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LE MAÎTRE-AUTEL DE L'ÉGLISE ABBATIALE DE REDON.

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Note : Dans ce chapitre, tout ce qui à trait à Tugal Caris, aux autres sculpteurs et peintres qui travaillèrent pour Saint-Sauveur, et aux dépenses de ces embellissements a été tiré d’une communication du plus haut intérêt faite en 1923 par M. Bourde de la Rogerie, alors archiviste d'Ille-et-Vilaine.

On sait peut de choses de ce qu'était le maître-autel de l'église abbatiale avant sa complète reconstruction. En 1624-1626, les religieux y avaient fait exécuter par un bon menuisier-sculpteur de Rennes nommé Fousset ou du Faucet un « tabernacle » qui n'avait pas coûté moins de douze cents livres. On nommait tabernacle à cette époque, fait remarquer M. de la Rogerie, non seulement cette sorte de petite armoire à laquelle nous réservons maintenant ce nom, mais la partie de l'autel qui la surmontait, et aussi les « ailes », c'est-à-dire les panneaux décoratifs placés au-dessus des gradins qui reposaient sur l'autel proprement dit. Ces tabernacles au dix-septième siècle étaient souvent monumentaux.

Un document de 1633 ayant pour auteur le marquis de Molac, gouverneur de Nantes, s'exprime ainsi : « Le grand et principal autel de l'église est enrichi d'une figure du Crucifix, laquelle est d'argent et d'une excessive grandeur et attachée à une croix aussi couverte d'argent. Elle est accompagnée de deux images de la Vierge et de Saint Jean, aussi d'argent, qui ont été données à l’église… ».

Le Cardinal de Richelieu ayant été abbé commendataire de Saint-Sauveur de 1622 à sa mort (1642), on a souvent attribué à ses libéralités la construction et la décoration du maître-autel et du grand rétable du chœn, ainsi que des autels des chapelles Saint-Etienne et Notre-Dame du Puits [Note : Ce sont les chapelles actuelles du Rosaire et du Sacré-Cœur], tous édifiés de 1634 à 1636. Le fait est inexact : non seulement le Cardinal ne contribua, en rien à solder ces travaux qui, pour le maître-autel seul coûtèrent plus de dix milles livres (somme considérable pour l'époque) ; mais, tandis que les moines se saignaient pour payer architecte, sculpteurs et peintres, leur abbé, commendataire « chipotait » au sujet des réparations à entreprendre au manoir abbatial...

Il existe aux Archives d’Ille-et-Vilaine une requête adressée au Cardinal par les religieux le 6 octobre 1640, dans laquelle ils lui déclarent « que depuis quinze ans ils ont réparé leur église qui s'en allait ruinée, qu’ils ont fait rebâtir les autels démolis, entre autres le grand autel, avec une splendeur et majesté répondant en quelque façon à la dignité du lieu, qu'ils ont construit dernièrement un autel dédié à la Sainte Vierge conformément au vœu de Sa Majesté Louis XIII, avec portraits, appension et armes de Richelieu, qu'ils ont acheté plusieurs ornements, etc… ».

Ils concluaient en priant leur Abbé commendataire de désigner quelqu'un pour visiter l'abbaye, constater l'état des bâtiments et noter ceux dont la reconstruction s'imposait. Le Cardinal désigna le sénéchal de Redon, Jean Mahé, seigneur du Landa, puis passa avec ses religieux, le 18 mai 1641, un concordat réglant la question des travaux de réparation à effectuer. La mort le surprit alors qu'ils n'étaient pas encore terminés, et il s'en suivit une longue procédure entre les Bénédictins et dame Marie de Vignerot, duchesse d'Aiguillon, agissant au nom d'Armand-Jean du Plessis, duc de Richelieu, légataire universel du Cardinal.

En 1634, ce fut un ancien prieur de Saint-Sauveur, Dom Noël Thomas de la Régneraye, fondateur du couvent des Dames Calvairiennes de Redon, qui se signala par sa générosité en faisant don de douze cents livres « pour aider ses frères à faire un contretable (sic) au grand autel, et à l'augmentation de l'abbaye ».

Des quittances datées du 11 septembre 1634 au 5 août 1636 établissent que le « grand autel » est l'œuvre de Tugal Caris [Note : Tugal Caris, architecte sculpteur célèbre en son temps, naquit à Laval dont l'une des églises a saint Tugal pour patron ; il épousa Jeanne Barais, de Laval, eut un fils Jacques, architecte à Nantes, quatre filles, et mourut peu avant 1665. Divers auteurs ou des documents inédits lui attribuent les œuvres suivantes : autel de Vaiges (Mayenne) en 1634, autel de l'abbatiale de Redon de 1634 à 1636, autel et jubé des Cordeliers de Rennes de 1636 à 1638 ; façade de la cathédrale de Rennes (en partie) en 1640, maître-autel de la cathédrale de Tréguier, qui coûta 3520 livres et a éte détruit au XIXème siècle, second autel des Cordeliers de Rennes en 1642, travaux au Palais de Justice de Rennes de 1642 à 1647, travaux au premier couvent de la Visitation de Rennes en 1645, maître-autel de Gaël en 1650 et 1651, travaux importants à la cathédrale de Nantes de 1652 à 1655, vers 1657-1658, aidé de son fils, construction à Nantes d'une partie du couvent des Couëts et des maisons de Valeton de la Garennière et de Pradigné], qui reçut au total 6.600 livres bien que le prix convenu eût été de 4.595 livres. Peut-être lui demanda-t-on des embellissements au cours du travail et augmenta-t-on la tâche primitive acceptée par lui. Cette tâche ne comprit sans doute ni le « tableau » ni les statues.

