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LA NEF DE L'ÉGLISE ABBATIALE DE REDON.

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La nef dans son ensemble est romane, et même antérieure au douzième siècle, époque où elle fut l'objet de remaniements très importants ; mais, après l'incendie de 1780, on lui fit subir à la fois une mutilation et un « déguisement » qui lui firent perdre tout caractère.

La « Gazette de France » du 27 juin 1780 contenait les lignes suivantes : « On écrit de Redon en Bretagne que la nuit du dernier de mai au premier de ce mois le feu a pris à l'église de l'abbaye Saint-Sauveur et l'a consumée depuis l'orgue placé au bas de la nef jusqu'au chœur, dans une longueur de cent quatre-vingt-quatre pieds sur soixante-six de large. On ne voit plus que des piliers et des murs calcinés. Les secours des habitants et du régiment Mestre de camp Dragons ont sauvé le chartrier de l'abbaye, la procure, les maisons voisines, ainsi que le rond-point, les chapelles et l'aile droite du bâtiment des religieux. Ce malheur est la suite de l'imprudence de l’organiste qui a laissé du feu dans l'orgue où la veille il avait soudé quelques tuyaux. Heureusement il n'a péri personne dans ce désastre qui cause à l'Abbaye une perte de deux cent mille livres ».

Les ressources des moines étaient alors trop réduites pour qu'ils aient pu songer, même avec l'aide des autres abbayes de l'Ordre, à reconstruire la nef telle qu'elle était avant l'incendie ; aussi adoptèrent-ils une solution, inspirée par Jacques Piou, « ingénieur général des Eaux et Forêts au département de Bretagne », dont le seul mérite est d'avoir été économique et d'exécution facile.

On commença par supprimer les cinq premières travées à partir de l'entrée, c'est-à-dire que l'on rasa la nef sur une longueur d'une vingtaine de mètres, et que l'on appliqua sur ce qui en restait une façade dénuée de toute valeur architecturale. On abaissa le sommet des murs dont les parties hautes avaient particulièrement souffert ; au collatéral nord, on détruisit quelques unes des fenêtres basses, on en aveugla d'autres, et l'on ouvrit de navrantes baies en demi-lunes on mura tontes celles du collatéral sud, ainsi qu'une curieuse porte donnant dans le cloître. Puis l’ont recouvrit le tout, nef et collatéraux, d’une grande toiture en carène de navire.

A l’intérieur, on retailla les chapiteaux romans de façon à rendre les colonnes unies, et l'on noya piliers et chapiteaux dans le plâtre pour donner à l'ensemble un style dorique bien dans le goût de l'époque.

C'est l'heureuse initiative de M. le chanoine Hus qui a permis il y a une dizaine d'années de se rendre compte de ces dernières transformations. Il fit débarrasser de leur gangue et soigneusement décaper en refaisant les joints toutes les arcades de la nef. On se trouva alors en présence d'une série de piles rectangulaires aux colonnes engagées à l'intérieur des arcades, surmontées seulement de tailloirs profilés d'une bande au-dessus d'un biseau. Les assises de ces colonnes ne pénètrent que de deux en deux dans la masse de la pile à laquelle les intercalaires ne sont qu'adossées, et les assises pénétrantes sont toutes formées de deux pierres jumelées, les joints de la colonne et de la pile ne correspondant pas toujours.

Quant à l'arcade, légèrement surhaussée, elle est constituée d'un simple rouleau de claveaux très réguliers et échantillonnés, tous de même longueur, dont aucune des queues ne pénètre dans le cintre de l'arcade.

Toute cette construction ne fait donc pas corps avec le mur de baie à l'intérieur de laquelle elle a été élevée, Si l'appareil des colonnes engagées est bien l'appareil breton du douzième siècle celui des piles rectangulaires est d'aspect sensiblement plus archaïque. Il faut en conclure que, comme pour les grandes arcades de la croisée du transept, on relança au douzième siècle — et probablement avant 1127 — des appareillés supportés par des colonnes engagées à chapiteaux corinthiens sous les simples baies des murs de la nef d'une église partiellement réédifiée cent ans plus tôt.

