Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

Les incursions chouannes et les représailles des garnisons à Rohan.

  Retour page d'accueil      Retour page "Histoire religieuse et civile de Rohan"      Retour page "Ville de Rohan"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Taxe des salaires. — Allocation aux parents des mobilisés. — La municipalité demande à changer le nom de Rohan. — Nouvelle garnison dans la cité. — A son départ nombreuses incursions chouannes et brigandages dans le pays. — Pour protéger Rohan contre une attaque éventuelle des chouans le Génie militaire commande d'isoler la ville. Démission du maire Lorand. — Arrivée d'une garnison dans la cité — son retrait. — Prise de Rohan par les chouans 22 messidor III. — Exode de la population. — Lettre de Mathurine le Malliaud. — Autre garnison à Rohan. — La ville mise en état de défense. — Excès de la troupe cantonnée. — Représailles.

(Voir pour ce chapitre les archives municipales et principalement les délibérations de l'époque).

Le 30 prairial II (18 juin 1794), le capitaine commandant la garnison de Rohan Urquin ? en compagnie de Pierre le Texier officier municipal, visite les caves de la ville pour voir si elles ne recelaient pas des cachettes suspectes, des matières à réquisition, de la poudre, des armes, un danger quelconque pour la République.

Et comme l'époque de la moisson approchait, la municipalité rohannaise arrête pour le mois d'août les salaires quotidiens des ouvriers : simples journaliers hommes et femmes 7 sols 6 deniers, batteurs et faucheurs y compris leur manger les premiers 15 sols, les seconds 30, une journée de harnois sans la nourriture 4 livres 10 sols.

Durant la guerre mondiale, les gouvernements délivraient des allocations aux parents des mobilisés pour subvenir aux besoins de la famille, en l'absence de celui qui était son gagne-pain. La Convention avait institué des secours aux parents des défenseurs de la patrie (Décret du 21 pluviôse II). Le citoyen Guillemot fils, de Bréhan-Loudéac, fut nommé commissaire pour établir dans le canton la liste des bénéficiaires. Pour l'exécution de la loi du 22 floréal, sur l'extinction de la mendicité dans les campagnes, Guillemot ajouterait les noms des indigents, pour être inscrits sur le livre de la bienfaisance nationale.

En conséquence la municipalité rohannaise arrête le 6 thermidor II (24 juillet 1794), que Vincent Blandel, âgé de 63 ans, « doit être employé dans l'état des artisans vieillards et indigents, pour jouir des bienfaisances nationales et n'en connaître aucune autre » (Archiv. municip. registre des délibérations).

La Convention inaugura une ère nouvelle avec la proclamation de la République, en changeant les heures, les jours, les mois, les années du calendrier chrétien. Elle avait proscrit le culte catholique et ses représentants, multiplié ses efforts pour faire disparaître toutes les traces de l'ancien régime, même les dénominations de villes, bourgs et villages pour celle de commune (Décret du 10 brumaire II).

Les municipalités révolutionnaires entendaient suivre fidèlement les principes de leurs chefs, les dépasser parfois. C'est dans ce but que nos municipaux arrêtent dans la séance du 5 vendémiaire III (26 septembre 1794), que le mot Rohan devenu infâme à la nation doit être changé. « Attendu, disent-ils, que Rohan au pied duquel passe la rivière d'Oust est placé sur une montagne, et que nous avons tant d'obligations à la Montagne de Paris, qu'il plaise à la Convention nationale de nous nommer
la Montagne-sur-Oust »
.

Ce vœu, croyons-nous, ne fut pas entendu de la Convention et resta lettre morte.

Quant aux notables de Rohan, à partir de prairial II, ils cessèrent ou à peu près d'assister aux séances de la municipalité. La Terreur règne sur la France ! Epoque où le parti vainqueur cherche à écraser le vaincu par la tyrannie la plus odieuse : le vol, la prison, l'exil, l'assassinat. « Liberté, égalité, fraternité ou la mort ! ». Voilà la devise des terroristes. Telle était en d'autres termes la devise des sectateurs de Mahomet aux temps passés, quand ils disaient à leurs ennemis abattus : « Crois ou meurs », c'est-à-dire : « Choisis le Coran ou le sabre qui te donnera la mort ! ».

Epoque de férocité sanguinaire ! La page du registre qui, le 8 brumaire III, relate aux archives municipales, les promesses de mariage du sergent François Rolland avec Perrine Eon, de Josselin, est maculée de plus de 150 taches de sang desséché, blanchi par le temps, qui a giclé à la suite sans doute, d'une bagarre à la mairie !...

Nous avons vu dans la guerre mondiale la crise du chauffage et du luminaire. Nos pères les connurent sous la Révolution. L'agent national Conan avait statué de sa propre autorité, que le corps de garde [Note : A la fin de l'an II (août 1793) il avait été transféré de la Maison Commune chez Jean le Pioufle au haut de la halle aux grains] serait éclairé la nuit par les cierges de l'église. Après leur consomption, une longue lutte suivit, à propos de chandelles, entre l'agent national et la municipalité, celle-ci voulant faire retomber les frais d'éclairage et de chauffage du corps de garde sur l'Etat, celui-là sur la commune. Et d'autant plus aiguë était la lutte que la chandelle plus rare. ............

La troupe retirée de Rohan pour les besoins de la défense nationale, la petite cité tremble devant les menaces des chouans. Comment résister à une attaque éventuelle de leur part avec ses 3 ou 4 gendarmes et sa garde civique ? En prévision Rohan demande le 30 vendémiaire III, une garnison de 100 hommes au Comité révolutionnaire de Pontivy. Le 18 brumaire suivant, des soldats arrivent au secours des Rohannais. Ils sont mis en casernement au haut de la halle aux grains, dans le corps de garde et une maison contiguë. Le maire Lorant et la citoyenne Aufray offrent gratuitement le gîte aux officiers. Cette libéralité les exempte tous les deux des frais de casernement. L'autorité devra prendre les bois de chauffage pour la troupe, sur la propriété de Talhoët. Le moine le Malliaud est chargé de leur répartition. Pour le bon ordre la municipalité fait défense aux débitants, de vendre à boire après 9 heures du soir aux particuliers, et aux volontaires après la retraite battue.

