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Rohan chef-lieu de la vicomté de ce nom.

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Etendue et vicissitudes de cette vicomté. — Peu à peu Pontivy éclipse Rohan, la supplante, et devient capitale du fief, tandis que Rohan reste une des six châtellenies. — Usement de la vicomté, usances locales à Rohan. — Droits et devoirs des seigneurs, charges des vassaux. — Revenus de la seigneurie de Rohan en 1785. — Suppression du duché de Rohan à la Révolution, et vente des biens des Rohan.

 

Note : Pour ce chapitre, voir les Histoires de Bretagne et M. H. du Halgouët : La Vicomté et le Duché de Rohan ; Le Guével : Commentaires sur les articles de l'usement de Rohan aux archives du Morbihan, série B, juridiction de Rohan.

Alain I vicomte de Castelnoëc, fils d'Eudon comte de Porhoët, reçut en partage la partie ouest du Porhoët (1104). Nous avons vu que ce seigneur bâtit un château, et lui donna le nom du rocher sur lequel il était assis, Rohan. Alain prit lui-même ce nom, le communiqua à ses descendants, à la ville voisine, à son fief.

Attiré par les bords riants de l'Oust, Alain de Rohan vint habiter sa nouvelle demeure.

Comme le démembrement du Porhoët avait donné naissance à la vicomté de Rohan, ainsi fut détaché de cette dernière seigneurie dans laquelle il forma une enclave à l'ouest, le territoire de Guéméné (1377). Jean Ier la donna à Charles de Rohan, fils de sa seconde femme Jeanne de Navarre, lequel devint la souche des Rohan-Guéméné. Le roi Charles IX érigea cette terre en principauté (1578).

Au XVIème siècle, la châtellenie de Corlay fut encore démembrée de la vicomté de Rohan, pour grossir de 12 paroisses l'apanage des Rohan-Guéméné.

En dépit de ces amputations, les Rohan devaient travailler par une politique méthodique, tenace, séculaire, à agrandir leur fief, à la façon dont les abeilles construisent leurs ruches. Pour arriver à leurs fins tout fut employé : héritages, mariages, acquisitions même par la dépossession des vaincus, comme il advint au XIIIème siècle, pour une partie des biens de la maison de Lanvaux.

Alain VIII épousa (1396) Béatrix de Clisson comtesse de Porhoët. Ce mariage annexa à sa vicomté de Rohan le Porhoët, les domaines de Blain, Pontchâteau, auxquels il faut ajouter la principauté de Clisson acquise par le mariage de Jean Ier.

Ce vaste fief les Rohan le possédèrent jusqu'à la Révolution. Seul le noyau central de leur vicomté englobait au moins 75 paroisses ou trêves.

Ainsi fut fondée la seigneurie de Rohan-Porhoët qui devint duché en 1586, duché-pairie 1603, érigée de nouveau en duché (1648), parce que tombée en quenouille. Immense seigneurie à cheval sur quatre évêchés : Vannes, Saint-Malo, Saint-Brieuc et le Léon. Elle est arrosée par deux rivières navigables, l'Oust et le Blavet communiquant avec la mer.

Le duché de Rohan contient 12 lieues bretonnes de longueur sur 7 de large (cette lieue valait 5 kilom.), joignant de l'est aux terres du comté de Porhoët, du midi à la juridiction d'Auray, de l'ouest à la principauté de Guéméné ancien partage de Rohan, du nord, à la seigneurie de Corlay ancien partage aussi du duché, aux terres de Poulancre duché de Penthièvre [Note : Déclaration de Marguerite, duchesse de Rohan, archives de la Loire-Inférieure, série B 1998, folio 417 et seq.].

La vicomté de Rohan avait la forme d'un quadrilatère incliné irrégulièrement vers l'ouest.

M. du Halgouët donne des précisions sur les limites de cette seigneurie. « Le double fief de Rohan-Porhoët s'étend depuis les bornes placées à une lieue de Malestroit jusqu'à la forêt de Quintin et la seigneurie de Pontguégan en Penthièvre ; par ailleurs depuis la forêt de Brécélian et le régaire de Saint-Malo de Beignon jusque proche les faubourgs de Rostrenen d'une part, et à une demi-lieue du parc de Lanvaux d'autre part, et encore depuis la forêt de Brohion (l'Argoët ou Trédion) et une croix située à trois lieues de Vannes, jusqu'à 2 kil. du château de la Hardouinaye, et même à 2 lieues au-delà vers la lande du Mené, en tout un circuit de 60 lieues » (H. du Halgouët : La Vicomté de Rohan, p. 96).

Pendant plus de deux siècles, la petite cité féodale de Rohan demeura la tête et le chef-lieu de la vicomté.

Au XIVème siècle, elle est supplantée et absorbée par Pontivy. Ville bâtie sur le territoire de Noyal, elle doit son origine au monastère de Saint-Ivy fondé par les disciples de ce saint. Il était venu de Grande Bretagne, pour évangéliser le Léon, à la fin du VIème siècle.

Pontivy, à cause de sa position centrale, devait l'emporter un jour sur Rohan.

D'ailleurs la construction de la forteresse des Salles (destinée à la défense du pont Saint-Ivy) quelque temps après celle de Rohan, allait augmenter la population de Pontivy, et lui donner une plus grande importance.

Le 17 juillet 1396, la présentation des hommages de la vicomté de Rohan a lieu à Pontivy. C'est à partir de ce moment, que Pontivy est considéré comme chef-lieu de la vicomté. Rohan n'en formera plus qu'une des six châtellenies avec Gouarec, Loudéac, la Chèze, la Trinité et Pontivy.

