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LE CHATEAU DE ROCH'MORVAN EN LA ROCHE-MAURICE

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LE CHÂTEAU DE ROCH'MORVAN
(La Roche-Morice)
D'APRÈS LES CHRONIQUES DE FROISSART.

Les historiens qui se sont occupés de la guerre ouverte en 1341 entre Charles de Blois et Jean de Montfort, au sujet de la succession à la couronne ducale de Bretagne, ont été unanimes à identifier la ville d'Hennebont (Morbihan), avec celle dont il est question dans les chroniques de Froissart, notamment au chapitre CLXXIV (174, t. 1, p. 150, col. 1) et qui est orthographiée Hainebon. Ed. Buchon.

Château de la Roche-Maurice (Bretagne).

C'est une erreur, qui a pour conséquence de placer certains faits de cette guerre dans une partie du territoire, autre que celle dans laquelle ils se sont accomplis.

Nous citerons entre autre exemple l'exploit si connu de Jeanne de Flandre, comtesse de Montfort, sortie d'Hainebon pendant une attaque de nuit, et qui, après avoir mis le feu aux tentes du camp de Charles de Blois, fut contrainte d'aller chercher un refuge à Brest, comme le dit Froissart et non à Auray ainsi que l'écrivent les divers historiens.

C'est ce que nous nous proposons de démontrer.

Hainebon, orthographe de Froissart et Hennebont (Morbihan) sont distincts.

Hainebon est dans le Finistère. Ses ruines encore visibles s'élèvent sur un emplacement qui jadis relevait de la comté de Léon, la vicomté à partir de l'année 1179, et baignée par l'Elorn qui se jette dans la rade de Brest.

Cette portion de seigneurie comprenait trois châteaux que l'on rencontre après avoir quitté la ville de Brest. Ce sont :

Gouelet-Forest — le château du bas de la forêt — appelé Goy-la-Forest par plusieurs chroniqueurs ; ce sont les ruines actuellement connues sous le nom de Château de Joyeuse-Garde ;

Le château de Landergneau, orthographe d'un acte de l'année 1206. (D. Morice, 1, 807).

En l'année 1341, le sire de Landernaux était du parti de Montfort (Froissart, t. 1, chap. CLXX, p. 148, col. 1). Il se nommait Galeran (Froissart, t. 1, chap. CLXXVII, p. 152, col. 2). Sorti d'Hainebon (siège de 1342) pour coopérer à la délivrance de Bouteiller et de du Fresnay, il fut fait prisonnier et se rangea du côté de Charles de Blois (Froissart, t. 1, chap. CLXXXIX, p. 162, col. 1).

Le château de Landerneau passa, avec tous les biens des vicomtes de Léon, dans la maison, de Rohan, à la mort de Hervé VII [Note : Né à La Roche-Morice, suivant inscription faite par le chapelain sur la bible des Sires de Léon. Traduction du texte latin : L'an de N. S. 1341, le dimanche après la translation de saint Martin, la nuit, deux heures environ avant le lever du soleil naquit à La Roche-Morice [Note : Le texte latin porte : aput Rocham seu rupem Mauricii], Hervé de Léon, issu de parents de la plus haute noblesse. Il eut pour père Monseigneur Hervé de Léon et pour mère Madame Marguerite d’Avaugour. C'était du temps que la guerre existait relativement au duché de Bretagne entre Charles de Blois, seigneur de Penthiève, d'une part, et le comte de Montfort, d'autre part ; Hervé fut conçu au retour de la guerre entre nos seigneurs les rois de France et d'Angleterre. Puisse-t-il atteindre la vieillesse de Mathusalem, être sage comme Salomon, fort comme Samson, sauvé comme Simon-Pierre. Ainsi soit-il, ainsi soit-il. — Mélanges d'histoire et d'archéologie bretonnes. Rennes et Paris, t. 1, p. 242], décédé sans postérité à l'abbaye de Prières.

Le 21 août 1363, il fit son testament (D. Morice, 1, 1561).

La sœur d'Hervé, Jeanne, son aînée et son héritière, épousa, vers 1349 [Note : D. Morice. 1. 1468. Articles du mariage. — Il y est question du port et de la ville de Hembont o ses appartenences, c'est-à-dire de la ville du Morbihan et non de celle du Finistère, selon notre étude] Jean 1er, vicomte de Rohan, mort le 24 février 1395. Sa femme était décédée depuis le 19 septembre 1372.

Ils eurent pour fils Alain VIII, époux de Béatrice de Clisson. Il mourut en 1429.

Suivant de Courcy, le château de Landerneau avait une face sur la rivière, au-dessus du pont, une autre à l'entrée de la rue des Bouchers, et une troisième qui défendait le passage du pont. Il fut démoli au XVIIème siècle, et on bâtit sur son emplacement l'hôtel de Rohan actuel, appelé aussi quelquefois Castel an aot adre le château du rivage de derrière [Note : Notice historique sur la ville de Landerneau, 2ème édit., p. 24].

Jacques Ier, vicomte de Rohan, né le 10 juin 1478, du mariage de Jean II de Rohan et de Marie de Bretagne, dernier descendant de la branche aînée de la famille, mort en 1527, construisit le pont et le moulin au-dessus, en l'année 15..., suivant l'inscription en lettres gothiques [Note : 1518, Fréminville. Antiquités de la Bretagne, 1, 266].

L'antique forteresse de Roch-Morvan, édifiée par Morvan qui, en l'an 818, prit le titre de Roi des Bretons.

Le Roi Louis Le Débonnaire lui envoya l'abbé Witchar pour l'engager à rentrer dans l'ordre.

« Va et rapporte promptement ces paroles à ton maître, répondit Morvan Je ne cultive pas ses champs et je ne veux pas de ses loix ; qu'il se contente des Francs, Morvan gouverne à juste titre les Bretons et refuse tout sens et tout tribut. » (Ermoldus Nigellus, poète du IXème siècle).

Morvan fut tué par un soldat Franc, d'un coup de lance dans les tempes, sur les bords de l'Ellé [Note : Super fluvium Elegium juxta sylvam quæ dicitur Brisiaci. — D. Lobineau, Pr. col. 25. On peut lire dans le Bullet. de la Soc. Acad. de Brest 1894-95 la mort du Roi Morvan (en vers), texte Breton-Français, par M. Ch. Guennou], près la forêt de Briziac [Note : Ce nom se retrouve dans celui de la commune de Priziac, limitrophe de l'Ellé, à une heure du Faouet. De Courcy].

Depuis l'an 1341, au moins, le château de Roch-Morvan [Note : Le 22 septembre 1472, Louis de Rosnivinen seigneur de Keranchoat, chambellan de François II, duc de Bretagne, fut nommé capitaine du château de La Roche-Morice, saisi sur le duc de Rohan, allié des Français. De Courcy, p. 28 et D. Morice, 3, 250. — Le 6 février 1479, Guillaume, fils de Louis, lui succéda. De Courcy, p. 29 et D. Morice, 3. 387, col. 1. — Bull. de la Soc. Acad. de Brest, 1879-80, p. 309 : Mariage de Guillaume avec Perrine de Meulan, après avoir évincé Olivier de Coëtivy, fils de l'amiral Prigent de Coëtivy. A la page 450, t. 2, Histoire de l'Union de la Bretagne à la France, par Dupuy, on lit que le père de Guillaume se nommait Olivier ; l'acte du 6 février 1479, porte : Guillaume, fils ou dict Loys de Rosnyvynen] porte le nom de La Roche-Morice [Note : M. J.-F. Daniel. — Historique de la ville de Landerneau. et du Léonais, p. 25, a écrit, en regard du nom de La Roche-Morice : Mor-hise, qu'il traduit : Grande façon. Cette étymologie paraît acceptable. En effet, si l'on ouvre le dictionnaire franco-celto-breton de Troude, on trouve que Grandement s'écrit Meur — par corruption Mor — et que Manière se traduit par Kiz et Giz]. Ces ruines s'aperçoivent en sortant de Landerneau pour se rendre à Morlaix, par la voie ferrée.