Mais voici que par suite du besoin urgent de soldats, le cantonnement a reçu l'ordre de quitter les murs de la cité. L'agent national Conan de jeter les hauts cris [Note : Séance du 7 frimaire III (27 novembre 1794)]. Si la troupe sort, dit-il à ses collègues de la municipalité, Rohan est abandonné au mauvais vouloir de tous les rebelles et à leurs incursions journalières. Dans la nuit de samedi dernier ils attaquèrent le village de Kerhué ; ils auraient même enlevé la vie à Mathurin Jagorel, si on ne leur avait assuré qu'il était absent. En partant ils ne lui donnèrent que huit jours de vie. Dans la nuit du dimanche au lundi suivant, à une portée de fusil de Rohan, les chouans ont pillé l'habitation de François Cobigo et l'auraient tué, d'après leurs déclarations réitérées, s'il n'avait été couché à Rohan où il se réfugie depuis un mois. Les assaillants ne quittèrent sa demeure qu'au point du jour. Le surlendemain nuit de mardi à mercredi, les brigands [Note : Brigands nom donné par les Bleus aux Chouans] coupent l'arbre de la liberté à Saint-Maudan. Sans troupe, sans arme ni munitions, environnés de toutes parts de malveillants les rohannais, déclare Conan, sont exposés à être égorgés.

En face du danger et de l'impuissance où se trouve la cité d'y parer, c'est le désarroi dans la municipalité : notables et municipaux ne viennent que très irrégulièrement aux séances, et ne semblent plus entendre la cloche qui les y convoque.

Si la garnison de Rohan quitta la ville, une autre s'y trouvait cantonnée le 23 pluviôse III (11 février 1795), sous les ordres du capitaine Picard. Cet officier recevait à pareille date, les ordres suivants de l'adjudant général Roger : « Il est instant d'intercepter toutes les communications avec les rebelles, et d'isoler Rohan ». En conséquence les autorités civiles et militaires de la cité, décident de couper les ponts du Quengo, de Thymadeuc, du moulin de l'Isle, de Penhoët.

Plus de troupes à Rohan le 2 ventôse III (20 février 1795). L'administration municipale insiste auprès du général Dutilh commandant dans le département pour avoir dans ses murs un cantonnement fixe. Le civisme éprouvé de ses habitants ne lui en donne-t-il pas l'espoir ? Les Rohannais accepteraient de grand cœur ne fut-ce qu'une poignée de soldats bien armés et disciplinés, tant leur crainte est grande de tomber y sous les coups de leurs ennemis.

Le 5 ventôse III (23 février 1795), 15 soldats cautonnaient à Rohan. A ses représentants le département écrivait la veille : « Nous pensons que ce détachement est suffisant pour garantir vos personnes et vos propriétés. Continuez donc votre active surveillance, tâchez de déterminer vos administrès à suivre l'exemple des communes de Bignan, Treffléan et autres ; à se prononcer fortement pour le maintien de la tranquillité, à faire des patrouilles, à donner la chasse aux chauffeurs [Note : Les chauffeurs pour obtenir la révélation d'un renseignement sur l'ennemi, mettaient de force les pieds des gens dans le feu. Chouans et bleus avaient leurs chauffeurs], aux déserteurs et à tous les étrangers de la commune. Alors de proche en proche tout le canton se donnera la main ; les mauvais sujets ne pourront y pénétrer et ceux du pays qui voudraient bouger, seront sur le champ appréhendés. Alors vous auriez l'assurance d'éloigner de dessus vos têtes le fléau de la guerre civile » (Archives départem. du Morbihan L 288).

Accablé sous le poids des ans, tiraillé surtout par la crainte des chouans, celle de déplaire aux pouvoirs publics et tout d'abord à l'agent national Conan, par le désir de garder les bonnes grâces de ses administrés, en butte à mille tracasseries, toutes ses roueries ne pouvaient sauver Nicolas-Etienne Lorant. Il résigne ses fonctions de maire le 22 février 1795, attendu, dit-il, l'impossibilité où il se trouve d'agir. De sa décision il a informé le district et le représentant du peuple dans le Morbihan ; maintenant il supplie l'administration municipale de lui donner un successeur.

L'affaire allait traîner en longueur [Note : A l'assemblée municipale du 7 prairial III Lorant signe pour la dernière fois comme maire]. En attendant une solution, l'agent national demande compte de leur gestion au maire, à Joseph le Malliaud pour les 2 sous par livre des patentes par lui perçues, à son frère le moine pour les sols additionnels qu'il a reçus, en sa qualité de percepteur des impôts l'an II.

Dans ces temps de délation il n'y avait de sécurité pour personne. Deux cloutiers de Rohan Mathurin Moizan et Grégoire Guégan viennent dénoncer à l'agent national, le capitaine de la garde civique le Garo de Kergadien, germinal III (mars 1795).

La veille, nos cloutiers avaient été invités à dîner chez Jean le Cam, fermier à la métairie de Kerbourhis. Pendant le repas, soudain entrent quatre brigands, dont deux armés qui déposent leurs armes sur la table, insultent les deux citoyens de Rohan, reprochent à Guégan d'avoir servi dans l'armée républicaine, et l'obligent à ôter ses vêtements... Après menaces ils leur laissent la liberté en disant : « Vous ferez bien nos compliments au capitaine de votre garde nationale Kergadien ; recommandez-lui de nous envoyer pour 10 sous de gros tabac noir à faire de la fumée. ». Françoise Gaudin femme Moizan déclare à son tour qu'un des brigands lui souffla ces mots à l'oreille : « Tu diras au citoyen Kergadien de m'envoyer 9 à 10 sous de tabac ». — « A fumer ou en poudre ? »« En poudre à tirer ».

L'agent national Conan demande alors à Kergadien de se justifier. Le prévenu répond que depuis un an, il n'a été chargé que d'une livre de poudre pour la garde nationale. L'incident est clos.

On conçoit dans quelles transes vivaient les Rohannais. Le 7 mai 1795 (18 floréal III), le district de Josselin informe le département que le 10 mai suivant (21 floréal III), lendemain d'une foire qui se tiendra à Bignan, les chouans doivent attaquer en nombre considérable et avec de l'artillerie, les cantonnements de Rohan, la Forge, la Nouée et Josselin. Le renseignement vient d'un patriote qui pour sauver ses jours, est obligé de faire le chouan. Il est urgent de prendre des mesures en conséquence (Archives départem. du Morbihan L 281).

A cette époque les menées chouannes deviennent d'autant plus menaçantes dans les campagnes, que les petites garnisons sont retirées des villes, par ordre de Hoche pour s'opposer à une descente des émigrés en Bretagne.