Au XVème siècle, les Rohan pour protéger leurs vassaux, n'ont que trois places fortes rapprochées : Josselin, Rohan et la Chèze. Nous avons vu que les seigneurs de Rohan, avaient choisi cette dernière forteresse comme leur résidence préférée. Jean Ier et Jeanne de Navarre sa femme, Alain VIII, Alain IX, Jean II l'habitèrent, et même ce dernier y vit le jour.

Après la réunion du Porhoët à la vicomté de Rohan (1396) si Pontivy devient le chef-lieu, c'est-à-dire le siège de la juridiction du nouveau fief, Josselin en est la capitale féodale, tandis que tout cet immense fief ressortira au siège de la baillée, puis de la sénéchaussée de Ploërmel. Toutefois, par un privilège, au XVème siècle, de la cour de Pontivy on appelle directement à la cour de parlement à Rennes.

Usement de Rohan.

Comme les Porhoët donnèrent leur nom à un usement qui demeura en vigueur dans les châtellenies de la Chèze et de Josselin, jusqu'à l'union du Porhoët au Rohan — fin du XIVème siècle — ainsi la vicomté, plus tard le duché de Rohan, fut régie par une coutume particulière, formant là comme en d'autres seigneuries de Bretagne, un ensemble de lois spéciales observées et autorisées par un usage de temps immémorial.

On a pensé qu'une telle coutume remontait à l'invasion de l'Armorique par les Bretons insulaires, sous la conduite de leurs pasteurs les évêques. A cette époque, comme il y avait beaucoup de terres incultes, leurs propriétaires auraient dit aux immigrants : « Faites produire ce sol, vous nous paierez annuellement une redevance ; à vous les édifices et superfices, à nous le fond ».

Les partisans de cette opinion s'appuient sur la faveur d'origine kymrique accordée au plus jeune enfant du colon.

D'autres soutiennent que le mode de tenure du domaine congéable, aurait commencé à s'établir dans le pays de Rohan, alors que notre cité était encore chef-lieu du fief, au commencement du XIIIème siècle. Sans peser les raisons pour ou contre cette assertion, il nous plait de songer que la base de l'usement de Rohan fut élaborée, peut-être, dans le vieux château de notre ville. Jusque-là traditionnel, cet usement fut confirmé par les articles 541 et 684 de la Coutume de Bretagne réformée en 1580, et condensé en quelques formules qui constituèrent le droit légal, le code de la vicomté de Rohan [Note : D'après M. de la Borderie (Histoire de Bretagne, III, 146), le domaine congéable a été constitué au XIIème siècle pour défricher les déserts faits en Bretagne par l'invasion normande].

Dans cette vicomté on distinguait les tenues à héritage et celles à domaine congéable, les unes et les autres soumises aux devoirs féodaux. Dans les premières le vassal est le propriétaire du tout, et sa tenue susceptible d'un partage égal entre les héritiers ; dans les secondes le fond appartient au seigneur le vicomte de Rohan ou l'un de ses vassaux nobles, les édifices et superfices sont la propriété du colon ou domanier. On entend par édifices et superfices : 1°) les maisons construites sur la tenue : granges, écuries, étables, fours ; 2°) les aires à battre, les murs, talus, fossés, barrières, puits, fontaines, lavoirs, chemins pratiqués pour le service de la tenue, le premier défrichement des terres, en un mot les améliorations dues à la main de l'homme. Autrefois pour défricher on pratiquait l'écobuage, c'est-à-dire qu'on commençait par brûler ajoncs, épines, ronces, genêts... Mais dans les terres défrichées de toute antiquité, le propriétaire ne devait d'indemnité au colon, en cas de congément, que si celui-ci pouvait prouver que lui ou ses auteurs avaient réellement défriché la terre ; 3°) tous les bois autres que les arbres fonciers ou de décor : châtaignier, chêne, ormeau, hêtre, frêne, noyer. Il restait donc au domanier les arbres fruitiers proprement dits et les bois puinais ou arbrisseaux avec leurs souches, troncs et branches : bois taillis, houx, aulnes, genièvres, genêts, sureaux, épines, ronces [Note : Voir Etude Mc Gingembre, notaire à Réguiny : procès-verbal de congément de la tenue de Keramprat, en Crédin, 17 août 1835].

Exception faite à l'égard des maisons situées dans les villes du fief comme à Pontivy, Rohan... ; toutes les terres roturières sont censées tenues à domaine congéable, à moins de preuve du contraire. Si le colon achète le fond, il acquiert un domaine à héritage : c'est ce qu'on appelle convertir un domaine en héritage. Alors le vassal devient propriétaire de la tenue, mais comme il ne la possède que roturièrement, toutes rentes féodales étant nobles, l'obligation persiste encore pour lui de payer la rente seigneuriale.

Le fond et la propriété des landes, marais et autres terres vaines et vagues non afféagées dans l'étendue de la juridiction de Rohan, étaient mouvantes et relevaient immédiatement des ducs. Ils avaient tous droits de juridiction non seulement sur leurs sujets en proche fief, mais encore sur leurs vassaux en arrière-fief [Note : Déclaration de Marguerite de Rohan, 22 décembre 1682, archiv. Loire Inférieure, B 1998, folio 418,419, 420, 421].