Le pont de Landerneau, construit en 1518, avait été précédé d'un autre, déjà édifié en 1336.

A la tête de ce pont : in capite pontis de Landerneau in parrochia de Plebediry — Ploudiry — in terra et feodo nostro, in diocesi Leonensi, Hervé VI de Léon, décédé en 1337, avait fondé un hôpital sous l'invocation de Saint Georges et de Saint Julien.

En 1511, Jean II de Rohan, mort en 1516, confirma la fondation de cet hôpital, et le dota à nouveau (D. Morice, 1. 1376).

Enfin, en 1660, Marguerite, duchesse de Rohan [Note : Elle épousa, le 16 juin 1645, Henri Chabot, seigneur de Saint-Aulay et de Montlieu, et par cette alliance duc de Rohan, pair de France, gouverneur d'Anjou, mort le 27 février 1655. Moréri. Elle mourut le 9 août 1684. De Courcy, p. 39, donne la remontrance — délibération — faite par le Proc. fiscal de Landerneau, en séance de la Communauté, au sujet du décès de ce seigneur : le Proc. fiscal indiqué ci-dessus se nommait de Lorgeril. — 11 novembre 1670. Décès de Briand de Lorgeril, sieur de la Chenaye, Proc. fiscal de la principauté de Landerneau, paroisse de Saint-Houardon (Echo Paroissial de Brest, du 15 janvier 1899, n° 42)], princesse de Léon [Note : Depuis les conventions arrêtées en 1349, à l'occasion du mariage de Jeanne de Léon avec Jean Ier, vicomte de Rohan. D. Morice, 1. 1468], comtesse de Porhoet, autorisa le transfert de cet hôpital [Note : Les bâtiments de l'ancien hôpital ont subsisté jusqu'à nos jours. De Courcy, p. 20] sur le terrain d'un jardin, appartenant à l'établissement depuis l'année 1336 et situé rue de Ploudiry.

***

Château de la Roche-Maurice (Bretagne).

Du côté de la rive droite de l'Elorn, on avait accès au pont par un chemin, alors connu sous l'appellation de Hen bon, abréviation des deux mots bretons : Hent et Pont. (Le chemin du pont).

Ce chemin conduisait au château de Landerneau ; mais il permettait aussi de gagner Roch-Morvan.

Insensiblement l'usage dût s'établir de désigner le château par le nom du chemin qui y conduisait.

Le nom d'Henbon était connu au dehors de la Seigneurie. On le trouve mentionné par deux fois dans une chronique rimée intitulée : Vie vaillant Bertran Du Guesclin, par Cuvelier, trouvère du XIVème siècle.

A la page 78, tome 1, on lit (vers 2125-26) :

Charles de Bloiz aloit autrement combatant
A Brest et à Henbon aloit le pas gardant.

Et page 97, même tome, après avoir mentionné tous les seigneurs qui répondirent à l'appel d'Edouard III, roi d'Angleterre, venu en Bretagne pour soutenir les prétentions de Jean de Montfort, Cuvelier poursuit ainsi (vers 2656-59).

Si — aussi — fust Robert Canole et d'autres à foison
Pour venir en l'armée d'Edouard le Baron,
Repassèrent la mer à Brest delez Herbon
. [Note : Herbon, mauvaise lecture du manuscrit pour Henbon].

Sous la plume de Froissart, Henbon est devenu Hainebon. Ce chroniqueur, en effet, au lieu d'écrire le mot breton, nous en a donné la reproduction phonétique, la prononciation bretonne étant Hainebon et non Hainbon.

L'orthographe de Hainbont figure dans l'acte de donation de la châtellenie de Châteaulin-sur-Trieux [Note : Située en Plouec, arrondissement de Pontrieux (Côtes-du-Nord)] faite par Charles de Blois au Génois Ayton [Note : Antonio Doria commandait 40 galères. Amiral de France en 1339]. Doria, l'un des chefs de son armée : « En noz tentes, devant la ville de Hainbont, le 13e jour de juin, l'an de grâce 1342 » [Note : Archives nationales. — Trésor des Chartes. Rég, J. J. 74, n° 680, f° 410, V° A. de la Borderie].

Mais, nous dira-t-on, votre conjecture en ce qui concerne Roch-Morvan ou La Roche-Morice, et qui, selon vous, serait Hainebon, ne nous satisfait pas. En effet, La Roche-Morice est une forteresse, et Froissart a écrit : ville et chasteau d'Hainebon.

Nous répondrons que Froissart a donné le nom de ville à l'enceinte extérieure qui, d'après Fréminville, a dû exister au pied du château [Note : Antiq. de la Bretagne, Finistère, p. 262].

La ville d'Hainebon, dit Froissart, était à 3 lieues de Brest (T. 1, chap. CLXXIV, p. 150, col. 1) ; plus loin, il la place à 4 lieues (T. 2, chap. XXXIII, p. 490, col. 2). Ces distances sont inexactes. Cela n'est pas bien important. Dans les temps anciens, on n'était pas aussi précis que nous le sommes pour l'indication des distances. On les appréciait, comme le portent de nombreux documents à veue — vue — de païs. Enfin, la lieue de Bretagne était plus forte que celle de France [Note : La lieue de Bretagne était de 2.400 toises et celle de France de. 2.266 toises 3 pieds].

***

Quel pouvait donc être le lieu, assez rapproché de Brest et désigné sous le nom d'Henbon ?

Ce n'est pas assurément le château de Gouelet-Forest, bien qu'il semble avoir eu une certaine importance. Il n'aurait pu, sans doute, résister longtemps aux attaques réitérées de Charles de Blois, ayant fait venir en dernier lieu de Rennes, 15 à 16 gros engins lançant presque sans interruption de grosses pierres contre les murailles.

Ce n'est pas non plus le château de Landerneau, ni la ville, qui n'eut jamais de fortifications, nous dit de Courcy, p. 24. Quant au château, il paraît, dit-il, qu'il n'était pas bien fort, car l'Histoire ne mentionne la résistance de Landerneau à aucune attaque.

En ce qui concerne La Roche-Morice, M. de Courcy s'exprime comme suit :
« La floche-Morice devait être imprenable : aussi ne voyons-nous pas qu'on l'ait attaqué à cette époque ».

De Courcy n'avait point fixé son attention sur les passages de la Chronique de Cuvelier mentionnant le nom de Henbon.

La Roche-Morice est donc bien certainement ce que Cuvelier a appelé Henbon et Froissart Hainebon.

C'est là que cette comtesse de Montfort fit, comme s'exprime Froissart, une très hardie emprise [Note : Mieux Emprinse — Entreprise. Susceptio. Lacombe. Dict. du V. Lang. Français. 1767] qui ne fait mie o oublier et que on doit recorder [Note : Rappeler] à hardi et outrageux [Note : Grand] fait d'armes [Note : Froissart, 1, chap. CLXXIV, p. 150, col. 1].

Pour rendre notre démonstration plus complète, il nous faut raconter à grands traits quelques-uns des épisodes de la guerre de la succession au duché de Bretagne, de l'année 1341 à celle de 1345.

***

Jean de Montfort reconnu duc de Bretagne, à Nantes, se hâta de se rendre à Limoges afin de s'emparer du trésor ducal qui y était déposé ; il se dirigea sur Brest et se rendit maître du château. Garnier ou Gautier de Clisson, qui avait reçu le commandement de cette place depuis l'année précédente, mourut des suites de ses blessures. Jean de Montfort [Note : Levot, 1. 8] désigna Tanguy du Chastel comme capitaine de Brest, et partit mettre le siège devant Rennes [Note : Froissart, 1, chap. CL, p. 130], qui se rendit.

Quatre jours après son entrée dans la ville, un conseil de guerre fut réuni et il fut arrêté que Montfort irait s'emparer de la ville et du château d'Hainebon.

A ce conseil assistait Henri de Pennefort — mieux Spinefort — dont le frère, nommé Olivier, commandait à Hainebon.

