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Le Roi d'Angleterre ne tarda pas à proposer le mariage à Jeanne de Navarre. Le titre de reine tenta la veuve de Jean IV ; elle donna son agrément au Roi, dès le 2 avril 1402, et le 7 février suivant elle était mariée et couronnée à Londres.

La tutelle des fils de la duchesse avait été confiée à Philippe le Hardy, duc de Bourgogne [Note : Quatrième fils du Roi Jean le Bon et oncle de Charles VI] qui les emmena à Paris ; et Jean V ne rentra en Bretagne pour être couronné qu'après sa majorité (7 janvier 1404).

Le jeune duc était animé de deux sentiments : une sympathie sincère pour la cause française, et un ardent désir d'assurer au duché la paix qui lui était si nécessaire après tant de guerres. Mais, en pratique, comment concilier ces deux sentiments, quand, pour assurer la paix à la Bretagne, il faut maintenir le duché en relations pacifiques avec l'Angleterre qui est en guerre avec la France ? — Les difficultés de sa tâche apparurent au duc dès la première année de son règne.

Pendant la minorité et l'absence de Jean V, les Bretons avaient armé en course contre les Anglais. Bourgeois et chevaliers précurseurs de Coetanlem et du capitaine François [Note : Sur Jean de Coetanlem, noble de Léon surnommé le roi de la mer, Cf. Le Men, Société archéologique du Finistère VIII, p. 143-174. Luzel, même société, XIII, p. 251-295 (Testament de Coetanlem)] avaient parcouru la Manche et ravagé les côtes anglaises. Mais leurs succès mêmes avaient appelé sur la Bretagne de cruelles représailles.

En 1403, la ruine de la commerçante ville de Penmarc'h avait épouvanté la Bretagne [Lobineau, Hist. 503]. Dans l'été de 1404, une flotte anglaise menace Brest : un corps d'armée dirigé par un ancien capitaine anglais de Brest débarque et s'avance en ravageant le pays. Mais Olivier de Clisson, le maréchal de Rieux, le duc accourent au secours des communes du littoral et taillent les Anglais en pièces [Lobineau, Hist. 506]. L'année suivante, au bruit d'une nouvelle invasion, le maréchal de Rieux passe en Angleterre, et venge sur « soixante lieues de pays » les ravages exercés en Bretagne [Lobineau, Hist. 509].

Ces débuts contrariaient les projets pacifiques de Jean V ; mais deux circonstances allaient aider efficacement au succès de sa politique extérieure.

Ce fut d'abord le mariage de sa mère avec le Roi d'Angleterre. Il était naturel que Jeanne de Navarre rapprochât Jean V et ses frères de son époux qui leur donnait le titre de fils et qu'eux-mêmes nommaient père. Son intervention fut efficace : par exemple c'est la reine qui, en 1407, détermina une trêve qui allait être suivie de plusieurs autres [Note : Trêve du 30 mai négociée, est-il dit expressément, par la Reine. Morice. Pr, II. 792-793. — On peut voir à la suite, des trêves ou traités de commerce et les sauf-conduits accordés par le Roi à des ambassadeurs ou envoyés bretons. — A remarquer deux sauf-conduits donnés à Tannegny du Chastel, chevalier, à Jean Kerneau (en français Cornouaille écuyer, allant en Angleterre pour combattre en présence du roi (sans doute dans un tournois), 14 avril 1412, — col. 868. Voir aussi les sauf-conduits accordés au duc lui-même, notamment en 1417 (col. 945) pour aller en Angleterre].

En second lieu, Jean V n'était par comme son père tenu envers le Roi d'Angleterre à des devoirs de vassal à suzerain. En fait, il ne possédait plus rien sur la terre anglaise. Nous avons vu en effet que, pour recouvrer Brest, Jean IV avait été contraint d'abandonner toutes ses possessions d'Angleterre... moins pourtant le comté de Richemont. Or le comté n'appartenait pas au duc Jean V, mais à son frère Arthur. D'ailleurs le comté était saisi, comme nous l'avons vu, et en possession du comte de Westmoreland.