Les deux sortes de tenues dont nous venons de parler, se différenciaient par les rentes seigneuriales qui grevaient le vassal. L'usement à domaine congéable comportait des corvées spéciales. Le colon devait charroyer le sel, la chaux, les foins après les avoir fanés, le vin, les bois du seigneur pour sa provision, les blés issus dans la seigneurie au port de le plus proche, même les grains du fermier du seigneur [Note : Arrêt du 11 juillet 1699. Dans le duché de Rohan les fermes étaient ordinairement de 6 ans]. A celui-ci incombe la nourriture du vassal et des bêtes, à lui aussi d'égaliser les corvées qui doivent se faire à tour et rang, et d'en dresser un rôle au greffe pour éviter des abus.

Les tenues à héritage n'étaient sujettes qu'aux corvées et aides de la coutume générale.

Le droit de rachat, c'est-à-dire de mutation par décès, se pratiquait universellement dans tout le duché de Rohan sur les terres roturières, nobles et sur le domaine congéable. Ce principe fut fréquemment jugé, notamment par arrêt du 29 novembre 1714.

Nous avons vu que les censives de la ville de Rohan par privilège, étaient exemptes au moins jusqu'à 1682, de ce devoir.

Dans l'usement de Rohan le convenant à domaine congéable est le contrat qui fixe les usages et les droits de chacun propriétaire et domanier. Ce dernier en principe paie une redevance annuelle peu élevée. Les améliorations et constructions sur les terres domaniales ne pouvaient s'effectuer sans la permission du seigneur, clause d'ailleurs bien rationnelle.

Elles entraînaient de nouvelles rentes convenancières. S'il en avait été autrement, le colon aurait pu augmenter la valeur des terres, sans que les rentes féodales subissent une augmentation. Tel est en somme le fait du fermier aujourd'hui, qui voit le prix de son bail élevé avec la plus value apportée par lui à la terre.

En cas de congément (dans la pratique ils étaient rares), le seigneur conformément à la justice, est tenu de rembourser les améliorations : nouveaux fossés, doués, abreuvoirs, défrichements... Faites sans l'autorisation du propriétaire, elles n'étaient pas remboursables. Le 20 septembre 1763, Louis Maguéro, procureur fiscal de Rohan, chargé alors de la réforme des fiefs sous ce siège, adressait un blâme à François Jégorel, domanier de la métairie de Keramprat en Crédin. De son plein gré il y avait apporté des améliorations. Reproches de Maguéro : « On ne doit pas, écrit-il, faire entrer cette augmentation en prisage, mais même on en doit le rapport et la restitution à la seigneurie, avec restitution des levées depuis le temps non prescrit, à dire d'experts convenus des parties ou nommés d'office ». En outre le procureur fiscal exige un nouvel aveu, en correction de celui du 28 décembre 1733, et ce dans un mois, sous peine de saisie féodale. Il requiert enfin que le colon ajoute une poule en plus des prestations convenues, qu'il reconnaisse le droit de guet au château de Rohan sur la tenue, indépendamment de 60 sols d'amende, suivant la coutume (Voir Etude de Me Gingembre, notaire à Réguiny).

Cette sévérité draconienne nous rappelle les rigueurs parfois de l'administration militaire. « Mon capitaine, dit un soldat, j'ai mieux fait mon travail de cette manière ».
« Vos manières ?... Etiez-vous commandé d'agir ainsi ? Non. Eh bien ! Deux jours de consigne ».

La Vicomté de Rohan avait aussi ses mesures particulières, certaines même locales.

1° Pour les capacités : la pérée.
Dans la juridiction de Rohan la pérée de froment pèse 300 livres ; celle de seigle : 270 ; de blé noir : 252 livres ; d'avoine grosse : 250 livres ; d'avoine menue : 138 livres.

La pérée de Rohan se subdivise en 6 demés et 24 quarteaux.

Dans la juridiction de Pontivy la pérée se subdivise en 2 renots ou 4 minots ; le tonneau contient 10 pérées.

Les jours de foire et de marchés à Rohan et même en dehors, le renot était fréquemment en usage, mais plus encore le boisseau (100 livres de froment) [Note : Chaque année la Cour de Pontivy, siège principal du duché de Rohan, établissait l'apprécis des denrées alimentaires dans le duché].

2° Parmi les mesures linéaires, usitées dans la vicomté citons l'aune, 1 m. 20, le pied, 0 m. 33.

3° Dans le duché de Rohan les mesures agraires ne différaient guère de celles en usage autrefois dans le pays occupé aujourd'hui par le Morbihan :
— le journal de 80 cordes valait 48 ares 62 centiares ; — le petit journal de 64 cordes : 36 ares 46 centiares ; — la corde de 24 pieds de côté : 0 arc 61 centiares; — le journal de 12 portes : 32 ares 42 centiares.

Le port appelé communément à Rohan la porte de 40 gaules ou verges : 2 ares 70 centiares ; le seillon de 12 gaules : 0 are 81 ; enfin la gaule ou verge de 8 pieds : 0 are 7 centiares.

Dans le pays de Rohan on évalue encore communément, en 1926, un terrain en journal et porte [Note : Voir brochure du docteur Mauricet (archiv. du Morbihan) : Anciennes mesures de capacité et de superficie dans les départements du Morbihan, Finistère et Côtes-du-Nord].

Appréciation de l'usement de Rohan.

A l'époque de la Révolution, ses partisans aimaient à qualifier la féodalité de ordurière et l'usement de Rohan de barbare. Cette dernière coutume partagea l'impopularité de l'Ancien Régime et de ses institutions.

Elle portait néanmoins par certains côtés, l'empreinte de l'équité : la réserve de la tenue au dernier né dans l'héritage paternel (on supposait avec raison les aînés plus capables de gagner leur vie, et de se créer une situation), la reconnaissance d'un douaire à la veuve, le remboursement au colon des améliorations par lui faites à la tenue.