A l'issue de la conférence, Henri de Spinefort prit à part le comte de Montfort et lui fit connaître les difficultés de l'entreprise, tant la place était forte. Vous y perdrez, lui dit-il, nombre de chevaliers, et ne serez peut-être pas maître de la ville et du château d'Hainebon avant une année. Je puis vous les faire livrer, sans coup férir, à la condition de me laisser libre de mes actions et de me donner l'assurance que mon frère aura la vie sauve.

Montfort répondit affirmativement.

En conséquence Spinefort partit de Rennes à la tête de 600 cavaliers, précédant Montfort de quatre lieues.

Lorsque Henri de Spinefort fut parvenu devant Hainebon, son frère l'apercevant, ne douta pas un seul instant qu'il ne vint se joindre à lui ; il sortit de la ville et courut l'embrasser. Pendant ce temps, Henri faisait entrer ses troupes dans la place, et déclarait à Olivier qu'il était son prisonnier ; que, d'ailleurs, il avait tout intérêt à quitter le parti de Charles de Blois. Olivier se laissa convaincre, fit sa soumission à Montfort qui lui conserva son commandement (T. 1, chap. CLI, p. 131, col. 1 et 2).

Montfort, dit Froissart (chap. CLI (151), p. 131, col. 2) entra dans Hainebon à grand'joye et fut plus lie joyeux — de la prise et de la saisine d'Hainebon que de tels quarante châteaux qui sont en Bretagne, car il y a bonne ville et grosse et bon port de mer [Note : La Roche-Morice qualifié de port de mer : 1° Dans un acte du 28 octobre 1421 rapporté par D. Morice ; 11, 1099. Cet acte est rappelé par note insérée dans le journal L'Echo Paroissial de Brest du 13 juin 1909, n° 585, ainsi libellée : « On voit en effet que le 28 octobre de cette année, le duc accorda au vicomte de Rohan 15 sols, sur un devoir de 30 sols levé dans ses hâvres de Landerneau et adjacents, pour la réparation de son chastel de La Roche-Maurice, qui est un port de mer, et lequel a mestier de réparation. Et d'ailleurs on a déjà vu précédemment Echo, n° 530, du 24 novembre 1908 [Note : Sondages pratiques il y a quelques années à Landerneau et qui ont rencontré, à environ 9m50 au-dessus du sol de la vallée, une couche de sables maritimes coquilliers de 2 mètres d'épaisseur] — qu'à 3 kilomètres dans l'ouest de La Roche, avant d'arriver à Landerneau, on trouve des sables marins à plus de neuf mètres en contre-bas du niveau actuel des terres » ; 2° Dans un acte du 6 février 1479. — Commission de capitaine de La Roche-Morice donnée à Guillaume de Rosnyvinen [Note : Cette capitainerie valait de 300 à 400 livres, et s'il était pris dans la rivière aucuns — quelques — Morhoc'h — marsouin — les preneurs étaient tenus de les apporter à La Roche-Morice ou à Gouelet-Forest, où les capitaines les pouvaient, retenir à juste prix pour le vicomte. De Courcy, p. 29]. Et puisque cette place est située sur port de mer où il est bien requis commettre et avoir gens qui s'en prennent et donnent guarde, ce que faire désirons, etc., etc. D. Morice, 111. 387 [Note : Le 4 septembre 1484, le duc et Jean de Rohan se réconcilièrent. D, Morice, 3, 438, Jean, vicomte de Rohan, s'empressa de donner le commandement de La Roche-Morice à son ami et confident Perceval de Lezormel. Quelques années après, le maréchal ayant reçu une communication fort importante relative au mariage de son fils aîné et de la duchesse Anne, D. Morice, 11, 629 — envoya son ami Perceval de Lezormel à Vannes, avec une mission toute confidentielle : malheureusement, il ne put réussir dans ses desseins. Ce fut dans ces circonstances, qu'obligé d'être souvent absent du château de La Roche-Morice, Perceval de Lezormel y institua pour son lieutenant un de ses neveux, Olivier de Lezormel. L'acte est du 26 novembre 1502, et Perceval y prend le titre, de Kerlosquant. Annuaire des Côtes-du-Nord 1853, p. 58].].

La prise et saisine de Gouelet-Forest ne donna pas plus de peine que pour Hainebon.

Jean de Montfort se rendit, avec son armée, devant Gouelet-Forest. Il avait à ses côtés Hervé VII, vicomte de Léon, qui avait été le compain du commandant de la place, en Prusse et autres pays étranges — étrangers. — A cette vue, le capitaine de Gouelet-Forest ouvrit les portes de la forteresse : Montfort reçut sa soumission et lui laissa le commandement de Gouelet-Forest.

Au chapitre CLXXXIV (184), t. 1, p. 158. Froissart nous fait connaître le nom du châtelain de Goy-la-Forest — mieux Gouelet-Forest — ; il se nommait Guy de Goy.

***

Au mois de décembre 1341, Jean de Montfort était à Nantes, lorsque Charles de Blois et les seigneurs français allèrent mettre le siège devant cette ville ; elle fut prise ; Jean de Montfort, fait prisonnier, fut conduit à Paris. Le Roi de France le fit mettre dans les prisons du Louvre [Note : Lettre des petits bachelers Tenguy dou Chastel, Geffroi de Malestroit et Henri de Kaer, adressée à Montfort pour du vin fourni à ses troupes et réponse du comtes, datée de Nantes le XVIII décembre MCCCKLI. D. Morice, 1, 1428].

Hervé VII de Léon, froissé des reproches que Montfort lui adressa à l'occasion des affaires du siège de Nantes, abandonna ce prince et suivit le parti de Charles de Blois. Ce fut, dit Froissart, celui qui plus se pénoit de grever ici comtesse de Montfort et ses aidans (Chap. CLXX, p. 148, col. 1).

***

Dès que la comtesse connut l'incarcération de son mari, elle prit la résolution, de continuer la lutte. Elle chargea Amaury de Clisson, tuteur de son fils, de se rendre en Angleterre, afin d'obtenir du Roi Edouard III les secours qu'il avait promis à son mari [Note : Traité d'alliance. D. Morice, III, 154]. Ensuite, elle quitta Rennes, avec son jeune fils. Dans toutes les localités, sur son parcours, elle ravitaillait les places, complétait les garnisons et exhortait les populations à ne pas abandonner la cause de Montfort. Elle arriva ainsi à Brest, mit le trésor ducal sous la garde de Tanguy du Chastel et partit pour Hainebon, c'est-à- dire qu'elle s'arrêta à La Roche-Morice où elle séjourna tout l'hiver (Ch. CLVIII, p. 139, col. 1).

***

Lorsque la belle saison fut revenue, Charles de Blois et ses auxiliaires se remirent en campagne. Ils attaquèrent la ville de Rennes qui se rendit [Note : Ainsi fut la cité de Rennes rendue à messire Charles de Blois, l’an de grâce 1342, à l'entrée de mai. Froissart, Ch. CLXXII, p. 149, col. 1].

Un conseil de guerre s'y tint et il fut arrêté que Charles de Blois irait attaquer Hainebon, parce que puisque le Sire — Montfort — était en prison, s'il pouvait prendre la ville, le châtel, la comtesse et son fils, il auroit tôt sa guerre affinée (Ch. CLXXIII, p. 149, col. 1 et 2).

Charles se mit en marche pour Hainebon, et Jeanne informée du mouvement se prépara à la défense.

***

En arrivant à Hainebon, Charles de Blois, en présence de la force de la place, prit ses dispositions pour un siège de longue durée. Il dirigea plusieurs attaques, mais sans succès. Au cours de l'une d'elles, faite dans la nuit du 13 juin 1342, Jeanne sortit par une porte non occupée par l'ennemi. A la tête de 300 cavaliers, elle alla mettre le feu aux tentes du camp de Charles de Blois. Poursuivie par un grand nombre de cavaliers rassemblés par Louis d'Espagne, maréchal de l'Ost de Charles de Blois, elle ne put rentrer dans la ville et dut prendre une autre direction, suivie par son escorte.