On a dit, il est vrai, qu'Arthur fut reçu par le Roi à l'hommage de Richemont en 1404 [Note : Lobineau. Hist, 504. L'historien rapporte le fait d'après le moine de Saint-Denis, mais ne paraît pas y croire. M. Cosneau : Le connétable de Richemont, p. 97, ne le croit pas non plus]. Mais est-ce bien certain ? Arthur né le 25 août 1393 aurait donc fait hommage à onze ans, vers le temps de la descente des Anglais en Bretagne et de leur défaite par le duc !

Comment croire que le Roi Henri IV, même pour complaire à Jeanne de Navarre, ait, dans ces circonstances, enlevé Richemont à son fidèle Westmoreland pour le donner à un membre de la maison de Bretagne ? Comment admettre aussi qu'après ce don fait à son frère, à la prière de sa mère, Jean V eut ordonné, l'année suivante, le passage du maréchal de Rieux en Angleterre ?

Ces faits concourent à démontrer que le comté n'a pas été rendu en 1404. — Aussi, les années suivantes et même après la trêve de 1407, voyons-nous la saisie de Richemont persister pour cause ou sous prétexte de défaut d'hommage [Note : Cela résulte du traité de 1409, auquel nous allons venir ; et nous allons voir d'autres preuves que cet hommage n'a pas été rendu (Morice, Pr. II, 827)].

En même temps qu'il signait des trêves et des traités de commerce avec l'Angleterre. Jean V témoignait efficacement sa sympathie à la France. Il n'envoyait pas à la guerre une armée bretonne ; mais sous main il favorisait la formation de compagnies qui, commandées par des chefs bretons et même des frères du duc, allaient grossir l'armée française. Il prétendait garder ainsi la neutralité. Le Roi d'Angleterre n'était pas dupe de cette neutralité menteuse ; mais, au lieu de rompre avec le duc dont il avait besoin, il aima mieux essayer de le détacher de la France.

Le comte de Westmoreland avait eu la jouissance plutôt que le titre de Richemont [Note : J'ai emprunté plusieurs de ces indications à un livre peu connu que j'ai pu consulter à la bibliothèque publique du Mans (In-fol, n° 6028): Regum pariumque Magnae Britanniae historia genealogica à Jacobo, Guillelmo Im. Hoff. mon(acho) S(ancti) Vin(centi) Cenom(anensis) C(ongregationis S(ancti) M(auri). Nuremberg. Sumptibus Johannis Andrei Enderi filiorum M. D. C. X. C. (1690). L'auteur ne donne pas au comte de Westmoreland le titre de comte de Richemont]. Le comté restait à la disposition de Henri IV ; il fit entendre à Jean V que le comté n'avait été saisi que pour défaut d'hommage et lui en fit espérer la restitution sous la condition (à la rigueur il aurait été inutile de l'exprimer) qu'en lui rendant hommage le duc acceptât les obligations de vassal, et notamment le devoir de guerre.

Richemont avait pour Jean V le même fatal attrait qu'il avait eu pour son père et d'autres ducs de Bretagne. Jean V succomba à la tentation ; et, le 14 octobre 1409, il envoya Armel de Châteaugiron « son premier et proche chambellan » avec de pleins pouvoirs, pour faire hommage et s'engager « à défendre et garder le roy et ses enfants contre tous leurs ennemis » [Note : Lobineau. Hist. 516. Morice. Pr. II. 827], dont le premier est le Roi de France.

Cette démarche coûta cher au duc. Dans l'hommage que son époux prétendait rendre, la duchesse Jeanne de France vit une trahison de la cause française et s'emporta en reproches. Jean V, faute de bonnes raisons, répondit par des violences ; et le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui gouvernait en ce moment l'Etat, menaça d'entrer en Bretagne à la tête d'une armée. Mais l'apaisement se fit quand Châteaugiron ne fut pas admis à l'hommage.

A l'exemple de l'Angleterre, la France ménageait le duc de Bretagne sachant bien que, malgré les apparences du moment, elle pouvait compter sur lui : on le vit cinq ans plus tard.