Plus de troupes à Rohan. Le 22 messidor III (10 juillet 1795), de grand matin la ville attaquée par les chouans, après une ombre de résistance tombe en leur pouvoir. Les habitants ne se mettent à l'abri de leur fureur, que par la fuite la plus précipitée ; 62 de ces patriotes se réfugient à Josselin, plusieurs à Loudéac, d'autres à Pontivy sous la protection des baïonnettes républicaines. Dans cette affaire la femme Rouillard fut tuée d'un coup de feu par les chouans à 3 heures du matin [Note : Françoise Rouillard ancienne domestique à Rohan, fille Raoul et Françoise le Mesle, originaire de Bréhan-Loudéac veuve de Mathurin le Tessier. Elle avait épousé le 10 juillet 1793, à Rohan devant le moine le Malliaud, officier public, Antoine Pocard, journalier à Rohan, originaire de Pluméliau, veuf lui-même de Marie Rolland. La victime avait 50 ans, son mari 51. Le 30 thermidor IV Antoine Pocard épousait en 3ème noces la veuve Georgelin, de Saint-Gouvry (voir archives municip.). Le nouveau marié n'avait pas de ses veuves un regret éternel]. La ville fut livrée au pillage. Il n'y resta guère que les femmes et les enfants.

Le 24 messidor (12 juillet 1795) Vannes écrivait au district de Josselin : « Rohan a éprouvé le sort de tous les endroits un peu considérables. Nous avons prévu ces désastres, lorsqu'on a retiré tous les petits cantonnements » (Archives départem. du Morbihan L 281, 284).

Maîtres de la situation les chouans fourmillent dans le canton de Bréhan-Loudéac, circulant par petits pelotons ; chez divers particuliers ils enlèvent plus de 10.000 livres, au meunier de Comper 4 chevaux.

Quand ils voulaient exercer leurs représailles, les chouans allaient ordinairement de nuit attaquer les patriotes. Masqués ou grimés, la figure barbouillée de suie, ils enfonçaient les portes, brisaient les fenêtres, appliquant à leurs ennemis la peine du talion : « œil pour œil, dent pour dent » (Archives départem. du Morbihan L 1196). Ils mangeaient, buvaient, prenaient les armes dans la maison envahie, parfois tondaient les cheveux, coupaient les oreilles... Alors c'était la revanche. Malheur aux délateurs des catholiques et des prêtres insermentés, malheur aux acquéreurs de biens nationaux. Force leur était de chercher sécurité dans les villes munies de garnison.

Parmi les réfugiés de Rohan à Josselin, se trouvait Joseph Jouet commerçant. Sa femme Mathurine le Malliaud lui adressait cette lettre, le 7 août 1795 (20 thermidor III) :

« La nuit notre repos est troublé par les méchants voleurs qui passent et repassent. Mardi dernier ils ont été au village de Kério chez Pierre Jan, l'ont volé et maltraité, lui disant qu'ils ne lui laissaient que quinze jours de vie, s'il ne rendait pas les effets qu'il avait achetés à la vente du recteur de Crédin. Hier au soir, environ à minuit, ils sont venus à Rohan, ont frappé à la porte du Texier en demandant à boire, les ont forcés d'ouvrir sa porte, et étant entrés l'ont refermée, et ont demandé à sa femme où était le marchand d'églises. Elle leur a répondu qu'il n'était pas à la maison ; ils ont pris ce qu'ils ont trouvé d'argent, lui ont bandé les yeux et l'ont fait mettre à genoux disant qu'ils la voulaient fusiller. Ils ont cherché le Texier dans tous les en haut, n'ont pu le trouver et n'ont trouvé que Colomban Rolland, Jean Alano et Alain Bourhis qui étaient à dormir dans le foin, les ont pris par les cheveux leur disant qu'ils allaient les faire mourir. Cependant ils se sont échappés d'eux. Après avoir pillé ils ont été de là à Kergourio chez Olivier Jégo, l'ont volé et l'ont obligé de remener une vache au recteur de Crédin qu'il avait eue à la vente. Cela mit tout le monde en grand trouble, et nous ne sommes pas plus en sûreté la nuit prochaine que la dernière. Voilà les tristes nouvelles que je te marque. L'agent national, le secrétaire et tous amis, frères et sœurs te font bien des compliments ». LE MALLIAUD.

Pour copie conforme : Soyer agent national, Fanneau-Lahorie secrétaire (Archives départem. du Morbihan L 278).

Le 24 août 1795 (7 fructidor III), Josselin demande une garnison à Rohan. Pour l'obtenir et rentrer dans leurs foyers, les représentants de la cité en exil, adressent des suppliques pressantes aux autorités civiles et militaires du Morbihan. Ils voudraient outre un cantonnement 80 fusils avec cartouches et munitions, l'autorisation de construire des murs et portes, pour assurer la sécurité de la ville et de ses garnisaires, la permission de prendre les bois nécessaires sur les terres de Talhoët à Pierre le Moyne émigré, et les fonds indispensables dans la caisse du district, attendu l'indigence de la commune de Rohan, depuis le pillage dont elle a été victime (Lettre du 1er vendémiaire IV (22 septembre 1795) archives du Morbihan L 281 et archives municip. délibération du même jour).

Le district de Josselin à son tour fait une demande analogue au général Lemoine, en ajoutant que si la troupe n'est pas envoyée à Rohan, les chouans vont s'emparer d'approvisionnements considérables qui doivent être versés dans les magasins de la République. De l'avis des administrateurs du district, il faudrait 100 hommes armés (2 octobre 1795) (Archives départem. du Morbihan L. 281).

La Sûreté engage le général Lemoine à prendre ces 100 hommes sur la garnison de Josselin (Archives départem. du Morbihan L. 281), et lui écrit en ces termes : « Nous réclamons pour eux (les Rohannais) une protection particulière ; ils sont et ont toujours été les amis de la Révolution, et c'est leur attachement constant à la patrie qui provoque contre eux l'acharnement des brigands ».

Le 19 vendémiaire IV (10 octobre 1795), un cantonnement de grenadiers se trouvait à Rohan [Note : C'était la compagnie du 9ème bataillon des grenadiers de Paris. A l'arrivée de la troupe, Rohan chef-lieu du cantonnement avait convoqué les représentants de Saint-Gouvry et de Saint-Samson pour aviser aux moyens de loger ses soldats. Il n'avait point été fait appel parce qu'on le jugeait inutile, aux municipalités réfractaires de Crédin et de Bréhan-Loudéac. Mais la réquisition les obligea à fournir des draps pour coucher les militaires du cantonnement]. Les exilés avaient réintégré leur domicile, et, ce même jour, était donnée dans la maison commune de la cité, aux citoyens assemblés de Rohan, Saint-Samson et Saint-Gouvry, lecture de la Constitution. A l'unanimité les auditeurs déclarèrent l'accepter sans restriction.

