Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue ! 

Les Origines du diocèse de Rennes

  Retour page d'accueil     Retour page Evêchés Bretons   

évêché de Rennes

Prédication de l'Evangile dans les Gaules aux premiers siècles de l'ère chrétienne. — Traditions bretonnes et provençales relatives à l'évangélisation du peuple Rennais. — Evêques missionnaires : saint Maximin d'Aix, saint Clair de Nantes, saint Just de Vienne. — Etendue de la civitas Redonum et limites de l'ancien diocèse de Rennes.

Vous possédez des informations historiques, vous souhaitez les mettre sur le site infobretagne, contactez-moi par mail (voir page d'accueil)

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

évêché de Bretagne : évêché de Rennes

 

LES ORIGINES DU DIOCESE DE RENNES

évêché de Bretagne : diocèse de Rennes

La Bretagne renfermait avant la Révolution française neuf diocèses, dont trois étaient d'origine gallo-romaine et six d'origine bretonne. Les évêchés gaulois étaient ceux de Rennes, Nantes et Vannes ; les évêchés bretons ceux de Quimper, Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Dol et Saint-Malo. 

L'introduction du christianisme dans les Gaules est une grande et intéressante question historique, vivement débattue au XVIIème siècle et remise de nos jours en honneur ; à cette question se rattache la première organisation des Eglises gauloises, évidemment fondées avant les Eglises bretonnes. « Tout concourait, dit avec raison l'abbé Déric, à faire connaître de bonne heure aux Armoriques la foi en Jésus-Christ. Membres de l'Empire, ils avaient des rapports nécessaires avec la capitale ; des grands chemins, ouverts de toutes parts dans les Gaules et qui aboutissaient à ceux qui conduisaient à Rome, facilitaient avec elle un commerce réciproque ; l'ambition, ce mobile de tant d'actions, y faisait entreprendre des voyages fréquents. Ceux qui restaient dans leur patrie, curieux à l'excès des nouvelles (au témoignage de César), étaient instruits par la renommée des changements que la religion chrétienne opérait dans le monde. Mais, bien plus que tout cela, le zèle dont saint Pierre et l'Apôtre des Gentils étaient animés pour procurer l'accroissement du règne spirituel du Seigneur, nous porte à croire que pendant qu'ils ont vécu à Rome ils n'ont pas négligé d'envoyer de leurs disciples dans les Gaules » (Histoire ecclésiastique de Bretagne, I, 143). 

Aussi le moyen-âge pensait-il que les plus anciennes Eglises des Gaules avaient été fondées par les disciples mêmes des Apôtres, ou tout au moins dans les dernières années du Ier siècle de l'ère chrétienne. Mais au XVIIème siècle Baillet, Tillemont, Lannoy et quelques autres critiques entreprirent de renverser ces traditions séculaires, et, s'appuyant sur certains passages des oeuvres de saint Grégoire de Tours, ils prétendirent retarder ce grand évènement de l'évangélisation des Gaules jusque vers l'an 250. 

La discussion qui semblait éteinte fut reprise ensuite par le savant abbé Faillon dans son bel ouvrage des Monuments inédits sur l'apostolat de sainte Madeleine en Provence. Il releva la vieille tradition des Gaules chrétiennes et prouva que nos contrées avaient été évangélisées dès les temps apostoliques. Depuis lors, on a beaucoup écrit sur ce sujet plein d'intérêt ; les uns, comme dom Piolain, ont soutenu l'opinion de M. Faillon ; les autres, parmi lesquels s'est distingué M. d'Ozouville, ont défendu le sentiment contraire. 

D'accord avec M. de la Borderie, qui a fort bien éclairci nos origines bretonnes, nous n'avons point l'intention de renouveler ni même de résumer ici ce débat. Nous croyons, comme lui, qu'il ne faut pas résoudre la question d'une manière trop absolue. Ne cherchons pas à trouver dans les Gaules, dès la fin du Ier siècle, un trop grand nombre d'Eglises épiscopales fondées et régulièrement organisées, mais ne prétendons pas non plus qu'aucune évangélisation chrétienne n'a été faite aux temps apostoliques dans les pays que nous habitons. 

D'une part, les témoignages positifs et concordants des actes de saint Saturnin (écrits vers 550. Dans Ruinart, Acta Martyr, sincera, p. 109), de Sulpice Sévère (vers 400, Historiœ sacrœ, lib. II, de Va Christianorum persecutione), du pape Zozime (en 417, Epistol V, ad episcopos Galliœ) et de Grégoire de Tours (vers 580, Hist. Eccl. Francor., I, 27, 28 ; IX, 39 ; X, 51), repoussent formellement la première de ces opinions. Mais, d'autre part, quand saint Justin nous dit, vers l'an 150, qu'il n'y a sous le ciel ni Grecs, ni barbares, ni aucune nation, quel qu'en soit le nom, chez qui l'on n'adresse à Dieu des prières au nom de Jésus crucifié («  Nullum enim omnino genus est, sive Grœcorum sive Barbarorum, sive quolibet nomine appellentur. …. in quo non in nomine crucifixi Jesu preces et gratiarum actiones Patri et Creatori universorum fiant » - Dialog. Tryphonis) ; quand, à la fin du second siècle, Tertullien écrit ces propres paroles : « Crediderunt jam Getulorum varietates et Maurorum multi fines, Hispaniarum omnes termini et Galliarum variœ nationes et Britannorum inacessa Romanis loca, Christo vero subdita » - Adversus Judeos, VII), — il est difficile de croire, en présence de telles affirmations, qu'il n'y ait pas eu, dès la fin du Ier siècle ou le commencement du IIème, plus d'une sérieuse tentative pour introduire dans les Gaules la foi de Jésus-Christ. 

« On aura beau représenter Tertullien et saint Justin comme visant à des effets oratoires ; il peut y avoir dans leurs termes quelque exagération ; mais on avouera que si, dans la première moitié du IIème siècle, la Gaule, de toutes les provinces la plus rapprochée de Rome, n'eût pas reçu un certain nombre de missionnaires, ce n'est pas d'exagération, mais plutôt de mensonge que l'on devrait accuser saint Justin et Tertullien » (M. de la Borderie, Annuaire de Bretagne, 1861, p. 118). 