Henri IV était mort le 20 mars 1413. — Son fils et successeur Henri V n'avait pas, comme son père, reçu un service personnel du comte de Westmoreland. Jugea-t-il que la possession de Richemont pendant quinze années avait suffisamment rétribué les services du comte ? Quoi qu'il en soit, en 1414, il lui reprit le comté, et le donna à son frère duc de Bedfort qui en prit le titre [Note : M. Cosneau. Le Connétable de Richemont. Appendice IV, p. 477 et 478. L'auteur renvoie à un acte du Trésor des Chartes (Archives nationales)].

La même année, comme pour inaugurer son règne, le jeune Roi préparait une expédition en France.

A la nouvelle de ces armements, Arthur de Bretagne partit avec cinq cents chevaliers bretons pour rejoindre l'armée royale ; et, en dépit de ses engagements envers le Roi d'Angleterre, des trêves et des traités de commerce conclus, le duc arma 10.000 hommes dont il prit le commandement. Le 24 octobre 1415, il n'était qu'à deux journées d'Azincourt ; mais malgré l'avis du connétable de Saint-Pol les princes français n'attendirent pas l'armée de Bretagne. On sait le désastre du lendemain, et comment, le soir, on releva au milieu des morts un jeune chevalier que son écusson seul fit reconnaître. C'était Arthur qui fait prisonnier fut emmené en Angleterre.

Il y resta cinq années, sans pouvoir même obtenir l'autorisation de venir commander les seigneurs bretons armés pour la délivrance de Jean V (1420). Le duc était libre, lorsque, le 22 juillet de cette année, Arthur obtint enfin congé jusqu'à la Saint-Michel 1422. Il rentra en France au mois d'octobre. — Arthur s'était par serment engagé à ne servir contre l'Angleterre, ni la France, ni la Bretagne. Quelques mois plus tard (17 janvier 1421), Henri V le dispensa expressément de servir contre son frère, le duc de Bretagne, au cas où l'Angleterre lui ferait la guerre [Note : Traité de sûreté pour l'élargissement d'Arthur de Bretagne. Corbeil. Morice. Pr. II, 1033-1037. Lettre du 17 janvier 1421. Rouen. Morice. Pr. II, 1101].

Des conditions imposées à Arthur et même de la dispense de servir contre son frère, est-il permis d'inférer — je l'ai vu quelque part — qu'admis à l'hommage pour Richemont, Arthur était, comme vassal du Roi d'Angleterre, tenu au service de guerre ? Non. Qu'on lise le traité du 22 juillet 1420 et la lettre royale du 17 janvier 1421, on reconnaîtra que les obligations imposées « au prisonnier » du Roi d'Angleterre ne sont que les conditions du congé accordé [Note : Ajoutons que le don du comté fait au duc de Bedfort exclut la restitution qui aurait été faite à Arthur. Le Roi d'Angleterre nomme Arthur, « notre frère chéri, (consanguineus parent ou même frère), notre prisonnier, Arthur de Bretagne » ; mais il ne lui donne pas le titre de comte de Richemont dont Arthur signe ses lettres au Roi. Morice, Pr. II, 1018. Un autre fait révélé par M Cosneau (p. 60), nous montre Arthur, homme lige du Roi en janvier 1421, il avait reçu de Henri V le comté d'Ivry en Normandie et rendu hommage à Rouen].

Au terme de ce congé, le comte de Richemont allait s'embarquer pour reprendre sa prison, lorsqu'il apprit la mort de Henri V à Vincennes (septembre 1422). Jugeant que la mort du Roi le libérait de la parole qu'il lui avait engagée, le comte rebroussant chemin retourna en Bretagne. — Il va se mettre au service du Roi de France ; dans trois ans il sera connétable (7 mars 1425) ; et la perte définitive du comté de Richemont sera le prix de son dévouement à la cause française et de ses glorieuses victoires.

Dans les dix-sept années qui vont suivre que d'heureux événements ! Jeanne d'Arc a rendu la confiance au Roi et à l'armée. Richemont continuant son oeuvre a détaché le duc de Bourgogne de l'alliance anglaise (traité d'Arras, 21 septembre 1435) ; et rendu à la France Paris perdu depuis dix-huit ans (12 avril 1436) : les années suivantes, il a repris les places de Montereau, Pontoise, Meaux, d'autres encore ; l'Ile de France et la Champagne redeviennent françaises : la Normandie et la Guyenne seules restent à conquérir.