Prit-elle la direction d'Auray, comme l'affirment ses divers historiens ? Passa-t-elle par Brest, route d'Auray, suivant l'avis de M. A. de la Borderie, dans son Histoire de Bretagne ?

Nullement. « Si s'en alla autre chemin, droit par devers le chatel de Brest qui sied à trois lieues de là » (T. 1, chap. CLXXIV, p. 150, col. 1).

Jeanne y demeura cinq jours, durant, lesquels elle renouvela son escorte. Elle en partit entour mie nuit, et s'en vint, à soleil levant, et chevauchant, droit à l'un des côtés de l'Ost, elle fit ouvrir la porte du chatel de Hainebon, aux acclamations de ses hommes et au bruit des trompettes et des nacaires — timballes (T. 1, chap. CLXXV, p. 151, col. 1).

***

La rentrée de Jeanne dans Hainebon amena une nouvelle attaque de la part des troupes de Charles de Blois ; elle dura jusqu'à haute none. Environ heure de none [Note : None est, la 4ème partie du jour, qui commençait à la 9ème heure du jour, ou selon notre manière de compter, à 3 heures de l'après-midi : Littré. Haute-None voudrait donc dire : plus de 3 heures] les seigneurs firent cesser l'assaut, car les gens se faisaient tuer et navrer — blesser — sans raison et retrairent à leur logis.

Un conseil de guerre fut assemblé et il fut résolu que Chartes de Blois irait mettre le siège devant Auray ; que le maréchal de l'Ost, Louis d'Espagne, demeurerait devant Hainebon, attendre l'arrivée de 15 à 16 gros engins — mangonneaux — [Note : Machine de guerre dont les Normands se servaient au siège de Paris, en 885, pour lancer de grosses pierres. Sous Saint-Louis, on appela cette machine pierrier... Ils ont aussi des mangonneaux, Ainsi que li pople — peuple — les nome, Dont ils jettent les pierres. Annales de Paris de Dom Toussaint. Lacombe. Dict, du V. Langage Français. 1767] demandés à Rennes (Chap. CLXXV, p. 151, col. 1).

Charles de Blois enmenait avec lui le duc de Bourbon, le comte de Blois son frère, le maréchal de France messire Robert Bertrand, messire Hervé de Léon et partie des Génevois (Génois) ; il laissait à Louis d'Espagne le vicomte de Léon et tout le remanant — le reste — des Génevois et Espagnols.

***

Pendant ce temps, Jeanne de Flandre attendait avec beaucoup d'anxiété [Note : Grand'mésaise de cœur. Chap. CLXXI, p. 148, col. 2] le retour d'Angleterre de son messager, Amaury de Clisson.

Les défenseurs de La Roche-Morice commençaient à faiblir ; ils songeaient à rendre la place aux assaillants, lorsque Jeanne aperçut du haut d'une des tours de la forteresse un certain nombre de navires qui, après avoir traversé la rade de Brest, pénétraient dans la rivière l'Elorn. Je vois venir, s'exclama-t-elle par deux fois, le secours tant désiré (Ch. CLXXVI, p. 152, col. 1). Ces bâtiments [Note : Un grand tourment et vent contraire les prit en mer, par quoi il les convint demeurer sur la mer par le terme de soixante jours, ainçois qu'ils pussent venir à Hainebon. Chap. CLXXI, p. 148, col. 2] amenaient 6.000 archers commandés par Gautier de Mauny, gentilhomme du Hainaut [Note : Messire Gautier de Mauny, en Hainaut. Froissart, liv. 1, partie 1ère, chap. 1, p. 3, col. 1. Il appartenait à la famille de Masny ou Masni (Nord, arrondissement et canton de Douai). Luce : Histoire de Du Guesclin, p. 44. Le père fut tué devant la Réole, en revenant de Saint-Jacques de Compostelle, Le fils retrouva la tombe de son père et fit envoyer les ossements à Valenciennes. Froissart, 1, chap. CCXL, p. 199 et chap. CCXLI, p. 200].

Aussitôt arrivé, Mauny jeta un coup d'œil sur les abords de la place. Il organisa une sortie durant laquelle il mit en déroute les partisans de Charles de Blois, et détruisit le dernier gros engin que possédait Louis d'Espagne.

Dans cette situation, le maréchal de l'Ost prit le parti de lever le siège d'Hainebon et de se rendre auprès de Charles de Blois, à Auray.

***

A l'arrivée à Auray, avec toute sa charge de gens d'armes, Louis d'Espagne expliqua à Charles de Blois les motifs qui l'avaient fait abandonner le siège d'Hainebon. Les conseillers de ce prince émirent l'avis que ledit messire Louis et tous ceux qui étaient venus avec lui iraient assiéger la bonne ville de Dignant, qui n'était fermée fors d'eau et de palis.

Le dit messire Louis s'en alla atout son ost assiéger Dignant [Note : Chap. CLXXVIII, p. 154, col. 1].

Louis d'Espagne emmenait avec lui divers personnages qui se trouvaient au camp de Charles de Blois : le vicomte de Rohan, l'évêque de Léon, messire Hervey, son neveu, et plusieurs autres.

Cette troupe prit passage sur les galères de Doria [Note : Après le pillage de Guérande, lit-on au chap. CLXXIX, p. 155, col. 1, « Si se mit le dit messire en ces vaisseaux qu'il avait trouvés sur mer en la compagnie de messire Othon Dorie, etc. »] qui, avant d'accomplir leur mission, cherchèrent aventure sur la mer et arrivèrent dans les parages du Conquet. Louis d'Espagne apprenant que le chatel était de l'accord de la comtesse, fit traire celle part et assaillir fortement.

Le Conquet fut pris, la garnison passée au fil de l'épée, à l'exception du châtelain, chevalier de Lombardie, bon guerroyeur et hardi, qui s'appelait Mansion et fut fait prisonnier. Après avoir établi un autre capitaine, bon et sûr, et 60 compagnons [Note : Tous Espagnols] avec lui pour garder le châtel, Louis d'Espagne se rendit à Dignant [Note : Chap. CLXXVIII, p. 154, col. 1].

La prise du châtel du Conquet ayant été connue à Hainebon, Gautier de Mauny réunit tous les compagnons soudoyers [Note : Soudée, soudeye, solde des gens de mer] et leur dit que ce serait trop noble aventure pour eux tous, si ils pouvaient dessiéger le dit chastel et déconfire le dit messire Louis et son ost ; et que oncques si grand honneur n'avint à gens d'armes qu'il leur adviendrait. Tous s'y accordèrent et partirent le lendemain au matin de Hainebon et s'en allèrent celle part de si grand'volonté que peu en demeura en la ville. Tant chevauchèrent qu'ils vinrent environ none au chatel du Conquet.

Le château fut pris. La garnison espagnole fut tuée, à l'exception de 10 hommes que quelques chevaliers prirent à mercy [Note : Merce, merchi, merci, grâce, pardon, miséricorde, Dict. du V. Langage Français. Lacombe, 1767]. Puis les Anglais et les Bretons se mirent en marche vers Hainebon ; car ils ne l’osoient mie grandement éloigner ; et laissèrent le chatel du Conquet tout seul et sans garde, car ils virent bien qu'il n'étoit mie à tenir (Chap. CLXXXII, p. 157, col. 2).

***

Pendant ce temps Louis d'Espagne était entré à Dignant, après quatre jours de siège, les habitants s'étant rendus malgré l'avis de leur capitaine, messire Regnault de Guingamp, qu'ils tuèrent en-my [Note : Enmi, au milieu. Lacombe, Dict. 1767] le marché. Deux jours après cette soumission, Louis d'Espagne alla attaquer Guérande qu'il pilla.

Là fut gagné grand trésor, si que chacun en eut tant qu'il put porter, car la ville était grande, riche et marchande.

Louis d'Espagne se saisit de tous les navires marchands venus de Poitou et de La Rochelle pour vendre leurs vins, les fit monter par des gens d'armes et partie des Génois et des Espagnols.