Le soir même, à la place de Lorant qui après avoir résigné ses fonctions de maire, s'était réfugié à Loudéac, lors de l'attaque de Rohan par les chouans, les citoyens actifs élisaient Joseph Audrin, médecin, comme premier magistrat de la cité.

Dans le même temps le citoyen Semaria notable et notaire provisoire, avait manqué au respect de l'autorité civile et militaire de la cité. Aussi se voit-il infliger par le procureur de la commune Conan, 24 heures de prison pour insulte à la municipalité réunie pour délibérer sur des affaires importantes ; pour insulte au capitaine commandant la force armée à Rohan, et pour excitation des grenadiers à l'insubordination : 3 jours de prison. A sa sortie, il se rendra à 2 heures de l'après-midi, devant les représentants de la commune.

Ceux-ci ne devaient pas tarder à exprimer au département leur reconnaissance, pour l'envoi dans leurs murs d'une garnison dont l'arrivée avait mis fin à leur exil (Archives départem. du Morbihan L 281). Mais la troupe est insuffisante. Deux fois Rohan a demandé 50 hommes de plus et 80 fusils, en même temps que l'autorisation d'établir des fortifications autour de la ville [Note : En 1795 on établit des fortifications autour de Malestroit, Ploërmel et Rohan pour défendre ces villes contre une attaque éventuelle des chouans]. A cet effet le moine le Malliaud avait été désigné auprès du département.

A sa lettre du 1er brumaire IV (23 octobre 1795), la municipalité rohannaise ne recevait pas de réponse. En voici la raison : le commissionnaire de Josselin à Rohan ayant été assassiné par les chouans et son courrier enlevé, les Rohannais supposaient que la réponse des administrateurs du Morbihan devait se trouver dans les papiers disparus ; ils savaient, en effet, que le département leur avait écrit.

Le 9 brumaire IV (31 octobre 1795), le district de Josselin est d'avis qu'on délivre des armes et des munitions à Rohan, que la ville utilise pour ses moyens de défense, les pierres de son vieux château, et les bois de Talhoët, mais que les frais en résultant, soient prélevés au marc la livre sur les habitants, en prenant pour base le rôle de leur contribution mobilière de 1793 (Archives départem. du Morbihan L 281).

Le général Lemoine n'entrait pas dans les vues des Rohannais. Il avait, en effet, marqué au département, 28 brumaire IV (19 novembre 1795) (Archives départem. du Morbihan L 281), de quelle imprudence serait l'envoi à la cité de 80 fusils, susceptibles de tomber entre les mains des chouans, en cas de retrait du cantonnement.

Sans attendre l'autorisation, les habitants font entre eux une cotisation, pour couvrir en partie les dépenses des fortifications projetées, puis ils amassent à leurs frais des matériaux, décident de construire deux portes-charretières et des murs pour fermer les entrées de la ville, et protéger le cantonnement [Note : Une porte devant le citoyen Jouet devait joindre au mur de Marc le Malliaud, l'autre près la Roche-Blanche ; un mur à proximité de la porte de Julo avec une petite porte, un autre devant le cantonnement un troisième près de la porte du port, aux mazières de Fuméliau]. La municipalité décide que les habitants contribueront par égalité aux travaux de la défense [Note : Séance du 19 brumaire IV (10 novembre 1795). Dans cette même séance Conan demandait que la cloche ne soit sonnée que pour la convocation de la municipalité. Mais celle-ci refuse de suivre le procureur sur ce chef. Il sonne la cloche pour réunir les municipaux le 22 brumaire. Il attend une beure et demie, personne ne répond à l'appel. Cette cloche aurait-elle servi pour convoquer le peuple aux offices ?].

Le département allait faire droit à la demande des Rohannais. Dans une lettre du 8 frimaire IV (29 novembre 1795) (Archives départem. du Morbihan L 281), il explique dans les termes suivants pourquoi il a accordé cette concession à la cité républicaine : ses habitants depuis la Révolution se sont constamment signalés par leur patriotisme et leur attachement aux lois. Longtemps chassés de leurs foyers, ils y sont rentrés avec la troupe, conservant toujours malgré leurs malheurs, la ferme résolution de vivre et de mourir républicains. Et pour que ces vertueux exemples ne soient pas perdus pour les communes voisines, la justice exige qu'on accorde aux habitants de Rohan une protection particulière. Voilà pourquoi ils sont autorisés à prendre sur la propriété de l'émigré Pierre le Moyne de Talhoët, les bois nécessaires pour deux portes de clôture et quelques chevaux de frise mobiles. Les travaux devront être exécutés sous les ordres et surveillance de la municipalité, d'après les conseils du commandant militaire de la garnison. En outre Rohan est autorisée à prélever 30 quintaux de blé noir dans les magasins nationaux, pour le paiement des dépenses occasionnées par les fortifications. Enfin Josselin devra lui fournir 30 fusils.

La nouvelle troupe cantonnée à Rohan ne devait pas tarder à se signaler par ses tristes exploits. Le commissaire provisoire du directoire exécutif près de la municipalité, P. Herpe en informe son collègue du Département le 15 janvier 1796 (26 nivose IV) :