Sur ces entrefaites, Le duc Jean V mourut (28 août 1442), laissant la couronne à son fils, François Ier.

Le jeune duc aurait voulu comme son père éviter la guerre. Dans ce but, il fit partir une ambassade pour l'Angleterre ; mais pendant qu'elle était en route, le chef de l'armée anglaise, débarquant à Cherbourg, assiégeait Pouancé en Anjou, ne pouvait l'emporter, de dépit passait la frontière bretonne ; et, comme si les traités de paix faits avec Jean V eussent été annulés, s'emparait de la Guerche (août 1443). Au même moment, et, avant que le fait fut connu en Angleterre, Henri VI rendait réponse aux ambassadeurs bretons.

Le duc avait donné ses pouvoirs à son frère Gilles qu'il savait agréable au Roi ; et il l'avait chargé d'un double mandat : réclamer la restitution de Richemont, offrir sa médiation en vue d'un traité de paix entre la France et l'Angleterre.

Henri VI fit le meilleur accueil à Gilles de Bretagne. — En ce qui concernait Richemont, il répondit (était-ce sérieusement ?) : « qu'il n'avait jamais entendu dire que le duc de Bretagne prétendit aucun droit sur le comté ; qu'il ferait en toute diligence faire des recherches aux registres des cours  » ; et il conclut en disant : « S'il appert au Roi que le duc ait droit au comté, il le recevra de très bon cœur à l'hommage ... ».

En ce qui concernait l'offre de médiation, Henri VI l'accueillit de grand cœur et dépassa même la pensée du duc quand il répondit « qu'il ferait que le duc de Bretagne serait compris dans le traité en bons et honorables termes » [Note : Morice. Pr. II, 1360. Lobineau. Hist. 623. Il fait remarquer que le Roi d'Angleterre dans le traité à intervenir « entendait comprendre le duc de Bretagne, comme pour se créer un titre sur la Bretagne ». Ce que la France ni la Bretagne ne pouvaient admettre].

La médiation du duc resta sans suites ou sans résultat ; et quelqu'aient été les renseignements fournis sur Richemont par les « registres des cours », les événements qui allaient suivre devaient dispenser Henri VI de tenir sa promesse.

La prise de la Guerche, que le duc avait été contraint de racheter, avait éloigné François Ier de l'Angleterre. En 1447, Henri VI préparait, sans déclaration de guerre, une invasion en Bretagne. En 1449, un aventurier à la solde du Roi d'Angleterre s'emparait de Fougères par surprise, était désavoué pour la forme, mais gardait la place avec une garnison anglaise (24 mars 1449).

Ces actes de félonie déterminèrent le duc. Le 27 juin 1449, il signa une alliance avec la France, et une armée franco-bretonne aux ordres de Richemont entra en Normandie. En septembre, le duc François s'emparait du Cotentin et revenait assiéger Fougères, qui se rendit le 4 novembre.

L'année suivante, la guerre reprit en Normandie ; la victoire de Formigny (15 avril), rendit le plat pays aux Français ; et, pendant que l'armée royale s'emparait des places, François emportait Avranches (20 mai) et revenait mourir à Rennes (18 juillet 1450).

On ne voit pas que son frère Pierre II qui succéda à François Ier, ait fait aucune démarche pour obtenir la restitution du comté de Richemont. Et ce fut acte de sagesse et de dignité. Quelles étaient les chances d'une restitution au profit du vainqueur de Formigny et du créateur de l'armée qui victorieuse à Castillon (1453) allait chasser les Anglais de la Guyenne ? D'ailleurs le connétable eût-il autorisé une démarche à cet égard ? Ce n'est pas croyable. Au cas de restitution, comment aurait-il pu faire hommage au Roi d'Angleterre ?

