cette lettre concerne l'histoire de Rohan, nous la reproduisons. Elle nous révèle — toutes réserves faites sur la vantardise de l'auteur — de quel prosélytisme ardent faisait preuve Edy pour la diffusion des idées nouvelles. Elle nous rappelle aussi une lettre retrouvée par Taine dans les archives du Comité des recherches : « Vous voulez connaître les auteurs des troubles, vous les trouverez parmi les députés du Tiers, et particulièrement parmi ceux qui sont procureurs et avocats. Ils écrivent à leurs commettants des lettres incendiaires : Ces lettres sont reçues par les municipalités, lesquels sont aussi composées de procureurs et d'avocats. On les lit tout haut sur la place principale, et des copies en sont envoyées dans tous les villages » (Cité par Kerviler : La Bretagne sous la Révolution, T. I, p. 30).

Revenons à la lettre d'Edy : « En 1789 j'ai été le premier fondateur de la garde nationale de la ville de Rohan, en leur exposant par des discours patriotiques la nécessité où elle était de s'organiser, et d'apprendre l'exercice pour sa propre sûreté et empêcher par ce moyen, que les ennemis de la chose publique ne l'eussent égorgée. J'ai si bien réussi, qu'aujourd'hui j'ai l'avantage de dire qu'il n'existe pas dans cette ville un seul aristocrate. J'étais dans ce moment destitué de ma charge de sénéchal. J'ai été dans cette position jouissant d'une médiocre fortune et sans aucun émolument, environ 9 à 10 mois, sans murmurer en aucune manière ; au contraire je ne pensais qu'à faire le bonheur de mon pays, et à instruire le peuple par des lectures continuelles que je lui faisais de l'Assemblée Constituante. Je bénissais ses travaux comme je bénis aujourd'hui ceux de la Convention nationale.
Depuis cette époque j'ai été nommé juge et électeur du district de Josselin, et ensuite administrateur du Conseil général du département, pendant trois années consécutives...
C'est ce qu'attesteront non seulement tous mes concitoyens et les administrés du département, mais encore les citoyens du district de Loudéac, de Rohan et des paroisses circonvoisines. Edy »
(Archiv. du Morbihan L 269).

L'ancien sénéchal comme ses amis les notables de Rohan, bénissaient la Révolution surtout par intérêt, profiteurs qui s'enrichirent par l'achat des biens nationaux [Note : Voir par ailleurs la liste de ces acquéreurs et leurs biens]. Nous ne croyons pas que leur curé schismatique le Coz leur en fît grief. Aussi la population avait-elle à coeur de le conserver. La preuve c'est que la municipalité désignait, le 8 décembre 1793, les trésoriers de la fabrique pour l'année à venir.

Cependant la vue du banc ducal dans l'église, offusquait les regards démocratiques des rohannais. Voilà pourquoi le procureur Conan demande que ce meuble, sous le prétexte qu'il occupe une trop grande place, soit mis hors du temple, et vendu au profit de la république. Les municipaux se contentent de le faire transporter au bas de l'auditoire, 6 nivôse II (26 décembre 1793). Le même jour, sur l'invite des représentants de la cité, un rohannais se chargeait de descendre la cloche de l'église, paroissiale et celle de Saint-Martin, pour être conduites au district.

Dans cette même séance la municipalité établit les cartes de pain. Elle arrête que le boulanger Joseph Audrain chaufferait son four à heure fixe, le mardi et le samedi de chaque semaine, à 3 heures de l'après-midi. La veille à partir de midi jusqu'à 10 heures du soir, les particuliers iraient prendre des cartes, pour la quantité de tourtes qu'ils avaient l'intention de faire cuire. Le fournier était responsable de la cuisson.

Notons en passant que le défaut capital, peut-être, de notre régime est l'irresponsabilité, tandis qu'une des causes du succès de la Révolution, fut la responsabilité qui incombait dans toutes les administrations aux détenteurs du pouvoir.

Bien que dans sa petite ville, le maire de Rohan ne connût guère d'ennemis, les taxes, les réquisitions, les perquisitions, les arrêtés et lois nouvelles, avant tout les menaces des chouans, rendaient sa situation particulièrement difficile. De guerre lasse Lorant résolut de résigner ses fonctions, le 6 nivôse II (26 décembre 1793), « pour éviter, déclarait-il, toutes les tracasseries et injures journellement lui faites ». En présence de la municipalité assemblée, il remercie les citoyens actifs de la ville, de l'avoir élu maire depuis le commencement de la Constitution, et de lui avoir prolongé son mandat jusqu'à ce jour par acclamation. Il continuera ses fonctions, en attendant que le gouvernement ait accepté sa démission. A ce désistement les deux officiers municipaux Julien-Marie Gambert et Pierre Herpe répondent par une fin de non recevoir.