Au témoignage de ces deux grands hommes ajoutons, avec dom Morice, celui de saint Irénée, évêque de Lyon. « Saint Irénée, dit-il, était contemporain de Justin, quoique beaucoup plus jeune que ce saint martyr ; il avait étudié dans sa jeunesse sous saint Polycarpe, évêque de Smyrne et disciple de saint Jean l'Evangéliste ; écrivant contre les hérésies anciennes et modernes, il assure que l'Eglise, répandue dans tout l'univers et jusqu'aux confins de la terre, avait reçu des Apôtres et de leurs disciples la profession qu'elle faisait de croire en un seul Dieu Père tout-puissant et en un seul Christ, que c'était la foi et la tradition des Eglises d'Allemagne, d'Espagne, des Gaules ou des Celtes et de l'Orient » (Catalogue des Evêques de Bretagne, à la suite de l'Histoire de Bretagne). 

« On peut donc croire, continue M. de la Borderie, que la foi a été prêchée en Gaule dès la fin du Ier siècle, ou au moins le commencement du suivant ; mais il faut admettre aussi que, sauf à Arles, Lyon et peut-être quelques autres villes voisines, ces premières prédications n'aboutirent nulle part à la constitution d'Eglises régulières. Loin de là, s'il se forma dès cette époque quelques petites chrétientés, elles durent promptement s'affaiblir et disparaître, par suite ou de l'indifférence ou de la persécution. Ce n'est que plus tard, à la suite de la grande mission du IIIème siècle dont parle Grégoire de Tours (I, 28), que sur un grand nombre de points de la Gaule on vit se constituer régulièrement des Eglises et des diocèses. 

Toutefois, il put arriver, dans plus d'un lieu, que le souvenir d'un de ces premiers missionnaires venus à la fin du Ier siècle, qui n'avait point réellement fondé d'Eglise, mais qui le premier pourtant avait fait luire dans le pays le flambeau de l'Evangile, se soit conservé par tradition jusqu'au moment de l'établissement définitif du diocèse : et alors, qui ne comprend pas que la vénération reconnaissante du peuple chrétien dut inscrire ce nom antique et cher en tête du catalogue de ses pontifes ? 

Ainsi s'expliquerait naturellement ce fait — considérable après tout et qu'on ne peut absolument mépriser — ce fait des traditions déjà anciennes d'un grand nombre d'Eglises de France qui réclament une origine apostolique » (M. de la Borderie, Annuaire de Bretagne, 1861, p. 120). 

Nous devons relater, nous aussi, une tradition de ce genre que possède le diocèse de Rennes. En 1625, le Père Augustin Du Paz, religieux dominicain du couvent de Bonne-Nouvelle et auteur d'une Histoire généalogique de plusieurs maisons de Bretagne justement estimée, remit au Père Albert Le Grand, religieux du même monastère et auteur lui-même d'une Vie des Saints de Bretagne qui ne manque point de charmes, la copie d'un « ancien livre manuscrit de la librairie de Saint-Pierre de Rennes », c'est-à-dire d'un livre tiré des archives de notre cathédrale. Cette copie, dont le Père Albert Le Grand vérifia l'exactitude, renfermait une liste des premiers évêques de Rennes, en tête desquels figurait saint Maximin, disciple de Notre-Seigneur et compagnon de saint Lazare et de sainte Madeleine en Provence. 

Voici le texte même, tel qu'il a été publié par le Père Albert au commencement de sa chronologie des évêques de Rennes (nota : Le Père Albert Le Grand explique comme il suit la provenance de ce manuscrit : Les noms des huit premiers évêques de Rennes, dit-il, « non nommés par tous ceux qui ont traité cette matière, ont été tirez par feu le P. Augustin Du Paz ; docteur en théologie, religieux de l'Ordre des Frères Prédicateurs du couvent de Bonne-Nouvelle-lez-Rennes, d'un ancien livre manuscrit de la librairie de Saint-Pierre de Rennes, qu'il avait veu et transcrit, et m'en donna coppie l'an 1625, qui s'est trouvée fort peu différente d'une autre coppie prise sur l'original, trouvée parmi les papiers et mémoires de feu M. Pierre Oger, chanoine de Rennes et archidiacre du Désert, qui m'a été communiquée par vénérable et discret M. Michel Bourré, chanoine de ladite église et protonotaire apostolique » - Catalogue des Evêques de Rennes). « Tempore quo Lazarus una cum sororibus Maria Magdalene et Martha, post prœparati minas naufragii Gallias adveniens, Massiliensem docebat et regebat ecclesiam ; Trophilus Pauli discipulus Arelatensem instruebat ecclesiam : Sedonius qui fuerat cœcus natus, eloquentissimus apud Aquensium fines ; Saturninus Tholosates ; Dyonisius Areopagita cum sociis Parisinos ; Martialis Lemovicenses ; Urbinus post Stemonium Arvernos ; Gatianus Turonenses ; Sergius Narbonenses ; Lucianus Bellovacenses ; Maximinus cum Synchronio in Armorica villam rubram quœ Rhedonum civitas dicitur, miserante Domino, visitavit atque instruxit, vexitque ecclesiam Rhedonensem in sublimi ad confluentiam fluviorum positam et œdificatam ; atque juxta eam oratorium (quod nunc capella de Civitate dicitur), sublato inde Tethios ad occidentem vano simulacro, Deo sub invocatione Beatœ Mariœ Virginis Deiparœ, consecravit episcopus, Veterum Deorum Visionis turri purgata, et alio ad orientem dejecto Isidis idolo, ulteriusque ipse progrediens, successorem sui episcopatus dimisit Synchronium, cui succedens Rambertus ibidem multos sibi adjunxit discipulos. Ramberto Servius ; Servio Justus qui, persecutione Marci Antonini et Secundi Commodi Gallias agitante, martyrio coronatus est. Decii persecutione Honoratus ejusdem ecclesiœ episcopus est truncatus. Diocletiani persecutione Placidus episcopus, martyr gloriosus occubuit. Leonorius Magni Constantini tempore, pace toti ecclesiœ reddita, crescente pio fidelium coetu, desideratus urbi Rhedonicœ pastor exurexit, amplioremque illam, quœ Rhedonis videtur Sancti Petri Apostolorum principi basilicam, dejectis paganorum idolis, sibi cathedralem ecclesiam consecravit » (Catalogue des Evêques de Rennes, dans la 1ère édition des Vies des Saints de Bretagne). Voici la traduction de ce document : « Du temps que Lazare, en compagnie de ses soeurs Marie-Madeleine et Marthe, échappant sur les côtes des Gaules au naufrage que les Juifs leur avaient préparé, enseignait et gouvernait l'Eglise de Marseille ; du temps que Trophile, disciple de Paul, instruisait l'Eglise d'Arles, que Sidoine, l'aveugle-né, prêchait éloquemment dans le pays d'Aix, tandis que Saturnin agissait de même à Toulouse ; alors que Denis l'Aréopagite convertissait les Parisiens, Martial les habitants de Limoges, Urbin les Arvernes, remplaçant Stemonius, Gatien les Tourangeaux, Sergius les habitants de Narbonne et Lucien ceux de Beauvais ; Maximin, accompagné de Synchronius, par un effet de la miséricorde divine, visita et instruisit en Armorique la Ville Rouge, qui est la Cité des Redons, et gouverna l'Eglise de Rennes, fondée dans cette ville située sur une éminence au confluent de deux rivières ; en sa qualité d'évêque il consacra près de cette ville, sous l'invocation de la bienheureuse Marie Vierge-Mère de Dieu, un oratoire qui porte encore le nom de la chapelle de la Cité, après avoir enlevé, pour cette consécration, une statue de Téthis érigée vers l'Occident ; il purifia aussi la Tour de la Vision des anciens dieux et renversa l'idole d'Isis qu'on voyait à l'Orient ; puis s'avançant plus loin dans les Gaules, il laissa pour successeur l'évêque Synchronius, remplacé plus tard par Rambert, qui s'adjoignit de nombreux disciples. A Rambert succéda Servius et à Servius Just qui, sous les persécutions de Marc, d'Antonin et de Commode, fut couronné par le martyre. Pendant la persécution de Dèce, Honorat, évêque de cette même ville de Rennes, eut la tête tranchée ; pendant celle de Dioclétien, l'évêque Placide succomba également dans un glorieux martyre. Du temps de Constantin le Grand, la paix ayant été rendue à l'Eglise et le troupeau des fidèles augmentant, Léonor, évêque de Rennes, lorsqu'il eut achevé de renverser les idoles des païens, consacra une plus grande église dont il fit sa cathédrale et qu'il dédia à saint Pierre, prince des Apôtres »