Au mur du bas-côte nord, on voit encore un contrefort plat de grand appareil à larges joints, avec pierres plates sur champ intercalées, et une porte latérale bouchée, percée à travers une maçonnerie antérieure. Ce sont là deux vestiges des travaux qui transformèrent la nef au onzième siècle.

Pendant l'hiver 1912-1913, sous la savante direction de M. Léon Maître, alors archiviste de la Loire-Inférieure, d’importantes fouilles furent effectuées dans la nef, un peu au-dessous de la chaire et du banc-d'œuvre. Elles amenèrent la découverte, à une profondeur de près de deux mètres, sous l'ancien dallage, d'une sépulture vide formée d'une fosse rectangulaire voûtée, large d'un mètre, dont les parois étaient enduits d'une couche de ciment rougeâtre épaisse de sept à huit centimètres. On dût arrêter les fouilles vers l'ouest par crainte d'éboulements, mais vers l'est, c'est-à-dire en direction du chœur, on se trouva en face d'un petit mur formé de moellons de granit de vingt-cinq centimètres d'épaisseur.

Pour avoir quelque indication sur le personnage inhumé là, il eût fallu poursuivre le travail vers l'est, et déterminer à quelle distance la tombe se trouvait du chevet de l'église primitive. Une sorte de règle datant des premiers siècles voulait en effet que l'agrandissement d'une église se fit en nos régions par allongement du côté du chœur, c'est-à-dire vers l'orient. Si donc l'on eût établi que l'extrémité est de la fosse était voisine du chevet antique, M. Maître pensait que l'on eût pu se croire en présence de la sépulture du fondateur de l'abbaye, l'expression « ad-orientalem plagam » s'appliquant fort bien à cet emplacement [Note : Dans la suite, à une date non précisée, les restes de saint Conwoïon furent retirés du tombeau, prirent place dans le « coffre aux reliques » de l'abbatiale].

La guerre de 1914 vint arrêter les fouilles qui depuis lors n'ont pas été reprises ; la tombe a été comblée de sable et son emplacernent marqué par une dalle de granit que sa teinte plus claire fait ressortir au milieu de celles qui l'entourent.

Y a-t-il mieux sous ce dallage, et une crypte existe-elle. Sous la nef actuelle ? Sur ce point nous n'avons qu'un témoignage de valeur assez mince que nous croyons cependant intéressant de rapporter.

Vers 1855, l'abbé, Pichot, curé de Redon (décédé en 1869), après avoir déterminé l'emplacement de cette crypte, serait parvenu à la faire ouvrir et y serait descendu accompagné de plusieurs membres de son Conseil de fabrique. Un enfant de chœur qui s'y était glissé à leur suite racontait cinquante ans plus tard au Comte de Laigue quelle impression sinistre lui avait laissée cette petite salle basse, noire comme une cave, dont la voûte reposait sur de gros piliers et sur le sol de laquelle il y avait des médailles au des pièces de monnaie. Le narrateur ajoutait, que des chauves souris effarouchées voletaient de tous côtés, détail qui surprend, car il semblerait indiquer que cette crypte aurait eu, donnant à l'extérieur, quelque ouverture dont on ne trouve pas trace.

En comparant l'emplacement probable de ces fouilles de 1855 (dont il est étrange qu'aucune relation n'ait subsisté) et celui des fouilles de 1912-1913, on en revient à se demander si la prétendue crypte n'était pas tout simplement la sépulture que trouva M. Maître, autour de laquelle aurait largement brodé plus ou moins consciemment l'ancien enfant de chœur, doué de plus d'imagination que de mémoire. Seuls, de nouveaux travaux pourront donner la solution de cette énigme.

(R. de Laigue).

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