Sur quels points la coutume de Rohan a-t-elle prêté aux plus vives doléances ?

On a blâmé les deniers de commission sorte de pot de vin payé au foncier, lors de l'entrée en jouissance ou du renouvellement des actes (du Halgouët : La Vicomté de Rohan, p. 61).

Cette imposition correspondait aux droits moins élevés dans le Porhoët d'épingle et de vin, droits restés partiellement en usage jusqu'en ces derniers temps.

L'augmentation des corvées fut aussi dans l'usement de Rohan, l'objet des critiques les plus amères. Les domaniers étaient dans l'obligation d'aider avec leurs corps, leurs charrettes et leurs bêtes, au rétablissement des maisons du seigneur ruinées ou brûlées, à la charge à celui-ci de fournir la nourriture nécessaire (Le Guével : Commentaires sur l'Usement de Rohan, p. 69 et seq.). Par maison il faut entendre ici uniquement la maison principale du fief dont relève le vassal. Mais un arrêt du 22 août 1744 étendit cette corvée aux charrois des pierres et autres matériaux nécessaires à la réparation des moulins.

On a surtout blâmé la transmission héréditaire dans l'usement de Rohan. Les droits édificiers ne se partageaient pas entre colons. Un seul était appelé à les recueillir : le dernier enfant mâle ou, à défaut de garçon, la plus jeune des filles, à la condition qu'ils demeurassent dans la tenue, depuis un an et un jour. Le dernier-né avait le choix, s'il y avait plusieurs tenues à partager.

D'autre part les édifices et superfices revenaient au seigneur par déshérence [Note : Ces biens qui tombaient en déshérence, s'appelaient casuels], quand le tenancier mourait sans enfant, sans frère ni sœur. Encore ceux-ci n'étaient-ils héritiers de leur frère qu'aux conditions suivantes, lors de son décès : ils devaient avoir leur domicile en la tenue, ou être au service du défunt, ou apprendre un métier hors la tenue, et n'être pas marié (article V de l'usement).

Toutefois à cette déshérence échappait le mobilier.

Pour apprécier sainement la Coutume de Rohan, il importe de se rappeler qu'au point de vue social, l'humanité a passé par trois degrés : 1°) l'esclavage : l'homme n'était qu'un outil vivant entre les mains du maître ; 2°) le servage où le serf est attaché à la glèbe. L'Eglise obtint peu à peu l'abolition de l'esclavage, ensuite dans le servage, lors de la vente des terres, que les époux et leur famille demeurassent unis sur un domaine ; enfin la suppression du servage ; 3°) le serf devint alors soit tenancier, c'est-à-dire exploitant à sa guise, comme un véritable propriétaire, une terre qu'il tenait de son maître noble ou bourgeois, moyennant une faible redevance annuelle, soit co-propriétaire à deux avec le domaine congéable. La déshérence revêt le caractère de la servitude du haut moyen-âge.

Si la Révolution pour dominer plus facilement, a eu le grand tort d'être plus centralisatrice que les pouvoirs absolus de l'Ancien Régime, au mépris des intérêts régionaux de la France, de la liberté individuelle et familiale, du droit naturel d'association, il est juste cependant de reconnaître l'immense service qu'elle a rendu à notre pays, en y établissant l'unité des poids et mesures, des lois.

Réunis à Ploërmel en avril 1789, pour exprimer leurs doléances et nommer des représentants à l'Assemblée Nationale, les députés de la sénéchaussée s'élevèrent avec violence — non sans raison — contre les articles les moins humanitaires de l'usement de Rohan.

« Qu'on supprime, disaient-ils, tous les usements locaux qui ne servent qu'à établir dans le centre d'une même province, une diversité choquante d'usages et de législations. Que le domaine congéable qui tient de la servitude, que l'usement de Rohan surtout où le droit terrible de la deshérence ou réversion des tenues au profit du seigneur, viole toutes les lois de la nature, de l'égalité et de la liberté, où le seigneur trouve dans le malheur même de ses vassaux, un moyen de les dépouiller et de s'enrichir, où parmi les enfants d'un même père, un seul recueille souvent toute la succession, pendant que les autres chassés de la terre qui les a vus naître, sont exposés à toutes les rigueurs de la misère, où le frère majeur ou marié avant la majorité, ne succède plus à son frère, que cet usement où le colon auquel la nature a refusé de la postérité, est privé de la liberté naturelle de disposer de son bien... que cet usement où des corvées de la personne attentent à la liberté du colon... que cet usement et tous autres soient abolis, et que tous les enfants d'une même patrie, jouissent également d'une sage législation... » (Doléances des députés de la sénéchaussée de Ploërmel, 1789, archives du tribunal civil de Ploërmel nunc aux archives du Morbihan).

En 1905, le gouvernement français a fait valoir contre l'Eglise de France, ce fameux droit de déshérence. Son raisonnement était en substance : « Vous, chefs religieux des catholiques français, rejetez les cultuelles ; eh bien ! nous, gouvernement, brisons le Concordat. Dès lors, vous êtes une société pour nous inexistante, et vos biens par déshérence, sans propriétaire légal, tombent dans le domaine national ».

La Révolution a emporté l'usement impopulaire de Rohan, mais non totalement le domaine congéable.

Plus d'une fois nous avons interrogé, au pays d'Auray, des domaniers sur leurs convenants. Généralement nous recevions cette réponse : « Le domaine congéable n'est point la servitude ou la tyrannie, non plus que le mode idéal de propriété. Un tenancier peut vivre sur ce domaine et élever sa famille. Le grave inconvénient c'est qu'il n'a pas droit aux arbres fonciers » [Note : Le domaine congéable maintenu par une loi du 9 brumaire an VI, est en 1926 régi par la loi du 8 février 1897].