Quoique l'on puisse raisonnablement croire que cette tradition de l'Eglise de Rennes, mentionnée dans un manuscrit qualifié d'ancien en 1625, et copiée avec soin par les membres importants du clergé d'alors, pût remonter assez loin dans la suite des siècles et dût avoir une importance réelle, nous n'hésitons pas cependant à dire qu'elle ne constitue pas une preuve suffisante de l'existence historiquement certaine de ces premiers évêques. Malheureusement, nous n'avons pas d'autres documents qui puissent la contrôler. Il faut d'ailleurs y distinguer deux choses : l'évangélisation de Rennes aux temps apostoliques, qui nous paraît acceptable, et l'établissement d'un siège épiscopal avec une suite non interrompue d'évêques, qui nous semble très problématique, pour ne pas dire complètement erroné. 

Nous n'avons donc qu'une tradition, et même une tradition probablement embellie par la suite des âges ; mais devons-nous pour cela en faire fi ? Cette vieille nomenclature de nos premiers pasteurs n'est-elle pas comme un doux quoique trop lointain souvenir des premiers siècles de l'Eglise? Ne devons-nous pas la recueillir avec respect, lors même qu'elle nous laisse quelque obscurité dans l'esprit ? Que les savants la critiquent, ils sont dans leur droit ; nous-même nous n'entreprendrons point, — ce qui est impossible, — de prouver sa parfaite authenticité ; qu'on permette toutefois aux âmes humbles et pieuses de la vénérer avec amour, parce qu'il s'échappe de cette vieille légende comme un suave parfum réjouissant ceux qui la recueillent en toute simplicité ! 

Nous croyons donc devoir reproduire ici, ne fût-ce que pour satisfaire une légitime curiosité, cette tradition commentée par le savant Père Augustin Du Paz (nota : Quant à la chronologie de ces huit premiers évêques de Rennes, dit le Père Albert Le Grand, elle est dudit P. Du Paz, qui l'avait ainsi digérée, pour servir à l'histoire qu'il disposait donner au public, si la mort ne l'eût prévenu - Catalogue des Evêques de Rennes) et placée par le Père Albert Le Grand en tête de son Catalogue des Evêques de Rennes. Cette chronologie est d'ailleurs devenue très-rare, et nous y joindrons quelques notes historiques qui la complèteront ou la rectifieront.  

« I — MAXIMINUS, disciple de l'apostre sainct Philippes et de l'Evangéliste sainct Luc, ayant esté envoyé ès Gaules, vint en Bretaigne, et s'arresta à Rennes, qu'alors on appelloit Civitas Rubra, Ville Rouge (nota : on prétend que ce nom avait été donné à Rennes à cause de ses murailles bâties en briques), laquelle estoit située entre les rivières de Vilaines et de l'Isle, et en peu de jours convertit ce peuple, et purgea un temple près de la ville qui estoit dédié à la déesse Thétis, dont il briza l'idole, et dédia ce lieu à Dieu sous l'invocation de la glorieuse Vierge, laquelle chapelle s'appelle encore à présent Nostre-Dame de la Cité, située dans l'ancienne cité de Rennes, entre la porte Morlaise et la Maison de Ville (nota : à l'époque où écrivait le P. Albert, l'Hôtel-de-Ville de Rennes se trouvait sur l'emplacement de l'Ecole actuelle d'Artillerie) ; et se servit ce prélat et sept de ses successeurs de cette chapelle pour l'église cathédrale, jusqu'au temps de sainct Lunaire, l'an 312, qu'on dédia l'église de Sainct-Pierre. Et en mémoire qu'en ce premier lieu avoit esté le siège de l'évesché, jadis le choeur de la cathédrale y disoit les petites heures de Nostre-Dame et puis alloit réciter les canoniales en la cathédrale, et aux festes solemnelles de l'année, tous les chanoines alloient de Sainct-Pierre en solemnelle procession après tierce à Nostre-Dame de la Cité  » (Catalogue inséré dans les Vies des Saints de Bretagne, éd. de 1636). 