Même après les hostilités finies entre la France et l'Angleterre, quand, par la mort de son neveu Pierre II, Arthur va devenir duc de Bretagne sous le nom d'Arthur III (1457), il ne renouvellera pas la demande de Richemont. Disons-le : cette demande eût été indigne de son caractère : comment se ferait-il sujet, homme lige du Roi d'Angleterre, quand il garde son titre de connétable de France, avec le ferme espoir de mener à fin le projet rêvé par du Guesclin, préparé par Clisson, passer en Angleterre et y porter son épée de connétable ?

Mais, comte sans comté depuis tant d'années, ou plutôt n'ayant jamais possédé le comté [Note : M. Cosneau, Appendice, IV, p. 478. « Il semble donc certain qu'Arthur n'eût jamais la jouissance de ce fief (Richemont) bien que, depuis son enfance, il ait toujours été qualifié comte de Richemont par les Anglais eux-mêmes ». En résumé. Arthur est né le 25 août 1393 (et non 1391). Il reçoit le titre de comte de Richemont. Son père recouvre la possession du comté le 24 décembre 1398 et la perd de nouveau le 20 octobre 1399. Arthur n'a eu la possession du comté que tout enfant et dans cet intervalle de moins de dix mois], il garde son titre de comte de Richement, sous lequel il s'est illustré ; et il le gardera tant que se dira l'histoire de France.

Après plus de quatre siècles révolus, combien aujourd'hui ne sachant même pas que le comté de Richemont était en Angleterre ne savent où le trouver en France, et ne connaissent ce comté que par le nom du comte de Richemont qu'ils honorent comme « le plus efficace et le plus glorieux des libérateurs de la France et du Roi, après Jeanne d'Arc ! »  [Note : Guizot. Histoire de France, II. 356-357].

Arthur III mourut le 26 décembre 1458, et son neveu François II lui succéda. Deux ans plus tard, le trône d'Angleterre passant de la maison de Lancastre à celle d'Yorck était occupé par Edouard IV (4 mars 1461) ; quatre mois plus tard, Louis XI montait sur le trône de France (22 juillet).

Dès les premiers mois de son règne, les intrigues de Louis XI apparurent comme une menace à l'indépendance de la Bretagne. François II allait parvenir à la sauvegarder pendant près de trente années, c'est-à-dire jusqu'après la mort de Louis XI, et jusqu'aux dernières années de sa vie. Mais la nécessité de la lutte engagée contre son habile adversaire poussèrent souvent le duc dans l'alliance anglaise et le condamnèrent à une oscillation perpétuelle entre la France et l'Angleterre. Il traite tantôt avec l'une tantôt avec l'autre, une fois au moins il promet amitié aux deux en même temps. Ce jour-là il luttait de fourberie et croyait lutter de finesse avec Louis XI ; il l'assurait de sa fidélité quand il se liait avec l'Angleterre par un traité qu'il croyait secret et dont l'original était entre les mains du Roi de France !

Au moment d'une de ses alliances avec le Roi d'Angleterre, François II avait, à ce qu'il parait, réclamé la restitution de Richemont [Note : Nantes E, 122. La réclamation est antérieure à 1472, puisque le carton où l'acte est contenu porte pour dates extrêmes 1443-1471]. La démarche resta sans suite heureusement pour lui. Comment le duc n'avait-il pas vu que l'hommage lige rendu au Roi d'Angleterre l'aurait pour toujours compromis aux yeux de Louis XI ?

Toutefois, dépossédé du comté de Richemont, François II continua d'en prendre le titre. Il le prend quand il ouvre solennellement les Etats : il le prend dans ses constitutions, ordonnances, lettres patentes, lettres de créances aux ambassadeurs envoyés même en Angleterre. Il y a plus : il se dit comte de Richemont dans des lettres écrites au Roi. Ce titre apparaît même dans des traités de commerce signés du Roi Edouard. Mais c'était pure courtoisie de la part de celui-ci [Note : Voir les nombreuses pièces dans D. Morice. Pr. III. notamment 154, 169, 173 pour les lettres et traités avec l'Angleterre] : à ce moment un seigneur anglais avait la possession en même temps que le titre de Richemont.