Quant à Conan les citoyens actifs l'élisent par acclamation à l'unanimité agent national, charge équivalente à celle de procureur de la commune, avec des pouvoirs plus étendus, puisqu'il représentait l'Etat dans la commune.

En conformité de la loi, la municipalité rohannaise avait gardé les objets indispensables au culte : tous les jours les deux moines jureurs le Coz et le Malliaud pouvaient célébrer la sainte messe. Mais voici que le 15 janvier 1794 (26 nivôse II), le commissaire Dayot écrit de Rennes pour rappeler la loi interdisant l'exercice du culte, et ordonnant la saisie de l'argenterie des églises. « Nous vous invitons, ajoutait-il, à faire culbuter et détruire tous les signes extérieurs du fanatisme, qui peuvent exister dans vos cantons ».

Au reçu de ce communiqué, Conan l'homme servile dit aux officiers municipaux : il nous faut anéantir tous les signes extérieurs du fanatisme, envoyer au district sans retard, les deux calices de notre église avec une épée à poignée d'argent et six chandeliers en cuivre, descendre du dôme de Saint-Gobrien, les deux bras de la croix sans la flèche, sur laquelle on apposera le bonnet de la liberté avec le drapeau tricolore. Devant l'arbre de la liberté il sera dressé un autel de la patrie.

La municipalité charge les citoyens Gambert et Raulet de l'exécution de ce projet, sans toutefois souffler mot de l'envoi des deux calices à Josselin. Ils durent encore rester à Rohan.

On fit passer au district la grille et le couvercle des fonts. Mais bien des objets ne furent pas enlevés, puisque le 27 prairial suivant, Conan recommande à la municipalité de nommer deux commissaires pour assister à l'inventaire de tous les ornements, argenterie, cuivre, plomb et fer dans l'église de Rohan.

Nos deux moines prévaricateurs remplissaient toujours à Rohan leurs fonctions ecclésiastiques. Au surplus le Malliaud, depuis le 13 octobre 1793, était officier public de la municipalité. Celle-ci d'ailleurs ne songeait guère à leur créer d'ennui.

Cependant le 7 germinal II (27 mars 1794), nouvel ordre, de Carpentier au district de Josselin : interdiction absolue du culte.

Le lendemain devant la municipalité de Rohan assemblée, le Coz et le Malliaud déclarent abdiquer [Note : Le secrétaire Guyot avait d'abord écrit laissé, mais le mot fut rayé et remplacé par abdiquer. Un décret de la Convention en date du 2 frimaire II accordait une pension aux évêques, curés et vicaires qui abdiqueraient leurs fonctions. Le 2 sans culottidi fin de fructidor II la Convention déclarait que la République ne paierait plus les salaires d'aucun culte. Dans la suite les pensions des jureurs furent rétablies] leurs fonctions de prêtres et se conformer aux lois de l'Etat.

La municipalité décerna acte de cette déclaration, et après avoir nommé Jean Audrain et Jean Raulet pour faire le recensement des cochons, elle arrête qu'il sera procédé le 15 germinal courant environ les 2 heures de l'après-midi, à la vente de tous les matériaux de la chapelle Saint-Martin, les fers des vitraux exceptés [Note : Le 25 septembre 1793 (4 vendémiaire II) le Comité de Salut public avait ordonné que le fer des églises et chapelles serait employé à la fabrication des fusils. Voir sa vente dans la monographie de la chapelle Saint-Martin].

A partir du jour où il s'était porté adjudicataire de ce sanctuaire pour le démolir, le moine le Malliaud devint très antipathique à la population de Rohan, et même odieux dans les campagnes environnantes, d'autant que son frère Marc qui avait acheté la dite chapelle pour la renverser, était accusé de n'avoir agi qu'à l'instigation de son frère le moine prévaricateur. Las gens furieux criaient à sa vue, dit la tradition : « Malliaud tu as détruit la chapelle, tu la rebâtiras », menaçant même parfois de le lapider. Aussi le 30 floréal II (19 mai 1794), il donne sa démission d'officier public ; l'instituteur Guyot lui succéda dans cette fonction.

Quinze jours plus tard, Julien Gambert, premier officier municipal de Rohan, était nommé second juge du district de Pontivy, et Pierre Herpe second officier municipal également de Rohan, était appelé à l'administration du district de Josselin, avec son compatriote Rolland Desaunays.

Ces deux derniers comptaient parmi les six administrateurs nouveaux pour le district. Prieur de la Marne, commissaire du Comité de salut public dans le Morbihan, les avait choisis parce que plus sans culottes que leurs prédécesseurs.