C'était aussi dans cette chapelle vénérée que nos anciens souverains les ducs de Bretagne allaient, après leur couronnement, rendre grâce à Dieu et hommage à sa très-sainte Mère. Ce culte tout particulier, rendu pendant des siècles à Notre-Dame de la Cité par les habitants de Rennes, prouve l'antiquité de ce sanctuaire ; bien plus, ce qui reste de ce monument religieux, noyé maintenant dans les constructions de l'hôtel de Pinieuc, montre très-évidemment que c'était un édifice gallo-romain ; enfin, les anciens procès-verbaux de l'état de cette chapelle attestent qu'on y voyait encore, en 1722, la statue ou plutôt « l'image de sainct Maximin premier évesque de Rennes » (Voir les Bulletins et Mémoires de l'Association Bretonne, II, 158, et l'Histoire du culte de la Sainte Vierge à Rennes, par dom Plaine, p. 5). 

Par conséquent, nous pouvons constater qu'une fois la prédication de saint Maximin dans les Gaules admise avec l'abbé Faillon, rien ne s'oppose à la croyance de ceux qui pensent que cet apôtre plein de zèle vint jusqu'en Armorique annoncer l'Evangile. Ne voyons-nous pas chaque jour nos missionnaires faire, dans des contrées autrement sauvages que n'étaient alors les Gaules, des excursions apostoliques plus lointaines que celle d'Aix à Rennes ? Et à ce propos nos lecteurs liront peut-être avec plaisir les traditions provençales relatives à saint Maximin. 

« Selon ces traditions, après la mort de Jésus-Christ et sa divine résurrection, les Juifs, effrayés des progrès rapides que la foi nouvelle faisait dans Jérusalem, suscitèrent une terrible persécution dont le martyre de saint Etienne fut pour ainsi dire le signal. Madeleine, la pécheresse, dont la conversion avait fait tant de bruit dans la Judée, ne fut point à l'abri de l'orage ; jetée, un jour de tempête, dans une barque sans voiles, sans rames, sans aviron, avec son frère Lazare, Marthe sa soeur, Marcelle leur servante, Sidoine l'aveugle-né, Maximin, l'un des soixante-douze disciples, les deux Marie Jacobé et Salomé, ainsi que plusieurs autres encore, elle fut exposée avec tous ces nobles confesseurs aux horreurs d'une mort qui semblait devoir être certaine. Mais la sainte nacelle, loin d'être submergée par les flots, vit au contraire s'apaiser autour d'elle la fureur de l'élément, et, protégée par la Providence dans sa longue et pénible navigation, vint aborder sur les côtes de Provence, à l'embouchure du Rhône, au lieu nommé les Saintes-Maries ou Notre-Dame-de-la-Mer. C'est là que s'arrêtèrent Marie mère de Jacques et Marie Salomé, tandis que les autres saints disciples se répandirent dans divers pays pour prêcher leur religion : Maximin à Aix, dont il fut le premier évêque ; Marthe à Tarascon, qu'elle délivra d'un horrible monstre ; Lazare et Madeleine à Marseille, d'où cette dernière gagna plus tard le désert de la Sainte-Baume » (Histoire de la Sainte-Baume, par M. Rostan ; cet auteur ne fait ici que résumer les traditions locales appuyées sur les monuments qu'a recueillies l'abbé Faillon). 

A part les rapports spirituels qu'il eut avec Marie-Madeleine, et dont on trouve le détail dans la vie de cette sainte par Raban-Maur, on sait peu de chose touchant saint Maximin. Une vieille tradition dit qu'il vécut quarante ans dans les Gaules ; ce qui nous intéresse davantage est l'opinion qu'avait le moyen-âge de l'apostolat de ce saint évêque. Dans l'office de saint Maximin, particulier à l'Eglise d'Aix, et remontant, selon M. Faillon, au-delà du IXème siècle, on renvoie au Commun des Apôtres pour toutes les parties qui ne sont pas spécialement propres à ce saint pontife  (Monuments inédits, par M. Faillon, II 587-592). N'est-ce pas une preuve qu'on reconnaissait saint Maximin comme étant bien l'un des soixante-douze disciples du Sauveur ? N'est-ce pas une preuve aussi de l'apostolat dans les Gaules de ce grand serviteur de Dieu ? Signalons encore le sarcophage où fut déposé le corps de saint Maximin après sa mort ; ce magnifique tombeau, que M. Faillon croit du Ier siècle de l'ère chrétienne, se trouve aujourd'hui vis-à-vis de celui de sainte Madeleine, dans la crypte de l'église de Saint-Maximin en Provence. Il est en très-beau marbre jaspé, dont les couleurs assez vives semblent former des rubans bleus, blancs, gris et rouges ; il est orné de strigiles et de dauphins, et présente trois bas-reliefs, dont le principal figure Notre-Seigneur donnant la mission évangélique à Maximin, l'un de ses disciples. Le corps du saint reposa dans ce beau sarcophage jusqu'en l'année 710 (Monuments inédits, par M. Faillon, II, 487-592). 

On nous pardonnera ces quelques détails sur un saint évêque qui a dû venir à Rennes évangéliser nos ancêtres. Ajoutons-y que le culte rendu dans l'ancienne liturgie de Rennes, antérieurement à saint Pie V, aux Trois sœurs (festum Trium sororum, 25 mai), ainsi qu'à sainte Madeleine en particulier (fête solennelle et d'obligation avec octave), permet de supposer que notre Eglise se trouvait attachée à leur souvenir, si intimement uni à celui de saint Maximin par des liens tout spéciaux. Mais ouvrons de nouveau l'ouvrage d'Albert Le Grand et continuons-en la lecture : 

« II. — SUFFRENIUS, autrement nommé SYNCRONIUS, fut évêque de Rennes après que Maximin se fut retiré, et commença à siéger l'an 67, la dernière du pontificat de sainct Pierre, la seconde année de la première persécution suscitée par l'empereur Néron contre l'Eglise, nonobstant laquelle il continua la conversion des Renais, ruina un temple dédié à la déesse Isis, situé hors la ville (c'est le lieu où est de présent l'abbaye de Sainct-Georges), purgea la Tour qu'ils nommaient la Vision des Dieux, qui estait comme leur Panthéon (et c'est où de présent est la grosse horologe), et y fit un oratoire pour la commodité des fidelles, dont le nombre allait croissant de jour à autre, lesquels il gouverna jusqu'à l'an 102. Du temps de ce prélat sainct Clair, envoyé par sainct Lin ès Gaules,  alla à Nantes passant par Vitré et y prescha la parole de Dieu et convertit bon nombre de peuple et luy réussit si heureusement, qu'il eut le crédit de convertir leurs temples en églises » (Chronologie des Evêques de Rennes). 