Enfin, il quitta Guérande en compagnie d'Othon [Note : Pour Anton, mieux Antonio] Doria et de quelques Génois ou Espagnols, pour aller aucune — quelque — part, pour aventurer sur la marine [Note : Marine a longtemps signifié rivage, comme en italien marina, la marine, le rivage, le bord de la mer, la côte. Jal, Glossaire., 977, col. 2, et il cite ce passage d'un rapport adressé de Cadix, le 8 septembre 1844, par le prince de Joinville, au Ministre de la Marine, M. de Mackau : « M. Warnier est arrivé à Tanger, hier au matin ; il a été reçu avec les honneurs qui n'ont jamais été rendus, à Tanger, à aucun Européen. Le Caid est venu à cheval le recevoir à la marine ; toutes les troupes étaient sous les armes] ; et le vicomte de Rohan, l'évêque de Léon, messire Hervey, son neveu, et tous les autres s'en retournèrent à l’ost de Charles de Blois toujours devant Auray (Chap. CLXXIX, 155, col. 1).

***

La flotte de Louis d'Espagne remonta la rivière de Quimperlé. Ses hommes descendirent à terre et allèrent ardoir [Note : Brûler] et rober [Note : Voler] tout le pays et trouvèrent si grand avoir que merveilles seraient à raconter. Si l'apportaient tout en leurs naves et puis rallaient d'autre part pour rober ; et ne trouvaient nullui [Note : Qui que ce soit] qui leur défendit (Chap. CLXXXI, p. 156, col. 1).

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Gautier de Mauny et Amaury de Clisson informés de ces dévastations, firent appel à leurs compagnons qui étaient à Hainebon ; tous prirent la mer, emmenant avec eux 3.000 archers, et se dirigèrent vers la rivière de Quimperlé (Chap. CLXXXI, p. 157, col. 2).

A leur arrivée, ils trouvèrent les bâtiments de Louis d'Espagne, tuèrent tous les hommes laissés à la garde du butin considérable qu'ils contenaient. Puis ils se mirent à la recherche de Louis d'Espagne, qu'ils ne tardèrent pas à rencontrer.

Une bataille terrible eut lieu ; des 7.000 hommes dont disposait Louis d'Espagne, il ne resta pas plus haut de trois cents (Chap. CLXXXI, p. 156, col. 2). Messire Alphonse, neveu de Louis d'Espagne, y trouva la mort, et lui-même, blessé, poursuivi par les populations qu'il venait de piller et les hommes de Mauny et de Clisson, éperonna son cheval vers ses bâtiments (Chap. CLXXXII, p. 157, col. 2), pour échapper à la poursuite. Il sauta dans un vaisseau qu'on appelle Lique [Note : Mauvaise lecture du manuscrit pour Ligne. Jal. Glossaire, p. 935, col. 1. Le Ms. de la bibl. nat., n° 6760, dit-il, et le Ms. n° 8317, disent très manifestement Ligne, qui test le vrai mot employé par Froissart. — Ligne, Jal, 932, col. 1. Nom d'un bâtiment à rames que les documents du XVIème siècle mentionnent souvent avec les galères, mais après elles, ce qui constitue son infériorité relative]. Mauny et Clisson appareillèrent avec leurs bâtiments. Louis d'Espagne réussit à mettre pied à terre et ceux qui le poursuivaient gagnèrent Redon. Louis d'Espagne s'y trouvait également. Il ne perdit pas de temps, monta sur petits chevaux qu'il emprunta en la ville et s'en alla droit vers la cité de Rennes, suivi d'un certain nombre de ses hommes tant à cheval qu'à pied. Mauny et Clisson le poursuivirent pendant quelque temps. Ils reprirent ensuite la route de Redon et y couchèrent.

Le lendemain ils se remirent à chemin par mer, pour regagner Hainebon. Un vent contraire les contraignit à prendre port trois lieues près de Dignant (Froissart, chap. CLXXXII, p. 157, 1).

***

C'est le moment de déterminer, s'il est possible, l'emplacement de cette ville de Dignant aujourd'hui disparue.

Suivant M. A. de la Borderie, Guéméné-Guingamp est la place désignée dans Froissart sous le nom de Guingamp, Guignan ou Dignant et qui a tant intrigué nos historiens [Note : Revue de Bretagne et Vendée, janvier 1887, p. 64. — Kémenet-Guégant, 1160 (D. Morice, 1. 638). Quemenet-Guégant, seign. 1283 (duché de Rohan-Chabot). Kemenet-Guingamp 1294 (D. Morice, 1, 1113), Kemenet-Guégamp 1304 (D. Morice, 1, 1192), Kernenet-Guengant castrum 1354 (D. Morice, 1, 1493), Kemenet-Guingant 1390 (duché de Rohan-Chabot), Kermené-Guingamp 1449 (principauté de Rohan-Guéméné). Dict. topographique du département du Morbihan. Rozenzweig, p. 88].

Est-ce exact ? Nous ne le pensons pas.

En effet, dans la presqu'île de Crozon, entre la rade de Brest et la baie de Douarnenez, il existe une autre baie, dite de Dinant. A trois quarts de lieue de cette dernière, on aperçoit une ligne de rochers portant le nom de château de Dinant. C'est dans les environs que, dans notre opinion, devait se trouver la ville de Dignant mentionnée par Froissart.

***

Aussitôt arrivés dans le petit port innommé, Mauny et ses compagnons se mirent à chemin par terre, ainsi qu'ils purent et gatèrent tout le pays d'entour Dignant et prenaient chevaux tels que chacun pouvoit trouver, l'un à selle, l'autre sans selle, et allèrent tant qu'ils vinrent en une nuit assez proche de Roche-Périou.

Là, il y eut un fort assaut, dans lequel Jean Le Bouteiller et messire Mathieu du Fresnay furent blessés grièvement et mis à gésir — reposer — avec
les autres navrés — blessés (Chap. CLXXXII, p. 157, col. 2).

Le frère de Girard de Maulain, châtelain du Faouet [Note : Qui sied à moins d'une lieue de Roche-Périou], et nommé Regnier, se porta à son secours. Il emmena en prison, au Faouet, Le Bouteiller et du Fresnay. Lorsque les compagnons de Mauny eurent connaissance de ce fait, ils quittèrent le combat et poursuivirent Regnier qui s'était déjà enfermé dans Faouet avec ses prisonniers. Mauny attaque Le Faouet, qui était bien défendu. La nuit l'obligea à se retirer. Il se réservait de recommencer le lendemain.

Girard de Maulain voulut, à son tour, secourir son frère Regnier. Il s'aboucha avec Pierre Portebœuf, châtelain de Dignant, et bientôt 6.000 hommes se dirigèrent sur le Faouet. A leur arrivée, ils ne trouvèrent plus d'ennemis (Chap. CLXXXIV, p. 158, col. 2).

En effet, avertis par une espic — espion — Mauny et ses compagnons se concertèrent et décidèrent de regagner Hainebon, car grand meschef [Note : Meschief, Meschéance, malheur, infortune] leur pouvait venir s'ils demeuraient longuement là ; car si ceux de Dignant leur venaient d'une part et l'ost messire Charles de Blois et des seigneurs de France d'autre part, ils seroient enclos et tous pris à la volonté de leurs ennemis. Lors se partirent de là et se mirent à voie pour revenir à Hainebon.

Nous estimons qu'ils regagnèrent le petit port où ils avaient débarqué, à trois lieues près de Dignant — presqu'île de Crozon — et mirent à la voile.

Ils atteignirent la côte nord du goulet de Brest, attérirent en un point quelconque et se dirigèrent sur Hainebon. Ils passèrent devant un château que Froissart nomme Goy-la-Forest et qui, comme nous l'avons dit, est Gouelet-Forest (Chap. CLXXXIV, p. 150, col. 2).

Cette circonstance, lit-on, dans l'Histoire de Bretagne de D. Taillandier, nous fait juger qu'il — Mauny — avait été jeté par la tempête sur la côte de Léon [Note : Tome IV, p. 124. Gouelet-Forest y est appelé Goy-la-Foret].

A Gouelet-Forest, il s'était produit du changement.