« La garnison de notre commune commet chaque jour les plus grandes vexations, sans subordination envers les chefs qui eux-mêmes sont presque tous les jours ivres, et notamment le lieutenant qui commande la place. Ils ne peuvent plus être considérés que comme une troupe de bandits et de voleurs. Ils vexent les habitants de notre commune et pillent les communes environnantes. Ils font des fouilles chez nos habitants qui les logent. Ils ont cassé le vitrage, enfoncé la porte de la cave chez le Verger, il y a environ quinze jours à trois semaines. Enfin il n'est point de troupes plus insubordonnées et plus pillardes dans l'armée. Lorsqu'on leur fait quelque reproche de leur mauvaise conduite, ils disent : « Eh bien ! qu'on nous renvoie », parce qu'ils savent que si Rohan était un jour sans troupe, ils (les habitants) seraient pillés encore une troisième fois. Pour juger des vols qu'ils ont commis, il suffit de les voir. Ils ont presque tous, des pantalons qu'ils ont fait faire des habillements volés chez les habitants des compagnes voisines. Ils ont les poches pleines d'argent, et font journellement des dépenses considérables. Il n'y a pas encore quinze jours que des grenadiers de notre garnison étant à Josselin, ont eu l'impudence de jeter des poignées de liards aux enfants. Le 6 du mois, ils se sont déguisés environ la moitié de la garnison, et ont pris des guides dans la garde nationale de notre commune, sont partis environ les trois heures et demie de l'après-midi, se sont rendus au village du Guer en la commune de Gueltas canton de Noyal-Pontivy, dans un cabaret où ils y ont trouvé un jeune domestique du meunier du Guer, qui était à boire avec sa maîtresse. En entrant ils demandèrent s'il n'y avait point de cousins ou frères royalistes. Ce jeune homme leur répondit qu'il était bon frère et bon royaliste, et qu'ils pouvaient boire avec lui. Il leur présenta sa chopine de cidre et la crainte qu'ils lui inspirèrent, le fit leur soutenir qu'il était aussi bon royaliste qu'eux. Alors ils l'entraînèrent dehors, et lui otèrent ses souliers et son chapeau, et lui donnèrent des coups de crosses de fusil, et enfin un coup de baïonnette dans le bas-ventre dont il est mort. Le lendemain ils s'en retournèrent par Kerfourn, où ils tuèrent un chouan armé, et rentrèrent le lendemain matin. Voilà, citoyen, le tableau de la conduite des grenadiers cantonnés dans notre commune » (Archives départem. du Morbihan L 288).

Que Le Département, ajoute Herpe, insiste auprès du général en chef dans le Morbihan, pour obtenir le changement de notre garnison.

La crainte m'a empêché jusqu'ici d'écrire... Silence absolu sur ma lettre, je serais égorgé par nos soudards ; et s'ils savaient qu'un Rohannais a écrit contre eux, ils mettraient la ville au pillage. Il faudrait que l'ordre de partir leur fût annoncé par la troupe qui les remplacera.

Les grenadiers de Rohan étaient les dignes émules de leurs voisins les hussards (10ème régiment) cantonnés à Pontivy qui, au dire du maire Guépin, ingénieux dans le crime, vivaient sans mœurs ni discipline dans le vol et le brigandage, et dont la présence ne permettait pas à une femme de sortir la nuit tombée, car alors le moindre danger qu'elle pouvait courir c'était de perdre sa coiffe [Note : Archives départem. du Morbihan L 287. Plaintes de la municipalité de Pontivy contre les hussards].

Une fois de plus avant le 14 pluviôse IV, retrait du cantonnement de Rohan devant l'attaque des chouans. Nouvel exode des habitants qui se retirèrent à Josselin ou résida la municipalité, à Pontivy et Loudéac. Dans la cité évacuée ne restèrent que la grande partie des femmes, des enfants et des vieillards. Quant aux fortifications récemment construites, elles offrirent aux envahisseurs un repaire d'où il était difficile de les débusquer. Après son occupation la ville fut à nouveau mise au pillage (Archives départem. du Morbihan L 268).

Informés du malheur des habitants, émus par leur douloureuse situation, les administrateurs du Morbihan requièrent du général Lemoine le rétablissement de la troupe à Rohan dans le plus bref délai. Dès le lendemain, 24 pluviôse IV (12 février 1796), réponse de ce chef militaire : il n'a fait qu'obéir aux instructions de Hoche dont l'avis est que les cantonnements des campagnes, n'avaient servi jusqu'alors que les intérêts privés (Archives départem. du Morbihan L 281).

Les représentants de Rohan avaient demandé le 14 pluviôse précédent (Archives départem. du Morbihan L 281) au département, s'ils pouvaient exercer leurs fonctions d'administrateurs dans un local qui serait mis à leur disposition. La réponse se fit attendre jusqu'au 28 du même mois, 16 février 1796 ; mais elle était consolante pour les exilés : « Nous sommes persuadés que les administrateurs du district de Josselin vous accueilleront en frères et accorderont le local dont vous aurez besoin. Quant à la faculté que vous sollicitez d'exercer à Josselin vos fonctions, la question n'est pas douteuse. La retraite que vous avez été obligés de faire, ne vous a pas dépouillés du caractère de magistrats du peuple, et là où vous êtes réunis là est l'administration du canton de Rohan » [Note : Rappelons que Bréhan-Loudéac était chef-lieu de canton au civil et Rohan chef-lieu de cantonnement militaire].

L'autorité militaire opposait la force d'inertie aux administrateurs du Morbihan, et leur refusait des soldats pour Rohan. Ce que voyant Herpe se fâche et accuse : « Quoi d'étonnant, écrit-il au département, si vos démarches restent sans effet ? Le général Lemoine pouvait seul donner des ordres... et il ne sait que mettre des entraves. Cela coïncide parfaitement bien avec la conduite qu'il a tenue dans notre département. Il fait escorter par un petit nombre d'hommes, les convois d'armes et de munitions, et il n'a pas honte de se faire escorter par un nombre quatre fois plus grand ». Nous espérons, continue-t-il, que son successeur sera animé de meilleures vues à notre égard. Herpe annonce ensuite que les chouans ont enlevé de Rohan, il y a quelques jours, tous les fers, cuivres, grains, cidres, bestiaux, bref ce qu'ils ont pu emporter. Ils auraient détruit en partie les fortifications, brûlé les lits des casernes... Ils ont fait payer une contribution à quelques femme ; restées dans la ville [Note : Lettre de P. Herpe au départem. 1er ventôse IV (19 février 1796) archives du Morbihan L 287].

Herpe le commissaire de la municipalité rohannaise, se montrait en toute occasion le zélé défenseur de ses concitoyens et de leurs intérêts. Il osait dire la vérité à l'autorité civile ou militaire, et ne craignait pas d'élever la voix contre les abus.