Rien ne nous prouve, malheureusement, l'exactitude de tous ces détails de l'épiscopat de Suffrénius ; mais remarquons la tradition relative à saint Clair, premier évêque de Nantes. Les Bollandistes admettent volontiers les prédications de ce saint vers la centième année de l'ère chrétienne ; l'abbé Déric lui-même, quoique ennemi des traditions recueillies par Albert Le Grand, croit que saint Clair évangélisa non-seulement Nantes, mais encore Rennes et Vannes, et l'on sait, en effet, qu'il mourut à Réguiny, dans ce dernier diocèse. Sans admettre formellement le séjour de ce saint missionnaire à Vitré, — ce qui semble très-peu probable, car Vitré n'existait point alors, selon M. de la Borderie, — on peut du moins croire qu'il prêcha l'Evangile dans une partie de notre diocèse. 

Nous ne savons absolument sur les deux évêques Rambert et Servius, que ce qu'en dit Albert Le Grand dans ces termes : 

« III. — RAMBERTUS fut esleu par les fidèles après la mort du précédent l'an 102, sous le pontificat du pape sainct Anacletus et l'empire de Trajan ; il gouverna son église pendant la troisiesme persécution, commencée par Trajan l'an 99 et continuée par son successeur Adrien, et mourut la première année d'Antonius Pius qui fut l'an 139 de Jésus-Christ

« IV. — SERVIUS fut appelé par les fidèles au gouvernement de l'église de Rennes l'an 139, sous le pontificat de saint Xixte premier du nom, martyr, la première année d'Antonius Pius, et gouverna paisiblement son troupeau jusqu'en l'an de salut 163, le second de l'empire de Marc-Aurèle » (Chronologie des Evêques de Rennes). 

Arrivons à saint Just, qui mérite bien d'attirer quelques instants notre attention, et écoutons d'abord notre vieil hagiographe : 

« V. — S. JUSTUS succéda au gouvernement de cette église (de Rennes), la mesme année 163, sous le pape sainct Pie premier du nom, martyr, l'empereur Marc-Aurèle, Antonin Vérus et Lucius Commodus son frère, lequel suscita la quatriesme persécution contre les chrestiens, l'an 178, en laquelle ce prélat fut enveloppé ; car les payens ayans remis les idoles que ses prédécesseurs avaient ostez de la Tour des Dieux et du temple d'Isis, ce sainct prélat, ne le pouvant endurer, les en reprint et leur prescha publiquement la foy de Jésus-Christ, à raison de quoy il fut appréhendé, et, ayant refusé d'adorer les idoles, après plusieurs tourments, on le mena hors la ville et y eut la teste tranchée, au lieu où il y a une chapèle de son nom, dite Saint-Just, entre les monastères de Sainct-Melaine et des Carmelines. Il fut martyrisé l'an 180 » (Chronologie des Evêques de Rennes). 

Au XVIIIème siècle, on publia, en 1761, dans le Dauphiné, l'Histoire de la sainte Eglise de Vienne, par Charvet. Cet auteur y parle d'un saint Just qu'il dit avoir été le cinquième évêque de Vienne et avoir vécu sous les empereurs Antonin, Lucius Vérus et Marc-Aurèle. C'est bien, comme l'on voit, l'époque où vécut le saint Just mentionné dans le manuscrit de Rennes, et c'est alors qu'eut lieu le combat des martyrs de Lyon et de Vienne, si justement célèbres dans l'histoire de l'Eglise de France. Les actes de ces martyrs, qui nous ont été heureusement conservés en partie, ne nous parlent point toutefois de l'évêque de Vienne, et « ce silence, dit Charvet, a donné lieu à une grande diversité de sentiments. Les uns ont pensé qu'il (saint Just) était mort et que le siège (de Vienne) était vacant ; les autres qu'il était caché ; et c'est le sentiment que j'ai suivi, parce qu'il me parait le plus vraisemblable. Saint Adon assure, dans sa chronique, qu'il avait été envoyé en exil » (Vies des Saints de France, II, 162).

Cette dernière opinion était respectée dans le Dauphiné, et l'on y désignait même le lieu d'exil de saint Just, puisqu'un chanoine de Vienne, nommé Clément Durand, fit faire, en 1667, des peintures, dans la cathédrale de cette ville, représentant le martyre des saints de Vienne et de Lyon, et accompagnées de cette inscription : « Origine du Christianisme et du martyre des chrétiens dans les Gaules, par saint Crescent... saint Zacharie... saint Martin... saint Vère... et saint Just exilé dans la côte Armorique et reconnu évêque et premier martyr de Bretagne ; tous cinq archevêques de Vienne du premier et du deuxième siècles  » (Vies des Saints de France, II, 162). 

Mais si vraiment saint Just, d'abord évêque de Vienne, puis exilé en. Bretagne, a été martyrisé à Rennes, comment se fait-il, dira-t-on, qu'il soit si peu connu dans notre pays ? 

A cela nous répondrons d'abord que le souvenir de saint Just n'était pas perdu jadis à Rennes, puisqu'on y avait élevé une chapelle en son honneur ; cette chapelle existait encore à la fin du XIXème siècle ; elle dépendait de l'abbaye de Saint-Melaine, et elle donnait son nom à une barrière voisine et à tout un quartier appelé la Barre Saint-Just. Bien plus, les religieux Bénédictins de Saint-Melaine faisaient tous les ans, le 2 juin, l'office de ce saint évêque ; et plusieurs fois il est fait mention, dans le Cartulaire de l'Abbaye de Saint-Sauveur de Redon, des reliques de saint Just honorées dans nos contrées aux IXème et Xème siècles. 

Ainsi, par exemple, en 913, une difficulté s'étant élevée entre les moines de Redon et trois Bretons nommés Howen, Catlowen et Urveian, ces derniers donnèrent solennellement des garanties à l'abbé Catluiant au sujet des terres de Brufi, du Bot et de Morionoc qui étaient en litige ; à cet effet, ils jurèrent par la tête et toutes les reliques de saint Just martyr, « juraverunt per caput sancti Justi martiris et per totas ejus reliquias » (Cartulaire de l'abbaye de Redon, 222). Déjà un demi-siècle auparavant, vers 854, quatre autres Bretons, Dinaerou, Winmochiat, Branhucar et Anaucar, avaient fait le même serment dans l'église de Sixt, ce qui nous prouve que les reliques de saint Just reposaient alors dans cette paroisse, l'une des plus anciennes de nos contrées (voir l'acte intitulé « Sancti Justi judicium » dans le Cartulaire de Redon, p. 37). Il paraît même que les Bénédictins de Redon construisirent un monastère en l'honneur de ce saint, et que l'église de ce prieuré, dédiée à saint Just, devint plus tard l'église paroissiale d'Allérac ; par suite, la paroisse d'Allérac prit elle-même le nom de Saint-Just, qu'elle porte encore à la fin du XIXème siècle (nota : La paroisse d'Allérac est plusieurs fois mentionnée dans les actes du XIIIème siècle insérés dans le Cartulaire de Redon). 