Hervé VII, vicomte de Léon, qui, ainsi qu'on l'a vu, avait abandonné le parti de Montfort pour suivre celui de Charles de Blois, se trouvait au siège de Carhaix. Il fit une course jusqu'à Landerneau, ravageant la campagne, dont il fit un désert et semant partout la terreur de son nom, si que n'osoit nul demourer au plat païs [Note : De Courson. — Notice hist. sur la ville de Landerneau, 2ème édition, p. 24]. De Landerneau, il se rendit à Gouelet-Forest, sa propriété, en expulsa la garnison laissée par Jean de Montfort et par lui, et la remplaça par des partisans de Charles de Blois. Il partit ensuite rejoindre ce prince, emmenant avec lui Guy de Goy, commandant du château et son ancien compain.

Il y avait quinze jours que cela s'était passé, quand arrivèrent Gautier de Mauny et ses compagnons. Ils attaquèrent le château dont ils s'emparèrent. La garnison fut tuée. Les vainqueurs couchèrent à Gouelet-Forest (Chap. CLXXXIV, p. 158, col. 2) et le lendemain se rendirent à Hainebon. La comtesse en fut grandement réjouie, baisa et accola chacun de grand cœur (Chap. CLXXXV, p. 159, col. 1).

***

Voici maintenant la dernière tentative faite par Charles de Blois pour s'emparer de Hainebon ; elle ne fut pas plus heureuse que les précédentes.

Pendant le temps qui s'est écoulé, les gros engins demandés à Rennes se trouvaient à la disposition de Charles de Blois. Il quitta Carhaix, dont il s'était emparé, et s'achemina sur Hainebon qu'il attaqua aussitôt (Chap. CLXXXVI, p. 159 col. 2). Il était arrivé depuis quatre jours, quand apparut Louis d'Espagne qui avait passé six semaines à faire curer et medeciner ses plaies.

Les quinze ou seize gros engins lançaient ounieument — tout à la fois — des pierres aux murs de Hainebon et à la ville. Les assiégés ne s'en inquiétaient pas beaucoup, car ils étaient fort pavaisés [Note : Couverts de pavois, sorte, de grand bouclier. Pavechier. couvrir quelque chose. Dic. Lacombe 1767] et guérités [Note : Bien abrités] pour les recevoir. Ils se présentaient parfois aux murs et aux créneaux et frottaient de leurs chaperons les marques laissées par le jet des pierres. Ils criaient aux assiégeants : Allez, allez requerre [Note : Recourir à quelque chose. Lacombe, Dict. du V. Langage Fronçais] et rapporter vos compagnons qui se reposent aux champs de Kemperlé.

Louis d'Espagne en était irrité.

Il se rendit à la tente de Charles de Blois et lui demanda une grâce, en récompense de ses services [Note : En guerdon de tous tes services que faits lui avait]. Charles la lui accorda, sans s'inquiéter de ce dont il s'agissait (Chap. CLXXXVII, p. 160, col. 1).

Louis d'Espagne fit connaître qu'il voulait qu'on lui livrât Jean Le Bouteiller et Mathieu de Fresnay, détenus au Faouet. Ils m'ont, disait-il, tué messire Alphonse, mon neveu, que j'aimais tant, et veux leurs têtes.

Charles de Blois répondit qu'il livrerait les prisonniers, mais adjura Louis d'Espagne de ne pas donner suite à son projet de mise à mort. Ce dernier déclara qu'il n'en serait autrement si tous les seigneurs du monde l'en priaient, et, ajouta-t-il, si vous m'en tenez

***

Convent [Note : Convent. Engagement. Convention], sachez que je me partirai et ne vous servirai ni aimerai tant que je vive (Chap. CLXXXVII, p. 160, col. 2).

Les prisonniers furent en conséquence amenés au camp de Charles de Blois.

Louis d'Espagne se rendit auprès d'eux et leur annonça qu'ils seraient décolés [Note : Décapités] après le dîner.

Heureusement pour ces chevaliers que Gautier de Mauny et Amaury de Clisson ayant eu connaissance de ce qui se passait au camp de Charles de Blois, prirent la résolution d'enlever les prisonniers. En conséquence, ils sortirent de la ville avec des troupes formées en deux colonnes ; l'une attaqua le camp pendant le dîner, l'autre se dirigea vers la tente où se trouvaient les détenus, qu'ils réussirent à faire entrer à Hainebon et vint la comtesse contre eux, qui les reçut à grand'joie. (Chap. CLXXXVIII, p. 162, col. 1).

Trois jours après, le conseil de guerre tenu au camp de Charles de Blois, émit l'avis que la ville et le château d'Hainebon étaient si forts qu'il n'y avait pas lieu d'y demeurer plus longuement.

Charles de Blois se dirigea sur Carhaix, la comtesse de Montfort passa en Angleterre et Louis d'Espagne alla aventurer sur la mer.

***

La position d'Henbon ayant été déterminée, nous l'espérons, du moins, on peut se poser une autre question. Où est mort Jean de Montfort à Henbon ou à Hennebont ?

On sait que, le 13 août 1345, il dirigea une attaque contre Quimper. Il y fut blessé grièvement. Retiré à grand peine de la mêlée, il fut conduit à Henbon ou à Hennebont.

Le 13 septembre 1345, il y signa le don de la terre de Pontcallec [Note : Maintenue dans la possession de cette seigneurie par ordonnance du 11 juin 1354, rendue par Thomas de Holland, gardien de la Bretagne pour le Roy d'Angleterre et pour Jean, comte de Montfort, duc de Bretagne. Jeanne de Belleville et son époux, le chevalier anglais Gautier de Benthelée furent gratifiés par Montfort de la châtellenie de La Roche-Moisan, le 5 février 1356. D. Morice, 1, 1512. Par lettres du 30 décembre 1359, le Roi d'Angleterre donna main levée à Olivier de Clisson de tous les biens qui lui étaient échus par la mort de sa mère Jeanne de Belleville. D. Morice, 1, 1529] à Jeanne de Belleville, dame de Clisson et de Blein, pour l'indemniser des pertes qu'elle avait éprouvées durant la guerre. D. Morice, 1, 1452.

Huit jours après il décédait à HenbonHainebon — ou à Hennebont, non pas le 26 septembre, comme on l'écrit habituellement, mais die XX septembris anno MCCCXLV, ainsi que le portait l'épitaphe de Montfort, disparue à la Révolution et placée autour de la chapelle de saint Hyacinthe, dépendant du couvent des Jacobins de Quimperlé, où le corps de Montfort fut transféré [Note : Epitaphe reproduite dans la notice de M. A. de Blois, sur la ville de Quimperlé, Annuaire de Brest et du Fintstère, publié par la Société d'Emulation de Brest, année 1849].

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Comme conséquence de ce qui vient d'être dit sur la position du lieu d'Henbon de Cuvelier ou d'Hainebon selon Froissart, il y a lieu de jeter les regards vers La Roche-Morice partout où il est question d'Hennebont dans les documents qui vont suivre :

1° Acte, sur peau de vélin, daté du 15 janvier 1358, existant aux Archives nationales — J. 637, n° 2 — et cité par Levot, Histoire de Brest, 1, 13. Cet acte, dit-il, porte en substance que : Raoul de Cahors, ou de Quercy, chevalier, seigneur de Beauvoir-sur-Mer, en présence du Conseil secret du Roi de France, s'engagea à placer sous l'autorité du dit Roi, les villes de Rennes, Guérande et Quimperlé, et à faire obéir au Roy, Tanguy du Chastel et Bernard, son fils, avec les deux châteaux de Trémazan et d'Ussant (Ouessant), qu'il s'engage encore à mettre en état le château de Saint-Mathieu de Fineterre….. qu'enfin il promet de travailler à ramener sous l'autorité du dit Roy les châteaux de Hen bont et de Brest, etc.

2° 4 novembre 1371. D. Morice, 1, col. 1673-1676. Traité d'alliance entre le Roi d'Angleterre et le duc de Bretagne, pour lequel il fut convenu que le duc de Bretagne recouvrerait la ville de Bécherel, à la condition que le Roi d'Angleterre placerait des capitaines de sa nation dans douze villes, chasteaux et forteresses, entre autres dans le chastel de Morloys, la ville et le chastel de Brest et la ville de Henbon.