S'il est hors de doute que le maître-autel de Saint-Sauveur et l'énorme rétable qui le domine sont absolument déplacés dans une abside du treizième siècle dont ils empêchent de voir en son entier le rond-point du chœur et ses légères arcades, cette œuvre n'en est pas pour cela dénuée de mérite : son ordonnance majestueuse et l'ampleur de ses formes sont dignes d'être remarquées.

Au sommet se voient les armoiries de l'Abbaye : « D'azur à deux crosses adossées d'or » [Note : L'Armorial de 1696 donne le champ de gueules] ; au-dessous trois grandes statues allégoriques d'un style assez mauvais mais d'une exécution très passable ; celle du milieu, qui symbolise la Foi, tenait un encensoir qui se trouvait ainsi juste au-dessus du Saint-Sacrement. La statue qui domine l'ensemble est celle de la Vierge ; celle des côtés représentent vraisemblablement saint Joachim et sainte Anne ; le centre du retable comportait un tableau de grandes dimensions qui disparu et a été remplacé par un fort beau crucifix, œuvre d'un artiste-sculpteur rennais, M. Julien Dubois [Note : Cet artiste est l'auteur de beaucoup d'autres œuvres remarquées, entre autres un christ qui se trouve à Paris en l'église Saint-Merri, une notable partie de la frise de l'Arc de Triomphe, le « Joueur d'Onchets » du musée de Rennes, etc.], dont le frère était libraire à Redon.

Malheureusement plusieurs oeuvres d'art qui ornaient le chœur et les riches verrières qui faisaient l'admiration de tous ne nous sont plus connues que par des descriptions.

Un procès verbal dressé le 14 mars 1670 par Julien Menand et Julien Janvresse, notaire royaux à Redon constatait que « devant le grand autel, du côté de l'Evangile, il y a en lieu éminent élevé deux figures de bosse à genoux et priant, l'une desquelles on tient par tradition être la figure du roi de France Louis XI qui fit voyage à Saint-Sauveur de Redon l'an 1464, et l'autre de François duc de Bretagne qui reçut avec magnificence ledit roi Louis XI dans sa ville de Redon, comme il est rapporté dans l'Histoire de Bretagne ; plus deux grands et anciens tableaux [Note : Ces deux tableaux sont reproduits dans l’Histoire de Bretagne de Dom Morice] au-devant dudit grand autel, l'un du côté de l'Epître représenttant un duc de Bretagne au bas duquel est écrit : Alain Fergent, duc de Bretagne, fut couronné à Rennes en l'an 1084, au mois d'avril, et mourut en l'an 1119 au monastère de Redon où il s'était retiré pour vaquer à l'oraison, abandonnant le royaume, terrien et temporel pour le céleste et éternel, et fut ensépulturé audit monastère en grande pompe et solennité, combien qu'en son vivant il l'eût fuie ; et en ce lieu s'assemblèrent l'archevêque de Dol, les évêques de Rennes, Nantes, Vannes, Léon, et autres évêques, abbés et prélats de la région, et des séculiers, le comte Conan son fils, Olivier de Dinan, Hervé comte de Léon, Robert et André de Vitré, Roland de Razé, Juhel de Malestroit et moult d'autres barons et seigneurs. L'autre tableau, du côté de l'Evangile, représente la duchesse de Bretagne Hermengarde, au bas duquel est écrit : Hermengarde d'Anjou, épouse d'Alain Fergent, princesse d'une rare humilité, piété et dévotion ensépulturée pareillement céans, à laquelle le bienheureux saint Bernard a écrit plusieurs épîtres, ainsi qu'il est plus long rapporté dans l'Histoire de Bretagne ».

Le marquis de Molac complète ce procès-verbal par sa description de 1633 qui s'exprime ainsi : « Les vitres et les pierres de l'église portent les marques de plusieurs bienfaiteurs de l'abbaye, entre autres Jean Ier et Jean II ducs de Bretagne peints en priants en une haute vitre du chœur ; au dessus de laquelle il y en a d'autres, deux desquelles sont les peintures et armes des seigneurs et dames de Malestroit, une de ceux de Rieux et une autre de ceux de Rochefort. En une autre verrière, les seigneurs de Méjusseaume et de la Gaudinaye, portant en surnom de Coëtlogon, ont les mêmes marques et leurs armes : de gueules à trois écussons d'hermines au lionceau d'or en abîme, écartelé d'azur au lion d'argent chappé de gueules qui est de Méjusseaume, en surnom Hattes ; et deux abbés, l'un de Saint-Méen portant les armes de Coëtlogon, l'autre de Paimpont, et un de Redon nommé Macé Le Bar [Note : Macé (ou Mathieu) Le Bar fut abbé de Redon de 1370 à 1380] et portant armes : de gueules à trois besants d'hermines. Sur le grand autel est un tabernacle doré des plus beaux et des plus grands qu'il y ait en France  » [Note : Ce tabernacle qu'admirait tant M. de Molac était celui qu'avait exécuté Fousse, en 1626 et dont nous avons parlé plus haut].

Ce furent les derniers moines qui, à la veille de la Révolution, remplacèrent par des vitres blanches ces beaux vitraux peints dont la disparition est si regrettable tant au point de vue iconographique qu'au point de vue de l'art proprement dit. Le jubé existait encore lors de l'incendie de 1780 qui le détruisit complètement. On sait qu'il était richement orné et qu'il s'y trouvait deux autels.

Quant à la très belle grille de fer forgé qui fermait l'entrée du chœur, elle fut enlevée en 1790 lors du transfert du service paroissial à Saint-Sauveur, et déposée au rez-de-chaussée de la tour gothique. Remise en place sous la Restauration, elle a été de nouveau enlevée par la suite et vendue ; elle ferme actuellement une chapelle dans une autre église paroissiale du diocèse de Rennes.

(R. de Laigue).

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