Il demeure donc bien avéré qu'un évêque du nom de Just fut martyrisé à Rennes, probablement pendant la persécution de Marc-Aurèle, et que les reliques de ce martyr furent ensuite précieusement conservées et honorées par les moines de Redon dans la paroisse de Sixt, pendant qu'à Rennes une chapelle rappelait son souvenir. Cela doit suffire pour nous porter à vénérer la mémoire de ce saint prélat, malheureusement trop peu connu maintenant dans notre diocèse. Des deux autres évêques martyrs, successeurs de saint Just sur le siège de Rennes d'après Le Grand et Du Paz, nous ne savons que ce qu'en disent ces historiens. 

« VI. — HONORATUS, esleu l'an 181, sous le pape sainct Eleuthère martyr et l'empereur Commode fils de Marc-Antonin, essuya la cinquiesme persécution, suscitée par l'empereur Sévère l'an 201, et la sixiesme suscitée par l'empereur Maximin l'an 236, en laquelle il souffrit beaucoup : et enfin appréhendé pour la foy en la septiesme sous l'empereur Decius, il eut la teste trenchée, hors la ville de Rennes, par sentence du préfet Licinius Gallus, l'an de salut 253, ayant régi son Eglise soixante-et-douze ans ».  

« VII. — PLACIDUS gouverna son Eglise sous les papes sainct Corneille, sainct Luce I, sainct Estienne I, sainct Sixte II, martyrs, sainct Denis I, sainct Félix I, Eutichian, Caius et Marcellin, martyrs, depuis l'an 254, sous les empereurs Gallus et Volusian, Valérien et Galien (qui suscitèrent la huitiesme persécution l'an 259, Claude, Aurélien (qui suscita la neuviesme persécution l'an 273), Tacite, Florian Probus, Carus et ses fils Carin et Numérian, et parvint jusqu'au temps des empereurs Dioclétien et Maximian, cruels ennemis de Jésus-Christ et de sa religion, qui suscitèrent la dixiesme et plus cruelle persécution contre les chrétiens, en laquelle ce prélat fut martyrisé l'an 303 » (Chronologie des Evêques de Rennes). 

Quant à saint Lunaire, dont parle ensuite le Père Albert Le Grand, nous nous étonnons, avec les Bollandistes, que notre vieil hagiographe breton ait méconnu les actes de ce bienheureux (dont nous aurons occasion de parler plus tard), au point de le placer sur le siège de Rennes dès le IVème siècle, tandis qu'il fut contemporain de Judual, roi de Domnonée en 554, et qu'il semble n'avoir été qu'un évêque régionaire, sans siège fixe. Rien ne prouve donc l'authenticité de la notice suivante, par laquelle le Père Albert termine sa chronologie des huit prétendus premiers évêques de Rennes : 

« VIII. — S. LEONORIUS, communément appelé S. LUNAIRE, fut esleu après le martyre de son prédécesseur l'an 303, sur la fin de l'empire des impies Dioclétian et Maximien, sous le pontificat de sainct Marcellin, pape et martyr. De son temps l'empereur Constantin le Grand commenda de fermer les temples des idoles par tout son empire, et qu'on édifiast des églises en l'honneur de Jésus-Christ. Les fidèles de Rennes ne furent des derniers à exécuter ce commandement et abattre les idoles du temple de la ville, lequel ce prélat purgea et dédia à Dieu sous le patronage et invocation du prince des apostres sainct Pierre et y transféra son siège cathédral de la chapelle de Nostre-Dame de la Cité, l'an de grâce trois cens dix-neuf. Il gouverna son évesché jusques à l'an trois cens cinquante et sept qu'il décéda en paix et fut enseveli dans sa cathédrale »

En 1619, six ans avant d'avoir rédigé avec le Père Albert la chronologie qui précède, le Père Augustin Du Paz, publiant son Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, avait ajouté à la fin du volume un catalogue assez bref des évêques de la province ; en tête de ceux de Rennes il avait placé « sainct Médéran qui vivoit du temps de sainct Julien évesque du Mans et de sainct Martial évesque de Limoges, et par conséquent du temps des apostres ; sainct Justin martyr ; — S. Riotisme, du temps que les Bretons de la Bretagne insulaire dite la Grande-Bretagne passèrent la mer avec Maximin Clemens esleu empereur en l'isle, par tumulte et sédition militaire contre l'empereur Gratian, et s'habituèrent en cette province Armorique dite d'eux la moindre ou petite Bretagne, l'an de grâce 383 (nota : on assure, dit Déric, que Riothime fut sacré par saint Martin – Histoire ecclésiastique de Bretagne, 170) ; — S. Electran ; — S. Jean surnommé l'Abbé. « J'ai appris, dit en terminant le Père Du Paz, les noms des cinq susdits évesques d'un Mémoire que j'ai trouvé à la fin d'un vieil et fort ancien bréviaire manuscrit sur parchemin en la bibliothèque de l'église cathédrale de Sainct-Pierre  » (Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, p. 859). 

Comme nous l'avons vu précédemment, une autre découverte faite dans la même bibliothèque du chapitre de Rennes fit abandonner au Père Du Paz cette liste, dont il ne conserva que saint Just. Toutefois le Père Albert Le Grand ne voulut pas perdre cette première série de noms d'évêques qu'avait imprimée son confrère, et, ne pouvant plus les conserver en tête de son catalogue, il imagina de les placer à la suite des huit prélats dont le Père Du Paz venait de lui dresser la chronologie ; de là cette suite d'évêques nommés Modéran Ier, saint Riothime, saint Electran et saint Jean l'Abbé, qui n'a rien de sérieux. Voici, à titre de pure curiosité, cette suite de la Chronologie des Evêques de Rennes, par le Père Albert Le Grand : 