3° Froissart, t. 1, chap. CCCLX, p. 670, col. 1 et 2. Salebrin — Salisbury — quitte Saint-Malo avec sa flotte : a leur département ils fustèrent — pillèrent — et robèrent toute la ville de Saint-Malo, et puis singlèrent tant que ils vinrent à Hainebont. Là furent-ils un jour, et puis rentrèrent en mer, et s'en allèrent tout singlant devers Brest, et tant firent qu'ils y parvinrent.

Du Guesclin partit pour Saint-Malo ; n'ayant pas trouvé les Anglais, il chevaucha à tout son grand host devers le Châtel et la ville de Hainehont où il y avait six vingt (120) Anglais qui la tenaient ; et les y avait laissés le comte de Salebrin quand il y fut, n'avait point six jours.

La place était commandée par Tommelin Wick (Thomas Wich) ; Du Guesclin le somma de la lui livrer, ce à quoi Wich adhéra.

Les Anglais et les Bretons que l'opinion du comte de Montfort tenaient, se purent s'égurément partir, eux et le leur — bagages — et traire dedans Brest et non autre part.

Quant à Du Guesclin il se dirigea sur Nantes après avoir confié le commandement de la place à deux capitaines bretons. — T. 1, chap. CCCLXII, p. 671, col. 2.

Cela se passait au mois de mai 1373.

4° C'est encore très vraisemblablement à Henbon — Hainebon — ou La Roche-Morice, que Robert Knolles, en l'année 1373, s'engagea envers les seigneurs de France et de Bretagne à mettre Brest en composition telle que, si dedans un mois, ils n'étaient confortés et secourus de gens forts assez pour combattre le connétable et sa puissance, il rendrait Brest aux Français. T. 1, chap. CCCLXIV, p. 675, col. 1.

Le traité fut signé le 6 juillet. D. Taillandier, t. 5, p. 507, et soumis à l'approbation de Du Guesclin. (Froissart, t. 1, chap. CCCLXIV, p. 675, col. 1. Le 11 juillet, Du Guesclin était à Lantréguer où il réglait le chiffre de la garnison de Huelgoat. D. Morice, II, col. 76 et 77.

La flotte anglaise appelée à Brest par Knolles avait jeté l'ancre en rade.

Son chef — Salisbury — expédia un hérault à Du Guesclin, pour l'informer qu'il l'attendait pour la journée, c'est-à-dire le combat fixé par le traité.

Du Guesclin, déjà en marche vers Brest, répondit au hérault : Dites à vos maîtres qu'ils ne sont mie en lieu et place où le traité fut premièrement pourparlé et accordé. Si leur dites qu'ils se traient celle part et sans faute ils seront combattus. T. 1, chap. CCCLXV, p. 676, col. 2.

Après d'autres entrevues avec le hérault, Du Guesclin continua sa route jusques à la distance d'une journée de la ville, avec 4.000 lances et 15.000 d'autres gens et là se arrêtèrent en moult fort lieu ; puis le signifièrent aux Anglais, comment ils étaient là venus et sur le lieu droitement, ce disoient ou le traité de eux de Brest [Note : Un traité semblable avait été fait pour Derval] avait été accordé, et leur mandaient, que s'ils venaient là, ils seraient combattus et si ce ne faisaient ils avaient perdu leurs otages [Note : Il demeura sept jours dans un poste assez éloigné de celui des Anglais. Taillandier, 5, p. 113].

L'accord ne put se faire ; les Anglais rafraîchirent le châtel de Brest en gens d'armes et en pourvéances et mirent à la voile à destination de Saint-Mathieu de Fine Poterne (Chap. CCCLXII, p. 671, col. 2, t. 1er). Dès que Du Guesclin connut leur départ [Note : Le connétable, lit-on dans Courcy, Hist. de Landerneau, p. 24, arriva alors (1373), au nom du Roi de France et mit garnison à Landerneau et à, Gouelet-Forest [Note bis : Troïlus de Mesgouez [Note ter : Mesgouez, en Lambezre-Ploumoguer, Troïlus, dernier représentant de cette famille ; mort en 1606. « Echo Paroissial de Brest » dit 31 août 1904, n° 334], marquis de la Roche, de Coetarmoal, était comte de Kermoullec et de la Joyeuse-Garde — commission à lui donnée par Henri III pour équiper des navires à destination des Terres-Neuves. Mars 1577. D. Morice, III, 1439. — Roi en Terre-Neuve, 3 janvier 1578. D. Morice, III, 1442-43. Gouverneur de Morlaix, remplacé par Alexandre de Kergariou, 8 septembre 1586. D. Morice, III, 1482-83], mais les Bretons s'étant décidés à rappeler leur duc, il revint avec un secours d'Anglais, en 1375, et passa au fil de l'épée les troupes que Du Guesclin avaient laissées dans ces places], il se mit en marche pour Derval. T. 1, chap. CCCLXV, p. 675-677. Le 30 août, Du Guesclin était à Rennes. D. Morice, 2. 77.

5° En l'année 1377, Henbont avait pour capitaine Morice de Tréziguidy [Note : Quittance de la somme de 50 francs d'or, donnée par Maurice de Trésiguidy, le 1er juillet 1363, étant à Château-Gontier, sous les ordres de M. de Craon, lieutenant du Roy, notre Sire, ès pays d'Anjou, du Maine et de Touraine. (D. Morice, 1, 1560)]. Le 1er janvier 1378, les Thrésoriers des guerres du Roy notre Sire ou leurs lieutenants eurent avis que Jehan du Juch, capitaine de Conq — Le Conquet — était chargé de recevoir les monstres et reveues de mois en mois de messire Morice de Tréziguidy. (D. Morice, 2, 187-8).

Le 10 mars 1378 il recevait 330 livres tournois franc d'or pour son entretien, celui de trois bacheliers et de vingt-et-un escuiers employés à la garde du dit lieu. (D. Morice, 3, 193).

Tréziguidy fut remplacé en 1379 par Henri Le Parisy. (Louis Paris, Cabinet historique, 5, p. 76, avec référence à la page 82 du tome LXXIII B de la collection des Blancs Manteaux).

6° En l'année 1386, les Bretons faisaient le siège du château de Brest, afin d'en déloger, s'il était possible, les Anglais qui y tenaient garnison.

Le duc de Lancastre, commandant une flotte destinée pour faire la conquête du royaume de Castille ayant appris avant qu'il issit hors d'Angleterre, que messire Jean de Malestroit et le sire de Combour et Morfouace, et grand foison de chevaliers et escuyers de Bretagne, avaient mis le siège par bastide devant le chastel de Brest par l'ordonnance et le commandement du connétable de France, le duc, disons-nous, donna l'ordre d'entrer à Brest, car il voulait voir le chastel de Brest et visiter les compagnons, ceux du dedans et ceux du dehors. (Ch. XXXII, t. 2, p. 488, col. 2 et 489, col. 1).

Les Anglais débarquèrent. De rudes combats eurent lieu ; mais pendant une nuit, les Bretons troussèrent tout et montèrent sur leurs chevaux et laissèrent la bastide et se mirent aux champs et prindrent le chemin de Hennebon, ou il n'y a que quatre lieues de là. (Chap. XXXIII, t. 2, p. 490, col. 2).

***

Notre étude était complètement terminée, lorsque nous eûmes l'occasion d'ouvrir l'Histoire de la fondation de Lorient, par M. Jégou, membre de la Société polymathique du Morbihan.

La lecture des pages 106 à 11 du chapitre VI, sous la rubrique : Tréfhaven, propriété des sires de Léon [Note : Tréfhaven passa dans la maison de Rohan, en 1320, par le mariage d'Olivier II, vicomte de Rohan, décédé en 1326, époux en deuxièmes noces de Jeanne de Léon, fille aînée d'Hervé VI de Léon, seigneur de Noyon-sur-Andelle. Jégou : Fondation de Lorient, p. 114. Moréri, t. IX, p. 301, col. 1] vient confirmer tout ce que nous avons dit précédemment au sujet de la ville et du château d'Hainebon dont il est question dans les Chroniques de Froissart.