Il vient d'apprendre qu'il est question de renvoyer à Rohan, la 9ème compagnie de grenadiers en casernement à Josselin. Il écrit au département, pour empêcher la mise à exécution d'une pareille mesure. Eh quoi ! faire revenir ces tristes soldats dans une ville où il n'est d'excès auxquels ils ne se soient livrés ?... Au moment de leur départ, n'ont-ils pas menacé les habitants de les abandonner avec le convoi de leurs effets, en cas d'attaque des chouans sur la route de Rohan à Josselin ? Certains grenadiers n'ont-ils pas menacé de fusiller plusieurs rohannais et moi notamment ? Leur attitude a décidé mes compatriotes à quitter leurs foyers, plutôt que de marcher avec une soldatesque, dont la présence ne pouvait qu'aviver la haine de nos voisins contre nous. Quand on pense que ces mêmes soldats en sortant de la ville, ont mis le feu à un de nos corps de garde !.... La douleur d'abandonner notre cité, eut été aggravée par celle de voir nos propriétés incendiées de la main de ceux qui devaient nous protéger, si le commandant de Josselin défiant de la valeur de notre garnison, n'avait envoyé un détachement, pour assurer notre retraite. Ce détachement a arrêté le cours du feu, avec l'aide des habitants qui formaient l'arrière-garde des fugitifs.

N'est-il pas absolument étrange, qu'à ces bandits les Rohannais aient osé dire qu'ils se trouveraient plus en sûreté du côté des chouans ?

C'est dans ces termes que s'adressait en substance Herpe aux administrateurs du Morbihan, le 1er ventose IV (19 février 1796) (Archives départem. du Morbihan, L 288). Il leur demandait dans la même lettre, des vivres pour les infortunés Rohannais réfugiés à Josselin hommes, femmes et enfants.

A cette époque d'exaltation des esprits et de haine féroce, on comprend facilement les représailles. Les Rohannais étaient d'autant plus exposés à les subir, que leur ville formait comme un petit îlot républicain révolutionnaire, privé de garnison et entouré de royalistes, et que d'autre part leur pays servait fréquemment de passage aux allées et venues des chouans du Morbihan dans les Côtes-du-Nord.

Le 26 ventôse IV (16 mars 1796), Herpe avertit le Département des excès commis dans la contrée par les chouans. Ils ont fusillé un patriote de Saint-Maudan ; ils promettent d'en faire autant à plusieurs de Saint-Samson ; ils sont entrés chez Mathurin Lamour agent de cette commune, lequel a dû emprunter 180 livres, et les donner à ces scélérats pour sauver sa vie. Il est venu se réfugier à Josselin. Si ces pillages continuent, les habitants se verront dans l'impossibilté de payer ni impôt ni emprunt forcé.

Et Herpe termine par ces mots sa missive : « Envoyez-nous au plus tôt une forte garnison ; salut en la patrie  » (Archives départem. du Morbihan, L 288). HERPE.

La persécution religieuse incessante, les excès des bleus, les représailles terribles des chouans expliquent la fureur des deux partis. Les municipaux de Loudéac écrivent à ceux de Pontivy, 15 ventôse IV (5 mars 1796), une lettre révélatrice de leurs sanglants exploits dans les environs de Rohan : ils ont fait deux sorties : l'une à la Prénessaye et à Plémet où ils ont pris trois hommes, l'autre à Plumieux où ils ont pris six chouans. Ils les fusillèrent de suite (Archives départem. du Morbihan, L 280).

Après de cruelles déceptions, les Rohannais entrevoyaient la fin de leur exil. Le général Quantin commandant en chef dans le Morbihan estimant que les villes de Guéménée, Rohan, Guer et la Gacilly étaient les vedettes des districts de Pontivy, Josselin, Ploërmel et Rochefort, ordonna d'établir dans le plus bref délai, un cantonnement convenable en chacune de ces localités (2 avril 1796). Il recommande aux habitants de ces quatre communes qui doivent être pourvues de garnison, de se rallier à la troupe républicaine et de l'aider par tous les moyens, à se mettre dans les 24 heures en état de défense inexpugnable, d'aviser à la prompte obstruction des avenues, communications, passages superflus des maisons, jardins et autres clôtures particulières.

Le 9 avril 1796 (20 germinal IV), la municipalité de Rohan toujours à Josselin, écrit en réponse au département : Quel doux épanchement pour les exilés de recevoir dans quelques jours la troupe qui leur permettra de rentrer dans leurs foyers ! Notre premier soin sera de rétablir le cantonnement détruit. Mais, après avoir été pillés à différentes reprises comment faire des avances aux ouvriers pauvres qui travailleront aux fortifications ? Où trouver des ressources ? Il ne nous reste plus que des maisons vides à regarder et des yeux pour pleurer.

Au nom de l'Etre Suprême, au nom de l'humanité sacrée, les exilés, demandent au département et au général Quantin une garnison de 200 hommes jusqu'à la paix.

Signent parmi les réfugiés : Audrin agent municipal, Audrain adjoint, Pierre Macé, Mathurin Fuméliau, J. Guillouzic, J. Tancré, Guillot secrétaire, Rolland capitaine de la garde nationale.

Dans le mois de germinal IV, le département donnait aux Rohannais ses ordres relatifs aux travaux de défense de la cité : prendre les bois sur les terres des émigrés ; pour les dépenses le trésor public en fera l'avance. Pas d'autres réparations et barrières de fortifications, que celles autorisées par le général Quantin. Les bons citoyens de la commune et des environs, travailleront avec zèle, courage et désintéressement (Archives départem. du Morbihan, L 281. — lettre du mois de germinal sans la date du jour).

C'est à la fin du même mois le 30 germinal IV (19 avril 1796), que Hoche accompagné du général de brigade Auguste Mermet s'en allait avec un détachement de Locminé à Loudéac. Sur la route de Réguiny et aux environs de ce bourg, il fut attaqué par une troupe de chouans commandés par de Lantivy du Resto. Peu s'en fallut que Hoche n'y perdît la vie. Il continua sa route par Rohan, pour inspecter le pays qu'il venait pacifier c'est-à-dire pour abattre le parti chouan (Voir Falher : Le Royaume de Bignan, p. 508).

Quelques semaines plus tard, 27 floréal IV (16 mai 1796), victoire du général Mermet sur les chouans ; il leur tue, dit-on, 100 hommes dans le bourg de Gueltas et poursuivit le reste jusque dans la forêt de Branguily (Voir Falher : Le Royaume de Bignan, p. 514).

Par bienveillance et aussi esprit de justice, le département voulut indemniser la cité patriote de Rohan, de ses pertes subies à l'occasion de la guerre civile. Il délégua en thermidor IV ? pour les évaluer sur place, le commissaire de la municipalité de Josselin. A son arrivée à Rohan, deux volontaires de la garnison lui content l'aventure dont ils avaient failli être victimes. Envoyés chercher de la chandelle à Josselin, cinq coquins armés leur lâchent plusieurs coups de fusil, près de la chapelle Saint-Yves eu Bréhan-Loudéac. Les deux soldats leur ripostèrent, tout en battant en retraite.