« IX. - MODERANNUS I commença à siéger l'an 358 sous le pape saint Libérius et les empereurs Constantin II, Constance et Constans, enfants du grand Constantin, et gouverna son Eglise pendant la persécution de Julien l'Apostat. De son temps, l'an 383, Flave Maxime Clémens passa de la grande en la petite Bretaigne pour aller combattre l'empereur Gratian, et Conan Mériadec ayant conquis la Bretaigne Armorique, en fut couronné roy par ce prélat en son église cathédrale, laquelle ville luy avait été rendue par Sulpitius Gallus, capitaine de la garnizon romaine qui y estait. Ce couronnement se cotte l'an 385. Ce prélat décéda l'an suivant »

« X. - S. RIOTISMUS fut présenté par le roy Conan au chapitre de Rennes qui l'esleut au mois de may l'an 386, sous le pape saint Sirice et l'empereur Théodose, et, la mesme année, il présida pour le clergé à l'assemblée des Etats à Rennes, où le roy Conan, de l'advis de toute l'assemblée, establit en ladite ville de Rennes le chef de toute la justice de son royaume et un juge particulier pour le comté de Nantes. Il mourut, l'an 392, après avoir assisté aux obsèques du roy Conan, en la ville d'Occismor en Léon, et couronné le roy Grallon en son église cathédrale, l'an 388 »

« XI. - S. ELLERANNIUS autrement ELECTRANUS fut sacré par les mesmes pape et prince et mourut l'an 403 »

« XII. - S. JEAN, surnommé l'Abbé, fut sacré l'an 403, sous le pape sainct Innocent premier du nom, les empereurs Arcade et Honoré, enfans du grand Théodose, et le roy Grallon, aux obsèques duquel il assista en l'abbaye de Landt-Tevenec en Cornouaille, l'an 405, et de là accompagna le prince Salomon à Rennes, qui reçeut la couronne de sa main en sa cathédrale. Il mourut, l'an 450, après avoir couronné trois autres roys en sadite cathédrale, à scavoir le roy Audran l'an 412, Budik son fils, l'an 438, et Hoël, premier du nom, surnommé le Grand, l'an 448. » (Chronologie des Evêques de Rennes). 

Ces prétendus Etats de Bretagne au IVème siècle, ces couronnements chrétiens et ce fabuleux roi Conan Mériadec, qu'a tué la critique historique, nous feraient sourire s'ils ne nous attristaient pour celui qui accepta de tels contes : ce sont ces malheureux fruits de sa crédulité qui ont tant amoindri aux yeux des hommes sérieux le pieux et aimable Père Albert Le Grand ! 

D'après ce qui précède, l'on voit combien sont pleines d'obscurité les origines du diocèse de Rennes. Evidemment bien des fables se sont trouvées mêlées aux récits des Pères Du Paz et Le Grand ; leur chronologie n'est point d'accord avec la saine critique historique, et nous avons longtemps hésité à reproduire leurs catalogues des premiers évêques de Rennes. Ne pouvons-nous pas conclure cependant que de l'ensemble des traditions parvenues jusqu'à nous découle le fait tout au moins probable de l'évangélisation de notre diocèse au Ier siècle de l'ère chrétienne ? Ne pouvons-nous pas croire que dès les temps apostoliques la lumière de la foi apparut un instant dans la ville de Rennes ? Ne pouvons-nous pas admettre le passage de saint Maximin dans nos murs, puisque le culte de ce bienheureux missionnaire y subsistait encore au XVIIème siècle ? Pourquoi rejetterions-nous cette tradition du sang de nos premiers apôtres fécondant cette terre de Rennes qui porte encore le nom de saint Just ? Pourquoi n'admettrions-nous pas que Dieu, dans sa bonté, suscita de temps à autre, durant les quatre premiers siècles, quelques pasteurs, évêques et zélés missionnaires, pour entretenir les Rennais dans la sainte religion que leur avaient prêchée les disciples des Apôtres ? 

Ce grand fait de l'évangélisation du pays de Rennes dès le commencement du christianisme en Occident, ou tout au moins vers la fin du Ier siècle, nous semble donc très-admissible, sinon très-certain. 

Mais nous n'admettons pas dans notre pays l'existence d'un évêché régulièrement établi dès cette époque reculée ; nous ne croyons point à une série chronologique et non interrompue d'évêques de Rennes depuis l'an 67 jusqu'en 439, époque où nous apparaît Fébédiolus, le premier pasteur de notre diocèse dont l'existence est hors de toute contestation. Aussi n'avons-nous pas voulu faire figurer les listes précédentes dans notre catalogue historique des évêques de Rennes, qui occupera le chapitre suivant, quoique nous n'ayons pas cru pouvoir non plus les passer sous silence, comme ont fait d'autres historiens. 

Disons maintenant comment se forma le diocèse de Rennes. 

Lorsque le divin flambeau de l'Evangile éclaira pour la première fois le territoire formant notre Bretagne moderne, ce pays était habité par cinq peuples gaulois que César avait soumis à Rome : les Nannètes, les Vénètes, les Osismes, les Curiosolites et les Redons ; quelques auteurs y joignent même les Diablintes, partageant avec les Curiosolites nos côtes septentrionales. Nous n'avons à nous occuper ici que des Redones ou Redons, dont la capitale était Condate, aujourd'hui Rennes, et qui possédaient aussi Sipia, actuellement Visseiche, et Fines, qu'on croit être Feins. 

Quelles étaient les limites de la contrée occupée par ce peuple ? Les Redons étaient bornés au Sud par le cours du Samnon, à l'Est par le territoire des Andégaves, des Diablintes et des Abrincates (habitants d'Angers, de Jublains et d'Avranches), à l'Ouest par le cours de la Vilaine, depuis l'embouchure du Samnon jusqu'à celle du Meu, puis par le cours du Meu et peut-être par celui de la Rance jusqu'à la mer. Je dis peut-être, parce que les bornes des Redons, au Nord, sont difficiles à fixer. Une seule chose certaine, c'est que ce peuple atteignait les rivages de la mer, puisque Jules César le range formellement parmi les peuplades maritimes des Gaules. M. de la Borderie pense que les Redons possédèrent tout notre littoral, sauf le territoire fort restreint d'Aleth, qui pouvait, dit-il, appartenir aux Curiosolites (Annuaire de Bretagne, 1862, p. 117). 