Marc le Malliaud et Pierre le Texier continuèrent les charges de nos deux édiles rohannais après leur départ.

Le comité de surveillance faisait œuvre de dénonciation politico-religieuse. Tout homme suspect de tyrannie (royalisme), de fanatisme (religion) ou de fédéralisme (parti des Girondins), voyait l'épée de Damoclès suspendue sur sa tête. Les comités de surveillance formaient comme une ramification du comité de salut public.

La garde nationale faisait la police. Les jours de foires et marchés à Rohan, une patrouille composée d'un officier municipal (chacun des deux passait à son tour), de l'Agent national avec 4 fusiliers sous les ordres du capitaine de la garde, circulait à travers la ville, pour assurer la police des auberges entre 9 et 10 heures du soir. Les délinquants étaient passibles de prison ou d'une peine en rapport avec les délits.

Cependant les chouans devenaient de plus en plus furieux contre les rohannais révolutionnaires et grands acquéreurs de biens nationaux. Pour leur sauvegarde le général Lacombe leur envoie 100 hommes en cantonnement, 22 floréal II. C'était un détachement des volontaires de l'armée de Paris [Note : C'est à cette époque, que par crainte de tomber entre les mains des chouans, le recteur Constitutionnel de Saint-Samson Edme Darlot l'âme du parti révolutionnaire en sa paroisse, s'empoisonna le 11 floréal II (1er mai 1794), et monrut à 10 heures du soir, en d'atroces douleurs sur le billot de la cuisine actuelle. (D'après M. Lesage, ancien recteur de Saint-Samson, voir Livre de paroisse et Arch. munic.), La tradition que nous avons relatée à la page 254 est donc erronée].

En même temps des changements importants se produisaient dans la garde civique. Son capitaine Rolland Desaunays ayant été promu membre du directoire de Josselin, Charles-Anne le Garo de Kercadien lui succède ; Joseph Audrin devient son lieutenant, Jacques Baud sous-lieutenant. Sont élus sergents Jean le Marchand et Colomban Rolland, caporaux Jean et Honorat Jouannic.

De son côté la municipalité édicté des mesures plus rigoureuses pour le régime des détenus. A leur entrée dans la maison d'arrêt, ils paieront 10 sols, à leur sortie autant. Durant leur captivité, ils ne pourront exiger qu'une chopine de cidre par repas et aucune liqueur, si telle est la volonté des auteurs de leur incarcération. Pénalité sévère si les gens du pays aimaient alors autant la boisson, que leurs compatriotes de nos jours ! !

La question religieuse restait toujours à la base de la Révolution, depuis le serment civique. L'administrateur du district de Josselin Rolland Desaunays avait reçu en tremblant l'ordre de faire enlever tous les ornements, argenterie, cuivre, plomb et fer des églises du canton de Bréhan (prairial II).

Les municipaux de Rohan donnent aussitôt l'ordre de transporter au district le couronnement des fonts baptismaux de l'église paroissiale, les chiffons ou pillots avec les fers de la chapelle Saint-Martin. Les mêmes municipaux désignent en même temps Pierre le Texier, pour prendre au presbytère de Saint-Gouvry, les effets du sieur le Bot ancien recteur, et les faire passer au plus tôt à Bréhan : 1 couette de balle, 1 couverture et 2 draps de lit. Un arrêté du département du Morbihan, 15 octobre 1792, assimilait les ecclésiastiques non munis de passeports aux émigrés et ordonnait la saisie de tous leurs biens (Archiv. du Morbihan L 257).

Un peuple ne peut vivre sans religion. Proscrite la religion catholique, Robespierre établit le culte de l'Etre Suprême. En un très grand nombre de communes de France, il fut inauguré dans les églises avec une pompe extraordinaire, qui souvent tenait du burlesque. Tel fut à Rohan le programme de la dédicace :

« A 10 heures précises du matin le 20 prairial II (8 juin 1794), tous les habitants se transporteront au Temple dédié à l'Etre Suprême, où après avoir entendu la lecture d'une partie des droits de l'homme, suivant la nouvelle Constitution, la municipalité précédée du tambour et du fifre de la commune, et suivie de la garde nationale en armes, formeront ce qu'on appelait ci-devant procession, et dirigeront leurs pas vers la cour du ci-devant château. Et là, après avoir mis le feu au bûcher et crié : Vive la République française une et indivisible, par différentes fois, ils devront s'en revenir au Temple où il leur sera donné lecture du surplus des droits de l'homme. Après quoi le peuple se séparera, et se livrera au plaisir que peut leur procurer une journée semblable, le tout aux frais de la municipalité ».

(P. Martin).

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