Or, au printemps de 1471, la tempête jeta sur la côte de Vannes ce comte de Richemont. C'était Henri Tudor, fils de Edmond Tudor et de Marguerite de Beaufort. Henri représentait la maison de Lancastre du droit de sa mère arrière petite-fille de Jean de Gand.

Le grand-père de Henri Tudor, Owen, avait été uni par un mariage secret à Catherine de France, veuve de Henri V ; il soutint les intérêts de son beau-fils Henri VI contre les prétentions d'Edouard d'Yorck. Owen fait prisonnier (1er février 1460) fut décapité après le combat. Son petit-fils Henri combattit dans les rangs des Lancastre ; et après leur défaite à Tewkesbury (4 mai 1471) il ne trouva de sûreté que sur le continent.

Le duc François II, qui était en paix avec Edouard, fit arrêter le comte de Richemont et le retint en prison au château d'Elven d'abord puis à Vannes ; et pendant plusieurs années les Bretons purent voir deux comtes de Richemont, leur duc et Henri Tudor.

Après la mort d'Edouard IV (9 avril 1483) son frère puîné Richard déclaré protecteur fit égorger les deux jeunes fils d'Edouard, s'empara du trône et s'empressa de traiter avec François II [Note : 10 juin 1481. Morice. Pr. III, 437. — La date est à remarquer. Richard n'a été couronné que le 6 juillet ; et dès le 10 juin il prend le titre de Roi d'Angleterre, ses deux neveux vivants encore] ; il pressentait dans le comte de Richemont un vengeur de ses crimes, et il mit tout en oeuvre, ruse, promesses, menaces pour obtenir que le duc lui renvoyât l'exilé. Le duc eut le mérite de refuser au risque de s'attirer la guerre.

Deux ans plus tard après des péripéties dont le récit semble un roman d'aventures, Henri Tudor passait en Angleterre, combattait Richard à Bostworth, et vainqueur était couronné sur le champ de bataille (22 août 1485).

Henri VII, qui devait tout à François II, fit alliance avec lui l'année suivante [Morice. Pr. III, 507-520. Juin-juillet 1486] ; mais ne songea pas, en témoignage de reconnaissance, à lui rendre le comté de Richemont. Toutefois le duc continua à prendre le titre de Richemont jusque dans son testament du 8 septembre 1488, veille de sa mort.

Sa fille Anne devenue duchesse suivit l'exemple paternel, et, à ses titres de comtesse de Montfort, Etampes et Vertus, elle ajouta dans tous ses actes celui de comtesse de Richemont : elle se qualifie ainsi même après son mariage avec le Roi Louis XII, dans deux actes datés de 1501 ; trois ans plus tard elle paraît avoir renoncé au titre de Richemont [Note : Morice, Pr. III, col. 843 acte du 8 juin 1501, 869, 909, etc.., actes des 4 octobre 1504, 13 octobre 1513, etc.].

La possession du comté enlevé à la maison de Bretagne depuis plus d'un siècle n'était plus qu'un lointain, et, on peut le dire, importun souvenir.

Nous avons suivi les transmissions des seigneuries françaises de Limoges, Montfort, Etampes et Vertus, après qu'elles furent sorties des mains des ducs de Bretagne ; faisons de même pour la seigneurie de Richemont, selon l'orthographe anglaise Richmond.

I. Le Roi Henri VII joignit son comté de Richmond à la couronne [Note : Certaines géographies et les dictionnaires géographiques ne nomment en Angleterre qu'un seul lieu dit Richemont, écrit Richmond. C'est une ville située presque dans la banlieue de Londres sur la rive droite de la Tamise. Au temps de Henri VII, il y avait en ce lieu nommé alors Shene un château royal ; et c'est, dit-on, Henri VII, auparavant comte de Richemont, qui donna le nom de Richmond à cette résidence qu'il aimait et dans laquelle il devait mourir (21 avril 1509)]. Après lui, son fils Henri VIII donna le titre de Richmond à son fils naturel Henri. Celui-ci mourut en 1535 ; et le comté fit retour à la couronne.