Mais d'autres auteurs donnent, les uns à ces mêmes Curiosolites, les autres aux Diablintes, toute la partie des anciens diocèses de Dol et de Saint-Malo comprise à l'Est du Meu et de la Rance ; en conséquence, ils attribuent aux Redons pour limite septentrionale la ligne de coteaux élevés qui s'étend de Montfort-sur-Meu à l'embouchure du Couasnon (Couësnon), — près desquels se trouve le bourg de Feins, devant son ancien nom de Fines à cette situation de poste frontière, — et la portion de la côte alors contiguë au Mont-Jou, aujourd'hui Mont-Saint-Michel, qui n'était pas encore une île, comprise entre l'embouchure du Couasnon et celle de la rivière de Sélune (nota : c'est l'opinion de M. Kerviler –  voir les Mémoires de l'Association Bretonne, 1873, p. 63). 

Tel était donc, aux premiers siècles de l'ère chrétienne, le territoire occupé par les Redons, telle était ce qu'on appelait alors la civitas Redonum ; la civilisation romaine y avait pénétré avec les vainqueurs des Gaulois, comme le témoignent encore de nos jours les monuments dont on retrouve les ruines ; la population gauloise s'était même tellement trouvée mêlée à l'élément romain, qu'on la désigne dès lors sous le nom mixte de gallo-romaine. Toutefois remarquons, avec M. Kerviler, que de toutes les peuplades armoricaines « la civitas des Redones fut celle qui subit le moins de changements pendant l'occupation romaine ; non seulement ses limites restèrent les mêmes, mais aucune nouvelle ville ne s'établit sur son territoire, le nom seul de Condate se transforma, pour devenir celui de la civitas Redonum, d'où vient le Rennes d'aujourd'hui  » (Mémoires de l'Association Bretonne, 1873, p. 83). 

Quoique l'on puisse dire d'une manière générale que les évêchés gallo-romains se sont ordinairement formés d'après les anciennes civitates, adoptant leurs limites et prenant leurs capitales, rien ne prouve cependant que le diocèse de Rennes n'ait pas fait exception à cette règle. « Je regarde comme assuré, dit M. de la Borderie, que l'évêché de Rennes, gallo-romain d'origine, existant authentiquement dès 439, n'atteignit pas les limites de la cité gauloise des Redons, puisqu'il n'embrassa jamais ce grand canton situé à l'Est du Meu et de la Rance, compris jusqu'en 1789 dans les diocèses de Dol et de Saint-Malo » (Annuaire de Bretagne, 1862, p. 118). 

« Si ce canton resta en dehors du diocèse de Rennes, ajoute le même historien, c'est que le paganisme y persista compact et vivace jusque dans la seconde moitié du VIème siècle, comme on le voit par les actes de nos saints bretons, Samson, Suliac et Malo ; c'est que l'idolâtrie n'y fut détruite que par l'influence des émigrations bretonnes, qui firent tout naturellement passer ce territoire sous l'autorité civile des princes bretons et sous la juridiction spirituelle des évêques de même nation, auxquels il devait d'ailleurs la lumière de l'Evangile » (Annuaire de Bretagne, 1862, p. 117). 

Le diocèse gallo-romain de Rennes, moins considérable que la civitas Redonum, n'atteignit donc probablement jamais le littoral de la mer (nota : Cela n'est pas tout à fait certain, car M. Kerviler, prétendant que les Redons possédaient le Mont-Jou (Mont-Saint-Michel) sans avoir tout notre littoral actuel, croit que le diocèse de Rennes eut dans l'origine les mêmes bornes que ce peuple. « Remarquons, dit-il, que la rivière Sélune forme une limite très-naturelle au Nord, de Ducey à Saint-Hilaire, et que son affluent, la Glaine, continue parfaitement cette frontière à l'Est, de Saint-Hilaire au Loroux ; tandis que l'ancienne limite Nord de l'évêché de Rennes, ainsi que la limite actuelle du département d'Ille-et-Vilaine entre Louvigné-du-Désert et Antrain, n'est indiquée par aucun accident topographique ; elle est complètement arbitraire et provient sans doute de donations de paroisses fort anciennes, détachées du territoire primitif des Redones » (Mémoires de l'Association Bretonne, 1873, p. 63). De bonne heure il dut se trouver circonscrit dans les limites que voici et qu'il conserva jusqu'en 1790 : « Au Nord, il avait les mêmes bornes que le département d'Ille-et-Vilaine jusqu'auprès de Pleine-Fougères. De ce point, la ligne de délimitation suivait un petit affluent du Couasnon, qui coule au Sud de la paroisse ; elle prenait, entre Trans et La Boussac, la direction du Midi jusqu'à la forêt de Tanouarn, qu'elle laissait au Nord ; puis descendant vers Hédé, elle venait rejoindre le Flusel, un affluent du Meu. Le cours de ces deux rivières dessinait la limite du diocèse jusqu'au confluent du Meu avec la Vilaine, sous Blossac ; à partir de là, c'était la Vilaine qui bordait l'évêché » (M. de Courson, Prolégomènes du Cartulaire de Redon, p. CXXV), dans l'origine jusqu'à l'embouchure du Samnon à Pléchâtel. Cette dernière rivière forma, en effet, la limite méridionale de notre diocèse jusqu'au IXème siècle, époque à laquelle certaines paroisses furent distraites de l'évêché de Nantes et incorporées à celui de Rennes. Quant à l'ancienne frontière de notre diocèse, du côté de l'Anjou et du Maine, c'était la délimitation orientale du département d'Ille-et-Vilaine, en remontant au Nord jusqu'à Louvigné-du-Désert. 

Résumons en peu de mots tout ce chapitre. Dès le premier siècle de l'ère chrétienne, quelques prédications évangéliques durent être faites dans le pays des Redons, mais il fallut les grandes missions du IIIème siècle, dont parle Grégoire de Tours, pour que ces germes de christianisme produisissent des fruits durables ; encore l'existence authentique d'un diocèse de Rennes régulièrement organisé ne nous apparaît-elle qu'au commencement du Vème siècle. Cent ans plus tard, au temps de saint Melaine, on retrouvait des païens, attachés au vieux culte des druides, dans la contrée que nous habitons ; ce qui n'était pas étonnant d'ailleurs, car nos voisins les Vénètes étaient encore presque tous idolâtres (« Erant enim tunc temporis Venetenses pene omnes  gentiles » - Vita Sancti Melanii, apud Bollandum, Januar, I, 331). Quant aux limites de ce diocèse de Rennes, à la tête duquel se trouvait Fébédiolus en 439, elles étaient à peu de chose près celles qui subsistèrent jusqu'en 1789.

(extrait du Pouillé de Rennes)

 © Copyright - Tous droits réservés.