On demeure convaincu, à la suite de cette lecture que le lieu d'HenbonHainebont est différent de la ville d'Hennebont, privée de ses fortifications depuis l'année 1247, c'est-à-dire bien antérieurement à la guerre de la succession au duché de Bretagne, ouverte en 1341.

Voici dans quelles circonstances, nous dit M. Jégou, eut lieu le raseraient de ces fortifications :

« Hennebont dépendait à cette époque de la grande seigneurie de Quemenet-Flehoe ou Heboi. Elle avait été largement taillée dans l'ouest du comté de Vannes, qu'elle séparait de la Cornouaille…. Hennebont était le chef-lieu de cette seigneurie, non la ville actuelle d'Hennebont, size sur la rive gauche du Blavet (ou le Quémenet-Heboi ne passa jamais), mais la vieille ville d'Hennebont qui dresse encore aujourd'hui ses ruines en face de la nouvelle et de l'autre côté du fleuve » [Note : A. de la Borderie. Rev. de Bretagne et Vendée, t. X, p. 373. Citation de M. Jégou].

Mais, nous dit M. Jégou, p. 107 :

« A propos de contestations relatives à certains droits de navigation nommés droits de brefs, prétendus par les seigneurs de Léon, et revendiqués par le duc de Bretagne, Hervé, sire de Léon, Guihomar, vicomte de Léon, les barons de Lanvaux et de Craon s'étant ligués, prirent les armes contre le duc Jean, dit le Roux. Mais ils furent vaincus. Les barons de Craon et de Lanvaux tombèrent entre les mains du duc. Ce prince confisqua les domaines de Lanvaux et il ravagea le Kemenet-Heboi, pays voisin, dont une partie appartenait à Hervé de Léon et une autre au baron de Lanvaux. Dans cette guerre — 1247 — furent brûlés et démantelés les châteaux des rebelles ».

A la page 108, M. Jégou poursuit ainsi :

« De la portion du Kémenet-Heboi, confisquée sur le baron de Lanvaux, unie à certaines possessions du même canton, appartenant à une dame de Tyhenri [Note : Adelice de Henbont, 1260. D. Morice, 1, 982], femme de Eudon Picaut, ce prince forma la châtellenie de Pontcallec [Note : Don fait à Jehan, sire de Derval, de toute la chastellenie de Pontcallec MCCCXXXII (1332). D. Morice, 1, 1360-61. Le 13 septembre 1345 elle passa à Jeanne de Belleville, ainsi qu'il a été dit précédemment]. Il augmenta les fortifications du château de ce nom qui devint une demeure ducale, etc. Puis, par un traité passé en 1264 entre Hervé de Léon et Pierre de Bretagne, fils du duc investi de la châtellenie de Pontcallec, le sire de Léon prit l'engagement de ne jamais relever les fortifications du château d'Hennebont, indivis par moitié entre eux et de n'élever à l'avenir aucune forteresse sur les paroisses de Saint-Caradec et de Caudan ».

C'est également ce qui se lit dans le tome 3, p. 240, de l'Histoire de Bretagne, de D. Morice et Taillandier :

« Pierre de Bretagne avait déjà des biens considérables dans la ville de Hennebont et aux environs, comme il paraît par le traité qu'il fit en l'an 1264 [Note : Archives de la Loire-Inférieure, tome III. Archives civiles, p. 64, col. 2. E 161-1247-1316, Accord entre Hervé VI, comte de Léon et Pierre de Bretagne, portant règlement sur leurs droits communs et respectifs sur les vassaux et les terres de Caudan, de Saint-Caradec et de Hennebond] avec Hervé de Léon, seigneur de Châteauneuf. Ils convinrent ensemble que la motte d'Hennebont et tout ce qu'ils possédaient en commun dans cette ville, à Saint-Caradec [Note : Veille ville à Henbont, en Saint-Caradec. Acte de l'année 1371 de l'abbaye de La Joie Rosenzwerg. Dic. topographique du département du Morbihan, p. 96, col. 2] et dans la paroisse de Gaudan, seraient toujours communs entre eux ; qu'ils ne pourraient faire aucune fortification a Hennebont ni aux environs ; que les coutumes, les péages et les amendes du port de Hennebont seraient communs entre eux et qu'ils entretiendraient à frais communs le pont que le duc devait faire construire sur l'ancien passage ».

M. Jégou continue en ces termes, à la page 109 :

« Peut-être inspiré par la même politique, — celle de Saint-Louis — Jean Le Roux, pour détruire à jamais la puissance féodale sur le Kémenet-Heboi, cette porte du duché, créa-t-il à cette époque les communautés bourgeoises de Quimperlé et d'Hennebont ; ce qu'il y a de certain, c'est que moins de 60 ans après lui, en 1343, au commencement de la sanglante et longue guerre de la succession à la couronne ducale de Bretagne, le Roi d'Angleterre, du parti de Montfort, sollicitait le concours des bourgeois d'Hennebont et de Quimperlé et que ces deux petites villes se trouvaient alors solidement fortifiées ».

A l'appui de sa réflexion, M. Jégou mentionne, en renvoi, quatre lettres du Roi d'Angleterre, en date du 23 décembre 1343, analysées par D. Morice, 1, 1440.

La première est adressée à l'évêque de Cornouaille, pour le féliciter du zèle qu'il témoigne à son service ;

La deuxième : eodem modo mandatum est subscriptis sub eadem data, videlicet : Capitaneo et communitati de Hennebont ;

La troisième est une lettre de l'évêque de Quimper pour la levée de quelques impositions.

La quatrième et dernière : eodem modo mandatum est subscriptis sub eadem data, videlicet : Oliviero de Spinefort, capitaneo de Hennebont et probis hominibus et communitate villae de Hennebont.

Cet Olivier de Spinefort est le capitaine du parti de Charles de Blois, lequel, sur le conseil de son frère, nommé Henri, ouvrit les portes de la ville et du château d'Hainehon à Jean de Montfort, en 1341.

Il fut maintenu dans le commandement de cette forteresse, ainsi que nous l'avons dit précédemment.

La ville d'Hennebont dont il est question dans les lettres qui viennent d'être citées n'est point celle du Morbihan, comme l'a pensé M. Jégou, mais le vieux château de La Roche-Morice, c'est-à-dire Henbon, selon Cuvelier et Hainebon, d'après Froissart.

Pendant ce temps, la veille ville à Henbont, en Saint-Caradec, était toujours privée de ses fortifications, et cette situation se prolongea jusqu'en l'année 1412, ainsi qu'en fait foi l'acte suivant, rapporté par D. Morice, 2, 870.

« Comme pour le bien et utilité de notre païs et pour eschiver — eschever, esquiver, parer — aux inconvénients qui pourroient ensuir — suivre — que Dieu ne veille, nous oyons octrié et nous soyons assentis — consentant — que pour la réparation de notre ville du dit lieu de Hennebont soient levés, cuillés et exigés les deniers et péages sur les denrées et les marchandises qui ensuivent :

Pour une période de quatre années.

C'est à scavoir : etc.
Et à ces choses et chacunes s'est assenti et l'a voulu et octrié en tant que mestier — besoin — est, notre très cher et aimé cousin et féal, le vicomte de Rohan. Si voulons et désia — déjà — ordonnons que après le temps des dits quatre ans aucune chose ne soit levée, prince — prise — ne exigée ; mais le revocons, cassons et annulons sans aucune chose par nous et nos successeurs sans pouair — pouvoir — tourner à conséquence vers notre dit cousin et ses tenues et nos autres féaulx et subjects, etc. »
.

Donné à Rennes, le 12ème jour de May 1412, par le duc de son commandement. Présens les évesques de Dol et de Cornouaille, Tristan de la Lande, messire Henri du Juch et autres. Signé : Eon de la Fosse.

(A. Kernéïs, 1908).

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