Un amateur de rimes a résumé en vers prosaïques les 34 articles principaux, qui formaient le code de la vicomté et du duché de Rohan. Nous les citerons à titre de curiosité :

Le Seigneur a le fond et l'homme l'édifice.
L'homme n'a rien de plus sans un titre en justice.
L'homme mourant sans hoirs, le bien tombe au Seigneur,
Si le décédé n'a sœur ou frère mineur.
Nulle part n'ont au bien cousins, oncles ou tantes.
Le Seigneur a sa cour, en vertu de ses rentes.
Chaque nouveau vassal doit fournir un aveu.
Il rend, à ses dépens, bois, sel, vin au chef-lieu,
Subit son jugement d'après légal prisage,
Suit la revue en l'an pour qui souffre dommage.
Le Seigneur a le droit d'assurance en six ans
L'homme ne peut sans lui changer ses bâtiments.
Il a l'arbre fruitier et non le bois d'ouvrage.
Il jouit du congé pour le droit de terrage.
Tuteur ne met dehors sans l'avis des parents.
Veuve, sans le Seigneur, n'exerce congément.
Le juveigneur est seul à cueillir la tenue ;
La juveigneure aussi, de frères dépourvue,
Le bien est divisé sans l'avis du Seigneur.
.............
Les aînés partagés, son second choix commence.
Ont les aînés mineurs part à la jouissance.
Le meuble est partageable aux enfants d'un lit nés.
Meubles sont les engrais et communs aux aînés.
En la moitié du tiers le douaire consiste ;
Il faut, pour en jouir, qu'un veuvage subsiste.
Deux douaires au fond on ne peut annuler.
L'homme ayant un enfant fait son fonds circuler.
Mais qui vend sans enfants fraude la déshérence.
D'affermer pour neuf ans l'homme à pleine puissance.
L'homme peut librement à l'hymen s'engager.
S'il vend, les siens n'ont pas le retrait lignager.
Dès septembre, chaque homme en grains paie ses rentes.
Ses dettes ne sont pas à son bien inhérentes.
On a droit d'annexer différents biens en un.

Bien que soumis à l'usement général du duché de Rohan, les chefs-lieux de cette vaste seigneurie avaient des coutumes locales, en particulier pour les foires et marchés. On les appelait droits d'étalages et de coutume [Note : Coutumes : taxe sur les denrées, marchandises et boissons exposées en vente, les jours de foires et marchés] : ils étaient affichés sur des pancartes dans les villes de Pontivy, Rohan, Loudéac, la Chèze, la Trinité-Porhoët et Gouarec.

Voici la liste de ces droits pour la ville de Rohan en 1777 (Arch. du Morbihan, série B, liasse juridiction de Rohan) :

A. — Taxe sur les bestiaux.

ART. I. — Tout acheteur de fil paie, les jours de marchés et de petites foires : 1 sol 6 deniers et les jours des cinq grandes foires 1 sol, quelle que soit la quantité de fil acquis.

ART. II. — Par charge de grains vendue : les jours de grandes et petites foires l'acheteur doit 6 deniers ; ils se perçoivent aux sorties de ville, exemptes de pontonnage.

ART, III. — Pour un cheval acheté en foire : 2 sols payables à la sortie de la ville.

ART. IV. — Par bœuf, vache, taureau ou génisse achetés les jours de foire : 1 sol.

ART. V. — Par chaque troupeau de moutons achetés en foire : 6 sols.

ART. VI. — Par ........ cochons………. : 4 sols.

B. — Taxe sur les menues denrées et marchandises.

ART. I. — Les marchands de légumes et autres menues denrées, comme les mercelots, charcutiers, poissonniers, fuseillers, feillotiers, les marchands de morue, de fruits en détail, d'écuelles de bois, etc... qui vendront sur les places et pavés, les jours de marché paieront : 6 deniers, et les jours de foire pour tout droit d'étalage et de coutume : 1 sol.

ART. II. — Tous marchands chaudronniers, quincailliers, merciers, chapeliers, blanconniers, potiers, sabotiers, sasiers, cloutiers, cordiers, faïenciers, verriers, vendeurs d'images et autres objets semblables seront taxés pour droits d'étalage et de coutume les jours de marché : 1 sol, et les jours de foire : 1 sol 6 deniers.

ART. IV. — Les saulniers quel que soit le nombre de sacs ou pochées exposées, les jours de marché : 4 sols 6 deniers, de foire : 5 sols.

ART. V. — Par charge de cheval de petits fruits, les jours de marché : 6 deniers, de foire : 1 sol.

ART. VI. — Par charge de pommes vendues en ville à un cheval : 6 deniers, la charretée : 1 sol tous les jours indistinctement.

ART. VII. — Pour une charge de cheval ou une pochée de graines de lin, de chanvre, le vendeur paie comme droits d'étalage et de coutume : 1 sol tous les jours sans distinction.

ART. VIII. — Par potée de beurre, pain de graisse ou de suif vendus aux jours de marché, l'acheteur est imposé à 6 deniers.

Pour droits de coutume et d'étalage aux cinq grandes foires de la Saint-Jean-Baptiste, Saint-Samson, Saint-Mathieu, Saint-Martin, la foire grasse qui se tient le mercredi de la Sexagésime, chaque pot de beurre, pain de graisse et de suif est soumis à 1 sol aux frais du vendeur.