II. Il y resta attaché jusqu'au jour où il fut donné à Jean Stuart, seigneur d'Aubigny en Berry [Note : Aubigny avait été donné en 1423 à Jean Stuart, sieur de Darnley, connétable des Ecossais servant en France. — Ne pas confondre celui-ci avec Jean Stuart, comte de Buchan, connétable de France, en 1424, et tué la même année (17 août) à la bataille de Verneuil], et comte de Lennox en Angleterre, qui mourut en 1567. Après lui Richmond passa à :

1° Amatus ou Aimé, son fils, qui obtint l'érection en duchés de ses deux seigneuries anglaises. Il mourut en 1583, duc de Lennox et de Richmond ;

2° Louis, son fils, porta les mêmes titres et mourut sans hoirs, le 16 février 1624 ;

3° Aimé, son frère, lui succéda et mourut la même année.

4° Jacques, fils du précédent, comte de Marck, mourut le 30 mars 1655 ;

5° Aimé, son fils mourut à Paris le 14 août 1665 ;

6° Charles, son cousin, succéda à ses titres et mourut le 12 décembre 1672. En lui s'éteignit la branche des Stuarts d'Aubigny. Le duché de Richmond fit retour à la couronne d'Angleterre, en même temps que la seigneurie d'Aubigny faisait retour à la couronne de France.

III. — Quelques années plus tard, le roi Charles II donna les deux duchés de Lennox et de Richmond à sa favorite, une Bretonne, Louise Renée de Penancoët, déjà duchesse de Pétersfield et de Portsmouth (1673) [Note : Le nom de la duchesse est souvent écrit : Penhoët ou de Kerohent, deux noms de familles bretonnes auxquelles elle est étrangère. D'autres fois le nom de Keroual ou Queroualle (orthographe francisée) est pris pour son nom de famille. — C'est le nom d'une terre commune de Guilers, près de Brest. Son nom est Penancoet, famille du Léon connue depuis le XIIIème siècle, qui au XVème avait produit un procureur général du duc François II, et en 1669, a fait preuve de onze générations. Le père de la duchesse, Guillaume, sgr. de Kerouazle, etc., autrefois guidon des gendarmes du cardinal de Richelieu, avait épousé, (vers 1645) Marie-Anne de Ploeuc, fille de Sébastien de Ploeuc, marquis du Tymeur et de Kergorlay, et de Marie de Rieux, fille de René de Rieux-Sourdéac, le célèbre gouverneur de Brest. Née en 1649, Louise de Penancoët avait un frère qui mourut sans alliance en 1670 ; et elle devint héritière. A la mort de son père (1690) elle fut dame de Kerouazle. Le 2 juin 1684, au proche voisinage de Kerouazle, elle avait acquis la baronnie du Chastel qui comprenait le faubourg de Recouvrance à Brest. Après la mort de Charles II (février 1685) la duchesse habita le plus souvent ses terres de Basse-Bretagne. Cependant elle mourut à Paris le 14 novembre 1734 âgée de plus de quatre-vingt-cinq ans]. A la prière de Charles II et par lettres patentes de la même année, enregistrées au parlement de Paris, le 14 avril 1674, Louis XIV fit don à la duchesse de la seigneurie d'Aubigny ; et, par lettres du 16 janvier 1684, non enregistrées, il l'érigea en duché, en faveur de Charles, aîné des enfants de la duchesse de Portsmouth.

Les descendants de Charles, duc de Lennox, Richmond et Aubigny, possèdent encore le duché de Richmond [Note : Voici les successeurs de Charles de Lennox au duché de Richmond : I. — Charles II, duc de Richmond, etc., ambassadeur en France en 1748. II. — Charles III, duc de Richmond, Aubigny, etc. Il obtint de Louis XVI, le 1er juillet 1787, lettres confirmatives des lettres de Louis XIV non enregistrées. Mort le 19 décembre 1806 sans hoirs. III. — Georges, son frère puiné. IV. — Charles IV fils de Georges, mort en 1819. Il obtint de Louis XVIII la restitution de ce qui restait d'Aubigny. V. — Charles V, dont postérité] (extrait de J. Trévédy).

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