A quelque temps de là, en brumaire IV, le commissaire est assassiné à Rohan, et ses papiers lui sont enlevés.

Au début de l'an 5 (septembre 1796), le canton de Bréhan-Loudéac est provisoirement transféré à Rohan. Yves-François Guillemot remplit les fonctions de juge de paix [Note : Il était juge de paix du canton depuis la création de cet emploi (1792)] ; Pierre-Jean Pégorier préside l'administration cantonale [Note : Originaire de la paroisse de Dahorn (Aveyron) ; fils de Guillaume Stanislas et de Jeanne Bouihoü ; ancien officier ? en garnison à Pontivy, au début de la Révolution. Cet homme qui s'enrichissait des dépouilles de la noblesse émigrée (nous avons vu qu'il avait acheté nationalement la propriété de Talhoet en Saint-Gouvry), avait épousé la fille du plus grand feudataire de l'ancien duché de Rohan : Marie-Anne-Rosalie le Sénéchal, d'Assigné, Molac de Carcado. Le père de cette jeune fille, Louis-Alexandre-Marie-Joseph, seigneur de Malleville, avait péri sur l'échafaud. Elle, dit-on, moins par inclination et amour que pour mettre en sûreté ses biens, son honneur et sa vie, se maria à Pégorier. Marie-Anne-Rosalie quitta la belle demeure seigneuriale des Carcado, pour venir habiter une humble maison à Rohan. Elle mourut à 37 ans, sans laisser de postérité. On pense que le chagrin ne fut pas étranger à cette mort prématurée. A quelque temps de là, Pégorier achetait le manoir de la Ville Moisan. Il prit pour seconde femme Marie-Josèphe-Olympe Bérel, fille d'un laboureur de Saiut-Samson. Il en eut plusieurs enfants. Le corps de Pierre-Jean Pégorier repose avec celui de sa première femme, à l'entrée du porche de la chapelle Saint-Martin. Ses petites filles, héritières de son nom et de sa fortune grossie par leur parcimonie légendaire, ont laissé tout leur avoir en œuvres pies].

Dans la municipalité de Rohan Joseph Audrin est agent municipal c'est-à-dire maire, Pierre Herpe commissaire du pouvoir exécutif, Joseph Guillot secrétaire.

Avec une activité fébrile le département cherche les chouans et les émigrés rentrés dans les campagnes. Herpe assure les administrateurs du Morbihan du zèle républicain de ses compatriotes, et donne des réponses assez vagues. Il annonce à son collègue de Vannes, 13 vendémiaire V (Archives du Morbihan, L 289), qu'il n'y a pas d'émigré rentré dans le canton ; seul un prêtre non assermenté existe le recteur de Crédin Julien le Gentil. Il dit la messe, mais prêche la paix.

La garnison de Rohan venait de recevoir l'ordre de décamper. A cette nouvelle l'agent municipal Joseph Audrin écrit sur le ton de l'indiguation au département, 29 pluviose V (8 février 1797) : « Le cantonnement va être retiré le 30 courant pour rejoindre son bataillon. Nous n'avons aucune chance qu'il en vienne d'autres les remplacer. Tous les jours chez nous, c'est de nouveaux changements. Il ne nous est pas arrivé un détachement qu'on nous le retire de suite, et on nous laisse deux ou trois jours sans nous en envoyer... ». Herpe prie les administrateurs de laisser la troupe à Rohan jusqu'à la paix, et il termine par cette supplique : « Ayez donc égard à des républicains qui n'ont cessé de souffrir depuis la Révolution à cause de leur civisme et de leur patriotisme ; ayez égard à des citoyens qui ont été obligés de quitter leurs foyers et d'aller se réfugier à Josselin, pour se soustraire à la rage de leurs ennemis. Représentez notre position au général qui commande le Morbihan et nous osons espérer que rempli d'un caractère républicain et des sentiments d'un vrai patriote, il mettra le plus grand zèle et le plus grand plaisir à soulager des hommes libres et assurer leur existence » (Archives départem. du Morbihan, L 288). Salut, fraternité. AUDRIN agent municipal.

Tant d'insistances pitoyables ne laissèrent pas insensible le général Dutilh. Le 3 ventôse (21 février 1797), il envoyait 15 hommes de troupe à Rohan, empêchant ainsi un nouvel exode de la population. Le lendemain 4 ventôse, le département avertit de cet envoi la municipalité de Rohan. Il engage ses administrés à faire des patrouilles, à donner la chasse aux étrangers de la commune, aux déserteurs, aux chauffeurs......

Malgré leurs défaites faute de cohésion, les chouans ne se tenaient pas pour définitivement vaincus. Le 11 fructidor an V (28 août 1797), ils font une assemblée à Radenac, les uns armés de pistolets les autres seulement de bâtons (Archiv. départem. du Morbihan, L288).

Quant à la troupe en garnison à Rohan, lorsqu'elle fut correcte avec les habitants, elle gagna leurs sympathies. Aussi voit-on plusieurs mariages entre les gardiens de la cité et les rohannaises. Parfois les officiers du cantonnement assistent aux mariages, à la déclaration de naissances.

On comprend d'autre part que cette troupe de soldats républicains, fut toujours en aversion aux communes environnantes composées de royalistes en immense majorité. Les massacres des chouans entraînaient forcément des représailles. Vers le mois de février 1799 les bleus arrêtent M. le Gentil recteur de Crédin, au moment où il célébrait la messe dans son presbytère. Reconduit en prison au Petit-Couvent de Vannes, il est relâché le 25 décembre suivant.

A cette arrestation les chouans ne tardèrent pas à répondre. Le 13 pluviôse an VII Antoine Hens caporal au 1er bataillon de la 6ème demi-brigade d'infanterie légère 2ème compagnie en casernement à Rohan, tombait frappé d'une balle sur le territoire de Bréhan-Loudéac. Le capitaine de sa compagnie Georgetta [Note : Jean Georgetta, suisse d'origine, officier républicain, nommé commandant à Josselin fin de 1798] ramena le lendemain le corps de la victime à Rohan.