ART. IX. — Tout particulier vendant du cidre ou du vin en détail sur les places, les jours de marché et de foire, paie 5 sols de droits d'étalage et de coutume.

ART. X. — Les marchands de roues, de charrettes ou chariots, taxe : 2 sols les jours de marchés et de foires.

ART. XI. — Les marchands de brouettes, roues de charrue ou de brouettes : 1 sol les jours de marchés et de foires.

ART. XII. — Hallage. A tous marchands de farine, de marchandises d'aunage et autres étalants sous les halles, on prend plus ou moins pour droit de location par année, suivant la situation et emplacement de La boutique. Pour les autres qui n'ont pas de marché à l'année : 4 sols 6 deniers, et les jours de foire pour tout droit d'étalage : 5 sols.

ART. XIII. — Les autres étalants de semblables marchandises sur les places ou pavés pour droit d'étalage, les jours de marché : 1 sol, les jours de foire : 2 sols.

ART. XIV. — Tous les habitants de la ville et faubourgs et autres demeurant dans la censive ou bourgeoisie, ne paient que la moitié des droits ci-dessus, à l'exception de ceux qui étalent sous les halles, et qui paient les mêmes droits que les forains.

Minage [Note : Minage : de mine, ancienne mesure qui valait dans le Porhoët 8 demés de 50 litres] des grains.

Pour chaque pérée de froment, seigle, avoine ou blé noir, vendue sous les halles et aux environs, il est perçu une écuellée suivant l'écuelle étalonnée qui contient la 128ème partie de la dite mesure. Il en est de même des boisseaux et demés suivant d'autres écuelles proportionnées à ces différentes mesures.

Pontonnage sur les ponts de l'Oust et de Notre-Dame.

ART. I. — L'homme chargé de marchandises ou denrées, passant sur les dits ponts paie pour droits de trépas tous les jours indistinctement : 1 sol 3 den.

ART. II. — Pour le cheval chargé : les jours de marché : 3 den., de foire : 6 den.

ART. III. — Toute charge de grain vendue, doit pour le retour : 3 deniers.

ART. IV. — Le passage d'un cheval chargé, les jours de foire étrangère est imposé à 3 den.

ART. V. — Chaque charrette chargée paie 1 sol tous les jours indistinctement.

ART. VI. — Par pièce de gros bétail les jours de marché : 3 den., de foire : 6 den.

ART. VII — Si la bête menée à la foire, et pour laquelle on a payé le trépas, n'a pas été vendue, on ne paie rien pour le retour.

ART. VIII. — Chaque troupe de moutons et cochons de nourriture passant sur les ponts, en tout temps et pour quelque lieu que ce soit, est taxée, savoir : le troupeau de moutons à 6 sols, de cochons à 4 sols.

Chacun de ces animaux et autres semblables traversant seuls les ponts, est imposé tous les jours de marché indistinctement à 3 den., les jours de foire (de Rohan) à 6 den., sans aucune taxe au retour, s'ils n'ont été vendus. L'acheteur verse seulement le droit de coutume.

Les habitants de la ville ne paient rien en passant et repassant pour toutes denrées et marchandises destinées ou non à la consommation des citadins.

Même faveur est accordée aux habitants des Forges de Lanouée. Les villageois qui jouissent du privilège de la censive, savoir : ceux de la Villemoisan, Coëtelan, le Prieuré en Saint-Samson, Kerdo, Kerué, Bourc-aux-Moines, Kergourio, Port Dinan, la Haye, le Pré aux Fèvres, Clergand en Crédin, le Prodic et Catello en Saint-Gouvry, paient la moitié des droits ci-dessus imposés aux étrangers ou forains. Ces villages font partie de la bourgeoisie de Rohan.

Outre ces coutumes particulières à Rohan, une autre de temps immémorial imposait aux nouveaux mariés « de la ville et bourgeoiserye », le mardi gras suivant leurs épousailles, le don d'une soûle en cuir, avec les devoirs habituels au duc de Rohan ou à son procureur fiscal.

Pour étranges qu'ils paraissent aujourd'hui, beaucoup de ces droits n'avaient rien que de légitime. Les soules offertes par les nouveaux mariés au seigneur, servaient pour les jeux de ce nom si fréquents et si universellement répandus en Bretagne avant la Révolution. Les droits de minage, de hallage, de place existent encore partout : on les versait jadis au seigneur, maintenant ils reviennent à la commune : il y a substitution. D'autre part, nous avons payé nous-même notre trépas aux grands ponts de Fribourg, de Cologne et de Galata, à Constantinople. Quoi qu'il en soit, les taxes dont nous parlons étaient perçues par le duc de Rohan pour la raison qu'il avait à sa charge la construction et l'entretien partiels des halles et des ponts de sa ville.

A l'audience de la cour seigneuriale le 23 septembre 1671, Gilles Nogues, fermier des halles, ponts et passages de la ville de Rohan, montre l'urgence de grandes réparations à effectuer aux halles et ponts. Si non, il peut en résulter pour lui un grave dommage qui le mettrait dans l'impossibilité de payer sa ferme. Echo de ces plaintes, la Cour condamne le fermier général du duché de Rohan à exécuter les travaux à ses risques et périls. Le 14 octobre suivant, elle intime l'ordre à tous les sujets de sa juridiction chacun à son tour et rang, de faire par harnois et bras, les corvées nécessaires. Cela sous peine d'employer d'autres ouvriers aux frais des manquants, sans préjudice d'une amende de 10 livres à chacun d'eux. L'ordre des corvéables fut donné par le procureur fiscal et banni au prône de la grand'messe.

En 1783 le duc de Rohan paie 300 livres à M. Tourquetit, entrepreneur, pour la réparation du pont de Rohan.

Le 20 août 1789, le procureur fiscal de Rohan, Nicolas-Etienne Lorant, conclut un marché avec Maître François-Marie le Barre, régisseur général du duché de Rohan. Le premier s'engage à faire les réparations pour cinq ans, aux couvertures de la grande halle [Note : L'ancienne halle aux étoffes, démolie en 1911] et de l'auditoire, de la halle aux blés et du four à ban, à raison de 150 livres par an [Note : Arch. du Morbihan, série B, liasse famille Rohan-Chabot].

La raison dernière de ces taxes seigneuriales nous la trouvons dans ce principe féodal que nous avons déjà plusieurs fois rappelé : jusqu'à la Révolution un chef de fief est un souverain en miniature. De ce principe résultent

Les Droits et les Devoirs seigneuriaux des Ducs de Rohan.

Ils sont marqués dans la Déclaration de la duchesse Marguerite de Rohan (1682) qui est le titre fondamental du duché.

On distingue :

A. — DROITS.

I. Les droits honorifiques. — Souverain en miniature, le seigneur de Rohan est reçu personnellement à la porte principale de l'église, et conduit à son banc dans le chœur. Encensé avant le peuple, on lui présente tout d'abord le pain bénit. On le recommande aux prières du prône, comme un chef de gouvernement en relation avec l'Eglise.

Par une dérogation au droit commun, les abbayes, prieurés, églises paroissiales, presbytères relèvent directement du duc de Rohan (arrêt du Parlement de Rennes du 2 avril 1692). Ce droit de mouvance entraîne la juridiction, le patronage et les prééminences d'église comme tombes, enfeux, armoiries, écussons aux vitres, aux lisières à l'intérieur et au dehors, bancs à accoudoir... Par suite, de tous les édifices religieux le duc de Rohan est seigneur fondateur et supérieur en son fief.

II. Droits judiciaires. — Il possède en outre Cour de justice et prison.

III. Droits utiles. — En sa seigneurie le vicomte de Rohan a la propriété des communs, le monopole des fours banaux, des moulins, les droits de guet, de pêche, de garenne, de colombier, de rachat, de coutume (nous venons d'énumérer ces derniers sous le titre d'usances locales à Rohan).

B. — DEVOIRS SEIGNEURIAUX.

De multiples devoirs corrélatifs de ses droits incombent au seigneur. Notre petit souverain le vicomte de Rohan doit administrer et défendre son fief, même prêter assistance à son seigneur dominant le duc de Bretagne ou le roi de France. De là sa forteresse de Rohan et ses autres châteaux-forts, ses gens d'armes qu'il entretient pour la défense de ses vassaux et de la plus grande patrie. A l'entretien des ponts, des chemins de son fief, le vicomte de Rohan veillera par son procureur fiscal et les sergents collecteurs des dîmes féodales.

Sa Cour de justice enregistrera les achats, ventes, échanges, mutations de biens, tutelles. Elle réprimera les délits et les crimes, ouvrant un œil attentif pour le maintien du bon ordre, sur les foires, les marchés, les transactions commerciales. Enfin le vicomte de Rohan aura le souci de l'instruction publique, et de ce chef a le droit de tenir école.

Construction et grosses réparations des bâtiments seigneuriaux : châteaux, moulins, four banal, auditoires, prisons, halles et ponts en sa vicomté ; enlèvement des boues, balayages des halles et places, sa quote-part dans les taillées (impositions) extraordinaires de notre ville, voilà autant de charges qui pèsent sur le vicomte de Rohan.

Voyons maintenant les revenus de la seigneurie de Rohan en 1785 (Arch. du Morbihan, série B liasse Rohan-Chabot).

I. Fermes :
Greffe de Rohan au sieur Herpe ...... 300 #
Coutumes, minage et péage, au sieur Gourdel et consorts ........ 1.980 #
Prairies de Rohan au sieur Le Moine ........ 635 #
Dîmes de Saint-Gouvry à Jean Raguedas ........ 90 #
Four banal à Jean Guillemot (ville de Rohan) ...... 50 #
Pailles de Crédin à M. de Keriaval ........ 245 #
Dîmes de Belorient au sieur Coëtmeur ........ 6 #

II. Rentes :
Ville de Rohan — rôle des Censives (rentes féodales en argent) ........ 33 #
Moulins de Rohan, à M. le marquis de Lambilly ....... 13 #
Les deux étangs de Rohan à Madame Lepage ......... 15 #
Prairies de Rohan au sieur Lorant .......... 89 # 14 s, 6 d.
Prairies de Rohan à Louis Chapelle ......... 214 # 15 s.
Prairies de Rohan aux héritiers du sieur Lemaître ........ 130 # 11 s. 2d.
Prairies de Rohan à demselle Jeanne Cotbreil ........ 136 # 2 s. 3 d.
Afféagements de Me Jean Le Hellaye ........ 1 # 1 s. 4 d.

Soit au total 3.994 # 16 s. 3 deniers plus 16 afféagements de quelques sous chacun : 4, 6, 10, 14 sols (le produit en fait défaut dans les archives cette année 1785).

Il n'est pas question en ce relevé du revenu des moulins, parce que le duc Louis de Rohan avait vendu tous les moulins de son fief, le 20 novembre 1714.