Cette infortunée petite ville allait connaître une troisième fois les tristesses de l'exil. Le 7 brumaire 8 (29 octobre 1799) Guillemot surnommé le roi de Bignan s'empare de Locminé. A cette nouvelle, la municipalité de Rohan dans l'effroi se réfugie à Pontivy, sous la sauvegarde de son faible cantonnement (14 hommes) et de ses gendarmes. D'autres gagnèrent Josselin (Archives départem. du Morbihan, L 315), entre autres Pierre Herpe. Sa femme Yvonne le Bréguéro resta à Rohan où elle accoucha d'une fille Perrine-Marie le 21 nivose an 8.

Plus que jamais les chouans s'agitaient dans le pays. Une de leurs bandes sous les ordres de leur chef célèbre Saint-Régent se rendait le 6 novembre 1799, de Kerguéhennec par Pleugriffet à Rohan, pour gagner les Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Ce même jour, le capitaines Georgetta en avertit le général républicain Shilt commandant à Pontivy, par la lettre suivante dont nous respectons scrupuleusement le style et l'orthographe : « Je vien daitre instruit par voix surr que un forte colonne dont on a pus distinguer si saitait des brigands ou une colonne républicaine ses dirigeais par Pleugrifait sur Rohan ouvers la foirez de la Nouée. Salut et respect » (Voir Falher : Royaume de Bignan, p. 615). Signé GEORGETTA.

Cependant les deux partis chouans et bleus étant de guerre las, l'heure de la pacification approchait. Nous terminerons cette étude sur la Révolution au pays de Rohan, par les trois remarques suivantes :

1° Le mouvement révolutionnaire en question eut pour auteurs principaux des étrangers et des hommes de lois ;

2° La plupart d'entre eux furent d'acharnés acquéreurs de biens nationaux ;

3° Leurs noms ont disparu de Rohan.

Voici la liste de ces biens achetés nationalement avec les noms des acquéreurs :

Au préalable nous ferons remarquer que la loi du 16 octobre 1791, facilitait l'achat des biens nationaux. L'acquéreur, en effet, était tenu seulement à payer 12 % dans quinzaine, le surplus en 12 années, moyennant l'intérêt.

Pierre-Jean-Alexandre Pégorier, nous l'avons vu, avait acquis nationalement la terre de Talhoët [Note : Pour la vente des biens ecclésiastiques, dits aussi Biens de première origine, voir Archives du Morbihan. Fonds Q et L 1125 ; et pour les biens nobles appelés encore Biens de seconde origine, Archives du Morbihan. Fonds Q].

Pierre Rolland-Desaunay achète, le 31 mars 1792, pour 2.112 livres, 8 pièces de terre en Crédin (environ 5 journaux et demi, dépendant du prieuré de Rohan ; le 1er mars 1794, au Bourc-ès-Moines : le Clos de la Chapellenie avec une petite maison, le Clos de la Lande, le tout à la fabrique de Crédin : 396 liv. ; 4 prairies à la fabrique de Saint-Gouvry.

Charles-François Morel (ancien huissier à Loudéac) le prieuré de Rohan (voir chapitre N.-D. de Bonne-Encontre), le 1er mars 1794, le Grand Clos au village de Kerhervé 264 livres, la pièce des Pressières 71 livres, au village de Blézuan, le 27 septembre 1794, la pièce de la Cicatay près de Kerdo, 410 livres, le tout à la fabrique de Crédin ; le 21 juin 1794 avec Moyzan de Josselin : la métairie du Piernic en Saint-Samson appartenant à de Lapierre-Méninville, pour 19,800 livres.

Nicolas-Etienne Lorant : le 3 novembre 1792, achète 475 livres, pour la municipalité de Rohan : la chapelle Saint-Martin et un bosquet en futaie qui l'entoure (les deux d'une contenance d'environ un demi journal) ; et 3 pièces de terre se joignant avec masures dans l'une d'elles — peut-être les ruines de l'habitation des anciens prieurs de Rohan (ville), — pour 1.260 livres.

Joseph-Antoine Edy : le 1er mars 1794, la métairie des Gaubus en la Croix-Helléan, dépendante de l'abbaye bénédictine de Montcassin à Josselin, 7.200 livres ; le 7 février précédent, il avait acheté une maison à Saint-Martin de Josselin, appartenant à Antoine-René de Mauduit du Plessix émigré : 2.500 livres ; le 10 novembre 1794, la moitié de la métairie de Kerlois en Noyal-Pontivy pour 3.600 livres, et la moitié d'une maison même commune, 815 livres, le tout à Pierre Edy capucin déporté.

Ici nous devons faire une réserve sur les intentions de l'acquéreur, car le dépossédé était peut-être son frère ou cousin ; dès lors on peut supposer chez Edy, le mobile de la restitution !... Je dis on peut, car le 8 avril 1795, le même Edy acquiert nationalement la troisième portion du jardin des Ursulines de Josselin, au prix de 1.700 livres.

Pierre Herpe : le 16 mai 1794 : la prairie Cadoret à la fabrique de Coëtbugat, 300 livres ; le même jour la prairie du presbytère, 730 livres ; le 6 décembre même année, le champ Raut à la fabrique de Guégon, 70 livres, ainsi que le pré Maubusson, 21 livres ; le 27 septembre 1794, le pré de la fontaine Saint-Louis en Bréhan-Loudéac, 1.450 livres, et la pièce de la Maladrerie sur le chemin de Thymadeuc, 1.025 livres, les deux à la fabrique ; le 8 janvier 1795, la métairie des Daniels en Crédin, 5.000 livres, propriété de l'émigré du Plessix de Grénédan.

Pierre le Texier : le 7 mai 1794, le pré dom Olivier à Rohan, 1.575 livres.

Mathurin Fuméliau : le 7 mai 1794, le pré de la fontaine d'Oust, 1.075 livres.

Félix Jouet : le 7 mai 1794, le pré Budel d'Oust, 1,300 livres. Ces trois prairies appartenaient à Marie du Rocher femme Château le Tard, de Réguiny.

Julien-Marie Gambert : le 5 mai 1794, achète nationalement à Locminé, 3 prairies et un champ.

Joseph Jouet époux Mathurine le Malliaud : le 6 mai 1794, une maison sise dans la venelle à Rohan, propriété du prêtre Davalond, 840 livres.

Marc le Malliaud frère du moine apostat, et beau-frère du précédent : la chapelle Saint-Martin à Rohan, nous l'avons vu ; le 17 août, 1.795 livres, la prairie Baron, 15.400 livres, en Crédin, à l'émigré de Lescouble.

(P. Martin).

© Copyright - Tous droits réservés.