Les recettes des seigneuries de Rohan, Gouarec et Pontivy s'élevaient en 1786 à 109.370 # 3 s. 11 d., les dépenses à 37.557 # 11 s. 11 d., en sorte que le revenu net était de 71.812 # 12 s. Le revenu de la seigneurie de la Trinité était minime : en 1783 il donne seulement 1.348 # 13 s. 1 d., tandis que les seigneuries de Loudéac et la Chèze fournissent au duc en la dite année 21.351 # 8 s. 7 d.

Le rendement du duché est en 1783, de 73.943 # 1 s. 7 d. (du Halgouët : le Duché de Rohan, p. 273-275).

C. — CHARGES DES VASSAUX.

I. Impositions royales. — Le fouage (impôt par feu) pour les campagnes, équivalant à notre impôt foncier, la taille pour les villes [Note : Le clergé et la noblesse étaient exempts du fouage et de la taille, à la condition de ne pas s'adonner au commerce ; de même les métayers des terres nobles pour le compte des nobles] ; la capitation, impôt personnel (à quelque chose près la cote personnelle et mobilière) payé par les nobles et les roturiers, — le clergé offrait à la place un don volontaire ; l'impôt du dixième qui devient l'impôt du vingtième en 1710, auquel s'ajoute un second vingtième en 1756, puis un troisième en 1783. C'était l'imposition la mieux répartie de l'ancien régime, véritable impôt sur le revenu auquel étaient assujettis le clergé, les nobles et les roturiers ; les devoirs : impôts sur les timbres, les tabacs, les boissons ; la gabelle, les devoirs de la milice, les corvées de grands chemins...

II. Devoirs féodaux. — Aux impositions royales s'ajoutaient pour le vassal les devoirs féodaux : coutumes et corvées signalées en ce chapitre, la fuie ou colombier, la huée qui consistait à rabattre le gibier sous bois avec force cris, le guet, le rachat (droit de mutation par décès), les lods et ventes, les redevances en nature : grains, gélines ; les censives qui devaient être doublées à l'occasion du mariage du seigneur ou de ses enfants...

Les Rohannais acquittaient leurs rentes féodales en sous et deniers tournois. Cette dette annuelle s'élevait à quelques deniers pour certains vassaux ; d'autres payaient 1, 2, 3, la majorité moins de 10 sols, au XVIIème siècle.

Parmi les denrées en nature, les Rohannais devaient quelques chapons à leur seigneur.

Maître Yves Amprou pour une maison et ses dépendances doit une paire de gants blancs simples, au premier jour de l'an, avec foi, hommage et sans rachat. (Déclaration de 1682).

Jusqu'à la Révolution notre cité jouissait de divers privilèges honorifiques et utiles, dus à la munificence de ses seigneurs.

Les Rohannais avaient le titre de nobles bourgeois. Leur ville était « noble, franche et exempte de tous subsides, de rachat, fouages, impôts de billots et autres subventions tant ordinaires qu'extraordinaires » (Même Déclaration).

Nous croyons que tous ces privilèges ne furent pas maintenus dans la suite, et que les Rohannais payèrent la capitation, le dixième et le vingtième établis postérieurement à la Déclaration de 1682...

III. Dîmes ecclésiastiques. — A Saint-Gouvry le recteur dîmait à la 11ème gerbe ; à Rohan il ne percevait que son casuel.

Il était nécessaire de jeter un coup d'œil sur les droits et les devoirs des seigneurs, sur les charges des vassaux pour mieux comprendre les doléances des Rohannais en 1789, et les causes de la Révolution.

La Révolution emporta le duché de Rohan. — comme tous les fiefs — et même le domaine antique de l'illustre famille des Rohan.

Louis-Antoine de Rohan-Chabot, cousin du duc Louis-Bretagne, recueillit l'héritage patrimonial. Mais, parce qu'il avait un fils émigré, il dut pour recouvrer ses biens de Bretagne, en faire le partage avec la République (le 11 brumaire an VII).

Après cette amputation, le 25 août 1802, il vendait à son fermier général Louis-Henri Janzé tous ses biens, grevés du reste bien au-delà de leur valeur, à savoir :

La terre de Kerguéhennec ;
La terre de Pontivy située dans les six anciennes châtellenies du fief : Pontivy, Rohan, Gouarec, Loudéac, la Chèze, la Trinité. Ces terres consistaient dans les ruines et emplacements de châteaux, les prairies en dépendant, dans les bâtiments de l'ancienne seigneurie de Rohan : halles, auditoires, prisons, fours.

La terre de Porhoët (château de Josselin et dépendances avec un moulin à drap dans cette ville, les terres de Léon et de Blain) ;

Le château et les forges des Salles ;

Les forges de Lanouée ;

Les forêts de Quénécan, Lanouée, Loudéac, Branguily, le bois des Débats en la Motte : le tout pour le prix de 1.461.728 francs.

Le jour où les signatures étaient apposées au contrat, M. Janzé rétrocédait les châteaux de Josselin, Pontivy, Rohan totalement en ruines, avec leurs halles et geôles, ainsi que celles de la Trinité. Alexandre-Louis-Auguste, fils du duc, avait tenu à conserver ces glorieux souvenirs des Porhoët et des Rohan. M. Janzé consentit à les garder sous son nom, jusqu'au 22 novembre 1814. Ce jour-là il les remit par une vente fictive au nouveau duc Alexandre de Rohan-Chabot. Depuis lors les ruines et emplacements du château de Rohan, les halles de cette ville et celles de la Trinité furent vendues en 1850. Quant aux châteaux de Pontivy et de Josselin, ils sont restés en possession de la famille de Rohan (du Halgouët : le Duché de Rohan, p. 301 et suivantes).

(P. Martin).

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